B. UN TRAITEMENT EXPLICITE DES SITUATIONS DE CONFLIT D'INTÉRÊTS

Principale innovation, le projet de loi fixe une obligation d'abstention à l'égard de personnes se trouvant dans une situation de conflit d'intérêts, définie pour l'occasion comme « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à compromettre ou à paraître compromettre l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction » ( article 2 du projet de loi). Le projet de loi retient ainsi une définition large qui se caractérise par la prise en compte d'un conflit entre deux intérêts publics et non simplement entre un intérêt public et un intérêt privé comme le prévoyait le rapport de la commission présidée par M. Jean-Marc Sauvé. De surcroît, elle adopte une approche subjective laissant une place à la théorie des apparences dans la prévention des conflits d'intérêts.

En conséquence, il décline les modalités de mise en oeuvre de cette obligation pour plusieurs catégories de personnes : membres du Gouvernement, membres de collèges d'autorités indépendantes, personnes titulaires de fonctions exécutives locales, personnes chargées d'une mission de service public.

C. UNE NOUVELLE AUTORITÉ INDÉPENDANTE EN CHARGE DE LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

Mettant fin à l'existence de la commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP) ( article 22 du projet de loi), le projet de loi instaure une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) à laquelle elle reconnaît le statut d'autorité administrative indépendante ( article 12 du projet de loi).

1. Le statut et l'organisation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

A la différence de la CTFVP, sa composition ne comprendrait plus de membres de droit mais comprendrait six membres désignés à égale proportion par le Conseil d'État, la Cour de cassation et la Cour des comptes auxquels l'Assemblée nationale a finalement décidé d'adjoindre deux personnalités qualifiées nommées l'une par le président de l'Assemblée nationale, l'autre par le président du Sénat après avis conforme de la commission des lois de l'assemblée concernée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ( article 12 du projet de loi). Son président, nommé par décret du Président de la République, serait selon la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution, désigné à la condition que les avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages des suffrages exprimés au sein des commissions des lois des assemblées ne s'y soit pas opposé ( article 4 du projet de loi organique et article 21 du projet de loi)

Doté d'un mandat de six ans non renouvelable, les membres seraient désignés de telle sorte que l'égale représentation des hommes et des femmes soit assurée ( article 12 du projet de loi). Ils seraient alors soumis aux obligations déclaratives similaires aux membres des autres autorités indépendantes avec une obligation de déport en cas d'intérêt direct ou indirect détenue les trois années précédentes avec une personne ou un organisme contrôlé.

Dotée de l'autonomie administrative, cette instance pourrait faire appel des rapporteurs extérieurs désignés parmi les juridictions judiciaires, administratives ou financières.

2. Les missions et moyens d'action de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Les missions confiées par le projet de loi ( article 13 ) excèdent celles actuellement dévolues à la commission pour la transparence financière de la vie politique. Elle recevrait ainsi l'ensemble des déclarations de situation patrimoniale et d'intérêts aux fins de vérification et de contrôle ainsi que, le cas échéant, de publicité.

Elle pourrait se saisir des situations de conflit d'intérêts et éventuellement prononcer une injonction d'y mettre fin, de même qu'elle répondrait aux demandes d'avis sur des questions de déontologie soulevées devant elle par des parlementaires, des membres du Gouvernement des élus locaux, des membres des autorités indépendantes, etc.

En outre, elle se prononcerait sur la compatibilité de l'exercice d'une activité libérale ou d'une activité rémunérée dans le secteur concurrentiel parallèlement ou dans les trois années suivant l'exercice de fonctions gouvernementales ou de fonctions exécutives locales.

Enfin, outre son rapport public annuel, elle formulerait à son initiative ou à la demande du Premier ministre des recommandations en matière de prévention des conflits d'intérêts notamment s'agissant des relations avec les représentants d'intérêts et la pratique des dons.

En cas de manquement aux obligations fixées par le projet de loi (obligations déclaratives, d'abstention, etc.), la Haute Autorité pourrait être saisie par le Premier ministre ou le président de l'une des assemblées parlementaires mais également par des associations qu'elle agréerait en fonction de critères objectifs comme l'a décidé l'Assemblée nationale contrairement au Gouvernement qui envisageait, dans le projet de loi dans sa rédaction initiale, un agrément par les services de l'État.

Dans le cadre de ses missions, elle pourrait demander communication de pièces ou des explications aux personnes concernées et procéder à des vérifications par le biais de ses membres ou de ses rapporteurs.

Aux fins de mieux contrôler la situation patrimoniale des déclarants et son évolution au long de l'exercice des fonctions ou du mandat, le projet de loi organique ( article 1 er ) et le projet de loi ordinaire ( articles 4, 5 et 6 ) attribuent à la Haute Autorité des prérogatives importantes à l'égard de l'administration fiscale, dont l'actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique ne dispose pas.

On peut citer parmi ces prérogatives : le renforcement du droit d'accès aux déclarations de revenus et, s'il y a lieu, d'impôt sur la fortune, l'assistance dans la vérification de la déclaration de situation patrimoniale en début de mandat, le droit d'accès à l'ensemble des informations fiscales, y compris celles concernant le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, la mise en oeuvre du droit de communication par l'administration fiscale auprès des intéressés, le recours aux procédures d'assistance administrative internationale, la levée du secret professionnel des agents à l'égard des membres et rapporteurs de la Haute Autorité. S'y ajoute, pour les ministres, la vérification de leur situation fiscale lors de leur entrée en fonctions, afin de lever toute éventualité d'infraction à la législation fiscale ( article 8 du projet de loi).

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