III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le projet de loi soumis à l'examen de votre commission apporte un correctif marginal à la composition des collèges sénatoriaux en augmentant le nombre de délégués supplémentaires des conseils municipaux. Des débats ont pu avoir lieu sur la nécessité d'une refonte plus globale du collège électoral sénatorial.

Malgré les débats engagés sur ce thème, le texte ne prévoit pas d'améliorer la représentation des départements et des régions au sein des collèges électoraux en créant des délégués supplémentaires élus par leurs assemblées délibérantes respectives, à l'instar des conseils municipaux pour les communes d'au moins 30 000 habitants. Dans son rapport, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique (CRDVP), présidée par M. Lionel Jospin, avait estimé que les départements et régions étaient numériquement sous-représentés par rapport aux communes.

Votre rapporteur relève qu'une telle réforme nécessiterait, en tout état de cause, une réflexion plus approfondie, du fait de l'appréciation incertaine que le juge constitutionnel pourrait porter sur la création de délégués supplémentaires pour ces deux niveaux de collectivités. En effet, il ne ressort pas clairement de la décision du 6 juillet 2000 que le Conseil constitutionnel contrôlerait la part substantielle voire majoritaire de membres du collège électoral non détenteurs d'un mandat local sur l'ensemble du collège électoral ou bien par catégorie de collectivités territoriales. Dans ce second cas, le nombre de délégués supplémentaires serait limité et devrait rester inférieur à celui des élus des assemblées départementales et régionales.

Le texte ne retient pas l'idée d'un vote « pondéré » tel que proposé par la commission présidée par M. Lionel Jospin, consistant à affecter le vote des grands électeurs d'un coefficient variant selon la collectivité territoriale qu'ils représentent, ce qui permettrait de supprimer le système des délégués supplémentaires. Ce vote « pondéré » se distingue formellement du vote plural, qui a été, pour sa part, formellement censuré par le Conseil constitutionnel 13 ( * ) , en ce qu'il ne permet pas à l'électeur de déposer plusieurs bulletins mais seulement un bulletin dont le poids est aussi important dans le décompte des voix que le coefficient dont il est préalablement affecté. Inconnu dans notre système électoral, ce système nécessiterait de diviser en plusieurs sous-collèges le collège électoral sénatorial afin de distinguer les bulletins selon leur poids respectif, ce qui ne manquerait pas de soulever la question du secret du vote lorsque les grands électeurs, à l'instar du ou des conseillers régionaux élus dans le cadre de la section départementale, sont en nombre très réduit. Plus fondamentalement, de fortes interrogations, rappelées par l'étude d'impact annexée au projet de loi, demeurent sur le plan de la constitutionnalité de ce dispositif qui heurte fortement le principe « un homme - une voix » que commandent l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et l'article 3 de la Constitution.

La proposition apportée par l'article 1 er du projet de loi, pour des raisons démographiques, ne remet pas en cause les grands équilibres de la composition du corps électoral des sénateurs. Votre commission a relevé que le Gouvernement avait fait preuve, dans la rédaction du présent projet de loi, d'une prudence inspirée par le souci de respecter les exigences constitutionnelles en ce domaine et qu'elle n'a pas remise en cause dans son principe.

S'agissant de la modification du mode de scrutin pour 25 circonscriptions que les articles 2 et 3 proposent, elle est directement inspirée de la conclusion du rapport de la CRDVP. Cette dernière avait estimé que « le mode de scrutin actuel fait une place trop grande au scrutin majoritaire », qui est démultipliée par l'effet de la logique majoritaire présente au stade de l'élection des futurs grands électeurs, nuisant ainsi à la représentation de la diversité des courants politiques. De surcroît, votre rapporteur, tout comme notre collègue Mme Laurence Cohen au nom de la délégation des droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, souligne que l'extension de ce mode de scrutin à 25 nouvelles circonscriptions et donc à 75 sénateurs élus actuellement au scrutin majoritaire favoriserait, conformément à l'objectif fixé à l'article 1 er de la Constitution, l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux.

Sur ce point, les débats au sein de votre commission ont permis de marquer certaines réserves inspirées soit par une hostilité au principe même de cette extension, soit par des doutes sur son efficacité réelle quant à l'objectif poursuivi de parité.

Enfin, votre commission s'est montrée favorable à l'initiative de son rapporteur d'interdire, pour les circonscriptions où le scrutin majoritaire s'applique, la présentation d'une candidature au second tour sans l'avoir déposée au premier tour 14 ( * ) . En effet l'article L. 305 du code électoral a maintenu la faculté, largement dérogatoire au droit commun des élections, permettant à un candidat, dans les circonscriptions où l'élection des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire, de se présenter au second tour sans l'avoir été au premier.

Lors des auditions menées par votre rapporteur, le caractère désuet de cette disposition avait été unanimement souligné. En effet, le nombre de candidats au premier tour suffit généralement à pourvoir les sièges de la circonscription. En outre, comme l'ont observé plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, il paraît plus respectueux du collège électoral et plus transparent de présenter, dès le premier tour d'une élection, sa candidature.

En revanche, contrairement à l'article L. 162 du code électoral applicable à l'élection des députés, aucun seuil de suffrages exprimés ne serait exigé pour maintenir sa candidature au second tour. La liberté de candidature au second tour, sous la seule réserve d'avoir été présent au premier tour, serait ainsi maintenue pour favoriser le pluralisme lors des élections sénatoriales.

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A l'issue de ses travaux, votre commission n'a pas adopté le projet de loi.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi déposé sur le Bureau du Sénat.


* 13 Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé , s'agissant de l'élection de juges au sein des conseils de prud'hommes, que « l'attribution de voix supplémentaires à des électeurs employeurs en fonction du nombre des salariés qu'ils occupent est contraire au principe d'égalité devant la loi ainsi qu'à la règle de l'égalité du suffrage » (CC, 17 janvier 1979, n° 78-101 DC).

* 14 Pour l'éventuel second tour, l'article L. 305 du même code prévoit que le dépôt de candidature a lieu en préfecture « une demi-heure au moins avant l'heure fixée pour l'ouverture du scrutin ».

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