Rapport n° 95 (2013-2014) de Mme Christiane DEMONTÈS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 25 octobre 2013

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N° 95

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 octobre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , garantissant l' avenir et la justice du système de retraites ,

Par Mme Christiane DEMONTÈS,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1376 , 1397 , 1400 et T.A. 223

Sénat :

71, 76 et 96 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mercredi 23 octobre 2013 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente, et après avoir entendu le mercredi 16 octobre 2013 Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, la commission des affaires sociales a examiné, sur le rapport de Mme Christiane Demontès , le projet de loi n° 71 (2013-2014) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, adopté par l'Assemblée nationale le 15 octobre 2013 après engagement de la procédure accélérée.

Après avoir rappelé les perspectives pluriannuelles des soldes des régimes de retraite, la rapporteure a précisé le contenu des mesures d'économies et de recettes mises en oeuvre dans le cadre de la réforme en vue de redresser leurs comptes à court terme et de corriger leur trajectoire financière de long terme. Elle a insisté sur les dispositions du projet de loi destinées à assurer davantage d'équité et de solidarité dans le système de retraites, en faveur des femmes, des jeunes actifs, des carrières heurtées, des handicapés et des retraités agricoles, ainsi que par la prise en compte de la pénibilité. Elle a souligné l'amélioration prévue du droit à l'information et de la coordination entre les régimes de retraite.

A l'issue du débat général, la commission a procédé à la discussion des articles du projet de loi. Elle a adopté quatre articles, notamment l'article 2 relatif à l'allongement de la durée d'assurance requise pour l'attribution du taux plein et l'article 6 relatif au compte personnel de prévention de la pénibilité. Elle a adopté un article additionnel résultant d'un amendement de la rapporteure tendant à ce que la déclaration annuelle par l'employeur de l'exposition des salariés aux facteurs de risques professionnels s'effectue par le biais de la déclaration annuelle des données sociales. Elle n'a pas adopté les autres articles du projet de loi.

A l'issue de ses travaux, la commission des affaires sociales n'a pas adopté de texte sur le projet de loi.

En application de l'alinéa premier de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites est l'aboutissement d'un long processus qui a débuté en juillet 2012 par les discussions engagées lors de la grande conférence sociale.

Suivant la feuille de route définie à cette occasion, l'élaboration du projet de loi a connu trois phases successives.

Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a tout d'abord réalisé un état des lieux du système et de ses perspectives financières aux horizons 2020, 2030, 2040 et 2060.

Sur le fondement de ce diagnostic partagé, la commission pour l'avenir des retraites a ensuite formulé des propositions, que sa présidente, Madame Yannick Moreau, a présentées à votre commission au mois de juillet dernier.

Enfin, la conférence sociale de juin 2013 a permis d'ouvrir la phase de concertation avec les partenaires sociaux avant le dépôt du texte au Parlement le 18 septembre dernier.

Le projet de loi entend poursuivre trois objectifs :

- le redressement des comptes des régimes de retraite à court terme et la correction de la trajectoire financière de long terme, à travers notamment la mise en place d'un nouveau mécanisme de pilotage annuel du système reposant sur le COR et la création d'un comité de suivi endossant un rôle d'alerte et de recommandation ;

- l'accent mis sur l'équité, avec une meilleure prise en compte de la diversité des parcours professionnels et des situations sociales dans la constitution des droits à la retraite, pour les assurés travaillant dans des conditions de pénibilité mais aussi pour les femmes et les jeunes générations ;

- l'approfondissement des démarches visant à mettre en oeuvre le droit à l'information des assurés à travers une coordination accrue entre les régimes.

Après un bref rappel des enjeux démographiques et d'équité auquel se trouve confronté notre système de retraite par répartition, votre rapporteure présentera les mesures proposées pour atteindre chacun de ces trois objectifs.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ÉQUILIBRE FINANCIER DU SYSTÈME DE RETRAITE N'EST TOUJOURS PAS ASSURÉ

Depuis les années 1990, notre système de retraite par répartition se caractérise par une évolution financière négative qui met en danger sa pérennité.

Les régimes de retraite sont en effet confrontés à une forte montée en charge des droits acquis, sous le double impact démographique de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre et de l'allongement de l'espérance de vie. A cette dégradation tendancielle du ratio démographique s'ajoute la forte sensibilité du financement du système à l'évolution économique, dans un environnement devenu plus incertain depuis la fin des Trente Glorieuses.

Face au creusement des déficits, les réformes intervenues dans les deux dernières décennies ont principalement cherché à retarder l'âge de départ à la retraite avec l'objectif d'un retour à l'équilibre à l'horizon 2020.

Aujourd'hui cependant, la pérennité financière du système n'est toujours pas garantie. Après une amélioration du solde de la branche vieillesse en 2013, l'absence de mesures de redressement nouvelles conduirait en effet à une nouvelle aggravation du déficit dès 2014 tandis que le besoin de financement du système est évalué à environ 20 milliards d'euros en 2020, dont 7,6 milliards d'euros pour les régimes de base non équilibrés par subvention et le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

A. LES RÉGIMES DE RETRAITE ONT FAIT L'OBJET DE RÉFORMES PÉRIODIQUES AU COURS DES DEUX DERNIÈRES DÉCENNIES

1. Des réformes cherchant principalement à retarder l'âge de départ à la retraite
a) L'allongement de la durée d'assurance par les réformes de 1993 et 2003

Les réformes de 1993 et de 2003 ont privilégié le levier de la hausse de la durée d'activité à travers l'allongement de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein et l'introduction de dispositifs de maintien en activité :

- le décret du 27 août 1993 relatif au calcul des pensions de retraite 1 ( * ) a porté la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein dans le régime général et les régimes alignés de 150 trimestres (37,5 ans) à 160 trimestres (40 ans) à raison d'un trimestre supplémentaire par génération ;

- la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites 2 ( * ) a quant à elle prévu l'application du principe, à compter de 2008 et jusqu'en 2020, d'un partage des gains d'espérance de vie à 60 ans entre la durée d'assurance requise pour le taux plein (à hauteur des deux tiers) et la durée passée en retraite (un tiers) au niveau constaté en 2003 .

En vertu de ce principe, entre 2003 et 2008, la durée d'assurance a été stabilisée à 40 ans dans le régime général et les régimes alignés. La réforme de 2003 prévoyait ensuite une augmentation de la durée d'assurance d'un trimestre par an jusqu'en 2012, avant une réévaluation, tous les quatre ans, de la durée d'assurance par une « commission de garantie des retraites ».

Au total, la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein est passée de 160 trimestres (40 annuités) pour la génération née en 1948 à 166 trimestres (41,5 annuités) pour les générations nées à partir de 1955.

La réforme de 2003 a en outre instauré un dispositif de surcote visant à inciter les assurés à travailler au-delà de la durée requise pour le taux plein. Elle a reporté l'âge à partir duquel un employeur peut mettre un salarié à la retraite d'office de 60 à 65 ans et limité les dispositifs de préretraite.

b) Le décalage des bornes d'âge par la réforme de 2010

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites 3 ( * ) prévoit le relèvement progressif de l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite et de l'âge d'annulation de la décote (ou du taux plein automatique). Ces deux bornes sont progressivement augmentées à deux ans entre les générations 1951 et 1956 , passant de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans .

Parallèlement, la réforme de 2010 confirme le principe posé en 2003 d'un allongement de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une retraite à taux plein en fonction des gains d'espérance de vie à soixante ans. Elle charge à ce titre le Conseil d'orientation des retraites (COR) de rendre chaque année un avis sur l'évolution de la durée d'assurance pour la génération atteignant 56 ans cette année-là. La durée est ensuite fixée par décret du Gouvernement .

Selon le droit en vigueur, ce mécanisme devrait s'éteindre en 2020, avec l'adoption en 2016 du décret applicable à la génération 1960. A cet horizon, la durée d'assurance devrait atteindre 41,75 ans d'après les projections disponibles.

c) L'accélération du relèvement de l'âge légal d'ouverture des droits par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Conformément à la loi du 9 novembre 2010, le relèvement de quatre mois de l'âge légal de départ en retraite est entré en vigueur le 1 er juillet 2011 pour la génération née en 1951.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012 a prévu une accélération du rythme de recul de l'âge légal de départ en retraite pour que celui-ci atteigne 62 ans dès la génération 1955 (et non plus 1956).

Compte tenu du droit en vigueur aujourd'hui, les bornes d'âge et la durée d'assurance requise pour le taux plein évoluent selon l'échéancier précisé dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 1 : Evolution des bornes d'âge et de la durée d'assurance requise pour une pension à taux plein selon le droit en vigueur

Date de naissance

Age d'ouverture
des droits

Durée d'assurance pour le taux plein

Age d'annulation
de la décote

Avant 1949

60 ans

160 trimestres

65 ans

1949

161 trimestres

1950

162 trimestres

Entre le 1 er janvier
et le 30 juin 1951

163 trimestres

Entre le 1 er juillet
et le 31 décembre 1951

60 ans et 4 mois

163 trimestres

65 ans et 4 mois

1952

60 ans et 9 mois

164 trimestres

65 ans et 9 mois

1953

61 ans et 2 mois

165 trimestres

66 ans et 2 mois

1954

61 ans et 7 mois

66 ans et 7 mois

1955

62 ans

166 trimestres*

67 ans

1956

1957

* Le 25 septembre 2013, le COR a recommandé de maintenir inchangée pour la génération née en 1957 la durée d'assurance pour une retraite à taux plein par rapport à la génération née en 1956, soit 166 trimestres (41,5 ans).

2. L'engagement d'une démarche de rapprochement des règles entre les régimes

Les réformes intervenues dans les vingt dernières années n'ont pas remis en cause la complexe architecture du système de retraite. Si le nombre de régimes et la diversité des règles applicables sont encore élevés, d'importants rapprochements ont néanmoins été opérés entre le secteur privé et le secteur public.

a) Une convergence progressive des conditions d'âge et de durée d'assurance

Si la réforme de 1993 n'a concerné que le régime général et les régimes alignés, celle de 2003 a étendu aux régimes de la fonction publique la mesure d'allongement de 37,5 à 40 annuités de la durée d'assurance requise pour le taux plein (à raison d'une hausse d'un trimestre par an entre 2003 et 2008) 4 ( * ) .

En 2008, la durée d'assurance et de services nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein a ainsi atteint 40 ans dans l'ensemble des régimes concernés par la réforme de 2003 (régime général, régimes alignés, régime des professions libérales, régime des exploitants agricoles et régimes de la fonction publique).

Cette réforme étend également à partir du 1 er janvier 2006 aux régimes de la fonction publique le dispositif de décote pour les personnes liquidant leur retraite avant d'avoir rempli les conditions du taux plein.

La réforme des régimes spéciaux réalisée par voie réglementaire en 2008 conduit à l'alignement progressif des paramètres s'appliquant à sept d'entre eux 5 ( * ) sur ceux de la fonction publique. Outre l'instauration des dispositifs de décote et de surcote, la durée d'assurance exigée pour le taux plein a été allongée de 37,5 ans à 40 ans au 1 er décembre 2012 puis à 41 ans (164 trimestres) en 2016.

La convergence entre le régime général, la fonction publique et les régimes spéciaux a été poursuivie par la loi du 9 novembre 2010 . Le relèvement de deux ans de l'âge d'ouverture des droits et de l'âge du taux plein s'est appliqué dans des conditions identiques aux salariés et non-salariés du secteur privé et à la fonction publique . La réforme de 2010 relève également de deux ans les bornes d'âge pour les catégories actives 6 ( * ) de la fonction publique (pour lesquelles l'âge d'ouverture des droits est fixé à 52 ans ou 57 ans selon les cas) ainsi que pour les régimes spéciaux à compter de 2017 . Ce décalage des bornes d'âge s'applique à des générations plus jeunes selon un échéancier particulier.

Est en outre supprimé dans la fonction publique, à compter du 1 er janvier 2012, le dispositif de retraite anticipée des parents de trois enfants au bout de quinze ans de service.

Pour mémoire, la réforme de 2010 a également aligné les taux de cotisation des fonctionnaires sur ceux des salariés du secteur privé à l'horizon 2020 (+ 0,27 % par an) et rapproché les règles du minimum garanti de celles du minimum contributif.

L'ensemble des mesures d'âge et de durée d'assurance a conduit à élever globalement l'âge effectif de départ à la retraite aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.

Corrigé des effets du dispositif de retraite anticipée, l'âge moyen de départ en retraite au régime général est ainsi passé de 61,9 ans en 2003 à 62,1 ans en 2011 et il devrait atteindre 62,4 ans en 2012 selon le programme de qualité et d'efficience (PQE) associé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

Comme le montre le tableau ci-dessous, on observe également une progression constante de l'âge moyen de départ en retraite au sein de la fonction publique d'État, où il a augmenté de deux ans entre 2003 et 2012. De même, l'âge moyen de départ en retraite des fonctionnaires des collectivités territoriales et hospitalières a globalement progressé depuis 2003, avec un gain de 1,7 an pour les premières et de 2,1 ans pour les secondes.

Tableau n° 2 : Evolution des âges effectifs de départ en retraite

2003

2010

2011

2012 (p)

Cnav

61,9

61,5

62

62,2

MSA salariés

61,7

61,1

61,4

61,6

MSA non-salariés

62,1

61,5

61,9

62,2

RSI commerçants

nd

62,2

61,6

63,0

RSI artisans

61,2

61,2

61,6

61,9

FPT

58,2

59,9

58,9

61,2

FPH

54,6

56,7

55,1

58,6

FPE

58,6

59,8

60,2

60,7

Source : PQE, PLFSS 2014

b) Des modes de calcul des pensions qui restent différents mais qui ne doivent pas occulter la proximité des taux de remplacement

Les réformes passées n'ont pas harmonisé les modes de calcul des pensions entre les différents régimes.

La réforme de 1993 a allongé, pour le régime général et les régimes alignés, la période de référence prise en compte pour le calcul du salaire moyen de 10 à 25 ans, à raison d'une année supplémentaire par année civile de naissance. Cette montée en charge progressive s'est achevée en 2008 pour le régime général et le régime des salariés agricoles et en 2013 pour le régime social des indépendants (RSI).

Les régimes de retraite de la fonction publique prennent quant à eux en compte le traitement de référence des dix derniers mois sans y inclure les primes, tandis que la création d'un régime complémentaire obligatoire sous la forme du régime additionnel de la fonction publique (RAFP) incluant les primes ne date que de 2004.

Malgré ces différences, les taux de remplacement assurés par les pensions de retraite restent assez comparables entre secteur privé et secteur public.

En 2008, le montant de pension de droit propre mensuel moyen pour un homme mono-pensionné à carrière complète s'élevait à 1 969 euros pour un assuré du régime général, 2 479 euros pour un fonctionnaire civil d'Etat et à 1 935 euros pour un fonctionnaire territorial ou hospitalier. Mais ces écarts sont imputables à des différences de structure , tenant aux niveaux de qualification globalement plus élevés au sein de la fonction publique d'Etat.

Ainsi, comme l'indique la commission Moreau, « malgré des modes de calcul des pensions différents, le taux de remplacement médian est proche pour la génération 1942 entre les salariés du secteur privé (74,5 %) et les salariés civils du secteur public (75,2 %) » 7 ( * ) .

Par ailleurs, le mode de revalorisation des pensions applicable au régime général et aux régimes alignés - où il est fonction des prix depuis 1987 - a été étendu au régime de la fonction publique en 2003 et aux régimes spéciaux en 2008.

B. MALGRÉ LES RÉFORMES PASSÉES, LA PÉRENNITÉ FINANCIÈRE DU SYSTÈME N'EST TOUJOURS PAS GARANTIE, NI À COURT, NI À LONG TERME

La commission pour l'avenir des retraites souligne que les réformes des retraites intervenues depuis 1993 ont permis de limiter de plus de 6 points la progression de la part des retraites dans la richesse nationale à l'horizon 2040 (dont 4,4 points au titre de la réforme de 1993, environ 1,8 point au titre de la réforme de 2003 et près de 0,5 point au titre de la réforme de 2010 et de l'ajustement intervenu fin 2011).

Ces réformes n'ont cependant pas permis de garantir la pérennité du système de retraite.

A court terme, après une nette amélioration en 2013, le solde de la branche vieillesse, déficitaire depuis 2005, connaîtrait une nouvelle dégradation dès 2014 en l'absence de nouvelles mesures de redressement.

A plus long terme, les projections du COR montrent que l'objectif du retour à l'équilibre, envisagé à l'horizon 2020 par la réforme de 2003 puis à l'horizon 2018 par la réforme de 2010, ne sera pas atteint toutes choses égales par ailleurs. Le comité évalue à 20 milliards d'euros, soit un point de PIB, le besoin de financement du système à l'horizon 2020, dont 7,6 milliards d'euros pour le régime général, les régimes de base non équilibrés par subvention et le FSV.

1. Après une amélioration sensible en 2013, une nouvelle dégradation du solde de la branche vieillesse interviendrait dès 2014 à législation inchangée
a) Une réduction significative du déficit de la branche vieillesse en 2013 grâce à un apport substantiel de recettes

En 2013, les régimes de retraite de base et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont bénéficié d'un apport total d'environ 7 milliards de recettes supplémentaires grâce aux mesures portées par la loi de finances rectificative du 16 août 2012 8 ( * ) , la lois financières pour 2013 9 ( * ) , et le décret « carrières longues » du 2 juillet 2012.

Ce dernier prévoit une hausse de 0,2 point du taux de cotisation salarié et employeur jusqu'en 2016 destinée à financer l'élargissement de la retraite anticipée pour carrière longue à compter du 1 er novembre 2012.

Cette importante hausse des produits a permis de réduire le déficit du régime général de 1,4 milliard d'euros entre 2012 et 2013 malgré la progression soutenue de ses charges. Ainsi, le dynamisme des charges (+ 4,0 %) a été plus que compensé par la forte croissance des produits (+ 5,6 %).

Les comptes du FSV, fortement déficitaires depuis 2009, se caractérisent également par une importante amélioration du solde entre 2012 et 2013, le déficit étant ramené de 4,1 milliards d'euros à 2,7 milliards d'euros essentiellement grâce à l'apport de recettes nouvelles (CSG, forfait social, C3S).

Au total, le déficit conjugué du régime général et du FSV est ramené de 8,9 milliards d'euros à 6 milliards d'euros entre 2012 et 2013, soit une réduction de plus de 36 %.

Le tableau ci-dessous récapitule l'évolution du solde effectif et prévisionnel de la branche vieillesse du régime général et du FSV entre 2010 et 2014, hors mesures nouvelles résultant de la présente réforme.

Tableau n° 3 : Evolution du solde de la branche vieillesse du régime général et du FSV entre 2010 et 2014

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013 (p)

2014 (p)

Branche vieillesse du régime général

-8,9

-6,0

-4,8

-3,3

-3,7

FSV

-4,1

-3,4

-4,1

-2,7

-3,7

Ensemble

-13,0

-9,5

-8,9

-6,0

-7,4

Source : C ommission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2013

En application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, les déficits 2013 de la branche vieillesse du régime général et du FSV seront automatiquement repris par la Cades en 2014.

En ce qui concerne le déficit des régimes de retraite autres que le régime général , il diminuerait de 700 millions d'euros entre 2012 et 2013 pour s'établir à 1,1 milliard d'euros cette année. Plusieurs de ces régimes ont en effet bénéficié en 2013 d'un surcroît de recettes consécutif aux mesures prises en 2012.

La caisse nationale de retraite des collectivités locales (CNRACL) a bénéficié de deux hausses successives des taux de cotisation vieillesse pour un rendement de 600 millions d'euros par hausse, ce qui lui permet de stabiliser son déficit à un peu moins de 400 millions d'euros en 2013.

La Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) voit son solde s'améliorer grâce notamment à une hausse des taux générant 200 millions de recettes supplémentaires. Déficitaire de 103 millions d'euros en 2012, le régime deviendrait excédentaire de 71 millions d'euros en 2013.

Enfin, le régime de retraite des industries électriques et gazières (Cnieg) a bénéficié d'une hausse du rendement de la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) lui permettant de redevenir excédentaire (à hauteur de 48 millions d'euros) en 2013 après un déficit de 91 millions d'euros en 2012. 10 ( * )

b) Un solde qui se creuserait toutefois à nouveau dès 2014 toutes choses égales par ailleurs

Les dernières prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2013) indiquent que le solde de la Cnav se dégraderait cependant à nouveau dès 2014 pour atteindre 3,7 milliards d'euros en l'absence de réforme.

Le déficit du FSV s'aggraverait également pour atteindre le même niveau (3,7 milliards d'euros). Cette détérioration est la conséquence du contrecoup produit en 2014 par les nouvelles affectations de ressources mises en place en 2013 et de la baisse du transfert de CSSS. Les mesures qui ont permis d'améliorer le solde du FSV en 2013 ne se retrouvent en effet pas en 2014. Dans l'ensemble, les produits du fonds diminueraient de 1,8 % tandis que ses charges augmenteraient de 2,4 % l'année prochaine.

Au total en 2014, le déficit conjoint de la Cnav et du FSV se creuserait pour atteindre 7,4 milliards d'euros en l'absence de mesures nouvelles.

2. A l'horizon 2020, le besoin de financement du FSV et des régimes de base non équilibrés par subvention est évalué à 7,6 milliards d'euros

Adopté le 19 décembre 2012, le 11 e rapport du COR consacré aux perspectives des régimes de retraite aux horizons 2020, 2040 et 2060 estime le besoin de financement du système de retraite à 1 point de PIB à l'horizon 2020, son montant dépendant, à plus long terme, des hypothèses économiques retenues.

Pour les seuls régimes de base non équilibrés par subvention, le besoin de financement est évalué à 7,6 milliards d'euros en 2020.

a) Les projections réalisées par le COR évaluent le besoin de financement du système à 20 milliards d'euros en 2020
(1) Les régimes de retraite pris en compte dans les projections du COR

Les projections réalisées par le COR prennent en compte trente-trois régimes de retraite de base et complémentaire ainsi que le FSV.

Les régimes de retraite concernés sont précisés dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 4 : Régimes de retraite participant à l'exercice de projections du COR en 2012

Source : COR

(2) Les hypothèses retenues

Les projections du COR reposent sur des hypothèses économiques et démographiques et sont établies à législation inchangée. Conformément au principe posé en 2003, la durée d'assurance est ainsi supposée être portée de 41 ans en 2012 à 41,75 ans en 2020 (à partir des générations nées en 1960).

Les hypothèses démographiques retenues sont quant à elles issues du scénario central des dernières projections de population réalisées par l'Insee en octobre 2010 : un indice de fécondité de 1,95 enfant par femme à partir de 2015, des gains d'espérance de vie à 60 ans de l'ordre d'un trimestre tous les deux ans et un solde migratoire de + 100 000 personnes par an.

Le COR estime que le nombre de retraités de droit direct devrait progresser sur toute la période de projection, pour passer de 15,1 en 2011 à 21,8 millions en 2060 . En raison de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre, cette évolution devrait être relativement rapide jusque vers 2035-2040 .

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, les effectifs de retraités de droit direct augmentant davantage que les effectifs de cotisants, le ratio démographique (qui rapporte la population âgée de 20 à 59 ans à celle âgée de plus de 60 ans) passerait de 2,6 à 1,5 actif par retraité entre les années 2005 et 2035.

Il devrait rester à peu près stable par la suite (après la disparition des classes nombreuses de l'après-guerre).

Graphique n° 5 : Evolution du ratio démographique (20-59 ans/plus de 60 ans)

Source : Commission pour l'avenir des retraites (à partir des projections de population de l'Insee)

En ce qui concerne les hypothèses économiques, le COR a défini cinq scénarios (A, A', B, C et C') se distinguant par leur nature plus ou moins optimiste.

Le tableau ci-dessous récapitule les hypothèses du scénario « central » retenu par le Gouvernement, le scénario B (avec rendements des régimes Agirc-Arrco constants).

Tableau n° 6 : Hypothèses économiques du scénario B du COR

Source : Conseil d'orientation des retraites

(3) Un besoin de financement de l'ordre d'un point de PIB en 2020 tous régimes confondus

Les projections du COR à l'horizon 2020 mettent en évidence un besoin de financement du système de retraite à un niveau situé dans une fourchette allant de 19,8 à 21,9 milliards d'euros, soit 0,9 à 1 point de PIB selon le scénario retenu.

Dans le cadre du scénario B, le déficit du système de retraite s'élèverait à 17,7 milliards d'euros dès l'année prochaine , contre 13,2 milliards d'euros en 2011, puis à 20,2 milliards d'euros en 2017 et 20,9 milliards d'euros en 2020 .

L'évolution du besoin de financement tous régimes d'ici 2020 est synthétisée dans le tableau ci-après.

Tableau n° 7 : Besoin de financement tous régimes d'ici 2020

Source : Commission pour l'avenir des retraites d'après les projections du COR

Deux éléments ont conduit le Gouvernement à ajuster ces projections.

D'une part, il convient de tenir compte de l'accord national interprofessionnel (Ani) conclu le 13 mars 2013 par les partenaires sociaux gestionnaires des régimes de retraite complémentaire des salariés et des cadres du secteur privé (Agirc-Arrco) qui prévoit les trois mesures suivantes :

- une augmentation des taux de cotisation de 0,1 point en 2014 et 0,1 point en 2015 ;

- une revalorisation des pensions limitée à 0,5 % pour l'Agirc et 0,8 % pour l'Arrco en 2013, et à l'inflation moins un point en 2014 et 2015 ;

- une moindre revalorisation du salaire de référence entre 2013 et 2015.

La prise en compte de cet accord conduit à réduire le besoin de financement de l'Agirc-Arrco de 3,9 milliards d'euros en 2017 et de 4,2 milliards d'euros en 2020. Les mesures de redressement devraient ainsi permettre de réduire de moitié les déficits projetés des régimes Agirc-Arrco à échéance 2020.

D'autre part, il faut tenir compte de la révision des hypothèses macroéconomiques (perspectives de croissance du PIB, évolution de la masse salariale et inflation) intervenue dans le cadre du programme de stabilité 2013-2017, les évolutions économiques observées étant moins favorables que prévu à court terme.

Compte tenu de ces deux éléments, le besoin de financement du système de retraite s'élèverait à 19,1 milliards d'euros en 2014, 20,7 milliards d'euros en 2020 et à 24,2 milliards d'euros en 2040.

b) Un déficit des régimes de base non équilibrés par subvention et du FSV évalué à 7,6 milliards d'euros en 2020

A l'horizon 2020, le besoin de financement se décompose comme suit :

- 7,6 milliards d'euros pour le régime général et les régimes de retraite de base non équilibrés par subvention ainsi que le FSV ;

- 4,4 milliards d'euros pour les régimes complémentaires gérés par les partenaires sociaux ;

- 8,7 milliards d'euros pour le régime de la fonction publique et les régimes spéciaux qui sont équilibrés par l'Etat.

Le tableau suivant récapitule le besoin de financement du système de retraite en 2014 et aux horizons 2020, 2030 et 2040.

Tableau n° 8 : Besoin de financement des régimes de retraite

2014

2020

2030

2040

Déficit selon les projections du COR

- 17,7

- 20,9

- 26,1

- 28,9

Déficit après prise en compte de l'Ani Agirc-Arrco de 2013 et révision des hypothèses économiques de court terme

- 19,1

- 20,7

- 24,2

- 26,6

dont régimes de base non équilibrés par subvention et FSV

- 8,8

- 7,6

- 8,7

- 13,0

dont régimes de la fonction publique et régimes spéciaux

- 5,9

- 8,7

- 7,7

- 4,4

dont régimes complémentaires

- 4,3

- 4,4

- 7,8

- 9,1

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi

II. DES INJUSTICES ET UN MANQUE DE LISIBILITÉ QUI PERDURENT

Depuis les années 1970, le niveau de vie moyen des retraités a connu une forte progression sous l'effet de la montée en charge des régimes de retraite, en particulier complémentaires, et du minimum vieillesse, de l'amélioration des carrières et de la revalorisation des pensions. Si l'on tient compte des revenus du patrimoine, il rejoint aujourd'hui le niveau de vie moyen des actifs.

Mais malgré cette évolution positive qui a permis de réduire significativement le taux de pauvreté des personnes âgées dans la deuxième moitié du XX e siècle, le système de retraite reste marqué par de fortes injustices car il ne s'est pas suffisamment adapté à la diversité des parcours professionnels et à une demande accrue de justice sociale.

La nécessité d'améliorer la prise en compte dans les droits à la retraite de la situation des assurés ayant souffert de pénibilité au travail s'impose aujourd'hui comme une évidence.

La situation des femmes face à la retraite appelle également une attention accrue.

Enfin, il convient de rendre le système plus intelligible et d'accroître la lisibilité des droits à retraite dans le cadre de la mise en oeuvre du droit à l'information.

A. UN DISPOSITIF DE PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ DANS LES DROITS À RETRAITE QUI S'EST AVÉRÉ TROP RESTRICTIF

1. L'influence incontestable des conditions de travail sur la santé à la retraite

Si nul ne conteste les effets que le travail peut avoir sur la santé à court terme et la nécessaire mutualisation des risques concernés par la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale, la mise en évidence objective de l'impact de certaines conditions de travail sur l'espérance de vie en bonne santé et la qualité de vie à la retraite est le résultat de travaux scientifiques datant de moins de trente ans.

Comme le souligne l'étude d'impact annexée au projet de loi, les hommes occupant les professions les plus qualifiées ont, à cinquante ans, une espérance de vie en bonne santé supérieure de 9 ans à celle des ouvriers, contre seulement 4,8 ans pour l'espérance de vie en général. L'activité professionnelle n'est bien sûr pas le seul facteur à l'origine de cet écart, mais elle contribue fortement à cette inégalité sociale face à la mort.

L'exposition à des conditions de travail pénibles peut être la cause, des années après avoir cessé, de pathologies chez ceux qui l'ont subie. Le rapport 11 ( * ) établi par Gérard Lasfargues en 2005 a ainsi souligné que certains travaux pénibles peuvent entraîner des effets à long terme et irréversibles sur la santé . Les horaires alternants, le travail de nuit ou à la chaîne, les tâches physiques comme la manutention ou encore l'exposition à des agents toxiques cancérogènes sont tout particulièrement concernés.

L'auteur du rapport en conclut que « les conséquences sur la santé sont mesurables, suivant les situations, en termes d'augmentation de morbi-mortalité 12 ( * ) pour les principales causes de décès comme les maladies cardiovasculaires ou les cancers, de diminution de l'espérance de vie sans incapacité, de vieillissement prématuré ou d'altération de la qualité de vie au grand âge ».

En conséquence, une légitimité sociale existe pour essayer de prévenir et, lorsqu'elle est avérée, compenser cette « usure par le travail » dont les effets se font ressentir à l'issue de la vie active. Sans nier le caractère multifactoriel, associant risques professionnels et facteurs extérieurs au monde du travail, que peuvent revêtir certaines pathologies, les nuisances physiques qui peuvent résulter de l'activité d'un salarié sont indéniables . Les temps de latence peuvent être très longs, comme le rappelle le rapport Lasfargues concernant l'exposition aux agents cancérogènes, puisqu'ils sont pour certains cancers professionnels qui y sont liés de 20 voire 40 ans.

2. La naissance progressive d'un consensus sur la définition de la pénibilité

La notion de pénibilité connaissant plusieurs définitions, les systèmes de retraites ne peuvent traiter tous leurs effets. Serge Volkoff, statisticien et ergonome au centre de recherche et d'études sur l'âge et les populations au travail (Creapt), membre du Cor, l'a rappelé lors de la table ronde organisée par votre commission 13 ( * ) sur la pénibilité : il faut distinguer trois acceptions qui ne sont pas similaires mais peuvent coexister .

Au sens courant du terme, est pénible ce qui est vécu comme tel par le salarié dans l'organisation ou les conditions de son travail. De telles nuisances influent sur les choix de sortie anticipée du monde du travail en fin de vie professionnelle mais leur impact sur l'espérance de vie et la santé à long terme n'est pas établi, les symptômes disparaissant le plus souvent avec la cessation d'activité.

La pénibilité peut également être due à l'état de santé. Avec l'âge, les problèmes de santé augmentent, ce qui n'est pas compatible avec certains emplois. Toutefois, dans ce cas précis, la dégradation de l'état de santé n'est pas forcément la conséquence directe de l'activité professionnelle mais diminue la capacité du salarié d'exercer celle-ci dans de bonnes conditions.

Enfin, peut faire l'objet de mesures de prévention et de compensation dans le cadre d'un assouplissement des règles relatives à l'âge légal de départ à la retraite la pénibilité entendue au sens des expositions professionnelles à des facteurs de risques « pesant sur l'espérance de vie sans incapacité et/ou la qualité de vie au grand âge » (rapport Lasfargues) ou, comme la définit le rapport Moreau, résultant de « contraintes ou nuisances, rencontrées tout au long de la vie professionnelle, et qui peuvent avoir des effets à long terme sur la santé, y compris après la retraite, voire sur l'espérance de vie ».

L'article 12 de la loi portant réforme des retraites 14 ( * ) de 2003 invitait, dans un délai de trois ans après la publication de la loi, les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national à engager une négociation interprofessionnelle sur la « définition et la prise en compte de la pénibilité ». Ayant débuté leur travaux en 2005, les partenaires sociaux se sont séparés plus de deux ans plus tard, après dix-huit réunions, sur un constat d'échec, malgré un projet d'accord national interprofessionnel (Ani) sur l'amélioration des conditions de travail et la réduction de la pénibilité au travail présenté en juillet 2008.

Ce document comprend néanmoins, à son article 10, une définition objective et partagée de la pénibilité, qui fait consensus entre les parties . Tout d'abord, elle résulte de « sollicitations physiques et/ou psychiques de certaines formes d'activités professionnelles, qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et susceptibles d'influer sur leur espérance de vie ». Ensuite, elle est la conséquence de trois types de conditions de travail : des contraintes physiques marquées, un environnement agressif ou certains rythmes de travail.

En 2010 15 ( * ) , le législateur a repris cette définition lorsqu'il a introduit la pénibilité dans le code du travail (art. L. 4121-3-1) et fait de sa prévention et de son suivi, par le biais d'une fiche individuelle pour chaque salarié, l'une des obligations de l'employeur. C'est l'exposition à des facteurs de risques professionnels, dont la liste a été établie par décret, qui caractérise la pénibilité du travail.

Reprenant les travaux des partenaires sociaux (articles 11, 12 et 13 du projet d'Ani de 2008), ces facteurs sont, selon l'article D. 4121-5 16 ( * ) du code du travail :


• au titre des contraintes physiques :

- les manutentions manuelles de charges ;

- les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;

- les vibrations mécaniques.


• au titre de l'environnement physique agressif :

- les agents chimiques dangereux ;

- les activités exercées en milieu hyperbare ;

- les températures extrêmes ;

- le bruit.


• au titre de certains rythmes de travail :

- le travail de nuit ;

- le travail en équipes successives alternantes ;

- le travail répétitif.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, 18,2 % des salariés du secteur privé sont aujourd'hui exposés à au moins l'un de ces facteurs , soit 3,3 millions de personnes.

Tableau n° 9 : Part des salariés exposés aux facteurs de risques professionnels définis par le code du travail

Ensemble de la population

24 ans
et moins

Entre 25
et 39 ans

Entre 40
et 49 ans

Entre 50
et 59 ans

60 ans
et plus

Manutentions manuelles
de charges

6,10 %

7,80 %

6,19 %

5,85 %

5,81 %

4,40 %

Vibrations mécaniques

1,10 %

1,15 %

1,12 %

1,05 %

1,08 %

0,38 %

Postures pénibles

6,50 %

6,95 %

6,31 %

7,02 %

6,39 %

3,41 %

Agents toxiques

1,10 %

1,37 %

0,95 %

1,18 %

1,30 %

0,45 %

Températures extrêmes

0,60 %

0,72 %

0,60 %

0,76 %

0,52 %

0,08 %

Bruit

1,20 %

1,47 %

1,06 %

1,23 %

1,35 %

0,62 %

Travail répétitif

2,80 %

4,07 %

2,46 %

2,60 %

3,08 %

2,25 %

Travail de nuit

2,20 %

2,06 %

2,37 %

2,26 %

1,96 %

2,31 %

Horaires alternants

2,90 %

1,77 %

3,22 %

3,14 %

2,50 %

1,23 %

Exposition à au moins l'un des facteurs

18,20 %

20,48 %

18,39 %

18,44 %

17,41 %

12,29 %

-  une exposition

13,40 %

14,62 %

13,78 %

13,40 %

12,55 %

9,93 %

-  deux expositions

3,70 %

5,00 %

3,53 %

3,85 %

3,48 %

1,94 %

- trois expositions et plus

1,10 %

0,86 %

1,08 %

1,19 %

1,39 %

0,42 %

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi

D'après les données communiquées à votre rapporteure par la direction générale du travail (DGT), l'industrie est le secteur le plus touché par la pénibilité avec 900 000 salariés concernés, soit 25 % des effectifs . Les transports (345 000 salariés exposés, soit 26 %), l'agriculture (56 000 salariés exposés, soit 23 %) et les activités de service administratif et de soutien, dont font partie les activités de nettoyage (300 000 salariés exposés, soit 23 %), font également partie des activités où la prévalence des facteurs de risques professionnels est la plus élevée.

3. Des dispositions législatives récentes insuffisantes malgré une priorité politique affichée

La prévention de la pénibilité et sa prise en compte dans le cadre de la retraite ont fait l'objet d'importants débats en 2010, lors de l'examen de la réforme des retraites présentée par le gouvernement de François Fillon. La définition des facteurs de risques professionnels et l'instauration d'une fiche individuelle de prévention des expositions , qui permet d'améliorer la traçabilité des conditions de pénibilité, constituent des avancées notables.

De même, l'obligation, pour les entreprises d'au moins cinquante salariés et dont au moins 50 % de l'effectif est exposé à ces facteurs de risques professionnels, d'être couvertes par un accord ou un plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité fait de cette question un objet du dialogue social en leur sein. De plus, la pénalité dont sont redevables les entreprises n'ayant pas conclu d'accord ni adopté de plan d'action, qui peut atteindre 1 % de la masse salariale, constitue une incitation forte à négocier sur ce thème et à prendre des mesures pour atténuer les effets des conditions de travail pénibles. Les entreprises comptant entre cinquante et trois cents salariés sont dispensées de cette obligation si elles sont couvertes par un accord de branche étendu portant sur le même thème.

Néanmoins, ces deux dispositions ne sont entrées en vigueur que le 1 er janvier 2012 . Les chiffres du ministère du travail font état, au 30 septembre 2013, de plus de 5 000 accords d'entreprise ou plans d'action et de deux accords de branche étendus sans que cela soit significatif du fait de la nouveauté que constitue ce thème pour les entreprises. Bien que des mises en demeure aient été signifiées par des inspecteurs du travail, aucune pénalité n'aurait à ce jour été infligée . Quant à la fiche individuelle de prévention des expositions, elle resterait encore très largement virtuelle dans de nombreuses entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles.

Par ailleurs, la loi de 2010 a créé 17 ( * ) , au titre de la « compensation de la pénibilité » un dispositif de retraite anticipée pour les salariés justifiant d'un taux d'incapacité permanente supérieur à 20 % résultant d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques.

Les personnes dont le taux d'incapacité permanente est d'au moins 10 % et qui ont été exposées pendant dix-sept ans ou plus à l'un des facteurs de risques professionnels y sont également éligibles, dès lors qu'elles établissent que leur incapacité permanente est directement liée à l'exposition à ces facteurs et qu'elles recueillent l'avis favorable d'une commission pluridisciplinaire.

Les bénéficiaires peuvent partir à la retraite à soixante ans avec une pension à taux plein, quelle que soit leur durée d'assurance. Entre son entrée en vigueur le 1 er juillet 2011 et le 30 août 2013, 6 359 personnes ont vu leur demande acceptée pour 9 238 dossiers déposés, dont 19 % rejetés. Seulement 300 à 400 dossiers sont déposés chaque mois auprès de la Cnam alors que celle-ci liquide environ 50 000 pensions de retraite dans la même période, tous âges et motifs confondus.

Au vu du nombre total de salariés exposés aux facteurs de risques professionnels, ce mécanisme n'a pas atteint sa cible. D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, il entre en concurrence avec d'autres modalités de départ précoce comme la retraite anticipée pour carrière longue. Qui plus est, il repose sur une conception restrictive de la pénibilité, qui l'assimile à l'invalidité et au développement d'une pathologie avant la retraite.

Au contraire, c'est l'impact des travaux pénibles sur l'espérance de vie en bonne santé et la qualité de vie au grand âge qui doit être compensé . De plus, certains facteurs de risques qui ne sont pas la cause directe de pathologies spécifiques sont, de fait, exclus du champ du dispositif. Le travail de nuit en est un exemple, alors que le rapport Lasfargues met en lumière ses effets irréversibles et incapacitants qui peuvent se faire sentir au-delà de la vie professionnelle. Le dispositif de 2010 semble ignorer l'un des aspects centraux de la pénibilité : la dégradation différée de la santé de ceux qui l'ont subie. Pour reprendre la formule du rapport Moreau, cette mesure a posé un « problème d'orientation » qui n'est pas résolu.

B. UNE SITUATION DES ASSURÉS LES PLUS FRAGILES À LAQUELLE PEU DE RÉPONSES ONT ÉTÉ APPORTÉES

1. La situation des femmes
a) Des inégalités de pension encore trop criantes entre les femmes et les hommes

Sous l'effet de l'accroissement de l'activité féminine et de la hausse générale du niveau de qualification des femmes, les écarts de niveau de pension entre les femmes et les hommes se réduisent au fil des générations.

Selon l'Insee, le ratio entre les pensions moyennes des femmes et celles des hommes (retraite de base et complémentaire, y compris réversion et majoration pour enfants) atteindrait 70 % pour les générations nées dans les années 1950 et progresserait ensuite plus lentement pour les générations suivantes pour atteindre 80 % pour celles nées dans les années 1970 .

La résorption des écarts a donc progressé mais les disparités de pension restent encore très importantes aujourd'hui. En 2011, le montant moyen de la pension de droit propre (hors réversion et majoration pour trois enfants et plus) s'élève à 1 256 euros par mois hommes et femmes confondus mais à 1 603 euros pour les hommes seuls contre 932 euros pour les femmes 18 ( * ) . En incluant le droit propre, la réversion, les avantages accessoires et le minimum vieillesse, le montant moyen de la pension de retraite totale s'élevait en 2008 à 1 440 euros par mois, c'est-à-dire 1 749 euros pour les hommes et 1 165 euros pour les femmes.

Ainsi, les femmes qui liquident leurs droits aujourd'hui perçoivent, comme cela est souvent rappelé, une pension en moyenne inférieure de 32 % à celle des hommes .

b) La nécessaire révision des droits familiaux de retraite

Les droits familiaux de retraite ne suffisent pas à compenser ces inégalités même s'ils contribuent indéniablement à corriger les effets sur la retraite des femmes de leurs interruptions d'activité professionnelle.

Trois types principaux de droits familiaux coexistent aujourd'hui : l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) créée en 1972 afin de prendre en compte les périodes passées au foyer pour élever des enfants, la majoration de durée d'assurance (MDA) qui permet, dans les régimes de base des salariés et non-salariés du privé de valider jusqu'à deux années par enfant élevé, et la majoration de montant de pension de 10 % pour trois enfants et plus qui s'applique à la fois aux pensions de droit propre et aux pensions de réversion.

Selon la commission Moreau, les femmes qui ont liquidé leur pension en 2010 au régime général ont validé en moyenne 23 trimestres au titre de la MDA et 30 trimestres au titre de l'AVPF. Les droits familiaux permettent ainsi de réduire les écarts de durée d'assurance validée par les femmes par rapport aux hommes.

Cependant, les droits familiaux privilégient la durée d'assurance au montant de la pension et ils tendent à avantager les pensions dont les niveaux sont les plus élevés et donc les pères par rapport aux mères . En ce qui concerne en particulier la majoration de montant de pension, elle est en effet à la fois proportionnelle à la pension et non assujettie à l'impôt sur le revenu, ce qui tend à accroître les écarts de pension entre les hommes et les femmes.

Cette situation justifie donc, comme l'a souligné avec force la commission Moreau, une remise à plat des dispositifs en matière d'avantages familiaux à retraite.

c) Remédier à l'hétérogénéité des règles applicables aux pensions de réversion

Enfin, les règles applicables en matière de pensions de réversion sont très hétérogènes d'un régime de retraite à l'autre et sont donc source d'iniquité entre les assurés.

Fin 2010, les pensions de réversion, qui représentaient une masse financière totale d'environ 30 milliards d'euros, étaient versées à 4,25 millions de personnes, dont 91 % de femmes, mais selon des règles d'attribution et de calcul fortement variables selon les régimes.

Ainsi, dans la fonction publique, la pension de réversion correspond à 50 % de la pension du conjoint décédé et elle est attribuée sans condition d'âge ni de ressources mais sous réserve que le conjoint survivant ne soit pas remarié ou en concubinage. Dans les régimes de retraite des salariés et de la plupart des non-salariés en revanche, les régimes de base retiennent un taux de 54 % sous condition d'âge et de ressources. Dans les régimes complémentaires, le taux est de 60 % sans condition de ressources et sous réserve que le conjoint survivant ne soit pas remarié.

La commission Moreau en déduit qu'il existe deux approches de la réversion. Dans la fonction publique et les régimes complémentaires, il s'agit de garantir un maintien du niveau de vie du conjoint survivant. Dans le régime général et les régimes alignés, c'est l'objectif de la solidarité qui prédomine pour assurer un niveau de ressources minimal au conjoint survivant.

La complexité et la diversité des règles applicables ainsi que les différences d'objectifs poursuivis par les dispositifs de réversion aboutissent à un traitement inéquitable entre les assurés et plaident pour une réappréciation d'ensemble du dispositif.

2. La situation des seniors

Malgré la hausse enregistrée au cours des dernières années, le taux d'emploi des seniors en France (proportion de personnes en emploi entre 55 et 64 ans) demeure inférieur à la moyenne européenne.

En 2012, il s'élevait en effet à 44,5 % en moyenne en France hexagonale contre 48,9 % dans l'Union européenne (UE). Entre 2003 et 2012, il a progressé de 7,5 points entre 2003 et 2012 contre 9 points en moyenne dans l'UE 19 ( * ) .

Dans ces conditions, la proportion d'assurés ayant validé des trimestres l'année même ou l'année précédant le départ en retraite est assez faible. En moyenne, depuis 2007, parmi l'ensemble des assurés du régime général partis en retraite, elle s'établit à environ 30 % d'assurés ayant validé un trimestre d'assurance au titre d'une activité salariée et 14 % ayant validé un trimestre dans un autre régime.

Malgré une hausse régulière de l'âge effectif du départ en retraite, la faiblesse du taux d'emploi des seniors impose ainsi de mieux articuler les politiques de retraite et celles en faveur de l'emploi.

Il s'agit également de mieux aménager les fins de carrière dans le cadre des mesures conduisant au prolongement de l'activité professionnelle. A cet égard, le dispositif de la retraite progressive, qui permet aux salariés ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à pension de travailler à temps partiel avec une fraction de leurs pensions, reste relativement peu utilisé ; il ne compte qu'un peu plus de 2 000 bénéficiaires.

L'enjeu est d'importance car, au-delà des réalités humaines difficiles derrière le chômage des seniors et des répercussions de ce dernier sur l'activité économique, le faible niveau d'activité des seniors reste, comme l'indique la commission Moreau, « une faiblesse structurelle du système et une source de défiance vis-à-vis des mesures d'âge ou de durée ».

3. La situation des retraités agricoles

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi et les données fournies par la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) à votre rapporteure, les retraites des exploitants agricoles ne représentent aujourd'hui, en moyenne, que 70,8 % du Smic net des salariés agricoles (786 euros par mois contre 1 111 euros). En 2002, la loi « Peiro » avait pourtant fixé l'objectif de garantir, après une carrière complète en qualité de chef d'exploitation agricole, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire (RCO) au moins égal à 75 % du Smic net.

Il n'a jusqu'à présent pas été atteint, en raison principalement d'une progression du Smic plus forte que celle des pensions, indexées sur l'inflation. L'écart est de 564 euros par an.

De manière générale, les pensions de retraite des non-salariés agricoles, exploitants et conjoints collaborateurs confondus, sont en moyenne inférieures de 38 % à celles des ressortissants du régime général : 625 euros contre 1 015 euros. Plusieurs facteurs cumulatifs sont à l'origine de cette situation, comme la faiblesse générale des revenus agricoles, les modalités spécifiques de calcul des pensions agricoles et la création il y a seulement dix ans d'un régime de RCO. Celui-ci n'a été ouvert aux collaborateurs familiaux qu'à la date du 1 er janvier 2011.

Par ailleurs, le rapport démographique du régime est très défavorable, bien qu'il aille en s'améliorant : 3,1 retraités pour un actif en 2012 selon la Cour des comptes. Le revenu moyen par actif non salarié est de 1,1 Smic, ce qui limite leur capacité à cotiser. Ainsi, près de 10 % des non-salariés agricoles retraités avec une carrière complète perçoivent une pension mensuelle d'un montant inférieur à 600 euros. La Cour des comptes voit la cause de cette situation dans le faible niveau du revenu déclaré des exploitants (pour 40 % d'entre eux inférieur à 800 Smic), qui cotisent donc sur des assiettes très faibles.

Trois éléments composent la pension d'un non-salarié agricole : la retraite forfaitaire , d'un montant de 279,98 euros par mois, la retraite proportionnelle , qui est fonction du nombre de points acquis (la valeur de service du point est de 3,948 euros par an) et la RCO , qui est également un mécanisme par points (dont la valeur de service est cette fois de 0,3313 euros par an). Des points gratuits de RCO ont été attribués aux exploitants pour leurs années d'activité antérieures à la création de ce régime, à hauteur de cent par an.

De même, une pension majorée de référence (PMR) a été instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Elle vise à porter, sous certaines conditions, les pensions des non-salariés agricoles à un seuil minimal par le biais d'une majoration de pension. Ce niveau est fixé, en 2013, à 681,2 euros par mois pour les chefs d'exploitation et à 541,3 euros par mois pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux.

Pourtant, malgré plus de dix ans d'initiatives, l'écart avec le régime général n'est toujours pas résorbé. La situation des collaborateurs familiaux et des conjoints survivants est particulièrement précaire car leur niveau de cotisation est faible et la réversion de la RCO n'est pas universelle. Conscient de cette situation, le Président de la République a pris des engagements en faveur d'une revalorisation des retraites les plus faibles et d'une correction des inégalités qui persistent encore en matière de retraite parmi les non-salariés agricoles. Ce projet de loi les traduit dans ses articles 20 à 22 pour qu'en 2017 les pensions des ressortissants du régime ne puissent être inférieures à 75 % du Smic .

C. UNE MISE EN oeUVRE DU DROIT À L'INFORMATION QUI DEMEURE PERFECTIBLE

En vertu du droit à l'information, les assurés peuvent légitimement prétendre à la lisibilité de leurs droits à la retraite. Or, la multiplicité des régimes de base et complémentaires est source de complexité.

Le GIP Info Retraite créé par la réforme de 2003 a permis de réaliser des avancées considérables dans la mise en oeuvre du droit à l'information en matière de retraite.

Regroupant la totalité des organismes assurant la gestion des régimes de retraite obligatoires, il a en effet assuré la montée en charge progressive par générations des dispositifs de transmission par courrier du relevé de situation individuelle (RIS) et de l'estimation indicative globale (EIG).

Le RIS, qui récapitule tous les droits acquis par l'assuré, est envoyé à tous les assurés à partir de 35 ans (puis tous les cinq ans). L'EIG, qui permet d'évaluer le montant global auquel l'assuré pourra prétendre en fonction de l'âge de départ, est communiquée à partir de 55 ans (puis tous les cinq ans également).

Depuis 2010, les assurés ont également droit sur demande à une information générale sur le système de retraite dès lors qu'ils valident leurs deux premiers trimestres d'assurance vieillesse et, à partir de 45 ans, à un entretien personnalisé pour faire le point sur les droits acquis, leurs perspectives d'évolution et obtenir une simulation sur le montant de la pension future.

Le succès reconnu du GIP Info Retraite se traduit dans les enquêtes de satisfaction réalisées en 2012 qui indiquent que 80 % des assurés destinataires des documents s'estiment bien informés sur la retraite.

Cependant, compte tenu de la diversité des règles d'acquisition et de valorisation des droits à retraite et des paramètres de calcul de la pension, la Commission Moreau souligne que le degré de compréhension effective des règles du système demeure insatisfaisant.

A titre d'exemple, dans l'enquête 2012 de la Drees sur les motivations de départ à la retraite, moins d'un tiers des retraités interrogés entre 6 mois et un an et demi après leur liquidation sur leur durée d'assurance validée déclarent une durée proche de celle qu'ils ont effectivement validée 20 ( * ) .

Plus généralement, la Drees indique que « bien qu'essentiels pour le calcul de la pension, le taux plein, la décote, la surcote, le cumul emploi-retraite et la retraite progressive semblent assez mal connus et seul un retraité sur dix est parti à la retraite en connaissant les cinq dispositifs ».

Des marges de progrès existent donc pour accroître la lisibilité des droits à la retraite et renforcer la capacité donnée aux assurés d'effectuer des choix raisonnés en matière de retraite grâce à une meilleure connaissance du système.

III. LES MESURES DU PROJET DE LOI GARANTISSANT L'AVENIR ET LA JUSTICE DU SYSTÈME DE RETRAITES

Compte tenu des considérations précédentes, trois lignes directrices parcourent le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites :

- le redressement des comptes des régimes à court terme et la correction de la trajectoire financière de long terme ;

- la priorité donnée à l'équité, qui exige de mieux tenir compte des évolutions sociales et de la diversité des parcours professionnels dans l'acquisition des droits à la retraite ;

- le renforcement du droit à l'information des assurés et l'amélioration de la coordination entre les régimes.

Après l' article 1 er qui réaffirme et clarifie les principes et les objectifs de l'assurance vieillesse , les articles du projet de loi sont ainsi répartis en trois titres : « Assurer la pérennité des régimes de retraite » (Titre I er ) ; « Rendre le système plus juste » (Titre II) ; « Simplifier le système et renforcer sa gouvernance » (Titre III).

A. LES MESURES VISANT À GARANTIR L'ÉQUILIBRE FINANCIER DES RÉGIMES DE RETRAITE

Les articles 2 à 4 bis du projet de loi rassemblent les mesures visant à garantir l'équilibre financier des régimes de retraite.

1. La mise en place d'un nouveau dispositif de pilotage annuel

Pour tirer les leçons de l'échec du Copilor créé en 2010, l' article 3 prévoit, dans l'esprit de la recommandation formulée par la commission Moreau, un mécanisme de pilotage annuel du système de retraite portant sur ses caractéristiques tant financières que sociales et comportant trois étapes :

- Le COR réalisera chaque année un bilan à partir d'une liste d'indicateurs de suivi fixés par décret.

- Sur ce fondement, un comité de suivi des retraites rendra un avis public pouvant comporter des recommandations publiques adressées au Parlement, au Gouvernement et aux caisses de retraite. L'étendue de ces recommandations est doublement encadrée : il ne pourra s'agir ni d'augmenter les taux des cotisations sociales au-delà d'un plafond fixé par décret, ni de réduire le taux de remplacement en-deçà d'un seuil minimal défini par décret.

- Le Gouvernement présentera ensuite au Parlement, après consultation des partenaires sociaux, les suites qu'il entend donner à ces recommandations.

Dans ce cadre, l'article 3 prévoit que le fonds de réserve pour les retraites (FRR) puisse être mobilisé à des fins de stabilisation conjoncturelle.

2. Les mesures de recettes et d'économies

La réforme proposée met à contribution l'ensemble des citoyens - actifs, employeurs et retraités - sur la base d'efforts équitablement répartis.

a) Les mesures de court terme
(1) La contribution des actifs et des employeurs

S'agissant des actifs et des employeurs , le Gouvernement prévoit une hausse progressive de 0,3 point en quatre ans des cotisations d'assurance vieillesse : 0,15 point pour les actifs et les employeurs en 2014, puis 0,05 point chacune des trois années suivantes.

La hausse concerne l'ensemble des régimes de retraite de base mais sera échelonnée dans le régime de la fonction publique (0,06 point en 2014 puis 0,08 point chaque année entre 2015 et 2017).

Les recettes supplémentaires dégagées par cette mesure pour l'ensemble des régimes de base sont évaluées à 2,2 milliards d'euros en 2014 (dont 1,7 milliard pour le régime général), 4,6 milliards d'euros en 2020, 5,6 milliards d'euros en 2030 et 6,8 milliards d'euros en 2040.

Pour mémoire, ces hausses complètent celles prévues par le décret du 2 juillet 2012 relatif à l'élargissement du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue (hausse de 0,2 point entre 2014 et 2016 sur l'assiette plafonnée, partagée à parts égales entre salariés et employeurs).

(2) La contribution des retraités

S'agissant des retraités , leur contribution se traduit par deux mesures.

En premier lieu, l' article 4 du projet de loi reporte du 1 er avril au 1 er octobre la date annuelle de revalorisation des pensions de retraite. Cette disposition ne s'applique ni à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), ni aux pensions d'invalidité et aux rentes AT-MP. Elle générera, pour l'ensemble des régimes de retraite de base, une économie de 800 millions d'euros en 2014 et de 1,9 milliard d'euros en 2020.

On notera, de façon incidente, que l' article 4 bis prévoit d'aligner les règles de revalorisation appliquées aux pensions des marins sur le droit commun (comme cela est déjà pratiqué dans les faits).

En second lieu, l'article 6 du projet de loi de finances (PLF) pour 2014 prévoit la fiscalisation des majorations de pensions pour les parents de trois enfants et plus pour un rendement estimé à 1,2 milliard d'euros l'année prochaine. Les recettes générées par cette mesure resteront dans le budget de l'Etat en 2014 et seront affectées à la branche vieillesse de la sécurité sociale et donc à la réduction des déficits des régimes de retraite à compter de 2015 .

(3) Les économies de gestion réalisées par les caisses de retraite

Enfin, la réforme prévoit des économies de gestion de la part des régimes de retraite, de l'ordre de 200 millions d'euros à l'horizon 2016 . S'agissant à cet égard de la Cnav et de la CNRACL, les objectifs précis assignés en matière d'économies de gestion feront l'objet des prochaines conventions d'objectifs et de gestion (COG) qui couvriront la période 2014-2018.

b) Les mesures de plus long terme

L' article 2 du projet de loi modifie, dans l'ensemble des régimes de retraite, la durée d'assurance nécessaire à l'obtention d'une retraite à taux plein pour les générations partant en retraite à compter de 2020. Cette durée sera portée de 41,75 ans (167 trimestres) pour la génération née en 1958 à 43 ans (172 trimestres) pour les générations nées à partir de 1973.

Selon les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteure, dans les régimes spéciaux, la durée d'assurance augmentera selon un calendrier spécifique pour tenir compte de la montée en charge de l'allongement déjà en cours. Pour les catégories dont l'âge d'ouverture des droits est de 57 ans, la génération 1976 devra avoir cotisé 43 ans pour avoir le taux plein (et non la génération 1973 comme dans les autres régimes) ; pour les catégories dont l'âge d'ouverture des droits est 52 ans, c'est la génération 1981 qui sera concernée.

L'impact de cette mesure sur le solde de l'ensemble des régimes de retraite est estimé à 5,4 milliards d'euros en 2030 et à 10,4 milliards d'euros en 2040.

Au total, l'impact de l'ensemble des mesures de financement de court et de long terme prévues par la réforme sur les régimes de retraite est précisé dans le tableau ci-dessous.

Cet impact atteindrait 4,1 milliards d'euros en 2014 (dont 3,3 milliards d'euros en recettes et 800 millions d'euros en économies) ; 8,1 milliards d'euros en 2020 (dont 6,2 milliards en recettes et 1,9 milliard d'euros en économies) ; 15 milliards d'euros en 2030 (dont 8,3 milliards en recettes et 6,7 milliards d'euros en économie) ; et 21,6 milliards d'euros en 2040 (dont 10,1 milliards d'euros en recettes 11,6 milliards d'euros en économie).

Tableau n° 10 : Impact des mesures de financement prévues dans le projet de loi sur l'ensemble des régimes de retraite

(en milliards d'euros constants 2011)

2014

2020

2030

2040

Total des mesures de redressement de court
et de long terme

4,1

8,1

15,0

21,6

Mesures de court et de moyen terme

4,1

8,0

9,6

11,3

Retraités

2,0

3,2

3,7

4,2

§ Report de six mois de la revalorisation des pensions

0,8

1,9

2,2

2,6

§ Fiscalisation des majorations de pensions (PLF 2014)*

1,2*

1,3

1,5

1,7

Salariés : hausse des cotisations de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point de 2015 à 2017

1,1

2,3

2,8

3,4

Employeurs : hausse des cotisations de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point de 2015 à 2017

1,1

2,3

2,8

3,4

Economies de gestion

0,2

0,3

0,3

Allongement de la durée d'assurance après 2020

0,0

5,4

10,4

Total des mesures de redressement en recettes

3,3

6,2

8,3

10,1

Total des mesures de redressement économies

0,8

1,9

6,7

11,6

Selon les annexes du PLF pour 2014, les recettes issues de la fiscalisation des majorations de pensions (article 6) sont affectées à la réduction du déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale à compter de 2015.

Source : Etude d'impact

Après réforme et versement des subventions d'équilibre aux régimes financés par l'État, le déficit de l'ensemble des régimes de base serait ramené de 5 milliards d'euros en 2014 à 400 millions d'euros en 2020. Le tableau ci-après détaille l'impact financier de la réforme sur le solde du système de retraite.

Tableau n° 11 : Impact financier de la réforme sur le solde du système de retraite

(en milliards d'euros constants 2011)

2014

2020

2030

2040

Déficit de l'ensemble des régimes avant réforme

- 19,1

- 20,7

- 24,2

- 26,6

Déficit de l'ensemble des régimes après réforme et avant équilibrage des régimes de l'Etat versement des subventions d'équilibre aux régimes spéciaux

- 15,0

- 12,7

- 11,2

- 7,9

dont régimes de base non équilibrés par subvention et FSV

- 5,6

- 7,9

- 6,3

- 2,1

Déficit de l'ensemble des régimes après réforme et après équilibrage des régimes de l'Etat versement des subventions d'équilibre aux régimes spéciaux

- 9,4

- 4,8

- 5,9

- 5,8

§ dont régimes de base non équilibrés par subvention et FSV

- 5,0

- 0,3

+ 0,9

0,0

§ dont régimes complémentaires

- 4,3

- 4,4

- 5,8

- 5,8

Source : Etude d'impact

Selon le PLFSS pour 2014, le solde de la branche vieillesse du régime général passera de 3,3 milliards en 2013 à 1,2 milliard d'euros en 2014, celui de l'ensemble des régimes de retraite de base de 1,6 à 1,1 milliard d'euros. Le solde du FSV s'améliorerait à compter de 2015 après une dégradation de 500 millions d'euros entre 2013 et 2014.

Les perspectives pluriannuelles des soldes des régimes de retraite sont détaillées dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 12 : Evolution prévisionnelle des soldes des régimes de retraite entre 2012 et 2017

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Régime général

-4,8

-3,3

-1,2

-0,6

0,1

0,6

Ensemble des régimes obligatoires de base

-6,1

-4,1

-1,6

-1,1

-0,8

-0,6

FSV

-4,1

-2,7

-3,2

-3,1

-2,6

-2,0

Source : Annexe B du PLFSS pour 2014

L' article 2 bis du projet de loi prévoit la remise, avant le 1 er mars 2015, d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'âge du taux plein et la décote et leurs conséquences sur la situation des femmes.

B. LES MESURES D'ÉQUITÉ ET DE SOLIDARITÉ

Le titre II du projet de loi comporte cinq chapitres qui regroupent les mesures d'équité et de solidarité.

1. Assurer une meilleure prise en compte de la pénibilité dans le cadre de la retraite

Les articles 5 à 10 du projet de loi instaurent un nouveau dispositif de prise en compte de la pénibilité au travail dont le « compte personnel de prévention de la pénibilité » (article 6) constitue le socle.

L' article 5 modifie le régime de la fiche individuelle de prévention des expositions aux facteurs de risques professionnels qui sont à l'origine de la pénibilité en prévoyant sa réalisation obligatoire en cas d'exposition au-delà de seuils objectifs qui seront définis par décret.

L' article 5 bis demande au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2020, un rapport sur l'évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés. Il conditionne également toute modification du décret relatif à la définition des facteurs de risques professionnels à une concertation préalable avec les partenaires sociaux.

L' article 5 ter concerne un rapport que le Gouvernement devra réaliser sur la reconversion des salariés déclarés inaptes.

L' article 6 crée, à destination des salariés du secteur privé exposés aux facteurs de pénibilité, un compte personnel de prévention de la pénibilité. Selon son abondement, celui-ci permettra à son titulaire de bénéficier d'une formation de reconversion, de compenser la différence de rémunération en cas de passage à temps partiel ou d'acquérir des trimestres de durée d'assurance vieillesse. Il sera géré par la Cnav et financé par deux cotisations acquittées par les employeurs.

L' article 6 bis est un article de coordination juridique pour tenir compte de l'attribution aux tribunaux des affaires de sécurité sociale du contentieux lié au compte personnel de prévention de la pénibilité.

L' article 7 assure l'articulation entre le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité.

L' article 8 modifie le régime des accords en faveur de la prévention de la pénibilité, institués en 2010 dans les entreprises d'au moins cinquante salariés exposant au moins 50 % de leur effectif à l'un des facteurs de risques professionnels, en rendant obligatoire un procès-verbal de désaccord avant que l'employeur puisse élaborer un plan d'action unilatéral et en transférant ces dispositions dans le code du travail.

L' article 9 précise les effets de la majoration de durée d'assurance vieillesse attribuée au titulaire d'un compte de prévention de la pénibilité sur ses droits en matière de retraite.

L' article 9 bis change la dénomination d'un chapitre de la loi portant réforme des retraites de 2010 afin de la mettre en adéquation avec les mesures qu'il contient.

L' article 10 abroge deux dispositions de la réforme de 2010 qui n'ont jamais été mises en oeuvre et fixe au 1 er janvier 2015 la date d'entrée en vigueur du compte personnel de prévention de la pénibilité.

L' article 10 bis vise à obtenir du Gouvernement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur la situation de personnes exclues du bénéfice de l'allocation transitoire de solidarité (ATS) bien qu'elles en remplissent les critères d'âge et de chômage.

2. L'équité en matière de transition entre emploi et retraite

Les articles 11 à 12 ter du projet de loi prévoient des mesures visant à accroître l'équité dans le domaine de l'emploi des seniors et de la transition entre l'emploi et la retraite.

L' article 11 procède à un assouplissement de la condition d'âge pour bénéficier du dispositif de retraite progressive qui autorise le cumul d'une activité à temps partiel avec une fraction de la pension et permet donc de poursuivre l'acquisition de droits à retraite pour majorer la pension qui sera liquidée à terme. Il entend accroître l'attractivité de ce dispositif qui demeure très peu utilisé (environ 2 400 bénéficiaires fin 2012).

L' article 12 entend simplifier le dispositif du cumul emploi-retraite en prévoyant, dans un objectif d'harmonisation, qu'à compter du 1 er janvier 2015, la liquidation d'une pension, quel que soit le régime légalement obligatoire dont relève l'assuré, supposera de mettre un terme à l'ensemble de ses activités professionnelles. Il généralise en conséquence le principe de cotisations non génératrices de nouveaux droits à retraite.

L'étude d'impact annexée au projet de loi indique par ailleurs l'intention du Gouvernement d'ouvrir par décret un droit au cumul entre l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et des revenus d'activité. Une proposition de loi en ce sens avait été adoptée en première lecture au Sénat à l'initiative de notre collègue Isabelle Debré.

L' article 12 bis prévoit qu' en cas de dépassement du plafond annuel prévu dans le cadre du dispositif du CER plafonné, les pensions servies ne sont plus suspendues. Au lieu de cette règle qui emporte des conséquences fâcheuses tant pour les assurés que pour les caisses, même pour un dépassement très faible, les montants de pension seront réduits à due concurrence du dépassement.

Enfin, par équité, l' article 12 ter supprime, pour les bénéficiaires d'un âge dérogatoire d'ouverture des droits à pension, la possibilité de cumuler pension de vieillesse et allocation chômage jusqu'à l'âge légal de départ en retraite.

3. Les mesures en faveur des femmes, des jeunes et des assurés ayant des carrières heurtées

Le chapitre III regroupe diverses mesures réparties en faveur des femmes, des jeunes actifs et des assurés ayant connu des carrières professionnelles heurtées.

a) Les femmes

L' article 13 prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, dans les six mois suivant l'entrée en vigueur du texte, un rapport formulant des propositions pour la refonte des majorations de pension pour enfants de manière à ce qu'elles bénéficient davantage aux femmes qu'en l'état actuel du droit.

L' article 13 bis concerne la remise, dans l'année suivant la promulgation de la loi, d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'évolution des règles relatives aux pensions de réversion.

L' article 13 bis A prévoit de renvoyer à un Conseil d'Etat la définition du mécanisme de coordination entre régimes rendu nécessaire par l'adaptation des règles de partage de la majoration de durée d'assurance dans le cadre de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

L' article 14 permet d'assouplir les règles de validation de trimestres d'assurance vieillesse au titre d'une année dans le régime général et les régimes alignés (salariés agricoles, artisans et commerçants) pour mieux prendre en compte les carrières à temps très partiel ou à faible rémunération. Il sera possible, à compter de 2014, de valider un trimestre sur la base de 150 heures rémunérées au Smic (au lieu de 200).

Cet article ouvre en outre la possibilité de reporter des cotisations non utilisées pour la validation d'un trimestre sur l'année suivante ou sur la précédente lorsque les années en question comptent moins de quatre trimestres validés.

Afin d'éviter qu'un assuré fortement rémunéré ne puisse valider quatre trimestres en quelques semaines d'activité, cet article prévoit la fixation d'un plafond spécifique pour le calcul de la durée d'assurance.

L' article 15 assouplit le dispositif de retraite anticipée pour carrières longues (RACL) en prévoyant l'élargissement possible du champ des trimestres pouvant être réputés cotisés à l'ensemble des « périodes assimilés ». Seront ajoutés aux trimestres aujourd'hui réputés cotisés deux trimestres de chômage et deux trimestres d'invalidité supplémentaires ainsi que tous les trimestres de maternité.

b) Les jeunes

L' article 16 permet d'introduire un tarif préférentiel de rachat de trimestres d'études supérieures pour les rachats effectués dans un délai de dix ans suivant la fin des études et dans la limite de quatre trimestres.

L' article 16 bis ouvre la possibilité de valider des trimestres d'assurance au titre des stages conventionnés et donnant lieu à gratification, dans la limite de deux trimestres.

L' article 16 ter prévoit la remise, avant le 15 juillet 2015, d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les modalités d'une ouverture de droits à retraite au titre des études supérieures.

L' article 17 vise à améliorer la situation des apprentis qui cotisent aujourd'hui sur une assiette forfaitaire trop faible pour leur permettre de valider une durée d'assurance égale à celle de leur contrat. La mesure prévue est double : d'une part, le passage à la prise en compte de l'assiette réelle pour les cotisations vieillesse dues pour les apprentis, d'autre part, l'introduction d'un système de validation complémentaire de droits à retraite de base pour les apprentis qui ne valideraient toujours pas autant de trimestres de retraite que de trimestres d'apprentissage sur une année civile.

c) Les carrières heurtées

L' article 18 permet d'inclure dans les périodes assimilées d'assurance vieillesse l'ensemble des périodes de stages de formation professionnelle continue donnant lieu à cotisation. Cette mesure s'appliquera aux périodes de stage postérieures au 31 décembre 2014. Cet article corrige ainsi une injustice touchant les stagiaires de la formation professionnelle par rapport aux chômeurs, les premiers ne validant au mieux qu'un seul trimestre de retraite par année au titre de leur période de stage tandis que les seconds peuvent se voir valider jusqu'à quatre trimestres au titre de la période de chômage. Il vise également à encourager la formation professionnelle des chômeurs.

L' article 19 permet aux conjoints collaborateurs des indépendants (artisans et commerçants, exploitants agricoles, professions libérales et avocats) de s'affilier à l'assurance volontaire vieillesse en cas de divorce, de décès ou de départ à la retraite du chef d'entreprise ou du professionnel libéral de manière à continuer d'acquérir des droits à retraite.

d) Les mesures en faveur des retraites agricoles

Le chapitre IV comporte trois articles visant à améliorer les pensions agricoles. L'ensemble de ces mesures fait l'objet d'un financement spécifique dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

L' article 20 supprime la condition de durée minimale d'assurance pour bénéficier de la pension majorée de référence (PMR) dont l'objet est de garantir un niveau de pension minimal pour les non-salariés agricoles. La PMR ne sera soumise, à compter du 1 er janvier 2014, qu'à deux conditions cumulatives : l'éligibilité à une retraite à taux plein dans le régime des non-salariés agricoles et la liquidation intégrale des droits à retraite dans les régimes de base et complémentaires obligatoires.

L' article 21 prévoit une triple mesure destinée à améliorer la retraite complémentaire obligatoire (RCO) des conjoints collaborateurs et des aides familiaux :

- attribution de points de retraite gratuits aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux au titre des années antérieures à leur affiliation au RCO (intervenue le 1 er janvier 2011) ;

- extension de la pension de réversion du RCO aux conjoints d'assurés décédés en activité ;

- extension du dispositif des droits combinés du régime de base au RCO (qui permet au conjoint survivant d'un chef d'exploitation décédé avant d'avoir demandé la liquidation de sa pension de cumuler les droits du défunt et les siens pour le calcul du montant de retraite s'il reprend l'exploitation).

L' article 22 instaure un complément différentiel de retraite complémentaire dont l'objectif est de porter en trois ans le montant de la retraite des chefs d'exploitation ayant effectué une carrière complète à 75 % du Smic. Il s'applique à l'ensemble des retraités du régime indépendamment de la date de liquidation de leur pension.

e) Les mesures en faveur des assurés handicapés et leurs aidants familiaux

Le chapitre V comprend trois articles ouvrant de nouveaux droits aux assurés handicapés et aux aidants familiaux de personnes handicapées.

L' article 23 redéfinit le critère principal d'éligibilité à la retraite anticipée des travailleurs handicapés pour le rendre plus adapté et moins restrictif. Il substitue en effet progressivement au critère de la RQTH celui du taux d'incapacité permanente de 50 %. Cette mesure s'applique aux pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2014.

L' article 24 permet d'ouvrir par décret la possibilité, pour les personnes handicapées justifiant d'un taux d'incapacité permanente de 50 %, de liquider leur retraite à taux plein dès l'âge d'ouverture des droits (contre 65 ans aujourd'hui) et sans autre condition. Leur régime se voit ainsi aligné sur celui des assurés percevant l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou reconnus inaptes au travail. Cette mesure s'applique aux pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2014. Son coût annuel pour le régime général est évalué à environ 30 millions d'euros.

L' article 25 supprime la condition de ressources à laquelle sont soumis les aidants familiaux pour bénéficier de l'affiliation à l'allocation vieillesse des parents au foyer. L'ensemble des personnes qui réduisent ou interrompent leur activité pour prendre soin d'une personne handicapée ou en perte d'autonomie se verront ainsi garantir la continuité des droits à retraite attachée à cette affiliation.

Cet article crée en outre une majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux en charge d'un adulte lourdement handicapé fonctionnant selon des modalités identiques au dispositif de majoration de durée d'assurance pour enfant handicapé.

L' article 26 bis améliore, pour réduire le faible taux de recours à l'Aspa, le dispositif d'information destinée aux assurés qui y seraient potentiellement éligibles.

L' article 27 bis réduit à deux ans la durée des services effectifs nécessaire pour obtenir une pension militaire. Cette « clause de stage » se voit ainsi alignée sur celle qui s'applique aux fonctionnaires civils.

Tableau n° 13 : Impact financier des mesures d'équité prévues par le projet de loi

(en milliards d'euros constant 2011)

2014

2020

2030

2040

Coût total des mesures d'équité avant prise en compte de la cotisation à la charge des entreprises (pénibilité) et autofinancement des mesures d'agricoles,
dont :

-0,2

-0,7

-2,7

-4,1

§ mesures de prise en compte de la pénibilité

0,0

-0,5

-2,0

-2,5

§ Mesures en faveur des jeunes, des femmes, des carrières heurtées et des petites pensions

0,0

0,0

-0,4

-1,3

§ Mesures en faveur des retraites agricoles

-0,2

-0,2

-0,3

-0,3

Total des mesures d'équité après prise en compte de la cotisation à la charge des entreprises (pénibilité) et autofinancement des mesures d'agricoles,
dont :

0,0

0,0

-2,4

-2,7

§ Cotisation à la charge des entreprises exposant à la pénibilité

+0,5

+0,5

+0,8

§ Autofinancement des mesures en faveur des retraites agricoles

+0,2

+0,2

+0,3

+0,3

Source : Etude d'impact

Tableau n° 14 : Impact net des mesures d'équité et des mesures de financement

(en milliards d'euros constant 2011)

2014

2020

2030

2040

Impact des mesures de redressement

4,1

8,1

15,0

21,6

Impact des mesures d'équité

0,0

0,0

-2,4

-2,7

Impact net des mesures

4,1

8,1

13,1

18,6

Source : Etude d'impact

C. LES MESURES PROPOSÉES POUR AMÉLIORER LA LISIBILITÉ ET LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME

Le titre III comporte deux chapitres. Le premier regroupe les dispositions visant à renforcer l'information des assurés pour mieux garantir l'accès à leurs droits. Le second rassemble les articles visant à améliorer la gouvernance du système de retraites.

1. Le renforcement du droit à l'information

L' article 26 , qui réaffirme l'importance du droit à l'information des assurés, prévoit la création d'un compte individuel de retraite d'ici au 1 er janvier 2017. L'objet de ce compte est de permettre à l'assuré de connaître à tout moment les droits à retraite qu'il a acquis et d'obtenir des simulations sur le montant de ses pensions. L'objectif est également de permettre à l'assurer de liquider sa retraite sur le fondement d'une seule demande et à partir d'une déclaration en ligne pré-remplie. Les économies escomptées sont de 200 millions d'euros à l'horizon 2020.

L' article 27 crée une structure de pilotage inter-régimes dénommée « Union des institutions et des services de retraites » et regroupant l'ensemble des organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires ainsi que les services de l'Etat chargés de la liquidation des pensions. Elle est chargée de mener à bien le projet de simplification du système de retraite à travers une coordination des régimes de base et des régimes complémentaires.

Cet article étend en outre aux régimes complémentaires le projet de répertoire de gestion des carrières unique (RGCU).

L' article 28 vise à remédier aux iniquités produites par le mode de calcul des pensions de retraite des assurés polypensionnés. Pour les assurés affiliés à plusieurs régimes alignés (régime général, RSI, salariés agricoles), il prévoit de calculer la pension des polypensionnés comme si l'assuré avait relevé d'un seul régime de façon à traiter également les poly- et les monopensionnés lorsqu'ils relèvent de régimes à règles comparables. Compte tenu des adaptations nécessaires induites par cette mesure pour les caisses de retraite, l'entrée en vigueur est prévue pour le 1 er janvier 2017.

L' article 29 simplifie à compter du 1 er janvier 2016 le dispositif du versement forfaitaire unique (VFU) qui consiste en un versement en capital des très petites pensions. Pour les monopensionnés, il prévoit le remplacement du VFU par un remboursement de cotisations. Pour les polypensionnés, il rend possible la mutualisation des pensions pour que la pension donnant lieu à VFU soit servie en rente et non plus en capital par le régime servant la pension la plus importante.

L' article 29 bis prévoit la réalisation d'un rapport du Gouvernement sur les conditions d'application des conventions bilatérales existantes en matière de retraite et sur les difficultés liées à la perception d'une pension de retraite à l'étranger.

2. Gouvernance et simplification

L' article 30 prévoit la tenue annuelle d'un débat entre le Gouvernement et les organisations syndicales de fonctionnaires sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique.

L' article 31 confie au conseil d'administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) une mission de pilotage du régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles, à l'égard duquel elle n'assume aujourd'hui qu'une mission de gestion administrative et de trésorerie.

L' article 32 modifie les règles de gouvernance de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérale (CNAVPL). Depuis la réforme des retraites de 2003, qui a institué pour les professionnels libéraux un régime unique en points, CNAVPL est censée jouer un rôle d'animation et de coordination à l'égard des dix sections professionnelles qui gèrent à la fois le régime de retraite base pour le compte de la caisse nationale et le régime de retraite complémentaire. Faute d'outils adéquats, cette mission demeure cependant largement théorique dans les faits. Le présent article vise à remédier à ce manque d'encadrement en reprécisant les compétences de la caisse nationale et de son conseil d'administration.

L' article 32 bis prévoit de confier le recouvrement des droits de plaidoirie à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) et non plus à l'ordre des avocats et aux barreaux.

L' article 33 vise à mettre en conformité les régimes de retraite supplémentaire gérés directement en interne par les entreprises à une directive européenne de 2008 relative à la protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur. A cette fin, il habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

L' article 33 bis identifie la nature juridique du contrat de travail comme étant le critère d'affiliation des salariés à un régime de retraite complémentaire. Il aménage le dispositif par des mesures transitoires et des mécanismes de compensation pour prendre en compte les conséquences de cette clarification des règles tant sur les droits acquis des assurés que sur la gestion des caisses.

L' article 34 habilite le Gouvernement à prendre deux ordonnances pour étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du projet de loi à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.

*

* *

A l'issue de ses travaux, votre commission n'a pas adopté de texte sur le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 111-2-1 et L. 161-17 A du code de la sécurité sociale) - Clarification des principes et objectifs de l'assurance vieillesse

Objet : Cet article vise à réaffirmer et à clarifier les principes et les objectifs de l'assurance vieillesse en leur conférant une place plus adéquate au sein du code de la sécurité sociale.

I - Le dispositif proposé

L'article 1 er du présent projet de loi clarifie les principes et les objectifs du système de retraite tout en les déplaçant dans le premier chapitre du code de la sécurité sociale.


Des principes et objectifs posés en 2003 et insérés dans le code de la sécurité sociale en 2010

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a posé dans ses trois premiers articles les trois grands principes du système français d'assurance vieillesse :

- le choix de la retraite par répartition ;

- le caractère contributif des pensions (tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité) ;

- le traitement équitable de l'assuré au regard de la retraite, quels que soient son sexe, ses activités professionnelles passées et le régime dont il a relevé.

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites insère ces mêmes principes à l'article L. 161-17A du code de la sécurité sociale, dans le chapitre relatif aux prestations de sécurité sociale , et leur adjoint l'énoncé de huit objectifs assignés au système de retraite :

- le maintien d'un niveau de vie satisfaisant des retraités ;

- la lisibilité ;

- la transparence ;

- l'équité intergénérationnelle ;

- la solidarité intragénérationnelle ;

- la pérennité financière ;

- la progression du taux d'emploi des personnes de plus de 55 ans ;

- la réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes.


La clarification proposée

La place ainsi attribuée à ces dispositions au sein du code de la sécurité sociale ne donne pas entière satisfaction.

En effet, les principes et objectifs généraux de l'assurance maladie figurent, en ce qui les concerne, à l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale, au sein des dispositions du chapitre 1 er du titre 1 er du code , relatif à l'organisation de la sécurité sociale.

Pour plus de lisibilité, il paraît souhaitable de rassembler ces deux séries de dispositions de nature semblable au sein du même article général.

Le présent projet de loi s'engage dans cette voie en déplaçant au sein de l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale l'affirmation des principes et objectifs du système de retraite par répartition.

A cette fin, le paragraphe I du présent article complète l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale pour y faire figurer l'énoncé des principes et objectifs de l'assurance vieillesse à la suite des alinéas relatifs aux grands principes de la sécurité sociale et aux objectifs de l'assurance maladie.

Dans un souci de cohérence et de clarté, il procède à des modifications d'ordre rédactionnel et supprime les objectifs de lisibilité et de transparence qui n'apparaissent pas comme une fin en soi du système de retraite.

Ces deux derniers objectifs sont repris à l'article 26 du présent projet de loi dans le cadre des dispositions relatives au droit à l'information des assurés.

Le paragraphe II du présent article abroge en conséquence l'article L. 161-17A du code de la sécurité sociale.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements qui modifient le paragraphe I du présent article pour aménager la rédaction des principes et objectifs et les compléter sur les 3 points principaux suivants :

- le principe du traitement équitable des assurés s'apprécie au regard de la durée de la retraite et du montant de la pension et indépendamment non seulement du sexe, des activités professionnelles passées, du ou des régimes d'affiliation mais aussi des parcours professionnels passés , de l'espérance de vie en bonne santé et de la génération des assurés ;

- le principe de la « réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes » est remplacé par celui « d' égalité des pensions entre les femmes et les hommes » qui doit constituer l'un des moyens au service de l'objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération au même titre que la garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités et que « la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d'emploi totale ou partielle » qui est ajoutée au texte initial ;

- l'objectif d'un niveau élevé d'emploi des seniors est supprimé ;

- un dernier alinéa est ajouté qui précise que la « pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital ». Ce financement « suppose de rechercher le plein emploi ».

L'Assemblée nationale a également adopté une disposition de coordination se traduisant par l'ajout d'un paragraphe III au présent article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 2 (art. L. 161-17-3 [nouveau] du code de la sécurité sociale, art. 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, art. L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite et art. L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime) - Allongement de la durée d'assurance entre 2020 et 2035

Objet : Cet article prévoit, pour l'ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires, une augmentation de la durée d'assurance d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif actuel

1. La durée d'assurance requise pour bénéficier du taux plein est aujourd'hui révisée chaque année par décret selon les modalités prévues jusqu'en 2020 par les réformes de 2003 et de 2010.

- Le principe de l'allongement de la durée d'assurance en fonction de la hausse de l'espérance de vie

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites pose le principe de l'allongement de la durée d'assurance en fonction de l'augmentation de l'espérance de vie à 60 ans. Son article 5 prévoit ainsi que la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein évolue de manière à maintenir constant, jusqu'en 2020, le rapport constaté en 2003 entre cette durée et la durée moyenne de retraite (soit 1,79). Le même principe s'applique à l'évolution de la durée des services et bonifications (la durée d'assurance) nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension de retraite dans les régimes de la fonction publique.

En vertu de ce principe, entre 2003 et 2008, la durée d'assurance a été stabilisée à 40 ans dans le régime général et les régimes alignés (salariés agricoles, commerçants, artisans) tandis qu'elle a augmenté d'un trimestre par an entre 2003 et 2008, passant de 37,5 ans à 40 ans, dans les régimes de la fonction publique. A compter de 2009, la durée d'assurance a été majorée d'un trimestre par an pour atteindre 41 annuités en 2012.

Les modalités de mise en oeuvre du principe posé en 2003 ont toutefois été révisées par la réforme de 2010. En effet, tout en confirmant ce principe, l'article 17 de la loi du 9 novembre 2010 charge le Conseil d'orientation des retraites (COR) de rendre chaque année un avis sur l'évolution du rapport entre la durée d'assurance et la durée moyenne de retraite pour la génération atteignant l'âge de 56 ans cette année-là. La durée d'assurance requise pour cette génération est ensuite fixée par le Gouvernement par décret.

Cette procédure s'est appliquée pour la première fois à la génération 1955.

Lors de sa réunion plénière du 25 septembre 2013, le COR a rendu un avis sur la durée d'assurance requise pour la génération 1957 et préconisé de maintenir inchangée cette durée par rapport à la durée fixée pour la génération précédente née en 1956 21 ( * ) , soit 41,5 ans (166 trimestres).

En application de la loi de 2010, ce dispositif devrait s'éteindre en 2020 avec l'intervention en 2016 du décret applicable à la génération 1960. A cette date, selon les projections disponibles, la durée d'assurance devrait être de 167 trimestres (41,75 annuités).

Evolution des bornes d'âge et de la durée d'assurance
requise pour une pension à taux plein selon le droit en vigueur

Date de naissance

Age d'ouverture des droits

Durée d'assurance pour le taux plein

Age d'annulation de la décote

Avant 1949

60 ans

160 trimestres

65 ans

1949

161 trimestres

1950

162 trimestres

Entre le 1 er janvier et le 30 juin 1951

163 trimestres

Entre le 1 er juillet et le 31 décembre 1951

60 ans et 4 mois

163 trimestres

65 ans et 4 mois

1952

60 ans et 9 mois

164 trimestres

65 ans et 9 mois

1953

61 ans et 2 mois

165 trimestres

66 ans et 2 mois

1954

61 ans et 7 mois

66 ans et 7 mois

1955

62 ans

166* trimestres

67 ans

1956

1957

* Le 25 septembre 2013, le COR a recommandé de maintenir inchangée pour la génération née en 1957 la durée d'assurance pour une retraite à taux plein par rapport à la génération née en 1956, soit 166 trimestres (41,5 ans).

- Le principe de la garantie générationnelle

A son article 5, la loi du 21 août 2003 pose le principe de la garantie générationnelle, c'est-à-dire de l'assurance donnée à tout assuré ayant atteint l'âge de 60 ans que la durée d'assurance qui lui est applicable restera stable . L'objectif est d'éviter que les assurés, alors qu'ils étaient disposés à rester en emploi, ne partent en retraite par crainte d'un allongement de la durée d'assurance.

Une exception à ce principe est prévue pour les catégories actives de la fonction publique dont l'âge d'ouverture des droits à retraite reste inférieur à l'âge légal de droit commun. La loi de 2003 leur applique en effet un principe de garantie non pas en fonction de l'année de naissance mais en fonction de l'année d'ouverture des droits dans la fonction publique : la durée des services et bonifications applicable aux catégories actives est celle exigée des fonctionnaires qui atteignent l'âge de 60 ans l'année où les catégories actives peuvent liquider leur pension en vertu des règles dérogatoires qui leur sont applicables.

2. Ces règles d'évolution de la durée d'assurance ne permettent cependant pas de répondre aux enjeux de pérennité financière et de lisibilité du système de retraite.

En effet, comme l'a souligné la Commission pour l'avenir des retraites à partir des travaux du COR 22 ( * ) , au terme du dispositif d'évolution de la durée d'assurance actuellement en vigueur, soit en 2020, le besoin de financement du système de retraite restera de l'ordre d'un point de PIB.

Le ratio démographique tendra à se dégrader jusqu'en 2035 avant de se stabiliser, une fois passée la « bosse » des départs en retraite des générations issues du baby-boom. Parallèlement, l'espérance de vie à 60 ans devrait augmenter d'un an tous les dix ans jusqu'en 2060 selon les projections de l'Insee.

En outre, les règles actuelles de détermination de la durée d'assurance peuvent sembler porteuses d'incertitude pour les assurés qui ne disposent que d'une visibilité limitée sur leurs conditions de départ en retraite alors qu'ils se trouvent déjà en fin de carrière.


Le dispositif proposé

- Les nouvelles modalités d'allongement de la durée d'assurance

L'article 2 du présent projet de loi définit de nouvelles modalités d'allongement de la durée d'assurance et de services et bonifications requise pour l'obtention du taux plein à compter de 2020 et jusqu'en 2035. Il permet ainsi d'inscrire à l'avance dans la loi la durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein pour les générations nées à partir de 1958.

Il comprend cinq paragraphes.

Le paragraphe I insère, après l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale relatif à l'âge d'ouverture des droits à pension, un nouvel article L. 161-17-3 relatif à la durée d'assurance.

Ce dernier porte la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une retraite à taux plein de 41,75 ans (167 trimestres) pour la génération née en 1958 à 43 ans (172 trimestres) pour la génération née en 1973 et les suivantes.

Le rythme d'augmentation retenu est donc d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035.

Bien que cet article modifie les règles d'évolution de la durée d'assurance à compter de l'extinction du mécanisme actuellement en vigueur, soit à compter de la génération 1961, il inscrit dans la loi les durées d'assurance requises, pour plus de clarté, à compter de la génération 1958.

La définition par la loi de la durée d'assurance nécessaire à la liquidation d'une pension sans décote se substitue ainsi à la fixation de la durée requise chaque année par décret.

Le tableau ci-dessous expose le calendrier de hausse de la durée d'assurance prévu.

Evolution de la durée d'assurance
pour le taux plein prévue à l'article 2 du projet de loi

Génération

Age légal d'ouverture des droits

Durée d'assurance pour obtenir le taux plein

Age du taux plein quelle que soit la durée d'assurance

1956 et 1957

62 ans

166* trimestres
(41,5 annuités)

67 ans

1958, 1959 et 1960

167 trimestres
(41,75 annuités)

1961, 1962 et 1963

168 trimestres
(42 annuités)

1964, 1965 et 1966

169 trimestres
(42,25 annuités)

1967, 1968 et 1969

170 trimestres
(42,5 annuités)

1970, 1971 et 1972

171 trimestres
(42,75 annuités)

A partir de 1973

172 trimestres
(43 annuités)

*Dernière durée fixée en 2013 par décret pris en application de la loi de 2003, les durées d'assurance suivantes étant fixées dans la loi.

Ces règles s'appliquent à l'ensemble des régimes concernés par l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale : régime général et régimes alignés (salariés agricoles, artisans et commerçants), régime des exploitants agricoles, régime des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, régime des agents des collectivités locales, régime des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, régime des professions libérales et régime des avocats.

Le Gouvernement a indiqué son intention d'appliquer cette évolution aux régimes spéciaux de retraite par voie réglementaire et selon un calendrier spécifique prenant en compte les règles de convergence progressive aujourd'hui mises en oeuvre en application de la réforme de 2008.

Le dispositif proposé conduit à répartir les gains d'espérance de vie entre durée d'activité et durée de retraite selon des modalités favorables à cette dernière : entre 2013 et 2035, l'espérance de vie à 60 ans aura augmenté de plus de deux ans quand la durée d'assurance sera passée de 41,5 à 43 ans.

Le paragraphe II modifie l'article 5 de la loi du 21 août 2003 pour tirer les conséquences de l' évolution prévue au présent article et prévoir une évolution de la durée d'assurance fondée sur un partage des gains d'espérance de vie jusqu'en 2017 et non plus jusqu'en 2020.

Le paragraphe III étend le dispositif proposé au régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat par une insertion à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite d'un renvoi au nouvel article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale. Il confirme en outre, pour les catégories actives de la fonction publique, l'exception prévue au principe de la garantie générationnelle qui est inscrite au même article L. 13.

Le paragraphe IV prévoit l'application du paragraphe III aux fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

Enfin, le paragraphe V , qui complète l'article L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime par un renvoi au nouvel article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale, prévoit des dispositions de coordination pour étendre le dispositif proposé au régime de retraite des exploitants agricoles.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, l'impact de la mesure s'élèverait à 5,4 milliards d'euros en 2030 et 10,4 milliards d'euros en 2040 tous régimes de retraite de base et complémentaire confondus .

Si l'on s'en tient aux seuls régimes de base non automatiquement équilibrés (régime général, régimes alignés, régime des professions libérales et régime des exploitants agricoles), l'impact serait de 2,7 milliards d'euros en 2030 et 5,6 milliards d'euros en 2040.

Impact financier du dispositif
proposé sur les régimes de retraite obligatoires

(en milliards d'euros 2011)

2020

2030

2040

Tous régimes de base non automatiquement équilibrés

-

+2,7

+ 5,6

Tous régimes de base et complémentaires

-

+ 5,4

+ 10,4

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi

Selon les informations communiquées à votre rapporteure par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav), et figurant dans le tableau ci-dessous, l'incidence globale sur le régime général de l'allongement de la durée d'assurance (incluant les effets sur les masses de prestations et les effets sur les cotisations 23 ( * ) ) serait d'environ 2 milliards d'euros en 2030 et de près de 8 milliards d'euros en 2050.

Impact de la hausse de la durée taux plein
sur le solde de la Cnav

(en millions d'euros 2010)

Effet sur les masses financières

2020

2025

2030

2035

2040

2045

2050

2055

2060

Prestations

-5

-517

-1 581

-2 647

-3 760

-5 151

-6 613

-7 233

-8 133

Cotisations

1

131

387

562

704

951

1 237

1 249

1 418

Transferts FSV

0

2

2

10

10

0

-27

-31

-42

Solde technique Cnav

6

650

1 970

3 220

4 474

6 102

7 823

8 452

9 510

Source : Cnav

Quant aux caisses de retraite complémentaire des travailleurs salariés, elles ont indiqué à votre rapporteure que l'impact estimé sur le résultat technique des régimes Agirc et Arrco était de 1,625 milliard d'euros en 2030 .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a procédé à des modifications de nature rédactionnelle.

III - La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 bis - Rapport du Gouvernement sur l'âge du taux plein et la décote

Objet : Cet article, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 1 er mars 2015, d'un rapport relatif à l'âge du taux plein et au dispositif de décote.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 2 bis du présent projet de loi prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité de deux mesures :

- revenir sur le report progressif, instauré par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, de l'âge requis pour bénéficier du taux plein automatique (c'est-à-dire ramener l'âge d'annulation de la décote de 67 à 65 ans) ;

- diminuer le coefficient de minoration (la décote) appliqué par trimestre manquant lorsque l'assuré ne réunit pas la durée d'assurance nécessaire pour obtenir la liquidation de sa pension de retraite à taux plein.

Il s'agit notamment d'étudier les conséquences sur la situation des femmes de l'élévation de l'âge du taux plein et de l'instauration du dispositif de décote.

Le rapport doit être remis au Parlement avant le 1 er mars 2015.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 3 (art. L. 114-2, L. 114-4, L. 114-4-2, L. 114-4-3 et L. 135-6 du code de la sécurité sociale) - Création d'un dispositif de pilotage annuel du système de retraite

Objet : Cet article définit un nouveau mode de pilotage annuel du système de retraite s'appuyant sur le Conseil d'orientation des retraites et la création d'un comité d'experts.

I - Le dispositif proposé

• Le dispositif de pilotage actuel

Le pilotage du système de retraite s'entend de l'ensemble des outils institutionnels et techniques visant à adapter au cours du temps les paramètres des régimes de retraite afin que le système respecte les principes et remplisse les objectifs que la loi lui assigne.

Le mécanisme de pilotage aujourd'hui en vigueur est centré, depuis la loi du 21 août 2003, sur la révision périodique de la durée d'assurance nécessaire à l'obtention d'une retraite à taux plein. Cet ajustement doit permettre de stabiliser jusqu'en 2020 le rapport constaté en 2003 entre la durée d'assurance et la durée moyenne de retraite (cf. l'examen de l'article 2 du présent projet de loi). Il conduit à répartir les gains d'espérance de vie à 60 ans entre un allongement de la durée d'assurance (à hauteur des deux tiers environ) et un accroissement de la durée moyenne de retraite (à hauteur d'un tiers environ).

La loi de 2003 prévoyait qu'à compter de 2012 la durée d'assurance serait révisée sur ce fondement tous les quatre ans à partir des avis de la commission de garantie des retraites et du Conseil d'orientation des retraites (COR) :

- prévue à l'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale et composée de quatre personnalités qualifiées, la commission de garantie des retraites est chargée de veiller à « l'évolution de la durée d'assurance et de services rendue nécessaire par l'allongement de l'espérance de vie » ;

- institué par décret 24 ( * ) avant d'être consacré par l'article 6 de la loi du 21 août 2003, le COR est une structure permanente de trente-neuf membres réunissant des parlementaires, les partenaires sociaux, des experts et des représentants des administrations de l'Etat ; ses missions sont définies à l'article L. 114-2 du code de la sécurité sociale.

Les missions du COR

1° décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière ;

2° apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ;

3° mener une réflexion sur le financement des régimes de retraite susmentionnés et suivre l'évolution de ce financement ;

4° formuler les avis préalables aux décisions à prendre tous les ans sur la durée d'assurance requise pour les assurés atteignant l'âge de 56 ans cette année-là ;

5° participer à l'information sur le système de retraite et les effets des réformes conduites pour garantir son financement ;

6° suivre la mise en oeuvre des principes communs aux régimes de retraite et l'évolution des niveaux de vie des actifs et des retraités, ainsi que de l'ensemble des indicateurs des régimes de retraite, dont les taux de remplacement.

Par ailleurs, le Conseil remet au Premier ministre au moins tous les deux ans un rapport, communiqué au Parlement et rendu public.

La réforme des retraites de 2010, tout en supprimant le principe des rendez-vous quadriennaux introduit en 2003, a maintenu le principe de l'évolution de la durée d'assurance en fonction des gains d'espérance de vie à 60 ans. Ce principe est toutefois appliqué selon une procédure nouvelle : la durée d'assurance est définie chaque année pour les assurés qui ont 56 ans cette année-là à partir d'un avis technique du COR et en fonction de règles définies par la loi de 2003.

A son article 2, la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a en outre créé le comité de pilotage des régimes de retraite (Copilor) composé de représentants de l'Etat, des parlementaires membres du COR, de représentants des régimes de retraite légalement obligatoires, de représentants de partenaires sociaux et de personnalités qualifiées.

En vertu de l'article L. 114-4-2 du code de la sécurité sociale, le Copilor est chargé de « veiller au respect des objectifs du système de retraite par répartition » et de rendre un avis annuel au Gouvernement « sur la situation financière des régimes de retraite, sur les conditions dans lesquelles s'effectue le retour à l'équilibre du système à l'horizon 2018 et sur les perspectives financières au-delà de cette date ». S'il estime « qu'il existe un risque sérieux que la pérennité financière du système de retraite ne soit pas assurée, il propose au Gouvernement et au Parlement les mesures de redressement qu'il estime nécessaires ».

• Les limites du dispositif actuel

En raison d'une organisation institutionnelle inadaptée et d'une portée trop restreinte, le dispositif de pilotage mis en place en 2003 et réaménagé en 2010 n'a pas su faire la preuve de son efficacité.

S'agissant de l'organisation institutionnelle, l'existence tant de la commission de garantie des retraites que du Copilor n'est au mieux que théorique. La première, soumise à un rythme d'intervention espacé, n'a pu garantir une réactivité suffisante aux pouvoirs publics. Elle se trouve, de plus, dénuée d'objet depuis la réforme de 2010. Le second, chargé d'une mission hybride, à la fois technique et politique, s'est enlisé dans des difficultés de fonctionnement et n'a pas su trouver sa place face au COR avec lequel il apparaît largement redondant. Le Copilor ne s'est d'ailleurs réuni en séance plénière 25 ( * ) qu'à une seule reprise (en 2011) et n'a jamais rendu d'avis.

S'agissant de la portée du dispositif de pilotage actuel, on peut regretter qu'elle ne soit circonscrite qu'à la trajectoire financière du système sans s'attacher au respect des autres objectifs du système d'assurance vieillesse consacrés dans le code de la sécurité sociale (niveau des pensions de retraite et des taux de remplacement, situation des femmes, emploi des seniors ou encore intelligibilité du système).

De surcroît, l'horizon de pilotage, limité à 2020 par la réforme de 2003 et ramené à 2018 par celle de 2010, apparaît relativement limité. Comme l'a indiqué le rapport de la Commission pour l'avenir des retraites 26 ( * ) , de nombreux pays étrangers prennent en compte un horizon de plus long terme sur le fondement d'un dispositif de pilotage permanent, ce qui paraît être le gage d'une efficacité et d'une lisibilité accrues.

A titre d'exemple, en Allemagne, deux dispositions législatives adoptées en 2001 encadrent strictement l'évolution du régime de retraite qui doit respecter un plafond de taux de cotisation ainsi qu'un plancher de taux de remplacement. Des mécanismes automatiques de maîtrise des dépenses sont en outre prévus 27 ( * ) .

• Le nouveau dispositif proposé

Pour remédier aux défauts du système actuel, l'article 3 du projet de loi propose un pilotage annuel en quatre étapes et portant sur les caractéristiques tant financières que sociales du système de retraite :

- Le COR réalise chaque année un bilan du système à partir d'une liste d'indicateurs de suivi du respect de ses grands objectifs.

- Sur ce fondement, un comité de surveillance des retraites créé à cet effet rend un avis public qui peut comporter des recommandations publiques adressées au Parlement, au Gouvernement et aux caisses de retraite.

- Le Gouvernement présente au Parlement, après consultation des partenaires sociaux, les suites qu'il entend donner à ces recommandations.

- Le comité de surveillance des retraites est chargé de rendre un avis sur le suivi de ces recommandations.

Conformément aux préconisations du rapport Moreau, ce dispositif vise à mieux distinguer la phase de diagnostic partagé dans l'enceinte de dialogue et de concertation que constitue le COR de la phase d'expertise technique au sein du comité de surveillance qui endosse un rôle d'alerte et de proposition.

La création de ce dispositif conduit à la suppression de la commission de garantie des retraites et du Copilor.

L'article 3 du présent projet de loi comprend quatre paragraphes.

Le paragraphe I modifie l'article L. 114-2 du code de la sécurité sociale relatif aux missions du COR pour prévoir la réalisation annuelle par le comité d'un rapport public avant le 15 juin sur le système de retraite à partir d'une liste d'indicateurs de suivi du respect des objectifs définis à l'article 1 er du présent projet de loi. Les indicateurs sont définis par décret. Cette mission se substitue ainsi à celle prévue au 4° de l'article L. 114-2 du code de la sécurité sociale et qui consiste aujourd'hui à rendre un avis technique annuel sur l'évolution de la durée d'assurance.

Le paragraphe II réécrit entièrement l'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale relatif à la commission de garantie des retraites (article unique qui compose la section 6 du chapitre IV du titre I er du livre I er du code). Il substitue à ces dispositions une nouvelle section 6 intitulée « Comité de surveillance des retraites ». La commission de garantie des retraites est donc supprimée.

Dans la nouvelle rédaction qui en est proposée, l'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale se scinde en cinq paragraphes relatifs à la composition, aux missions, à l'objet et à la portée des recommandations ainsi qu'aux suites données aux recommandations du comité de surveillance des retraites.

• Composition et fonctionnement du comité (paragraphe I)

Le comité de surveillance des retraites se compose de cinq membres : deux femmes et deux hommes nommés pour cinq ans par décret à raison de leurs compétences en matière de retraite et un président nommé en conseil des ministres.

Dans l'exercice de leurs missions, les membres du comité obtiennent du COR, des administrations de l'Etat, des établissements publics de l'Etat, du nouveau fonds de financement de la pénibilité créé à l'article 6 du présent projet de loi, des organismes chargés de la gestion d'un régime de retraite légalement obligatoire ou du régime d'assurance chômage les éléments d'information et les études demandés. Le comité de surveillance des retraites fait connaître ses besoins afin qu'ils soient pris en compte dans les programmes de travaux statistiques et d'études de ces interlocuteurs.

Les missions du comité ainsi que ses modalités d'organisation et de fonctionnement seront précisées par un décret en Conseil d'Etat.

• L'avis public annuel du comité (paragraphe II)

Le comité de surveillance est chargé de rendre un avis public annuel avant le 15 juillet en s'appuyant sur le rapport du COR mentionné au 4° de l'article L. 114-2 dans sa rédaction issue du présent article.

Cet avis comprend un double volet :

- il indique si le système de retraite s'éloigne de façon significative des objectifs définis à l'article 1 er du présent projet de loi (article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale) et prend en compte les indicateurs de suivi fournis par le COR pour examiner la situation du système de retraite au regard notamment de la prise en considération de la pénibilité au travail, de la situation comparée des droits à pension dans les différents régimes de retraite et des dispositifs de départ en retraite anticipée ;

- il analyse également la situation comparée des femmes et des hommes au regard de l'assurance vieillesse en tenant compte des différences de montants de pension, de la durée d'assurance respective et de l'impact des avantages familiaux de vieillesse sur les écarts de pensions.

S'il considère que le système de retraite s'éloigne significativement des objectifs qui lui sont assignés , le comité de surveillance des retraites :

- adresse au Parlement, au Gouvernement et aux caisses des régimes de retraite de base et complémentaire des recommandations publiques destinées à garantir le respect de ces objectifs ;

- et remet, au plus tard un an après avoir adressé ces recommandations, un avis public relatif à leur suivi.

• Objet des recommandations du comité (paragraphe III)

Les recommandations peuvent notamment porter sur les deux paramètres suivants :

- l'évolution de la durée d'assurance requise pour le bénéfice d'une pension sans décote, au regard notamment de l'évolution de l'espérance de vie et de la durée de retraite ;

- le niveau du taux de cotisation d'assurance, de base et complémentaire.

Le comité peut également recommander des « transferts du fonds de réserve des retraites (FRR) vers les régimes de retraite tenant compte de l'ampleur et de la nature d'éventuels écarts avec les prévisions financières de l'assurance retraite ».

Les missions du fonds de réserve des retraites (FRR)
prévues à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et devenu établissement public autonome en 2001, le FRR a pour vocation d'origine de constituer une capitalisation publique visant à compenser les conséquences de la transition démographique (arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre) sur les régimes de retraite par répartition. L'ensemble de ses réserves devait être débloqué à ce titre à compter de 2020. Compte tenu des déficits de la Cnav et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), les abondements au FRR ont cependant été inférieurs aux prévisions initiales.

Dans l'attente de la montée en charge espérée de la réforme des retraites de 2010, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a assigné au FRR l'objectif de financer les déficits de la branche vieillesse du régime général et du fonds de solidarité vieillesse dès 2011. Cette mission se traduit par le versement annuel de 2,1 milliards d'euros du FRR à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) en contrepartie de la reprise par cette caisse des déficits de la Cnav et du FSV jusqu'en 2018.

Le FRR est en outre chargé de gérer la soulte due par le régime des industries électriques et gazières (Cnieg) à la Cnav en raison de l'adossement de la Cnieg au régime général.

Au 27 septembre 2013, l'actif net du FRR s'élevait à 35,6 milliards d'euros.

Compte tenu des missions imparties à ce fonds dans le cadre de l'amortissement de la dette sociale et de la gestion d'une partie de la soulte versée par les industries électriques et gazières à la Cnav, il convient de prévoir que sa mise à contribution se fasse dans des conditions de meilleure anticipation possible pour ne pas déstabiliser la gestion de ses actifs. A cet égard, l'annexe 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 indique que les « décaissements en direction des régimes de retraites se feraient toutefois, le cas échéant, dans des conditions strictes fixées par décret, afin de ne pas compromettre la stratégie d'investissement du fonds ».


Encadrement de la portée des recommandations du comité (paragraphe IV)

La portée des recommandations est doublement encadrée : il ne peut s'agir ni d'augmenter les taux de cotisations vieillesse au-delà des plafonds fixés par décret, ni de réduire le taux de remplacement assuré par les pensions en deçà de seuils minimaux définis par décret. Bien que n'ayant pas précisé les niveaux auxquels seront fixés ces seuils, le Gouvernement a indiqué que ces derniers seraient déterminés de manière à garantir durablement le respect et la soutenabilité des objectifs du système de retraite par répartition.

• Suites données aux recommandations du comité (paragraphe V)

Le Gouvernement est tenu, après consultation des partenaires sociaux, de présenter au Parlement les suites qu'il entend donner aux recommandations du comité.

Le paragraphe III du présent article abroge la section 8 du chapitre IV du titre I er du livre I er du code de la sécurité sociale relative au Copilor instauré en 2010. Ce dernier est donc supprimé.

Le paragraphe IV complète l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale relatif aux missions du FRR en y insérant un deuxième paragraphe. Celui-ci prévoit la possibilité de recourir au FRR pour corriger les écarts de nature conjoncturelle par rapport à la trajectoire de redressement financier. Les réserves qui excéderaient les engagements du FRR envers la Cades pourront être affectées par une loi de financement de la sécurité sociale pour corriger les déséquilibres conjoncturels des régimes obligatoires ou du FSV.

Enfin, le paragraphe V prévoit l'obligation pour le Gouvernement de rendre compte au Parlement, après concertation avec les partenaires sociaux, des suites qu'il entend donner aux recommandations du comité de surveillance des retraites. Celui-ci est chargé d'évaluer le suivi de ses recommandations dans le cadre de son avis annuel suivant.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au-delà de l'ajout de dispositions nouvelles d'ordre rédactionnel ou de coordination, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs séries de modifications.

• S'agissant du COR , elle a tout d'abord complété ses missions en ajoutant un 7° à l'article L. 114-2 du code de la sécurité sociale. Celui-ci prévoit que le comité est également chargé de suivre les écarts et inégalités de pensions entre les femmes et les hommes et d' analyser les facteurs qui pénalisent les retraites des femmes , parmi lesquels les inégalités professionnelles, les temps partiels et la prise en charge de l'éducation des enfants.

Elle a ensuite précisé les règles de composition du COR en complétant ce même article L. 114-2 par des dispositions qui prévoient l'obligation pour toute organisation de tendre vers la parité lorsqu'elle désigne plus d'un représentant au comité et le respect de la parité dans le nombre de personnalités qualifiées au sein du COR. Ces dispositions entrent en vigueur 6 mois après la promulgation de la loi.

• S'agissant du comité de surveillance des retraites , l'Assemblée nationale l'a renommé « comité de suivi des retraites ».

Elle a complété l'objet de l'avis annuel du comité afin que celui-ci analyse également « l'évolution du pouvoir d'achat des retraités , avec une attention particulière à ceux dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté ».

Elle a modifié le paragraphe II de l'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale dans la rédaction issue du présent article 3 pour prévoir que l'avis du comité de suivi des retraites s'appuie également sur les projections quinquennales du COR.

Elle a en outre modifié le paragraphe III de l'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale dans la rédaction issue du présent article 3 pour élargir le champ et la portée des recommandations du comité . Celles-ci peuvent également porter sur :

- l'évolution de la durée d'assurance requise pour le taux plein, au regard non seulement de l'espérance de vie et de la durée de retraite mais aussi « de l'espérance de vie à 60 ans en bonne santé , de l'espérance de vie sans incapacité », « du niveau de la population active, du taux de chômage, en particulier des jeunes et des seniors, des besoins de financement et de la productivité » ;

- « des mesures permettant de renforcer notamment la solidarité du régime, prioritairement au profit du pouvoir d'achat des retraités les plus modestes, de l'égalité entre les femmes et les hommes et la prise en compte de la pénibilité et des accidents de la vie professionnelle » dans le cas « d'évolutions économiques ou démographiques plus favorables que celles retenues pour fonder les prévisions d'équilibre du régime de retraite par répartition » ;

- « l'affectation d'autres ressources au système de retraites, notamment pour financer les prestations non contributives ».

L'Assemblée nationale a également précisé que le taux de remplacement pris en compte pour encadrer les recommandations du comité est défini par décret.

Un amendement adopté à l'article 28 du présent projet de loi prévoit par ailleurs d'adjoindre au comité de suivi un « jury citoyen constitué de neuf femmes et neuf hommes tirés au sort et renouvelés par tiers tous les ans à compter de 2016 ».

III - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de Jean Desessard dans une rédaction rectifiée suivant la proposition de la rapporteure et qui précise que le COR est chargé de coordonner les recherches existantes en matière de fins de carrière.

Elle a adopté un amendement de précision de sa rapporteure visant à garantir que les partenaires sociaux et l'Ircantec figurent parmi les destinataires des recommandations du comité de suivi.

Puis elle n'a pas adopté le présent article.

Article 4 (art. L. 161-23-1, L. 341-6 et L. 816-2 du code de la sécurité sociale, art. L. 28, L. 29 et L. 30, L. 30 bis, L. 30 ter, L. 34 et L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite) - Report de la date de revalorisation annuelle des pensions de retraite

Objet : Cet article décale de 6 mois la date de la revalorisation des pensions de retraite qui passe ainsi du 1 er avril au 1 er octobre de chaque année à compter de 2014 dans l'ensemble des régimes de base.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif existant

Afin de maintenir le niveau de vie des retraités, les pensions de retraite sont revalorisées chaque année en fonction de l'évolution des prix à la consommation selon le mécanisme défini pour le régime général et les régimes alignés à l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.

Celui-ci prévoit en effet une revalorisation en fonction de l'inflation hors tabac le 1 er avril de chaque année. Le coefficient de revalorisation applicable à l'année N est la somme de deux paramètres :

- le taux prévisionnel d'inflation pour l'année N tel qu'établi par la commission économique de la Nation qui se réunit au mois de mars de la même année ;

- l'écart entre le taux d'inflation retenu par l'Insee pour l'année N-1 et le taux d'inflation prévisionnel qui avait été établi pour cette même année.

Par plusieurs renvois à différents articles du code, ce coefficient s'applique dans les différents régimes de retraite 28 ( * ) , aux salaires portés au compte et aux prestations de sécurité sociale que constituent les pensions d'invalidité, les rentes AT-MP ainsi que l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa, ex-minimum vieillesse).


Le dispositif proposé

Le paragraphe I du présent article modifie l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale pour reporter de 6 mois la date annuelle de revalorisation des pensions qui passe du 1 er avril au 1 er octobre.

Le mécanisme de revalorisation demeure identique à ceci près que la revalorisation se fonde sur les prévisions d'inflation prévues par le Gouvernement dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances et non plus sur celles établies au printemps précédent par la commission économique de la Nation.

Ce paragraphe procède en outre à un ajustement rédactionnel qui tire les conséquences de la suppression du comité de pilotage des régimes de retraite (Copilor) prévue à l'article 3 du présent projet de loi 29 ( * ) .

Les paragraphes II à VI excluent du champ de cette mesure les pensions d'invalidité, les rentes AT-MP et l'Aspa, laquelle revêt les caractéristiques d'un minimum social et non d'une pension de retraite. La revalorisation de ces prestations est maintenue au 1 er avril de chaque année.

Ainsi, le paragraphe II modifie l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale relatif au mode de revalorisation des pensions d'invalidité servies aux assurés rattachés au régime général. Celui-ci prévoit désormais directement que ces pensions sont revalorisées au 1 er avril de chaque année en fonction des prévisions d'inflation hors tabac ; le mécanisme de renvoi à l'article L. 161-23-1 est supprimé. Cette disposition concerne également les rentes AT-MP qui sont revalorisées dans les mêmes conditions que les pensions d'invalidité.

Le paragraphe III permet de maintenir la revalorisation de l'Aspa au 1 er avril. A l'article L. 816-2 relatif au mode de revalorisation de l'Aspa et de l'allocation supplémentaire d'invalidité, le renvoi à l'article L. 161-23-1 est remplacé par un renvoi à l'article L. 341-6 susmentionné. Le paragraphe IV prévoit des mesures de coordination visant les anciennes allocations du minimum vieillesse auxquelles l'Aspa s'est substituée mais qui continuent d'être servies.

L e paragraphe V permet d'exclure du champ de la mesure les pensions d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat en remplaçant les différents mécanismes de renvoi à l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale par des renvois à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale relatif à la revalorisation des pensions d'invalidité. Les revalorisations prévues aux articles L. 27 (pension pour invalidité imputable au service), L. 28 (rente viagère d'invalidité), L. 29 (pension pour invalidité non imputable au service), L. 30 (pension pour invalidité supérieure à 60 %), L. 30 bis (majoration spéciale pour recours à l'assistance d'une tierce personne), L. 30 ter , L. 34 (pension d'invalidité des militaires) et L. 50 (pensions de réversion) du code des pensions civiles et militaires de retraite sont ainsi maintenues au 1 er avril.

Le paragraphe VI étend le paragraphe précédent à la fonction publique territoriale et hospitalière ainsi qu'aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

Selon l'étude d'impact du Gouvernement, les économies escomptées par cette mesure, s'élèveraient, pour l'ensemble des régimes de base à 800 millions d'euros en 2014, 1,9 milliard d'euros en 2020, 2,2 milliards d'euros en 2030 et 2,6 milliards d'euros à l'horizon 2040.

Impact financier du dispositif proposé sur les régimes de retraite de base

(en millions d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Tous régimes de base

+ 800

+ 1 900

+ 2 200

+ 2 600

Tous régimes de base non automatiquement équilibrés

+ 600

+ 1 400

+ 1 700

+ 2 000

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi

Selon les informations transmises à votre rapporteure par la Cnav, l'économie réalisée pour le régime général atteindrait près de 500 millions d'euros en 2014, puis environ 1 milliard d'euros de 2015 à 2020. Elle augmenterait ensuite sur tout la période pour atteindre environ 2,3 milliards d'euros en 2060.

Impact pour la Cnav du report au 1 er octobre
de la revalorisation des pensions

(en millions d'euros constants 2011)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2030

2040

2050

2060

-460

-910

-930

-950

-970

-990

-1 010

-1 280

-1 550

-1 890

-2 250

Source : Cnav (hypothèse d'une inflation de 0,8 % en 2013 et de 1,3 % en 2014, entraînant une revalorisation de 0,9 % en 2014).

S'agissant des conséquences de la mesure sur la situation des retraités, l'étude d'impact précise qu'elles doivent être nuancées par la perspective de la faible revalorisation qui devrait intervenir l'année prochaine (0,9 % selon les prévisions). Si l'on en juge par l'écart entre la prévision d'inflation pour 2013 et la tendance actuelle, la revalorisation d'avril 2013 a en effet conduit à une « sur-revalorisation ». La revalorisation de 2014 devrait par conséquent prendre en compte un correctif au titre de 2013.

A titre d'exemple, l'étude d'impact indique que l'effort demandé sera de 9 euros par mois pendant 6 mois pour une personne percevant 1 000 euros de retraite mensuels en 2013, sous l'hypothèse d'une revalorisation de 0,9 % en 2014.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté des modifications d'ordre rédactionnel et formel.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 4 bis (art. L.5552-20 du code des transports) - Mode de revalorisation des pensions des marins

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale par la commission des affaires sociales à l'initiative de son rapporteur, prévoit d'aligner le mode de revalorisation des pensions des marins sur celui du régime général.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

• Le dispositif actuel

Les pensions de retraite des marins sont calculées à partir d'une assiette de salaire forfaitaire. L'article L. 5552-20 du code des transports prévoit ainsi que les pensions concédées dans le régime spécial de retraite des marins sont revalorisées lorsque le salaire forfaitaire est revalorisé.

Cette disposition a pour conséquence de lier les règles de revalorisation des salaires forfaitaires à celles des pensions, ce qui constitue un frein à toute modification des catégories de salaire forfaitaire.

En outre, les pensions de retraite des marins sont en pratique aujourd'hui revalorisées selon les règles de droit commun. Elles évoluent en effet depuis 1992 comme les pensions du régime général. La revalorisation du salaire forfaitaire, effectuée au 1 er avril de chaque année, est établie en référence à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac, en application de l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.

• Le dispositif proposé

Le présent article aligne les règles de revalorisation des pensions des marins sur le dispositif de revalorisation de droit commun prévu à l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale. Il réécrit l'article L. 5552-20 du code des transports pour renvoyer à l'article L. 161-23-1 les conditions de revalorisation de ces pensions.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 5 (art. L. 4121-3-1 et L. 4161-1 [nouveau] du code du travail) - Fiche de prévention des expositions

Objet : Cet article modifie le régime de la fiche de prévention des expositions à des facteurs de risques professionnels, créée par la réforme des retraites de 2010, afin d'améliorer son effectivité et d'en préciser les conditions d'application aux intérimaires.

I - Le dispositif proposé

La fiche individuelle de prévention des expositions

L'article 60 de la réforme des retraites de 2010 30 ( * ) a institué, pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels 31 ( * ) « liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé », une fiche individuelle de prévention des expositions . Elle doit être remplie par l'employeur en précisant les conditions et la durée de cette exposition ainsi que les éventuelles mesures de prévention prises pour en limiter les effets.

Outil de traçabilité individuelle de l'exposition aux risques professionnels, la fiche de prévention des expositions est la traduction de la prise de conscience officielle, au cours des années 2000, des effets que peuvent avoir certaines conditions de travail sur la qualité et l'espérance de vie en bonne santé à la retraite. Elle apporte une réponse à la nécessité de quantifier cette exposition et de la retracer tout au long de la carrière professionnelle de son titulaire afin d'être en mesure, le cas échéant, d'y apporter une compensation.

Prenant en compte les facteurs de risques liés soit à des contraintes physiques marquées, soit à un environnement physique agressif, soit à certains rythmes de travail, comme le recommandaient les rapports Struillou de 2003 et Lasfargues de 2005 ainsi que le projet d'accord des partenaires sociaux de 2008, elle a constitué une avancée importante en matière de définition et de reconnaissance de la pénibilité dans l'entreprise.

Les dispositions du projet de loi

L'article 5 du projet de loi apporte plusieurs aménagements aux dispositions relatives à cette fiche, concernant aussi bien leur insertion dans le code du travail que le contenu et les modalités de tenue du document.

Son paragraphe  I créé un titre VI dans le livre I er de la quatrième partie du code du travail, consacrée à la santé et à la sécurité au travail, intitulé « Dispositions particulières à certains facteurs de risques professionnels et à la pénibilité ».

Son paragraphe  II introduit dans ce nouveau titre un chapitre I er sur la fiche de prévention des expositions. L'article L. 4121-3-1, créé par la loi de 2010, y est inséré et renuméroté pour devenir l'article L. 4161-1.

Il modifie ensuite cet article sur plusieurs points. Il prévoit tout d'abord, à son 1° a) , que ce sera désormais « au-delà de certains seuils » d'exposition d'un salarié à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels qu'une fiche de prévention des expositions devra être réalisée. Il dispose également, à son 1° b) , que devront être consignées dans la fiche les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est « effectivement » exposé. Enfin, dans un souci de cohérence, son 1° c) fait, à la fin du premier alinéa de l'article, un renvoi général au pouvoir réglementaire pour fixer les facteurs de risques professionnels, les seuils d'exposition ainsi que les modalités de renseignement de la fiche et la périodicité de sa mise à jour par l'employeur.

Le complète le second alinéa de l'article afin de préciser que la fiche, dont une copie doit déjà être remise au salarié à son départ de l'établissement, en cas d'arrêt de travail d'au moins trente jours consécutifs ou de déclaration de maladie professionnelle, est tenue à sa disposition à tout moment. Ce point relevait jusqu'à présent du domaine réglementaire et figurait à l'article D. 4121-8 du code du travail 32 ( * ) .

Enfin le concerne les intérimaires, qui sont liés par un contrat de travail à une entreprise de travail temporaire mais qui sont exposés aux facteurs de risques professionnels dans les entreprises auprès desquelles ils sont mis à disposition. Ces dernières sont déjà responsables, en application de l'article L. 1251-21 du code du travail, de la santé et de la sécurité au travail de ces personnels. Elles devront donc transmettre à l'employeur des salariés qu'elles utilisent les informations nécessaires à l'établissement, pour chacun d'eux, d'une fiche individuelle de prévention de la pénibilité. Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les conditions de mise en oeuvre de cette mesure.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du projet de loi, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications à cet article.

Sur proposition de son rapporteur, elle a souhaité charger l'employeur de remettre chaque année au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) un bilan de la mise en oeuvre de la fiche de prévention des expositions, comprenant notamment le nombre de fiches établies, les conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés ainsi que les mesures de prévention mises en oeuvre, qu'elles soient de nature organisationnelle, collectives ou individuelles.

Elle a ajouté un III à l'article, qui assure la coordination avec des articles du code de la sécurité sociale et du code rural et de la pêche maritime.

Elle a également adopté un amendement présenté par Denys Robiliard et les commissaires du groupe SRC qui étend les missions des délégués du personnel , chargés par l'article L. 2313-1 du code du travail de « présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives aux salaires, à l'application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans l'entreprise », aux questions relatives à la pénibilité . Il constitue le IV de l'article.

Enfin, lors de l'examen du projet de loi en séance publique, l'Assemblée nationale a renforcé l'implication du CHSCT dans le suivi des questions liées à la pénibilité. Il émettra un avis sur le rapport remis chaque année par l'employeur. Par ailleurs, le programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail que celui-ci doit présenter au CHSCT 33 ( * ) comprendra désormais des mesures de prévention en matière de pénibilité.

III - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de sa rapporteure apportant des précisions rédactionnelles à l'article du code du travail relatif à la fiche de prévention de la pénibilité afin de faciliter sa compréhension. En effet, ce sont bien les conditions de pénibilité résultant des facteurs de risques professionnels qui doivent être suivies, et les efforts de l'employeur doivent porter sur la réduction de l'exposition des salariés à ces facteurs.

Puis la commission n'a pas adopté cet article ainsi modifié.

Article 5 bis - Rapport sur l'évolution des conditions de pénibilité

Objet : Inséré en commission à l'Assemblée nationale, cet article demande au Gouvernement de réaliser à destination du Parlement un rapport sur l'évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés et sur la mise en oeuvre des dispositions du code du travail relatives à la prévention de la pénibilité instituées par ce projet de loi.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel dont l'objet est double.

Il confie tout d'abord au Gouvernement la tâche de réaliser, avant le 31 décembre 2020, un rapport au Parlement sur l'évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés et sur l'application des mesures du titre du code du travail concernant la prévention de la pénibilité créé par ce projet de loi. L'usage fait de la fiche de prévention des expositions et le déploiement du compte personnel de prévention de la pénibilité devront être évalués. Dans le même temps, ce rapport pourra faire des propositions quant à l'opportunité d'une modification de la liste des facteurs de risques professionnels et des seuils d'exposition à ceux-ci, aujourd'hui fixés par décret à l'article D. 4121-5 du code du travail. Ce rapport sera soumis au conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct) avant d'être transmis au Parlement.

Cet article pose ensuite la règle selon laquelle tout projet d'actualisation de ce décret devra faire l'objet d'une concertation préalable avec les partenaires sociaux. Ceux-ci pourront décider d'engager une négociation pour en déterminer le contenu.

II - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de sa rapporteure réécrivant cet article. Cet amendement introduit une périodicité de sept ans pour le rapport demandé au Gouvernement, les changements rapides constatés dans les conditions de travail, en particulier dans le secteur tertiaire, rendant nécessaires à la fois une grande réactivité pour en évaluer les effets mais également une réflexion approfondie pour élaborer les outils les mieux à même de prévenir les nouvelles formes de pénibilité.

La seconde phrase, concernant la concertation avec les partenaires sociaux, a été supprimée car elle est satisfaite par les dispositions de l'article L. 1 du code du travail issue de la loi Larcher de 2007. Par ailleurs, les partenaires sociaux ne semblent pas être demandeurs d'une négociation interprofessionnelle sur la pénibilité.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

Article 5 ter - Rapport sur la reconversion des salariés déclarés inaptes

Objet : Inséré en séance publique sur proposition des députés du groupe écologiste, cet article demande au Gouvernement la réalisation d'un rapport sur la reconversion des salariés inaptes.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'objet du rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement en application de cet article est la reconversion des salariés licenciés pour inaptitude. Il porte en particulier sur le sort des seniors qui, dans cette situation, connaissent de très grandes difficultés pour retrouver un emploi et, dans de nombreux cas, restent au chômage jusqu'à la liquidation de leur pension de retraite.

Ce rapport devra être réalisé avant le 1 er janvier 2015 et comprendre des propositions pour faciliter la reconversion des salariés concernés et développer la coopération sur ce point entre les pouvoirs publics, notamment les régions, et les partenaires sociaux. Visant, dans sa rédaction initiale, uniquement les seniors, le champ de cet article a été élargi à l'ensemble des salariés inaptes par un sous-amendement du Gouvernement à l'amendement présenté par la députée Véronique Massoneau.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 6 (art. L. 4162-1 à L. 4162-21 [nouveaux] du code du travail) - Compte personnel de prévention de la pénibilité

Objet : Cet article institue, à compter du 1 er janvier 2015, un compte personnel de prévention de la pénibilité pour chaque salarié exposé à des facteurs de risques professionnels. En fonction des points acquis, il ouvrira droit à une formation, à un passage à temps partiel en fin de carrière ou à un départ anticipé à la retraite. Il sera géré par la Cnav et financé par deux cotisations dues par les employeurs.

I - Le dispositif proposé

Au sein du titre nouveau du code du travail créé par l'article 5 et consacré à la prévention de l'exposition à des facteurs de risques professionnels source de pénibilité, cet article insère un nouveau chapitre consacré au compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP), composé de vingt-et-un articles définissant ses modalités d'ouverture et d'abondement, ses différentes utilisations, sa gestion et son financement.

L'ouverture et l'abondement du compte personnel de prévention de la pénibilité

Outil de prévention de l'exposition des salariés à des facteurs de pénibilité et de prise en compte des effets de celle-ci, lorsqu'elle est avérée, sur les fins de carrières professionnelles, le compte personnel de prévention de la pénibilité sera ouvert aux salariés des employeurs de droit privé ainsi qu'au personnel employé dans les conditions du droit privé par des personnes publiques , comme le prévoit l'article L. 4162-1 nouveau du code du travail. Les personnes affiliées à des régimes spéciaux prévoyant déjà un mécanisme de reconnaissance et de compensation de la pénibilité en seront toutefois exclues. Le pouvoir réglementaire devra déterminer les régimes concernés.

L'article L. 4162-2 nouveau précise les conditions d'acquisition et de validité des droits inscrits sur le CPPP. En cas d'exposition effective aux facteurs de risques professionnels définis par décret en application de l'article L. 4161-1 34 ( * ) dépassant des seuils prédéterminés , tout salarié se verra attribuer des points. Ces seuils seront fixés pour chaque facteur par décret et les points seront crédités sur la base des informations contenues dans la fiche individuelle de prévention des expositions.

Alors que les droits inscrits sur le compte ne connaitront aucune péremption autre que le départ à la retraite du salarié, c'est par décret en Conseil d'Etat que seront établies plusieurs règles d'importance, comme le nombre maximum de points pouvant être acquis au cours d'une carrière ou la façon dont les polyexpositions seront traitées.

Enfin, l'article L. 4162-3 nouveau confie aux caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat), en Ile-de-France à la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et aux caisses de mutualité sociale agricole (MSA), la mission de recueillir les expositions des salariés déclarées par les employeurs. Ceux-ci devront transmettre chaque année à la caisse compétente ainsi qu'à chaque salarié une copie de la fiche de prévention des expositions.

Les différentes utilisations du compte

Ainsi que le prévoit le I de l'article L. 4162-4 nouveau, les points inscrits sur le CPPP pourront être utilisés par leur titulaire de trois façons , qui ne seront pas exclusives l'une de l'autre :

- le financement de tout ou partie d'une action de formation afin d'accéder à un emploi moins exposé ou non exposé à des facteurs de pénibilité ;

- le passage à temps partiel , avec la prise en charge de la différence de rémunération et des cotisations sociales ;

- un départ anticipé à la retraite, avec leur transformation en majoration de la durée d'assurance vieillesse .

A son II, le même article précise les conditions de recours à chacune de ces modalités d'utilisation. La formation pourra être demandée à tout âge, que la personne soit en emploi ou au chômage. En revanche, le financement d'un temps partiel et l'obtention de trimestres supplémentaires d'assurance vieillesse ne seront possibles qu'à compter d'âges fixés par décret. Par ailleurs, l'accès à la formation et le passage à temps partiel ne seront ouverts qu'aux personnes entrant dans le champ d'application du dispositif au moment de leur demande : un fonctionnaire ayant acquis des points parce qu'il a effectué une partie de sa carrière dans le privé ne pourra en faire usage qu'en vue de son départ à la retraite.

Selon le III de l'article, il appartiendra au pouvoir réglementaire de déterminer les conditions d'utilisation des points, le barème spécifique à chaque modalité ainsi que le quota de points qui ne pourront être affectés qu'à la formation.

Enfin, le IV prévoit des dispositions transitoires pour les personnes âgées d'au moins 57 ans au 1 er janvier 2015, date d'entrée en vigueur du compte. Du fait de leur proximité avec l'âge de départ à la retraite, le barème d'acquisition des points ainsi que les conditions d'utilisation pourront être aménagés à leur intention afin qu'ils puissent bénéficier d'un temps partiel ou d'un départ anticipé.

Lorsque son titulaire décidera d'utiliser les points présents sur son compte dans le but de se former et de préparer une reconversion professionnelle, ces derniers seront convertis en heures de formation. Elles viendront abonder son compte personnel de formation (article L. 4162-5 nouveau), dispositif individuel créé par la loi relative à la sécurisation de l'emploi 35 ( * ) ouvert à tous les actifs et dont les conditions de mise en oeuvre font actuellement l'objet d'une négociation avec les partenaires sociaux.

Pour la réduction de la durée de travail , qui sera accessible à partir d'un âge fixé par décret, l'accord de l'employeur sera obligatoire puisqu'il pourra la refuser en cas d'impossibilité due à l'activité économique de l'entreprise. Le complément de rémunération qui sera versé pour compenser la diminution de la durée travaillée sera assujetti à l'ensemble des cotisations et contributions sociales légales et conventionnelles (articles L. 4162-5 à L. 4162-7 nouveaux).

Enfin, le choix de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite se traduira par une majoration de durée d'assurance accordée par le régime de base auquel était affilié le bénéficiaire lors de la dernière année d'attribution de points sur son compte (article L. 4162-9 nouveau).

La gestion du compte et le contrôle des informations fournies

La gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité est confiée par l'article L. 4162-10 nouveau du code du travail à la Cnav et au réseau des Carsat.

Ces organismes créditeront les comptes sur la base des déclarations des employeurs. Les salariés seront informés annuellement du nombre de points acquis et bénéficieront d'un service d'information dématérialisé pour connaître le solde de leur compte, leur consommation passée et les utilisations possibles du solde disponible.

La Cnav et les Carsat assureront également le versement des sommes correspondant aux emplois du compte, que ce soit aux financeurs des actions de formations suivies, aux employeurs en cas de passage à temps partiel ou au régime de retraite compétent lors d'un départ anticipé.

Pour garantir la stabilité et l'équilibre du dispositif, l'article L. 4162-11 nouveau autorise les gestionnaires à réaliser des contrôles, sur pièces et sur place, de l'effectivité et de l'ampleur de l'exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que de l'exhaustivité des données déclarées. Ils pourront également habiliter d'autres organismes à le faire et demander à l'inspection du travail, aux personnels chargés de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et aux caisses de mutualité sociale agricole de leur communiquer des informations.

S'ils jugent que le nombre de points accordés ne correspond pas à l'exposition d'un salarié à la pénibilité, les modifications à apporter sont notifiées à l'employeur et au salarié. Un tel redressement ne peut intervenir que dans un délai de trois années civiles après celle durant laquelle une erreur aurait été commise.

En cas de déclaration inexacte , il est procédé à la régularisation du montant des cotisations que l'employeur doit verser pour financer le compte et du nombre de points. Le directeur de l'organisme gestionnaire peut également lui infliger une pénalité , d'un montant maximal de 50 % du plafond mensuel de la sécurité sociale par salarié pour lequel la déclaration aurait été erronée. Les entreprises utilisatrices d'intérimaires sont également passibles de cette pénalité si elles n'ont pas correctement rempli leur obligation d'information vis-à-vis de l'entreprise de travail temporaire qui emploie ces salariés.

Les différends relatifs aux décisions prises par le gestionnaire sur l'ouverture, l'abondement et le contrôle du compte relèveront des règles du contentieux général de la sécurité sociale, c'est-à-dire du tribunal des affaires de sécurité sociale (article L. 4162-12 nouveau). Toutefois, trois exceptions sont instituées :

- en cas de désaccord sur l'effectivité ou l'ampleur de l'exposition d'un salarié aux facteurs de risques professionnels, ce dernier pourra saisir la caisse d'une réclamation. Néanmoins, avant de le faire, il devra chercher à régler la situation avec à son employeur . Si sa contestation est rejetée, le gestionnaire du compte se prononcera sur le litige après avis d'une commission spécifique (article L. 4162-13 nouveau) ;

- lors de recours contre les décisions de la caisse, à l'exception de celles portant sur les pénalités infligées en cas de déclaration inexacte, le salarié et l'employeur sont parties à la cause et se voient reconnaître la possibilité de produire des observations à l'instance ;

- enfin, la prescription de l'action du travailleur pour obtenir l'attribution de points sera de 2 ans à compter du 31 décembre de l'année au titre de laquelle ils sont demandés.

Comme le prévoient déjà d'autres dispositions du contentieux de la sécurité sociale, la prescription est interrompue par une des causes prévues par le code civil ou par l'envoi d'une lettre recommandée au gestionnaire. Le pouvoir réglementaire doit intervenir, par décret et décret en Conseil d'Etat, pour préciser les conditions d'application de la gestion des comptes et du contrôle par la Cnav et les Carsat ainsi que les modalités spécifiques de la nouvelle procédure précontentieuse qui doit être mise en place.

Le financement du compte

Un fonds spécifique , qui prendra la forme d'un établissement public de l'Etat, est créé pour assurer le financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité. D'après l'article L. 4162-16 nouveau, sa gouvernance, assurée par son conseil d'administration, sera quadripartite : représentants de l'Etat, des salariés 36 ( * ) , des employeurs 37 ( * ) et personnalités qualifiées. Un décret déterminera sa composition, ainsi que le régime comptable et financier du fonds et ses relations avec la Cnav et les Carsat.

Ses dépenses se décomposent de la façon suivante 38 ( * ) :

- le coût d'actions de formation supporté par les organismes financeurs de la formation professionnelle, en particulier les Opca ;

- les compléments de rémunération et les cotisations pour les salariés décidant de réduire leur temps de travail ;

- la prise en charge des majorations de durée d'assurance auprès des régimes d'assurance vieillesse obligatoire de base ;

- les dépenses liées aux frais d'expertise des commissions chargées de fournir un avis au gestionnaire du compte en cas de litige sur son alimentation ou l'exposition du salarié à des facteurs de risques professionnels ;

- le remboursement, à la Cnav et aux Carsat, des frais de gestion du compte.

Pour y faire face, il disposera de deux ressources 39 ( * ) principales , provenant des entreprises :

- une cotisation due par tous les employeurs entrant dans le champ d'application du compte. Fixé par décret, son taux ne pourra pas dépasser 0,2 % de la masse salariale ;

- une cotisation additionnelle due par les employeurs exposant au moins un de leurs salariés à l'un des facteurs de risques professionnels. Egalement fixé par décret, son taux sera compris entre 0,3 et 0,8 % de la masse salariale pour les salariés effectivement exposés à un de ces facteurs et entre 0,6 et 1,6 % pour ceux subissant une polyexposition.

Le fonds pourra également bénéficier d'autres recettes, dès lors qu'elles seront autorisées par la loi ou le règlement. Les deux cotisations seront recouvrées par les Urssaf.

Enfin, l'article L. 4162-20 nouveau dispose que la fixation de leurs taux et du barème de points relatif à chaque utilisation du compte tiendront compte des prévisions financières du fonds pour les cinq années suivantes et des recommandations du comité de surveillance des retraites institué par l'article 3 du projet de loi.

Les précisions apportées par l'étude d'impact annexée au projet de loi

La définition des conditions d'application de cet article et, en particulier, de l'alimentation du compte et de son utilisation est confiée au pouvoir réglementaire. Toutefois, le Gouvernement a fait part, sur la plupart de ces questions, de ses intentions dans l'étude d'impact annexée au projet de loi et durant l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

Ainsi, le compte sera mis en place à compter du 1 er janvier 2015 et devrait être crédité d' un point par trimestre d'exposition à l'un des facteurs de risques professionnels, ou de 2 points en cas de polyexposition. Le nombre de points sera plafonné à 100 , ce qui correspond à une exposition de 25 ans (application de l'article L. 4162-2 nouveau du code du travail). 10 points devraient donner droit à un trimestre de l'une des modalités d'utilisation.

Les vingt premiers points , soit l'équivalent de 2 trimestres, seront obligatoirement consacrés à la formation tandis que la réduction du temps de travail ne devait initialement être possible qu'à compter de 55 ans (article L. 4162-4 nouveau). Au titre du départ anticipé à la retraite, le salarié pourra valider jusqu'à 8 trimestres supplémentaires (avec 80 points), permettant un départ à 60 ans au lieu de 62. Réputés « cotisés », ils élargiront le champ des bénéficiaires du dispositif « carrière longue ».

A titre transitoire , pour les salariés proches de l'âge de départ à la retraite à la date d'entrée en vigueur du dispositif (article L. 4612-4), c'est-à-dire âgés d'au moins 57 ans dans le projet de loi initial, le nombre de points acquis sera doublé et les vingt premiers points pourront être utilisés librement et non uniquement pour prendre en charge le coût d'une formation.

Les estimations du Gouvernement, réalisées sur la base des comportements actuels en matière de recours à la formation et au temps partiel, font état un coût du dispositif de 500 millions d'euros en 2020 , 2 milliards en 2030 et 2,5 milliards en 2040. A l'horizon 2035, 300 000 personnes par an, à 55 % des hommes et 45 % des femmes, feraient usage des points inscrits sur leur compte.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Plusieurs ajustements ont été apportés au compte personnel de prévention de la pénibilité à l'Assemblée nationale, dans l'objectif d'améliorer les droits de ses titulaires et de mieux prendre en compte les salariés aujourd'hui en fin de carrière.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales a souhaité que le fonds chargé du financement du compte prenne en charge les dépenses liées aux frais des expertises demandées par les tribunaux des affaires de sécurité sociale dans le cadre du contentieux relatif aux décisions du gestionnaire du compte. Elle a également voulu confier à la seule Cnav l'attribution de trimestres supplémentaires de durée d'assurance vieillesse.

Plusieurs amendements présentés par les commissaires membres du groupe SRC ont également été adoptés, afin notamment de :

- ouvrir la possibilité à un salarié de réduire sa durée de travail grâce aux points acquis sur le compte quel que soit son âge et non plus à partir des 55 ans envisagés par le Gouvernement ;

- permettre aux personnes âgées de 52 ans au 1 er janvier 2015 , et non 57 ans, de bénéficier de conditions d'abondement du compte et d'un barème d'utilisation des points spécifiques ;

- prévoir que l'employeur ne peut refuser la demande de passage à temps partiel que durant 2 ans et qu'il doit dans tous les cas motiver son refus.

Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, a fait apporter deux modifications à cet article. L'une vise à permettre aux organisations syndicales d'exercer le recours prévu en cas de désaccord sur la prise en compte de l'exposition d'un salarié à un facteur de risques professionnels et l'abondement du compte, sans avoir à justifier d'un mandat de celui-ci. Le second fait passer de 2 à 3 ans le délai de prescription de l'action du salarié en vue de se faire attribuer des points.

Enfin, sur la base d'un amendement présenté par les commissaires membres du groupe écologiste, la commission, plutôt que de renvoyer au pouvoir réglementaire, a préféré préciser que la liquidation des trimestres de retraite acquis grâce au compte peut intervenir à partir de 3 ans avant l'âge légal de départ.

Toutefois, à la suite d'un rappel au règlement présenté durant la discussion du texte en séance publique par Bernard Accoyer sur le fondement de l'article 89, alinéa 4 40 ( * ) , du règlement de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, président de la commission des finances, a estimé que 6 amendements adoptés par la commission des affaires sociales étaient irrecevables au titre de l'article 40 41 ( * ) de la Constitution. Ont notamment été concernés l'abaissement de l'âge pour bénéficier du dispositif transitoire, la disparition de la condition d'âge pour utiliser ses points afin de réduire sa durée de travail et la suppression, après deux refus, de la possibilité pour l'employeur de s'opposer au passage à temps partiel d'un salarié.

En conséquence, le Gouvernement a déposé des amendements reprenant le fond ou l'esprit des modifications réalisées par la commission.

Ainsi, l'Assemblée nationale a confirmé l'extension aux personnes âgées d'au moins 52 ans au 1 er janvier 2015 des possibilités d'aménagement du barème d'acquisition des points et des conditions d'utilisation des points acquis, tout comme l'accès à la réduction du temps de travail tout au long de la vie active et la prise en charge des frais d'expertise par le fonds de financement du compte.

Un amendement gouvernemental permet aux assurés qui bénéficieront de la majoration de durée d'assurance au titre de la pénibilité de pouvoir bénéficier du dispositif « carrière longue » dès 58 ans s'ils en remplissent les conditions.

Plutôt que de mentionner dans la loi l'accès, pour les syndicats, au contentieux lié au compte, elle renvoie l'adaptation de dispositions existantes au pouvoir réglementaire et a prévu que le salarié pourra être assisté ou représenté par la personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise lorsqu'il contestera auprès de son employeur les conditions de prise en charge de son exposition à la pénibilité.

Sur proposition des députés du groupe GDR, elle a étendu de 3 à 5 ans la durée pendant laquelle une entreprise n'ayant pas correctement déclaré les expositions de ses salariés pourra subir un redressement. Un amendement des membres du groupe écologiste a ouvert une nouvelle voie de recours devant les prud'hommes en cas de refus par l'employeur d'accorder à un salarié de passer à temps partiel.

Elle n'a toutefois pas retenu la proposition adoptée par la commission de limiter à deux le nombre de refus qu'un employeur pourrait opposer à un salarié souhaitant bénéficier d'un temps partiel. Sa décision devra malgré tout être motivée et reposer sur une impossibilité liée à l'activité économique de l'entreprise.

III - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de sa rapporteure confiant aux caisses de la mutualité sociale agricole la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité pour les salariés agricoles, sans remettre en cause le pilotage national du dispositif par la Cnav.

Elle a adopté cet article ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 6 [nouveau] (art. L. 133-5-4 du code de la sécurité sociale) - Déclaration de l'exposition des salariés aux facteurs de risques professionnels par le biais de la déclaration annuelle des données sociales

Objet : Cet article additionnel, adopté par la commission sur proposition de sa rapporteure, précise que la déclaration annuelle des données sociales (DADS) sera le support de la transmission par l'employeur des données d'exposition des salariés à la pénibilité afin d'alimenter le compte personnel de prévention de la pénibilité.

Dans un souci de simplification des démarches pour les entreprises, cet article prévoit que la déclaration annuelle par l'employeur aux Carsat de l'exposition de ses salariés aux facteurs de risques professionnels se fasse par le biais de la déclaration annuelle des données sociales (DADS).

Cette nouvelle obligation est indispensable pour assurer la bonne alimentation du compte personnel de prévention de la pénibilité. Toutefois, les représentants des entreprises, et en particulier des plus petites d'entre elles, ont fait valoir qu'une nouvelle procédure de déclaration, se superposant à celles existantes, serait source de complexité et ralentirait la mise en oeuvre effective du dispositif. C'est la raison pour laquelle votre rapporteure a souhaité que ce mécanisme s'inscrive dans le cadre traditionnel de la relation de l'entreprise avec les organismes de sécurité sociale.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 6 bis (art. L. 142-2 du code de la sécurité et sociale ; art. L. 261-1 du code de l'organisation judiciaire) Contentieux lié au dispositif de prise en compte de la pénibilité

Objet : Cet article assure la coordination avec les dispositions établissant les compétences des tribunaux de sécurité sociale afin de tenir compte de leur extension en matière de jugement des litiges concernant les décisions du gestionnaire du compte individuel de prévention de la pénibilité que leur confie l'article 6 du projet de loi.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article L. 142-2 du code de la sécurité sociale définit le champ de compétence, en première instance, des tribunaux des affaires de sécurité sociale. Ils connaissent ainsi des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale ainsi que de ceux relatifs au recouvrement de certains versements spécifiques des entreprises institués par le code du travail, comme ceux contribuant au financement du contrat de sécurisation professionnelle.

A côté du tribunal de grande instance, juridiction du premier degré de droit commun, plusieurs juridictions d'attribution, parmi lesquelles figurent les tribunaux des affaires de sécurité sociale, traitent un contentieux sectoriel spécifique. L'article L. 261-1 du code de l'organisation judiciaire précise, pour certaines d'entre elles, les codes et dispositions de nature réglementaire qui les instituent et définissent leur compétence, leur organisation et leur fonctionnement.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a inséré dans le projet de loi cet article additionnel dont le I modifie l'article L. 142-2 du code de la sécurité sociale pour tenir compte du contentieux portant sur le compte personnel de prévention de la pénibilité confié par l'article 6 du projet de loi aux tribunaux des affaires de sécurité sociale. Son II complète l'article L. 261-1 du code de l'organisation judiciaire pour prévoir que la compétence de ces tribunaux, en plus de relever du code de la sécurité sociale, peut également le cas échéant découler du code du travail, dans lequel figureront les dispositions relatives au compte.

II - La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (art. L. 6111-1 du code du travail) - Abondement du compte personnel de formation par le compte personnel de prévention de la pénibilité

Objet : Cet article assure l'articulation entre le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité lorsque le titulaire de ce dernier décide d'utiliser les points accumulés pour prendre en charge le financement d'une formation.

I - Le dispositif proposé

L'accord national interprofessionnel (Ani) du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés a prévu, à son article 5, la création d'un compte personnel de formation (CPF). Universel, individuel et intégralement transférable tout au long de la vie professionnelle, il marque une rupture par rapport aux dispositifs de formation existants, pour la plupart attaché au statut (salarié, demandeur d'emploi) de la personne qui y a recours.

Le législateur a transposé, par la loi du 14 juin 2013 42 ( * ) , cet accord et a posé les bases du CPF à l'article L. 6111-1 du code du travail, qui fixe déjà les objectifs de la formation professionnelle. En application de cet article, le CPF sera alimenté dans les conditions prévues pour le droit individuel à la formation (Dif) et par des abondements complémentaires, de la part des régions ou de l'Etat, afin de permettre aux personnes les moins qualifiées d'obtenir un diplôme ou d'acquérir une nouvelle compétence professionnelle.

Afin de faciliter les reconversions, l'une des modalités d'utilisation des points accumulés sur le compte personnel de prévention de la pénibilité est le financement d'une formation de longue durée (2 trimestres avec 20 points). Cet article vient compléter les dispositions de l'article 6 du projet de loi en prévoyant que le CPF se verra crédité d'heures de formation à due concurrence des points figurant sur le compte personnel de prévention de la pénibilité qu'un salarié aura décidé de consommer. Le CPF sera donc conforté comme le lieu unique de gestion des droits à la formation de son titulaire.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 8 (art. L. 4163-1 à L. 4163-4 [nouveaux] du code du travail ; art. L. 128-29 à L. 128-31 et L. 241-5 du code de la sécurité sociale) - Accords en faveur de la prévention de la pénibilité

Objet : Cet article modifie le régime des accords en faveur de la prévention de la pénibilité, institués en 2010 dans les entreprises d'au moins cinquante salariés exposant au moins 50 % de leur effectif à l'un des facteurs de risques professionnels, en rendant obligatoire un procès-verbal de désaccord avant que l'employeur puisse élaborer un plan unilatéral et en transférant ces dispositions dans le code du travail.

I - Le dispositif proposé

Les accords en faveur de la prévention de la pénibilité

La réforme des retraites de 2010 43 ( * ) a créé une nouvelle négociation triennale obligatoire dans certaines entreprises, assortie d'une pénalité lorsqu'elle n'aboutit pas à un accord ou, à défaut, que l'employeur ne met pas en place un plan d'action. Portant sur la prévention de la pénibilité que subissent les salariés exposés aux facteurs de risques professionnels reconnus par le code du travail, elle concerne les entreprises et établissements publics d'au moins cinquante salariés (ou appartenant à un groupe dont l'effectif est supérieur à ce seuil) dont au moins 50 % sont confrontés à ces facteurs de risques.

Une entreprise qui n'a pas conclu d'accord ni adopté de plan d'action est redevable d'une pénalité dont le montant peut atteindre 1 % de sa masse salariale, affectée à la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale. Toutefois, les entreprises de moins de trois cents salariés ne sont pas soumises à cette pénalité si elles sont couvertes par un accord de branche étendu sur la prévention de la pénibilité. Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, deux branches sont actuellement dans ce cas : celle du BTP et celle des oeufs et industries en produits d'oeufs.

Le pouvoir réglementaire est venu préciser le contenu de l'accord ou du plan d'action. Après un diagnostic préalable des situations de pénibilité, au moins trois thèmes doivent être retenus parmi les six proposés, divisés en deux catégories :

- soit la réduction des polyexpositions, soit l'adaptation et l'aménagement du poste de travail ;

- deux thèmes parmi une liste en comportant quatre, à savoir l'amélioration des conditions de travail, notamment au plan organisationnel, le développement des compétences et des qualifications, l'aménagement des fins de carrière, et le maintien en activité des salariés exposés aux facteurs de risques professionnels.

Des mesures de prévention des situations de pénibilité identifiées dans le diagnostic doivent être mises en oeuvre, et chaque thème choisi doit être accompagné d'objectifs chiffrés dont le suivi est assuré grâce à des indicateurs.

Les dispositions du projet de loi

L'article 5 du projet de loi prévoit la création, dans le code du travail, d'un titre spécifique consacré à la prévention de l'exposition à des facteurs de risques professionnels et à la pénibilité au sein de la quatrième partie du code du travail, qui contiendra les dispositions relatives à la fiche individuelle de prévention des expositions et au compte personnel de prévention de la pénibilité.

Le présent article 8 y insère un troisième chapitre, consacré aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité. Il comprend quatre articles, le premier (L. 4163-1 nouveau) fixant son champ d'application aux employeurs de droit privé, aux Epic et aux établissements publics à caractère administratif pour leurs contractuels de droit privé, et les trois suivants (L. 4163-2 à L. 4163-4 nouveaux) reprenant les articles L. 138-29 à L. 138-31 du code de la sécurité sociale actuels où figure depuis 2010 le régime juridique de ces accords.

Afin de tenir compte de l'introduction, pour la mesure de la pénibilité, de seuils qui seront définis par décret, le champ d'application des accords est modifié pour ne plus porter que sur les salariés qui subissent une exposition supérieure à ceux-ci.

Par ailleurs, afin de favoriser le dialogue social et de faire en sorte que les entreprises ne puissent pas unilatéralement, sans négocier au préalable, adopter un plan d'action, l'article prévoit désormais, avant que cette voie ne puisse être suivie par l'employeur, que tout désaccord devra être attesté par un procès-verbal signé par les parties à la négociation.

Enfin, plusieurs mesures de coordination complètent ces dispositions afin de tirer les conséquences du transfert du code de la sécurité sociale au code du travail des articles établissant les accords en faveur de la prévention de la pénibilité.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté à cet article deux modifications, l'une d'ordre rédactionnel et la seconde corrigeant une référence juridique.

III - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de coordination juridique de sa rapporteure, afin de tirer les conséquences du transfert des dispositions relatives aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité du code de la sécurité sociale vers le code du travail.

Puis elle n'a pas adopté cet article ainsi modifié.

Article 9 (art. L. 161-17-4 et L. 351-6-1 [nouveaux] du code de la sécurité sociale) - Majoration de la durée d'assurance au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité

Objet : Cet article précise les effets de la majoration de durée d'assurance attribuée à un salarié au titre des points accumulés sur le compte de prévention de la pénibilité sur ses droits en matière de retraite.

I - Le dispositif proposé

Cet article pose le socle, dans le code de la sécurité sociale, la majoration de durée d'assurance qui sera ouverte aux salariés disposant de suffisamment de points sur leur compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP) et assure l'articulation juridique avec les dispositions relatives à l'âge légal de départ à la retraite et aux périodes d'assurance retenues pour la détermination du droit à pension.

Dans son paragraphe I , il crée dans ce code un article L. 161-17-4 nouveau en application duquel l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite, fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1 er janvier 1955, sera abaissé à due concurrence du nombre de trimestres obtenus grâce au CPPP.

Le paragraphe  II institue un article L. 351-6-1 nouveau qui constitue le fondement juridique de la nouvelle majoration de durée d'assurance vieillesse. Tout titulaire du CPPP peut en bénéficier s'il respecte les conditions fixées à l'article L. 4162-4 nouveau du code du travail (issu de l'article 6 du projet de loi). Elle est accordée par le régime de base auquel la personne était affiliée lorsqu'elle a reçu des points sur son CPPP pour la dernière fois. Cette majoration est utilisée pour calculer le taux de la pension de retraite de son bénéficiaire.

Par ailleurs, les trimestres en question seront réputés « cotisés » pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue des travailleurs salariés, des artisans et commerçants, des professionnels libéraux, des avocats, des exploitants agricoles et des militaires.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a modifié le fond de cet article que sur un seul point. Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales a en effet décidé que la majoration de durée de cotisation sera accordée par la Cnav et non par le régime de base auquel le bénéficiaire était affilié lorsque des points ont été crédités sur son CPPP pour la dernière fois. Cette disposition sera sans impact sur les droits ouverts mais vise à assurer une meilleure coordination entre régimes de retraites et à faciliter les transferts financiers entre eux.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 9 bis (chapitre II du titre IV de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites) - Requalification des mesures de la loi du 9 novembre 2010 relatives à la prise en compte d'une incapacité permanente

Objet : Ajouté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, cet article modifie le titre d'un chapitre de la réforme des retraites de 2010 afin de le mettre en adéquation avec les mesures qu'il contient.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

La réforme des retraites de 2010 a créé un dispositif de retraite anticipée pour les salariés justifiant d'une incapacité permanente dont le taux est supérieur à 20 % et qui résulte d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques. Les personnes dont le taux d'incapacité permanente est d'au moins 10 % et qui ont été exposées pendant dix-sept ans ou plus à l'un des facteurs de risques professionnels y sont également éligibles, dès lors qu'elles établissent que leur incapacité permanente est directement liée à l'exposition à ces facteurs. Il a bénéficié, entre son entrée en vigueur le 1 er juillet 2011 et le 30 août 2013, à 6 359 personnes pour 9 238 dossiers déposés, dont 19 % rejetés.

Présenté comme une mesure de compensation de la pénibilité, il ne reconnaît pas l'effet différé sur la santé de l'exposition aux facteurs de risques professionnels et son impact sur la qualité de vie à la retraite. Il est donc logique que le nom de ce mécanisme, qui par ses critères d'application est en décalage avec la définition communément admise de la pénibilité, soit mis en conformité avec son objet réel à l'heure de la création du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Sur proposition des commissaires membres du groupe socialiste et de Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, la commission des affaires sociales a donc inséré cet article additionnel dans le projet de loi. Il substitue, dans l'intitulé (« compensation de la pénibilité ») du chapitre II du titre IV de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, la notion d'« incapacité permanente » à celle de « pénibilité ».

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 10 (art. 86 et 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites) - Date d'entrée en vigueur des dispositions relative à la prise en compte de la pénibilité

Objet : Cet article abroge deux dispositions de la réforme de 2010 qui n'ont jamais été mises en oeuvre et fixe au 1 er janvier 2015 la date d'entrée en vigueur du compte personnel de prévention de la pénibilité et des mesures de coordination contenues dans le projet de loi.

I - Le dispositif proposé

Le I de l'article propose de supprimer deux mesures de la loi du 9 novembre 2010 qui n'ont connu aucune application :

- la possibilité pour les branches de mettre en place, par accord, un dispositif d'allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles (I de l'article 86). Il s'agit d'une expérimentation dont l'échéance est fixée au 31 décembre 2013 ;

- la création d'un comité scientifique, qui devait avoir lieu avant le 31 mars 2011 et dont la mission devait être « d'évaluer les conséquences de l'exposition aux facteurs de pénibilité sur l'espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs ».

Le II concerne l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la prévention de la pénibilité : la date est fixée, pour les articles 5 à 9, au 1 er janvier 2015. Toutefois, le dernier alinéa de l'article L. 4162-3 nouveau du code du travail, qui oblige les employeurs à transmettre annuellement une copie de la fiche de prévention des expositions à la Carsat, ne sera applicable qu'à compter d'une date fixée par décret au Conseil d'Etat et, au plus tard, le 1 er janvier 2020.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 10 bis - Rapport sur la situation des personnes exclues du bénéfice de l'allocation transitoire de solidarité

Objet : Cet article additionnel, ajouté par l'Assemblée nationale en séance publique, demande au Gouvernement un rapport sur la situation des personnes nées en 1952 et 1953 qui, bien qu'elles remplissent les conditions pour en bénéficier, se voient refuser l'allocation transitoire de solidarité.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'allocation équivalent retraite (AER) était un dispositif qui visait à garantir un revenu minimal aux demandeurs d'emploi n'ayant pas atteint l'âge légal de départ à la retraite mais justifiant d'une durée de cotisation suffisante pour bénéficier d'une pension à taux plein, jusqu'à la liquidation de leurs droits à l'assurance vieillesse. Soumise à condition de ressources, elle se substituait aux minima sociaux ou venait en complément de l'allocation d'assurance chômage et atteignait 1 030 euros par mois pour une personne seule.

Supprimée par la loi de finances pour 2008 44 ( * ) , prolongée à titre exceptionnel en 2009 45 ( * ) puis à nouveau en 2010 46 ( * ) , elle a disparu à compter du 1 er janvier 2011, les droits ouverts avant cette date étant versées jusqu'à leur expiration en application d'une disposition inscrite par la commission des affaires sociales du Sénat dans la réforme des retraites de 2010 47 ( * ) . Une allocation transitoire de solidarité (ATS) 48 ( * ) pour certains demandeurs d'emploi nés entre le 1 er juillet 1951 et le 31 décembre 1953 a pris le relais de l'AER tout en étant plus restrictive, les bénéficiaires devant avoir atteint l'âge de 60 ans à l'extinction de leurs droits à l'allocation chômage.

Par un décret 49 ( * ) du 4 mars 2013, le Gouvernement a mis en place, à destination des demandeurs d'emploi nés entre le 1 er janvier 1952 et le 31 décembre 1953 inscrits à Pôle emploi à la date du 31 décembre 2010, une nouvelle ATS basée sur les mêmes critères que l'AER. Elle doit leur garantir un montant journalier maximal de l'allocation égal à 34,33 euros.

Sur proposition de la députée Sylviane Bulteau et des membres du groupe SRC, l'Assemblée nationale a adopté cet article additionnel 10 bis afin d'obtenir du Gouvernement qu'il remette aux commissions permanentes compétentes du Parlement un rapport sur la situation des personnes qui, bien que remplissant les critères d'éligibilité à l'ATS, n'en bénéficient pas faute de justifier de tous leurs trimestres de cotisation à la date d'extinction de leurs droits à l'assurance chômage. Devant initialement être réalisé avant le 31 décembre 2013, ce rapport devra finalement, à la suite d'un sous-amendement gouvernemental, être transmis dans un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la loi.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 11 (art. L. 351-15 du code de la sécurité sociale) - Assouplissement de la condition d'âge pour bénéficier de la retraite progressive

Objet : Cet article abaisse l'âge d'éligibilité à la retraite progressive de deux ans par rapport à l'âge légal de départ à la retraite.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif de la retraite progressive demeure relativement peu utilisé

Créée en 1988 et pérennisée par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, la retraite progressive permet aux salariés qui ont atteint l'âge légal de départ à la retraite de travailler à temps partiel tout en bénéficiant d'une fraction de leur pension de retraite de base et complémentaire. Le montant de la pension servie dépend ainsi de la durée de travail de l'assuré.

Part de la retraite progressive
en fonction de la durée de travail du bénéficiaire

Durée de travail à temps partiel par rapport à un temps plein

Fraction de pension à servir

Moins de 40 %

70 %

De 40 % à 59,99 %

50 %

De 60 % à 80 %

30 %

En vertu de l'article L. 351-15 du code de la sécurité sociale , le dispositif est ouvert aux assurés relevant du régime général et des régimes alignés (salariés agricoles, artisans et commerçants), de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et du régime des non-salariés agricoles.

Le dispositif est doublement avantageux. D'une part, il permet de poursuivre l'acquisition de droits pour majorer la pension qui sera liquidée à terme. Le montant final de la retraite ne peut être inférieur à celui qui a servi de base de calcul à la retraite progressive. D'autre part, pendant la durée de son temps partiel, l'assuré a la possibilité de cotiser sur la base du salaire à temps plein (« surcotisation ») dans le cadre d'un accord signé avec l'employeur. A cet égard, la loi du 9 novembre 2010 prévoit que le salarié qui opte pour la retraite progressive doit être informé de la possibilité de cotiser à l'assurance vieillesse comme s'il travaillait à taux plein.

En l'état actuel du droit, l'assuré doit remplir trois conditions cumulatives pour bénéficier du dispositif:

- avoir atteint l'âge légal de départ en retraite ;

- justifier de 150 trimestres de durée d'assurance validés dans les régimes de base obligatoires dans lesquels la retraite progressive s'applique ;

- et exercer une activité à temps partiel (à titre exclusif pour les salariés ou réduite pour les non-salariés).

Des conditions spécifiques sont en outre prévues pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole 50 ( * ) .

Malgré une évolution favorable de son régime juridique, la retraite progressive est relativement peu utilisée.

Le calcul de la retraite progressive est devenu provisoire à compter du 1 er juillet 2006, date avant laquelle son caractère définitif ne permettait pas à l'assuré d'améliorer ses droits au moment du calcul de sa retraite personnelle. Selon les informations transmises à votre rapporteure par la Cnav, le nombre de bénéficiaires est ainsi passé d'environ 500 assurés fin 2005 à 2 409 au 31 décembre 2012 . Le montant mensuel moyen d'une retraite progressive versée par le régime général s'élève à 453 euros. L'âge moyen des bénéficiaires est de 63,5 ans fin 2012 et la durée de service s'établit à 2 ans en moyenne. En 2012, environ 1 100 assurés sont entrés dans le dispositif. Leur âge moyen est de 61,2 ans.

Comme l'a indiqué la commission pour l'avenir des retraites dans son rapport de juin 2013 en se fondant sur les enquêtes étudiant les motivations de départ à la retraite, le dispositif demeure néanmoins peu connu et relativement confidentiel 51 ( * ) .


L'assouplissement proposé

Le présent article entend donc accroître l'attractivité et la lisibilité de ce dispositif.

A cette fin, le 1 ° modifie le deuxième alinéa de l'article L. 351-15 du code de la sécurité sociale pour abaisser l'âge d'éligibilité de deux ans par rapport à l'âge légal de départ en retraite. La condition d'âge passe ainsi de 62 à 60 ans pour la génération née en 1955 .

Il devient par conséquent possible de réduire son temps de travail avant d'avoir atteint l'âge de partir en retraite tout en maintenant un niveau de vie identique.

Le 2° modifie le troisième alinéa du même article L. 351-15 afin d'intégrer l'ensemble des régimes de retraite dans la détermination de la durée d'assurance requise et prévoir que cette durée (aujourd'hui définie à 150 trimestres dans la loi) est fixée par décret en Conseil d'Etat .

Rappelant que le coût de la retraite progressive s'élevait à 12,5 millions d'euros pour le régime général en 2012, l'étude d'impact évalue le coût total du dispositif proposé, sous l'hypothèse d'un quintuplement des bénéficiaires, à 50 millions d'euros à l'horizon 2017 . Le dispositif conduira en effet à augmenter le nombre des liquidations partielles à court terme et à améliorer le montant des pensions servies à plus long terme.

L'étude d'impact indique en outre que ces modifications législatives s'accompagneront d'ajustements réglementaires visant à rendre plus intelligible et attractive la grille qui définit les différentes combinaisons possibles entre le temps travaillé et la fraction de pension servie.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre des amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, un amendement visant à préciser que le départ au titre de la retraite progressive ne peut avoir lieu avant 60 ans .

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 12 (art. L. 161-22, L. 161-22-1 A [nouveau], L. 634-6, L. 643-6 et L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale ; art. L. 84 et L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite) - Clarification des règles du cumul emploi-retraite

Objet : Cet article modifie le dispositif du cumul emploi-retraite dans un objectif de plus grande équité entre les assurés.

I - Le dispositif proposé


L'existence de trois régimes de cumul emploi-retraite dont l'un est moins favorable que les autres est source d'iniquité entre les assurés

1. La coexistence de trois régimes de cumul emploi-retraite

Trois formes de cumul emploi-retraite (CER) coexistent aujourd'hui : le CER inter-régimes, le CER intra-régime plafonné et le CER intra-régime libéralisé (ou intégral).

La réglementation du CER s'apprécie, depuis 2003, en fonction de « groupes de régimes » (au nombre de sept).

Groupe 1

Régime général, salariés agricoles, certains régimes spéciaux (industries électriques et gazières, SNCF, RATP, mines, Banque de France, clercs et employés de notaires, Opéra national de Paris, Comédie française, port autonome de Strasbourg)

Groupe 2

Régime social des indépendants

Groupe 3

Professions libérales

Groupe 4

Avocats

Groupe 5

Exploitants agricoles

Groupe 6

Fonctions publiques

Groupe 7

Autres régimes spéciaux

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi.

Dans le CER inter-régimes, l'assuré reprend une activité dans un autre groupe de régimes que celui qui lui verse une pension de retraite. Cette forme de CER ne fait l'objet d'aucun encadrement particulier, la possibilité de cumuler une pension de retraite et des revenus d'activité relevant de régimes différents n'ayant jamais été réglementée.

Il en va autrement du CER intra-régime, assoupli en 2003 et libéralisé sous certaines conditions en 2009.

Ouvert par la loi du 21 août 2003, le CER intra-régime plafonné permet à l'assuré de reprendre une activité dans le même groupe de régimes que celui qui lui verse une pension de retraite à la condition que les revenus tirés de l'activité exercée après la retraite soient inférieurs à un plafond. Les salariés doivent en outre respecter un délai de carence de 6 mois si l'activité est reprise chez le même employeur.

Quant au cumul intra-régime libéralisé introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, il permet un cumul des revenus tirés de la pension et de l'activité sans plafonnement et sans délai de carence au sein d'un même groupe de régimes à la double condition d'avoir liquidé l'ensemble de ses pensions à taux plein et d'avoir atteint l'âge légal de départ en retraite.

Les règles du CER sont assorties de dérogations particulières pour tenir compte des spécificités propres aux régimes concernés. A titre d'exemple, un cumul dérogatoire est possible dans le régime général sans condition de plafond ni de cessation d'activité pour certaines activités (parmi lesquelles les activités artistiques, de participation à des jurys, les vacations dans certains établissements publics) ou dans la fonction publique (par exemple, la participation à des activités juridictionnelles ou à des instances consultatives ou délibératives).

2. Une source d'iniquité entre les assurés

La coexistence des trois régimes de CER est source d'iniquité entre les assurés.

Avant 2003, l'interdiction pour un retraité de reprendre une activité rémunérée dans le même groupe de régimes se justifiait par l'obligation, pour liquider une pension de retraite auprès du régime concerné, de la rupture de tout lien professionnel pour les salariés, de la cessation d'activité pour les non-salariés et de la radiation des cadres pour les fonctionnaires.

Qu'il soit plafonné ou intégral, le CER intra-régime s'analyse ainsi comme une dérogation à la règle générale interdisant une reprise d'activité rémunérée une fois la retraite liquidée (posée, pour les salariés, à l'article L. 161-22, alinéa 1, du code de la sécurité sociale 52 ( * ) ). La réglementation du CER vise à faire respecter le principe d'intangibilité de la pension après liquidation et implique :

- une liquidation de toutes les retraites servies par un régime légalement obligatoire préalablement au cumul entre une pension et un revenu d'activité ;

- le principe du versement par l'assuré de cotisations non productrices de droits à compter du début du cumul.

Ainsi, dans le cumul intra-régime, l'assuré verse des cotisations au titre de sa nouvelle activité mais ne se voit ouvrir droit ni à une nouvelle pension, ni à un nouveau calcul de celle-ci : il s'agit de cotisations de solidarité .

Dans le cas du cumul inter-régime, au contraire, l'assuré continue d'acquérir de nouveaux droits à retraite .

L'inspection générale des affaires sociales (Igas) évalue le nombre de retraités actifs à 500 000, dont 400 000 se trouvent en situation de cumul intra-régime (plus de 70 % étant affiliés au régime général) et 100 000 en situation de cumul inter-régimes en 2010 53 ( * ) . Le CER concerne principalement des hommes et des retraités percevant des pensions plus élevées que la moyenne. La durée moyenne de cumul est évaluée à deux ans.


Le dispositif proposé vise à une clarification des règles

Suivant une proposition du rapport de la commission pour l'avenir des retraites qui appelait de ses voeux une clarification des règles du CER, le présent article 12 prévoit qu'à compter du 1 er janvier 2015 la liquidation d'une pension dans un régime de retraite de base légalement obligatoire supposera de mettre un terme à l'ensemble de ses activités professionnelles. Il généralise par conséquent le principe de cotisations non génératrices de nouveaux droits à retraite.

Le paragraphe I modifie l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale relatif aux conditions générales de service des pensions et de reprise d'activité.

Le 1° modifie le premier alinéa de l'article L. 161-22 pour préciser que la liquidation d'une pension, dans un régime de retraite de base légalement obligatoire , implique de mettre fin à l'ensemble de ses activités professionnelles. La notion de groupes de régimes est ainsi supprimée.

Le 2° modifie le deuxième alinéa de l'article L. 161-22 de manière à ce que le calcul du plafond dans le CER intra-régime pour des assurés relevant du régime général, du régime des salariés agricoles ou d'un régime spécial prenne en compte l'ensemble des revenus professionnels, y compris ceux soumis à cotisation dans un autre régime.

Les 3° et 4° sont des dispositions de coordination.

Le paragraphe II insère un nouvel article L. 161-22-1 A dans le code de la sécurité sociale. Celui-ci généralise le principe de cotisations non génératrices de droits nouveaux à retraite, quels que soient le ou les régimes légalement obligatoires dont relève l'assuré et l'âge auquel il a liquidé sa ou ses pensions. Il précise que la dérogation au principe d'intangibilité des droits à retraite après liquidation des pensions est maintenue pour le dispositif de la retraite progressive (prévue à l'article L. 351-15 du code de la sécurité sociale).

Les paragraphes III et IV permettent d'étendre ces dispositions aux pensions des professions artisanales, industrielles et commerciales (article L. 634-6 du code de la sécurité sociale), des professions libérales (article L. 643-6 du même code) et des avocats (article L. 723-11-1 du même code) par un renvoi au premier alinéa de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale.

Le paragraphe V étend l'obligation de cesser toute activité professionnelle au régime des fonctionnaires (articles L. 84 et L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite) tout en maintenant une exception pour les bénéficiaires d'une pension militaire de retraite, pour tenir compte des spécificités attachées à ce métier où les limites d'âge ne permettent pas de carrière complète, excepté pour les officiers les plus haut gradés.

Le paragraphe VI précise que ces dispositions s'appliquent aux pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2015 .

Selon l'Igas, si le CER intra-régime a un impact positif à long terme pour les régimes et, en règle générale, légèrement supérieur à la surcote, le CER inter-régime est très coûteux pour les régimes car il permet à un assuré de bénéficier de deux avantages à la fois (surcote et cumul).

L'étude d'impact annexée au projet de loi indique que le dispositif proposé se traduira par un moindre niveau de prestations à verser à hauteur de 31 millions d'euros en 2015 , 161 millions d'euros en 2020, 360 millions d'euros en 2030 et 453 millions d'euros en 2040 54 ( * ) .

Elle indique par ailleurs l'intention du Gouvernement d'ouvrir par décret en Conseil d'Etat la possibilité de cumuler l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) avec des revenus d'activité à compter du 1 er janvier 2014. Cette mesure concernerait l'ensemble des régimes pour un coût évalué à 10 millions d'euros par an pour le régime général. A l'initiative de notre collègue Isabelle Debré, le Sénat a adopté le 31 janvier 2013 en première lecture une proposition de loi prévoyant tel mécanisme d'intéressement au maintien ou à la reprise d'activité pour les titulaires de l'Aspa. Le Gouvernement avait néanmoins indiqué à cette occasion qu'une telle mesure relève du pouvoir réglementaire.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au-delà d'amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement dont l'objet était double .

En premier lieu, il visait à clarifier le fonctionnement du CER au regard des indemnités de fonction des élus locaux. Ceux-ci sont affiliés au régime général d'assurance vieillesse depuis le 1 er janvier 2013 en vertu de l'article L. 382-31 du code de la sécurité sociale. La rédaction initiale de l'article 12 les aurait conduit à devoir mettre fin à leur mandat d'élu local pour pouvoir partir en retraite. De plus, les élus locaux déjà pensionnés du régime général et n'ayant pas atteint l'âge légal de départ en retraite ou ayant liquidé leur retraite à un taux inférieur au taux plein se seraient trouvés placés dans une situation de CER plafonné en risquant de voir le service de leurs pensions de retraite suspendu en cas de dépassement du plafond alors même que l'exercice d'un mandat local ne constitue pas une activité salariée.

Le paragraphe I de l'article 12 est ainsi complété par un 5° qui modifie l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale pour compléter les exceptions aux règles du CER prévues par ce même article. Il est ainsi précisé que les règles de cumul ne font pas obstacle à la perception d'indemnités d'élu local.

En second lieu, l'amendement du Gouvernement entendait tirer les conséquences de l'absence d'entrée en vigueur d'une dérogation au CER introduite par la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2006.

Celle-ci prévoyait une dérogation aux règles du CER en cas de cumul d'une retraite avec une activité de tutorat par un ancien salarié d'une entreprise lorsque cette activité était effectuée à titre exclusif, auprès du même employeur et sous le régime d'un contrat de travail à durée déterminée dans des conditions définies par décret et au second alinéa de l'article L. 1242-4 du code du travail. Faute de décret d'application, cette dérogation n'est pas entrée en vigueur.

L'amendement adopté vise donc à supprimer cette dérogation, ce qui se traduit dans le 5° susmentionné (qui substitue la nouvelle dérogation relative à la perception d'indemnités d'élu local à celle déjà existante relative à l'exercice de tutorat) et par l'ajout au présent article 12 d'un nouveau paragraphe V ter supprimant le second alinéa de l'article L. 1242-4 du code du travail.

L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté, à l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, un amendement de coordination se traduisant par l'ajout d'un paragraphe V bis .

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 12 bis (art. L. 161-22, L. 634-6 et L. 643-6 du code de la sécurité sociale) - Simplification du cumul emploi-retraite plafonné en cas de dépassement

Objet : Cet article, inséré à l'initiative du Gouvernement à l'Assemblée nationale, prévoit, en cas de dépassement du plafond prévu dans le dispositif du cumul emploi-retraite plafonné, de réduire les montants de pension servis à due concurrence au lieu de suspendre le service des pensions.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Dans le cadre du cumul emploi-retraite plafonné, les retraités actifs peuvent cumuler des revenus issus de la reprise d'une activité professionnelle avec leurs pensions de retraite de base et complémentaires dans la limite d'un plafond propre à chaque régime.

En application des articles L. 161-22 du code de la sécurité sociale pour les assurés du régime général, L. 634-6 pour les assurés du régime social des indépendants (RSI) et L. 643-6 pour les assurés des professions libérales, en cas de dépassement de ce plafond, les caisses de retraite suspendent intégralement le service des pensions de retraite.

Cette règle n'est favorable ni aux caisses, qu'elle contraint parfois à opérer des régularisations importantes sur les montants de pension servis, ni aux assurés, qui peuvent être obligés de rembourser une annuité entière de pension en cas de dépassement même très faible du plafond annuel.

Le dispositif proposé consiste à ne plus suspendre le service des pensions de retraite en cas de dépassement mais à réduire les montants de pension servis à due concurrence du dépassement dans des conditions fixées par décret.

L'article 12 bis du présent projet de loi modifie en ce sens l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale s'agissant des assurés relevant du régime général ainsi que les articles L. 634-6 et L. 643-6 du même code s'agissant des assurés relevant respectivement du RSI et du régime des professions libérales.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 12 ter (art. L. 5421-4 du code du travail) - Impossibilité de cumuler une pension à taux plein et une allocation d'assurance chômage

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à supprimer la possibilité pour les bénéficiaires d'un dispositif de retraite anticipée de cumuler leur pension de retraite avec une allocation chômage jusqu'à l'âge légal de départ en retraite.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

En vertu de l'article L. 5421-4 du code du travail, le cumul d'une pension de retraite et d'une allocation chômage est interdit lorsque la pension de retraite est liquidée à taux plein à partir de l'âge légal de départ en retraite.

Parce qu'elle ne vise que l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, cette interdiction ne vaut pas pour les assurés qui liquident leurs pensions à taux plein avant l'âge légal de départ en retraite : bénéficiaires du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue (RACL) prévu à l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale, de la retraite anticipée pour pénibilité (article L. 351-1-4 du même code), de la retraite anticipée pour travailleurs handicapés (article L. 351-1-2 du même code), de la retraite anticipée au titre de l'amiante (article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999).

Ces assurés peuvent en effet aujourd'hui cumuler, jusqu'à l'âge légal de départ en retraite (62 ans pour la génération née à partir de 1955), la pension perçue au titre de la retraite anticipée et l'allocation de chômage.

Il en serait de même, sans modification des textes, pour les bénéficiaires de la retraite anticipée au titre de la pénibilité ouverte à l'article 9 du présent projet de loi (article L. 161-17-4 nouveau du code de la sécurité sociale).

Le dispositif proposé vise à corriger cette anomalie. C'est pourquoi, le présent article modifie l'article L. 5421-4 du code du travail pour faire figurer les assurés qui bénéficient d'un âge dérogatoire pour l'ouverture des droits à pension au titre des dispositifs de retraite anticipée susmentionnés parmi les catégories d'assurés pour lesquels le versement de l'allocation chômage cesse à compter de la liquidation de la pension à taux plein.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 13 - Rapport du Gouvernement sur la refonte des avantages familiaux de retraite

Objet : Cet article prévoit la réalisation d'un rapport par le Gouvernement sur la réforme des avantages familiaux de retraite.

I - Le dispositif proposé

Les avantages familiaux de retraite regroupent trois dispositifs principaux :

- la majoration de durée d'assurance , de service ou de points (MDA) qui permet, dans les régimes de base des salariés et des non-salariés, de valider jusqu'à deux années par enfant élevé ;

- l' assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), mise en place en 1972 et qui permet aux personnes qui interrompent ou réduisent leur activité pour s'occuper de leur(s) enfant(s) de continuer à acquérir des droits à retraite, quel que soit leur régime d'affiliation ;

- et la majoration de montant de pension pour les parents ayant élevé trois enfants ou plus.

Ainsi que l'a indiqué la commission pour l'avenir des retraites dans son rapport de juin 2013, ces dispositifs contribuent de façon substantielle à l'acquisition des droits à retraite des femmes : celles qui ont liquidé leurs pensions au régime général en 2010 ont validé en moyenne 23 trimestres au titre de la MDA et 30 trimestres au titre de l'AVPF.

Cependant, les droits familiaux de retraite, en particulier la MDA et la majoration de montant de pension, connaissent une triple limite .

En premier lieu, l'hétérogénéité des règles applicables selon le régime d'affiliation est source d'iniquité entre les assurés.

En deuxième lieu, ces dispositifs favorisent les retraités dont les pensions sont les plus élevées . La majoration de montant de pension est en effet proportionnelle au niveau de pension, non assujettie à l'impôt sur le revenu et elle bénéficie majoritairement aux hommes.

En dernier lieu, ils contribuent davantage à rapprocher les durées d'assurance moyennes validées par les femmes et les hommes qu'à compenser les écarts de rémunération à fonctions égales.

Dans ces conditions, la commission Moreau a appelé de ses voeux une remise à plat générale de ces avantages dans le sens d'une simplification et d'une convergence. Le Gouvernement a dans ce contexte annoncé une refonte des majorations de pension à partir de 2020 et indiqué son intention de plafonner progressivement la majoration pour enfants et à la transformer en majoration forfaitaire par enfant dans un sens plus favorable aux femmes. Parallèlement, la commission Moreau a souligné la nécessité d'investigations plus approfondies pour mettre en oeuvre cette réforme .

Le présent article entend répondre à cette demande en prévoyant la réalisation par le Gouvernement d'un rapport sur l'évolution des droits familiaux afin que ceux-ci compensent mieux les conséquences de l'arrivée d'enfants au foyer sur la carrière professionnelles et les pensions de retraite des femmes.

Ce rapport doit être remis au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a procédé à des modifications rédactionnelles.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 13 bis A (art. L. 173-2-0-2 du code de la sécurité sociale) - Mécanisme de coordination entre régimes en cas de partage de la majoration de durée d'assurance au sein d'un couple de parents de même sexe

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, permet de préciser le mécanisme de coordination entre régimes rendu nécessaire, lorsqu'il s'agit de couples de parents de même sexe, par l'évolution des règles de partage de la majoration de durée d'assurance.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

A son article 18, la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe adapte les règles de majoration de durée d'assurance (MDA) en matière de retraite. Les parents décident toujours librement d'attribuer cette majoration à l'un d'entre eux ou de se la partager. En revanche, si le couple n'exprime aucun choix et en l'absence de désaccord d'un de ses membres, il est prévu un partage égal (et non plus une attribution intégrale à la seule mère) pour les trimestres non liés à l'accouchement (éducation ou adoption).

En revanche, la loi du 17 mai 2013 n'a pas prévu d'adapter le mécanisme de coordination entre régimes résultant de cette adaptation des règles de partage de la majoration. Selon le mécanisme de coordination aujourd'hui prévu à l'article L. 173-2-0-2 du code de la sécurité sociale , ce sont les règles du régime de la mère qui sont appliquées.

Le présent article prévoit de conserver ce mécanisme tout en le complétant par un renvoi à un décret en Conseil d'Etat qui doit définir, pour le cas où les parents sont de même sexe, une règle de priorité entre régimes permettant l'application des règles d'un seul des régimes .

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 13 bis - Rapport sur les pensions de réversion

Objet : Cet article, inséré à l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur les pensions de réversion.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 13 bis du présent projet de loi prévoit l'élaboration par le Gouvernement d'un rapport sur les possibilités de faire évoluer les règles régissant les pensions de réversion dans un double objectif :

- une meilleure prise en compte du niveau de vie des conjoints survivants ;

- une harmonisation des règles entre les différents régimes.

Si tous les régimes de retraite français servent une pension de réversion au conjoint survivant, les règles qui s'appliquent à la réversion sont très hétérogènes d'un régime à l'autre (absence de plafonnement dans le régime de la fonction publique et les régimes de retraite complémentaires, au contraire du régime général ; conditions de ressources et d'âge variables ; appréciation divergente du remariage ; taux de réversion et règles de partage entre conjoints survivants différents).

Ces règles sont plus ou moins favorables au conjoint survivant selon les régimes concernés. A titre d'exemple, le plafonnement du montant de la pension de réversion dans le régime général peut s'avérer particulièrement pénalisant lorsque le conjoint survivant, en général une femme, a acquis des droits propres au cours de sa carrière professionnelle et que son niveau de vie subit une baisse importante après le décès de son conjoint.

Il convient donc d'engager une démarche d'harmonisation des règles relatives à la réversion qui prenne en compte la nécessité de maintenir le niveau de vie des conjoints survivants.

Le rapport prévu en sens au présent article doit être remis au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la loi.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 14 (art. L. 351-2 du code de la sécurité sociale) - Assouplissement des conditions d'acquisition de trimestres pour les assurés à faible rémunération

Objet : Cet article vise à assouplir les règles de validation du nombre de trimestres d'assurance vieillesse au titre d'une année dans le cadre d'une activité salariée pour mieux prendre en compte les carrières à temps partiel ou à faible rémunération.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif actuel

Les règles relatives à la prise en compte des périodes d'assurance dans la détermination des droits à retraite au régime général et dans les régimes alignés est inscrite au premier alinéa de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale .

Celui-ci prévoit que le nombre de trimestres d'assurance vieillesse validés au titre d'une année dans le cadre d'une activité salariée est établi non pas en fonction de la durée de travail accomplie mais à raison de la rémunération . Ces périodes d'assurance ne peuvent en effet être retenues dans la détermination des droits à retraite que si elles ont donné lieu au versement d'un minimum de cotisations .

Selon les dispositions réglementaires en vigueur depuis 1972, sont ainsi validés autant de trimestres que le salaire annuel représente de fois 200 heures rémunérées au salaire minimum de croissance (Smic) horaire en vigueur au 1 er janvier de l'année considérée, avec un maximum de quatre trimestres par année civile 55 ( * ) . En d'autres termes, un salarié valide une année complète dès lors que sa rémunération annuelle brute atteint 800 heures de Smic.

Règles d'acquisition des trimestres d'assurance vieillesse des salariés

(sur la base du Smic en vigueur au 1 er janvier 2013)

Montant de rémunération annuelle brute

En Smic

Moins de 200 heures au Smic

Entre 200 et 400 heures au Smic

Entre 400 et 600 heures au Smic

Entre 600 et 800 heures au Smic

Plus de
800 heures au Smic

En valeur

Moins de 1 896 €

Entre 1 896 € et 3 792 €

Entre 3 792 € et 5 688 €

Entre 5 688 € et 7 584 €

Plus de 7 584 €

Nombre de trimestres validés dans l'année

0 trimestre

1
trimestre

2 trimestres

3 trimestres

4 trimestres

Le versement de cotisations au-delà du seuil ainsi défini ne permet pas d'augmenter la durée d'assurance.


Les limites du dispositif actuel

Le dispositif actuel apparaît avantageux en ce qu'il permet de valider quatre trimestres sans travailler durant toute l'année. Il est favorable aux assurés qui perçoivent des salaires annuels réduits, soit du fait d'une activité concentrée sur une période de l'année, soit du fait d'un salaire mensuel faible.

Comme l'indique en effet l'étude d'impact à titre illustratif, un assuré peut valider quatre trimestres en travaillant pendant :

- moins de deux mois et demi lorsqu'il perçoit une rémunération mensuelle brute égale au plafond de la sécurité sociale ;

- environ cinq mois et demi avec une activité à temps plein rémunérée au Smic ;

- un peu plus de dix mois et demi lorsqu'il travaille à mi-temps en étant rémunéré au Smic.

Cependant, les règles actuelles demeurent peu favorables aux salariés travaillant à temps très partiel ou à faible rémunération, lesquels sont en grande majorité des femmes .


Le dispositif proposé

L'article 14 du présent projet de loi vise à faciliter l'acquisition de trimestres d'assurance vieillesse pour les assurés à temps très partiel et à faibles revenus.

A cette fin, il apporte deux séries de modifications à l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale qui permettront au Gouvernement d'aménager les modalités de validation de durée d'assurance par décret.

Il complète en premier lieu l'alinéa 1 er de cet article pour permettre au Gouvernement d'abaisser le seuil d'acquisition de trimestres, comme cela est indiqué dans l'étude d'impact, de 200 heures à 150 heures rémunérées au Smic . L'étude d'impact indique que ces nouvelles règles permettront à un assuré à tiers temps rémunéré au Smic de valider quatre trimestres par an et non plus seulement trois.

Le présent article ouvre en outre la possibilité de reporter des cotisations non utilisées pour la validation d'un trimestre sur l'année suivante ou sur la précédente lorsque les années en question comptent moins de quatre trimestres validés. Cette possibilité sera aménagée par décret. L'étude d'impact indique que, combinée à la précédente mesure, ce mécanisme permettra « à des assurés qui, temporairement, travailleraient à très faible quotité (1/4 temps) et au salaire minimum, de valider néanmoins quatre trimestres ».

En second lieu, l'article 14 insère un deuxième alinéa après le premier alinéa de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale. Ce nouvel alinéa prévoit la fixation par décret du plafond mensuel de cotisations retenues pour le décompte des périodes d'assurance mentionnées au premier alinéa. L'objectif est d'éviter qu'un assuré fortement rémunéré ne puisse valider quatre trimestres en quelques semaines d'activité.

A cet égard, le Gouvernement a indiqué prévoir la prise en compte, dans le décompte de la durée d'assurance, des seules cotisations portant sur un revenu mensuel inférieur à 1,5 Smic (et non plus inférieur au plafond de la sécurité sociale). Selon l'étude d'impact, « avec cet ajustement, un assuré rémunéré au plafond validera, comme aujourd'hui, quatre trimestres en un peu moins de trois mois, et non en moins de deux mois si cet ajustement n'était pas proposé ».

Selon les simulations réalisées par la Drees pour le Gouvernement, ce nouveau dispositif bénéficierait à environ 15 % des assurés de la génération née en 1982 ; ceux-ci gagneraient en moyenne plus de cinq trimestres d'assurance vieillesse.

Le coût total du dispositif est estimé à 10 millions d'euros en 2014 , 30 millions d'euros en 2020, 180 millions d'euros en 2030 et 496 millions d'euros en 2040.

Selon les informations transmises à votre rapporteure par la Cnav, le dispositif connaîtra une montée en charge assez lente car les mesures sont appliquées à partir des salaires versés en 2014. L'effet conjoint de la validation à 150 heures de Smic et des reports de cotisations se traduirait par une diminution du solde de la Cnav de 25 millions d'euros en 2020 et de 982 millions d'euros en 2055.

Impact du dispositif proposé sur le solde de la Cnav

Effet sur les masses financières
(en millions d'euros 2010)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2030

2040

2050

2055

Prestations

0

0

3

10

14

21

111

287

605

918

Cotisations

0

0

0

-2

-2

-3

-9

-13

-35

-75

Transferts FSV

0

0

0

-1

-1

-2

1

5

10

11

Solde technique Cnav

0

0

-4

-13

-17

-25

-119

-295

-630

-982

Source : Cnav

La Cnav insiste toutefois sur les limites rencontrées par ces simulations en raison d'une connaissance imparfaite des petits salaires et des temps partiels et d'une forte sensibilité aux hypothèses macroéconomiques.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 15 (art. L. 351-1-1, L. 634-3-2, L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale ; art. L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime) - Elargissement du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue

Objet : Cet article élargit à l'ensemble des « périodes assimilées » le champ des trimestres pouvant être réputés cotisés pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif actuel

1. Un dispositif créé par la loi du 21 août 2003

L'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale, inséré par l'article 23 de la loi du 21 août 2003, ouvre la possibilité d'abaisser l'âge légal d'ouverture du droit à la retraite pour les assurés qui ont commencé leur activité professionnelle avant un âge et dans des conditions déterminés par décret. Il précise que ces assurés doivent avoir accompli une durée totale d'assurance et de périodes reconnues équivalentes au moins égale à une certaine limite, tout ou partie de cette durée totale devant avoir donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré.

Ce dispositif de retraite anticipé pour carrière longue (RACL) est prévu selon des termes identiques à l'article L. 634-3-2 du code de la sécurité sociale pour les professions artisanales, industrielles et commerciales, au II de l'article L. 643-3 de ce même code pour les professions libérales et au II de l'article L. 723-10-1 du même code pour les assurés relevant du régime des avocats. Il est prévu à l'article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime pour les assurés relevant du régime des non-salariés agricoles.

Les conditions réglementaires d'ouverture du droit sont définies aux articles D. 351-1-1 à D. 351-1-3 du code de la sécurité sociale.

A l'origine, l'assuré devait remplir les trois conditions cumulatives suivantes :

- avoir commencé son activité professionnelle avant 16 ans pour un départ à 56, 57 ou 58 ans et avant 17 ans pour un départ à 59 ans ;

- réunir une durée totale d'assurance ou de périodes reconnues équivalentes égale à la durée d'assurance requise pour le taux plein, majorée de huit trimestres, et appréciée tous régimes de base confondus ;

- justifier d'une durée d'assurance cotisée (à sa charge), variable en fonction de l'âge de l'assuré à la date de prise d'effet de sa pension 56 ( * ) .

Consécutivement au relèvement de l'âge légal de départ en retraite de 60 à 62 ans par la loi du 9 novembre 2010, les bornes d'âge pour bénéficier de la RACL ont été décalées à 58 et 60 ans et la possibilité de partir en retraite dès 60 ans introduite pour les assurés ayant commencé à travailler avant 18 ans 57 ( * ) .

2. Un dispositif assoupli en juillet 2012

Le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse modifie les articles D. 351-1-1 à D. 351-1-1-3 du code de la sécurité sociale pour étendre les possibilités de départ en retraite dès 60 ans aux assurés ayant commencé à travailler avant 20 ans.

Depuis le 1 er novembre 2012, la RACL est ouverte sous les deux conditions cumulatives suivantes :

- avoir commencé son activité professionnelle avant un certain âge (avant 16 ou 17 ans, selon l'année de naissance et l'âge de départ fixé pour sa génération, pour pouvoir partir avant 60 ans et avant 20 ans pour pouvoir partir à 60 ans) et totaliser cinq trimestres à la fin de l'année civile au cours de laquelle est intervenue le 16 e , 17 e ou 20 e anniversaire (ou quatre trimestres pour les assurés nés au cours du quatrième trimestre) ;

- justifier d'une durée d'assurance cotisée tous régimes de base confondus , qui dépend de la génération de l'assuré et de son âge à la date d'effet de la pension. Pour un départ à 60 ans, cette durée est la même que celle requise pour obtenir le taux plein.

Le décret du 2 juillet 2012 supprime ainsi la condition de durée d'assurance totale validée , seule étant exigée une durée d'assurance cotisée.

En outre, ce décret supprime la majoration de huit trimestres validés qui existait auparavant pour un départ à compter de 58 ans des assurés ayant commencé à travailler avant 16 ans.

Les conditions d'éligibilité à la RACL à compter du 1 er novembre 2012 : l'exemple de la génération 1955

Durée cotisée

L'assuré justifie de cinq trimestres
avant la fin de l'année civile de ses

Age de départ possible

174 trimestres

16 ans

56 ans et 4 mois

170 trimestres

16 ans

59 ans

166 trimestres

20 ans

60 ans

*ou de quatre trimestres lorsqu'il est né au dernier trimestre de l'année civile.

Source : GIP Info retraite

Enfin, le décret du 2 juillet 2012 élargit le champ des trimestres cotisés en ajoutant aux trimestres déjà réputés cotisés (les périodes de service national dans la limite de quatre trimestres et les périodes de maladie, maternité ou d'indemnisation temporaire des accidents du travail, dans la limite de quatre trimestres) deux trimestres supplémentaires au titre du chômage et deux trimestres supplémentaires au titre de la maternité .

L'ensemble des assurés relevant des régimes obligatoires de base sont concernés (régime général, régimes agricoles, régime social des indépendants, régime des professions libérales, régimes des avocats, régime des cultes, régimes des trois fonctions publiques et tous les régimes spéciaux à l'exception de ceux de la SNCF et de l'Enim).


Le dispositif proposé

Dans sa rédaction actuelle, inchangée depuis 2003, l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit que seule une partie des périodes de service national peut être réputée cotisée.

L'article 15 du présent projet de loi, qui comprend deux paragraphes, donne un ancrage législatif à l'ensemble des périodes d'assurance validées et réputées cotisées et clarifie ainsi la rédaction de l'article L. 351-1-1 du code.

Le paragraphe I modifie les articles L. 351-1-1, L. 634-3-2, L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale pour élargir le champ des trimestres pouvant être réputés cotisés à l'ensemble des périodes prises en charge par la solidarité nationale énumérées à l'article L. 351-3 du même code (« périodes assimilées »).

Le paragraphe II modifie l'article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime pour appliquer cet élargissement au régime des exploitants agricoles.

Sur le fondement de cette modification législative, le Gouvernement prévoit, comme il l'indique dans l'étude d'impact, d'ajouter par décret aux trimestres aujourd'hui réputés cotisés deux trimestres de chômage et deux trimestres d'invalidité supplémentaires ainsi que tous les trimestres de maternité .

Cette mesure devrait s'appliquer à compter du 1 er janvier 2014.

Evolution du nombre de trimestres réputés cotisés
dans le cadre de la RACL selon le dispositif évoqué dans l'étude d'impact

Avant 2012

Depuis le
1 er novembre 2012

A compter du 1 er janvier 2014

Maternité

0

2

Tous

Chômage

2

2

4

Invalidité

0

0

2

Maladie/maternité et invalidité/AT-MP

4

4

4

Service national

4

4

4

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi

Pour mémoire, la possibilité de considérer comme réputés cotisés des trimestres de maladie, maternité et invalidité existe déjà dans le régime de la fonction publique en vertu de l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite.

En permettant la prise en compte de tous les trimestres acquis au titre de la maternité au lieu de deux auparavant, cette mesure permet de remédier à une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes dans la prise en compte des périodes réputées cotisées au titre de la RACL . A l'heure actuelle, les hommes se voient en effet accorder au maximum dix trimestres contre huit pour les femmes. Elle améliore en outre la situation des assurés ayant eu une carrière professionnelle heurtée du fait de périodes de chômage prolongé.

Le coût de cette mesure n'est précisé par l'étude d'impact que pour le seul régime général : 285 millions d'euros en 2020 et 228 millions d'euros en 2030.

La Cnav a transmis à votre rapporteure une simulation détaillant l'impact de la prise en compte de deux trimestres supplémentaires de chômage et de deux trimestres supplémentaires d'invalidité dans la durée réputée cotisée. Cette estimation est présentée dans le tableau ci-dessous.

S'agissant des liquidations effectuées en 2030, 5 % des hommes avanceraient leur départ à la retraite de 6 mois et 2 % des femmes avanceraient leur départ de 7,2 mois. Le nombre de retraités serait supérieur d'environ 10 000 prestataires après la montée en charge. S'agissant de l'incidence sur les masses de prestations, elle serait de l'ordre de 220 millions d'euros par an en 2020 et de 130 millions d'euros en 2050.

Impact du dispositif proposé sur le solde de la Cnav

(en millions d'euros)

Effets sur les masses

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2030

2040

2050

2055

Prestations

2

5

63

148

223

225

171

37

133

133

Cotisations

0

- 2

- 9

- 20

- 34

- 38

- 45

- 20

- 41

- 45

Transferts FSV

0

0

- 2

- 8

- 13

- 16

- 7

- 4

- 7

- 6

Solde technique

- 3

- 7

- 73

- 177

- 270

- 279

- 223

- 61

- 181

- 184

Source : Cnav (sur le fondement du scénario B du COR et sans prise en compte de l'ajout des périodes assimilées au titre de la maternité)

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 16 (art. L. 351-14-1, L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale ; art. L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite ; art. L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime) - Création d'une aide forfaitaire au rachat d'années d'études

Objet : Cet article instaure un tarif préférentiel de rachat de trimestres d'études supérieures pour les rachats effectués dans un certain délai après la fin des études.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif actuel

L'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, créé par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, prévoit un mécanisme de rachat d'années d'études pour les assurés salariés.

Ce dispositif existe en des termes équivalents dans les autres régimes de retraite obligatoire (article L. 634-2-2 du code de la sécurité sociale pour le régime social des indépendants, article L. 643-2 de ce même code pour le régime des professions libérales, article L. 723-10-3 du même code pour le régime des avocats, article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite pour les fonctionnaires, et article L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime pour le régime des non-salariés agricoles).

Depuis 2003, les assurés peuvent ainsi racheter jusqu'à douze trimestres d'assurance vieillesse au titre des années d'études supérieures. Le tarif du rachat, qui varie selon l'âge et le niveau de revenu, est déterminé selon le principe de la neutralité actuarielle.


Les limites du dispositif actuel

Du fait de son coût élevé, le rachat demeure peu utilisé, en particulier par les jeunes actifs. Seuls 2 500 rachats ont lieu par an ; l'âge moyen au moment du rachat est de cinquante-cinq ans.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, dans le régime général, le rachat d'un trimestre coûte entre 1 500 euros et 2 000 euros lorsqu'il est effectué à 20 ans et entre 2 200 et 2 700 euros lorsque l'assuré a 28 ans. Seuls 1 % des assurés qui rachètent des années d'études ont moins de 40 ans.

Or, la génération 1978 a validé, avant 30 ans, onze trimestres de moins que la génération 1950, ce qui montre l'intérêt potentiel de ce dispositif pour les générations d'actifs les plus jeunes.


Le dispositif proposé

L'article 16, qui comporte quatre paragraphes, prévoit la possibilité d'abaisser le barème du dispositif de rachat d'années d'études dans des conditions à définir par décret.

A cette fin, le paragraphe I complète l'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale par un second paragraphe qui prévoit que le montant des cotisations versées au titre du rachat d'années d'études pourra être abaissé par décret pour les périodes de formation initiale.

Les paragraphes II à IV étendent ce dispositif aux autres régimes de retraite obligatoire.

Le paragraphe II l'étend au régime des artisans et commerçants, au régime des professions libérales et au régime des avocats, en modifiant respectivement les articles L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale.

Le paragraphe III l'étend au régime des fonctionnaires en complétant l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Enfin, le paragraphe IV l'étend au régime des non-salariés agricoles en complétant l'article L. 723-27-1 du code rural et de la pêche maritime.

Selon le Gouvernement, dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, le rachat devra être effectué dans un délai de cinq ans suivant la fin des études et l'aide ne pourra porter que sur quatre trimestres au maximum. L'étude d'impact indique que le tarif préférentiel correspondra à un montant d'aide forfaitaire par trimestre, relativement plus favorable aux assurés les plus modestes puisque le tarif du rachat augmente proportionnellement aux revenus. Selon les exemples présentés dans l'étude d'impact, cette aide devrait permettre de réduire d'environ 50 % le tarif en vigueur. Le coût du rachat aidé sera harmonisé entre les différents régimes.

L'étude d'impact du projet de loi n'indique pas le coût du dispositif pour le budget de l'Etat.

Elle cherche néanmoins à évaluer ses conséquences financières pour l'ensemble des régimes de retraite de base. Cet impact comprendrait un effet positif à court terme à travers des recettes nouvelles issues des cotisations supplémentaires et un effet négatif à plus long terme au moment de la liquidation des pensions des bénéficiaires. Le barème du dispositif n'est en effet pas neutre actuariellement.

Au total, le Gouvernement prévoit un impact positif de l'ordre de 150 millions d'euros en 2014 et de 250 millions d'euros en 2040 sous l'hypothèse d'un taux de recours de 10 % (soit 30 000 bénéficiaires par an pour 120 000 trimestres rachetés au total).

Impact financier du dispositif proposé
dans l'ensemble des régimes de base concernés

(en millions d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

+ 150

+ 300

+ 350

+ 250

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre des modifications rédactionnelles, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements qui élargissent la portée de cet article.

Tout d'abord, le délai dans lequel il peut être recouru au dispositif proposé a été fixé à dix ans (au lieu des cinq ans initialement envisagés).

Ensuite, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements ouvrant le dispositif du rachat aidé à deux nouvelles catégories d'assurés : les assistantes maternelles au titre des périodes d'activité incomplète et les apprentis au titre des périodes passées.

- En raison d'un régime de cotisations spécifique appliqué aux assistantes maternelles entre le 1 er janvier 1975 et le 31 décembre 1990 , celles-ci cotisaient pendant ces périodes sur une assiette de cotisations inférieure à celle qui leur aurait permis de valider quatre trimestres par an lorsqu'elles gardaient moins de trois enfants. L'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale leur permet de racheter des trimestres d'assurance au titre de ces années. Cependant, le coût élevé de ce rachat, déterminé dans le respect du principe de la neutralité actuarielle, le rend peu accessible. L'amendement adopté à l'Assemblée nationale vise donc à étendre aux assistantes maternelles concernées le dispositif de rachat aidé.

- Les apprentis cotisent sur une assiette forfaitaire trop faible pour leur permettre de valider une durée d'assurance vieillesse égale à celle de leur contrat (cf. l'examen de l'article 17). L'article 17 du présent projet de loi apporte une réponse à cette situation pour les périodes d'apprentissage futures. En leur ouvrant le dispositif de rachat aidé, l'amendement adopté complète le dispositif prévu à l'article 17 en visant les périodes d'apprentissage allant du 1 er juillet 1972 au 31 décembre 2013 .

Ces modifications se traduisent par l'insertion d'un paragraphe II bis qui complète l'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale par deux séries de dispositions dérogatoires.

Enfin, à l'initiative du Gouvernement, la règle selon laquelle le rachat d'une période d'études n'est possible que si cette période n'a pas donné lieu à une affiliation à un régime de retraite a été supprimée . Cette règle aurait en effet conduit à priver du bénéfice de l'aide au rachat des étudiants qui travaillent, par exemple pour financer leurs études. Cette modification se traduit par l'ajout d'un paragraphe V au présent article.

III - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de coordination de sa rapporteure.

Puis elle n'a pas adopté cet article.

Article 16 bis (art. L. 173-7 et L. 351-17 [nouveau] du code de la sécurité sociale) - Validation des périodes de stage en entreprise au titre de la retraite

Objet : Cet article, inséré en séance à l'Assemblée nationale à l'initiative notamment du rapporteur de la commission des affaires sociales après l'avis favorable exprimé par le Gouvernement en commission, permet aux étudiants de verser des cotisations d'assurance vieillesse au titre de leurs stages en entreprise.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 16 bis du présent projet de loi permet aux étudiants de verser des cotisations d'assurance vieillesse au titre de leurs stages en entreprise afin de valider des trimestres d'assurance dans la limite de deux trimestres au total.

Les stages concernés sont ceux qui sont prévus à l'article L. 612-8 du code de la sécurité sociale. Il s'agit des stages en milieu professionnel ne relevant ni de l'article L. 4153-1 du code du travail (qui fait référence aux contrats d'apprentissage), ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, et qui font l'objet d'une convention entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et l'établissement d'enseignement supérieur. Ces stages doivent en outre être éligibles à la gratification prévue à l'article L. 612-11 du même code, ce qui suppose qu'ils soient d'une durée supérieure à 2 mois consécutifs ou non.

Le barème de cotisations et les modalités de leur versement seront précisés par décret. Le Gouvernement a souligné, à titre indicatif, que le montant des cotisations à acquitter pourrait représenter 12,5 euros par mois pendant deux ans ou 25 euros par mois pendant un an.

Pour instituer ce dispositif, le présent article 16 bis crée une nouvelle section 11 au sein du chapitre I er du titre V du livre III du code de la sécurité sociale. Cette section se compose d'un unique article L. 351-17. Celui-ci prévoit la possibilité pour les étudiants de demander la prise en compte, par le régime général et dans la limite de deux trimestres , des périodes de stages susmentionnées et précise que ce droit est conditionné au versement de cotisations.

Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition, notamment le délai de présentation de la demande, qui ne peut être supérieur à deux ans , et le mode de calcul des cotisations ainsi que les modalités d'échelonnement de leur versement.

Le nouvel article L. 351-17 précise que les trimestres validés au titre des périodes de stages en entreprise réduira d'autant le nombre de trimestres rachetables au titre du dispositif de rachat d'années d'études prévu à l'article 16 du présent projet de loi.

Le dernier alinéa du présent article précise que les versements effectués au titre du présent dispositif ne sont pas pris en compte pour le bénéfice du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue et du dispositif de retraite anticipée au titre du handicap.

II - La position de la commission

A l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination.

Puis la commission n'a pas adopté cet article.

Article 16 ter - Rapport sur l'ouverture de droits à retraite au titre des études

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, prévoit la réalisation par le Gouvernement d'un rapport sur l'ouverture de droits à retraite au titre des études.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 16 ter du présent projet de loi prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 15 juillet 2015 , d'un rapport sur « les modalités d'une ouverture pour les étudiants post-baccalauréat de droits à la retraite au titre des études ».

Il s'agit d'ouvrir une réflexion sur la possibilité de compléter les mesures prévues dans le projet de loi en faveur des jeunes (validation de périodes de stages et de périodes d'apprentissage) pour mieux prendre en compte leur arrivée plus tardive et difficile sur le marché du travail et ses conséquences sur la constitution de droits à la retraite.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 17 (art. L. 6243-2 et L. 6243-3 du code du travail ; art. L. 135-2 du code de la sécurité sociale) - Amélioration de la prise en compte des périodes d'apprentissage au titre de l'assurance vieillesse

Objet : Cet article vise à permettre aux apprentis de valider l'ensemble de leurs trimestres d'apprentissage au titre de leurs droits à la retraite.

I - Le dispositif proposé

Les apprentis cotisent aujourd'hui sur une assiette forfaitaire trop faible pour leur permettre de valider une durée d'assurance vieillesse égale à celle de leur contrat. Pour leur permettre de valider l'ensemble de leurs trimestres d'apprentissage, le présent article prévoit le calcul de la cotisation vieillesse de base des apprentis sur une assiette réelle et non plus forfaitaire et la possibilité de valider si nécessaire des droits complémentaires financés par la solidarité nationale.


Les modalités de calcul actuelles de l'assiette des cotisations sociales dues pour les apprentis

Les apprentis perçoivent une rémunération minimale légale définie en pourcentage du Smic et en fonction de leur âge et de leur progression dans le cycle de formation (article L. 6222-27 du code du travail) 58 ( * ) .

En pratique, cette rémunération brute minimale s'échelonne de 25 % à 78 % du Smic 59 ( * ) .

Rémunération minimale mensuelle légale d'un apprenti

(sur la base d'un travail à temps plein de 151,67 heures et de la valeur du Smic au 1 er janvier 2013)

Moins de 18 ans

18 à 20 ans

21 ans et plus

en %
du Smic

en €

en %
du Smic

en €

en %
du Smic

en €

1 ère année

25 %

357,56 €

41 %

586,39€

53 %

758,02 €

2 e année

37 %

529,18 €

49 %

700,81 €

61 %

872,43 €

3 e année

53 %

758,02 €

65 %

929,64 €

78 %

1 115,57 €

Conformément à l'article L. 6243-2 du code du travail et à l'arrêté du 5 juin 1979 modifié , l'assiette des cotisations sociales dues sur le salaire versé aux apprentis est forfaitaire ; elle est constituée de la rémunération minimale à laquelle est appliqué un abattement de 11 % du Smic (de 20 % dans les départements d'outre-mer).

Une assiette identique est prise en compte lorsque l'employeur rémunère l'apprenti au-delà du montant minimal (les montants de rémunération peuvent être majorés dans le secteur public ou en fonction de la nature du diplôme préparé).

Assiette des cotisations sociales dues
sur le salaire versé aux apprentis exprimée en pourcentage du Smic

Moins de 18 ans

18 à 20 ans

21 ans et plus

1 ère année

14 %

30 %

42 %

2 e année

26 %

38 %

50 %

3 e année

42 %

54 %

67 %

Ce même article L. 6243-2 prévoit la prise en charge par l'Etat, depuis le 1 er janvier 1979, de l'intégralité des cotisations salariales et patronales pour les employeurs inscrits au répertoire des métiers et pour les entreprises de moins de 20 salariés. Cette disposition a été étendue aux entreprises de plus de 10 salariés à compter du 1 er janvier 1989.

Environ 400 000 personnes se trouvent en situation d'apprentissage. Ce nombre est en forte progression (+ 12 % entre 1996 et 2009).

Répartition des effectifs d'apprentis

Avant 18 ans

De 18 à 20 ans

21 ans et plus

1 ère année

17%

22 %

15 %

2 e année

14 %

17 %

12 %

3 e année

32 %

2 %

1 %

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi


Les limites du dispositif actuel au regard de la constitution des droits à la retraite

Les modalités de calcul actuelles de l'assiette des cotisations sociales dues pour les apprentis ne sont pas favorables à l'acquisition de droits à la retraite.

Le nombre de trimestres d'assurance vieillesse validés au titre d'une année civile est en effet établi sur la seule base du montant de la rémunération soumise à cotisations (un trimestre validé pour 200 heures de travail rémunérées au Smic), comme pour les autres assurés du régime général et des régimes alignés. Or les apprentis cotisent sur une assiette forfaitaire trop faible pour valider une durée d'assurance égale à celle de leur contrat.

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2009 60 ( * ) , la Cour des comptes souligne ainsi l'étroitesse de la base permettant la validation de droits pour la durée d'assurance des apprentis. Elle relève que les apprentis de moins de 17 ans lors des deux premières années de leur contrat d'apprentissage ne valident respectivement que deux puis trois trimestres. Ceux âgés de 18 à 20 ans pendant les deux premières années de leur contrat ne valident que trois trimestres.

L'étude d'impact annexée au projet de loi indique que les apprentis ne peuvent valider une année entière qu'à la troisième année de leur apprentissage s'ils ont plus de 18 ans. Un apprenti qui commence son apprentissage à 16 ans ne pourra valider que sept trimestres en trois ans. Pour valider quatre trimestres par an, l'assiette abattue doit être supérieure à 44 % du Smic.

Nombre annuel de trimestres validés par les apprentis
selon le droit en vigueur

Avant 18 ans

De 18 à 20 ans

21 ans et plus

1 ère année

1

2

3

2 e année

2

3

4

3 e année

3

4

4

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi


Le dispositif proposé

Pour permettre aux apprentis de valider l'ensemble de leurs trimestres d'apprentissage, l'article 17 du présent projet de loi introduit une double mesure.

D'une part, il prévoit le passage à la prise en compte de l'assiette réelle pour les cotisations vieillesse dues pour les apprentis, ce qui se traduit par la suppression de l'abattement actuel.

Selon l'étude d'impact associée au projet de loi, l'établissement de l'assiette des cotisations vieillesse au niveau de la rémunération réellement perçue permettra aux apprentis, dans le contexte d'un passage de la règle de validation de trimestres de 200 heures à 150 heures travaillées au Smic, de valider quatre trimestres dès lors que la rémunération dépasse 33 % du Smic. Pour la quasi-totalité des apprentis, le nombre de trimestres validés serait égal à la durée d'apprentissage sur l'année civile.

D'autre part, le présent article définit un système de validation complémentaire de droits à la retraite de base pour les apprentis qui ne valideraient toujours pas autant de trimestres de retraite que de trimestres d'apprentissage sur une année civile. Seuls en effet les apprentis en première année de formation et âgés de moins de 18 ans continueraient, en application de la première mesure, à ne pouvoir valider que trois trimestres sur l'année civile de leur apprentissage.

Dans un souci de cohérence, l e 1° du paragraphe I modifie l'intitulé actuel de la section 2 du chapitre III du titre IV du livre II de la sixième partie du code du travail (« Exonération de charges salariales ») qui devient « Cotisations dues au titre de l'emploi des apprentis ». Si l'assiette forfaitaire est supprimée pour le calcul de la cotisation vieillesse de base, elle est maintenue pour les autres cotisations et contributions sociales.

Le 2° de ce même paragraphe modifie l'article L. 6243-2 du code du travail pour exclure les cotisations d'assurance vieillesse et veuvage de base des modalités de calcul actuelles de l'assiette des cotisations sociales dues sur le salaire versé aux apprentis ; il supprime ainsi, pour le seul risque vieillesse, l'abattement de cotisations sociales prévu pour les apprentis. Il prévoit donc le calcul de la cotisation vieillesse de base sur une assiette réelle et non plus forfaitaire.

S'agissant de la suppression de l'abattement de 11 points sur l'assiette des cotisations vieillesse dues pour les apprentis, l'étude d'impact indique la mise en place d'une exonération de manière à ce que le coût de la mesure, évalué à 140 millions d'euros, soit pris en charge non par les employeurs mais par la sécurité sociale. A son article 16, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit une mesure de non-compensation par l'Etat.

Le 3° du paragraphe I complète l'article L. 6243-3 du code du travail pour préciser que le fonds de solidarité vieillesse (FSV) prend à sa charge, dans des conditions fixées par décret, le versement d'un complément de cotisations d'assurance vieillesse afin que l'apprenti puisse valider auprès des régimes de base un nombre de trimestres correspondant à la durée du contrat d'apprentissage.

A des fins de coordination, le paragraphe II complète l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, qui énumère les dépenses prises en charge par le FSV, afin d'y inclure la prise en charge du versement de ce complément de cotisations.

L'étude d'impact indique qu'une cotisation sera versée par le fonds en appliquant le taux de cotisation vieillesse de droit commun (16,85 %) au différentiel d'assiette (écart entre l'assiette cotisée au titre de la rémunération et l'assiette fixée par décret pour l'acquisition du trimestre).

Le coût du dispositif complémentaire pris en charge par le FSV est estimé à 18 millions d'euros par an à compter de 2014 , par transfert vers les régimes de base.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

A l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté un amendement de coordination.

Puis la commission n'a pas adopté cet article.

Article 18 (art. L. 135-2 et L. 351-3 du code de la sécurité sociale) - Amélioration de la prise en compte des périodes de formation des chômeurs dans la constitution de droits à la retraite

Objet : Cet article permet d'inclure dans les périodes assimilées d'assurance vieillesse l'ensemble les périodes de stages de formation professionnelle continue donnant lieu à cotisation.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif actuel

Lorsqu'ils n'ont plus de droits au titre de l'assurance chômage mais qu'ils optent pour un stage de formation professionnelle, les demandeurs d'emploi peuvent bénéficier soit d'une rémunération financée, selon les cas, par l'Etat ou la région, soit d'une prise en charge forfaitaire de leurs cotisations sociales.

Dans un cas comme dans l'autre, les cotisations sociales sont, comme le prévoit l'article L. 6342-3 du code du travail, intégralement prises en charge, selon les cas, par l'Etat ou la région au même titre que le financement de l'action de formation.

Ce même article précise que ces cotisations sont calculées sur la base de taux forfaitaires fixés par voie réglementaire.

Ce mode de calcul des cotisations sociales a pour effet de placer les stagiaires de la formation professionnelle dans une situation plus défavorable que celle des chômeurs au regard de l'acquisition de droits à la retraite.

En effet, en application des dispositions réglementaires, les cotisations sont calculées sur la base de taux très faibles, fixés à 1/6 e du Smic.

En conséquence, les stagiaires de la formation professionnelle ne valident au mieux qu'un seul trimestre de retraite par année au titre de leur période de stage tandis que les chômeurs peuvent se voir valider jusqu'à quatre trimestres au titre de leur période de chômage.

De plus, les demandeurs d'emploi qui ne relèvent plus du régime d'assurance chômage sont souvent éligibles aux dispositifs de validations gratuites de trimestres accordées aux chômeurs non indemnisés et financées par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Toutefois, ils perdent le bénéfice de ces périodes assimilées lorsqu'ils deviennent stagiaires de la formation professionnelle. Le droit en vigueur constitue donc un frein à la formation professionnelle .


Le dispositif proposé

L'article 18 du présent projet de loi inclut dans les périodes assimilées d'assurance vieillesse l'ensemble des périodes de stages de formation professionnelle continue donnant lieu à cotisation (qu'elles soient rémunérées par l'Etat, la région ou non rémunérées mais faisant l'objet d'une prise en charge de cotisations par l'Etat). Il prévoit un financement de cette mesure par la solidarité nationale à travers le FSV.

Le paragraphe I de cet article modifie ainsi l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, qui énumère les dépenses prises en charge par le FSV, pour inclure dans celles-ci la prise en charge de la validation des périodes de formation des demandeurs d'emploi dans le cadre des périodes assimilées.

L'étude d'impact précise à cet égard que le calcul de la cotisation vieillesse sur l'assiette forfaitaire devrait être maintenu pour ne pas établir d'assiettes différentes selon les risques mais qu'il en sera tenu compte dans le calcul de la compensation globale versée par le FSV à la Cnav. Le coût de la mesure serait compensé par le FSV selon les mêmes modalités de calcul que les périodes de chômage 61 ( * ) .

Le paragraphe II complète l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale qui définit les périodes assimilées (validations de trimestres sans contrepartie de cotisations) pour inclure dans celles-ci les périodes de stages de formation professionnelle mentionnées à l'article L. 6342-3 du code du travail.

L'étude d'impact précise que le décompte de ces périodes assimilées sera identique à celui des périodes de chômage. Un trimestre d'assurance vieillesse sera acquis pour chaque totalisation de cinquante jours de stage (rémunéré ou non par l'Etat ou la région). Dans ce décompte, les jours de stages indemnisés par Pôle Emploi continueront d'être totalisés avec les autres jours de chômage indemnisé.

Le paragraphe III prévoit que cette mesure s'appliquera aux périodes de stage postérieures au 31 décembre 2014 .

Cette entrée en vigueur différée est rendue nécessaire par la préparation des échanges d'informations entre les caisses de retraite et l'agence de services et de paiement (ASP), en charge des opérations de protection sociale des chômeurs non indemnisés par Pôle Emploi.

L'étude d'impact indique qu'il est difficile d'évaluer précisément les effets de cette mesure sur les prestations des régimes de retraite en raison de l'absence d'informations sur la répartition par âge des stagiaires. Elle évalue néanmoins à 6 millions d'euros en 2016, 57 millions d'euros en 2020, 248 millions d'euros en 2030 et 357 millions d'euros en 2040 son coût pour le régime général .

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 19 (art. L. 742-6 du code de la sécurité sociale et art. L. 722-17 du code rural et de la pêche maritime) - Amélioration des droits à la retraite des conjoints collaborateurs

Objet : Cet article permet aux conjoints collaborateurs des chefs d'entreprise et des professionnels libéraux de s'affilier à l'assurance volontaire vieillesse en cas de divorce, de décès ou de départ à la retraite de leur conjoint afin de continuer à acquérir des droits à la retraite .

I - Le dispositif proposé


Le dispositif actuel

En application de l'article L. 121-4 du code de commerce, on entend par conjoint collaborateur le conjoint ou la personne liée par un pacte civil de solidarité au chef d'entreprise commerciale, artisanale ou libérale et qui exerce une activité professionnelle régulière dans l'entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens du code civil 62 ( * ) .

La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a rendu obligatoire l'affiliation personnelle de ces conjoints collaborateurs à l'organisation autonome d'assurance vieillesse à laquelle est affilié le chef d'entreprise. Cette affiliation personnelle et obligatoire est prévue à l'article L. 622-8 du code de la sécurité sociale .

Les chefs d'entreprise qui cessent leur activité professionnelle avant d'avoir atteint l'âge de la retraite ont la possibilité d'adhérer volontairement à l'assurance vieillesse des travailleurs non-salariés conformément à l'article L. 742-3 du code de la sécurité sociale.

En revanche, l'affiliation personnelle et obligatoire des conjoints collaborateurs à l'assurance vieillesse volontaire cesse en cas de divorce ou lorsque le chef d'entreprise part en retraite ou décède et que le conjoint ne reprend pas la direction de l'entreprise.

Des règles équivalentes s'appliquent aux conjoints collaborateurs de chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, dont le statut est défini à l'article L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime.


Le dispositif proposé

Pour permettre aux conjoints collaborateurs de continuer à acquérir des droits à l'assurance vieillesse lorsque les conditions de leur affiliation au régime de retraite du chef d'entreprise cessent, le présent article leur ouvre le droit de cotiser à l'assurance vieillesse volontaire des travailleurs non-salariés .

A cette fin, le paragraphe I complète l'article L. 742-6 du code de la sécurité sociale qui énumère les catégories de personnes pouvant adhérer volontairement à l'assurance vieillesse des travailleurs non-salariés afin d'y inclure les conjoints collaborateurs des chefs d'entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui cessent de remplir les conditions de l'affiliation obligatoire prévue à l'article L. 622-8 du code de la sécurité sociale.

Il prévoit que les modalités d'application de cette disposition sont définies par décret.

Symétriquement, le paragraphe II modifie l'article L. 722-17 du code rural et de la pêche maritime, qui détermine les personnes pouvant adhérer volontairement à l'assurance vieillesse des non-salariés agricoles, afin d'y inclure les conjoints collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole. Les conditions d'application de cette mesure sont également définies par décret.

Selon l'étude d'impact, le nombre de conjoints collaborateurs, en grande majorité des femmes, s'élève à environ 100 000, dont la moitié travaille dans des exploitations agricoles.

La mesure proposée au présent article n'aurait pas d'impact financier direct sur les régimes de retraite, l'assuré volontaire cotisant selon les taux de droit commun sur une assiette représentative du montant de ses revenus d'activité antérieurs.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement tendant à ouvrir le dispositif d'assurance volontaire prévu par l'article L. 742-6 du code de la sécurité sociale aux avocats et aux conjoints collaborateurs des avocats .

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 20 (art. L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime) - Suppression de la condition de 17 ans et demi d'assurance pour bénéficier de la pension majorée de référence du régime des non-salariés agricoles

Objet : Cet article modifie les conditions d'éligibilité à la pension majorée de référence pour les non-salariés agricoles en supprimant l'obligation d'avoir à justifier d'une durée d'assurance de 17 ans et demi.

I - Le dispositif proposé

La pension majorée de référence dans le régime des non-salariés agricoles

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 63 ( * ) a institué, au bénéfice des non-salariés agricoles, une majoration de la pension de retraite dont l'objet est de garantir que cette dernière atteigne un montant minimum annuel . Cette pension majorée de référence (PMR) 64 ( * ) est fixée , pour une carrière complète, à 681,2 euros par mois pour les chefs d'exploitation et à 541,3 euros par mois pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux . La majoration représente la différence entre cette somme et la pension servie à titre personnel à son titulaire.

En l'état actuel du droit, plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies 65 ( * ) :

- bénéficier d'une retraite à taux plein dans le régime des non-salariés agricoles ;

- justifier d'une durée d'assurance de 17 ans et demi dans ce régime ;

- avoir fait valoir l'intégralité des droits en matière d'assurance vieillesse auprès des régimes de base et complémentaires légalement obligatoires.

Pour les pensions liquidées avant le 1 er janvier 2002, seules ces deux dernières conditions se sont appliquées à partir de 2011, date à laquelle la durée minimale d'assurance, auparavant fixée à 22 ans, a été abaissée.

Les dispositions du projet de loi

L'article 20 du projet de loi fait disparaître la durée minimale d'assurance requise jusqu'à présent, pour les assurés ayant liquidé leur pension à compter du 1 er janvier 2002, pour bénéficier de la PMR. Il modifie l'article L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime sur deux points.

Tout d'abord, en modifiant le troisième alinéa de l'article, il limite l'application des critères actuels aux pensions prenant effet jusqu'au 1 er janvier 2014.

Ensuite, par l'ajout d'un à cet article, il traite de la période débutant au 1 er janvier 2014. A partir de cette date, la PMR sera attribuée aux ressortissants du régime des non-salariés agricoles qui rempliront les conditions nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein 66 ( * ) et auront liquidé leurs droits auprès des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 21 (art. L. 732-56 et L. 732-62 du code rural et de la pêche maritime) - Mesures relatives au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles

Objet : Cet article modifie les règles relatives au régime complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles en prévoyant une attribution de points gratuits aux conjoints collaborateurs et aidants familiaux, en élargissant le champ de la pension de réversion servie par ce régime et en permettant au conjoint survivant, s'il poursuit l'activité de l'exploitation de de l'assuré décédé, de combiner les points de RCO de ce dernier avec les siens.

I - Le dispositif proposé

Le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles

Créé par la loi « Peiro » du 4 mars 2002 67 ( * ) , le régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) avait pour objectif initial, selon l'article 1 er de cette loi, de « garantir, après une carrière complète en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire au moins égal à 75 % du Smic net ».

Système par points, il a tout d'abord été réservé aux exploitants qui ont acquis des droits à compter du 1 er janvier 2003 . Les conjoints qui ont la qualité de collaborateur d'exploitation ainsi que les aidants familiaux y sont affiliés depuis le 1 er janvier 2011 68 ( * ) .

Le taux de cotisation 69 ( * ) , inchangé pour 2013 70 ( * ) par rapport à 2012, est fixé à 3 % des revenus professionnels du chef d'exploitation ou, pour les collaborateurs, à 3 % d'une assiette forfaitaire égale à 1 200 fois le Smic horaire. La valeur du point est fixée à 0,3362 euros. Les exploitants sont soumis à une cotisation minimale 71 ( * ) , sur la base d'une assiette représentant 1 820 fois le Smic horaire. Son montant est d'environ 515 euros, ce qui donne droit à 100 points de RCO. La cotisation des collaborateurs leur permet de valider 66 points par an.

Afin que le montant total de la pension des exploitants agricoles retraités ou en activité à l'entrée en vigueur de la loi « Peiro » soit revalorisé, grâce à la RCO, au titre de leurs années d'activité antérieures à cette date, des points gratuits leur ont été attribués .

Pour les retraités, deux situations étaient à distinguer, ouvrant droit à 100 points de RCO par année d'activité en tant que chef d'exploitation, dans la limite de 37 ans et demi :

- pour les retraites ayant pris effet avant le 1 er janvier 1997, une durée d'activité de 32 ans et demi en tant que non-salarié agricole et 17 ans et demi d'assurance en qualité de chef d'exploitation étaient requis ;

- pour les retraites ayant pris effet entre le 1 er janvier 1997 et le 1 er janvier 2003, la même durée d'assurance en tant que chef d'exploitation était requise et les intéressés devaient en outre justifier, dans d'autres régimes obligatoires, d'une durée d'assurance équivalente à celle nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein dans le régime des non-salariés agricoles.

Le respect des deux critères précédents permet aux actifs dont les retraites ont été liquidées après le 1 er janvier 2003 de recevoir 100 points de RCO au titre des années d'activités accomplies avant cette date. Un plafond de 37 ans et demi, incluant les années cotisées et les années « gratuites », est toutefois fixé.

Les conjoints et aidants familiaux n'ont pas reçu de points gratuits lorsque la RCO leur a été ouverte.

L'extension de l'attribution des points gratuits de RCO aux collaborateurs familiaux et aux exploitants les plus précaires

Le paragraphe I de l'article 21 complète l'article L. 732-56 du code rural et de la pêche maritime afin d'assurer la prise en compte, par la RCO, des périodes antérieures au 1 er janvier 2011 , date d'affiliation des personnes ayant la qualité d'aide familial 72 ( * ) ou de collaborateur d'exploitation 73 ( * ) au sens de ce code. Il fait de même, pour celles antérieures au 1 er janvier 2003, à destination des exploitants qui ne justifient de la durée minimum d'assurance introduite en 2002 pour bénéficier de la RCO.

Le V nouveau de l'article L. 732-56 traduit cette nouvelle règle qui concerne les périodes d'activité passées. Il fait la distinction entre les pensions liquidées avant le 1 er janvier 1997 et celles l'ayant été entre cette date et le 1 er janvier 2014, sur le modèle des règles fixées pour attribuer la RCO aux exploitants retraités avant 2003. Dans le premier cas, seule une durée minimale d'assurance au régime des non-salariés agricoles sera requise. Dans le second, les personnes concernées devront également justifier, dans tout autre régime obligatoire, d'une durée d'assurance reconnue équivalente à celle nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein dans le régime des non-salariés agricoles. Un décret déterminera le nombre maximum d'années qui seront retenues au titre de la RCO ainsi que les durées minimum pour en bénéficier.

Le VI nouveau de l'article L. 732-56 définit les conditions d'application de la RCO aux personnes concernées par l'extension du dispositif et dont la retraite prendra effet après le 1 er janvier 2014. Ils en bénéficieront, pour les périodes antérieures au 1 er janvier 2011 (ou au 1 er janvier 2003 pour les exploitants), dès lors qu'ils respecteront la double condition d'une durée minimale d'assurance au régime des non-salariés agricoles et d'une durée équivalente, tous régimes obligatoires confondus, à celle nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein dans ce même régime.

Le paragraphe II de l'article 21 porte sur l'attribution gratuite de points de RCO aux aidants familiaux et conjoints collaborateurs ainsi qu'aux exploitants les plus précaires. Il modifie l'article L. 732-60 pour prévoir qu'un décret fixera, comme c'est le cas aujourd'hui pour la plupart des exploitants, le nombre de points qui seront crédités au 1 er janvier 2014 sur le compte de RCO des retraités concernés et, à la date de leur départ en retraite, sur celui des actifs d'aujourd'hui. Le même décret précisera le nombre maximum d'années susceptibles de donner lieu à attribution de points.

De nouvelles modalités de réversion de la RCO et de combinaison des droits

Le paragraphe III de l'article 21 procède à la réécriture de l'article L. 732-62 du code rural et de la pêche maritime, qui porte sur les conditions de réversion de la RCO.

Il procède à la simplification des règles actuelles qui manquent de lisibilité, n'appliquent pas le même régime aux conjoints survivants des assurés décédés avant ou après le 1 er janvier 2003 et sont restrictives lorsque le décès du titulaire de la RCO survient avant d'avoir liquidé sa pension.

Désormais, en cas de décès d'une personne non-salariée agricole, exploitant ou collaborateur familial, le conjoint survivant aura le droit à une pension de réversion au titre de la RCO s'il est âgé d'au moins 55 ans et si le mariage a duré au moins deux ans. Cette dernière condition ne s'applique pas si le couple a eu un enfant.

Si l'assuré n'a pas liquidé sa pension de retraite au jour de son décès, la pension de réversion sera versée sans condition d'âge si le conjoint survivant est invalide ou le devient ultérieurement, ou s'il a au moins deux enfants à charge.

Dans ces deux cas, le montant de la pension de réversion est fixé à 54 % de la pension de RCO dont bénéficiait ou aurait bénéficié l'assuré à la date de son décès.

Pour les conjoints survivants des exploitants qui n'avaient pas liquidé leur pension de retraite de base et dont le décès est survenu depuis le 1 er janvier 2003, le montant de la pension de réversion de RCO sera calculé sur une assiette élargie aux points gratuits qui lui avaient été attribués et non uniquement sur les points cotisés , comme le prévoit le droit actuel. Le taux est également de 54 % des droits acquis.

Enfin, cet article étend le principe des droits combinés , qui permet au conjoint survivant d'un chef d'exploitation décédé en activité de bénéficier des annuités acquises par le défunt s'il reprend l'exploitation sans liquider sa pension de réversion. Jusqu'à présent limité à la retraite de base, il concernera désormais également la RCO .

Les précisions apportées par l'étude d'impact annexée au projet de loi

La mise en oeuvre de ces mesures est renvoyée par la loi à plusieurs décrets. Le Gouvernement a déjà révélé leur contenu. Ainsi, les membres de la famille travaillant dans l'exploitation, ainsi que les exploitants ayant une trop faible durée d'assurance 74 ( * ) pourront recevoir un maximum de 17 annuités de RCO de 66 points chacune . Ce plafond correspond au nombre d'années qui sépare la mise en place, en 1994, de la retraite proportionnelle pour les collaborateurs familiaux de l'extension, en 2011, de la RCO à ce même public.

Les points gratuits devraient être attribués selon les mêmes critères que ceux institués en 2002 pour les exploitants : 32 ans et demi d'assurance au régime des non-salariés agricoles pour les personnes parties à la retraite avant 1997 et 17 ans et demi à ce même régime ainsi que le bénéfice du taux plein (en prenant en compte les périodes d'assurance tous régimes confondus) pour les départs postérieurs à 1996.

Avec un nombre de bénéficiaires estimé à 557 000, le coût de cette attribution de points gratuits de RCO est estimé par le Gouvernement à 160 millions d'euros en 2014 et 151 millions en 2017. Avec l'érosion démographique de la population des retraités relevant du régime des non-salariés agricoles, il devrait diminuer, selon les projections actuelles, en passant de 142 millions d'euros en 2020 à 69 millions en 2040. Toutefois, la MSA a précisé à votre rapporteure que les dépenses supplémentaires découlant de cette mesure ne pourront être chiffrées avec précision qu'après la publication de son décret d'application.

Enfin, la modification des règles de réversion devrait coûter 1,8 million d'euros en 2014, puis 0,2 million supplémentaire chaque année. Elle concerne 3 300 conjoints à l'heure actuelle, et environ 300 nouveaux bénéficiaires sont attendus annuellement. L'inclusion de la RCO dans les droits combinés devrait avoir un coût très limité, de l'ordre de 56 000 euros par an à partir de 2014.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté des modifications rédactionnelles à cet article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 22 (art. L. 732-54-3-1 et L. 732-63 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) - Mise en oeuvre de la garantie « 75 % du Smic » pour les exploitants agricoles

Objet : Cet article propose d'attribuer des points de retraite complémentaire obligatoire (RCO) aux exploitants retraités dont les pensions sont les plus faibles afin que le niveau de celles-ci atteigne, d'ici 2017, 75 % du Smic.

I - Le dispositif proposé

L'article 22 du projet de loi crée, dans son paragraphe I , un article L. 762-63 nouveau dans le code rural et de la pêche maritime qui institue un mécanisme de complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (RCO) à destination de certains retraités du régime des non-salariés agricoles. L'objectif de ce dispositif est de porter les pensions de retraite servie par ce régime à un montant minimum.

Pour y être éligibles, les personnes parties à la retraite avant le 1 er janvier 1997 devront justifier d'une durée minimale d'affiliation au régime des non-salariés agricoles ainsi que de cotisation en qualité de chef d'exploitation agricole tandis que les personnes ayant liquidé leur pension après cette date devront justifier d'une durée d'assurance, tous régimes confondus, permettant de bénéficier d'une pension à taux plein ainsi que de périodes minimum accomplies en tant que chef d'exploitation. Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, les critères seront identiques à ceux retenus pour l'attribution gratuite de points de RCO 75 ( * ) , soit :

- 32 ans et demi d'activité en qualité de non-salarié agricole et 17 ans et demi d'assurance en qualité de chef d'exploitation dans le premier cas ;

- une durée d'assurance de 17 ans et demi en qualité de chef d'exploitation à la date d'effet de la pension dans le second.

Grâce au complément différentiel, les pensions liquidées avant le 1 er janvier 2015 doivent atteindre à cette date le montant minimum prévu, tandis que les départs à la retraite ultérieurs ouvriront droit à une pension à ce niveau dès leur prise d'effet. Ce montant sera calculé le 1 er octobre 2015 ou, ensuite, le 1 er octobre de l'année de liquidation de la pension. Il sera fixé en fonction de la durée d'assurance dans le régime des non-salariés agricoles et de la durée d'activité en tant que chef d'exploitation.

Pour les exploitants agricoles ayant une carrière complète, l'article prévoit que le montant minimum est un pourcentage de 1 820 fois le Smic net des salariés agricoles. Il détermine, pour les années à venir, un calendrier de progression du niveau minimal de pension à atteindre :

- 73 % du Smic au 1 er janvier 2015 ;

- 74 % du Smic au 1 er janvier 2016 ;

- 75 % du Smic au 1 er janvier 2017.

Le pouvoir réglementaire établira les modalités d'application de cet article, en particulier le mode de calcul du complément différentiel ainsi que les conditions de prise en compte des durées de cotisation de l'assuré et de mesure des droits propres qui lui sont servis.

Dans son paragraphe II , l'article 22 traite des situations où un retraité du régime des non-salariés agricoles serait éligible à la fois à la pension majorée de référence (PMR), qui majore les pensions les plus faibles pour qu'elles atteignent, chez les exploitants, 681,2 euros par mois, et au complément différentiel de RCO. Selon l'article L. 732-54-3-1 nouveau créé ici, la PMR sera servie en priorité.

Enfin, le paragraphe III modifie la loi « Peiro » du 4 mars 2002 76 ( * ) , qui a institué la RCO, en supprimant l'alinéa de son article 1 er selon lequel la RCO a pour objectif de garantir aux exploitants agricoles ayant une carrière complète une pension de retraite au moins égale à 75 % du Smic. 13 ans plus tard, le complément différentiel de RCO institué par le présent article en est la concrétisation.

Cette mesure bénéficiera à 238 000 personnes dès 2015 , puis entre 5 000 à 7 000 personnes par an.

Son coût est évalué à 72 millions d'euros en 2015, 109 millions en 2016 et 146 millions en 2017 pour être stable jusqu'en 2030 (161 millions d'euros). Ensuite, les estimations faites par le Gouvernement reposent sur une hypothèse d'évolution de 3 % par an pour atteindre 220 millions d'euros en 2040, sur la base d'une évolution annuelle du Smic de 2,25 % et d'une inflation de 1,75 %. Comme le souligne l'étude d'impact, un changement de ces paramètres économiques influe sur le coût anticipé : avec un écart de seulement 0,25 point entre la progression du Smic et le taux d'inflation, la dépense supplémentaire liée à cette mesure serait de 160 millions d'euros.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté des modifications rédactionnelles à cet article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 23 (art. L. 351-1-3, L. 634-3-3, L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale ; art. L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite) - Elargissement de l'accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés

Objet : Cet article modifie les conditions d'accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés en l'ouvrant aux assurés justifiant d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 50 %.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif actuel

Le dispositif de retraite anticipée des travailleurs handicapés a été ouvert par la loi du 21 août 2003 et élargi par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. Il permet aux assurés ayant travaillé malgré un certain taux d'incapacité permanente (IP) ou, depuis 2010 77 ( * ) , leur reconnaissance comme « travailleur handicapé », de liquider leur retraite à taux plein avant l'âge légal de départ en retraite.

Selon le droit en vigueur, l'accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés repose ainsi sur une reconnaissance du handicap selon deux procédures alternatives distinctes :

- soit la reconnaissance d'un taux d'IP d'au moins 80 % , établie sur le fondement du guide-barème annexé au code de l'action sociale et des familles 78 ( * ) ;

- soit la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ce statut est attribué pour une durée de 1 à 5 ans renouvelable aux personnes « dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l'altération d'une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique » (selon la définition du travailleur handicapé à l'article L. 5213-1 du code du travail).

Comme le montre à titre d'exemple le tableau ci-dessous, le droit à la retraite anticipée des travailleurs handicapés est en outre subordonné à la justification d'une durée d'assurance et de périodes cotisées variables selon l'année de naissance et l'âge de l'assuré à la date d'effet de la pension. L'assuré doit avoir été atteint d'une IP d'au moins 80 % ou avoir été reconnu travailleur handicapé durant l'intégralité de la durée d'assurance requise . L'âge minimum d'attribution de la retraite anticipée est fixé à 55 annuités.

Les conditions d'ouverture du droit à la retraite anticipée
des travailleurs handicapés : exemple de la génération née en 1956

Age de départ

Durée totale d'assurance

Durée
d'assurance cotisée

Durée d'assurance pour le taux plein

55 ans

126 trimestres

106 trimestres

166 trimestres

56 ans

116 trimestres

96 trimestres

57 ans

106 trimestres

86 trimestres

58 ans

96 trimestres

76 trimestres

59 ans

86 trimestres

66 trimestres

60 ans

de 61 ans
à 61 ans et 11 mois

Source : Circulaire de la Cnav n° 2012/13 du 2 février 2012

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, 2 000 assurés bénéficient actuellement de ce dispositif dans lequel entrent chaque année environ 1 000 nouveaux retraités.

Le coût annuel du dispositif s'élèverait pour le régime général à 35 millions d'euros .


Les limites du dispositif actuel

L'accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés reste donc relativement limité, ce qui s'explique notamment par le caractère peu adapté des critères d'accès.

La condition tenant à la reconnaissance d'une IP d'au moins 80 % apparaît en effet assez restrictive . Selon le guide-barème annexé au code de l'action sociale et des familles, qui définit des fourchettes de taux d'incapacité, une IP supérieure à 80 % correspond à une forme d'incapacité « sévère ou majeure » : la personne est atteinte de « troubles graves » qui entraînent « une entrave majeure dans la vie quotidienne » et une « atteinte de son autonomie individuelle » nécessitant une aide totale ou partielle.

Par comparaison, un taux d'IP compris entre 50 % et 75 % correspond à des « troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L'entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique ».

Quant au critère de la RQTH, son usage est assez peu approprié dans le cadre du dispositif de retraite anticipée . Il permet certes à des assurés justifiant d'une IP inférieure à 80 % d'accéder à la retraite anticipée des travailleurs handicapés sous réserve de remplir les autres conditions d'éligibilité requises. Mais il est doublement inadapté pour la reconnaissance d'un droit à pension :

- sa vocation d'origine est de favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées et non d'ouvrir le bénéfice d'une prestation sociale différée ;

- il exclut du dispositif de la retraite anticipée les assurés qui n'ont pas demandé la RQTH mais qui auraient pu l'obtenir, en particulier lorsqu'ils sont atteints d'un handicap lourd se traduisant par un taux d'incapacité permanente de 50 %.

Il s'avère en effet que certaines personnes handicapées ont omis de demander la RQTH ou le renouvellement de cette dernière, soit parce qu'elles n'y voyaient pas de bénéfice immédiat (absence de risque de perte d'emploi), soit par crainte d'être stigmatisées. Or les attestations de RQTH n'ont pas de portée rétroactive .


Le dispositif proposé

Le présent article substitue aux critères de la RQTH et de l'IP d'au moins 80 % celui du taux d'IP de 50 % , lequel peut se présumer pour le passé.

Le paragraphe I applique ce dispositif au régime général, au régime des salariés agricoles, au régime social des indépendants, au régime des professions libérales, au régime des avocats et au régime des non-salariés agricoles en modifiant respectivement les articles L. 351-1-3, L. 634-3-3 et L. 643-3 du code de la sécurité sociale et l'article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime.

Le paragraphe II applique ce même dispositif au régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat en modifiant l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Le paragraphe III prévoit que ce dispositif s'applique aux pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2014.

L'étude d'impact indique que cette mesure engendrera environ 1 000 attributions supplémentaires chaque année, soit un doublement du nombre de bénéficiaires, pour une dépense annuelle supplémentaire d'environ 20 millions d'euros.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a prévu de conserver le critère de la RQTH pendant une période transitoire afin de ne pas léser les assurés qui sont proches du bénéfice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés par un changement inattendu des règles. En ce sens, le paragraphe II bis prévoit que le critère de la RQTH continue, pour les périodes antérieures au 31 décembre 2015, d'être pris en compte dans l'appréciation des conditions d'accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés dans l'ensemble des régimes concernés.

L'Assemblée nationale a en outre complété le présent article par un paragraphe IV prévoyant la remise par le Gouvernement au Parlement, dans un délai d'un an après promulgation de la loi, d'un rapport sur l'opportunité de mettre en place un compte handicap-travail .

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 24 (art. L. 351-8 du code de la sécurité sociale ; art. L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; art. 21 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010) - Obtention d'une retraite à taux plein dès l'âge légal pour tous les assurés justifiant d'un taux d'incapacité permanente de 50 %

Objet : Cet article permet d'ouvrir par décret la possibilité, pour les personnes handicapées justifiant d'un taux d'incapacité permanente de 50 %, de liquider leur retraite à taux plein dès l'âge d'ouverture des droits et sans autre condition.

I - Le dispositif proposé


La faculté de liquider leur retraite à taux plein dès l'âge légal d'ouverture des droits (quelle que soit leur durée d'assurance) est ouverte aux assurés qui perçoivent une pension d'invalidité ou l'allocation aux adultes handicapés (AAH) mais non à ceux qui justifient d'un taux d'incapacité permanente (IP) de 50 %.

L'attribution d'une pension de vieillesse pour inaptitude au travail concerne trois catégories principales d'assurés :

- les bénéficiaires d'une pension d'invalidité ;

- les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ;

- les assurés reconnus inaptes au travail au moment de leur départ en retraite.

Les deux premières catégories d'assurés obtiennent automatiquement une pension de retraite à taux plein dès l'âge légal d'ouverture des droits, quelle que soit leur durée d'assurance. Elles ne sont donc pas soumises, au moment de liquider leur pension, à la reconnaissance de leur inaptitude au travail par le médecin-conseil de la caisse qui attribue la retraite.

En revanche, les assurés appartenant à la dernière catégorie doivent obtenir, au moment de la liquidation de leur pension de retraite, une reconnaissance médicale de leur inaptitude au travail, définie comme l'incapacité de poursuivre son emploi sans nuire gravement à sa santé et le fait d'être atteint d'une incapacité de 50 % médicalement constatée.

Contrairement à ces trois catégories d'assurés, les personnes handicapées qui justifient d'un taux d'IP de 50 % avant la liquidation de leur retraite ne disposent pas aujourd'hui de la possibilité de partir automatiquement en retraite sans décote à l'âge légal d'ouverture des droits . La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a néanmoins abaissé de 67 à 65 ans l'âge à partir duquel elles peuvent liquider leur pension à taux plein quelle que soit leur durée d'assurance.

Malgré cette amélioration, les règles de départ en retraite à taux plein des assurés handicapés justifiant d'un taux d'IP de 50 % paraissent injustes à un double titre :

- l'âge d'annulation de la décote, fixé à 65 ans, reste tardif pour des assurés souffrant d'un handicap lourd ;

- le bénéfice de l'AAH est ouvert, entre autres conditions, aux assurés ayant un taux d'IP d'au moins 50 % lorsqu'ils sont âgés d'au moins 60 ans et que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) considère qu'ils font face, compte tenu de leur handicap, à une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE).


Le dispositif proposé

Pour remédier à cette injustice, le présent article vise à permettre à l'ensemble des assurés handicapés, dès lors qu'ils justifient d'un taux d'IP de 50 %, de liquider leurs pensions de retraite à taux plein dès l'âge légal d'ouverture des droits et sans autre condition.

Les règles d'accès à la pension de vieillesse pour inaptitude au travail des assurés handicapés dont l'IP est d'au moins 50 % sont ainsi alignées sur celles qui s'appliquent aux bénéficiaires de l'AAH.

En ce sens, le paragraphe I du présent article , qui modifie l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, prévoit que les assurés qui justifient d'une IP au moins égale à un taux fixé par décret et qui atteignent l'âge légal d'ouverture des droits à retraite (tel que précisé à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale) bénéficient du taux plein même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires.

Le paragraphe II, qui modifie l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, applique ce dispositif aux fonctionnaires handicapés en prévoyant que le coefficient de minoration n'est pas applicable aux fonctionnaires handicapés dont l'IP est au moins égale à un taux fixé par décret.

Le paragraphe III , qui modifie l'article 21 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, applique ce dispositif aux assurés handicapés relevant du régime de retraite des non-salariés agricoles.

L'étude d'impact confirme que le taux d'IP visé sera fixé à 50 %.

Le paragraphe IV prévoit une application de ce dispositif aux pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2014.

Le coût annuel de cette mesure est évalué à environ 30 millions d'euros pour le régime général.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement complétant le présent article par un paragraphe V qui permet d'ouvrir le bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) aux assurés handicapés justifiant d'un taux d'IP de 50 % dès l'âge légal d'ouverture des droits à retraite au lieu de 65 ans .

L'Aspa, qui s'est substituée au minimum vieillesse à compter de 2004, permet de garantir un niveau de ressources minimal aux personnes âgées de 65 ans ou plus n'ayant pas - ou n'ayant pas pu - suffisamment cotiser aux régimes de retraite au cours de leur carrière afin de bénéficier d'une pension de retraite supérieure à un certain seuil.

En application de l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale, l'âge minimum d'éligibilité à l'Aspa est abaissé « en cas d'inaptitude au travail » . La condition d'âge est ainsi ramenée à l'âge légal de départ en retraite pour plusieurs catégories d'assurés mentionnées à l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale (les assurés reconnus inaptes au travail, les travailleurs handicapés bénéficiant d'une retraite anticipée, certaines mères de famille ouvrières justifiant d'une durée minimum d'assurance et ayant élevé un nombre minimum d'enfants, les anciens combattants, les anciens déportés ou internés et les anciens prisonniers de guerre).

Le paragraphe V prévoit de compléter l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale pour prévoir que cet âge minimum est également abaissé pour les assurés visés au présent article 24 . Les personnes atteintes d'une IP d'au moins 50 % et reconnues définitivement inaptes au travail se voient ainsi ouvrir droit à l'Aspa dès 62 ans.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 25 (art. L. 381-1, L. 753-6, L. 634-2, L. 643-1-1, L. 723-10-1-1 et L. 351-4-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale ; art. L. 732-38 du code rural et de la pêche maritime) - Renforcement des droits à retraite des aidants familiaux de personnes handicapées

Objet : Cet article supprime la condition de ressources à laquelle sont soumis les aidants familiaux de personnes handicapées pour bénéficier de l'assurance vieillesse des parents au foyer et crée une majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux en charge d'un adulte lourdement handicapé.

I - Le dispositif proposé

1. La suppression de la condition de ressources requise des aidants familiaux de personnes handicapées pour le bénéfice de l'assurance vieillesse des parents au foyer

L'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) vise à garantir une continuité dans la constitution des droits à retraite des personnes qui cessent ou qui réduisent leur activité professionnelle pour s'occuper d'un ou de plusieurs enfants ou d'une personne handicapée. Son accès demeure néanmoins restrictif puisqu'il est soumis à condition de ressources. Le présent article supprime cette condition pour les aidants familiaux de personnes handicapées ou dépendantes.


Le dispositif actuel

Créée par la loi n° 72-8 du 3 janvier 1972, l'AVPF vise à compenser les effets sur le montant de leur future retraite de la limitation des périodes d'activité professionnelle pour les parents qui s'occupent d'un ou de plusieurs enfants ou d'une personne handicapée ou en perte d'autonomie.

L'affiliation à l'AVPF implique le versement par les organismes débiteurs de prestations familiales de cotisations forfaitaires à l'assurance vieillesse au titre des mois au cours desquels le parent est affilié. Est ainsi reporté au compte vieillesse pour chaque mois d'affiliation un montant équivalent à un Smic. Pour l'ensemble des assurés, l'AVPF est gérée par la branche vieillesse du régime général .

Quel qu'en soit le motif, l'affiliation à l'AVPF est soumise à une condition de ressources appréciée au niveau du foyer.

Les conditions de l'affiliation obligatoire à l'AVPF
des personnes assumant la charge d'une personne handicapée
résultant de l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale (CSS)

En l'état actuel du droit, lorsque ses ressources sont inférieures à un certain plafond, le parent, en couple ou isolé, qui assume la charge d'une personne handicapée ou dépendante est affilié obligatoirement et gratuitement à l'AVPF dans les quatre cas de figure suivants :

Il bénéficie de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) . Celle-ci est attribuée sous condition de ressources au parent qui assume la charge d'un enfant âgé de moins de 20 ans et atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendent indispensable une présence soutenue et des soins contraignants. Le bénéficiaire doit justifier d'un congé de présence parentale auprès de son employeur et perçoit, pour chaque jour de congé et pour une période maximale de 3 ans, une allocation journalière dans la limite de 22 jours par mois.

Il bénéficie du congé de soutien familial qui permet à l'assuré de cesser son activité professionnelle afin de s'occuper d'un membre de sa famille handicapé ou faisant l'objet d'une perte d'autonomie d'une particulière gravité . D'une durée de trois mois renouvelable, il est ouvert au travailleur salarié justifiant d'une ancienneté minimale de 2 ans dans l'entreprise. Il ne peut excéder la durée d'un an pour l'ensemble de la carrière du salarié.

Il est un travailleur non salarié visé à l'article L. 381-1 du CSS qui interrompt son activité pour s'occuper d'un parent présentant un handicap ou une perte d'autonomie d'une particulière gravité . Dans ce cas, l'affiliation obligatoire à l'AVPF est d'une durée de trois mois renouvelable dans la limite d'une année (selon un dispositif équivalent au congé de soutien familial).

Il n'exerce aucune activité professionnelle ou une activité à temps partiel et assume la charge au foyer d'un enfant handicapé de moins de 20 ans dont le taux d'incapacité permanente est d'au moins 80 % ou d'un parent adulte handicapé dont le taux d'incapacité permanente est d'au moins 80 % et dont le maintien à domicile a été reconnu par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Pour être affilié à l'AVPF, la personne doit disposer de ressources inférieures à un plafond fixé par décret dans le premier cas et au plafond de ressources du complément familial dans les trois cas suivants.

La condition de ressources aboutit ainsi à priver de droits futurs à retraite certaines personnes, au sein d'un couple, qui interrompent durablement leur activité pour s'occuper au foyer familial d'un proche lourdement handicapé.

Selon l'étude d'impact du projet de loi, dans le cas d'un couple parent d'un enfant handicapé, le parent qui arrête son activité ne bénéficiera en effet de l'AVPF qu'à la condition que les revenus de son conjoint soient inférieurs à un plafond d'environ 2 000 euros mensuels.


Le dispositif proposé

L'article 25 du présent projet de loi ouvre le bénéfice de l'AVPF à l'ensemble des aidants familiaux qui interrompent ou réduisent leur activité professionnelle pour s'occuper d'une personne lourdement handicapée ou très dépendante indépendamment du niveau de ressources du foyer familial.

Le paragraphe I du présent article supprime ainsi, aux alinéas trois à six de l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale, les dispositions relatives à la condition de ressources à laquelle sont soumis les aidants familiaux pour le bénéfice de l'AVPF au titre de la prise en charge d'une personne handicapée ou dépendante.

Le paragraphe II étend cette disposition aux départements d'outre-mer par une réécriture complète de l'article L. 753-6 du code de la sécurité sociale.

Le paragraphe V prévoit que la suppression de la condition de ressources s'appliquant aux aidants familiaux de personnes handicapées ou dépendantes pour le bénéfice de l'AVPF s'appliquera à compter du 1 er janvier 2014 en France métropolitaine et à compter du 1 er janvier 2015 dans les départements d'outre-mer .

Selon l'étude d'impact du projet de loi, le nombre de personnes affiliées à l'AVPF au titre de la prise en charge d'une personne handicapée s'élèverait à environ 1 600. Les conséquences financières de la mesure ne sont pas indiquées.

Pour mémoire, la condition de ressources demeure pour les bénéficiaires de l'AVPF au titre de l'éducation des enfants (bénéficiaires du complément familial et de tout ou partie de la prestation d'accueil du jeune enfant).

2. La création d'une majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux en charge d'un adulte lourdement handicapé

L'article 25 du présent projet de loi vise également à étendre aux aidants familiaux d'adultes handicapés la majoration de durée d'assurance dont bénéficient aujourd'hui les parents d'enfants handicapés.


Le dispositif actuel

L'article 33 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a créé un dispositif de majoration de durée d'assurance pour enfant handicapé (MDAEH) codifié à l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale.

Ce droit est ouvert aux assurés sociaux salariés ou travailleurs indépendants sous les conditions cumulatives suivantes :

- assumer la charge permanente et effective d'un enfant handicapé ayant un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % (indépendamment du lien de parenté avec l'enfant) ;

- percevoir à ce titre l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH - anciennement allocation d'éducation spéciale) et soit son complément soit la prestation de compensation du handicap (PCH).

La MDAEH permet d'obtenir un trimestre de majoration de durée d'assurance par période d'éducation de 30 mois de l'enfant, dans la limite de 8 trimestres par enfant (jusqu'au vingtième anniversaire de ce dernier).

Comme son nom l'indique, ce dispositif ne concerne que la prise en charge d'enfants handicapés mais non celle d'adultes handicapés.


Le dispositif proposé

L'article 25 du présent projet de loi crée une majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux en charge d'un adulte lourdement handicapé (MDA-AF) sur le modèle de la MDAEH.

Le 1° du paragraphe III du présent article insère ainsi après l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale un nouvel article L. 351-4-2 qui institue au régime général une majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux en charge d'un adulte handicapé dont l'incapacité permanente est supérieure à un taux fixé par décret et qui est son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son ascendant, descendant ou collatéral ou l'ascendant, descendant ou collatéral d'un des membres du couple. Le Gouvernement indique dans l'étude d'impact que le taux d'IP sera fixé à 80 % (un niveau identique à celui qui ouvre le bénéfice de la PCH).

La majoration s'élève à un trimestre par période de trente mois de prise en charge à temps complet dans la limite de 8 trimestres .

Les 2° et 3° de ce même paragraphe font bénéficier de ce dispositif les assurés des régimes alignés, des professions libérales et des avocats par un renvoi au nouvel article L. 351-4-2 du code de la sécurité sociale.

Le paragraphe IV étend ce nouveau dispositif au régime des non-salariés agricoles par un même renvoi, dans le code rural et de la pêche maritime, au nouvel article L. 351-4-2.

Le paragraphe V prévoit que cette majoration s'appliquera aux périodes de prise en charge intervenues à compter du 1 er janvier 2014 .

L'étude d'impact évalue à 1,6 million d'euros par an dès 2014 le coût de cette mesure sous l'hypothèse d'un flux annuel de 100 liquidants anticipant leur départ en retraite consécutivement à l'entrée en vigueur de ce dispositif.

Les plafonds de la MDAEH et de la MDA-AF seront cumulables.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté des amendements rédactionnels.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 26 (art. L. 161-17 du code de la sécurité sociale) - Création d'un compte individuel retraite

Objet : Cet article prévoit la création, d'ici le 1 er janvier 2017, d'un service en ligne donnant à tout moment aux assurés un accès à leurs informations en matière de retraite.

I - Le dispositif proposé

• Le dispositif actuel

Le droit à l'information des assurés en matière d'assurance vieillesse est défini à l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale depuis la loi du 21 août 2003.

Sur ce fondement, les assurés bénéficient aujourd'hui des services suivants :

- la transmission d'un relevé de situation individuelle (RIS) les informant des droits acquis et des trimestres cotisés. Ce relevé leur est communiqué sur demande et automatiquement dès l'âge de 35 ans puis tous les 5 ans ;

- l'envoi, dès l'âge de 55 ans, d'une estimation indicative globale (EIG) les informant du montant prévisionnel de leur pension future.

La réforme de 2010 a conduit à compléter l'article L. 161-17 pour y adjoindre trois autres services :

- la communication d'une information générale sur le système de retraite au moment de la constitution des premiers droits ;

- l' envoi électronique du RIS sur demande ;

- la possibilité d'un entretien avec un conseiller des caisses de retraite à 45 ans.

La gestion de ces services est assurée par le GIP (groupement d'intérêt public) Info Retraite, créé en 2003 (cf. l'examen de l'article 27).

• Le dispositif proposé

Conscient de la nécessité d'accroître pour les assurés la lisibilité de leurs droits à retraite, le Gouvernement a souhaité, dans la continuité des recommandations du rapport Moreau, s'engager dans une nouvelle démarche de renforcement du droit à l'information.

Si les services rendus par le GIP Info Retraite font l'objet d'un taux de satisfaction élevé de la part des assurés, la commission Moreau note que « l'absence d'interlocuteur unique peut alourdir les démarches administratives au moment du départ en retraite et démobiliser les assurés, voire, dans des cas exceptionnels, conduire certains à ne pas demander la liquidation d'une de leurs pensions » 79 ( * ) . La commission propose en conséquence la création d'un point d'entrée unique fournissant aux assurés, à partir d'une vision consolidée de leur carrière, une évaluation de leurs droits futurs.

Le présent article crée donc un service en ligne donnant à chaque assuré un accès permanent à ses informations sur la retraite et constituant une interface unique avec les services des régimes concernés.

Le dispositif proposé à l'article 26 du présent projet de loi se scinde en deux paragraphes.

Le paragraphe I restructure l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale en six paragraphes et modifie certaines de ses dispositions :

- le paragraphe I est constitué de dispositions nouvelles qui consacrent le droit à l'information sur le système de retraite par répartition dont bénéficient les assurés selon les modalités définies aux alinéas suivants ;

- le paragraphe II reprend les dispositions existantes en matière de droit à l'information en début de carrière ;

- au sein d'un paragraphe III, la disposition selon laquelle l'assuré peut se voir communiquer à tout moment un relevé actualisé par voie électronique est remplacée par une disposition qui crée un compte individuel en ligne . Ce service lui donne accès à tout moment à son relevé actualisé, l'informe sur ses régimes, lui permet d'entreprendre certaines démarches administratives et d'échanger des documents dématérialisés avec les services concernés ;

- dans un paragraphe IV, relatif à l'EIG, la disposition permettant à un assuré en procédure de divorce de se voir communiquer une estimation quel que soit son âge est supprimée ;

- un paragraphe V réécrit les dispositions relatives à la situation des assurés ayant un projet d'expatriation. Il prévoit que ceux-ci bénéficient sur demande d'un entretien sur les règles d'acquisition de droits à pension, sur l'incidence sur ces derniers de l'exercice d'une activité à l'étranger et sur les dispositifs permettant d'améliorer le montant futur de leurs pensions de retraite. Une information est également apportée au conjoint du futur expatrié. Un décret définit les conditions d'application de ces dispositions. Par souci de cohérence, les dispositions relatives aux expatriés qui figuraient aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 161-17 sont supprimées par le 3° du paragraphe I du présent article : leur place au sein d'un alinéa traitant également de l'entretien individuel à 45 ans et des simulations de pension ne donnait pas satisfaction ;

- enfin, un paragraphe VI rassemble les dispositions afférentes à la mise en oeuvre du GIP Info Retraite.

Le paragraphe II du présent article 26 précise que la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au bénéfice du service en ligne est fixée par décret et au plus tard le 1 er janvier 2017 .

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, les modalités de mise en oeuvre du compte individuel retraite en ligne seront définies par voie réglementaire. Ce compte aura vocation à s'appuyer sur le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) lorsque celui-ci sera opérationnel. Il pourra en outre intégrer l'outil de simulation des pensions futures (dit EVA) géré par le GIP Info Retraite et dont une première version devrait voir le jour en 2015. L'objet de cet outil est de permettre aux assurés âgés de 45 ans et plus d'estimer, à partir des données de carrière réelles et en fonction des choix de carrière envisagés, le montant de pension auquel ils pourront prétendre.

La mise en place du compte individuel retraite devrait permettre de simplifier les démarches de l'assuré et de générer des économies estimées à 200 millions d'euros à l'horizon 2020 .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a supprimé les dispositions relatives au GIP Info Retraite (neuvième alinéa de l'article L. 161-17). Celui-ci a vocation à être absorbé par le nouveau groupement institué à l'article 27 du présent projet de loi et dénommé « Union des institutions et services de retraites » (UISR). Cette modification se traduit par l'insertion d'un a) et d'un b) au 8° du paragraphe I du présent article.

L'Assemblée nationale a en outre précisé que l'UISR assurera les missions du GIP Info Retraite en matière de mise en oeuvre du droit à l'information des assurés . Cette modification se traduit par l'ajout d'un 9° au paragraphe I du présent article.

Il résulte des dispositions combinées de ce 9° et du paragraphe II du présent article, tel que modifié par l'Assemblée nationale, que l'absorption du GIP Info Retraite par l'UISR sera effective à compter du 1 er juillet 2014 .

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 26 bis (art. L. 815-7 du code de la sécurité sociale) - Amélioration de l'information des personnes éligibles à l'allocation de solidarité des personnes âgées

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, prévoit l'obligation pour les caisses de retraite d'informer les bénéficiaires potentiels de l'allocation de solidarité aux personnes âgées de leur éligibilité au dispositif.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale


Le faible taux de recours à l'Aspa

Le nombre d'allocataires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) a connu une baisse structurelle au cours des cinq dernières décennies, sous l'effet de divers facteurs : montée en charge des régimes d'assurance vieillesse de base et complémentaire, mise en place de minima de pensions, participation accrue des femmes au marché du travail. Ce nombre se stabilise à environ 580 000 depuis le début des années 2000.

Cependant, l'ex-minimum vieillesse se caractérise, à l'instar d'autres minima sociaux, par un important taux de non-recours. Comme l'a notamment indiqué la Cour des comptes dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2012 80 ( * ) , le minimum vieillesse ne couvrait en 2009 que les trois quarts des personnes âgées vivant sous le seuil de pauvreté, le nombre de personnes éligibles à la prestation étant probablement inférieur au nombre d'allocataires ayant fait valoir leurs droits « en l'absence de dispositif d'information adapté » . Les acteurs associatifs se joignent à ce constat, en soulignant, outre l'insuffisance des dispositifs d'information, le nombre non négligeable d'abandons de demandes en cours de procédure.

En vertu de l'article L. 815-6 du code de la sécurité sociale, les caisses de retraite sont bien soumises à une obligation d'information des assurés. Mais cette obligation se limite à fournir à ces derniers des renseignements sur les conditions d'octroi de l'Aspa et sur les procédures de récupération sur succession et elle n'intervient qu'au moment de la liquidation de la pension . Or, la grande majorité des pensions de droit direct sont liquidées avant l'âge d'ouverture de l'Aspa et il n'existe pas d'obligation d'information postérieure à la liquidation des droits propres.


Le dispositif proposé

Le présent article complète l'article L. 815-7 du code de la sécurité sociale qui identifie les caisses de retraite chargées de liquider et de servir l'Aspa afin de prévoir l'obligation pour celles-ci d'adresser une « information spécifique » aux bénéficiaires potentiels de l'Aspa quant à leur éligibilité au dispositif.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 27 (art. L. 161-17-1, L. 161-1-6, L. 161-1-7, L. 161-17-1-1 [nouveau] et L. 161-17-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale) - Création d'une instance de pilotage de la simplification interrégimes

Objet : Cet article crée l'Union des institutions et services de retraites, nouveau groupement des régimes de retraite légalement obligatoires chargé de la coordination des projets de simplification et de mutualisation entre régimes, et étend aux régimes complémentaires le projet de répertoire de gestion des carrières unique (RGCU).

I - Le dispositif proposé

Le GIP Info Retraite, qui regroupe l'ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires, a mené à bien les missions que lui ont successivement confiées les lois portant réforme des retraites de 2003 et de 2010 dans le cadre de la mise en oeuvre du droit à l'information des assurés (cf. examen de l'article 26).

Comme le recommandait la commission Moreau, le Gouvernement a souhaité franchir une étape supplémentaire en ouvrant de nouveaux chantiers de coordination entre les régimes, comme par exemple le compte individuel retraite en ligne.

Ces projets d'envergure nécessitent d'adapter l'organisation et les moyens existants pour la mise en oeuvre du droit à l'information. Le présent article entend donc créer un nouveau groupement d'intérêt public, dénommé « Union des institutions et services de retraites » (UISR), qui a vocation à prendre le relais du GIP Info Retraite afin de piloter les nouveaux projets de coordination et de simplification.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, le but est permettre à terme la réalisation d'une « demande unique de retraite pré-remplie » permettant de liquider en une seule fois l'ensemble de ses pensions de retraite dans tous les régimes concernés.

Le présent article comporte quatre paragraphes.

Le paragraphe I modifie l'intitulé du paragraphe relatif à l'information des assurés, au sein des dispositions relatives aux prestations d'assurance vieillesse du code de la sécurité sociale (paragraphe 1 er de la sous-section 4 du chapitre 1 er du titre VI du livre I er ). Cet intitulé devient : « Information et simplification des démarches ».

Le paragraphe II réécrit intégralement les trois alinéas de l'article L. 161-17-1 du même code.

Le premier alinéa de cet article institue l'Union des institutions et services de retraites sous la forme d'un groupement d'intérêt public créé dans les conditions prévues par la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit 81 ( * ) . Il précise que ce nouveau GIP regroupe l'ensemble des organismes de retraite de base et complémentaire dans le cadre de son assemblée générale et qu'il est doté d'un conseil d'administration.

Le deuxième alinéa précise le rôle de cette Union : elle est chargée de piloter l'ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d'améliorer les relations des régimes avec leurs usagers. Elle veille leur mise en oeuvre.

Cet alinéa indique que l'Union assure en particulier la mise en oeuvre du projet d'échanges inter-régimes de retraite (EIRR) et celle du projet de répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) tous deux définis par la loi du 9 novembre 2010. Le premier permet aux régimes de connaître notamment le montant des droits à majoration de pension de réversion et au minimum contributif d'un assuré dans tous les régimes sans interroger la personne concernée. Le second, géré par la Cnav, doit permettre de regrouper l'ensemble des informations relatives à la carrière des assurés de chacun des régimes concernés.

Le troisième alinéa indique que l'Etat et l'Union concluront un contrat fixant les objectifs pluriannuels de simplification et de mutualisation de l'assurance vieillesse, pour une période minimale de quatre ans, et auquel sera annexé un schéma stratégique des systèmes d'information.

Le quatrième alinéa précise que les modalités d'application de l'article L. 161-17-1 sont définies par décret en Conseil d'Etat.

La réécriture de l'article L. 161-17-1 conduit à l'abrogation des dispositions relatives au répertoire national des retraites et des pensions (RNR) créé en 2000.

Le paragraphe III comprend des dispositions de coordination.

Le paragraphe IV modifie l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale relatif au répertoire de gestion des carrières unique (RGCU). Son 1° étend son champ aux régimes de retraite complémentaire. Son 2° prévoit que ce répertoire contient également les points acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP) créé à l'article 6 du présent projet de loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour faire figurer la Caisse des dépôts et consignations (CDC) parmi les membres de l'UISR. La CDC est le gestionnaire d'un grand nombre de régimes de retraite dans le secteur public, parmi lesquels la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

L'Assemblée nationale a également précisé que les services mentionnés à l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale (aujourd'hui gérés par le GIP Info Retraite, cf. commentaire de l'article 26) font partie des droits à l'information dont la mise en oeuvre est assurée par le l'UISR.

Par un amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a modifié le premier alinéa de l'article L. 161-17-1 dans la nouvelle rédaction proposée par le projet de loi initial. Cette modification fait disparaître la mention de l'assemblée générale de l'UISR.

Elle a en outre inséré un paragraphe III bis pour permettre que les EIRR puissent servir à identifier les situations susceptibles d'ouvrir le bénéfice de l'Aspa.

A l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a enfin précisé, de manière coordonnée avec l'article 26 du présent projet de loi, que l'UISR reprendra au plus tard le 1 er juillet 2014 les compétences du GIP Info Retraite. Cette modification se traduit par l'ajout au présent article d'un paragraphe V .

III - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de sa rapporteure visant à adjoindre au conseil d'administration de l'UISR un comité exécutif chargé de mettre en oeuvre les orientations stratégiques de l'Union dans des conditions définies par décret.

Puis la commission n'a pas adopté cet article ainsi modifié.

Article 27 bis (art. L. 6, L. 7 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite) - Modification de la clause de stage pour les militaires

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, entend permettre aux militaires quittant l'armée après avoir effectué 2 ans de service de bénéficier d'une pension relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, selon les mêmes règles que celles déjà applicables aux fonctionnaires civils.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

• Le dispositif actuel

En vertu de l'article L. 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), le droit à la pension des fonctionnaires civils (à l'exception des fonctionnaires radiés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions) est conditionné à une durée minimale de service fixée par décret en Conseil d'Etat. Cette durée minimale de service exigée des fonctionnaires civils, également appelée « clause de stage », a été abaissée de 15 ans à 2 ans dans le cadre de la réforme des retraites de 2010.

Les militaires n'ont pas bénéficié de cette mesure favorable. L'article L. 6 du CPCMR prévoit en effet que les officiers et militaires non officiers doivent avoir accompli au moins 15 ans de services civils et militaires effectifs pour acquérir un droit à pension relevant du CPCMR. Seuls les militaires radiés des cadres par suite d'infirmités dérogent à cette condition.

La situation des fonctionnaires n'ayant pas accompli la durée de service prévue par la clause de stage est régie par l'article L. 65 du même code. Celui-ci prévoit leur affiliation rétroactive à l'assurance vieillesse du régime général (Cnav) et à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités locales (Ircantec). Les assurés se voient appliquer les règles de ces régimes comme s'ils y avaient toujours été affiliés, moyennant le versement d'un complément de cotisation à l'Ircantec pour combler les écarts de taux de cotisation.

• Le dispositif proposé

Dans un souci d'équité, le présent article prévoit l'alignement de la clause de stage s'appliquant aux militaires sur celle applicable aux fonctionnaires civils : dès lors qu'ils ont accompli au minimum deux ans de service, les militaires peuvent prétendre à une pension du CPCMR.

Pour les militaires concernés, l'âge à partir duquel la pension peut être liquidée est le même que celui qui s'applique aux salariés et aux fonctionnaires en vertu de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

Le Gouvernement indique que cette mesure engendrera à long terme un transfert de charge du régime général et de l'Ircantec vers le régime des pensions civiles et militaires de retraite mais sans surcoût significatif. Il a précisé que les sommes en jeu étaient évaluées à 50 millions d'euros environ.

L'article 27 bis comporte deux paragraphes.

Le paragraphe I modifie plusieurs articles du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Le 1° modifie l'article L. 6 de ce code pour aligner la clause de stage des militaires sur celle des fonctionnaires civils par un renvoi à l'article L. 4 du même code.

Le 2° modifie l'article L. 7 pour abaisser également de 15 à 2 ans la durée de services civils et militaires minimum exigée des officiers et sous-officiers de carrière pour obtenir le droit à solde de réforme . Il s'agit d'une allocation pécuniaire temporaire versée pendant une durée égale à la durée de services effectifs militaires aux assurés radiés des cadres par mesure disciplinaire.

Le 3° modifie l'article L. 24 du CPCMR pour supprimer, parmi les faits générateurs de la liquidation de la pension d'un militaire non officier, la radiation par limite de durée de services.

Le 4° modifie l'article L. 25 du CPCMR pour préciser que l'âge minimal requis pour la liquidation de la pension reste fixé à 52 ans (par dérogation à l'âge légal d'ouverture des droits) pour les officiers de carrière autres que ceux mentionnés à l'article L. 24 et pour les officiers radiés des cadres par mesure disciplinaire avant d'avoir accompli 27 ans de services effectifs, sous réserve que les uns et les autres réunissent 15 ans de services effectifs à la date de leur radiation . La même condition est posée pour les officiers sous contrat n'ayant pas atteint les limites de durée de services .

Le 4° complète en outre le même article L. 25 pour prévoir, à l'inverse, que la liquidation de la pension ne peut intervenir qu'à partir de l'âge légal d'ouverture des droits à pension pour les militaires autres que ceux mentionnés à l'article L. 24 lorsqu'ils réunissent moins de 15 ans de services effectifs à la date de leur radiation.

Le paragraphe II prévoit que le dispositif proposé s'applique aux militaires dont le premier engagement a été conclu à compter du 1 er janvier 2014 .

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 28 (art. L. 173-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale) - Simplification des modalités de calcul de la retraite des polypensionnés

Objet : Cet article entend simplifier le calcul de la retraite des polypensionnés dans le régime général et les régimes alignés en prévoyant que ce calcul se fasse comme si l'assuré relevait d'un régime unique.

I - Le dispositif proposé

• Le dispositif actuel

Selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), dans son 9 ème rapport de septembre 2011 82 ( * ) , près de 40 % des hommes et 30 % des femmes des générations dernièrement parties en retraite sont des assurés polypensionnés, c'est-à-dire qu'ils perçoivent des pensions servies par au moins deux régimes de retraite de base.

Parmi les problématiques spécifiques à cette catégorie d'assurés, le COR identifie le fait qu'en raison du mode de calcul des pensions, le seul fait d'être polypensionné, même de deux régimes dont les règles seraient identiques, peut conduire à un niveau de pension totale plus élevé ou plus faible que pour un monopensionné ayant la même durée validée et la même évolution de carrière et de salaire.

S'agissant en particulier des polypensionnés relevant du régime général et des régimes alignés, dont les règles sont très proches, seuls sont pris en compte de manière coordonnée les trois paramètres suivants :

- le taux de liquidation (déterminé en appréciant la durée d'assurance totale acquise dans l'ensemble des régimes de retraite, dans la limite de quatre trimestres par an) ;

- les 25 meilleures années du salaire annuel moyen (SAM), réparties entre régimes au prorata temporis ;

- les mécanismes non contributifs incluant un écrêtement tous régimes.

Comme le souligne l'étude d'impact annexée au projet de loi, ce mode de calcul engendre des différences de montants de pension entre monopensionnés et polypensionnés à effort contributif égal.

La détermination du SAM et du montant de pension selon le profil de carrière (coefficient de proratisation) conduit également à des iniquités de traitement.

Les différences sont tantôt favorables, tantôt défavorables aux polypensionnés par rapport aux monopensionnés.

A titre d'exemple :

- s'agissant des règles d'acquisition des trimestres, un polypensionné peut valider quatre trimestres dans chaque régime, soit huit par an, alors qu'un monopensionné ne peut en valider que quatre par an (à rémunération égale) ;

- s'agissant des règles de calcul du SAM, elles peuvent conduire à ne retenir que des meilleures années régime par régime et non pas les 25 meilleures années sur l'ensemble de la carrière.

Afin de corriger ces anomalies, le présent article prévoit une simplification des règles de calcul de la pension de retraite des polypensionnés. Le régime de référence sera chargé de procéder au calcul comme si l'assuré avait relevé tout au long de sa carrière d'un seul régime.

Pour mettre en oeuvre cette mesure, le présent article comporte deux paragraphes .

Le paragraphe I complète les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la coordination entre régimes en matière d'assurance vieillesse (sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre VII du livre I er du code) par un article L. 173-1-2 nouveau . Celui-ci comporte cinq paragraphes.


• Le paragraphe I pose le principe selon lequel un assuré polypensionné du régime général et d'un régime aligné (salariés agricoles, artisans et commerçants), lorsqu'il demande à liquider l'un de ses droits à pension de vieillesse, est réputé avoir demandé à liquider l'ensemble de ses pensions de droit direct auprès de ces régimes.

Il définit ensuite les modalités de calcul du total de ses droits à pension dans ces régimes. Les trois éléments suivants sont additionnés, pour chaque année civile ayant donné lieu à affiliation auprès d'un des régimes :

- l'ensemble des rémunérations ayant donné lieu à cotisation ;

- l'ensemble des périodes d'assurance retenues pour la détermination du droit à pension dans l'un de ces régimes ;

- les salaires et revenus annuels de base de chacun des régimes, sans que leur somme ne puisse excéder le montant du plafond annuel de la sécurité sociale.

Il est précisé que le nombre de trimestres validés qui résulte de l'addition des deux premiers éléments ne peut être supérieur à quatre par an .


• Le paragraphe II précise qu'un seul des régimes concernés procède au calcul de la pension selon les modalités exposées ci-dessus à partir de ses propres règles de liquidation . Une règle de priorité définie par décret en Conseil d'Etat doit permettre de désigner le régime compétent pour liquider la pension.


• Le paragraphe III prévoit un mécanisme de compensation entre les régimes afin que celui qui verse les pensions dues par les autres pour leur compte puisse être remboursé par eux dans des conditions fixées par décret.


• Le paragraphe IV prévoit que la pension due par chacun des régimes est calculée en appliquant au total des droits à pension un coefficient correspondant au prorata des durées d'assurance validées dans ce régime.


• Le paragraphe V précise que, sauf disposition contraire, un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application de l'article L. 173-1-2.

Le paragraphe II du présent article précise que le dispositif prévu s'applique aux pensions prenant effet à une date fixée par décret, au plus tard le 1 er janvier 2016 .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui modifie le paragraphe III du nouvel article L. 173-1-2 pour supprimer le principe du remboursement entre régimes des pensions versées pour le compte d'un autre. Ce dispositif aurait entraîné des difficultés importantes de gestion pour les caisses. A la place, la nouvelle rédaction du paragraphe III prévoit que le régime qui a calculé la pension en supporte intégralement la charge et que les modalités de compensation financière forfaitaire entre les régimes concernés sont définies par décret .

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement sans lien avec le dispositif de l'article et visant à remplacer les dispositions du paragraphe IV du nouvel article L. 173-1 du code de la sécurité sociale par de nouvelles dispositions prévoyant que le comité de suivi mentionné à l'article 3 du présent projet de loi soit accompagné dans ses travaux par un jury citoyen (cf. l'examen de l'article 3).

Enfin, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié le paragraphe II du présent article pour repousser d'un an la date limite d'entrée en vigueur du dispositif (fixée désormais au 1 er janvier 2017) .

III - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de sa rapporteure visant à supprimer la disposition relative à l'accompagnement des travaux du comité de suivi créé à l'article 3 du présent projet de loi par un jury citoyen.

Puis la commission n'a pas adopté cet article ainsi modifié.

Article 29 (art. L. 161-22-2 [nouveau], L. 173-1-3 [nouveau] et L. 351-9 du code de la sécurité sociale) - Mutualisation du service des petites pensions

Objet : Cet article prévoit, pour les monopensionnés, le remplacement du versement forfaitaire unique (VFU) par un dispositif de remboursement de cotisations et, pour les polypensionnés, la possibilité de mutualiser les petites pensions afin que la pension donnant lieu à VFU soit servie en rente et non plus en capital.

I - Le dispositif proposé


Le dispositif actuel

Prévu à l'article L. 351-9 du code de la sécurité sociale, le versement forfaitaire unique (VFU) consiste en un versement en capital des très petites pensions pour les assurés qui n'ont été affiliés que très brièvement à l'assurance vieillesse d'un régime de retraite de base (régime général et régimes alignés).

Le montant du VFU est égal au montant annuel de la pension multiplié par quinze (ce nombre étant censé représenter une durée moyenne de service de la pension). Un décret en Conseil d'Etat fixe le seuil du VFU à 156,09 euros par an, soit 13 euros par mois.

La proportion d'assurés percevant un VFU est relativement importante à la mutualité sociale agricole (22 % en 2010) du fait de l'importance des carrières courtes dans ce régime (travaux saisonniers). Au régime social des indépendants (RSI), elle s'élève à près de 10 % des commerçants et 6,5 % des artisans. A la Cnav, environ 1 % des départs en retraite en 2009 (soit 7 835 personnes) ont fait l'objet d'un VFU.


Les limites du dispositif actuel

Dans les faits, la grande majorité des assurés assujettis au VFU sont des polypensionnés qui perçoivent une pension de retraite d'un montant supérieur dans au moins un autre régime. Il en va ainsi, selon l'étude d'impact, de 94 % des assurés percevant une pension de retraite en capital au régime général.

Or le VFU a pour effet de minorer le montant total des pensions de retraite servies à ces assurés, puisque leurs revenus mensuels seraient plus élevés en l'absence de conversion en capital. De plus, la durée effective de service d'une pension est aujourd'hui supérieure à 20 ans alors que le VFU continue d'être calculé sur la base d'une durée de 15 ans.

En outre, s'agissant des monopensionnés qui n'ont été affiliés que très passagèrement à l'assurance vieillesse en France, le dispositif du VFU implique des règles de calcul et de liquidation complexes pour des montants de pension en définitive très modestes.


Le dispositif proposé

L'article 29 vise à simplifier le dispositif du VFU en prévoyant la mise en oeuvre à compter du 1 er janvier 2016 de deux mesures distinctes :

- pour les monopensionnés, le remplacement du VFU par un remboursement de cotisations ;

- et pour les polypensionnés, la possibilité de mutualiser les pensions afin que la pension donnant lieu à VFU soit servie en rente et non plus en capital par le régime servant la pension la plus importante.

Le paragraphe I crée ainsi un nouvel article L. 161-22-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit la possibilité, pour l'assuré monopensionné qui a totalisé un nombre de trimestres inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat , de percevoir, au plus tôt à l'âge légal d'ouverture des droits à retraite, un versement égal au montant des cotisations versées à son régime de retraite.

L'étude d'impact indique que le nombre maximal de trimestres sera de huit .

Les régimes concernés sont le régime général, les régimes alignés et le régime des cultes.

Le nouvel article L. 161-22-2 précise que le régime se voit appliquer les coefficients de revalorisation applicables aux salaires et cotisations servant de base au calcul des pensions en vigueur à la date du versement. Cette actualisation du montant servi vise à ne pas pénaliser l'assuré.

Le paragraphe II crée un nouvel article L. 173-1-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit que lorsque les droits à pension dans un régime de base sont inférieurs à un seuil fixé par décret et que l'assuré relève ou a relevé de plusieurs régimes de base, le régime servant la pension la plus élevée peut assurer, pour le compte de ce régime, le versement de la pension due .

Ce dispositif concerne l'ensemble des régimes de retraite de base légalement obligatoires. Sa mise en oeuvre, en particulier les modalités de remboursement entre les régimes concernés , sera précisée par décret .

Le paragraphe III abroge en conséquence l'article L. 351-9 du code de la sécurité sociale relatif au service de la pension en VFU.

Le paragraphe IV prévoit que le présent article s'applique aux pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2016 .

Selon l'étude d'impact, le dispositif de remboursement de cotisations devrait concerner quelques centaines d'assurés chaque année tandis que la mutualisation du service des petites pensions pourrait bénéficier à 35 000 nouvelles personnes liquidant leur retraite par an. Le coût du service en rente serait « plus que compensé par les économies de gestion permises par cette simplification ».

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a précisé la rédaction du paragraphe IV afin d'exclure expressément du dispositif les assurés polypensionnés qui auront déjà obtenu la liquidation d'une première pension avant le 1 er janvier 2016.

Elle a en outre complété le paragraphe II pour étendre le dispositif proposé aux pensions de réversion dans des conditions qui seront définies par un décret en Conseil d'Etat . Des adaptations sont en effet nécessaires pour tenir compte de la variabilité des pensions de réversion au cours du temps, en raison de l'évolution soit de la situation familiale, soit des ressources du bénéficiaire.

III - La position de la commission

A l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté un amendement de coordination.

Puis la commission n'a pas adopté cet article ainsi modifié.

Article 29 bis - Rapport sur l'application des conventions bilatérales en matière de retraite

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, prévoit la réalisation d'un rapport par le Gouvernement sur les conditions d'application des conventions bilatérales dans le domaine des retraites.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 29 bis du présent projet de loi, inséré à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1 er juillet 2014, un rapport explorant les conditions d'application des conventions bilatérales en vigueur dans le domaine des retraites. Ce rapport doit évaluer les conséquences de ces conventions pour les ressortissants français qui ont acquis des droits à retraite dans des pays étrangers dans lesquels ils ne résident plus.

Il semble en effet que certains pays soumettent la perception d'une pension de retraite à une condition de résidence. Celle-ci risque d'entraîner des pertes de droit pour les ressortissants français qui ont quitté ces pays au moment de demander la liquidation des droits qu'ils y ont acquis au cours de leur carrière professionnelle.

Conformément à un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement, le rapport devra également examiner les difficultés liées à la perception d'une pension de retraite à l'étranger. Dans certains pays non européens, les retraités français doivent en effet fournir un justificatif d'existence à une fréquence très soutenue, ce qui peut représenter une réelle contrainte, soit pratique au regard des modalités de transport, soit financière.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 30 - Débat annuel sur les retraites dans la fonction publique

Objet : Cet article prévoit la tenue annuelle d'un débat entre le Gouvernement et les organisations syndicales de fonctionnaires sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique.

I - Le dispositif proposé

L'article 30 du présent projet de loi vise à remédier à l'absence de cadre identifié de discussion des orientations de la politique de retraite dans la fonction publique entre le Gouvernement et les organisations syndicales de fonctionnaires.

Il prévoit que le Gouvernement organise chaque année un tel débat avec les partenaires sociaux, comme le préconisait le rapport de la commission pour l'avenir des retraites.

L'étude d'impact précise que ce rendez-vous annuel portera sur les trois fonctions publiques et qu'il aura notamment pour objectif d'assurer « un suivi transparent et concerté des grands indicateurs que sont l'évolution des taux de remplacement, l'évolution moyenne des pensions, la situation financière des régimes, la comparaison de l'évolution des pensions entre hommes et femmes. Il s'agit également de mettre à disposition du citoyen une meilleure information sur les retraites dans la fonction publique ».

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

La commission a adopté un amendement de sa rapporteure visant à préciser que le débat annuel se tiendra au sein du conseil commun de la fonction publique.

Puis la commission n'a pas adopté cet article ainsi modifié.

Article 31 (art. L. 732-58, L. 732-58-1 [nouveau], L. 732-59, L. 732-60 et L. 732-60-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Pilotage du régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles

Objet : Cet article confie au conseil d'administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) la mission d'assurer le pilotage du régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles et de conseiller le Gouvernement quant aux évolutions à apporter à ses paramètres.

I - Le dispositif proposé

L'article 31 du projet de loi réforme le pilotage du régime complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles en y associant la caisse centrale de la mutualité agricole (CCMSA). Jusqu'à présent, cette dernière était simplement chargée de la gestion de ce régime, les principaux paramètres que sont le taux et l'assiette minimale de cotisation ainsi que la valeur de service du point étant définis par décret.

Cet article modifie tout d'abord, en son , l'article L. 732-58 du code rural et de la pêche maritime en supprimant son dernier alinéa qui dispose que l'équilibre entre les ressources et les charges du régime doit être respecté lors de la fixation du taux de cotisation et de la valeur de service du point.

Il crée ensuite, en son , un nouvel article L. 732-58-1 à ce même code qui détaille le nouveau rôle du conseil d'administration de la CCMSA et remplace les dispositions supprimées à l'article L. 732-58. Le conseil assurera le suivi de l'équilibre financier du régime de RCO et adressera tous les 3 ans aux ministres de tutelle (agriculture, sécurité sociale et budget) un rapport détaillant « la situation financière du régime, ses perspectives d'équilibre de long terme, ainsi que les risques auquel il est exposé ». Ce rapport, dont le premier sera remis au plus tard le 1 er septembre 2015, servira de base aux propositions que le conseil devra faire aux ministres concernant les règles d'évolution des paramètres du régime (taux de cotisation, valeurs de service et d'achat du point) sur les trois années suivantes, afin de garantir son équilibre de long terme.

Le de l'article modifie l'article L. 732-59, qui porte sur les cotisations à la RCO, en substituant au renvoi à un décret pour fixer leurs taux un renvoi à un arrêté pris au vu des recommandations faites par le conseil d'administration de la CCMSA ou, si celles-ci ne garantissent pas l'équilibre à long terme du régime, à un décret.

Le procède à la même opération à l'article L. 732-60 concernant le nombre de points de RCO qui peuvent être acquis annuellement ainsi que les valeurs de service et d'achat de ces points.

Enfin, le insère un article L. 732-60-1 nouveau pour définir les modalités du pilotage triennal du régime. Avant que les ministres ne définissent par arrêté l'évolution de ses paramètres, le conseil d'administration de la CCMSA leur soumettra une proposition d'évolution accompagnée d'une évaluation chiffrée de son impact.

Si, aux yeux du conseil d'administration, la pérennité financière du régime venait à être remise en cause au cours du plan triennal et que l'évolution prévue des paramètres ne permettait pas de la garantir, il devrait proposer, sur la base d'études actuarielles, des corrections. Les ministres modifieront, le cas échéant, ces paramètres.

Un décret viendra encadrer les modifications proposées en fixant des plafonds de variations annuelles. A titre conservatoire, si le plan triennal proposé ne permet pas de garantir l'équilibre de long terme du régime, ses différents paramètres pourront être modifiés par décret.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté des modifications rédactionnelles à cet article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 32 (art. L. 641-2, L. 641-3-1 nouveau, L. 641-4-1 nouveau, L. 641-5 et L. 641-7 nouveau du code de la sécurité sociale) - Renforcement de la gouvernance des régimes de retraite des professions libérales

Objet : Cet article entend améliorer l'organisation des régimes de retraite de base et complémentaire des professions libérales, en particulier par un renforcement du rôle et des moyens de la caisse nationale, un encadrement des compétences et des modalités de nomination du directeur et une contractualisation entre l'Etat et la caisse nationale.

I - Le dispositif proposé


L'organisation actuelle des régimes de retraite obligatoire des professions libérales

Les régimes de retraite de base et complémentaire des professions libérales sont regroupés dans l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales (OAAVPL) dont la gouvernance est définie aux articles L. 641-1 à L. 641-6 du code de la sécurité sociale.

En application de l'article L. 641-1, l'OAAVPL comprend une caisse nationale, la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), et dix sections professionnelles. La caisse et chaque section sont dotées de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Leur compétence territoriale est nationale.

L'article L. 641-2 du code de la sécurité sociale prévoit que la CNAVPL assure la gestion du régime d'assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves du régime.

Les sections gèrent, quant à elles, à la fois le régime de base pour le compte de la CNAVPL et les régimes complémentaires, spécifiques à chacune d'entre elles. Elles assurent en outre la gestion des régimes invalidité-décès (également particuliers à chaque section) et, pour les professions de santé, les régimes des prestations complémentaires de vieillesse (retraite supplémentaire).

Organisation des régimes de retraite de base et complémentaire
des professions libérales

Organisation autonome d'assurance vieillesse
des professions libérales (OAAVPL)

Caisse nationale

Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL)

Dix sections professionnelles qui gèrent à la fois le régime de base pour le compte de la caisse nationale et les régimes complémentaires

Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (Carpimko)

Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF)

Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (CARCDSF)

Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP)

Caisse d'allocation vieillesse des experts comptables et des commissaires aux comptes (Cavec)

Caisse d'allocation vieillesse des agents généraux d'assurance (Cavamac)

Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires (CARPV)

Caisse de retraite des notaires (CRN)

Caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels, officiers publics et des compagnies judiciaires (Cavom)

Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav)

Le conseil d'administration de la CNAVPL est composé des présidents de ses sections professionnelles auxquels il peut adjoindre, par désignation, trois personnes qualifiées qui y siègent avec voix consultative (article L. 641-4) ; l'Etat y est représenté par un commissaire du Gouvernement (article L. 641-3) et peut mettre fin aux fonctions du directeur ou du comptable, après avis du conseil d'administration de la caisse, en cas de faute lourde dûment constatée.


Les limites du dispositif actuel

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a révisé les règles de fonctionnement du régime de retraite de base en le transformant, à compter du 1 er janvier 2004, en un régime unique proportionnel par points. L'objectif était d'accroître l'équité du régime de base et de renforcer son pilotage pour lui permettre de faire face aux conséquences du vieillissement démographique. La réforme de 2003 a ainsi cherché à renforcer la CNAVPL en tant que caisse nationale en lui conférant un rôle d'animateur du réseau des sections professionnelles.

En pratique cependant, le rôle de la caisse nationale demeure pour le moins limité, celle-ci ne faisant qu'un faible usage de ses compétences, tandis que les sections professionnelles jouissent d'une autonomie historiquement très ancrée. Il existe une forte disproportion de moyens entre la première et les secondes. Deux missions successives de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) 83 ( * ) et de la Cour des comptes 84 ( * ) ont souligné les conséquences négatives d'un tel défaut de gestion unifiée.

L'absence de contrôle exercé par la caisse nationale sur les sections professionnelles conduit en effet à un éclatement de la gestion du régime de base. L'Igas comme la Cour des comptes relèvent en outre qu'il n'existe aucune modalité particulière de collaboration entre l'Etat et la caisse nationale. Il manque un suivi pluriannuel des objectifs de gestion fondé sur des indicateurs de qualité de service partagés. La CNAVPL est d'ailleurs le seul organisme de base à ne pas avoir conclu de contrat de gestion avec l'Etat ou pour lequel une telle contractualisation est en cours.

La Cour des comptes souligne ainsi que « l'absence de vision partagée et la faiblesse institutionnelle de l'organisation de leur système de retraite empêchent les professions libérales d'analyser conjointement les besoins des différents régimes, en vue d'une répartition optimale et équitable des efforts », alors que ce système doit s'adapter aux enjeux à venir, en particulier démographiques. Elle recommande « un renforcement du pilotage global de l'Etat sur leur évolution stratégique ».


Le dispositif proposé

Le dispositif proposé au présent article réforme la gouvernance de l'OAAVPL pour transformer la caisse nationale en une véritable tête de réseau dotée des moyens de réaliser les missions qui lui sont imparties.

En ce sens, l'article 32 apporte cinq séries de modifications aux dispositions régissant l'organisation administrative du régime de retraite obligatoire des professions libérales.


En premier lieu , il réécrit intégralement l'article L. 641-2 du code de la sécurité sociale pour préciser le rôle de la CNAVPL et de son conseil d'administration .

La caisse se voit ainsi attribuer sept fonctions distinctes :

- assurer la gestion du régime de base et la gestion des réserves du régime et établir à cette fin le règlement du régime de base qui est approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale (1°) ;

- animer, coordonner et contrôler l'action des sections professionnelles (2°) ;

- exercer une action sociale et coordonner l'action sociale des sections professionnelles (3°) ;

- négocier et conclure toute convention collective intéressant son personnel et celui des sections professionnelles et assurer leur formation technique (4°) ;

- créer tout service d'intérêt commun à l'ensemble des sections professionnelles ou à certaines d'entre elles (5°) ;

- s'assurer de la bonne gestion du régime de base par les sections professionnelles (6°) ;

- arrêter le schéma directeur des systèmes d'information de l'OAAVPL (7°).

Le conseil d'administration de la caisse nationale se voit conférer un pouvoir de contrôle sur la gestion du régime de base par les sections professionnelles.

En outre, il est saisi pour avis de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier des régimes de retraite de base ou complémentaire et des régimes invalidité-décès des professions libérales.

Cette consultation s'effectue selon les mêmes modalités que celles qui s'appliquent aujourd'hui, en vertu de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, aux conseils d'administration des caisses du régime général dans le cadre de leurs compétences respectives.

L'article L. 200-3 prévoit la transmission du Gouvernement au Parlement des avis rendus par les conseils d'administration sur les projets de loi. Il précise que les conseils d'administration peuvent faire toutes propositions de modification législative ou réglementaire dans leur domaine de compétence et qu'ils sont habilités à soumettre des projets de réforme au Gouvernement. Les propositions de nature législative sont transmises au Parlement et le Gouvernement fait connaître les suites qu'il réserve aux propositions de nature réglementaire dans un délai d'un mois.

Les modalités d'application des dispositions de l'article L. 641-2 sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.


• En deuxième lieu
, le présent article insère, après l'article L. 641-3 du code de la sécurité sociale, un nouvel article L. 641-3-1 relatif aux modalités de nomination et aux fonctions du directeur ainsi qu'aux règles de nomination de l'agent comptable de la caisse nationale. Ce nouvel article se compose de trois paragraphes :

- Le paragraphe I prévoit que le directeur est nommé par décret pour une durée de 6 ans après avis du conseil d'administration de la caisse nationale qui peut toutefois s'opposer à la proposition de nomination présentée à la majorité des deux tiers de ses membres ;

- Le paragraphe II précise que le directeur dirige la caisse nationale, recrute le personnel de la caisse et a autorité sur lui ;

- Le paragraphe III dispose que l'agent comptable est nommé par le conseil d'administration de la caisse nationale.


• En troisième lieu
, l'article 32 du présent projet de loi insère, après l'article L. 641-4 du code de la sécurité sociale, un nouvel article L. 641-4-1 comprenant trois paragraphes relatifs aux relations entre l'Etat et la caisse nationale.

Le paragraphe I prévoit la conclusion entre l'Etat et la caisse nationale d'un contrat pluriannuel comportant des engagements réciproques, pour une période minimale de 4 ans .

Ce contrat fixe notamment, pour le régime de base et les régimes complémentaires, les objectifs pluriannuels de gestion et, pour le seul régime de base, les moyens de fonctionnement dont disposent la caisse nationale et les sections professionnelles pour les atteindre, ainsi que les actions mises en oeuvre à ces fins par chacun des signataires.

Le paragraphe II prévoit la déclinaison de la mise en oeuvre du contrat pluriannuel en contrats de gestion entre la caisse nationale et chacune des sections professionnelles .

Le paragraphe III précise qu'un décret en Conseil d'Etat détermine la périodicité, le contenu et les signataires du contrat pluriannuel et des contrats de gestion.


• En quatrième lieu
, le présent article procède à la réécriture des deux derniers alinéas de l'article L. 641-5 du code de la sécurité sociale relatifs au statut et aux fonctions des sections professionnelles :

- Les conditions dans lesquelles les sections sont habilitées à exercer une mission d'action sociale sont définies par un règlement élaboré par la caisse nationale et approuvé par décret (et non plus par leurs statuts) .

- Les statuts des sections professionnelles (simplement approuvés par arrêté ministériel selon le droit aujourd'hui en vigueur) doivent être conformes à des statuts-types approuvés par décret et sont soumis à l'approbation du conseil d'administration de la caisse nationale . La décision du conseil d'administration est réputée approuvée sauf si le ministre chargé de la sécurité sociale s'y oppose dans un délai d'un mois à compter de la réception du projet.


• En dernier lieu
, le présent article insère, après l'article L. 641-6 du code de la sécurité sociale, un nouvel article L. 641-7 relatif aux possibilités de mutualisation des sections professionnelles.

Cet article prévoit, dans son paragraphe I , la possibilité pour les sections professionnelles de se grouper pour réaliser des missions communes. Le groupement est soumis aux règles suivantes :

- sa création fait l'objet d'une convention constitutive qui doit être approuvée par les conseils d'administrations des sections concernées et par l'Etat ;

- il est doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière ;

- il est administré par un conseil d'administration dont la composition et les règles de fonctionnement sont définies dans la convention constitutive ;

- il est dirigé par un directeur choisi parmi les directeurs des sections concernées et est doté d'un agent comptable également choisi parmi les agents comptables des sections concernées.

Le paragraphe II du nouvel article L. 641-7 précise que les dispositions applicables aux sections sont également applicables à leurs groupements, moyennant les adaptations nécessaires prévues par décret en Conseil d'Etat.

L'étude d'impact associée au projet de loi prévoit que cette réforme de la gouvernance des sections professionnelles sera approfondie par voie réglementaire notamment dans le domaine de la bonne gestion des caisses (comptabilité analytique, contrôle interne, contrôle de gestion).

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au-delà de changements d'ordre rédactionnel, l'Assemblée nationale a apporté, à l'initiative du Gouvernement, plusieurs séries de modifications au présent article qui, selon les cas, précisent ou assouplissent le dispositif initialement proposé.


• Tout d'abord, l'énoncé des missions de la CNAVPL à l'article L. 641-2 du code de la sécurité sociale est modifié comme suit :

- par cohérence, la fonction de contrôle de la caisse sur l'action des sections professionnelles (2°) est supprimée, le conseil d'administration étant explicitement doté d'un pouvoir de contrôle dans les alinéas suivants ;

- la caisse est chargée non plus de « coordonner » (3°) mais « d'assurer la cohérence » de l'action sociale des sections professionnelles ;

- la mission consistant à négocier et conclure des conventions collectives pour les personnels de la caisse et des sections professionnelles (4°) est supprimée ; cette mission relève potentiellement des outils de gestion mis en place dans le cadre de la contractualisation avec l'Etat ;

- enfin, la caisse doit s'assurer non plus « de la bonne gestion du régime de base » (6°) mais « des conditions de maîtrise des risques pour la gestion du régime de base » par les sections professionnelles.


• L'Assemblée nationale a ensuite assoupli le dispositif de nomination du directeur de la caisse prévu au nouvel article L. 641-3-1 du code de la sécurité sociale. Celui-ci prévoit désormais que le directeur est nommé par décret pour une durée de 5 ans renouvelable , sur proposition du conseil d'administration à partir d'une liste de trois noms, établie par le ministre chargé de la sécurité sociale. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant ce terme qu'avec l'avis favorable du conseil d'administration à la majorité des deux tiers.

Le présent article 32 est complété par un second paragraphe qui précise que le directeur de la caisse nationale en poste à la date d'entrée en vigueur de la présente loi est réputé avoir nommé dans ces nouvelles conditions et est donc nommé pour 5 ans à compter de cette date.


• L'Assemblée nationale a en outre introduit de nouvelles dispositions qui modifient la rédaction actuelle de l'article L. 641-4 du code de la sécurité sociale relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement du conseil d'administration de la CNAVPL :

- Celui-ci voit sa composition actuelle (les dix présidents de section professionnelle) complétée par la présence de dix représentants des organisations syndicales interprofessionnelles des professions libérales .

- En conséquence, il est précisé que « chaque président de section, ou le cas échéant son suppléant » (et non plus « chaque administrateur ») dispose d'un nombre de voix fixé annuellement par le conseil d'administration de la caisse nationale en fonction du nombre de personnes immatriculées dans chaque section professionnelle.

- L'actuel alinéa qui permet au conseil d'administration de s'adjoindre trois personnes qualifiées siégeant avec voix consultative est supprimé .

- Enfin, il est précisé que les conditions d'application de cet article, en particulier les règles de désignation des représentants des organisations syndicales et la fixation du nombre de voix de chacun des administrateurs, sont fixées par décret.


• De plus, l'Assemblée nationale a modifié la rédaction du nouvel article L. 641-4-1 relatif à la contractualisation entre l'Etat et la caisse pour clarifier l'objet du contrat signé . Celui-ci détermine notamment, pour le régime de base, des objectifs pluriannuels de gestion, et pour les régimes de base et les régimes complémentaires, « des objectifs de qualité de gestion communs ».


• Enfin, les modalités selon lesquelles les sections professionnelles peuvent se grouper en vertu du nouvel article L. 641-7 du code de la sécurité sociale sont clarifiées :

- les sections professionnelles peuvent créer entre elles des associations régies par la loi du 1 er juillet 1901 ou des groupements d'intérêt économique (GIE) ;

- l'association ou le GIE est dirigé par un directeur choisi parmi les directeurs des sections concernées et son agent comptable est choisi parmi les agents comptables des sections.

III - La position de la commission

La commission a adopté deux amendements de sa rapporteure.

Le premier a pour objet d'assouplir les conditions de désignation du directeur de la CNAVPL en supprimant la mention selon laquelle le mandat de ce dernier n'est renouvelable qu'une fois.

Le second est un amendement de précision visant à tenir compte, dans la mission de coordination assignée à la caisse, de l'existence non pas d'un seul mais de plusieurs systèmes d'information au sein de l'OAAVPL.

Puis la commission n'a pas adopté cet article ainsi modifié.

Article 32 bis (art. L. 723-3 du code de la sécurité sociale) - Recouvrement des droits de plaidoirie par la Caisse nationale des barreaux français

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit de confier le recouvrement des droits de plaidoirie à la Caisse nationale des barreaux français.

I - Le dispositif proposé

Le financement du régime de retraite de base des avocats repose essentiellement sur les cotisations des assurés et sur des droits de plaidoirie complétés d'une contribution équivalente à ces droits (pour les avocats dont l'activité principale n'est pas la plaidoirie).

En 2012, ces droits et contributions équivalentes s'élevaient à respectivement 9,8 millions d'euros et 46,6 millions d'euros. Elles représentaient à elles deux environ 25 % des produits nets de gestion technique du régime (commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2013).

En vertu de l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale, les droits de plaidoirie sont collectés par l'ordre des avocats et par chaque barreau. Ceux-ci sont à ce titre chargés d'adresser l'état des droits à payer à l'avocat ou à la société d'avocats si l'avocat concerné est associé ou salarié. Les droits sont ensuite versés à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) chargée depuis sa création en 1948 de la gestion du régime de retraite des avocats.

En pratique, le mode de recouvrement des droits de plaidoirie et des contributions équivalentes à ces droits n'apparaît pas satisfaisant, certains barreaux ayant, selon le Gouvernement, cessé de les recouvrer. En outre, le Gouvernement indique l'impossibilité pour la CNBF de contrôler la procédure de recouvrement de ces droits, impossibilité mise en lumière par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport de 2012.

Pour remédier à cette situation, le dispositif proposé consiste à confier le recouvrement des droits de plaidoirie et des droits équivalents à ces droits non plus à l'ordre des avocats et aux barreaux mais à la CNBF.

A cette fin, le présent article comporte deux paragraphes.

Le paragraphe I modifie l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale pour prévoir que le recouvrement des droits de plaidoirie et des contributions équivalentes aux droits de plaidoirie est effectué par la CNBF.

Le paragraphe II prévoit une entrée en vigueur à compter du 1 er janvier 2014.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 33 (art. L. 137-11 du code de la sécurité sociale) - Obligation d'externaliser les régimes à prestations définies mis en place par l'employeur

Objet : Cet article oblige les entreprises qui gèrent des régimes de retraite à prestations définies en interne à les externaliser auprès d'un assureur pour protéger les assurés et se mettre en conformité avec une directive européenne.

I - Le dispositif proposé

L'article 33 vise à mettre les régimes de retraite supplémentaire gérés directement en interne par les entreprises en conformité avec une directive européenne de 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. Il prévoit l'obligation pour ces entreprises d'externaliser leur régime de retraite supplémentaire auprès d'un organisme assureur dans un délai de 5 ans.


La non-conformité au droit communautaire des régimes de retraite supplémentaire gérés directement en interne par les entreprises

Parmi les différentes catégories de « retraites-chapeau » figurent les régimes de retraite visés à l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale. Il s'agit de régimes supplémentaires à prestations définies exclusivement financés par l'employeur et à droits aléatoires : le droit à pension est conditionné par la présence du salarié dans l'entreprise au moment du départ en retraite.

Ces régimes n'offrent aucune protection aux anciens salariés en cas de liquidation de l'entreprise. En effet, les pensions échues ne font l'objet d'aucune sûreté particulière contrairement à la protection offerte par les contrats d'assurance et les pensions n'entrent pas dans le cadre de l'assurance de garantie des salaires. En outre, aucune norme ne contraint aujourd'hui ces entreprises à préfinancer leurs engagements au titre de la retraite.

De ce fait, ces régimes ne satisfont pas aux exigences posées à l'article 8 de la directive européenne 2008-94-CE du 22 octobre 2008 du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. Celle-ci impose en effet une obligation de résultat quant à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur s'agissant des droits acquis ou en cours d'acquisition à des prestations de vieillesse au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale. La Commission européenne a d'ailleurs mis la France en demeure de se mettre en conformité avec cette directive.


L'insuffisance des mesures actuelles incitant à limiter le nombre de ces régimes

Depuis le milieu des années 1990, plusieurs mesures ont cherché à limiter le nombre de ces régimes.

La loi relative à la protection sociale complémentaire des salariés du 8 août 1994 (article L. 913-2 du code de la sécurité sociale) a interdit toute disposition des conventions, accords ou décisions unilatérales instaurant des régimes supplémentaires qui entraînent la perte de droits acquis.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 du 24 décembre 2009 a ensuite interdit de créer des régimes à prestations définies en gestion interne à compter du 1 er janvier 2010.

Malgré ces mesures et l'alourdissement progressif au cours des dernières années des prélèvements sociaux dont font l'objet les régimes supplémentaires gérés en interne, environ 300 entreprises disposent encore aujourd'hui de régimes supplémentaires à prestations définies gérés en interne.

Le rapport au Parlement sur la situation des régimes relevant de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale 85 ( * ) (octobre 2010) estime en effet que le nombre d'entreprises disposant de régimes relevant de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale est de l'ordre de 10 500 et qu'environ 97 % des entreprises ont externalisé auprès d'un organisme assureur leur mode de gestion.


Le dispositif proposé

Pour se mettre en conformité avec le droit communautaire, l'article 33 du présent projet de loi rend obligatoire l'externalisation des rentes en cours de service et à venir.

A cette fin, le paragraphe I du présent article complète l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale pour prévoir que les rentes versées au titre des régimes à prestations définies dont le droit à pension est conditionné par la présence du salarié dans l'entreprise au moment de la retraite sont gérées exclusivement par une institution de prévoyance, une mutuelle ou un assureur.

Dans les faits, les employeurs seront amenés à souscrire un contrat d'assurance auprès d'un organisme habilité qui se verra transférer la gestion des rentes en cours de service et les futures rentes, et portera ainsi le risque lié au versement. L'organisme assureur sera chargé de verser les rentes aux bénéficiaires, en contrepartie de quoi l'employeur lui versera les capitaux constitutifs des rentes à chaque nouvelle liquidation.

Le paragraphe II prévoit un délai de 5 ans à compter de la publication de la loi pour permettre aux entreprises de procéder au transfert des rentes en cours de service. Ce délai s'explique par la nécessité de prendre en compte les conséquences sur le bilan de l'entreprise du transfert des provisions représentatives des rentes en cours de service, en particulier lorsque la contrepartie à l'actif n'est pas liquide.

La disparition progressive des régimes de retraite visés à l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale se traduira par l'érosion de l'assiette des contributions aujourd'hui versées sur les dotations aux provisions au taux de 48 %. L'étude d'impact n'indique pas précisément les conséquences financières du dispositif proposé mais souligne que « la perte estimée serait faible » compte tenu du faible nombre de régimes concernés.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture complète de l'article 33 dont le contenu est renvoyé à une ordonnance du Gouvernement .

Dans sa nouvelle rédaction, l'article 33 habilite en effet le Gouvernement à agir par ordonnance pour « protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l'entreprise ou l'établissement de l'employeur à la date de la survenance de l'insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits en cours d'acquisition, à des prestations de retraite supplémentaire d'entreprise ».

Le Gouvernement justifie cette démarche par la volonté d'inscrire le dispositif initialement prévu dans le cadre d'une réflexion plus approfondie sur la manière de protéger les intérêts des salariés tout en tenant compte des conséquences induites par les entreprises au regard du contexte économique dégradé.

L'ordonnance doit être prise dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la loi. Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance doit être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 33 bis (art. L.921-2-1 nouveau du code de la sécurité sociale) - Clarification des règles d'affiliation des salariés contractuels d'un employeur public au régime de retraite complémentaire

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, entend clarifier les critères d'affiliation des salariés à un régime de retraite complémentaire en retenant la nature juridique du contrat de travail.

I - Le dispositif proposé

Les salariés, qui relèvent du régime général pour leur régime de retraite de base, sont affiliés, en ce qui concerne leur retraite complémentaire, soit à l'Agirc-Arrco (Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés), soit à l'Ircantec (Institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l'Etat et des collectivités publiques).

Les règles en vigueur en matière d'affiliation des salariés au régime de retraite complémentaire ont posé des difficultés d'interprétation juridique qui ont conduit à appliquer, selon les cas, des critères différents : soit la nature juridique de l'employeur, soit la nature juridique du contrat de travail.

Compte tenu de ces difficultés, le Gouvernement a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'avis relative à la détermination du régime de retraite complémentaire auquel affilier les agents non-titulaires. Dans l'avis rendu le 21 février 2013, l'Assemblée générale du Conseil d'Etat recommande de privilégier le critère de la nature du contrat de travail, c'est-à-dire son caractère de droit public ou de droit privé.

Le présent article applique cette recommandation. Une exception est toutefois maintenue pour les salariés en contrats aidés. Par souci de sécurité juridique, l'article prévoit en outre une période transitoire au cours de laquelle les nouvelles règles ne s'appliquent pas aux adhésions antérieures à l'entrée en vigueur de la loi.

Pour mettre en oeuvre le dispositif ainsi proposé, l'article 33 bis comporte six paragraphes .

Le paragraphe I insère un article L. 921-2-1 nouveau après l'article L. 921-2 du code de la sécurité sociale. Ce nouvel article se décompose en trois alinéas.

- L'objet du premier alinéa est double.

D'une part, il sécurise l'existence juridique de l'Ircantec en lui donnant un ancrage légal. L'Ircantec est en effet dénuée de fondement légal depuis la loi n° 94-678 du 8 août 1994 qui a abrogé les parties « législative » et « décrets en Conseil d'Etat » du titre III du livre VII du code de la sécurité sociale relatives aux régimes et institutions de retraite ou de prévoyance complémentaires des salariés auxquelles l'institution est soumise en application de l'article 2 du décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970.

Il est donc précisé que l'Ircantec relève de l'article L. 921-2 du code de la sécurité sociale et que le régime est défini par voie réglementaire.

D'autre part, cet alinéa pose la règle de principe selon laquelle les salariés contractuels sont affiliés à l'Ircantec dès lors que leur contrat de travail est de droit public .

- Le deuxième alinéa précise les règles applicables aux cotisations versées à l'Ircantec et celles applicables aux prestations servies par l'institution en matière de sûretés, de cessibilité et de saisie à travers un renvoi aux règles de droit commun posées aux articles L. 243-4 et L. 243-5 du code de la sécurité sociale.

- Le dernier alinéa de l'article L. 921-2-1 nouveau précise que l'Ircantec est soumise au contrôle de l'inspection générale des affaires sociales (Igas).

Le paragraphe II de l'article L. 33 bis du présent projet de loi prévoit, pour les emplois aidés, une exception à la disposition de principe contenue au paragraphe I.

En effet, pour les salariés embauchés à compter de l'entrée en vigueur de la loi par un contrat de travail aidé (contrat emploi-jeune, contrat unique d'insertion, contrat d'accompagnement dans l'emploi, contrat jeune en entreprise, contrat initiative emploi, contrat relatif aux activités d'adultes-relais, emploi d'avenir, emploi d'avenir professeur), le critère d'affiliation au régime de retraite complémentaire reste la nature juridique de la personne morale qui les embauche .

Ainsi, lorsqu'ils sont embauchés par une personne morale de droit public , ces salariés sont affiliés à l'Ircantec. Lorsqu'ils sont embauchés par une personne morale de droit privé , ils sont affiliés à l'Agirc-Arrco .

Le paragraphe III prévoit l'application de dispositions transitoires jusqu'au 31 décembre 2016 pour les salariés embauchés par des employeurs qui, à la date de promulgation de la loi, sont déjà adhérents, pour l'ensemble de leurs salariés, soit à l'Ircantec, soit à l'Agirc-Arrco. L es adhésions antérieures à la date de promulgation de la loi, et les affiliations qui en découlent, sont donc cristallisées : exception faite des cas où l'employeur change de nature juridique, les employeurs qui affiliaient leurs salariés sur la base d'un critère différent que celui qui est prévu dans la disposition de principe de l'article L. 921-2-1 nouveau pourront continuer à suivre ce mode d'affiliation jusqu'au 31 décembre 2016. A l'issue de cette période transitoire, toute nouvelle affiliation devra respecter le critère de la nature juridique du contrat de travail.

Les 2° et 3° du paragraphe III prévoient que lorsque l'employeur change de nature juridique, ce qui le conduit à changer d'adhésion à un régime de retraite complémentaire, les affiliations, antérieures au changement de statut de l'employeur, des salariés dont la nature du contrat de travail n'est pas modifiée et qui sont affiliés conformément au critère posé à l'article L. 921-2-1 nouveau, voient leur affiliation maintenue. Les droits acquis par le passé par les salariés, les retraités et les assimilés bénéficiaires directs d'avantages de retraite complémentaire sont donc conservés .

Cette disposition est accompagnée d'un mécanisme de compensation financière entre les régimes concernés destiné à neutraliser les l'impact des transferts induits. Il est précisé que cette compensation financière s'organise, dans les conditions décrites par une convention-cadre conclue entre les régimes concernés et approuvée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget , en tenant compte des charges et des recettes respectives de chacun des organismes.

Un décret en Conseil d'Etat doit définir les modalités d'application de ce paragraphe.

Le paragraphe IV définit les règles applicables aux assurés déjà affiliés à un régime de retraite complémentaire à la date du 1 er janvier 2017 . Ces assurés voient leur affiliation maintenue jusqu'à la rupture de leur contrat de travail .

Ce paragraphe prévoit également une compensation annuelle entre les deux régimes de retraite complémentaire organisée dans le cadre d'une convention qui doit faire l'objet d'une approbation par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Cette compensation doit tenir compte des charges et des recettes respectives de chacun des organismes.

Si aucune convention n'a été signée dans les douze mois suivant l'entrée du paragraphe IV (prévue pour le 1 er janvier 2017), cette compensation est organisée par un décret en Conseil d'Etat.

Un décret en Conseil d'Etat définies les modalités d'application du paragraphe IV.

Le paragraphe V comporte une disposition de coordination.

Enfin, le paragraphe VI précise que les deux paragraphes précédents entrent en vigueur à compter du 1 er janvier 2017.

II - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 34 - Habilitation du Gouvernement à étendre les dispositions du projet de loi par ordonnances à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à prendre deux ordonnances pour étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du présent projet de loi à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

I - Le dispositif proposé

L'article 34 vise à permettre l'application du présent projet de loi au département de Mayotte et à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon en tenant compte des dispositions spécifiques qui régissent les régimes de retraite de ces territoires.


• Le régime de retraite de base obligatoire de Mayotte, auquel sont assujettis les résidents mahorais salariés et assimilés de droit privé ainsi que certains agents publics, a été créé par l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.

Les mesures de la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 ont été étendues à ce département par l'ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l'évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation. Cette ordonnance prévoit une montée en charge progressive des paramètres du système afin de tenir compte du caractère récent de l'assurance vieillesse mahoraise.


• Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon, elle dispose de son propre système de sécurité sociale depuis 1977 86 ( * ) . L'assurance vieillesse des habitants de la collectivité a été instituée par la loi n° 87-563 du 14 juillet 1987 portant réforme du régime d'assurance vieillesse.

Au contraire des intentions affichées en 1987, les spécificités dont est empreint le régime de retraite de Saint-Pierre-et-Miquelon se sont accrues au fil du temps. Les réformes des retraites de 1993 et de 2003 n'ont en particulier pas fait l'objet d'une transposition intégrale au régime local. Le Gouvernement entend remédier aux divergences ainsi apparues en rapprochant les dispositions issues de la loi du 17 juillet 1987 des règles applicables dans l'hexagone.

Le paragraphe I autorise ainsi le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin d'étendre à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, avec les adaptations nécessaires, la législation applicable dans l'hexagone en matière d'assurance vieillesse.

Le paragraphe II prévoit que les ordonnances sont publiées au plus tard le dernier jour du dix-huitième mois suivant celui de la publication de la loi. Il précise également que les projets de loi portant ratification de ces ordonnances sont déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de leur publication.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

La commission n'a pas adopté cet article.

A l'issue de ses travaux, votre commission n'a pas adopté de texte sur le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE LA MINISTRE

Réunie le mercredi 16 octobre 2013 sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé sur le projet de loi n° 1376 (AN-XIV e ) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites dont Mme Christiane Demontès, est la rapporteure.

Mme Annie David , présidente . - Nous vous auditionnons dans un premier temps, Madame la ministre, sur le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, adopté hier à l'Assemblée nationale. Vous nous présenterez ensuite, dans la seconde partie de notre réunion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Les grandes orientations de ce texte sont connues. L'Assemblée nationale vient de l'adopter tandis que la presse s'en est fait l'écho.

Il répond à un triple défi. Financier tout d'abord. Le déficit prévu en 2020 s'établit à 20 milliards tous régimes confondus, dont 7,5 milliards pour le régime général.

Démographique ensuite. Le système des retraites est confronté à l'arrivée à l'âge de la retraite d'une classe d'âge nombreuse, issue du baby-boom. Mais la vitalité démographique que connaît notre pays, à la différence de ses voisins européens, constitue aussi une opportunité grâce à laquelle il sera possible de stabiliser la situation après 2035.

Enfin ce texte vise à répondre à certaines injustices, à l'égard des femmes, dont les pensions sont inférieures à celles des hommes, comme à l'égard de ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou de ceux qui ont travaillé dans des conditions pénibles.

Nous avons fait le choix d'une réforme de progrès qui garantit le financement et l'avenir des régimes de retraite. Autrement, nous ouvririons la porte à des mécanismes d'assurances privées. L'effort à réaliser est important mais réaliste. Nous procéderons en deux temps afin de ne pas bouleverser les calculs des personnes qui partiront à la retraite ces prochaines années car ces décisions se prennent plusieurs années en amont. Jusqu'en 2020, il ne s'agira que de mesures de consolidation. Après cette date, la durée de cotisation pour une retraite à taux plein augmentera progressivement, à raison d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035 pour atteindre quarante-trois ans.

D'ici-là, le texte prévoit une hausse des cotisations salariés et employeurs, le report du 1 er avril au 1 er octobre de la revalorisation des pensions en fonction de l'évolution des prix, la fiscalisation des majorations de pensions pour les retraités ayant élevé trois enfants ou plus.

Nous avons souhaité mettre à contribution l'ensemble des catégories sociales car le système des retraites constitue un élément central du pacte républicain. C'est pourquoi les retraités sont mis à contribution au titre de la solidarité intergénérationnelle. De même tous les régimes contribueront, de base comme complémentaires, publics comme privés. Cette réforme de progrès ouvre de nouveaux droits pour répondre aux injustices.

Le compte de pénibilité constitue un élément central. Si l'espérance de vie augmente, tous n'en profitent pas autant. Un compte de prévention sera créé à partir du 1 er janvier 2015. A l'issue de la négociation avec les partenaires sociaux, dix critères de pénibilité ont été définis et inscrits dans la loi. Les personnes exposées à ces facteurs bénéficieront de points qu'ils pourront convertir en périodes de formation, en périodes de temps partiel rémunéré à temps plein, ou en possibilité de partir en retraite anticipée.

La réforme des retraites ne saurait, à elle seule, corriger les inégalités accumulées par les femmes pendant leur carrière. Mais nous avons eu le souci de ne pas les amplifier. Ainsi l'ensemble des interruptions pour congé maternité seront intégrées dans le calcul des droits. De même, le temps partiel subi, qui concerne à 80 % les femmes, sera mieux pris en compte. Il suffira de 150 heures travaillées pour valider un trimestre, contre 200 heures aujourd'hui.

Le projet de loi corrige aussi une injustice à l'égard des jeunes dont l'entrée dans la vie active est difficile. Les périodes d'apprentissage seront prises en compte - 400 000 jeunes sont actuellement en apprentissage. Le rachat d'années d'études supérieures sera encouragé. Enfin un trimestre de stage pourra être compté dans le calcul des droits à pension. S'agissant des petites pensions, le minimum vieillesse sera relevé, tandis que l'ensemble des périodes travaillées sera pris en compte afin d'atténuer les injustices dues aux carrières heurtées. D'autres mesures, également, concernent les agriculteurs.

Enfin ce texte crée un mécanisme de pilotage : un comité de suivi sera chargé de faire des recommandations publiques en cas de dérapage au regard des objectifs de la réforme, financiers ou sociaux. Le Gouvernement restera décisionnaire.

Dans un esprit de clarification, chacun pourra accéder à un compte personnalisé en ligne l'informant sur ses droits à la retraite. Il simplifiera la liquidation des pensions et leur paiement.

Ce projet de loi a été adopté hier à l'Assemblée nationale. Il sera examiné en séance publique au Sénat le 28 octobre. Il s'agit d'un débat important pour notre pays et l'avenir de nos retraites.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'Assemblée nationale a voté un article 33 bis qui modifie profondément le droit de l'affiliation aux régimes complémentaires des salariés (Arrco) et des cadres (Agirc) du privé comme du public (Ircantec). Désormais l'affiliation ne dépendra plus du statut de l'établissement mais de la nature du contrat de travail. En particulier, les contractuels de droit privé qui travaillent dans des établissements publics seront affiliés à l'Agirc ou l'Arrco et non plus à l'Ircantec, qui restera le régime des contractuels de droit public. Quel sera le régime des salariés de droit privé en contrat à durée déterminée dans un établissement public qui verront leur contrat renouvelé ?

Les aidants qui auront accompagné successivement un enfant puis un adulte handicapés pourront-ils bénéficier d'un cumul de majorations d'assurance ?

Les petites retraites ne seront pas concernées par le report de la date de revalorisation des pensions. Mais à quel niveau sera fixé le seuil ? Au minimum vieillesse ? Au seuil de pauvreté ?

Enfin en matière d'information des retraités, le travail réalisé par le GIP Info-retraite, appuyé sur la Cnav et l'Agirc et l'Arrco, est largement reconnu. La création d'un nouveau GIP marque une étape supplémentaire. Comment s'effectuera la transition ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes . - Le projet de loi prévoit qu'un rapport sera remis dans les six mois suivant la promulgation de la loi sur la majoration de 10 % pour les familles ayant élevé trois enfants ou plus. La réforme des droits familiaux se voit ainsi repoussée à 2020. Pourtant ce système est défaillant et choquant. En effet, la majoration de retraite de 10 % bénéficie davantage aux hommes car elle est proportionnelle à la pension. Or, non seulement les salaires des hommes sont plus élevés, mais souvent la femme, qui a dû interrompre sa carrière pour s'occuper des enfants, ne bénéficie pas d'une retraite à taux plein. A budget constant, ne peut-on envisager que, si la mère n'a pas pu effectuer une carrière complète, elle puisse cumuler les deux majorations ?

Depuis 2010, en cas de naissance d'un enfant, la mère bénéficie d'une majoration d'assurance de quatre trimestres, tandis qu'une majoration de quatre trimestres est ouverte aux parents qui doivent décider de son partage avant que l'enfant n'ait quatre ans. Les parents sont-ils bien informés de leurs droits ? De même, les femmes qui signent un contrat à temps partiel sont-elles suffisamment informées par leurs employeurs des conséquences sur leurs retraites ?

Dans le décret qui dresse la liste des critères de pénibilité, après consultation des partenaires sociaux, certains critères de pénibilité spécifiques aux femmes ne sont pas pris en compte. Les syndicats ne sont pas toujours sensibles à cette problématique. Si le travail de nuit, le travail posté ou le travail répétitif sont reconnus comme pénibles, le travail à temps partiel, qui s'accompagne d'une forte amplitude horaire et accroît fortement les temps de trajet, ne figure pas dans la liste. Il faut reconnaître la spécificité du temps de travail subi et contribuer à rendre visible l'invisible, les inégalités dont les femmes sont l'objet.

Mme Marisol Touraine, ministre . - L'article 33 bis résulte d'un amendement du Gouvernement. Il redéfinit les règles d'affiliation aux régimes complémentaires car le précédent dispositif était fragile d'un point de vue juridique. Nous avions saisi le Conseil d'Etat qui, dans son avis, a considéré que l'affiliation devait dépendre du régime juridique prévu par le contrat de travail et non de la nature de l'employeur. Ce même principe a d'ailleurs prévalu pour l'application du compte de prévention de la pénibilité. L'article 33 bis organise une période de transition. Les affiliés actuels ne seront pas concernés. Pendant la période de transition, les salariés continueront à cotiser à leur régime actuel. Ensuite les salariés feront l'objet d'une réaffectation automatique dans le régime correspondant à leur statut.

Je confirme que les aidants pourront cumuler la majoration éventuelle d'assurance pour charge d'enfant handicapé et celle liée à l'accompagnement d'un adulte handicapé, créée par la loi.

Pour les petites pensions, le débat a été difficile. Nous avons choisi le minimum vieillesse, soit 787 euros par mois. Il était problématique de retenir un seuil de revenu plus élevé car le seuil retenu devait être identifiable juridiquement. Fixer un seuil en fonction de l'assujettissement ou non à la CSG risquait d'être déclaré inconstitutionnel car la CSG prend en compte les revenus du couple, alors que la pension de retraite est calculée en fonction de droits accumulés pendant la vie professionnelle. En outre, des retraités qui perçoivent une pension d'un même montant au titre du régime général ne sont pas nécessairement dans la même situation, certains pouvant percevoir, en outre, une retraite complémentaire, ou plusieurs pensions versées par un autre régime.

Un nouveau GIP sera créé en juillet 2014 qui absorbera le GIP Info-retraite. D'ici-là, une mission de préfiguration sera mise en place pour réaliser le basculement vers le nouveau dispositif qui reprendra les missions du GIP Info-retraite dans un cadre élargi.

Madame Rossignol, 70 % des sommes versées au titre des majorations de retraite sont perçues par des hommes car elles sont proportionnelles à la pension, qui dépend du salaire. Or le salaire des hommes est supérieur en moyenne à celui des femmes. Le rapport Moreau préconisait une réorientation des aides vers les seules femmes. Une autre solution consisterait en un mécanisme forfaitaire. Aucune solution ne semble satisfaisante. Un rapport nous sera rendu dans les six mois suivant la promulgation de la loi afin de définir une réforme applicable en 2020, au moment où la durée de cotisation commencera à augmenter : il ne faut pas fausser les calculs de ceux qui ont prévu de partir en retraite. Il faut aussi être prudent : tout dispositif spécifique aux femmes doit respecter le droit européen qui n'autorise pas les différences de traitement entre les sexes. Enfin, si l'on souhaite accorder les majorations dès le premier enfant et leur donner un caractère forfaitaire, leur montant sera relativement minime.

L'Assemblée nationale a prévu la remise d'un rapport qui étudiera l'actualisation des critères de pénibilité et se concentrera sur la pénibilité des métiers féminins.

Aucun parent n'a encore été lésé par un éventuel manque d'information éventuel sur le partage des quatre trimestres de majoration d'assurance entre les conjoints. Comme la réforme date de 2010 et que les parents doivent décider avant le quatrième anniversaire de leur enfant, la mesure ne sera effective qu'en 2014. Il appartiendra aux différents régimes d'informer les parents.

M. Ronan Kerdraon . - Cette réforme est nécessaire, la réforme de 2010 ayant échoué. Je salue le courage du Gouvernement engagé dans la voie d'une réforme soutenable et durable. Avec MM. Martial Bourquin et Alain Néri, nous avions rencontré le cabinet du Premier ministre au sujet de l'allocation équivalent retraite. Le Premier ministre a annoncé en janvier son rétablissement partiel sous forme d'une allocation transitoire. Or certains bénéficiaires potentiels nés en 1952 ou 1953 ne peuvent y avoir accès ; que comptez-vous faire en leur faveur ?

Comment les stages des étudiants seront-ils pris en compte ?

Enfin, je regrette qu'il ne soit pas possible de relever le seuil en deçà duquel les pensions seront exemptées du décalage de revalorisation.

M. Dominique Watrin . - Mon propos sera d'une tout autre tonalité ! Sans doute mon postulat de départ est-il différent : si l'hypothèse de base est que deux tiers des gains d'espérance de vie doivent être consacrés au travail et un tiers aux retraites, alors il est logique d'augmenter les cotisations et de repousser, de fait, l'âge effectif de départ à la retraite à taux plein à soixante-six ans. Mais nombreux seront ceux évincés du marché du travail avant et dont la retraite sera encore amoindrie en raison des décotes. De plus, rien ne prouve que l'espérance de vie continuera à augmenter : avec la crise, l'espérance de vie en bonne santé a commencé à régresser. Quel projet de vie souhaitons-nous pour les plus de soixante ans ? Tel est le débat. La retraite peut être l'occasion d'un nouveau départ, d'exercer des activités utiles à la communauté ; les retraités ne représentent pas seulement une charge pour la société.

Les régimes sont en déficit. Mais en mettant l'accent sur le ratio entre actifs et retraités, vous oubliez les gains de productivité. Réglons plutôt la question de l'emploi : 100 000 emplois créés, c'est 1,3 milliard de cotisations en plus. Il faut aussi améliorer la répartition des richesses.

Les quelque avancées de ce texte ne modifient pas les lignes directrices du projet, ni l'effet des mesures de consolidation. Enfin, il faut aussi entendre la déception des jeunes. Le dispositif de rachat des années d'études n'est pas satisfaisant.

Mme Gisèle Printz . - La grossesse est-elle prise en compte dans l'appréciation de pénibilité ?

Mme Claire-Lise Campion . - Ce texte comprend des mesures très positives à l'attention des aidants pour les aider à compenser les périodes d'inactivité. L'article 23 remplace ainsi les deux critères permettant aux travailleurs handicapés de bénéficier d'une retraite anticipée - le taux d'incapacité de 80 % et la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) -, par un critère unique, un taux d'incapacité à 50 %. De plus, la suppression de la RQTH est retardée au 31 décembre 2015 pour ne pas léser ceux qui ont entamé des démarches pour partir en retraite.

Qu'en est-il de ceux qui ont oublié de demander l'attribution d'un taux d'incapacité en temps utile et ne peuvent plus ensuite fournir la preuve d'un taux d'incapacité de 50 % ? D'autres modalités de preuve de ce taux d'incapacité sont-elles envisageables ?

Les personnes souffrant d'un handicap lourd apparu tardivement ou d'un handicap évolutif avec l'âge sont pénalisées, car elles ne satisfont pas aux règles concernant la durée de cotisation pour bénéficier de la retraite anticipée des travailleurs handicapés. Leur situation doit être prise en compte. Ainsi une personne frappée de cécité à quarante ans ne peut ni faire valoir ses droits acquis auparavant, ni être en mesure de prouver son taux d'incapacité à 50 % pendant la durée requise.

Mme Marisol Touraine, ministre . - M. Kerdraon m'a interrogé sur le cas de personnes qui ne perçoivent pas l'allocation transitoire de solidarité (ATS). L'Assemblée nationale a prévu qu'un rapport serait remis trois mois après la promulgation de la loi pour identifier le nombre de personnes concernées et les raisons pour lesquelles l'ATS n'est pas versée. Nous proposerons alors des solutions.

Oui, monsieur Watrin, nos approches sont différentes : l'intégralité du temps de vie gagné ne peut pas être intégralement dédiée à la retraite. Compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie, un jeune de vingt-cinq ans qui accomplira quarante-trois annuités vivra deux ans de plus à la retraite que celui qui partira à la retraite en 2014. Malgré l'accroissement de la durée de cotisation, l'allongement de l'espérance de vie est tel qu'il pourra bénéficier plus longtemps de sa retraite que ses grands-parents. Si dans dix ou vingt ans, l'allongement de l'espérance de vie ralentit ou s'interrompt, nos successeurs aviseront mais aujourd'hui, il est considérable : il se monte à un an tous les dix ans pour les plus de soixante ans et, à la naissance, à deux ans et demi tous les dix ans. Pour l'espérance de vie en bonne santé, il existe diverses études, et Serge Volkoff, démographe reconnu, estime qu'elle se stabilise. Tout dépend en réalité des métiers, des situations et de l'âge.

Nous prenons en compte les gains de productivité, monsieur Watrin, contrairement à ce que vous dites, mais ils ne permettent pas de compenser la dégradation du ratio démographique. Il est vrai qu'avec un taux de chômage moins élevé, il y aurait moins de chemin à parcourir...

Ce n'est pas en répétant à l'Assemblée et au Sénat que j'ai confirmé la retraite à soixante-six ans que cela deviendra vrai ! Je n'ai jamais dit cela. La règle, c'est quarante-trois annuités de cotisations, une durée modulée en fonction des parcours professionnels. Parmi les jeunes qui arrivent sur le marché du travail, les uns feront quarante-trois ans, mais d'autres, en raison de la pénibilité de leur travail, pourront partir jusqu'à deux ans plus tôt. De plus, la prise en compte du temps partiel fera gagner en moyenne cinq trimestres de validation à 15 % des assurés.

Non, la grossesse n'est pas une pénibilité, madame Printz. Cette période particulière de la vie, qui peut entraîner des aménagements de la vie professionnelle, ne fait pas partie des dix critères extérieurs de la pénibilité.

Mme Campion m'a interrogée sur le handicap. Une partie du rapport sur le travail et le handicap concernera la survenance d'un handicap en cours de carrière professionnelle. Un décret précisera les conditions du taux d'incapacité à 50 %.

Les périodes de stage ne seront pas banalisées, monsieur Kerdraon : il ne s'agit pas d'un travail normal. Aussi, avons-nous écarté l'idée d'une cotisation sur les 436 euros de l'indemnité de stage. Il n'y aura pas non plus de validation gratuite, monsieur Watrin, puisque des jeunes, au même âge, travaillent et cotisent. Nous proposons que les jeunes ayant effectué des stages puissent valider jusqu'à deux trimestres en versant 12,5 euros par mois sur deux ans ou 25 euros pendant un an. Les étudiants, quant à eux, pourront racheter jusqu'à quatre trimestres d'études. Au total, les deux mécanismes, qui sont différents, seront plafonnés à quatre trimestres. Avec l'aide de 1 000 euros, il en coûtera 650 euros à un jeune qui perçoit une rémunération de 1 250 euros pour racheter un trimestre.

Mme Laurence Rossignol . - Je voudrais revenir sur les 10 % de majoration en faveur des pères.

Mme Marisol Touraine, ministre . - Des parents !

Mme Laurence Rossignol .  - Des parents... y compris les pères. Prenons un couple dont le mari perçoit 1 600 euros de pension et la mère 932 euros, soit les moyennes actuelles. Le total des majorations sera de 253 euros, dont 160 euros pour le père et 93 euros pour la mère. Il serait plus juste que ces 253 euros soient versés à la mère, à condition, bien sûr, qu'elle ne touche pas une pension à taux plein. Cela ne changerait rien à l'équilibre des régimes de retraite, ni d'ailleurs à la situation des couples qui font budget commun. En revanche, cela profiterait à la femme si le couple est séparé.

Mme Marisol Touraine, ministre . - Il y a des couples qui se séparent.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure pour avis .  - J'ai bien entendu vos arguments, madame la ministre, mais pourquoi attendre 2020 pour réparer cette injustice ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - Nous ne pouvons dire aux hommes et aux femmes qui vont partir à la retraite dans les prochaines années que les règles du jeu ont changé et qu'ils vont toucher moins. Ensuite, comme je l'ai indiqué, il n'est pas possible d'établir des critères différents pour les hommes et les femmes, sauf à les relier à la maternité, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. Vous proposez que la majoration aille intégralement à la femme si elle n'a pas fait de carrière complète. Mais si elle en a fait une et pas son mari, ce dernier touchera-t-il l'intégralité de la majoration ? Qu'en sera-t-il si ni l'homme ni la femme n'ont fait de carrière complète ? Que faire aussi du cas des femmes qui tout en ayant accompli une carrière complète, auront choisi un métier moins prenant ou travaillé à temps partiel pour mieux s'occuper de leurs enfants ?

Le critère de carrière complète ne semble pas répondre à vos préoccupations. A quelles conditions juridiques réserver les avantages familiaux aux femmes ? En outre, voulons-nous favoriser les familles de trois enfants et plus, ou les familles dès le premier enfant ? La solution réside sans doute dans une aide forfaitaire par enfant, mais quel en serait le montant si l'on raisonne à enveloppe constante ?

Mme Catherine Procaccia . - Nous avons déjà eu ce débat : il est juridiquement impossible de ne verser la majoration pour enfants qu'aux femmes. La solution qui avait été trouvée à l'époque consistait à attribuer aux femmes quatre trimestres pour cause de maternité, les parents se répartissant les quatre autres trimestres. Nous avions prévu une information spécifique des parents en 2014.

Mme Gisèle Printz . - En cas de divorce, la majoration de 10 % est-elle versée à la femme qui a la garde des enfants ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - Normalement, il n'y a plus de garde d'enfants lorsque la femme fait valoir ses droits à la retraite. Si un couple a trois enfants, la majoration est versée à la mère et au père. Quand le couple est séparé et que l'un reste avec deux enfants et en a un troisième, alors, lui seul aura droit à la majoration. Il n'y a pas de choix - celui-ci n'existe que pour la majoration de la durée d'assurances.

Mme Annie David, présidente . - Je vous remercie, madame la ministre.

II. AUDITIONS

Audition de Mme Yannick MOREAU, présidente de la commission pour l'avenir des retraites

Réunie le mercredi 3 juillet 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission entend Mme Yannick Moreau, présidente de la commission pour l'avenir des retraites.

Mme Annie David, présidente . - Je remercie Mme Yannick Moreau d'avoir bien voulu venir devant notre commission évoquer avec nous la situation et les perspectives des régimes de retraite.

Mme Moreau, vous avez présidé la commission pour l'avenir des retraites qui a été mise en place à la demande du Premier ministre à la fin du mois de février dernier et qui a rendu ses travaux trois mois et demi plus tard, le 14 juin.

Je précise que vous aviez présidé le Conseil d'orientation des retraites (COR) de 2000 à 2006 et qu'étaient réunis autour de vous, au sein de la commission pour l'avenir des retraites, neuf autres personnalités désignées par le Premier ministre. Vous êtes accompagnée de M. Philippe Laffon, rapporteur général de la commission.

Le Gouvernement a indiqué son intention de présenter mi-septembre son projet de loi portant réforme des retraites et on évoque pour ce texte un calendrier d'examen parlementaire particulièrement serré, avec une première lecture à l'Assemblée nationale début octobre puis au Sénat dans la foulée, avant l'examen du PLFSS mi-novembre.

Le rapport de la commission pour l'avenir des retraites fait suite à de nombreux travaux du COR. Il comporte une analyse des perspectives financières, mais également des principales caractéristiques de nos régimes de retraite et des conséquences qui en découlent sur les situations individuelles, dans leur grande variété.

Le rapport dresse également une liste de mesures envisageables aux yeux de la commission, sans nécessairement trancher parmi elles. Les décisions finales relèveront bien sûr du Gouvernement et du Parlement.

Pourriez-vous nous présenter les principales conclusions auxquelles vous avez abouti et les axes qui vous paraissent devoir être privilégiés ?

Vous avez participé les 20 et 21 juin derniers à la table ronde consacrée aux retraites présidée par Marisol Touraine lors de la Grande conférence sociale. Nous souhaiterions connaître vos impressions à l'issue du débat qui s'est engagé, à cette occasion, entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.

Je vous passe la parole pour un exposé introductif.

Mme Yannick Moreau, présidente de la commission pour l'avenir des retraites . - Le rapport de la commission pour l'avenir des retraites s'appuie sur les nombreux travaux qui l'ont précédé, en particulier ceux du COR, dont il a notamment repris à son compte les projections financières. Je souhaiterais donc commencer par vous rappeler les principaux constats que nous avons effectués avant d'en venir aux pistes de réforme que nous avons formulées.

La situation démographique de notre pays constitue le premier point que la commission a considéré comme central pour mener à bien sa réflexion. Le défi est double. D'une part, les générations du baby-boom arrivent à l'âge de la retraite. D'autre part, la durée de la vie s'allonge. La conjugaison de ces deux facteurs engendre une baisse tendancielle du nombre d'actifs cotisants par rapport au nombre de retraités. A son maximum, ce ratio démographique était de quatre cotisants pour un retraité tandis qu'il est d'un peu moins de trois cotisants pour un retraité aujourd'hui. A l'horizon 2035, il se stabilisera autour de 1,5 cotisant pour un retraité. La baisse est donc rapide et nous avons devant nous vingt-deux années difficiles pour s'adapter au nouveau cours démographique. Mais il ne faut surtout pas faire croire aux jeunes générations que la situation est sans espoir.

Deuxième constat : la succession des réformes (1993, 2003, 2008 et 2010) à un rythme accéléré a produit des effets anxiogènes mais, bien que l'équilibre financier n'ait pas été atteint, on ne peut laisser croire qu'elles n'ont servi à rien. En effet, si elles n'avaient pas été réalisées, nous aurions 3,5 points de PIB de retraites de plus à financer aujourd'hui et, toutes choses égales par ailleurs, plus de 6 points de PIB de retraites supplémentaires à financer en 2035.

Les projections financières montrent que notre système de retraite évoluera selon deux phases distinctes. D'ici à 2020, un déséquilibre relativement grave prédominera. Il appelle des mesures rapides. Son ampleur s'explique par les deux crises économiques et financières successives que nous avons traversées et dont les effets n'ont pu suffisamment être compensés par les mesures adoptées dans le cadre de la réforme de 2010. En revanche, en prenant pour acquis que l'équilibre sera retrouvé en 2020, l'équilibre durable est possible à moyen-long terme pour l'ensemble du système à la condition, conformément au scénario B du COR, que la croissance annuelle de la productivité du travail soit d'au moins 1,5 %.

Il convient toutefois de garder à l'esprit que notre système de retraite est extrêmement sensible à la croissance. En effet, le mode de calcul des pensions dans le régime général, qui est le régime de retraite le plus important du point de vue de la masse des prestations servies, se base depuis 1993 sur une indexation sur les prix et non plus sur les salaires, tant des salaires portés au compte que des pensions. Par conséquent, le rythme de croissance des ressources est proche de celui de la croissance économique, tandis que les pensions ne suivent cette évolution que de manière plus diffuse et avec un effet différé. S'il contribue au financement du baby-boom, ce différentiel de croissance engendre une baisse certaine des taux de remplacement au cours du temps. Tant que les cotisations augmentent au rythme de la croissance des salaires, le système peut s'équilibrer. Mais en-deçà de ce niveau, les déficits se creusent.

Or, le troisième constat, particulièrement sensible, est celui de l'incertitude et de l'instabilité économiques, personne n'étant en mesure de garantir une croissance de la productivité des salaires de 1,5 point comme cela est prévu dans le scénario B du COR. La question est la suivante : comment faire face à la nouvelle donne démographique dans une situation économique incertaine et un système de retraite qui ne peut se maintenir à l'équilibre qu'à la condition d'un certain niveau de croissance ?

Parallèlement, la lisibilité et l'équité du système de retraite font l'objet de demandes multiples. Nous pensons que l'urgence principale n'est pas de procéder à une réforme systémique mais d'assurer la stabilisation financière, laquelle ne dépend pas d'un changement de système. Par exemple, il n'est pas nécessaire de passer à un régime par points pour piloter les régimes de retraite.

Quant à l'emploi des seniors, il a nettement progressé, même dans une période d'accroissement du chômage. Dans le même temps, la question de la pénibilité reste posée malgré la réforme de 2010.

En résumé, les trois enjeux qui se posent pour l'avenir sont d'assurer l'équilibre et la pérennité financière du système, de garantir son équité et d'agir sur emploi des seniors et la pénibilité.

S'agissant de l'équilibre financier à court terme, les prévisions établies par le COR en 2011 indiquent un besoin de financement de 20 milliards d'euros en 2020 pour l'ensemble des régimes de retraite. Dans les faits, ces 20 milliards d'euros se décomposent en trois grandes masses.

La première d'entre elles concerne les régimes complémentaires des salariés. Leur besoin de financement, estimé à 8,3 milliards d'euros à l'horizon 2020, sera réduit de plus de la moitié grâce aux mesures qu'ils ont adoptées au printemps dernier. Il reviendra aux partenaires sociaux de définir les autres mesures qui permettront de faire la seconde moitié du chemin.

La seconde masse concerne le régime de la fonction publique d'Etat, les régimes spéciaux et ceux qui sont équilibrés par des subventions de l'Etat. Les prévisions du COR prévoyaient un besoin de financement de 8,6 milliards d'euros en 2020. Dans l'intervalle, l'Etat a prévu de dégager 4,5 milliards au cours des budgets successifs. Il reste donc à trouver des ressources complémentaires qui pourront provenir de la transposition des mesures adoptées pour le régime général et les régimes alignés dans le cadre de la prochaine réforme ou bien de la contribution de l'Etat.

A cet égard, je rappelle que les déséquilibres démographiques des régimes n'atteignent pas tous leur pic au même moment. S'agissant de la fonction publique d'Etat, le déséquilibre démographique est aujourd'hui quasiment maximal car les personnes entrées dans la fonction publique au cours de la période de recrutements massifs sont en train de partir en retraite. En revanche, pour le régime général et les régimes alignés, les ratios démographiques vont se dégrader au cours du temps et la situation démographique est plutôt meilleure aujourd'hui. Au total, les besoins de financement qui seront nécessaires en 2020 pourront se révéler très importants si la croissance de la productivité des salaires n'était pas assez forte.

Avec un besoin de financement de 7 milliards d'euros en 2020, le régime général et les régimes alignés représentent justement la troisième masse financière, celle qui sera concernée au premier chef par la réforme.

A cet égard, la partie de notre rapport consacrée aux mesures qui pourraient être mises en oeuvre ne se veut pas prescriptive. Nous proposons deux scénarios qui se distinguent par la manière de répartir les efforts entre actifs et retraités. Le choix final appartiendra bien sûr aux partenaires sociaux et aux responsables politiques.

Parmi l'ensemble des mesures proposées, je remarque que, par rapport aux recettes nouvelles, ce sont les économies sur les dépenses qui sont les moins populaires auprès des partenaires sociaux.

S'agissant des retraités, nous pouvons prévoir des mesures de sous-indexation des pensions auxquelles échapperaient les plus petites retraites. Aujourd'hui, pour les jeunes retraités, les niveaux de pension sont assez bons. En d'autres termes, le taux de remplacement est historiquement haut. Ce niveau moyen cache cependant des disparités : les retraités les plus anciens, dont les pensions ont été calculées selon des modalités moins favorables, avec une longue période d'indexation sur les prix, ont un taux de remplacement plutôt moins élevé. De même, les pensions de retraite des femmes continuent de se caractériser par un niveau plus faible que la moyenne.

Nous pouvons également réviser les niches fiscales. Il s'agirait de remettre en cause en tout ou partie l'abattement fiscal de 10 % sur les pensions, de fiscaliser les majorations de pension pour enfants ou bien de procéder à une hausse ciblée des taux de CSG.

S'agissant des mesures de recettes, il peut être envisagé de procéder à une hausse de cotisations sociales - sachant qu'une hausse annuelle de 0,1 point a déjà un impact important - à une sous-indexation des salaires portés au compte pendant deux ou trois ans ou encore à une accélération de la montée en charge de l'augmentation de la durée de cotisation prévue par la réforme de 2003, voire à un recul de l'âge légal de départ en retraite.

Cependant, d'ici 2020, les mesures portant sur la durée d'assurance ou l'âge de départ ne rapporteraient pas beaucoup de recettes nouvelles car il ne pourrait s'agir que d'accélérer le calendrier de montée en charge de la réforme de 2003 tel qu'il est prévu par décret jusqu'en 2017, ce qui paraît difficilement envisageable. De plus, un passage de la durée de cotisation à quarante-trois ans dès 2020 ne rapporterait que 600 millions d'euros, une somme non négligeable mais qui ne permettrait pas à elle seule de rétablir l'équilibre financier du système.

J'ai néanmoins toujours considéré que la durée de la vie active allait devoir s'allonger compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie. A moyen-long terme, il ne fait d'ailleurs pas de doute qu'il faudra augmenter la durée ou l'âge, quel que soit le scénario retenu. Cependant, en France, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays comme l'Allemagne par exemple, une augmentation drastique de l'âge ou la durée ne sera pas nécessairement bénéfique aux comptes sociaux en raison du niveau de chômage élevé. C'est pourquoi, la commission a indiqué qu'elle n'était pas favorable à des mesures d'âge à court terme. Quoi qu'il en soit, nous privilégierions un peu plus les mesures portant sur la durée par rapport à celles portant sur l'âge car nous considérons que les premières permettent de mieux prendre en compte les différentes catégories d'assurés.

De surcroît, nous estimons qu'il faut être cohérent avec les autres dispositifs économiques mis en oeuvre par ailleurs comme par exemple le crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) qu'il ne faudrait pas contrecarrer par un alourdissement des charges.

S'agissant de la trajectoire de long terme, la commission a considéré que la crédibilité de ses propositions serait nulle si elle se basait sur un scénario donné, trop tributaire de l'environnement macro-économique. Elle a plutôt cherché à répondre à ce contexte porteur d'incertitudes en proposant deux types de mesures.

En premier lieu, ainsi que cela a été dit, dans une perspective de moyen-long terme, il pourrait s'agir de mesures portant sur l'âge de départ en retraite ou sur la durée d'assurance. A cet égard, la commission a considéré qu'il était raisonnable, dans un pays où la hausse de l'espérance de vie augmente et quel que soit le rythme de la croissance, de continuer à augmenter l'âge ou la durée après 2020. Même si nous nous situions dans le cadre du scénario B, cette augmentation pourrait suivre jusqu'en 2040, voire 2060, le rythme de la montée en charge aujourd'hui prévue par la réforme de 2003, soit un partage de l'espérance de vie à hauteur de deux tiers pour l'activité et un tiers pour la retraite. Mais nous pouvons également agir sur le niveau des retraites et le taux de remplacement. Je rappelle que nous partons aujourd'hui d'un bon niveau de retraite global (quatorze points de PIB).

En second lieu, des mesures de pilotage pourraient être mises en oeuvre. Dans le cadre du scénario B, nous sommes à l'équilibre mais le taux de remplacement connaît une baisse de l'ordre de dix à quinze points. Cette baisse ne s'est pas encore pleinement manifestée dans les régimes de retraite privés. On l'observe quelque peu pour les pensions des hommes au régime général mais elle est surcompensée par une hausse du taux de remplacement dans les régimes complémentaires. Je rappelle que la généralisation du taux de cotisation sociale maximum de 6 % dans le champ des retraites complémentaires date de 1999. Pour l'instant, l'effet de cette montée en charge est plus puissant que les baisses de rendement qui ont pu être décidées à d'autres moments. Mais l'incidence de ces baisses de rendement se fera sentir à compter de 2018. Leurs conséquences sur le taux de remplacement seront d'autant plus fortes que la croissance est élevée.

Comment faire pour assurer la pérennité financière dans les deux autres scénarios ? Nous proposons de mettre en place un pilotage annuel non automatique. Comme je l'ai indiqué précédemment, si la croissance de la productivité s'élève à au moins 1,5 %, l'équilibre financier est assuré. En-dessous de ce niveau, nous risquons de tirer périodiquement la sonnette d'alarme, ainsi que cela a été fait environ tous les cinq ans au cours des dernières décennies.

S'agissant des salaires portés au compte, nous considérons qu'il faudrait partir de l'indexation sur les salaires sur la base d'une moyenne sur plusieurs années. Ce mode de calcul reflète beaucoup mieux l'évolution de la situation économique. Mais au lieu de partir d'une indexation fixe sur les prix comme en 1993, nous proposons une indexation qui parte des salaires réels moins 1,5 % ou 1,3 %, afin d'absorber automatiquement les variations économiques.

Si les effets de l'indexation des salaires portés au compte sont beaucoup moins violents que les effets de l'indexation des pensions elles-mêmes, le nouveau mode d'indexation proposé peut apparaître assez brutal et il ne serait pas acceptable en l'état dans un pays comme le nôtre. En effet, il fait peser tout l'effort sur les futures générations de retraités et son automaticité fait peu de cas de la forte culture politique qui caractérise la France.

C'est la raison pour laquelle nous proposons que le mécanisme soit semi-automatique : nous partirions d'un calcul réalisé par un comité d'experts selon les modalités fixées dans la loi. Cet indicateur financier serait ensuite mis en regard d'indicateurs sociaux comme le niveau du taux de remplacement à la liquidation ou encore le niveau moyen des pensions de retraite par rapport aux revenus moyens.

L'Allemagne a adopté un système similaire à celui-ci. Elle dispose en effet d'un coefficient économique et d'un coefficient démographique pour ses salaires portés au compte et pour ses retraites, et assure parallèlement un suivi des taux de remplacement.

En France, l'indicateur financier établi par le groupe d'experts pourrait être présenté à une instance de débat comme le COR, ce qui permettra une sorte d'authentification des chiffres dans le cadre d'un diagnostic partagé. La décision finale appartiendrait, après consultation des partenaires sociaux, au Gouvernement et au Parlement. Elle serait prise dans la loi de financement de la sécurité sociale et consisterait soit à retenir le mode de référence prévu dans la loi, soit à faire des mesures d'effet équivalent, quelles qu'elles soient.

Cette piste d'un pilotage a été progressivement approfondie par le COR ; elle permettrait d'éviter les crispations sociales graves qui touchent périodiquement notre pays à l'occasion des réformes qui se succèdent.

Faut-il transformer notre système ? Sur ce point, nous avons voulu relativiser le débat un peu caricatural sur les intérêts respectifs des régimes par répartition, des régimes en comptes notionnels, des régimes par points et des régimes en annuités. Ces différentes techniques permettent d'atteindre à peu près les mêmes objectifs : elles permettent toutes de moduler les taux de remplacement par exemple. Or ce sont justement les objectifs assignés au régime de retraite qui importent. Il est vrai que la difficulté de piloter le système de retraite est accrue par l'existence d'une multiplicité de régimes. Mais le système de pilotage que nous préconisons est sans incidence sur la question de savoir s'il faut conduire ou non une réforme systémique.

Il n'est pas opportun d'opposer trop frontalement réforme paramétrique et réforme systémique. L'idée qu'il y aurait de « vraies réformes », comme celle du pilotage ou un rapprochement des régimes, par opposition à de « fausses réformes », est trop simplificatrice. Garantir la pérennité de notre système de retraite, premier volet de notre rapport, est indispensable pour mettre en oeuvre les deux autres priorités que celui-ci identifie.

Quelles sont-elles ? Tout d'abord l'équité. Nous avons proposé des mesures qui apparaissent indispensable pour remédier à des situations particulières peu équitables, comme celles des polypensionnés ou des apprentis. Un autre point a également fait l'objet d'importants débats : les différences entre régimes privés et publics ainsi que les régimes spéciaux. Ces derniers ont déjà fait l'objet de deux réformes, en 2003 puis en 2008. Nous allons vers l'égalité de la durée de cotisation, la généralisation de la décote et de la surcote et l'égalité de l'effort de cotisation. La possibilité offerte, pour les catégories actives et certains régimes spéciaux, de partir à la retraite de manière précoce, ce qui choque nos concitoyens, est de plus en plus théorique. L'allongement de la durée de cotisation et la décote aboutissent en effet à un amenuisement sensible de la pension de retraite dans ce cas. Il faut trop souvent le rappeler aux acteurs politiques qui, pourtant, ont conduit ces réformes difficiles mais semblent les avoir oubliées. Les réformes, si elles ne sont pas totalement faites, le sont donc très largement.

Un malentendu très important persiste avec les Français, alimenté par certains : c'est celui du mode de calcul des pensions. Il n'est pas le même entre les régimes et paraît a priori beaucoup plus favorable dans le public, où la règle est celle des 75 % du salaire des six derniers mois, que dans le privé, où le calcul est fait sur la base de 50 % du salaire des vingt-cinq dernières années, avec une indexation sur les prix. La comparaison des taux de remplacement ne confirme pas cette première impression : ils sont similaires et augmentent dans le privé alors qu'ils diminuent pour les fonctionnaires. Cette baisse s'explique par le gel du point d'indice de la fonction publique et la hausse constante de la part des primes dans la rémunération des fonctionnaires, liée notamment à l'augmentation de la part d'emplois qualifiés. Peut-on dire d'un régime où le taux de remplacement baisse sans que les intéressés ne s'en rendent compte qu'il est bien piloté ? Je ne le crois pas, car il ne produit pas de consensus.

Nous proposons de rapprocher autant que possible les modes de calcul entre la fonction publique et le régime général, dans la mesure où c'est techniquement réalisable, car il y a parfois trop de disparités entre les modes de rémunération. Il est possible d'aboutir à des règles qui ne désavantagent pas les fonctionnaires, y compris les enseignants qui ne touchent pas de primes. Cela permettrait en outre d'intégrer le public au système de pilotage proposé pour le régime général et les régimes alignés. Alors que la population ne comprend pas le mode de calcul retenu dans la fonction publique, il ne serait pas acceptable de laisser ce régime à l'écart de la réforme du pilotage. Notre rapport prône donc une mesure de double lisibilité, que le Gouvernement est libre de reprendre, selon la conjoncture sociale. C'est en effet une question très délicate aux yeux des syndicats de fonctionnaires, car elle est étrangère au système tel qu'il existe à l'heure actuelle. Quelles qu'en soient les suites, je ne regrette absolument pas de l'avoir posée.

Les mesures de la loi de 2010 concernant la pénibilité ont été critiquées car elles reposaient sur l'incapacité de l'intéressé lors du départ en retraite. Or des situations de baisse d'espérance de vie liées uniquement à l'activité professionnelle ont été établies par de nombreuses études sans pour autant qu'elles puissent être médicalement constatées lorsque les intéressés font valoir leurs droits à la retraite. Nous proposons donc que les salariés en situation de pénibilité se voient attribuer des points alimentant un compte ouvrant droit à une formation professionnelle, à un emploi à temps partiel en fin de carrière ou à un départ à la retraite précoce. L'accent doit être mis sur la formation professionnelle et la reconversion en cours de carrière : l'objectif n'est pas de pousser les salariés à poursuivre une activité pénible pour partir plus tôt à la retraite.

M. René-Paul Savary . - Il y a bien deux facteurs importants : la démographie et l'incertitude économique, les retraites étant liées à la croissance. Je n'ai toutefois pas l'impression que vos propositions soient suffisantes pour atténuer ce lien ou corriger les difficultés rencontrées. Vous nous avez également confirmé que plus une personne part tôt à la retraite, plus le niveau relatif de sa pension se dégrade avec les années. Ce n'est donc pas lui rendre un service que de favoriser les départs précoces. Plutôt que d'allonger la durée de cotisation, avez-vous réfléchi à une augmentation de la durée de travail hebdomadaire ?

L'âge de la retraite est très théorique, car nombreux sont ceux qui, lorsqu'ils l'atteignent, n'ont pas cotisé suffisamment longtemps. Ne faudrait-il pas généraliser la décote et la surcote à tous les régimes spéciaux ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je me réjouis que ce rapport contribue au débat souhaité en 2013 lors de l'examen de la réforme de 2010. Il ne peut pas en être l'unique manifestation, contrairement aux propos que Marisol Touraine a tenus au Sénat récemment. J'espère donc que ce débat va se poursuivre avec les Français. Vos travaux font des propositions et nous disposons désormais de tous les éléments du puzzle que nous devons assembler pour parvenir à l'équilibre financier.

Je n'ai pas apprécié la façon dont vous avez traité la réforme systémique dans une réponse donnée à un journaliste du Monde, en estimant qu'elle ne correspond pas à la demande des Français et que ceux-ci n'en saisissent pas le sens. Je peux vous dire que les Français ont une exigence forte de justice, de transparence et d'équité concernant le système de retraite. On ne peut pas le nier. La question de l'équilibre financier est très importante.

J'avais participé en 2010, notamment avec Christiane Demontès, aux travaux de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) sur les retraites. Outre certaines des recommandations que vous formulez, celle-ci préconisait de fixer un horizon pour une réforme systémique, vers un système par points ou de comptes notionnels. Des mesures à court terme sont bien sûr indispensables, mais la détermination d'un tel objectif donne un sens précis à l'action visant à rapprocher tous les régimes. Sans horizon, on risque de décevoir les Français. Quant à ceux qui croient bénéficier d'un régime plus avantageux, le statu quo, à terme, les décevra. Il ne s'agit pas de revenir brutalement sur les avantages acquis, mais je regrette de ne pas avoir trouvé dans ce rapport d'horizon clairement exprimé.

Mme Christiane Demontès . - Le rapport de la Mecss de 2010 demandait l'organisation d'un rendez-vous en 2013 pour faire le bilan de la réforme de 2010 et précisait que la question d'une réforme systémique devait être posée. Il s'agissait d'une hypothèse à discuter, mais nous n'avions pas tranché le débat.

Je salue la clarté et l'exhaustivité de l'exposé qui vient de nous être fait, ainsi que la qualité du travail d'analyse de notre système de retraite réalisé par la commission pour l'avenir des retraites.

De nombreuses réformes ont été conduites depuis 1993 : elles ont eu pour effet d'inquiéter les Français. Ils sont d'ailleurs surtout inquiets pour leurs enfants. En quoi la réforme de 2010 a-t-elle été insuffisante, selon l'expression que vous venez d'utiliser ?

La sous-indexation des retraites constitue une piste envisagée, tout en préservant les petites retraites. A quel niveau les situez-vous ?

L'hypothèse de l'augmentation des cotisations est présente dans votre rapport, pour les salariés comme pour les employeurs. Vous suggérez une hausse de 0,1 point pendant quatre ans. Quel serait le gain financier ?

Les pensions de réversion jouent un rôle dans la réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes. Les règles d'application sont très hétérogènes selon les régimes. Comment instaurer davantage d'équité ?

En matière de pénibilité, les critères posés par les dispositions de la loi de 2010 sont très restrictifs pour les personnes qui voudraient pouvoir en bénéficier. Vous proposez la création d'un compte individuel pénibilité. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Le débat est loin d'être terminé, il va débuter avec les partenaires sociaux ; nous disposons désormais grâce à ce rapport des éléments d'analyse. Ensuite, ce sera au Gouvernement et au Parlement de prendre les décisions qui s'imposent.

M. René Teulade . - Ce rapport contribue à l'effort pédagogique actuellement à l'oeuvre dans notre pays afin de démontrer que le problème des retraites est lié très étroitement aux réalités économiques et aux évolutions démographiques.

J'avais réalisé en 2000 pour le Conseil économique et social un rapport sur les retraites. C'est un choix politique, de société. Il faut donc voir comment adapter la société que nous voulons construire à ces réalités économiques et sociales. Nous ne sommes plus dans le modèle patriarcal s'étendant sur trois générations mais bien dans une société où cohabitent cinq générations et dont la clé de voûte est l'actif en fin de carrière qui doit encore s'occuper d'un parent très âgé mais aussi aider ses enfants et petits-enfants.

Il faut donc poursuivre le débat public. En 2000, j'avais suggéré de maintenir l'âge d'ouverture des droits à soixante ans, chacun pouvant choisir de partir ou non à cet âge en fonction de sa situation actuarielle. Dans un couple, cette opportunité peut être privilégiée pour débuter sa troisième vie, quand bien même la pension obtenue serait plus faible. Peut-on mesurer le coût d'une telle hypothèse ?

Mme Michelle Meunier . - J'aurais aimé avoir des précisions sur les retraites des femmes. Les constats sont connus : emplois précaires, souvent à durée déterminée ou à temps partiel et de nombreuses interruptions tout au long de la vie professionnelle font que les pensions touchées par les femmes restent inférieures à celles des hommes. Qu'en dit votre rapport ?

Mme Isabelle Debré . - Vous préconisez la suppression de l'exonération fiscale de la majoration de pension de 10 % pour les retraités ayant eu trois enfants ou plus. Ce serait une atteinte supplémentaire à la politique familiale. Les femmes, dont les pensions sont déjà faibles, devraient perdre le bénéfice de cette mesure alors que ce sont nos enfants qui financeront nos retraites. Quelle a été la réaction du Gouvernement à cette proposition ?

Mme Yannick Moreau . - Le Gouvernement, en 2008, n'a pas souhaité remettre en cause, pour des raisons symboliques, la possibilité d'un départ précoce dans les régimes spéciaux. Quels sont les inconvénients de ces règles, auxquelles s'appliquent la décote et la surcote ? Permettre aux gens de liquider leur pension très tôt, moyennant décote, ne leur donne droit qu'à une retraite faible. Au bout de trente ans, ces personnes constituent la majorité des pauvres retraités.

C'est une question de mesure : on peut laisser une liberté de choix tant qu'elle reste raisonnable. Le critère de durée est plus fluide que celui de l'âge. Il faut toutefois réfléchir au degré de complexité du système et ne pas l'accentuer au travers des trois facteurs que sont l'âge, la durée et la décote. Le critère d'âge obéit d'ailleurs à une double borne : soixante-deux ans, âge minimal du départ en retraite, mais avec une décote si l'on n'atteint pas la durée de cotisation pour le taux plein, et soixante-sept ans, âge à partir duquel la décote ne s'applique plus. Toutefois, durant nos travaux, nous n'avons pas pu obtenir de chiffrage sur l'impact financier qu'aurait eu le maintien à soixante-cinq ans de l'âge de départ sans décote. Il faut donc trouver un point de compromis entre âge et durée afin d'éviter qu'il y ait trop de retraites faibles. Plusieurs pays sont confrontés à un tel cas de figure. Ainsi la Suède qui combine un âge de départ de soixante et un ans et l'existence d'une décote, réfléchit à donner plus d'importance à la durée de cotisation car le niveau des pensions liquidées est trop faible.

Nous n'avons pas travaillé sur l'hypothèse d'une augmentation de la durée de travail hebdomadaire ; cela n'entrait pas dans notre mandat. Est-ce pertinent ? Les actifs souhaitent avant tout une garantie sur le taux de remplacement assuré par leur retraite. Il serait très compliqué d'évaluer l'efficacité de cette solution, alors que le gain social et économique serait faible. Je ne pense pas qu'il faille lier la question des retraites à celle de la durée du travail en France.

Je regrette que mes propos dans Le Monde aient pu être mal interprétés. J'ai surtout voulu souligner que les problèmes actuels de nos régimes de retraite appelaient des réponses d'une autre nature qu'une réforme systémique. Il ne faut pas laisser croire qu'une réforme qui ne serait pas systémique serait une mauvaise réforme. C'est pourtant le sens de nombreux articles de journaux. Les Français veulent plus de lisibilité et mieux comprendre les différences entre régimes...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Et plus de justice !

Mme Yannick Moreau . - Notre rapport ne ferme pas la porte à une possible réforme systémique, qui passerait par des rapprochements entre les régimes. Sur les avantages familiaux et les pensions de réversion, nous sommes favorables à l'unification des systèmes, que ce soit pour les régimes de base ou complémentaires. Mais c'est un sujet sensible. Les régimes complémentaires ne sont pas forcément ouverts à une unification avec les régimes de base.

Un travail particulier, qui ne peut de toute évidence être achevé avant la fin de l'année, doit être réalisé pour les pensions de réversion. Il faut unifier leurs principes. C'est une source d'incompréhension pour les Français, qui trop souvent ne connaissent que les règles de leur régime de base et pas celles de leur régime complémentaire. Des conditions de ressources peuvent s'appliquer dans certains régimes et pas dans d'autres, les taux peuvent être différents, tout comme les conséquences d'un remariage.

Les pensions de réversion pour les générations actuelles sont particulièrement élevées, compte tenu du niveau de la retraite des femmes. Toutefois, la situation sera différente dans vingt ans, lorsque la moitié d'une génération ne sera pas mariée. Deux réformes sont donc nécessaires : l'unification aujourd'hui et ensuite la préparation du futur.

Seule une organisation syndicale est porteuse d'une réforme systémique : la CFDT, avec ardeur et constance. La demande des Français est ambigüe. Qui est réellement prêt à abandonner son propre régime ? Cela ne me semble pas être le cas des fonctionnaires, ni des professions libérales. Un seul point d'appui chez les partenaires sociaux est insuffisant, tandis que je ne vois pas d'empressement de la part des partis politiques. Beaucoup d'argent est dépensé pour les retraites, d'une manière qui ne rapproche pas assez les Français. Il faut aller vers plus de cohésion et de force du système social. La branche retraites est celle qui est la source de plus de crispations inutiles.

Il est incontestable que la réforme de 2010 a permis d'importants gains financiers et a aidé les régimes complémentaires. Elle a été présentée comme une réforme équilibrée, sur la base d'un scénario pour 2020 moins dégradé qu'actuellement et de compléments apportés par des ponctions non pérennes sur le Fonds de réserve des retraites (FRR). Il n'est pas interdit de faire appel à celui-ci. Mais en comptant en partie sur des mesures non durables, la réforme de 2010 n'a pas permis d'atteindre un équilibrage sincère en 2020. C'est en cela que je la juge insuffisante.

On peut qualifier de petite retraite des revenus inférieurs à 1 000 euros par mois. Le minimum de pension dans le régime général est d'environ 800 euros, l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) étant actuellement de 787,26 euros. L'objectif fixé en 2003 était de la porter à 85 % du Smic. Ce n'est pas encore le cas, mais il faut poursuivre en ce sens. La revalorisation des pensions avec l'inflation fait que celles-ci progressent moins vite que le niveau de vie, et les plus faibles d'entre elles vont être rattrapées par le minimum vieillesse. Il faut donc tenir le taux de remplacement, qui reste malgré tout historiquement très bon. Le niveau de vie des retraités est à parité avec celui des actifs par unité de consommation. Mais la période de grand rattrapage des retraites, lorsque la pauvreté touchait essentiellement les retraités, est derrière nous.

Mme Colette Giudicelli . - Qui ne connaît pas des personnes touchant une petite pension de réversion mais devant en consacrer une grande partie pour payer leur loyer ? C'est une situation malheureusement banale.

Mme Yannick Moreau . - C'est la raison pour laquelle il faut refuser leur sous-indexation. Les petites retraites seront malgré tout touchées par la sous-indexation des régimes complémentaires, qui ne distinguent pas selon le niveau de la pension.

L'augmentation de 0,1 point des cotisations, pendant quatre ans, rapporterait au total 3 milliards d'euros. On ne peut bien sûr pas indéfiniment les augmenter mais il était impossible d'exclure une telle mesure a priori de nos scénarios, bien que cela ait beaucoup déplu au Medef.

Lors de la conférence sociale, durant laquelle j'étais facilitateur de la table ronde présidée par Marisol Touraine, j'ai présenté les conclusions du rapport. Les propos ont été moins vifs que ceux exprimés dans la presse, mais ce n'est pas pour autant qu'un seul euro supplémentaire a été dégagé pour 2020. Le Gouvernement tranchera, car aucun syndicat n'acceptera de signer un accord.

Nous ne proposons pas de diminution des moyens consacrés aux avantages familiaux pour la retraite. L'enveloppe doit rester constante. Toutefois, la bonification actuelle pour trois enfants et plus nous paraît mal ciblée car elle profite surtout aux hommes, dont la pension est plus élevée. L'idée serait de forfaitiser cet outil. Il faut également redéployer les avantages familiaux pour qu'ils bénéficient davantage aux femmes. En revanche, les pensions de réversion ne sont bien sûr pas concernées. Ce nouveau mécanisme reposerait sur le versement d'une somme fixe par enfant. Ainsi, les femmes, dont les niveaux de pensions sont plus faibles, bénéficieraient d'un avantage supérieur à la majoration actuelle de 10 %.

Mme Isabelle Debré . - C'est une idée qui paraît intéressante, mais l'enveloppe globale va-t-elle changer tous les ans ? Comment serait calculée la somme forfaitaire par enfant ?

Mme Yannick Moreau . - Des projections sont réalisées par des experts, afin de calculer le niveau d'équilibre des avantages familiaux à moyen terme. Un niveau de majoration est ensuite fixé, ainsi que les règles d'évolution de celle-ci.

Mme Catherine Deroche . - Vos explications montrent la complexité du système actuel et la pertinence croissante d'une réflexion sur la création d'un régime universel.

Concernant les régimes spéciaux, quel est l'intérêt de maintenir un âge d'ouverture des droits artificiellement bas alors qu'en pratique les affiliés poursuivent leur carrière plus longtemps ? Alors qu'il concentre les suspicions et les critiques, voilà bien un débat dont on pourrait se passer.

La fiscalisation de certains avantages fait partie de vos hypothèses de travail. Cela doit s'intégrer dans une réflexion globale, avec les autres branches de la sécurité sociale. La fiscalisation de tous les revenus d'un ménage, et pas seulement de certaines catégories, doit être discutée. C'est une question de justice.

Mme Laurence Cohen . - Si elles étaient mises en oeuvre, les propositions de votre commission rapprocheraient le système de retraite français du modèle suédois qui n'a pas spécialement fait ses preuves.

Comme l'a dit Christiane Demontès, votre commission a ouvert des pistes de travail dont il reviendra aux responsables politiques de débattre avant de trancher. A cette occasion, des solutions qui n'ont pas été explorées par votre commission pourront être évoquées. Je pense par exemple à la hausse des cotisations patronales. Votre rapport n'évoque que la possibilité d'une augmentation de 0,3 % de ces cotisations. Or, si nous mettions fin aux exonérations de charges sociales patronales, nous gagnerions 20 milliards d'euros, ce qui est loin d'être négligeable. Sans aller jusqu'à l'exonération totale, nous pourrions moduler les exonérations patronales en tenant compte des efforts réalisés par les entreprises.

Ensuite, je pense que le rapport de votre commission fait la part belle à l'idée selon laquelle l'allongement de la durée de vie induirait nécessairement l'allongement de la durée d'activité. Mais c'est l'espérance de vie en bonne santé qu'il faut prendre en compte. Or, si l'on en croit les chiffres de l'Insee pour la France métropolitaine, l'espérance de vie en bonne santé s'élève à 63,5 ans pour les femmes et 61,9 ans pour les hommes.

Je reviens par ailleurs sur la situation des femmes qui souffrent d'un faible taux de remplacement dans un contexte de carrières morcelées, fortement empreintes par le travail à temps partiel et un moindre niveau de salaire que les hommes. Si l'égalité salariale était véritablement appliquée, la branche vieillesse de la sécurité sociale bénéficierait de 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires en 2015 et de 10 milliards d'euros en 2020. Pour l'ensemble des branches, l'apport serait même de 50 milliards d'euros.

Plus généralement, je relève la baisse d'ambition reflétée par l'emploi privilégié du mot « équité » par rapport à celui d'« égalité ». Ils ne sont pas synonymes !

Je serais également très intéressée par vos réponses sur les questions déjà posées relatives à la pénibilité.

Enfin, je partage l'idée d'indexer les retraites sur les salaires et non sur les prix. J'espère qu'elle trouvera à s'appliquer.

M. Jean-Noël Cardoux . - Je vous remercie, Madame Moreau, d'avoir fait référence aux réformes de 2003 et 2010, d'autant plus courageuses qu'elles ont été mises en oeuvre dans un contexte de fortes contestations qui a empêché les gouvernements de l'époque d'aller jusqu'au bout de leur démarche.

Je rappelle que si ces réformes n'ont pas produit tous les effets escomptés, c'est parce que le monde a été confronté à une crise sans précédent. Les produits des cotisations n'ont pas été à la hauteur de ce que nous attendions. Dans le contexte économique que nous connaissons, je crains que l'hypothèse d'une croissance de la productivité de 1,5 % soit quelque peu optimiste et que nous soyons contraints de revoir la copie plus tôt que vous ne l'envisagez.

Comme plusieurs de mes collègues, je regrette les appels à relever les cotisations sociales, les entreprises étant déjà bien mal loties actuellement. Je regrette également vos propositions consistant à dégager des recettes nouvelles par le biais de la fiscalité. A cet égard, je rappelle d'ailleurs que l'abattement de 10 % pour les retraités est plafonné à hauteur de 3 600 euros et que ce sont donc encore les classes moyennes qui risquent d'être mises à contribution.

Ma question est la suivante : comment concevez-vous la passerelle entre la création de recettes fiscales supplémentaires dans le budget de l'Etat ou de celui de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et leur affectation durable aux régimes de retraite ?

Mme Muguette Dini . - Lorsque nous avons voté la réforme de 2010, les personnes de bonne foi savaient que nous ne serions pas à l'équilibre en 2018. Nous avions néanmoins demandé à ce qu'un travail soit effectué à compter de 2013 sur l'éventualité d'une réforme systémique. Vous nous indiquez aujourd'hui que celle-ci ne constitue pas l'urgence principale, à l'inverse du rétablissement de l'équilibre financier. J'en conviens. Mais je m'étonne que vous n'ayez pas insisté sur le fait que si nous voulons une réforme systémique, quelle qu'elle soit, elle nécessiterait environ deux décennies pour être mise en oeuvre. On dit aujourd'hui que nous ne sommes pas prêts à l'évoquer ; ces ajournements successifs me semblent extrêmement inquiétants car je suis sûre que nous serons obligés, dans cinq ans ou même avant, de revenir sur les décisions qui seront prises à l'automne, et il faudra de nouveau négocier avec de nombreux partenaires pour déboucher sur des modifications a minima.

S'agissant des régimes spéciaux, vous avez rappelé que ceux-ci allaient progressivement s'aligner sur le régime général. Actuellement, les actifs du régime général doivent cotiser 41,5 annuités pour pouvoir partir en retraite à taux plein avant l'âge d'annulation de la décote. Dans combien de temps les retraités du régime de la SNCF, où l'âge légal de départ en retraite est aujourd'hui fixé à cinquante-deux ans pour les catégories actives, devront-ils remplir la même condition d'annuités que dans le régime général ?

Mme Yannick Moreau. - Ils le pourront à compter de 2017 pour la génération née en 1955. Dans le passé, la direction de la SNCF avait le droit de mettre à la retraite d'office les agents de la SNCF à cinquante ans, donc même sans leur accord.

Cela n'est plus possible aujourd'hui. Actuellement, les comportements de départ en retraite se modifient sensiblement. Il en va de même dans la fonction publique. La culture particulièrement catégorielle et corporatiste de notre pays contribue à expliquer pourquoi l'âge légal de départ en retraite n'a pas été modifié en 2010 pour les régimes spéciaux.

M. Philippe Laffon, rapporteur général de la commission pour l'avenir des retraites. - Le relèvement des bornes d'âge pour les régimes spéciaux, c'est-à-dire le passage de cinquante à cinquante-deux et de cinquante-cinq à cinquante-sept ans, se met en place graduellement jusqu'en 2024. Notre commission a considéré que si nous revenions sur la question du report des âges de départ en retraite, cela remettrait en cause des évolutions déjà engagées et décidées dans la concertation.

Mme Yannick Moreau. - En 2010, la situation était assez difficile pour les régimes spéciaux et il n'a pas été possible d'aller jusqu'au bout de ce qui était théoriquement envisageable. Je vois néanmoins que les régimes spéciaux sont en train de se réformer, ce qui est une bonne chose. Mais l'importance symbolique qui y est donnée me gêne.

Mme Annie David , présidente . - Le jour où des passerelles existeront entre les métiers à la SNCF, certains conducteurs pourraient certainement, s'ils le souhaitent, poursuivre leur carrière dans l'entreprise. Ce serait sans doute plus difficile pour d'autres métiers, comme les aides-soignants. Aujourd'hui, c'est uniquement en se basant sur l'âge, la fonction et la personne que les possibilités de départ à la retraite sont calculées. La stigmatisation des  « privilégiés » qui peuvent partir plus tôt à la retraite ne prend pas en compte le fait qu'il n'y a pas assez de solutions qui leur sont offertes pour rester dans l'emploi.

Mme Yannick Moreau . - L'adaptation de la société française à l'augmentation moyenne de l'âge des salariés et à l'allongement de la durée de vie se joue sur l'emploi des seniors. Sur ce point, la fonction publique a beaucoup de travail à faire et pourrait utilement s'inspirer des Pays-Bas où, pour certaines professions comme les pompiers, des mesures de reconversion sont prévues dès le début de la carrière. C'est un exemple qui peut être intéressant pour les catégories actives, même si on ne peut pas demander aux administrations d'avoir des postes administratifs pour tous leurs agents.

Concernant la pénibilité, les aides-soignants de la fonction publique font partie des catégories actives, qui pouvaient partir à la retraite dès cinquante-cinq ans et à l'avenir à cinquante-sept ans. Dans la fonction publique hospitalière, la plupart des métiers sont classés en catégorie active.

Mme Catherine Génisson . - Ce n'est plus le cas des infirmières, ce sont désormais surtout les aides-soignants et les agents des services hospitaliers.

Mme Yannick Moreau . - Il y a bien évidemment des métiers pour lesquels, du fait de leur pénibilité, il est justifié de partir plus tôt à la retraite. Un effort généralisé d'amélioration des conditions de travail et d'adaptation des équipements doit être réalisé. De nombreux métiers peuvent encore être exercés à soixante ans dès lors que les équipements sont adaptés. Sur ce point, plusieurs pays sont très en avance sur le nôtre.

Certains métiers sont très fatigants. Il faut donc prévoir une reconversion en cours de carrière. Le compte individuel pénibilité tel que proposé par le rapport va dans ce sens, au bénéfice des salariés comme des entreprises. Pour d'autres professions enfin, la solution repose sur un départ précoce à la retraite.

En Suède, au Canada, en Allemagne ou au Japon, c'est-à-dire dans des régimes par annuités, par points ou par comptes notionnels, le pilotage tient compte, dans la revalorisation des droits, de la situation économique. C'est tout à fait faisable. En France, la difficulté tient dans la transposition des mesures prises pour le régime général aux régimes spéciaux ou à la fonction publique. Il faudra procéder par ajustements successifs.

La réponse à la question suivante ne peut être que politique : faut-il mettre en place un pilotage économique et social annuel des régimes de retraite ? Nous le proposons, mais je ne connais pas la position du Gouvernement à ce sujet.

Je ne suis pas certaine que l'égalité salariale soit la réponse définitive au problème des pensions de retraite des femmes. Cette mesure serait évidemment positive, mais il faudrait en examiner toutes les conséquences, c'est-à-dire l'impact sur les dépenses de pension, et pas seulement sur les rentrées de cotisations. Le champ de cette question dépasse cependant celui de notre mission.

La suppression des exonérations patronales relève plutôt d'une réflexion sur le financement de la protection sociale. Il ne faut pas détricoter celui-ci à partir des retraites.

On peut ne plus être en très bonne santé et continuer à travailler : j'en suis l'exemple. Ce n'est pas antinomique du travail. Il n'en reste pas moins que parmi les indicateurs à regarder de près dans le pilotage social des régimes de retraite figure l'évolution de l'espérance de vie en bonne santé. L'observatoire des fins de carrières professionnelles, dont la création est préconisée par le rapport, doit permettre de remédier à la situation actuelle car on ne sait pas ce qui se passe dans les cinq années qui précèdent la retraite. Que font les entreprises de leurs salariés âgés ? Quels sont les stratagèmes utilisés pour les sortir de l'emploi ? Ce n'est pas satisfaisant. Alors que l'Europe se fait l'apôtre de l'allongement de la durée de la vie active à un tel point que j'en suis parfois circonspecte, il n'en reste pas moins qu'une société s'enrichit lorsque sa population active augmente.

Enfin, s'agissant du financement des régimes de retraite, la compensation est critiquée par tous les régimes. Sa suppression procurerait au régime général un gain immédiat de 3,5 milliards d'euros. Une clarification est nécessaire, mais elle ne peut pas se faire d'un trait de plume. Il faut aussi présenter autrement les concours de l'Etat au financement des régimes de retraite, car l'incompréhension est trop grande aujourd'hui.

Mme Annie David , présidente . - C'est un point que notre rapporteur général Yves Daudigny ainsi que la Cour des comptes ont relevé : ces relations financières doivent être simplifiées.

Table ronde relative à la pénibilité : MM. Christian JACQUES, président du cabinet Emergences, Hervé LANOUZIÈRE, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et Serge VOLKOFF, statisticien et ergonome au Centre de recherche et d'étude sur l'âge et les populations au travail (Creapt)

Réunie le mercredi 2 octobre 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à une table ronde relative à la pénibilité, dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 1376 (AN-XIV e ) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

Mme Annie David , présidente . - Nous entamons nos travaux relatifs au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, qui sera examiné en séance publique à l'Assemblée nationale du 7 au 15 octobre. Nous l'examinerons en commission le 23 octobre, avant la discussion en séance publique prévue du lundi 28 octobre au 5 novembre.

La réforme de 2010 comportait déjà un volet pénibilité, mais retenait une définition strictement médicale, ce qui a fortement réduit son impact. Les mesures visant à prévenir la pénibilité au travail ont, elles aussi, produit des effets limités.

Le nouveau projet de loi crée un compte personnel de prévention de la pénibilité, financé par des cotisations des employeurs, grâce auquel le salarié pourra acquérir, à compter de 2015, des droits en termes de formation, de compensation d'un passage à temps partiel ou d'acquisition de trimestres supplémentaires pour la retraite ; le départ pourrait être anticipé de deux ans au plus. On peut regretter l'absence d'un véritable volet prévention et que ce départ anticipé n'intervienne qu'à soixante ans.

Pour évoquer ce sujet, qui est au coeur des inégalités face à la retraite, nous recevons Christian Jacques, président du cabinet Emergences, Hervé Lanouzière, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et Serge Volkoff, statisticien et ergonome au Centre de recherche et d'études sur l'âge et les populations au travail (Creapt).

M. Serge Volkoff, statisticien et ergonome au Creapt . - Je suis en effet statisticien et ergonome au Creapt et directeur de recherches retraité - mais actif - au Centre d'études de l'emploi (CEE). En tant que spécialiste du vieillissement au travail, je suis membre du Conseil d'orientation des retraites (COR). J'ai également participé à la commission Moreau pour l'avenir des retraites, et je me suis particulièrement impliqué dans le volet pénibilité de son rapport.

Le retour de la pénibilité dans le débat social et politique est une bonne nouvelle, tant les occasions de s'emparer des questions de santé au travail sont peu nombreuses, mais le terme demeure flottant, faute de définition scientifique précise. Nous distinguons trois notions. D'abord, la pénibilité au sens courant du terme : est pénible ce qui est vécu comme tel, y compris les trajets domicile-travail, la saleté du poste de travail ou les mauvaises relations avec les supérieurs hiérarchiques. Autant de nuisances qui rendent le travail pénible mais n'ont pas pour autant vocation à être prises en compte sous la forme d'un départ anticipé à la retraite.

Deuxième forme de pénibilité, celle qui est due à l'état de santé. Avec l'âge, les troubles de santé augmentent, ce qui n'est pas compatible avec certains emplois. Dans ce cas, s'il doit y avoir départ anticipé, ce ne peut être qu'en raison de l'état de santé, non du travail. Les dispositifs existants - comme le licenciement pour inaptitude ou invalidité - seront de plus en plus sollicités : si l'on augmente le nombre d'années de cotisation requises, on trouvera de plus en plus de personnes de cinquante-neuf, soixante ou soixante et un ans au travail, d'où un accroissement mécanique du nombre de personnes dans une telle situation.

Troisième définition, celle que donne la loi de 2010 : les contraintes, nuisances et rythmes de travail « susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé ». S'agissant de l'impact à long terme du travail, sur l'espérance de vie et sur la santé au grand âge, il est légitime d'envisager, comme le faisait le rapport Struillou de 2003, une compensation par la possibilité de gagner quelques années de retraite en bonne santé.

Le rapport Lasfargues de 2005 fait la synthèse des connaissances scientifiques sur les liens établis entre certaines caractéristiques du travail et l'espérance de vie ainsi que la santé au grand âge. Sont notamment en cause le travail de nuit, qui laisse potentiellement des traces à long terme sur l'appareil cardiovasculaire et l'exposition aux produits toxiques professionnels cancérogènes - amiante, mais aussi goudrons ou pesticides - à laquelle est attribuée la moitié des disparités sociales en matière de cancer du poumon. Les grands efforts physiques dans le travail ont un lien avec la qualité de vie au grand âge : si leur impact sur l'espérance de vie n'est pas avéré, la probabilité est grande pour celui qui en a réalisé de devenir un retraité en mauvaise santé.

Je me retrouve volontiers dans la réforme aujourd'hui sur la table avec la création du compte personnel de prévention de la pénibilité qui associe formation, possibilité de passage à temps partiel et départ anticipé. En l'état, sans doute pour des raisons de coût et de charge administrative, le texte ne traite pas de la pénibilité passée, au risque de poser un problème d'équité entre générations et, surtout, d'inciter les quinquagénaires à accomplir un travail pénible pendant les dernières années de leur vie professionnelle afin d'accumuler des points ! C'est exactement l'inverse de la démarche de prévention que préconise le texte...

M. Hervé Lanouzière, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). - J'ai travaillé sur la prévention de la pénibilité aussi bien comme fonctionnaire de la Direction générale du travail qu'en entreprise, Toute personne cherchant à prévenir la pénibilité privilégie la prévention primaire plutôt que la compensation ; en rémunérant la pénibilité, on incite au contraire les personnes à y rester. Ainsi, des salariés peuvent souhaiter travailler de nuit pour la rémunération qui en découle. Cela vaut également pour les primes d'insalubrité. Difficile dès lors d'inciter véritablement à la prévention. Reste que le compte personnel de prévention de la pénibilité peut, à mon sens, devenir un vrai compte de prévention.

On distingue trois populations dans l'entreprise : le stock, soit les personnes longtemps exposées à des facteurs de pénibilité et éprouvant en conséquence des difficultés ; le flux, soit les populations qui ont d'ores et déjà été exposées, ne manifestent pas encore d'inaptitude mais vont se retrouver en difficulté avec l'allongement de la vie au travail, car l'on ne pourra pas travailler plus longtemps à conditions de travail constantes ; enfin, les nouveaux entrants. La pénibilité doit être appréhendée sous l'angle d'un parcours et non à un instant précis. Il faut étudier la démographie au travail et éviter que des populations ne se retrouvent prisonnières des postes pénibles, condamnées à reconstituer le stock.

La fiche individuelle d'exposition à la pénibilité incite dans une certaine mesure à la prévention de par la tâche supplémentaire qu'elle représente pour les entreprises. Plus elles font de la prévention, et moins elles doivent faire de fiches d'exposition. De même, le compte de prévention peut être utilisé dans une logique de compensation, avec pour but d'accumuler des points, ou dans une logique de prévention, avec pour but de l'alléger au maximum. Il ne faut pas bien sûr s'orienter vers la première possibilité mais au contraire chercher à tendre vers la non-exposition.

Il faut distinguer la pénibilité ressentie par les salariés de la pénibilité reconnue par la loi, la grande pénibilité. Les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ne se retrouvent pas complètement dans cette définition. J'ai ainsi été amené à apprécier la pénibilité découlant de la manutention manuelle dans une grande entreprise de métallurgie. Etant donné la présence de ponts élévateurs et l'absence de travaux répétitifs, les critères légaux ne s'appliquaient pas. Difficile toutefois de nier que le travail des salariés à la sortie du laminoir était pénible... Il en serait de même pour les vendeurs des grands magasins, debout, dans le bruit, face à des clients désagréables. Il faudra faire preuve de pédagogie, distinguer la grande pénibilité de l'exposition à un risque : ce n'est pas la même chose d'être exposé, en hiver, au froid extérieur et de travailler dans la température négative d'une chambre froide. La détermination des seuils ouvrant droit au dispositif est un exercice compliqué qui relève souvent d'un compromis social dans l'entreprise ; celle-ci ne sera pas pour autant dispensée de mener en amont une politique volontariste de prévention.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité peut devenir un outil de prévention s'il incite à anticiper, à former les employés, en s'inscrivant dans une logique de parcours. Il ne doit pas seulement permettre l'adaptation du poste de travail des salariés déjà exposés.

M. Christian Jacques, président du cabinet Emergences. - Je partage ces analyses. Le projet de loi marque un progrès par rapport à la réforme de 2010 et à son approche médicalisée. Les fiches individuelles d'exposition à la pénibilité serviront de support au compte personnel de prévention. Les accords et les plans d'action de prévention de la pénibilité mis en place dans les entreprises n'ont pas à ce jour fait l'objet d'un vrai bilan.

S'il parle du salarié et de l'employeur, le texte de 2010 oublie la dimension collective du diagnostic. Un certain nombre de salariés, à commencer par les plus jeunes, ont du mal à reconnaître et à exprimer la pénibilité. Cela posera la question du suivi des fiches individuelles, sachant qu'à ce jour les CHSCT n'interviennent pas pour vérifier l'existence et le suivi des plans d'action. Or le salarié doit être soutenu et accompagné pour vérifier sa fiche individuelle, qui déterminera le contenu de son compte personnel, et le cas échéant la contester. Le délai de contestation prévu par le texte n'est que de deux ans. Ne pourrait-on pas dès lors associer les CHSCT au diagnostic et leur confier le soutien aux salariés ?

La réponse à la pénibilité doit avant tout passer par la prévention. Il ne s'agit pas uniquement d'organiser l'exfiltration de salariés en situation de travail difficile, d'où l'intérêt d'un dispositif en deux volets, comportant une dimension formation pour faciliter les reconversions. Il faut d'abord mieux garantir une véritable prévention réduisant partout les situations de pénibilité. Il serait judicieux d'articuler la contribution complémentaire de l'entreprise avec les efforts, réalisés et mesurés, de celle-ci en matière de prévention. Le texte n'en tient pas suffisamment compte. Or, c'est au plus près des postes de travail, avec les salariés, que l'on devrait enrichir ce concept de pénibilité. Ainsi, les critères de pénibilité actuels ne prennent pas en compte les grands déplacements professionnels, les troubles musculo-squelettiques ni l'exposition aux rayonnements ionisants. Avançons sur le chemin ouvert en 2003 et en 2010.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Ce débat a rappelé la dimension individuelle mais aussi collective de la pénibilité au travail, ainsi que le rôle des instances de l'entreprise et des employeurs pour réduire celle-ci. Les facteurs d'exposition aux risques tels qu'ils ont été définis par les partenaires sociaux vous semblent-ils convenir ? Quid des risques psychosociaux, que vous n'avez pas abordés ?

Les trois modalités d'utilisation prévues par le compte personnel de prévention de la pénibilité - formation, temps partiel et départ anticipé - vous paraissent-elles pertinentes et suffisantes ? La cotisation additionnelle des entreprises vous semble-t-elle de nature à faire baisser l'exposition à la pénibilité et à inciter les entreprises à agir en faveur de la prévention ?

Enfin, le projet de loi prévoit une application au 1 er janvier 2015 : cela vous paraît-il réaliste ? Pour ma part, je doute que les salariés les plus âgés aient envie de se précipiter sur les emplois les plus pénibles, comme M. Volkoff semble le craindre...

M. Hervé Lanouzière - La définition actuelle de la pénibilité est cohérente, car elle a été pensée dans une logique de compensation, et non de prévention. Les dix critères couvrent un spectre très large, conduisant les entreprises à évaluer des risques jusque-là occultés parce que difficiles à évaluer, comme les vibrations, les gestes répétitifs ou les postures pénibles. Il ne faut pas négliger le travail nécessaire pour tenir compte de ces critères.

Les risques psychosociaux sont une réalité pour les salariés, dont il ne faut pas négliger le ressenti. En application du principe général de prévention des risques posé par le code du travail, les entreprises ont obligation de travailler sur cette question. Reste que le compte personnel de prévention de la pénibilité ne peut englober tous les risques, ne le surchargeons pas. N'oublions pas non plus la question de l'attractivité : une personne - ou un secteur - ne doit pas se voir stigmatisé à cause de son compte : gare à la logique de compteur !

M. Serge Volkoff . - Je ne saurais vous répondre sur la mise en oeuvre au 1 er janvier 2015 mais en général, mieux vaut commencer tôt et avancer tranquillement, sans prendre de décision à la hâte.

Les trois modalités d'utilisation du compte sont cohérentes. Si la compensation est légitime, il faut également tout faire pour éviter de reconstituer le stock. L'obligation de formation ne doit pas être assortie d'une obligation de changer de poste : certains peuvent avoir des raisons de vouloir travailler de nuit, par exemple à l'hôpital, ce qui n'ôte rien au risque sur la santé à long terme du travail de nuit.

Je rejoins M. Lanouzière sur les dix critères comme sur les risques psychosociaux. La littérature scientifique sur les rayonnements ionisants mériterait d'être étudiée. Cela dit, il ne faut pas faire jouer aux connaissances scientifiques plus que leur rôle : il revient in fine au débat social de trancher et de définir les seuils d'exposition.

Le rapport Struillou légitimait une triple source de financement. Il est normal que les entreprises créatrices de pénibilité et de risques à long terme participent au financement du dispositif, d'autant que cela peut favoriser la prévention. Il paraît également normal que l'ensemble des employeurs y contribuent, dans la mesure où toutes les entreprises bénéficient, en tant que clientes, du travail « pénible » de certaines. Troisième source de financement, l'argent public. Toute la société profite en effet de la pénibilité du travail de quelques-uns, qui rendent accessibles quotidiennement biens et services : nous avons besoin que l'industrie sidérurgique fonctionne de nuit, et nous ne savons pas la faire marcher autrement qu'en exposant les fondeurs à la chaleur.

Mme Catherine Génisson . - Le travail de nuit est obligatoire dans certaines professions, mais les partenaires sociaux préfèrent les compensations salariales au repos compensateur par exemple. Notez que dans les hôpitaux, les personnels soignants tournent sur tous les postes, de sorte que tous ou presque travaillent la nuit.

M. Serge Volkoff . - Sauf en consultation.

Mme Catherine Génisson . - Ne faut-il pas restreindre les possibilités de compensation pécuniaire, et inciter les entreprises à se pencher davantage sur la qualité de l'organisation du travail ?

M. Jean-Pierre Godefroy . - Le rapport sénatorial sur le mal-être au travail insistait sur l'importance de la souffrance liée au trajet : la crainte d'être en retard, de perdre en salaire, a souvent des incidences sur les conditions de travail, les risques psychosociaux et l'état de santé. Nous avions pensé qu'il fallait prendre ces éléments en compte dans la mesure de la pénibilité.

Si le compte pénibilité consiste à cumuler des points afin de partir plus vite à la retraite, alors c'est le contraire de ce qu'il faut faire. Cela suppose une véritable révolution culturelle : dans l'entreprise où je travaillais, il n'était pas rare de revendiquer, avec le soutien des syndicats, le fait d'occuper un travail difficile ou insalubre pour obtenir des primes. Il faut au contraire s'efforcer de rendre le travail moins pénible.

Toutes les entreprises doivent participer à cet effort - rappelez-vous que nous avons dû revenir sur la participation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) et au Fonds de cessation anticipé d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) des seules entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Comment le compte de prévention de la pénibilité s'articulera-t-il avec les financements déjà engagés par les entreprises en matière de prévention dans le cadre de la branche AT-MP ?

Mme Isabelle Debré . - Certains critères de pénibilité sont correctement définis : c'est le cas du bruit, à partir de quatre-vingt-cinq décibels. Les autres critères sont-ils aussi précis et suffisamment uniformisés ? Quand les kinésithérapeutes revendiquent la pénibilité de leur travail, ne risque-t-on pas d'ouvrir une brèche dangereuse pour les finances de l'Etat ? Les personnes polyexposées - comment les définir ? - cumulent-elles les points ? Enfin, une première estimation du coût du dispositif l'a chiffré à 500 millions d'euros en 2020, et 2,5 milliards d'euros en 2040. Or depuis, de nombreuses professions se sont manifestées...

M. Jacky Le Menn . - J'ai présidé des CHSCT d'hôpitaux et d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) pendant de nombreuses années. Prodiguer des soins à des personnes gravement atteintes est une tâche pénible. Les aides-soignants travaillent de nuit, et sont souvent victimes de lombalgies et de troubles musculo-squelettiques. Confrontés à la maladie et à la mort en permanence, certains tombent en dépression. Je vois mal dans ces conditions comment fonctionnera le système de décompte des points.

M. René-Paul Savary . - Le compte personnel de prévention de la pénibilité est une idée intéressante, mais potentiellement stigmatisante, par exemple pour ceux qui ont accumulé des points et sont à la recherche d'un emploi. Quel est précisément son champ d'application ? Le décompte serait fonction du nombre d'heures travaillées : il devrait donc être différent pour les salariés ou fonctionnaires d'une part, et pour les travailleurs indépendants d'autre part, qui choisissent leur volume de travail.

En tant que président de conseil général, je sais que le travail sur les routes est pénible et dangereux, que les travailleurs sociaux sont confrontés à l'agressivité de certains usagers, que le personnel des collèges fait face à l'indiscipline des collégiens, que les fonctionnaires subissent la pression de la réduction des dépenses... A l'échelle d'un département, tout le monde a un travail pénible. Comment va-t-on faire évoluer le dispositif ?

M. Jean-Noël Cardoux . - La sécurité sociale envisagerait d'accorder une prime de 5 000 euros aux artisans coiffeurs pour les aider à aménager leurs postes de travail. Trouvez-vous normal que la sécurité sociale, censée couvrir des risques et bien qu'elle ait déjà diversifié ses missions, s'empare de questions sur lesquelles nous nous apprêtons à légiférer ?

M. Claude Domeizel . - Quelle différence faites-vous entre un travail pénible et un emploi dangereux ?

Mme Annie David , présidente . - Dans le dispositif, l'accumulation des points donnera droit à une formation. N'y a-t-il pas là transfert de responsabilité de l'entreprise sur le salarié ?

M. Serge Volkoff . - Ce dispositif n'a pas vocation à traiter exhaustivement la pénibilité au travail. Il ne concerne que les pénibilités qui ont un impact sur la santé au grand âge et la longévité. Les facteurs de risques psychosociaux ou les trajets pénibles ont un impact indéniable sur la santé à court terme, mais ils n'influent qu'exceptionnellement sur l'espérance de vie.

Le mécanisme qui nous est présenté incite sinon à rentrer dans la pénibilité, du moins à ne pas en sortir. Le doublement des points offerts aux personnes proches de la retraite est à cet égard éclairant : un fondeur ayant le choix entre une promotion à un poste de chef d'équipe et un départ anticipé n'hésitera pas une seconde.

Sur les seuils d'exposition, toutes les cartes ne sont pas sur la table. J'avais compris qu'ils seraient fixés par décret. Or le Gouvernement travaille sur des hypothèses précises puisque l'étude d'impact indique le pourcentage de salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité. Vous pourriez l'interroger sur ce point.

M. Serge Volkoff . - L'incertitude qui entoure la définition des seuils empêche d'être plus précis sur l'évaluation financière du dispositif. A quel niveau faut-il fixer la barre ? Il ne s'agit pas de cibler des métiers, car un métier n'est en rien un indicateur de pénibilité - c'est en cela un progrès par rapport aux régimes spéciaux. Partir des conditions de travail est une démarche plus intelligente. Préciser ces critères est à présent du ressort de la négociation. Elle sera plus complexe pour certains facteurs, comme les postures pénibles, que pour d'autres, mais toujours intéressante.

M. Christian Jacques . - La pénibilité est ce qui empêche de rester en bonne santé le plus longtemps possible après le départ à la retraite. Parmi les dix critères retenus, il manque les rayonnements ionisants et les travaux extérieurs soumis aux intempéries.

Pour répondre à la présidente Annie David, la formation est toujours a priori positive. Il faudrait inciter l'employeur à proposer au salarié une reconversion professionnelle bien en amont au lieu de laisser le soin à ce dernier d'en faire la demande. On peut s'interroger sur l'efficacité du mécanisme proposé : les points accumulés offriront-ils de véritables opportunités de formation aux travailleurs titulaires de métiers pénibles, qui sont souvent les moins qualifiés ?

J'ai récemment rencontré des représentants syndicaux qui se réjouissaient d'avoir obtenu une prime de bruit - de surdité, ai-je rectifié. Ce n'est en effet pas la même chose. Les salariés sont souvent demandeurs de postes exposés à la pénibilité car les compensations financières ne sont pas négligeables, surtout au regard des niveaux actuels de pouvoir d'achat. Il faut un large débat sur ces questions, comme celui auquel a donné lieu le problème de l'amiante. Rappelons-nous qu'a longtemps perduré un consensus social sur son utilisation. La contribution complémentaire des entreprises pourrait être mieux articulée avec les mesures décidées pour lutter contre la pénibilité du travail, afin non pas d'interdire les compensations financières, mais d'en rendre la négociation moins aisée.

M. Hervé Lanouzière . - Le système de cotisation doit en effet être vertueux. Un mécanisme incitatif de type bonus-malus, favorisant la prévention, sans exclure la compensation, est une bonne idée. Le passage du travail de nuit au travail de jour peut être accompagné financièrement de manière dégressive. Les conventions collectives affichent parfois ce principe sans qu'il soit mis en oeuvre.

Je me réjouis que la sécurité sociale ne soit pas qu'un guichet et s'attaque à la prévention. Après avoir rencontré la commission Moreau, nous avons fait, conjointement avec la direction des risques professionnels de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), une offre de service aux entreprises afin que les caisses nationales vieillesse et maladie, les caisses régionales et nous-mêmes les aidions à réaliser un diagnostic organisationnel et technique de la pénibilité. Conditionner la cotisation à la branche AT-MP aux efforts de prévention va dans le bon sens. J'ai travaillé dans le privé, où rien n'est plus convaincant que le coût de la non-prévention : dire à un chef d'atelier que la compensation d'un trouble musculo-squelettique coûtera 97 000 euros, soit la totalité de sa production mensuelle, c'est l'inciter à faire de la prévention.

Nous pourrions débattre des heures de l'uniformisation des critères. En toute hypothèse, ils conserveront une part d'arbitraire. En matière de bruit, l'employeur est en infraction au-delà de quatre-vingt-cinq décibels, et le seuil d'action, à partir duquel on considère qu'il faut commencer à se protéger, est fixé à quatre-vingts décibels. Fixer le seuil de pénibilité en deçà n'a guère de justification : on ne peut le situer qu'entre quatre-vingts et quatre-vingt-cinq décibels. Autre exemple : selon la position du corps, la déclivité du sol, la température et mille autres facteurs, porter une charge de cinq kilos sera plus ou moins pénible. Nous avons d'ailleurs mesuré les efforts accomplis par les ouvriers d'une entreprise agro-alimentaire : mettre des olives sur des pizzas revient à porter plus de trois tonnes en une journée. Est-ce moins pénible que de soulever 25 kilos par jour en une seule fois ?

Dans le même ordre d'idées, la polyexposition ne se mesure pas. La notion peut en revanche favoriser le débat dans l'entreprise et aider à établir des priorités. Mais l'appropriation de ces sujets prend du temps et il y aura nécessairement des mécontents. Bref, le consensus sur un seuil est impossible.

La question des équivalences n'est pas simple : les points accumulés par un fondeur valent-ils ceux du salarié de l'usine de pizzas ? A nouveau, il ne peut y avoir de fondement scientifique aux critères de distinction.

Les notions de dangerosité, de pénibilité, de risque et d'usure ne sont pas interchangeables, ni même superposables. Le danger, c'est la capacité intrinsèque d'un objet, d'une situation ou d'un produit à provoquer des nuisances. Le risque est l'exposition de l'homme au danger. Une mer démontée est un danger, mais le risque n'apparaît que lorsque vous allez surfer. La pénibilité suppose que les nuisances ont un effet différé dans le temps : c'est pourquoi l'on raisonne sur l'espérance de vie à partir de la retraite. Soyons clairs, ne créons pas la confusion !

Enfin, les comptes de prévention de la pénibilité devraient être, autant que possible, des comptes vides. Il convient pour cela que les entreprises préviennent l'usure au travail, ce qui suppose une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui n'est pas toujours facile à mettre en oeuvre.

Mme Isabelle Debré . - Avez-vous eu une étude sur le coût ?

M. Serge Volkoff . - Tant que les seuils ne sont pas sur la table, le chiffrage est difficile. J'imagine toutefois que les estimations du Gouvernement sont cohérentes avec les pourcentages de personnes concernées qu'il indique. Je fais confiance aux statisticiens des ministères pour cela.

M. Georges Labazée . - J'ai assisté hier à la réunion de la Commission consultative d'évaluation des normes. Comment allons-nous concilier toutes ces questions avec la volonté de simplification ?

M. Serge Volkoff . - Le rapport Moreau avait fait deux propositions intéressantes. La première consiste à créer un observatoire des fins de carrière. Nous avons une grande quantité d'informations, mais aucune synthèse ne nous décrit exactement la situation des 55-61 ans en matière d'emploi, de santé ou de retraite. Un dispositif de veille est nécessaire.

La seconde proposition consiste à améliorer les dispositifs d'accompagnement des entreprises en matière de lutte contre la pénibilité. De nombreuses petites et moyennes entreprises rechignent à se lancer dans ces chantiers, faute d'un diagnostic technique solidement établi.

M. Hervé Lanouzière . - La Commission consultative d'évaluation des normes ne concerne que les collectivités territoriales, qui ne sont pas concernées par la création du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Table ronde avec les partenaires sociaux (organisations patronales) : M. Pierre BURBAN, secrétaire général et Mme Caroline DUC, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement de l'Union professionnelle artisanale (UPA) ; M. Frédéric AGENET, vice-président de la commission protection sociale du Mouvement des entreprises de France (Medef) ; Mme Geneviève ROY, vice-présidente chargée des affaires sociales et M. Georges TISSIÉ, directeur des affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

Réunie le jeudi 3 octobre 2013 sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à une table ronde avec les organisations patronales dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 1376 (AN-XIV e ) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

Mme Annie David , présidente . - Nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites en recevant les organisations représentatives des employeurs, avant les organisations syndicales de salariés le 9 octobre prochain. Le Medef est représenté par M. Frédéric Agenet, vice-président de sa commission Protection sociale, Mme Valérie Corman, directrice de la protection sociale et M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) est représentée par Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales. L'Union professionnelle artisanale (UPA) est représentée par M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement.

M. Frédéric Agenet, vice-président de la commission Protection sociale du Medef . - Ce projet de réforme suscite bien des interrogations. Il ignore le besoin de financement du régime de retraite de la fonction publique, des régimes spéciaux, tout comme celui des régimes complémentaires du secteur privé. Faire reposer l'objectif de retour à l'équilibre du régime général sur une hypothèse de croissance de 1,6 % entre 2011 et 2020 est très hasardeux : il faudrait que la croissance s'établisse durablement à un niveau que nous avons rarement connu, a fortiori de manière prolongée. De quoi hypothéquer le retour à l'équilibre...

Comment le compte personnel de prévention de la pénibilité sera-t-il financé ? Le rapport Moreau est très prudent sur les hypothèses de montée en puissance du dispositif. Le Gouvernement estime à trois millions le nombre de comptes qui seront ouverts à partir de 2015. Les données de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) semblent indiquer que ce chiffre est sous-estimé. Pour les entreprises, c'est une bombe à retardement. L'expérience montre que, dans un contexte d'allongement de la durée d'activité, ouvrir une possibilité de départ anticipé crée un puissant appel d'air.

Loin d'encourager la prévention, ce dispositif risque au contraire d'accentuer les phénomènes de trappe à pénibilité. Nous ne partons pas de rien : les conventions collectives prévoient déjà, pour la plupart des travaux pénibles, des majorations de salaire qui peuvent aller, dans certains cas, jusqu'à 40 %. Cela rend difficile les reclassements, nul ne renonçant aisément à un tel avantage financier. Si nous ajoutons encore des incitations, la prévention passera au second plan. Ce dispositif sera, de surcroît, fort complexe à mettre en oeuvre pour les grandes entreprises et plus encore pour les petites.

Quant aux dispositions concernant les jeunes ou les femmes, bien que socialement légitimes, elles doivent inspirer la plus grande prudence étant donné les incertitudes qui pèsent sur leur financement. Soyons pragmatiques !

Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME, chargée des affaires sociales . - Loin de résoudre les problèmes, cette réforme complexifie et met en péril les régimes complémentaires sur lesquels les partenaires sociaux avaient pourtant trouvé un accord l'an dernier. Elle annulera les efforts consentis pour sauver le régime Agirc-Arrco, le patronat ayant accepté une hausse des cotisations vieillesse et les syndicats de salariés une moindre revalorisation des pensions. Dès 2018, ce régime se trouvera de nouveau sans ressources. Le régime des retraites sera plombé plutôt que sauvé.

Ne pas reporter l'âge d'ouverture des droits, c'est dire aux jeunes actifs qui ont fait des études qu'ils ne prendront pas leur retraite à soixante-deux ans mais à soixante-six ans. Il aurait mieux valu que nos générations acceptent de reporter l'âge d'ouverture afin de ne pas faire porter sur les jeunes l'intégralité de l'effort. Il sera possible de racheter des trimestres, dans la limite de quatre. Il est extrêmement important d'envoyer un signal aux jeunes, notamment les apprentis.

Rien non plus sur la convergence des régimes de la fonction publique et du privé, qui est loin d'être effective : 9 milliards d'euros de déficit pour le régime de la fonction publique et les régimes spéciaux, 5 milliards d'euros pour le privé, qui compte quatre fois plus de salariés ! Les chefs d'entreprise ne comprennent pas cette absence d'harmonisation.

Le compte de prévention de la pénibilité porte bien mal son nom, puisqu'il ne fait que réparer. La cotisation augmentera pour toutes les entreprises, avec une surcote pour celles qui ont des postes estampillés pénibles - alors que la France a déjà un taux de prélèvement obligatoire parmi les plus élevés au monde. Le coût du travail n'est certes pas le seul responsable de notre manque de compétitivité, mais il y contribue substantiellement. Loin de le contenir, nous l'accroissons ! Les cotisations au régime de base ont déjà été augmentées avec l'élargissement du dispositif carrières longues ; une nouvelle hausse interviendra au 1 er janvier 2014. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (Cice) compensera, dit-on, mais les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) n'auront rien avant l'an prochain.

Indépendamment de son coût, ce compte de prévention de la pénibilité sera source de complexité administrative pour les petites entreprises. C'est tout sauf un choc de simplification ! Le chef d'entreprise devra-t-il, chaque matin, comptabiliser le nombre de minutes pendant lesquelles chaque salarié aura été exposé à la chaleur, au froid ? C'est kafkaïen ! Je suis chef d'entreprise dans un secteur qui compte des métiers relevant des dix critères de pénibilité. Pour certains critères, je fais de la prévention, mais pour le travail de nuit, je ne sais que faire. Devoir apposer ma signature sur une fiche de poste estampillé « pénible », tout en ayant une obligation de résultat dans la protection de la santé de mes salariés, me pose problème.

Pour la CGPME, la pénibilité doit être traitée avant tout sous l'angle de la prévention. Quelle réponse faire au salarié d'une TPE ou PME qui demanderait à changer de poste après avoir suivi une formation s'il n'y a pas de poste à lui proposer ? Ce sera un licenciement à la charge de l'entreprise, qui devra de toute façon recruter un remplaçant : on ne fait que déplacer le problème. Il sera encore plus difficile pour le chef d'entreprise de traiter l'inaptitude au travail par le reclassement. Le travail de nuit est déjà compensé par du temps de repos et des majorations de salaire. Allons-nous passer de la double peine à la triple peine ? Les chefs d'entreprises refuseront des marchés les obligeant à recourir à du travail pénible, et vous verrez qu'après 22 heures tout sera fermé : plus de restaurants, plus de cinémas, la vie sera très calme ! La Ville lumière risque de s'éteindre...

Vous allez nous exposer à la concurrence européenne : la France sera la seule en Europe à avoir un tel dispositif, au moment où la directive « détachement » va nous autoriser à recruter des travailleurs d'Europe de l'Est, payés au Smic français mais sans les charges et sans compte de prévention de la pénibilité ! La CGPME est fermement opposée à ce compte : c'est une question de survie des entreprises et de l'emploi. Nous ne recruterons plus, et nous recourrons à des travailleurs extérieurs dès que possible.

Nous voulons être associés à l'élaboration des critères qui seront établis par décret. Il faudrait au moins reporter l'entrée en vigueur du dispositif : il sera techniquement impossible d'être prêts en 2015. Plus les critères seront assouplis, plus le public concerné sera nombreux, ce qui posera problème aux entreprises mais aussi au régime lui-même. Si l'on cumule les carrières longues avec le compte de prévention de la pénibilité, c'est 40 % d'une classe d'âge qui pourra déroger aux règles de droit commun en matière de départ en retraite. Aucun régime ne peut supporter cela.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale . - Je rejoins les positions du Medef et de la CGPME. Nous avons émis un avis défavorable sur ce projet de loi. Cette réforme n'est pas structurelle, elle ne règle pas le problème des déficits. Les réformes se succèdent : 1993, puis 2003, 2010, 2013... A ce rythme, la prochaine viendra dans dix-huit mois ! Nous sommes très attachés au régime de retraite par répartition, qui met les consommateurs en confiance, ce qui est bon pour l'économie. Mais cette réforme accroît encore les prélèvements obligatoires. Le régime des travailleurs indépendants a déjà vu ses charges sociales augmenter de 1,1 milliard d'euros l'an dernier. Les cotisations vieillesse vont être déplafonnées, sous prétexte d'alignement avec le régime général. Or l'augmentation ne sera pas intégralement compensée : il n'y a donc pas d'alignement. Les cotisations des travailleurs indépendants sont calculées sur le bénéfice, qui comprend non seulement la rémunération de l'exploitant mais aussi celle du capital et la part réinvestie dans l'entreprise. Où est la pause fiscale pour les entreprises ? La plupart des chefs de petites entreprises ont le statut de travailleur indépendant et sont donc traités, fiscalement et socialement, comme les ménages. On aggrave en outre les distorsions avec le régime de l'auto-entrepreneur.

Les branches professionnelles se soucient de la pénibilité : quel serait l'intérêt pour l'entreprise de faire travailler ses salariés dans de mauvaises conditions ? Cela est d'autant plus vrai que dans les petites entreprises, le chef d'entreprise participe également à l'acte de production. L'objectif est de travailler sur la prévention, d'abord en réduisant la pénibilité. Dans le bâtiment, la taille des sacs de ciment ou de plâtre a été divisée par deux ; dans la coiffure, des solutions peuvent être trouvées pour limiter la position debout. Cela suppose d'agir de manière collective, or la récente décision du Conseil constitutionnel sur les actions mutualisées nous bloque...

Il est curieux de demander au Parlement de voter le principe du compte de prévention de la pénibilité, et d'en renvoyer la mise en oeuvre à des décisions ultérieures. Il faudra préciser les dix facteurs de pénibilité définis dans le cadre de négociations en fixant des seuils. Le code du travail et le code de la sécurité sociale deviennent de plus en plus virtuels. Un chef d'entreprise qui a deux salariés dans la maçonnerie devra faire des fiches individuelles journalières, puisque chaque salarié exerce l'intégralité du métier. Or l'exposition à un marteau-piqueur peut ne durer qu'une heure... Où est le choc de simplification ? Ce compte pénibilité nous inquiète, qu'il s'agisse de sa faisabilité ou du risque de contentieux qu'il fait naître. Ce qu'il faut, c'est mener des actions de prévention pour améliorer les conditions d'activité.

Mme Christiane Demontès , rapporteure . - J'ai entendu vos points de vue, qui ne nous surprennent guère. Chacun sait que nous ne sommes pas égaux face à l'espérance de vie. Les travaux exécutés pendant la vie professionnelle pèsent sur l'espérance de vie. Je réfute l'idée selon laquelle les conditions de vie personnelle seraient les seules à jouer, étant donné le temps passé au travail. Nul ne conteste que certains métiers, par ailleurs utiles et nécessaires, dégradent la santé. Ne pensez-vous pas que la création de ce compte personnel de prévention de la pénibilité peut inciter les entreprises à améliorer les conditions et l'organisation du travail ? M. Burban a évoqué des actions collectives. Comment envisagez-vous les choses ?

M. Agenet a parlé de trappe à pénibilité. Mais le compte pénibilité a aussi un objectif de formation et offre à un salarié exposé la possibilité d'envisager des orientations professionnelles nouvelles. En quarante-trois ans de travail, il y a place pour des changements !

Les dix facteurs de la pénibilité ont été définis par les partenaires sociaux. Faut-il les remettre en question, ou sont-ils pertinents ?

M. Frédéric Agenet . - Nous devrions être tous d'accord sur un objectif : réduire la durée d'exposition à la pénibilité. Pour cela, il faut travailler en priorité sur le reclassement. La loi prévoit que les points accumulés peuvent être utilisés pour se former ou obtenir un temps partiel avant la retraite. Mais on voit sur le terrain que la possibilité d'un départ anticipé occulte les autres options : c'est un véritable appel d'air, d'autant que les salariés savent que la durée d'activité va s'allonger. Les publications syndicales, très prudentes sur la réforme, ne mettent en avant que ce seul élément. Dès lors, comment inciter à solliciter un reclassement ? Il faut travailler avec les partenaires sociaux sur le terrain pour remettre à plat l'ensemble du dispositif de lutte contre la pénibilité dans les entreprises et utiliser les enveloppes disponibles pour inciter au reclassement plutôt qu'au départ anticipé. Parmi les trois options ouvertes par le compte pénibilité, il faudrait faire en sorte que les salariés soient incités à opter pour le reclassement. Sinon, la prévention n'intéressera plus personne.

Mme Geneviève Roy . - Je ne nie pas le lien entre conditions de travail et espérance de vie en bonne santé, mais chacun a aussi une responsabilité individuelle : nos salariés travaillent 35 heures, ils ont une vie en dehors du travail qui a aussi un impact sur leur santé ! La négociation sur les dix critères instaurait un filtre médical, sans lequel nous compensons un risque qui ne surviendra peut-être pas. Nous sommes inégaux face aux tâches pénibles, ne serait-ce que physiquement. Sans filtre médical, comment évaluer le risque ?

Comment compenser le travail de nuit ? Je l'ignore. Encore faut-il distinguer entre le travail en trois-huit, avec des changements de rythme physiologiquement difficiles à supporter, et un travail pendant trois nuits de 12 heures par semaine, qui plus est compensé par du temps de repos. Faut-il remplacer les travailleurs de nuit par des digicodes ?

Pour le reclassement, il faut d'abord que les salariés manifestent une appétence pour la formation. Que faire des personnels non qualifiés, qui ne sont pas toujours susceptibles de recevoir une formation qualifiante ? Pôle emploi est-il la solution ? Pour moi, le plus pénible à supporter, c'est de ne pas avoir de travail. Il faut retravailler sur les seuils et rétablir un filtre médical.

M. Pierre Burban . - Certains métiers pénibles, comme celui des infirmières de nuit, sont nécessaires à la société. N'ayant aucun intérêt à maintenir les personnes dans des situations pénibles nous faisons tout pour réduire la pénibilité. N'oublions pas que 95 % des entreprises françaises comptent moins de cinquante salariés, que 53 % des salariés y travaillent et que 37 % des salariés travaillent dans des entreprises de moins de vingt salariés. Il est compliqué de mener des actions en interne dans ces entreprises-là. Il faut donc des actions collectives, mutualisées. Les branches qui avaient mis en place des complémentaires-santé obligatoires, comme la boulangerie ou la coiffure, ont également développé des actions concrètes de prévention des risques. Pour nous, la pénibilité n'est pas un problème de retraite mais de santé au travail. Dans la boulangerie, les poussières de farine peuvent générer de l'asthme : des actions collectives ont été menées pour diminuer ces poussières dans les fournils. Travailler dans une ambiance sucrée peut donner des caries dentaires : une action collective a instauré des consultations et des soins dentaires gratuits.

Le reclassement n'étant pas toujours possible, il faut des actions collectives concrètes pour réduire la pénibilité. Il y a trente ans, les bouchers portaient sur leur dos des demi-boeufs ; aujourd'hui, les abattoirs découpent davantage, et certains artisans-bouchers ont des systèmes mécanisés de réception de la viande. Ce compte n'arrive-t-il pas trop tard ? L'objectif, c'est de prévenir. Définir des facteurs de pénibilité permettait notamment d'éviter de qualifier certains métiers de pénibles, et donc de décourager les jeunes d'y recourir.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je partage les préoccupations de M. Agenet. Je soutiens ce texte, mais la conjonction avec l'allongement de la durée du travail risque d'inciter les travailleurs à s'orienter vers le départ anticipé plutôt que vers la reconversion dans des postes moins pénibles. Je travaille depuis cinquante ans, mais je serais incapable de faire aujourd'hui le travail que je faisais à vingt-cinq ans. Traditionnellement, la négociation dans l'entreprise prévoyait des compensations salariales à la réalisation des travaux pénibles ou insalubres : il y avait donc concurrence pour les exécuter !

Comment le compte de prévention de la pénibilité s'articulera-t-il avec les mécanismes déjà mis en place dans le cadre de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), dont la vocation est de lutter contre la pénibilité ? Je suis par ailleurs sensible aux efforts réalisés l'an dernier par le régime social des indépendants.

Mme Catherine Procaccia . - M. Burban a évoqué une décision du Conseil constitutionnel. Laquelle ?

Il faudra aménager le compte de prévention de la pénibilité pour les PME et TPE si l'on ne veut pas accentuer les difficultés de recrutement dans certaines filières comme les métiers de bouche ou la menuiserie. A estampiller certains métiers comme « pénibles », on risque de dissuader les jeunes et de démolir l'apprentissage.

Le reclassement est sans doute possible dans de grandes entreprises, mais comment faire dans les TPE ? J'étais responsable d'une équipe de logistique de cinquante personnes dans une grande entreprise. Aux caristes, je proposais une formation en posture ou en informatique, mais il n'est pas toujours aisé, même avec la meilleure volonté, de transformer en employés de bureaux ou en agents d'accueil des personnes qui n'ont souvent pas de formation. A cela s'ajoutent les problèmes de santé éventuels. Et la reconversion est encore plus dure à cinquante ou cinquante-cinq ans.

Ne pourrait-on pas réintroduire un minimum de filtre médical ? Les jeunes travaillent désormais tous sur écran et se plaignent de fatigue visuelle ou de mal de dos. Ces emplois seront-ils bientôt considérés comme pénibles ? Tout travail va-t-il devenir pénible ?

Mme Catherine Génisson . - La prévention de la pénibilité, ce n'est pas seulement une problématique de santé au travail, c'est aussi la possibilité de vivre sa retraite en meilleure santé possible. Les entreprises font déjà des efforts en matière de prévention. Le travail de nuit est certes indispensable, dans le secteur public comme dans l'entreprise. Cela ne doit pas pour autant interdire toute réflexion sur le sujet : faut-il privilégier le confort ou le développement économique ? Les salariés concernés préfèrent souvent la compensation pécuniaire aux repos compensateurs, d'ailleurs parfois reportables et cumulables. La loi ne devrait-elle pas encadrer davantage les choses et orienter clairement les salariés vers la prévention ?

Remplir le compte individuel de pénibilité sera certainement complexe, notamment pour les PME. Il apparaît en effet kafkaïen de consigner chaque jour, heure par heure, les travaux pénibles effectués. Ne pourrait-on procéder par statistiques, selon les métiers, pour établir un quota mensuel ou annuel ?

M. Dominique Watrin . - Je vois une certaine contradiction dans vos interventions. D'un côté, vous regrettez que le texte fasse primer la compensation sur la prévention ; de l'autre, vous craignez qu'en l'absence de filtre médical, les compensations ne soient pas toujours justifiées. C'est oublier que la pénibilité a des effets différés ! Les entreprises tardent à agir, les accords et les plans d'action ont pris beaucoup de retard.

Le compte de prévention de la pénibilité ne règle pas tout. Tous les salariés n'en profiteront pas, notamment ceux qui sont en fin de carrière. Mais l'injustice fondamentale, c'est que l'espérance de vie d'un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d'un cadre !

Nous avons eu droit au couplet habituel sur la hausse des prélèvements sociaux. Cette réforme générera 16 milliards d'euros d'économie d'ici 2040. L'effort sera supporté à plus de 20 % par les retraités, avec le gel des pensions et la fiscalisation des majorations pour les personnes ayant plus de trois enfants, à 60 % par les salariés, avec la hausse des cotisations ou l'allongement de la durée de cotisation, et à 20 % à peine par les entreprises. Et le Gouvernement a annoncé que la légère hausse de leurs cotisations serait entièrement compensée ! Pourtant, les cotisations sociales ont augmenté quatre fois moins vite que le PIB ; il ne serait pas illogique de leur demander un effort supplémentaire...

En tant que parlementaire communiste, je fais bien la différence entre les TPE-PME et les grands groupes du CAC 40. C'est pourquoi dès 2010 nous avions déposé une proposition de loi soumettant aux cotisations sociales les revenus financiers des entreprises. La mesure rapporterait 30 milliards d'euros à la sécurité sociale et endiguerait la financiarisation de l'économie qui joue contre l'emploi. En France, les dividendes sont deux fois plus élevés que l'ensemble des cotisations sociales versées par les entreprises !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je pense moi aussi que notre système de retraite doit tenir compte de la pénibilité. Lors de la réforme de 2010, mon groupe avait déposé des amendements en ce sens qui n'ont pu être examinés au Sénat, le débat ayant été écourté. Statistiquement, ceux qui ont exercé un métier pénible profiteront moins de leur retraite. Toutefois, le dispositif proposé par le projet de loi est d'une complexité insondable, sans doute pour avoir voulu associer prévention et réparation. Bien sûr qu'il faut supprimer les postes pénibles ! Il y a cinquante ans, le thème majeur était l'ergonomie du poste de travail ; des progrès considérables ont été réalisés en matière de santé au travail. Néanmoins, ceux qui travaillaient à l'époque - et j'en suis - voient leur espérance de vie en bonne santé réduite. Améliorer ce texte ne sera pas chose aisée. Ne nous laissons pas impressionner par les petits messieurs qui entourent les ministres et ignorent tout de l'entreprise !

Mme Catherine Procaccia . - C'est bien vrai !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Il ne sera pas simple de reconstruire une carrière, notamment pour les polypensionnés. La tâche administrative des chefs d'entreprise sera alourdie. Quant au coût, il risque de dépasser les estimations.

Comme les précédentes, cette réforme ne va pas au bout et n'est pas structurelle. Mme Roy préfèrerait reporter l'âge d'ouverture des droits à la retraite pour éviter de faire porter aux jeunes le poids de la réforme. Certes, les jeunes ont été sacrifiés, mais en reportant l'âge de départ, on ne favorise pas leur entrée sur le marché du travail... En ce domaine, j'admire ceux qui ont des certitudes, car la réalité n'est peut-être pas aussi simple !

Mme Laurence Cohen . - Il est indispensable de légiférer. Les conditions de travail restent pénibles pour nombre de salariés en dépit des progrès techniques et médicaux ou de la prise de conscience de certains chefs d'entreprise. Nous avons besoin de la loi pour accélérer les choses et obliger à modifier les pratiques, car trop de salariés souffrent.

Il faut définir les critères de la pénibilité : les facteurs qui diminuent l'espérance de vie, ceux qui diminuent la durée de vie en bonne santé, ceux qui aggravent les risques psychosociaux, souvent négligés. Les conséquences de la pénibilité pèsent sur les salariés mais aussi sur la société tout entière. Il faut travailler sur la prévention, mais aussi sur la formation, la qualification et la valorisation de certains métiers. Les métiers du commerce, des services à la personne ou de l'hôtellerie, par exemple, sont dévalorisés et mal reconnus. Comme ils sont souvent occupés par des femmes, la formation est négligée - sans doute considère-t-on qu'elles sont « naturellement » douées des qualités requises... Ces facteurs aggravent la pénibilité. Les mécanismes de réparation ne doivent pas se limiter à une compensation salariale ou une possibilité de départ en retraite anticipé. Elles doivent aussi inclure un effort de prévention et de formation. Les salariés sont souvent volontaires pour évoluer. Enfin, parmi les facteurs de pénibilité, n'oublions pas le travail à temps partiel, morcelé, avec une forte amplitude horaire qui accroît les temps de trajets.

Mme Annie David, présidente . - Madame Roy, ceux qui commencent leur journée à l'aube seront bien contents qu'elle s'arrête à 22 heures !

M. Frédéric Agenet . - La loi peut être nécessaire pour faire évoluer les mentalités, mais pour être efficace, elle doit être adaptée à la réalité. Il importe de redonner une marge de manoeuvre aux partenaires sociaux. Plus le texte sera général, moins il sera applicable. Simplifions, ne créons pas un système kafkaïen. Plutôt qu'un décompte d'apothicaire de l'exposition à la pénibilité, laissons les partenaires sociaux définir, grâce à la négociation, des modèles statistiques de pénibilité selon les branches et les métiers.

Les entreprises sont constituées d'êtres humains, faits d'émotion. Si trois mécanismes sont proposés, il n'est pas surprenant que l'un d'entre eux soit privilégié. C'est pourquoi il faut favoriser le reclassement, ce qui est certes plus facile dans les grandes entreprises que dans les petites. Cela suppose d'établir des plans pluriannuels, une cartographie des métiers pour mettre en place des passerelles, de renoncer à sous-traiter certaines fonctions pour garder ouvertes des possibilités de mobilité... Tout le monde doit tirer dans le même sens. A ce prix, la formation entrera dans les moeurs. Si le dispositif reste en l'état, l'immense majorité des salariés ne retiendra que la possibilité de départ anticipé, compromettant les efforts accomplis pendant des années.

Mme Annie David, présidente . - La décision du Conseil constitutionnel évoquée était celle relative à la clause de désignation prévue par la loi de sécurisation de l'emploi.

M. Pierre Burban. - Absolument. L'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale a été jugé inconstitutionnel. Cela interdit aux branches professionnelles de mettre en place des mécanismes mutualisés et remet en cause tous les dispositifs de prévoyance qui couvrent aujourd'hui 13 millions de salariés.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Quid de la complémentarité entre le compte pénibilité et la branche AT-MP ?

Mme Valérie Corman, directrice de la protection sociale au Medef . - La branche AT-MP a largement contribué à l'amélioration des conditions de travail et à la baisse de la sinistralité. Le nombre d'accidents du travail est historiquement bas, grâce à une meilleure maîtrise des risques professionnels et de la pénibilité.  Le système a fait la preuve de son efficacité, même si la tarification incite moins à la prévention en raison de la hausse de la part mutualisée et cible moins les entreprises à risque. Le dispositif reste orienté vers la prévention ; les interlocuteurs sont connus, ils travaillent ensemble. Ne perturbons pas un fonctionnement clair et lisible en introduisant ce compte de prévention de la pénibilité qui est d'une telle complexité. Comment articuler les deux, demandiez-vous ? Je ne sais pas !

M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) . - Le texte ne crée pas seulement un compte de pénibilité ; il généralise la fiche d'exposition à tous les salariés de tous les secteurs ! Mécanique déjà lourde et complexe. Il faudra ensuite remplir le compte personnel, selon un barème par points dont l'Assemblée nationale vient d'accentuer encore la complexité. Le décompte, qui n'est pas fondé sur un avis médical objectif, pourra être contesté par le salarié devant les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), et des commissions ad hoc statueront. Kafkaïen, en effet !

La réforme de 2010 a créé un dispositif pénibilité, avec un filtre médical, qui monte lentement en charge. Comment les deux seront-ils articulés ?

L'évaluation du coût du dispositif à l'horizon 2040 est pour le moins hasardeuse. Ce qui est certain, c'est que le montant cumulé des hausses de cotisations employeurs et salariés prévues par le décret du 2 juillet 2012, qui élargit le dispositif de retraite anticipée pour les carrières longues, représente déjà 10 milliards d'euros sur trois ans. Le présent projet de loi prévoit une hausse cumulée de cotisations de 12 milliards d'euros, sur quatre ans. Les prélèvements nouveaux en faveur des retraites auront ainsi augmenté de 22 milliards d'euros entre 2012 à 2017.

Mme Catherine Génisson . - La part employeurs sera en principe compensée.

M. Georges Tissié . - En partie seulement. Et pas pour l'instant.

Mme Geneviève Roy . - Reculer l'âge d'ouverture des droits ne freine pas l'entrée des jeunes sur le marché du travail, car le remplacement n'est jamais automatique. Nombre de salariés en fin de carrière sont licenciés avant l'âge légal de départ à la retraite. A la représentation nationale de créer un climat favorable à l'emploi. Ne vous en déplaise, le montant cumulé des hausses de charges est élevé, notre taux de marge historiquement bas. Nous plaidons non pas pour une compensation mais pour une baisse des charges, afin que nos entreprises redeviennent compétitives par rapport à nos concurrents européens - Allemagne, Italie, Espagne - et puissent embaucher. Diminuer le coût du travail sert l'emploi. Nous ne demandons pas de cadeau : seules les entreprises privées peuvent créer des emplois !

Mme Annie David, présidente. - En Allemagne, 16 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. En Espagne, le taux de chômage est considérable. Quelle société voulons-nous ? Les richesses créées doivent-elles profiter à tous ou bien seulement à quelques-uns tandis qu'une frange croissante de la population s'appauvrit ? Lorsque nous légiférons, nous devons aussi penser aux seniors au chômage qui partent en retraite avec les 500 euros de l'allocation équivalent retraite, aux jeunes qui enchaînent les CDD, aux femmes qui font le ménage à l'aube dans les grandes entreprises...

M. Pierre Burban . - Vous légiférez pour tous, c'est légitime. Mais attention à la faisabilité de ce que vous votez. Il ne faut pas décourager l'initiative. Collectivement, nous avons tout intérêt à créer de l'emploi. Dans le cas contraire, les gens préféreront rester auto-entrepreneurs plutôt que de prendre le risque d'embaucher. Favorisons plutôt la création d'entreprise et ne créons pas un droit virtuel qui se retournera collectivement contre nous.

M. Frédéric Agenet . - La compétitivité est une préoccupation constante des entreprises. Ne faisons pas de ce projet de loi un handicap de plus pour les entreprises françaises. Aucun de nos voisins ne possède de dispositif de prévention de la pénibilité de ce type. Soyons pragmatiques. Ainsi, pourquoi ne pas réintroduire un filtre médical, quitte à s'en dispenser par exemple pour les travaux en équipe de nuit ? Cela objectiverait le problème, éviterait les effets de masse et limiterait les contentieux.

M. Georges Tissié . - A défaut de réintroduire le filtre médical pour les trois facteurs organisationnels, faisons-le au moins pour les sept facteurs techniques.

Mme Geneviève Roy . - Les compensations horaires du travail de nuit ne pourraient-elles être inscrites dans le compte de pénibilité ?

La CGPME est attachée au régime par répartition. Comme vous, Madame la présidente, nous ne voulons surtout pas du modèle allemand. Mais en ne traitant pas le fond du problème, cette réforme met en cause notre régime et ouvre la porte à la capitalisation et à l'assurance privée. De même, nous sommes attachés à un Smic plancher ; aux branches et aux entreprises de décider ensuite de la politique salariale. Ne créez pas un monstre que les entreprises ne pourront mettre en oeuvre, et qui les conduirait à ne plus embaucher ou à recourir au travail dissimulé.

Mme Annie David, présidente . - Nous entendons votre plaidoyer pour plus de simplification. Le compte personnel de prévention de la pénibilité est un élément important de la réforme des retraites et il tient à coeur d'un grand nombre d'entre nous. Nous allons tenter de simplifier un peu ce texte, même s'il nous faut tenir compte de bien des facteurs. A mes yeux, une société compétitive est celle qui permet à chacun de vivre dignement.

Table ronde avec les partenaires sociaux (syndicats de salariés) : MM. Gérard RODRIGUEZ, conseiller confédéral en charge des retraites de la Confédération générale du travail (CGT), Pierre ROGER, délégué national du secteur protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Jean-Louis MALYS, secrétaire national à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Philippe PIHET, secrétaire confédéral chargé du dossier retraites, de Force ouvrière (FO) et Patrick POIZAT, secrétaire confédéral en charge des retraites de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Réunie le mercredi 9 octobre 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à une table ronde avec les organisations syndicales de salariés sur le projet de loi n° 1376 (AN XIV e ) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

Mme Annie David, présidente . - Nous recevons MM. Gérard Rodriguez, conseiller confédéral en charge des retraites de la Confédération générale du travail (CGT) ; Jean-Louis Malys, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ; Philippe Pihet, secrétaire confédéral chargé du dossier retraites de Force ouvrière (FO) ; Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ; Pierre Roger, délégué national du secteur protection sociale et Gilles Castre, juriste du secteur protection sociale, de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

Messieurs, nous aimerions recueillir votre avis sur l'ensemble de ce projet de loi.

M. Gérard Rodriguez, conseiller confédéral en charge des retraites de la CGT . - Notre appréciation globale sur le projet de loi n'a pas évolué au regard des débats engagés à l'Assemblée nationale. Ce projet s'inscrit dans la continuité des réformes précédentes. La mesure emblématique de cette réforme réside dans l'allongement de la durée de cotisation requise pour l'obtention de la retraite à taux plein.

Cet allongement nous posait déjà problème lors des réformes précédentes, et d'autant plus aujourd'hui lorsque nous considérons la situation de l'emploi. Par ailleurs, la durée d'activité sur une vie ayant tendance à baisser depuis déjà plusieurs décennies, on se demande comment, à l'âge d'ouverture des droits - si tant est qu'il demeure le même qu'aujourd'hui - les salariés, notamment les plus jeunes, obtiendront les durées de cotisation requises.

Compte tenu de la dégradation de l'emploi, on peut penser que les quarante-trois années nécessaires, à partir des générations 1973, ne seront pas atteintes, ce qui abaissera très sérieusement les niveaux des pensions. La conjugaison des deux facteurs pris en compte pour le calcul des pensions - la durée requise pour le taux plein et le coefficient de proratisation - entraînera des pensions beaucoup plus faibles à l'avenir, si les choses continuent à évoluer ainsi. C'est la raison de notre hostilité à ce projet.

Si l'allongement de la durée est conséquent, il n'a pour le moment pas encore produit tous ses effets. Les générations qui partent aujourd'hui à la retraite, notamment les hommes, ont des durées d'activité relativement longues. Elles le sont toutefois moins que celles de leurs ainés : il y a une vingtaine d'années, il était commun de rencontrer des salariés ayant quarante-trois, quarante-quatre, quarante-cinq ans d'activité. A l'époque, on leur demandait 150 trimestres.

Les générations actuelles, lorsqu'elles arriveront à la retraite, auront des durées de cotisation plus courtes du fait de la progression de la précarité et d'un facteur quant à lui plus positif, à savoir l'allongement de la formation initiale, et donc l'entrée plus tardive dans une activité professionnelle.

Nous pensons que si ce mouvement d'allongement de la durée de cotisation requise se poursuit, nous assisterons à un abaissement massif du niveau des retraites.

D'autres phénomènes viennent concourir à cette détérioration, parmi lesquels la dégradation salariale. Pour faire de bonnes retraites, il faut en effet de bons salaires. Vous connaissez position de la CGT sur ce point... On doit donc travailler à améliorer les droits, mais aussi les salaires. On le voit de manière évidente s'agissant des femmes, dont la situation salariale est extrêmement défavorable. Si l'on oeuvrait en faveur de l'égalité salariale, on améliorerait les retraites des femmes de manière conséquente, ainsi que la situation des comptes des régimes : mieux on est payé, plus on cotise !

C'est notre principal point d'opposition à cette réforme...

D'autres éléments sont, selon nous, contestables, comme le report de la revalorisation des pensions au 1er octobre. J'entends dire que cette mesure sera transparente et sans aucun effet sur les pensions des futurs retraités. C'est faux ! Selon nos calculs, un tel report représenterait un manque à gagner de neuf mois, soit, pour une prévision d'inflation de 1,75 % en 2016, 170 euros sur l'année pour une pension de 1 000 euros. Ceci peut engendrer des difficultés importantes chez des retraités dont la situation est précaire.

Quelques dispositions paraissent aller dans le bon sens, comme sur la pénibilité, mais en réalité, on reste loin du compte.

Les salariés concernés ne vivent d'ailleurs pas très bien ces annonces. Lorsqu'ils ont entendu que la pénibilité allait enfin être prise en compte, certains ont pu penser que cela allait leur permettre d'améliorer leur situation. Les plus âgés pensaient qu'ils allaient pouvoir partir plus tôt. Or, ceux qui vont pouvoir se constituer un compte pénibilité vont le faire pour une échéance à dix, vingt, ou trente ans. Ceux qui ont la cinquantaine, et qui commencent à voir leur santé se dégrader, ne pourront, dans le meilleur des cas, bénéficier d'un départ anticipé que d'un ou deux trimestres. C'est quasiment insultant !

Le fait que l'on ne soit plus dans un dispositif médicalisé est une très bonne chose, mais il faut des mesures conséquentes ! La CGT propose qu'un salarié exposé à une pénibilité durant plus de vingt ans puisse bénéficier d'une anticipation de cinq ans, sur la base de la retraite à soixante ans. Nous sommes toujours restés attachés à cet âge. Cela représente un départ à cinquante-cinq ans, voire moins dans certains métiers, comme les égoutiers, qui cumulent pénibilité et insalubrité, et qui ont des espérances de vie très courtes.

Certaines dispositions sont intéressantes dans leur philosophie, mais demandent à être sérieusement améliorées.

Nous déplorons de sérieuses insuffisances en matière de financement. Ce n'est pas l'augmentation des cotisations de 0,3 point pour les salariés qui va régler les problèmes, d'autant qu'elle pèse sur eux seuls ! Il a en effet été immédiatement annoncé que, s'agissant des employeurs, l'augmentation des cotisations seraient compensée par une baisse des cotisations d'allocations familiales. Pour les employeurs, il s'agit donc d'une opération blanche ! On nous parle de projet équilibré, d'un financement qui passe par l'effort de tous, mais ce n'est pas le cas !

Une augmentation des cotisations de 0,3 point est, de notre point de vue, totalement insuffisante. Il faudrait, selon la CGT, y associer bien d'autres mesures, comme la modulation des cotisations patronales et la mise à contribution des revenus financiers.

M. Philippe Pihet, secrétaire confédéral chargé du dossier retraites de FO . - Je ne serai guère original par rapport à mon camarade de la CGT, en particulier concernant l'allongement de la durée d'activité, à laquelle nous sommes totalement opposés.

Cela fait quarante ans cette année que, quelle que soit la couleur des gouvernements, cette durée d'activité a été allongée ; avant 1971, on était à 120 trimestres ; puis on est passé à 150, mais la pension du régime de base a alors été portée de 40 % à 50 % du plafond, ce qui constituait une compensation positive.

Depuis 1993, on ne fait qu'augmenter la durée d'activité. On était, à cette époque, à 37,5 ans. Si la loi est votée en l'état, on ira jusqu'à quarante-trois ans, ce qui, pour FO, est un signal totalement négatif vis à vis des générations déjà sur le marché du travail.

La génération 1974 étant rentrée sur le marché du travail à 23,5 ans en moyenne, l'âge de la retraite à taux plein sera donc plus près de soixante-sept ans que de soixante-deux ans. Il s'agit là d'une double peine et d'une hypocrisie majeure : si l'on conserve le taux de l'âge légal à soixante-deux ans, de moins en moins de salariés pourront réunir leur nombre de trimestres. Il aurait fallu entrer dans la vie active, pour la génération 1973, à dix-neuf ans en moyenne, ce qui est loin de refléter la réalité. J'ajoute que plus d'un salarié du privé sur deux qui demande aujourd'hui la liquidation de sa pension n'est plus sur le marché du travail. L'allongement de la durée de cotisation s'inscrit dans une construction intellectuelle à laquelle nous nous opposons. L'exécutif donne l'impression que les salariés peuvent être acteurs de leur retraite, et partir quand ils le décident. Or, la moitié ne sont acteurs de rien du tout : ils sont soit au chômage, soit en invalidité ou en incapacité, soit, pour les cas extrêmes, aux minima sociaux.

C'est ce qui motive notre opposition sur le fond. Quant à la forme, je rappelle que le Gouvernement, par la voix de Mme Marisol Touraine, en juillet 2012, avait annoncé une concertation renforcée. La ministre avait cru bon d'ajouter que la concertation n'était pas la négociation. Nous lui avions répondu que nous faisions fort bien la différence entre les deux et que, jusqu'à preuve du contraire, un syndicat ne négocie pas avec les pouvoirs publics. Il peut être consulté, ce qui a été le cas, sauf à propos de la mesure phare, objet d'une déclaration liminaire du Président de République, à l'occasion de la seconde conférence sociale, fin juin 2013, à l'issue de laquelle il a annoncé que l'allongement de la durée d'activité était déjà acté et n'était pas soumis à discussion.

Nous resterons extrêmement vigilants à propos du pilotage. Il est en effet question d'un conseil de surveillance, et l'on découvre qu'un décret va fixer un taux maximum de cotisation. On est là dans un changement fondamental de mécanisme. La répartition n'est pas touchée ; en revanche, on sort du système à prestations définies, le régime de base versant 50 % dans la limite du plafond, pour passer, si le législateur l'accepte, à un système à taux défini. Le conseil de surveillance devra faire des observations, qui seront suivies ou non par l'exécutif. Le conseil de surveillance n'étant pas instance élue, nous avons au moins obtenu que ce ne soit pas lui qui dicte les prochaines réformes, car nous sommes intimement convaincus que ce n'est pas la dernière. Sur ce sujet, le Gouvernement a toutefois été plus prudent que ses prédécesseurs...

Ce conseil de surveillance laisse la possibilité à l'exécutif et au législatif de prendre ses décisions et d'en rendre compte ensuite aux citoyens, ce qui nous semble un élément de base de la démocratie. Les compétences du conseil de surveillance ne se limitent pas aux régimes de base et portent aussi sur les régimes complémentaires. Je veux principalement parler de l'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco). Cet empiétement de compétences nous inquiète, s'agissant d'un des derniers monuments du vrai paritarisme. En effet, la puissance publique n'intervient pas, ou éventuellement en second rideau, lorsqu'il s'agit d'étendre un accord signé majoritairement par les partenaires sociaux. Il nous semble qu'il s'agit d'une tentative de reprise en mains, à propos de laquelle nous faisons le lien avec les derniers articles du projet de loi relatifs à l'union des institutions et services de retraite. Nous additionnons les premiers et les derniers articles et obtenons une indication sur une réforme systémique, qui porte en elle, à terme, les bases d'un régime dit unique...

L'approche collective concernant la pénibilité nous convient, par opposition à l'approche médicalisée et individuelle de la réforme de 2010. Il faudra bien évidemment étudier les décrets. Nous ne faisons pas de procès d'intention mais nous resterons vigilants.

Je me permets de soulever ici la question de l'intitulé de l'article 6. Nous souhaiterions que le « compte personnel de prévention de la pénibilité » porte le titre de « compte personnel de pénibilité ». Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont en effet uniquement financés par l'employeur. Il ne faudrait pas que l'on bascule les cotisations patronales, comme c'est la tendance actuellement, sur les cotisations salariales, sous quelque forme que ce soit. Nous y veillerons particulièrement...

Parmi les autres points intéressants, nous relevons l'abaissement du seuil de validation du trimestre dans le régime de base, de 200 à 150 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). Cette mesure est particulièrement favorable pour les salariés à temps partiel, dont 80 % sont des femmes.

J'attire votre attention sur le fait qu'il ne faudrait pas que cela encourage des employeurs indélicats à recourir à la précarisation. En effet, avec douze heures par semaine, il est possible de valider quatre trimestres par an ; en revanche, le salaire annuel moyen qui servira au calcul de la pension ne sera pas très élevé.

La prise en compte de la totalité des trimestres pour la formation en alternance est également intéressante. Cela touche les apprentis, mais aussi les contrats de professionnalisation. Dans certains métiers, les apprentis ont un salaire si faible qu'ils ne peuvent valider la totalité de leurs trimestres. Avec un contrat de douze trimestres, la totalité de ceux-ci sera validée. Nous ignorons cependant comment cette mesure sera financée. Certaines formules du texte nous sont apparues assez curieuses, les termes : « l'Etat prend en charge » devant être remplacés par : « l'Etat est exonéré ». L'exécutif propose donc au législateur de continuer à creuser le déficit, ce qui paraît relativement peu raisonnable, pour employer des termes diplomatiques.

S'agissant du financement, la fiscalisation de majoration de 10 % des pensions pour avoir élevé trois enfants et plus nous semble sans lien avec les réformes des retraites. Le produit de cette mesure devrait abonder la Caisse nationale assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnavts), mais chacun ici sait que l'impôt n'est pas affecté, et que ce transfert pourra être remis en cause tous les ans. Il ne s'agit donc pas d'une ressource pérenne. C'est un sujet d'inquiétude.

Par ailleurs, - mais on est ici dans la communication gouvernementale les employeurs ont été rassurés par le fait que la réforme ne leur coûterait rien. Lavoisier disait : « rien ne se crée, tout se transforme ». Si cela ne coûte rien aux employeurs, il est probable que cela coûtera un peu plus aux salariés, à travers la contribution sociale généralisée (CSG) ou la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) !

Enfin, quel que soit le mode de calcul, la retraite par répartition ne peut avoir pour objet de gommer toutes les inégalités que rencontrent les salariés, particulièrement les femmes, au cours de leur vie active. C'est en réglant les problématiques au cours de la carrière temps partiel obligé, reprise difficile après avoir élevé des enfants, etc. que l'on traitera le sujet, et non en essayant de faire de la retraite une sorte de nirvana social !

M. Jean Louis Malys, secrétaire national de la CFDT . - Je remercie la commission des affaires sociales du Sénat pour son invitation.

Nous considérons globalement que la réforme a atteint un certain équilibre, mais il existe des améliorations importantes à y apporter.

L'ambition du syndicalisme, selon la CFDT, est d'améliorer concrètement la situation des salariés et des retraités. Nous dépassons ainsi les postures et les slogans rarement efficaces, et essayons d'obtenir des résultats. C'est pourquoi nous sommes pleinement engagés depuis longtemps dans la concertation qui, selon nous, a démarré à l'issue de la conférence sociale de 2012.

Au cours de celle-ci, nous avons pesé sur plusieurs aspects et en sommes fiers. Nous sommes tout d'abord intervenus à propos de mesures de justice prévues par ce texte qui, pour certaines, ont été demandées depuis longtemps et sont, d'après nous, significatives.

En second lieu, nous avons souhaité que les mesures de financement soient limitées, notamment concernant l'allongement de la durée de cotisation.

Je l'ai dit à d'autres occasions : si une réforme des retraites était indolore et incolore, cela fait longtemps qu'on le saurait ! Une telle réforme est forcément douloureuse, et réclame des efforts. Le problème est de savoir qui les fournit, la façon dont ils sont répartis et s'ils sont justes.

Nous considérons que le mode de pilotage doit sortir de la vision exclusivement financière des grands équilibres. Il faut porter un regard qualitatif, et savoir qui finance. De ce point de vue, la question des prestations définies est d'une grande hypocrisie. On parle de 50 % du salaire plafonné, alors que tout le monde sait que c'est 43 % et que certaines mesures, introduites depuis des années, ont déjà modifié ce niveau !

La dimension systémique des évolutions contenues dans ce projet de loi est réelle, même si nous pensons qu'elle ne va pas suffisamment loin pour rapprocher les régimes des assurés concernés. Un des grands problèmes de notre système de retraite réside aujourd'hui dans le nombre croissant de polypensionnés : plus de 40 % des salariés qui liquident leur retraite ont déjà cotisé à plusieurs régimes et ce phénomène va continuer à s'accroître. Or, il est anormal que des dispositifs de retraite pénalisent les mobilités. On ne peut effacer toutes les inégalités, mais il est scandaleux que le système aggrave la situation de certains salariés, en particulier les femmes !

En 2010, la CFDT a tenu un congrès, juste avant la réforme précédente. Nous avions à l'époque défendu trois axes...

Le premier concernait les conditions de l'harmonisation des régimes, qui passe par un examen en profondeur des carrières et des rémunérations dans les fonctions publiques intégration des primes, etc. Il est illusoire de parler d'unification des régimes si on n'aborde pas ces questions avec les agents concernés. C'est un peu la même chose en matière de pénibilité, le système actuel ne traite pas de tous les facteurs de pénibilité, ni du cas de tous les fonctionnaires.

Le deuxième axe concernait la durée de cotisation. La CFDT ne demande pas d'allongement, mais si des efforts sont à faire sur les carrières, nous pensons qu'agir sur la durée de cotisation est plus juste que de décaler l'âge de la retraite, puisque ce sont les salariés les plus modestes qui sont dans ce cas pénalisés, ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont des carrières plates.

Si nous considérons la durée de cotisation comme le critère le plus juste, nous sommes en revanche opposés à toute accélération de l'allongement de la durée de cotisation. Cela signifie que la règle de 2003, qui estimait que deux tiers de la vie devait être consacrés au travail et un tiers à la retraite, doit être maintenue. Il nous paraît juste que les futures générations passent plus de temps à la retraite que leurs aînés. On peut espérer qu'ils passeront également plus de temps au travail !

Aujourd'hui, la fin des études est en moyenne comprise entre vingt et un et vingt-deux ans. Le premier emploi débute en moyenne à 22-23 ans. Deux phénomènes arrivent ensuite en même temps, et sont souvent confondus. Le premier concerne les contrats à durée indéterminée (CDI) : beaucoup de jeunes traversent en effet des périodes de précarité avant de trouver un premier emploi stable, et il faut le combattre. Le second phénomène n'a rien à voir avec le premier ; il s'agit des jeunes qui poursuivent des études longues grandes écoles, etc. jusqu'à 28-29 ans. Or, on parle des jeunes, comme si tous les parcours étaient identiques. Selon nous, un système de retraite intelligent et juste doit tenir compte de cette diversité !

Le troisième axe est relatif au financement de la protection sociale. Nous considérons qu'il faut être cohérent par rapport aux risques couverts. Nous sommes donc favorables au fait que les droits qui portent principalement sur une logique contributive et assurantielle soient basés sur une cotisation sur le travail. D'autres droits, dits universels, comme la famille, la maladie et la perte d'autonomie, nécessitent un financement plus large. Nous estimons qu'il convient que tous les revenus, dont ceux du capital et du patrimoine, financent ces aspects.

C'est pourquoi nous sommes opposés à une augmentation de la CSG en vue de financer l'assurance vieillesse, même si le système de retraite comporte des éléments de solidarité.

Nous revendiquons le fait d'avoir réclamé depuis de nombreuses années un certain nombre de mesures de justice qui ont été prises. La première a trait à la question du compte de prévention de la pénibilité. Nous insistons sur la dimension de prévention que comporte ce compte, ne serait-ce que grâce aux six premiers mois consacrés à la formation. Il faut éviter que les salariés ne soient prisonniers de la pénibilité, ou qu'un dispositif ne les contraignent ou ne les incitent à y demeurer. On doit à la fois reconnaître les périodes de pénibilité, en réduisant la carrière de ces salariés, mais également mettre en place des dispositifs permettant aux salariés d'en sortir.

La CFDT se bat depuis 2003 pour qu'un dispositif prenne en compte cette situation. C'est une conquête sociale majeure. Nous pensons que ce système, lorsqu'il connaîtra son rythme de croisière, sera très proche de ce que nous espérions.

La question de la transition pour les salariés les plus âgés particulièrement exposés pose cependant un problème sur lequel je reviendrai...

La validation des périodes d'apprentissage constitue une demande fort ancienne de la CFDT et de plusieurs organisations de jeunesse. Le fait que les temps d'apprentissage et d'alternance soient pris en compte constitue pour nous une avancée sociale majeure...

La réduction de 200 à 150 Smic horaires du seuil de validation d'un trimestre, même si elle est techniquement compliquée à expliquer, est une mesure de justice, qui va en direction des salariés précaires ou à temps partiel. Cette mesure bénéficiera principalement aux jeunes et aux femmes, catégories aujourd'hui les plus touchées par le temps partiel et les emplois précaires.

L'accord national interprofessionnel que nous avons signé en début d'année, et qui a été transposé dans la loi, comportait des mesures destinées à augmenter le minimum d'heures de temps partiel. Nous pensons que tout ceci est assez cohérent.

Les carrières longues sont globalement maintenues et améliorées, alors que la loi de 2010 sonnait leur extinction. La CFDT a également été à l'origine du dispositif pour carrières longues, ce qui est une excellente chose !

Enfin, une amélioration du minimum contributif a été mise en place pour les retraités les plus modestes. Nous nous en félicitons. Les droits des personnes handicapées et de leurs aidants sont également renforcés.

Nous considérons toutefois que le financement de la réforme des retraites est déséquilibré depuis la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La CFDT était opposée à une augmentation de la CSG, qui doit être réservée aux risques universels famille, maladie, perte d'autonomie.

Cependant, le Gouvernement a fait le choix d'une hausse de cotisations salariales et patronales qui aurait pu être équilibrée, sans la compensation intégrale de l'effort des employeurs annoncée récemment. Cette compensation se traduira par une baisse de la cotisation famille, elle-même compensée par le budget de l'Etat qui repose principalement sur des prélèvements sur les ménages. Ce transfert a été décidé alors même que les travaux du Haut conseil du financement de la protection sociale ne sont pas terminés. Ils avaient pourtant été annoncés par le Premier Ministre.

Nous considérons qu'il s'agit là d'une politique de gribouille. Tout ceci manque de clarté et de visibilité.

Nous souhaitons des améliorations significatives lors du débat parlementaire, notamment sur les basses pensions, la pénibilité, la prise en compte des périodes de stages et les droits familiaux de retraite. Nous continuons à affirmer la nécessité d'une réforme systémique de nos systèmes de retraite.

La CFDT considère par ailleurs qu'il est d'autant plus important de préserver les retraités modestes que les retraites de base constituent une part majeure de leur pension.

Le projet de loi prévoit un recul de six mois de la revalorisation des pensions au 1er octobre, sauf pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. Cette mesure ne protège qu'un tiers des retraités qui vivent sous le seuil de pauvreté. Nous considérons que tous ceux-ci devraient être exonérés de cet effort. Nous demandons que les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) soient protégés, ainsi que tous ceux qui bénéficient du minimum contributif ou du minimum garanti dans les fonctions publiques.

Nous demandons également la prise en compte effective de la situation des salariés en fin de carrière toujours exposés à la pénibilité, ainsi que diverses améliorations du compte pénibilité. Le compte pénibilité sera ouvert à partir du 1 er janvier 2015 à tous les salariés du privé exposés à un ou plusieurs facteurs de risque. Il leur permettra d'acquérir des droits nouveaux, pour se former en vue d'une reconversion, ou partir à la retraite plus tôt. Le projet de loi prévoit la possibilité d'un dispositif transitoire pour certains salariés en fin de carrière, âgés d'au moins cinquante-deux ans au 1 er janvier 2015. Le texte renvoie à des décrets pour définir l'acquisition des droits pour les personnes concernées. Le barème prévu par le Gouvernement est très restrictif et laisserait de nombreux salariés exposés dans le passé sans compensation.

La CFDT demande le maintien d'un dispositif transitoire à partir de cinquante-deux ans, et surtout l'amélioration du barème d'acquisition des droits dans le dispositif transitoire jusqu'à quatre trimestres pour les salariés nés en 1954. Les droits doivent être d'autant plus importants que l'exposition à la pénibilité a été longue et que les salariés concernés sont âgés.

Les autres demandes d'amélioration du compte pénibilité concernent les salariés non titulaires de la fonction publique, qui ne bénéficient ni du service actif, ni du compte de prévention de la pénibilité.

Enfin, nous pensons que ceux qui bénéficieront du compte pénibilité devraient pouvoir disposer d'une pension à taux plein, avec une durée de carrière minimum de trente ans, afin d'éviter les effets d'aubaine, se rapprochant ainsi du dispositif pour carrières longues.

Nous pensons également qu'il faut élargir le compte pénibilité pour compenser tout ou partie des éventuels différentiels de rémunération des salariés qui quittent l'activité concernée.

S'agissant des stages rémunérés, la gratification minimale de 436 euros par mois fait l'objet d'une exonération de cotisations sociales. Les jeunes qui effectuent ces stages ne bénéficient donc d'aucun trimestre pour la retraite, contrairement à ceux dont les stages sont rémunérés de plus de 1 000 euros, qui sont souvent les étudiants des filières les plus nobles. C'est un paradoxe qu'il faudrait réexaminer.

L'amendement du Gouvernement introduit à l'Assemblée nationale permet de constituer des droits, avec un rachat de 300 euros par trimestre, dans la limite de deux trimestres rachetés. C'est un premier pas intéressant, mais il nous semble qu'il faut aller plus loin, en particulier pour ceux qui enchaînent stage sur stage avant de signer un contrat de travail.

Pour permettre aux stagiaires rémunérés de valider au moins un trimestre pour quatre mois de cotisation, nous demandons la suppression de l'exonération de cotisation vieillesse jusqu'à la gratification minimale. Il faut également prévoir des modalités spécifiques pour les stages à l'étranger, de plus en plus nombreux chez les jeunes.

Enfin, nous souhaitons l'inscription dans la loi d'une date de lancement de la refonte des droits familiaux de retraite, avant 2020. On parle beaucoup des retraites des femmes. La question de la redistribution des droits familiaux est centrale. Actuellement, le système profite principalement aux hommes et aux familles aisées. Il faut le redéployer. Le Premier ministre, dans son intervention, a repris cette idée. Elle l'est également dans l'exposé des motifs du projet de loi, mais elle n'est pas inscrite dans le projet de loi et ne comporte aucune date. Il faut enclencher cette mesure avant 2020, et que la loi le précise.

Enfin, c'est le Sénat qui avait, en 2010, introduit l'idée d'un rendez-vous pour engager cette année une réflexion sur la réforme systémique. La loi, en creux, a été respectée. Tous les syndicats, même ceux qui ne partagent pas cette idée, abordent le sujet. Nous pensons que ce point mérite d'être travaillé. Dans quelques années, il sera insupportable qu'il existe des régimes aussi différents et aussi peu lisibles pour les citoyens et les salariés. Cela doit se faire dans le cadre d'une vraie concertation, en prenant en compte l'intérêt de tous, sans stigmatiser personne. Nous souhaitons donc que cette réflexion soit actée dans la loi.

Seule la question du financement de la protection sociale, qui nous paraît essentielle, semble ne pas avoir été assez approfondie. Il faut clarifier les choses. En cas de compensation des cotisations retraite des employeurs, nous souhaitons que les salariés soient également protégés !

M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites de la CFTC . - En premier lieu, je tiens à dire que nous avons apprécié la démarche de concertation...

Les organisations syndicales sont parfois critiques, il faut le dire, à propos d'un certain nombre de points. Nous voulons nous inscrire dans une logique de construction sociale, et cette démarche, qui a consisté à passer par différentes étapes de dialogue, d'échanges entre partenaires sociaux et décideurs, a été particulièrement intéressante pour nous. Elle a été l'occasion de faire avancer un certain nombre d'idées. Le recours au Conseil d'orientation des retraites (COR) et à des structures créées pour l'occasion a également été un complément intéressant pour le dialogue.

La CFTC était également persuadée de la nécessité de cette nouvelle réforme, même si la précédente remontait à trois ans, et ce pour différentes raisons...

Nous avions dit, en 2010, qu'il nous semblait que la réforme proposée n'était pas complètement financée. Entre temps, d'autres éléments liés aux crises successives ont péjoré les espérances. Il nous paraissait donc assez évident qu'il était nécessaire de mettre en place une réforme complémentaire, qui vise à la fois le court et le long terme.

Il faut toujours garder à l'esprit que l'emploi est finalement le point d'équilibre des retraites et du financement des régimes sociaux. Ceci doit s'inscrire dans une priorité pour les différents acteurs qui interviennent sur le financement de ces régimes.

Nous sommes particulièrement satisfaits de la réaffirmation de la répartition comme choix d'organisation de la retraite. Nous sommes sensibles à la logique contributive que l'on constate dans nos régimes, et que nous souhaitons voir conforter.

Je voudrais d'abord insister sur le problème de l'inégalité entre les femmes et les hommes, qui correspond, bien sûr, au reflet des carrières, les différences constatées portant également sur les choix de vie, voulus ou souvent subis, avec des parcours peu valorisés et pénalisés par les arrêts et les différents problèmes que l'on peut rencontrer au cours de la vie.

Il est pour nous nécessaire de prendre des mesures allant jusqu'à pénaliser les entreprises qui ne reprennent pas les prescriptions de la loi, ou ne respectent pas les demandes destinées à évaluer les inégalités salariales et les corriger. Nous estimons que les entreprises qui ne sont pas dans cette logique doivent être rappelées à l'ordre.

La pénibilité figure parmi les mesures qui nous intéressent particulièrement, avec le volet prévention. Il nous semble anormal de se satisfaire d'un dispositif où les salariés travaillant en situation pénible seraient simplement pris en compte au moment de la retraite. La démarche qui consiste à considérer la situation des salariés, à leur proposer de la formation pour changer de poste ou, s'ils le souhaitent, pour changer d'emploi, est une bonne démarche.

Nous estimons que la compensation d'un passage à temps partiel est également une démarche intéressante.

En matière de pénibilité, il fallait entrer dans une démarche collective. Nous sommes satisfaits sur ce point. La démarche médicalisée précédente subsiste, sauf mesure de suppression que je n'ai pas vu apparaître dans le texte. C'est un point qui a finalement concerné peu de salariés. Je crois qu'il faut en tirer enseignement, mais la laisser cependant subsister, ceci répondant à un besoin complémentaire.

Pour ce qui est de la question des apprentis, les stages constituent une mesure intéressante. Elle permet d'envoyer un signe positif à ces salariés, en les intégrant dans la communauté du travail.

Nous éprouvons une certaine frustration concernant les cotisations. Mettre en place un Haut conseil du financement, lui confier une mission et prendre des mesures, sans attendre la fin des travaux, fait quelque peu désordre. C'est un regret que nous exprimons : il y a certainement une envie de concrétiser des décisions mais, à partir du moment où l'on s'est donné la chance du dialogue, il faut aller au bout chaque fois que c'est possible.

Grâce à un travail de réflexion interne, la CFTC a mis en évidence la nécessité que les contributions des salariés, des retraités et des entreprises soient à un niveau équitable, et qu'elles soient équilibrées. Elles ne sont bien sûr pas de même forme, mais c'est un point important selon nous.

Nous avons également relevé des mesures de court et de long terme. Il faut faire savoir que les mesures de court terme relèvent de cotisations, mais qu'il n'y a pas de changements fondamentaux quant aux conditions de retraite des salariés dans les années qui viennent. Ceci est important, car la retraite se prépare, s'espère pour certains, et il convient de passer un message de pérennisation des mesures.

Enfin, les deux réformes précédentes ont contribué à la lisibilité de sujets qui ne sont pas très faciles à appréhender. La législation sur l'information des actifs a été une bonne mesure. Il faut la compléter, consolider ce qui a été fait à cette occasion. Lorsqu'on s'intéresse aux organismes de retraite, ou qu'on est amené à participer à leur gestion, on prend conscience de la quantité de demandes qui sont exprimées régulièrement, et on a besoin d'aller plus loin. Il faut un certain temps pour mettre en oeuvre les mesures envisagées. Cela représente un coût, mais il est nécessaire.

M. Pierre Roger, délégué national du secteur protection sociale de la CFE CGC . - Nous considérons que la réforme des retraites était effectivement nécessaire. La protection sociale est un secteur éminemment structurant pour la société française. Dès lors que l'on touche à cet élément, on envoie des signaux à la population sur de nouveaux repères, dans une société qui en perd beaucoup.

Il s'agit de la quatrième réforme ; imprudemment, certains gouvernements ont assuré qu'il s'agirait de la dernière. Or, on sait aujourd'hui que ce ne sera pas le cas, et ceci provoque dans la population un sentiment d'inquiétude et de méfiance vis à vis de ceux qui ont en charge le traitement de ces dossiers, rendant plus difficile l'acceptation d'une telle réforme.

Pour qu'une réforme soit acceptée, il faut qu'elle génère un sentiment de justice et d'équité, même si on a toujours tendance à penser que c'est à l'autre d'accomplir les efforts. Un des premiers reproches que l'on peut adresser à cette réforme est qu'elle n'est pas juste, toutes les catégories n'étant pas touchées de la même manière. Si on peut constater quelques avancées, elle ne va cependant pas au fond des choses.

Si ce projet de loi est accepté en l'état, l'équilibre du régime est prévu pour 2017, avec un taux de chômage de 7 %. Or, celui-ci dépasse aujourd'hui les 10 % ! On peut donc être méfiant...

Un jeune de trente ans a, en moyenne, huit à dix trimestres de cotisations de moins aujourd'hui qu'il y a dix ans. Certaines avancées ont été réalisées, notamment en matière de stage et d'apprentissage, mais cela ne touche pas toutes les catégories socioprofessionnelles.

On sait que la performance des entreprises et la compétitivité de notre pays passent désormais par des jeunes formés, encadrés. Avec un taux de cotisations de quarante-trois ans, beaucoup de jeunes qui constitueront demain les cadres de nos futures entreprises n'auront pas les annuités nécessaires pour prendre leur retraite. Cette réforme ne le dit pas, mais elle entérine une baisse des pensions à terme. Beaucoup de salariés qui partent aujourd'hui à la retraite ont connu les Trente Glorieuses et ont des carrières relativement complètes. On compte parmi elles relativement peu de décotes. Dans le futur, on est certain qu'il n'y aura plus de surcotes, et on peut craindre des baisses de pension importantes, toutes catégories sociales confondues.

Le Gouvernement avait envisagé la possibilité d'un rachat d'un certain nombre de trimestres sur cinq à dix ans, cette durée correspondant aux périodes d'études. Nous souhaitons que cette capacité soit portée à huit trimestres sur quinze ans, au prix du SMIC, soit 1 000 euros environ, ce rachat étant dans les conditions actuelles matériellement impossible pour un jeune. La mesure est donc marginale, et n'atteint pas sa cible : la population qui aura fait des études est donc lésée.

Injuste, ce projet l'est également pour les seniors. Parmi eux, un certain nombre souhaite continuer à travailler pour obtenir une surcote. A l'inverse, les entreprises se séparent plus tôt des seniors. Passé cinquante ans, le parcours professionnel devient aujourd'hui extrêmement compliqué. On est vite mis sur la touche, et incité au départ. Nombre de ruptures conventionnelles se font avec la complicité des seniors, qui ont souvent la chance d'avoir tous leurs trimestres, sans pour autant donner lieu à l'embauche de jeunes. Le problème ne peut que s'accélérer, car on imagine mal les entreprises proposer des parcours professionnels, des mobilités et des formations à des salariés ayant dépassé soixante ans à moins d'un véritable changement de culture.

On se dirige vers une baisse du niveau de vie des retraités, même si les plus basses pensions sont pondérées. Globalement, les retraités de la classe moyenne vont subir une profonde attaque. Rappelons que les retraités acquittent un supplément de cotisation de 0,3 % au titre de la dépendance depuis le 1 er avril dernier. Pour ce qui est des retraites complémentaires, une désindexation des pensions a été entérinée pour trois ans. On reporte en outre la revalorisation des retraites de base d'avril à octobre.

On connaît le poids des retraités dans la consommation et l'économie française, ainsi que leur rôle d'aide à la famille quand ils n'ont pas eux-mêmes des ascendants à charge. On prend là le risque de paupériser une population qui constitue un socle important de notre société.

La pénibilité est, par ailleurs, un sujet et important. Nous regrettons que son champ n'ait pas été étendu aux risques psychosociaux. Plus personne ne peut nier qu'un certain nombre de facteurs sont liés à la pénibilité : travail de nuit, travaux physiques, etc. On entend régulièrement parler de burn out, et le suicide n'est plus un sujet tabou. Malheureusement, ce critère n'a pas été pris en compte, malgré le fait qu'il concerne beaucoup de monde, toutes catégories sociales confondues.

Selon le texte, c'est l'employeur qui définit le niveau de pénibilité de chaque poste. Il me semble que ceci devrait plutôt être réalisé en commun avec des organismes comme les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). C'est un domaine où la concertation est nécessaire, afin qu'un seul acteur ne soit pas tenté de définir des critères minimums.

On n'a pas évoqué le problème, quelque peu pervers, du cumul emploi retraite. Les pensions de réversion sont aujourd'hui conditionnées par les plafonds de ressources et concernent surtout les femmes. Les textes prévoient l'impossibilité du cumul. Nous demandons un déplafonnement des réversions, afin d'éviter toutes difficultés en ce domaine.

Quant au financement, celui-ci ne correspond pas aux ambitions que devrait afficher un texte de cette nature. Mes collègues l'ont déjà évoqué : contrairement aux salariés, les entreprises sont exonérées de tout effort, au titre de la compétitivité. Même si on peut le comprendre, la compensation va nécessairement devoir être réalisée via l'impôt ou au travers de cotisations salariées supplémentaires.

On ne peut espérer relancer ainsi l'économie et le pouvoir d'achat. On ne traite aujourd'hui que des conséquences d'une situation économique. La véritable solution consiste à fournir du travail à un plus grand nombre de salariés, qui pourront ainsi davantage cotiser. C'est la raison pour laquelle nous avions proposé une cotisation sociale sur la consommation. Nous sommes en effet persuadés qu'on ne peut plus raisonner sur des taxations ou des cotisations basées uniquement sur le salaire. La mondialisation oblige nos entreprises à être compétitives. Nous souhaiterions que cette cotisation fasse l'objet d'une réforme ambitieuse ; elle permet d'augmenter les cotisations vieillesse, d'abaisser les cotisations des entreprises et des salariés, et faire en sorte que les importations supportent une partie des charges imputables aux salariés et aux entreprises.

Mme Annie David, présidente . - Notre rapporteure a des questions à vous poser.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Il existe aujourd'hui un système d'exposition au risque qui comporte dix facteurs, mis au point par les partenaires sociaux. Or, de nouveaux risques ont émergé, comme les risques psychosociaux. On sait qu'on ne peut les prendre en compte immédiatement, mais comment les mesurer ? Quelle est la place des CHSCT à propos de cette question ?

On a par ailleurs peu parlé du pilotage et de l'information. Le groupement d'intérêt public (GIP) info retraite a permis la mise en place d'un système d'information accessible à tous les futurs retraités. A partir de trente-cinq ans, les salariés peuvent recevoir une information sur ce que sera leur retraite, toutes choses égales par ailleurs.

Le dispositif prévu dans la loi crée un nouveau groupement d'intérêt public, le GIP union des institutions et services de retraite. Comment voyez-vous cette évolution ? Pensez-vous qu'elle soit nécessaire ? Quel est enfin votre avis à propos de la mise en place du conseil de surveillance des retraites ?

M. Gérard Rodriguez . - Les risques psychosociaux s'invitent souvent dans les discussions ; cette question est légitime.

Nous ne nions pas le fait que la pénibilité revête plusieurs aspects. On parle pour le moment de la pénibilité qui a une incidence sur l'espérance de vie tout court, ou sur l'espérance de vie en bonne santé. Des critères ont été identifiés et l'on sait que, dans un certain nombre de situations, les conséquences peuvent être lourdes sur l'espérance de vie.

Le sujet des risques psychosociaux n'a toutefois pas été suffisamment mûri pour que l'on puisse affirmer qu'il existe un impact avéré sur l'espérance de vie, et que ce phénomène doit être pris en compte en matière de retraite et de réparation.

Les dispositions associées à la pénibilité, permettant de valider un certain nombre de trimestres, n'ouvrent pas droit en tant que telles à un départ anticipé, sauf si elles permettent à l'intéressé de devenir éligible au dispositif sur les carrières longues qui offre la possibilité d'un départ à soixante ans.

On a dit que les salariés qui commençaient à travailler jeunes étaient les plus exposés en matière de pénibilité. Ce n'est pas faux, mais ce n'est pas vrai pour tout le monde ! Certains salariés de l'industrie ou de la santé, dans le secteur public ou privé, ont des niveaux de qualification élevés et sont exposés à la pénibilité, par exemple en cas de travail de nuit. Les dispositions qui sont proposées aujourd'hui ne donneront aucun droit de plus. Les trimestres supplémentaires serviront éventuellement à abonder la pension au moment du départ à la retraite, mais ne permettront en aucun cas des départs anticipés. Nous avons proposé des départs anticipés dès cinquante-cinq ans, mais il n'existe pas de mesures de ce type.

En ce qui concerne l'information, nous pensons que tout ce qui peut permettre une meilleure information des assurés sociaux va dans le bon sens. Encore faut-il étudier comment cela fonctionne.

Nous sommes cependant hostiles au comité de surveillance. En effet, le rôle confié à ce comité, composé de « sages », laisse supposer que les retraites sont une question plus technique que politique. On se focalise sur les équilibres financiers et, plutôt que de laisser cette question aux élus, on s'en remet à des sages pour élaborer les bonnes recommandations. Nous ne sommes pas d'accord ! Nous croyons que la question des retraites est une question éminemment politique - et on en a une fois de plus la preuve avec la nouvelle réforme qui s'annonce. Pour la CGT, c'est dans le cadre d'un rapport de force qu'elle doit être abordée.

La partie patronale, qui fait valoir ses exigences, est visiblement entendue, contrairement aux salariés -et je le déplore ! S'en remettre à des sages ne permettra certainement pas de régler le problème. Les Etats qui ont choisi cette philosophie n'ont rien résolu du tout ! On nous dit que, dans certains pays, l'âge de la retraite est bien plus tardif qu'en France, et qu'on devrait s'en inspirer. En Allemagne, en 2010, seuls 17 % des salariés arrivés à l'âge légal de la retraite avaient un emploi ! Tous les autres étaient dans un dispositif d'invalidité ou de maladie.

Nier cet état de fait pourrait avoir des conséquences négatives. Il faut donc que l'on entende les salariés et les retraités beaucoup plus qu'on ne l'a fait, la réforme qui nous est présentée répondant davantage aux exigences des employeurs qu'à celles des autres catégories.

M. Philippe Pihet . - Les risques psychosociaux ne sont en effet pas pris en compte, mais cela fait huit ans que l'on a commencé la négociation avec le patronat. Après avoir mis trois ans à s'entendre sur dix critères physiques, ceux-ci sont maintenant actés.

Le ministre du travail a évoqué la possibilité de renvoyer l'application pratique de cette mesure à la négociation de branche. Il ne s'agit pas de repartir au point où nous en étions en 2005, mais il convient, selon nous, que la loi en fixe le cadre, la négociation de branche permettant de connaître les métiers concernés par la pénibilité, avant de se préoccuper des risques psychosociaux.

S'agissant de l'information, le travail du GIP info retraite est intéressant. Que cette instance soit absorbée par l'union des institutions et services de retraite nous paraît assez discutable, le futur GIP devant se voir attribuer une convention d'objectifs et de gestion, qui annonce sa prochaine étatisation. Aujourd'hui, ce sont la Cnavts, l'Agirc et l'Arrco qui en constituent les trois principaux décideurs, ce qui ne paraît pas choquant. Nous éprouvons donc une très forte réticence à voir l'actuel GIP disparaître. Il peut certes s'améliorer, mais si on en fabrique un nouveau, on s'engage dans une dérive étatiste qui ne nous convient pas !

Nous nous sommes déclarés, lors de la concertation, favorables à ce que les différents régimes mettent en commun leur savoir-faire pour offrir aux cotisants et aux pensionnés un portail d'entrée abondé par chaque régime. Cela ne représente pas pour autant la première pierre d'un guichet unique !

Quant au pilotage, Jean Claude Mailly a indiqué au Premier ministre que nous ne siégerions pas au comité de surveillance. Ce dernier ressemble au fameux comité de pilotage des régimes de retraite (Copilor) ! Il a certes subi une cure d'amaigrissement en passant de quarante-neuf à cinq représentants, mais il conserve le même objet.

En revanche, nous trouvons bon que ce comité n'émette qu'un avis. Le politique reste décisionnaire ! La problématique des retraites réside dans la répartition des richesses à l'intérieur du pays, qui intéresse les salariés, et aussi les employeurs, mais doit rester dans la main du politique, qui est là pour défendre l'intérêt général. Il en va de la survie de la démocratie ! Ne faire appel qu'aux techniciens et aux enjeux comptables nous paraît dangereux.

M. Jean Louis Malys . - S'agissant du stress et des risques psychosociaux, nous considérons qu'il faut en rester aux dix critères qui ont été définis, les données scientifiques ne permettant pas d'évaluer réellement leur impact sur l'espérance de vie. Il existe d'autre part des indications contradictoires. Ainsi, les enseignants sont parmi ceux qui ont un des métiers les plus stressants. Pourtant, les instituteurs ont l'espérance de vie en bonne santé la plus longue !

En second lieu, le stress constitue, dans la plupart des cas, une situation anormale. Reconnaître le stress comme une méthode de gestion qui donne lieu à compensation reviendrait à le considérer normal. Le stress existe, dans le travail comme ailleurs, mais nous pensons qu'on peut l'éviter, à la différence du travail de nuit, par exemple, qui existera encore durant très longtemps.

Par ailleurs, nous sommes extrêmement réservés quant à la renégociation avec les branches professionnelles. En 2008, les négociations avec le Mouvement des entreprises de France (Medef) et les organisations patronales n'avaient pas permis d'aboutir à un accord. Les remettre dans le jeu aujourd'hui nous paraîtrait extrêmement dangereux, le Medef n'ayant guère été entendu en matière de pénibilité.

S'agissant du pilotage, nous pensons qu'il faut sortir de ces rendez-vous qui ont lieu tous les trois à quatre ans, qui sont destinés à réaliser de grandes réformes, et qui plombent la confiance de toutes les générations. Le pilotage doit se faire annuellement, au rythme des évolutions quantitatives et qualitatives. Une sorte de suivi longitudinal nous semble donc nécessaire. Il nous paraît intéressant que le COR dresse un diagnostic. Qu'il existe des avis et des préconisations ne nous dérange pas, pourvu que la décision reste politique, bien entendu après concertation avec les organisations syndicales.

L'incapacité à repérer les basses pensions nous paraît hallucinante. Personne n'est capable de dire ce que les gens touchent réellement. Comment agir sur les inégalités sans données centralisées ?

M. Patrick Poizat . - En matière de pilotage, une évaluation régulière nous paraît nécessaire. Tout pilotage amène par ailleurs une décision politique. C'est là le sens des choses.

Concernant l'information, il nous semble que le dispositif doit respecter les régimes et leur identité. L'exemple des réalisations de la Cnavts, de l'Agirc et de l'Arrco, en 2005, a été assez remarquable, démontrant la capacité des diverses structures à mobiliser les efforts. Cela a fonctionné de manière relativement harmonieuse. Essayons donc de réunir des entités qui se complètent, mais ne les fusionnons pas trop brutalement. Certaines sont gérées par les partenaires sociaux ; d'autres sont proches du régime de base. Elles se complètent bien.

M. Pierre Roger . - Les études ont démontré que le stress avait une incidence sur les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'hypertension. Nous souhaitons que ceci soit reconnu comme maladie professionnelle, ce qui obligera l'ensemble des partenaires à négocier sur les conditions de travail dans l'entreprise, au sens large.

Aujourd'hui, le financement du compte pénibilité est du ressort des entreprises, mais n'est pas davantage défini. Il faudra être vigilant à propos de cet aspect des choses. Ce genre de mesure aura également une incidence sur les retraites complémentaires, dans un système aujourd'hui très fragile.

Je regrette par ailleurs le procès que l'on intente au GIP info retraite. C'est un outil qui a fait ses preuves. Il faut du temps pour que les salariés concernés se l'approprient. Il commence à faire partie du paysage pour les futurs retraités Les habitudes, dans ce domaine, sont toujours très longues à acquérir. Or, on veut changer le système au moment où celui-ci commence à porter ses fruits ! Rien ne justifie de changer ce qui existe. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas l'améliorer, notamment en étant plus précis à propos du taux de remplacement, etc. ... Je ne suis pas certain que repartir à zéro améliorera l'information des salariés.

Concernant le pilotage, je rejoins l'avis général. On est toujours preneur d'avis techniques dans un domaine aussi complexe que celui des retraites, tant que ceux-ci restent des avis techniques et que la décision revient aux politiques.

Nous ne sommes toutefois pas favorables à un pilotage automatique. Un examen très pointu des évolutions doit avoir lieu. On sait que des avis tranchés sur le long terme sont certainement la meilleure façon de se tromper. Les évolutions à venir méritent un regard adapté à la situation. Tout ce qui est automatique me semble dangereux dans ce domaine.

Mme Annie David, présidente . - La parole est aux commissaires...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Toutes ces analyses constituent une bonne contribution au travail que nous devons réaliser.

Je voudrais revenir sur ce projet censé garantir l'avenir et la justice du système de retraite...

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Roger, ont estimé que les bases de calcul paraissent improbables. Je ne vous ai pas trop entendu le dire, mais je crois que c'est capital ! Le COR a estimé qu'il manquait 20,7 milliards d'euros à l'horizon 2020. Or, il n'est question, dans ce projet de réforme, que des 7 milliards qui concernent le régime général. Il en manque beaucoup ! On ne parle absolument pas du financement des régimes spéciaux. On sait pourtant qu'il faut trouver 8 milliards jusqu'en 2020 pour les financer, et personne ne l'évoque sauf, timidement, la CFDT ! J'aimerais vous entendre sur ce point important...

Certains se préoccupent des régimes complémentaires, parce que vous en avez la gestion et qu'il existe un impact évident des mesures qui sont prises dans le régime général sur celles-ci, à qui il manque environ 5 milliards !

Il me semble donc nécessaire que nous puissions vous entendre sur le financement.

S'agissant de la pénibilité, j'avais regretté, lors de la précédente réforme, que les amendements déposés par notre groupe au Sénat n'aient pu être discutés, du fait du raccourcissement du débat. Je suis donc heureux qu'on puisse le faire aujourd'hui, même si le système n'est pas parfait. Il y aura forcément des ajustements à réaliser ! Nous avons entendu des spécialistes, ainsi que les représentants patronaux sur ce point...

Ce système vous paraît-il adapté pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), notamment avec une reconstitution des carrières qui aille dans le sens de la concertation que vous préconisez, en l'établissant sur des bases gérables dans le temps ? Ne faut-il pas distinguer ce qui est à la portée des directions des ressources humaines des grandes entreprises ou d'entreprises moyennes de bonne taille, et la situation des toutes petites entreprises ?

Nous trouvons également très bénéfique le système de comptabilisation de trimestres d'apprentissage des formations en alternance. J'ai bien noté ce que disait M. Roger à propos de la possibilité de rachat d'années d'études, que l'on peut combiner avec le rachat d'années de stage de longue durée, comme on peut par exemple l'expérimenter dans toutes les grandes écoles d'ingénieurs.

Quant à l'unification des régimes, mis à part la CFDT, dont le programme contient la mesure, on a peu parlé de la convergence des systèmes et la refonte totale en un système unique. 73 % des Français y sont favorables, alors que 62 % ne croient plus beaucoup à l'avenir du système par répartition actuel. Je crois qu'on ne peut échapper à cette question, et j'ai hâte de vous entendre à ce propos. Certains ont totalement fermé la porte à cette refonte, mais je crois qu'il s'agit là d'une question éminente de justice !

Par ailleurs, vous avez beaucoup insisté sur le pilotage à juste titre d'ailleurs. J'ai le sentiment qu'il y a là un loup... Le COR évalue l'évolution de cette question tout au de long de l'année. Vous en faites d'ailleurs partie, tout comme nous. On va créer un autre comité, qui devra émettre des recommandations. Il me semble que c'est au COR qu'incombait cette tâche ! Je ne comprends plus ! J'ai le sentiment que l'on crée une instance supplémentaire, qui va venir compliquer la concertation et empêcher les politiques d'arrêter les mesures qu'ils doivent prendre !

M. Dominique Watrin . - Je salue la qualité des interventions des différentes organisations syndicales.

L'une d'elles a souligné la contradiction entre l'augmentation de la durée de cotisation et le fait que nombre de salariés de plus de cinquante ans sont aujourd'hui évincés des entreprises avant d'arriver à la retraite. La baisse programmée du niveau des pensions, à laquelle s'ajoutent des contraintes nouvelle prévues par la réforme, pousse naturellement le système vers une part de capitalisation.

Il est certain que les banques et les assurances vont être conduites à vendre leurs produits de capitalisation. On risque également - ce qui a été souligné dans le rapport Moreau, et timidement énoncé ici - de voir les jeunes se détacher du système de répartition. On ne doit pas sous-estimer ce point. Cela ne peut que s'accentuer si l'on continue à augmenter la durée de cotisation et à diminuer le montant des pensions !

On est là dans une logique vicieuse. Dans une interview à la revue Hémicycle, Xavier Bertrand propose d'aller plus loin dans la durée de cotisation, mais débouche sur l'idée qu'il faudrait accélérer la mise en place de systèmes d'épargne. Que le terme est bien choisi pour parler de capitalisation !

Comment mesurez-vous ce risque par rapport à l'effritement, voire à l'affaissement de notre système par répartition ? Dans quelle mesure la réforme proposée par le Gouvernement amplifie-t-elle ce risque ? Quelle est la position de fond des différents syndicats à propos des systèmes de capitalisation ?

Avez-vous des propositions alternatives pour éviter une augmentation de la durée de cotisation ou un appauvrissement des retraites, et couvrir les besoins de financement ?

M. René Teulade . - Les problèmes que l'on doit résoudre ne sont pas de nature démographique ou économique. Cela a été dit et je l'approuve totalement ! Il s'agit d'un problème politique. Cet équilibre et la justice entre générations ne sont pas faciles à atteindre.

Le problème vient du fait qu'on n'a pas présenté suffisamment et positivement cette période du temps libéré qui s'appelle la retraite. La fin de l'activité professionnelle n'est pas nécessairement la fin de l'activité économique et sociale ! Il n'est qu'à voir nos communes où, grâce aux retraités, on arrive à faire vivre beaucoup de structures de façon bénévole.

Comment financer cette période difficile que nous allons connaître particulièrement à partir de 2020 ? Des propositions ont été faites comme un fonds de réserve avec des cessions d'actifs d'entreprises nationalisées, non soumises à concurrence. Quelles sont vos observations à ce sujet ?

Merci de votre participation, qu'il va falloir continuer à apporter si nous voulons des textes législatifs qui tiennent la route...

Mme Isabelle Debré . - On voit bien que la pénibilité est très difficile à évaluer. Je n'ai pas entendu parler, mis à part par la CFDT, de la possibilité d'aller vers un système à points. C'est un choix de société et un choix individuel. On le voit dans certains pays : quelques personnes ont envie de partir tôt à la retraite, d'autres ne le souhaitent pas, comme ce médecin de quatre-vingt-douze ans, dont le cabinet ne désemplit pas, qui a été cité dans un reportage...

Je pense qu'il faut faire preuve de pragmatisme et de bons sens, et laisser un peu de liberté à nos concitoyens. Ceux qui veulent partir tôt à la retraite doivent pouvoir le faire ; ceux qui désirent partir plus tard doivent également en avoir la possibilité. Or, avec le système actuel, les choses sont extrêmement complexes. Que pensez-vous, en tant que représentants des salariés, d'une éventuelle réforme systémique ?

Je ne reviendrai pas sur les régimes spéciaux, qui n'ont pas été évoqués ici, pas plus qu'au sein du COR, ce que je regrette en tant que membre de celui-ci.

M. Gérard Rodriguez. D'une manière générale, il nous semble qu'il existe un problème central de financement. De ce point de vue, nous ne sommes pas satisfaits des propositions qui ont été faites dans le cadre de la réforme.

Il faudrait en particulier revoir la participation des employeurs. Or, le Medef est vent debout contre toute augmentation des cotisations patronales ; il a fait en sorte que leur hausse de 0,3 point pour la branche vieillesse soit compensée. Ce n'est pas ainsi, selon nous, que l'on va régler la question ! Il faut évaluer les besoins de financement en matière de retraite, dans une logique d'amélioration car certaines pensions sont plutôt basses. Nous avons proposé de moduler les cotisations patronales : nous n'avons visiblement pas été entendus ! Par ailleurs, certains revenus du travail ne sont pas soumis aux cotisations sociales, comme l'intéressement et la participation. Si on continue ainsi, les déficits sont appelés à devenir chroniques !

Cela vaut pour l'ensemble des régimes, avec des spécificités pour la fonction publique et certains régimes spéciaux. La question est de se mettre d'accord sur la part des richesses produites qui doit être allouée à la protection sociale et aux retraites.

En matière de pénibilité, il faut réfléchir afin que les dispositions - qui devraient être améliorées de notre point de vue - puissent être appliquées à l'ensemble des salariés. Nous ne nous inscrivons pas dans une logique où seuls les salariés des grands groupes, ou des grandes entreprises, pourraient en bénéficier. Ceci rejoint la question du financement. Dans certaines TPE, il n'existe pas d'opposition de principe à la reconnaissance de la pénibilité, mais un problème de financement.

Quant à l'unification des régimes, l'état de l'opinion en la matière tient à une certaine ignorance de la situation. Le rapporteur l'a souligné à plusieurs reprises, hier, à l'Assemblée nationale, et je souscris à ces propos. Dans certains cas, les salariés du privé peuvent obtenir des retraites plus importantes que ceux du public ; dans d'autres, ce seront les fonctionnaires, mais en aucun cas on ne peut considérer que certains sont des nantis et d'autres sont désavantagés de façon outrancière. Il est vrai que la dégradation est générale et que certains régimes spéciaux, en dehors de la fonction publique, qui ont connu des modifications moins importantes que le régime général, apparaissent aujourd'hui comme des régimes que certains n'hésitent pas à qualifier de privilégiés. Mais cette situation est plutôt liée à une dégradation extraordinaire des conditions offertes par les grands régimes en matière de retraite. Il ne faut donc pas s'attaquer aux régimes spéciaux pour les passer sous la toise mais, au contraire, améliorer la situation du financement, sans niveler l'ensemble des régimes par le bas...

Les régimes par points sont-ils gages de liberté ? Je ne partage pas cette idée. Lorsqu'on avait une retraite complète à soixante ans - cas de la plupart des hommes, mais non des femmes - la décision des salariés ne constituait pas vraiment un choix. Elle relevait de la situation dans laquelle ils se trouvaient et de la bonne volonté de leur employeur. Si l'on veut une véritable faculté de choix, ce n'est pas sur les retraites qu'il faut agir, mais sur la situation de l'emploi. Dans un système par annuité, rien n'empêche, lorsqu'on a obtenu l'ouverture de ses droits, de continuer à travailler ! Or, aujourd'hui, c'est bien avant soixante ans qu'on est poussé à quitter les entreprises, avec tous les problèmes que cela peut poser par ailleurs.

S'agissant du comité de surveillance, on dispose déjà du COR, qui joue un rôle extrêmement important du point de vue de l'expertise, et dont tout le monde est plutôt satisfait. Ce n'est pas le centre de nos préoccupations, mais nous attirons l'attention sur le fait que la création d'un comité de surveillance ou de suivi ne règle aucun problème. Si cela peut amener une meilleure connaissance de la situation, pourquoi pas, mais ce n'est pas là que les choses vont se jouer.

Cependant, je partage l'avis de Philippe Pihet concernant les futurs décrets relatifs aux taux de cotisation maximum. L'air de rien, les compétences seraient transférées, et ce ne serait pas une bonne chose.

M. Philippe Pihet . - Les régimes spéciaux sont sous le coup d'une réforme votée en 2007, qui a démarré en 2008 et qui va produire ses effets jusqu'en 2020. Réformer aujourd'hui la réforme paraît pour le moins compliqué. Les agents des régimes spéciaux sont dans une mécanique de rattrapage, notamment pour ce qui est de la durée d'activité.

Concernant le système unique, je serais tenté de dire, selon la formule des étudiants en droit : système unique, système inique ! Objectivement, je n'ai pas encore compris comment le fait d'additionner des déficits créerait un équilibre ! Aujourd'hui, sur une carrière d'environ quarante ans, on a la possibilité d'effacer des périodes défectueuses. Dans un système par points, toute la carrière est prise en compte. Il faudrait donc inventer un nouveau mécanisme, dans lequel la transparence n'y gagnerait rien !

Le choix de la répartition a été réaffirmé, lors de la première conférence sociale, par l'ensemble des partenaires et par le Gouvernement. Je ne suis pas persuadé qu'il existe un risque véritable pour les cotisants. Aujourd'hui, le rendement des régimes complémentaires est de 6,5 %, contre 3 % pour l'assurance vie !

S'agissant du financement, FO explique depuis longtemps qu'il s'agit d'une question de répartition des richesses qui relève d'une décision politique. En l'espace de trente ans, la rémunération du capital, par rapport à la rémunération du travail, a enregistré une augmentation de dix points de PIB, soit 200 milliards. Cela représente des gisements !

Je pense que le temps politique n'est pas forcément le temps de la construction de la retraite par répartition. Aujourd'hui, une retraite par répartition, c'est soixante-dix ans : quarante ans de cotisation, vingt de droits propres, dix ans de droits dérivés. Ce temps n'est pas forcément compatible avec le temps politique.

Le gouvernement Balladur, en 1993, a créé le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), essayant enfin de déconnecter le contributif de la solidarité nationale. Le FSV était à l'époque abondé par 1,3 point de contribution sociale généralisée (CSG). Aujourd'hui, on est à 0,8 point, le politique ayant pris la décision d'enlever un demi-point. La transparence n'y a franchement pas gagné !

Le Fonds de réserve des retraites (FRR), quant à lui, remonte à 2000. Il est né d'une idée simple : on sait que l'on va se trouver devant un mur en 2020 ; le politique décide à l'époque de vendre une partie du patrimoine de la Nation, et de mettre l'argent de côté pour amortir le choc des retraites de 2020. Ce fonds n'a pas été forcément abondé comme il aurait dû l'être au fil des années. Il représente actuellement 36 milliards d'euros, dont environ 24 milliards d'euros ont été affectés à l'avance lors de la réforme de 2010, à raison de 2,1 milliards d'euros pendant douze ans, qui vont aller à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

Aujourd'hui, la Cnavts et le FSV sont moins déficitaires que prévu. Or, les 2,1 milliards d'euros du FRR vont néanmoins aller à la Cades ! Non seulement le FRR n'a pas été suffisamment abondé, non seulement il a été détourné de son objet premier, mais il va en outre servir à rembourser une partie du déficit des branches maladie et famille ! On marche sur la tête... Ces systèmes ont besoin de stabilité, et celle-ci, selon nous, ne viendra pas des experts du conseil de surveillance !

M. Jean Louis Malys . - Il est vrai que cette réforme ne règle pas le problème général, mais aucune n'aurait été capable de le faire, sauf en détruisant certaines choses. Or, il vaut mieux réformer de façon progressive que créer d'autres problèmes.

Un accord a été signé avec le patronat sur les régimes complémentaires, en particulier en matière de désindexation. L'ensemble des mesures s'appliquent à tout le monde et ne rapportent donc pas qu'au régime général.

Sur la comparaison public/privé, je rappelle que la réforme Balladur de 1993 a creusé l'écart d'une façon extrêmement violente entre l'un et l'autre. C'est un peu cruel, mais c'est la vérité ! Cela étant, nous ne sommes pas pour le « big bang ». Si l'on devait aujourd'hui créer un nouveau système de retraite, on ne s'amuserait pas à faire des régimes spéciaux, ou un système par annuité, extrêmement difficile à comprendre en termes d'acquisitions des droits ! On aurait plutôt un système qui montrerait aux jeunes générations ce que chaque cotisation rapporte en temps réel...

On veut faire croire que le système par annuité serait solidaire, contrairement au régime par points. Ce régime existe en Angleterre et aux Etats Unis. Il ne comporte aucune correction des inégalités. En Allemagne, en Suède ou dans les pays nordiques, le système par points permet un financement solidaire jusqu'à 28 % !

On ne va évidemment pas créer demain un nouveau système en faisant abstraction du passé. Ce serait du bricolage. Nous pensons qu'il faut une vision à long terme. Je crois que c'est ce que le public attend...

D'autre part, le Copilor a été mis en place par la réforme précédente ; c'est une instance de plus ! Il n'a toutefois pas fonctionné. Il s'est réuni une fois, et est mort le lendemain de sa mise en place.

Pour ce qui est du COR, il ne faut pas le confondre avec un comité stratégique. Le COR est dans une logique d'expertise et de consensus. Il ne faut donc pas lui demander d'établir des préconisations à destination du pouvoir politique, sous peine de lui ôter toute légitimité.

Il faut également cesser de considérer que les PME et les TPE sont toujours perdantes. A la CFDT, nous pensons que les petites entreprises ne doivent pas avoir de petits droits ! Si un dispositif se met en place, il doit évidemment les concerner. Une vraie question subsiste en matière de dialogue social. On ne peut copier celui qui existe dans les grandes entreprises. Il faut des logiques territoriales, qui commencent à exister. L'UAP a ainsi signé avec toutes les organisations syndicales des dispositifs de suivis territoriaux. C'est sur ces questions qu'il faut agir, en offrant aux salariés et aux employeurs des PME TPE des outils de dialogue social, sans les considérer comme définitivement hors-jeu. Il en va de l'intérêt des employeurs et de l'attractivité des entreprises.

Enfin, promettre aux jeunes qu'ils partiront à la retraite à soixante ans, si l'on n'est pas capable de démontrer que le système est solide, c'est se moquer d'eux ! Il faut démontrer que le système est solide si l'on veut éviter que les jeunes ne se retournent vers la capitalisation et ils ne nous attendent pas ! Prétendre que l'allongement de la durée de cotisation est la raison principale des problèmes est une erreur.

Notre système de retraite est extrêmement généreux et représente 13 % à 14 % du PIB ! C'est l'un des records européens. A combien faut-il monter pour considérer que le système est stabilisé ? Avec une telle croissance, où va-t-on faire des économies ? Sur les jeunes ? Sur la formation ? Sur l'innovation ? Il faut donc maîtriser le système. Les nouveaux retraités, ces dernières années, ont des retraites supérieures à leurs aînés. Il convient donc d'éviter tout retournement de situation. La logique d'amélioration des droits et de correction de la pénibilité doit précisément permettre que l'allongement de la durée de cotisation se fasse selon des termes équitables.

Le meilleur moyen de tuer le système par répartition est de prétendre qu'il ne faut rien faire, sauf trouver de l'argent. On sait que ce sera impossible ! On va laisser le système se dégrader, et les jeunes vont très vite comprendre qu'on les a définitivement sacrifiés !

M. Patrick Poizat . - La notion de liberté de choix a été l'un des premiers éléments que nous avons voulu mettre en avant, considérant qu'une certaine durée d'assurance était requise pour pouvoir partir sans abattement. Je n'ai pas repris cet argument, celui-ci ne figurant pas dans le schéma de la loi, mais c'est un point que nous avons exploré à la demande d'un certain nombre de salariés, et qui sera sûrement à reprendre ultérieurement.

Concernant les retraites complémentaires, les partenaires sociaux ont signé un accord, mis en place le 13 mars, qui ne couvre pas la totalité du besoin mais ils étaient dans l'attente des propositions du Gouvernement et des décisions du Parlement. En cas d'écart, il est probable qu'un nouveau rendez-vous sera nécessaire. Ceci me paraît relever de la responsabilité des partenaires sociaux. Vous savez que nous avons, tout au long de ces décennies, chaque fois que nécessaire, pris la responsabilité de convoquer une négociation, de poser le problème, de signer ou non. Je pense que c'est une démarche exemplaire.

Ceci m'amène aux régimes spéciaux, qui font partie du chantier que nous voulions mettre en place. Des engagements ayant toutefois été consentis par voie d'accord jusqu'en 2017, j'imagine qu'il est apparu difficile de les intégrer. Pour ce qui nous concerne, nous considérons que nous devons rechercher l'équité entre toutes les catégories de salariés, qu'ils relèvent des régimes spéciaux, de la fonction publique ou du secteur privé. C'est une des conditions de l'acceptation par nos concitoyens de régimes qui peuvent les interroger parce qu'ils ne les connaissent pas suffisamment, mais c'est par une approche intégrant la totalité des salariés que l'on doit pouvoir progresser.

S'agissant de l'unification des régimes, on ne peut que regrouper ceux ayant une nature semblable. En 1999, le secteur privé a créé le régime unique. Ce n'est toutefois pas ainsi que l'on va faire évoluer le niveau des réserves dans les caisses. Il faut d'abord restructurer avant de penser au rapprochement. Si ce choix était arrêté, il faudrait commencer par rapprocher les régimes de même nature. Ce sont là des réformes à très long terme...

Pour ce qui est du pilotage, je partage le propos tenu à l'instant par Jean Louis Malys concernant le rôle du COR. La crédibilité de cette institution plaide pour qu'on le laisse travailler, afin de mieux utiliser ses travaux.

Concernant la réforme systémique, nous ne sommes pas forcément contre le système par points, qui n'est ni plus ni moins qu'une manière d'évaluer les droits reconnus aux futurs retraités. On le pratique depuis 1947 dans les régimes complémentaires. Il ne nous effraie donc pas. Il faut cependant avoir conscience, comme le disait Philippe Pihet, qu'il peut être le reflet de toute la carrière. Il faut savoir ce que l'on veut. C'est un choix. La distinction entre contributif et non contributif serait dans ces cas-là à évaluer pour savoir le rôle que l'on veut donner à nos régimes. Je vous invite toutefois à la plus grande prudence en la matière et à une concertation qui sera longue, ces sujets étant complexes et traumatisants.

Quant à la baisse du niveau des pensions - mes collègues en ont parlé - elle a commencé en 1993. Tous les observateurs ont constaté que c'était le point de départ d'une décroissance programmée. Les législations successives ont ensuite continué dans le même sens...

La situation des basses pensions ou de ceux dont les droits sont extrêmement faibles doit aussi être prise en compte. Ce texte prévoit des dispositions concernant l'Aspa et le seuil d'écrêtement du minimum contributif. Il faut vraiment faire évoluer les choses dans ce domaine.

M. Pierre Roger . - Les questions qui ont été posées touchent à des problèmes de fond. Le projet qui est actuellement en débat répond à deux objectifs, des mesures à court terme et des mesures à moyen terme. Pourquoi ce point n'a-t-il pas été abordé ? Je l'ai dit dans mon propos liminaire : toute réforme, pour être comprise et acceptée, doit paraître juste. Aborder le problème des régimes spéciaux et des régimes de fonctionnaires ne présentait pas de caractère d'urgence.

Le projet de loi vise à trouver les financements d'ici 2017 pour répondre aux injonctions de l'Europe, qui exige de la France qu'elle fournisse un certain nombre de réformes, et à celles des marchés qui nous financent.

On a fait le choix le plus facile pour ce faire, celui de l'allongement de la durée de cotisation. Il manque effectivement un volet. On considère qu'on aurait pu aborder la question de la convergence des trente-cinq régimes existants. C'est un sujet qui mérite clarification, afin de paraître plus équitable aux yeux de tous. Il faut prendre le temps de travailler sur le taux de remplacement, et bien définir le montant des pensions. Je regrette qu'on n'ait pas abordé plus clairement ce sujet dans le projet de loi. Nous souhaitons que l'on étudie cette convergence, mais avons bien conscience que cela nécessite un peu de temps.

Je rejoins sur ce plan ce qu'ont dit mes collègues : la réforme n'a pas pour autant exonéré totalement l'ensemble des régimes. Les cotisations, l'allongement de la durée, touchent les régimes de fonctionnaires, et les régimes spéciaux sont depuis 2008 en phase de rattrapage.

Comme on l'a déjà souligné, l'écart vient en partie de la réforme Balladur, qui portait sur le secteur privé, mais la situation est aujourd'hui telle qu'il y a urgence à clarifier ce point. C'est, selon moi, une des conditions pour que les jeunes et les moins jeunes demeurent attachés au système de répartition. Il faut démontrer que ce régime est un choix de société, qui répond aux exigences des différentes catégories sociales. Je vous engage à aborder rapidement ce sujet.

Ne risque-t-on pas, de ce fait, de se tourner vers la capitalisation ? Il suffit d'étudier ce qui se passe dans les pays qui ont choisi ce système. Cela n'a jamais empêché ces populations de voir leur pension baisser en cas de crise économique. Cela n'empêche pas non plus les choix individuels. Les Français l'ont déjà largement entériné : l'assurance vie, de mémoire, représente environ l'équivalent, en en cours, de la dette de la France ! Moins le système sera transparent, plus la méfiance s'installera. L'argent ainsi capitalisé n'ira pas vers la consommation, ni vers l'investissement, faute d'avoir su garantir la pérennité des décisions prises. Or, certaines personnes peuvent capitaliser ; d'autres ne le peuvent pas. Il y a donc effectivement là un véritable hiatus.

Faut-il changer le système ? Ce changement - qui prendra du temps - résoudra-t-il les problèmes de financement ? Le système suédois, où l'on ajuste les pensions en fonction de l'évolution du PIB, avec une incertitude sur le montant, est envisageable. Les Suédois ont mis très longtemps pour le mettre en oeuvre. Est-ce souhaitable ? Les Français le souhaitent-ils, compte tenu du régime qui est aujourd'hui le leur ?

Pourquoi pas un régime par points ? Mes collègues l'ont dit : le régime par points s'entend sur toute la carrière. Cela suppose un certain nombre de précautions, afin de ne pas risquer de facto une baisse des pensions, que l'on redoute.

Quels que soient les choix, ils ne peuvent se faire que sur le long terme. Or, notre problème porte sur 2017 et sur le mur de 2020. Changer de système résout il nos difficultés de financement à court et moyen termes ? Je n'en suis pas certain. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'y attacher - mais l'urgence est ailleurs.

Pour le reste, je ne reviendrai pas sur ce qu'ont dit mes collègues s'agissant du COR et autres instances. Chacun doit être dans son rôle. Si ces rôles sont bien définis, la gouvernance aura des chances de fonctionner.

En ce qui concerne les TPE, les salariés doivent être défendus avec les mêmes droits, mais en la matière, on ne pourra faire autrement que par la régionalisation ou la mutualisation. On ne peut en effet reproduire, dans une TPE, ce qui existe dans les grandes entreprises. Ce n'est même pas envisageable.

M. Jacky Le Menn, président . - Je vous remercie très chaleureusement pour vos réflexions, qui vont enrichir le travail de la commission.

Table ronde d'économistes : M. Henry STERDYNIAK, directeur du département économie de la mondialisation de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Mmes Catherine MILLS, maître de conférences en sciences économiques à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Anne LAVIGNE, professeur de sciences économiques à l'université d'Orléans

Réunie le mercredi 9 octobre 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission organise une table ronde avec des économistes sur le projet de loi n° 1376 (AN-XIV e ) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

Mme Annie David , présidente . - Jean-Hervé Lorenzi, qui devait initialement participer à cette table-ronde, a eu un empêchement de dernière minute. Nous recevons donc Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ; Catherine Mills, maître de conférences en sciences économiques à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Anne Lavigne, professeur de sciences économiques à l'université d'Orléans.

Recueillir le point de vue d'économistes d'horizons différents a semblé, à notre rapporteure Christiane Demontès et à moi-même, pouvoir éclairer notre réflexion sur la réforme des retraites que nous examinerons bientôt.

Mme Anne Lavigne, professeur de sciences économiques à l'université d'Orléans . - Le préambule du projet de loi présente une réforme structurante avec trois objectifs essentiels : assurer la pérennité des régimes de retraite, rendre le système plus juste et le simplifier tout en renforçant sa gouvernance. Je pense que le texte contient de réelles avancées sur le deuxième point, mais j'ai un avis plus mitigé sur le premier et le troisième.

A mes yeux, il ne s'agit ni d'une réforme structurelle ni, pour utiliser un langage économique, d'une réforme systémique. Alors qu'on oppose habituellement capitalisation et répartition dans l'organisation des systèmes de retraites, le projet concerne la répartition et ne déplace pas le curseur vers la capitalisation.

Toute réforme structurelle se doit d'aborder deux perspectives : la méthode d'acquisition des droits, c'est-à-dire le caractère contributif ou non du système, et la façon dont les droits sont traduits, où il faut distinguer régimes en annuités comme les régimes de base aujourd'hui, régimes par points comme pour les retraites complémentaires, et les comptes notionnels tels qu'ils existent à l'étranger.

Au contraire, le projet de loi constitue un ajustement paramétrique qui porte essentiellement sur la durée de cotisation, de manière directe par son allongement et de manière incidente par la prise en compte de la pénibilité. Il y a également un ajustement des taux de cotisation ainsi que le décalage d'avril à octobre de la revalorisation des pensions, qui joue sur la générosité du système.

Pour les économistes, la distinction entre le taux de cotisation patronal et le taux de cotisation salarial n'est pas essentielle. Ce qui importe pour le salarié est le salaire net, tandis que ce qui importe pour l'employeur est le coût global du travail. On cherche toujours à présenter un partage des efforts entre ces deux parties, mais au final le poids de la réforme est porté par celui qui n'a pas les moyens de répercuter la hausse des cotisations.

Un point positif de cette réforme est qu'elle prévoit suffisamment longtemps à l'avance l'allongement de la durée de cotisation, en anticipant la hausse de l'espérance de vie pour les générations à venir.

La question de la pénibilité est apparue en France au début des années 2000, avec notamment le rapport Struillou de 2003, puis des négociations entre partenaires sociaux qui n'ont pas abouti. Je suis réservée sur la prise en compte de la pénibilité dans le système de retraites. Le projet de loi comporte un mécanisme de prévention de la pénibilité : le droit social doit le prévoir, mais son articulation avec la retraite me semble délicate. Dix-sept pays de l'OCDE ont des dispositions similaires qui concernent principalement les régimes spéciaux tandis que certains d'entre eux comme le Japon, l'Allemagne et la Finlande ont abandonné, dans leurs régimes généraux, cette prise en compte.

Dans une perspective historique, il faut rappeler que la création des régimes spéciaux est liée à l'exercice de métiers pénibles. Aujourd'hui, on peut se demander si la prise en compte de la pénibilité dans le régime général justifie encore le maintien de ces régimes spéciaux.

Les mesures de justice sociale vont dans le bon sens, notamment celles qui concernent les femmes et qui portent sur les carrières heurtées et les bas niveaux de salaire. Toutefois, les régimes de retraites ne peuvent pas résoudre toutes les inégalités. Leurs causes sont plus profondes et ne disparaîtront pas avec ce texte.

En matière de lisibilité et de pilotage, l'annonce précoce des réformes alors que leurs effets se feront sentir à long terme est une avancée. Le développement de l'évaluation comble une lacune traditionnelle française, tout comme l'information des polypensionnés.

Selon moi, il n'y avait pas d'urgence à faire cette réforme aujourd'hui. Les deux principaux problèmes de notre système de retraites sont le passage à la retraite de la génération du baby-boom et l'augmentation de l'espérance de vie. Pour surmonter le premier, un instrument spécifique avait été créé : le fonds de réserve des retraites (FRR). Quant à la hausse tendancielle de l'espérance de vie, je pense qu'il faut la gérer par une réforme systémique instaurant des comptes notionnels, comme l'ont fait plusieurs pays étrangers, parmi lesquels la Suède et l'Italie.

M. Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation à l'OFCE . - Nous n'avons heureusement pas affaire à une réforme des retraites, mais simplement à un ajustement paramétrique d'importance limitée. On peut le déplorer, pour ma part je m'en réjouis. Le système français est l'un des plus généreux du monde. Il est très dangereux de vouloir le bouleverser, au risque de mettre en place un nouveau régime qui apporterait moins de garanties aux salariés et aux retraités et serait sans doute plus injuste. Un système par points s'équilibrerait automatiquement par la baisse du niveau des retraites tandis que les comptes notionnels demanderaient à chacun d'arbitrer entre l'âge de son départ à la retraite et le niveau de sa pension sans tenir compte des disparités professionnelles et des différences d'espérance de vie.

La question des retraites est secondaire en France : il faut plutôt s'interroger sur les moyens de retrouver la croissance et une industrie forte. Elle n'est pas urgente, grâce à notre démographie et à la générosité du système, et n'appelle que des ajustements. Le déficit actuel est important, mais est essentiellement la conséquence de la crise. C'est la raison pour laquelle il est au niveau qu'il aurait dû atteindre dans dix ans. Pour le combler, il faut diminuer les dépenses publiques ou promouvoir, à l'échelle européenne, une politique de croissance. Cette réforme vise essentiellement à rassurer les marchés financiers et la commission européenne.

Des points demeurent préoccupants. Le Gouvernement compte combler en partie le déficit prévisionnel de 20 milliards d'euros en 2020 en retardant l'indexation des retraites. C'est un tour de passe-passe étrange. Par ailleurs, alors que les majorations familiales de retraite vont être fiscalisées, il faut rappeler qu'elles sont financées par la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) : il serait donc légitime que le produit de cette fiscalisation aille à la branche famille et non à l'assurance vieillesse.

Sur un déficit de 12 milliards d'euros, quatre proviennent de l'Agirc-Arrco. Le Gouvernement laisse les partenaires sociaux le résorber. Ils négocieront donc dans quelques années pour réduire le niveau des retraites. En parallèle, les régimes que l'Etat équilibre sont en déficit à hauteur de 8 milliards d'euros. Il y a donc une disparité de traitement choquante entre le public et le privé. Les salariés du privé subiront, à travers la baisse de leur retraite complémentaire, une diminution de leur pouvoir d'achat alors que les fonctionnaires seront épargnés. Il serait équitable que le Gouvernement aide l'Agirc-Arrco à faire face à ses déficits conjoncturels.

Les conséquences néfastes des réformes précédentes ne sont pas corrigées. L'âge de la retraite à taux plein passera bien à soixante-sept ans au lieu de soixante-cinq. Cette mesure touche particulièrement les femmes, dont les carrières sont courtes et qui ont peu de chances de retrouver un emploi après soixante-cinq ans. Le report du relèvement de l'âge du taux plein aurait été une mesure de justice.

Le point central de la réforme est la fixation de la durée de cotisation requise à pour la retraite à taux plein, à compter de la génération née en 1973. A trente ans, les personnes nées en 1950 avaient accumulé, en moyenne, onze années de cotisation. La génération née en 1978 n'a plus, au même âge, que sept années de cotisation derrière elle. Cette mesure qui s'appliquera dans vingt ans les pénalisera grandement par rapport à leurs ainés. J'espère qu'il s'agit avant tout d'une mesure d'affichage et qu'elle ne sera pas mise en oeuvre, après un réexamen de la situation et des droits acquis par ceux arrivant à la retraite en 2030. Il faudra tenir compte de la situation du marché du travail et de l'état de santé de la population : il est difficile de dire si le plein emploi sera atteint ou si le chômage de masse aura persisté.

Les marchés financiers ont été rassurés, mais pas les jeunes. Il faudrait prendre en compte les difficultés qu'ils rencontrent pour s'insérer et, dans l'idéal, créer une allocation d'insertion qui leur donnerait des droits pour la retraite. Comme dans certains pays scandinaves, la retraite à taux plein pourrait leur être donnée même s'ils n'ont pas soixante-sept ans sur la base de critères reposant sur leur activité professionnelle passée ou les difficultés qu'ils rencontrent pour se maintenir en emploi. La distinction doit être faite entre les cadres et les ouvriers dont l'espérance de vie est plus courte.

Les inégalités de genre doivent être combattues, par exemple en concentrant les majorations familiales de traitement sur les mères et de les rendre forfaitaires. Cela permettrait de combler une partie des écarts de pension entre les femmes et les hommes.

Je suis très favorable aux dispositions concernant la pénibilité. Les entreprises devront identifier les emplois pénibles, négocier et chercher à les faire disparaître. On peut regretter que ces mesures ne vaillent que pour l'avenir et qu'un mécanisme rétroactif permettant la reconstitution des carrières n'ait pas été prévu.

Le comité de surveillance des retraites peut être la meilleure comme la pire des choses. Il est inquiétant de constater qu'il ne sera composé que de cinq experts, sans doute des hauts fonctionnaires. C'est un recul de la démocratie sociale, qui ne donne pas l'élan souhaitable aux mesures à prendre pour aller vers la convergence des régimes.

Mme Catherine Mills, maître de conférences en sciences économiques à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne . - Ce projet de loi est examiné au pas de course au Parlement, sans permettre qu'un véritable débat public ait lieu. Il se présente comme étant inoffensif, alors qu'il constitue la première étape de la marche vers une réforme systémique de grande ampleur. Il se concentre sur la réduction des dépenses sans le dire explicitement et fuit les questions de financement, qui sont reléguées au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

Alors que ce texte prétend garantir l'avenir et la justice du système de retraites, il demande aux retraités et aux salariés de contribuer entre 2020 et 2035 à hauteur de 10 milliards d'euros contre seulement trois milliards pour les entreprises. Il augure d'un nouveau modèle social qui tourne le dos à celui issu de la Résistance et à notre système de sécurité sociale. Il met en place un plan de réforme extrêmement brutal de la politique familiale en réalisant le vieux rêve du patronat : réduire la part patronale des cotisations familiales en transférant son financement sur l'impôt des ménages. Les mesures envisagées traduisent une profonde méconnaissance de cette politique.

Je suis bien sûr d'accord pour corriger les inégalités entre les femmes et les hommes. Elles sont d'abord salariales, puisque le salaire des hommes est en moyenne 27 % plus élevé que celui des femmes. Les pensions des femmes ne représentent que 42 % de celles des hommes. L'augmentation du salaire des femmes et le développement de leur taux d'activité généreraient d'ailleurs d'importantes ressources supplémentaires pour la sécurité sociale. Toutefois, je ne pense pas que le rôle du système de retraites soit de corriger les inégalités fondamentales qui se situent en amont.

La politique familiale, sur la base du consensus de toutes les forces politiques à la Libération, bénéficie à toutes les familles, quelles qu'elles soient. Elle doit être universelle et venir en aide aux enfants, y compris dans les familles aisées. Les mesures envisagées vont remettre en cause le travail des femmes : ce sont les familles où chaque membre du couple touche un salaire qui vont être touchées.

Le texte du Gouvernement est injuste et inefficace. La question du financement va se reposer dans le futur. Plusieurs pistes existent : soumettre à cotisation les revenus financiers des entreprises rapporterait 30 milliards d'euros par an aux caisses de retraite ; la modulation des taux des cotisations patronales en fonction du rapport entre les salaires et la valeur ajoutée permettrait de sanctionner les entreprises qui le diminuent, licencient et ne mettent pas l'accent sur la formation. Il faut mettre en place une nouvelle forme de progression de la productivité du travail, qui s'appuierait sur le développement des ressources humaines.

J'ai malheureusement constaté de nombreuses similitudes et même une continuité troublante entre ce projet de loi et la réforme de 2010. Il reprend certains de ses dogmes, notamment le lien qui est fait entre la progression de l'espérance de vie et l'allongement de la carrière professionnelle. La réduction du temps de travail est un processus historique. Le développement économique peut le permettre pendant toute la vie et favoriser les activités personnelles. Par ailleurs, les cotisations sociales sont considérées comme une charge qui pénalise l'emploi et il faudrait baisser le coût du travail à tout prix en diminuant les cotisations patronales. Elles ont pourtant un rôle : financer des prestations sociales qui créent des débouchés pour les entreprises par la consommation et développer la productivité du travail par la formation. Elles sont à l'origine d'une nouvelle dynamique économique.

Faisons-nous face à un choc démographique ? L'élévation de l'espérance de vie est une très bonne nouvelle, mais elle est très inégalitaire selon les catégories professionnelles. La pénibilité doit donc être reconnue. Sur ce point le projet de loi comporte quelques avancées, mais il renvoie leur mise en oeuvre à des décrets, excluant de fait les partenaires sociaux et le Parlement.

La création du comité de surveillance me semble dangereuse. Ces experts nommés par le pouvoir pourront empiéter sur le rôle du conseil d'orientation des retraites (COR) et faire des recommandations sur l'évolution de tous les paramètres sans qu'il y ait débat.

Grâce à la politique familiale, notre taux de fécondité est largement supérieur à celui de nos voisins européens et garantit le remplacement des générations. Il y aura donc demain plus d'actifs cotisants. La question de l'emploi et des salaires est donc centrale : une hausse de la masse salariale de 1 % augmente de 2,5 milliards d'euros les cotisations sociales. Le problème des retraites se résout donc par une nouvelle gestion des entreprises et par un nouveau type de politique économique développant l'emploi et les salaires. Une réforme de progrès des cotisations patronales est nécessaire.

Les retraites ne constituent pas seulement un coût mais un véritable enjeu de civilisation, pour lequel on ne peut se passer d'un débat public. Chaque article du projet de loi doit donc être amendé afin de promouvoir des solutions alternatives, notamment en matière de financement.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Je tiens à apporter plusieurs précisions : les salariés du public sont bien concernés par l'augmentation des cotisations. En ce qui concerne la politique familiale, les familles ne sont plus les mêmes qu'à l'issue de la Seconde Guerre mondiale ou des Trente Glorieuses. La majoration de 10 % des pensions défiscalisée ne me semble plus convenir à la réalité de notre société.

Sur le pilotage, il n'a jamais été question de demander au COR de faire des préconisations. C'est un outil d'analyse. Le futur comité de surveillance ne sera pas appelé à prendre des décisions mais à faire des propositions, sur la base notamment des travaux du COR. L'Etat ne se défausse donc pas de ses responsabilités.

Alors que 50 % des personnes qui liquident leur pension de retraite ne sont plus en activité, comment développer l'emploi des seniors ? Il ne suffit pas de retarder l'âge légal de départ à retraite.

Quel est votre point de vue sur la prise en compte de la pénibilité dans le projet de loi ?

Mme Anne Lavigne . - Le comité de surveillance touche à la question de la lisibilité et de la gouvernance des systèmes de retraites, dont la complexité est avérée. Toutefois, on ne peut pas dire qu'ils soient réellement plus simples à l'étranger, notamment au Royaume-Uni en ce qui concerne les conditions de ressources.

Pour moi, la retraite est un dispositif assuranciel dont l'objet est de couvrir des risques sociaux : la longévité, l'incapacité à générer des ressources avec l'âge et des risques associés au travail comme les interruptions de carrière. Je suis donc opposée à l'idée de financer les retraites par autre chose que des cotisations assises sur les revenus du travail. Le recours à l'impôt ou à des taxes sur des produits financiers ne correspond pas à ma vision de la retraite. Je trouve quelque peu paradoxal d'être contre la capitalisation tout en soutenant l'idée que le produit du capital va financer les retraites.

Il faut aller vers l'unification des régimes, et le faire à travers les comptes notionnels me semble être une idée intéressante car elle préserve l'aspect assuranciel et la contributivité tout en permettant aux individus de choisir la durée de cotisation, l'âge de départ ou la combinaison de ces deux facteurs. Ce n'est d'ailleurs pas forcément un progrès social, comme l'a souligné Henri Sterdyniak. On ne peut pas dans tous les cas laisser les salariés choisir leur âge de départ à la retraite car ils ne disposent pas de toutes les informations nécessaires. Néanmoins, les comptes notionnels permettent d'assurer un pilotage par génération et de s'affranchir des difficultés actuelles liées aux polypensionnés, qui représentent 40 % des liquidations. Il n'y aurait ni gagnants, ni perdants et pas d'opposition entre public et privé. A côté de ce bloc assuranciel, des mesures redistributives en direction de certaines catégories de travailleurs peuvent être mises en place.

Le comité de surveillance ne m'apparait pas comme une structure politique mais plutôt comme une instance d'expertise. La France a besoin de développer l'évaluation des politiques publiques afin d'éclairer la décision publique à travers des études précises et chiffrées. Elles permettent d'affiner les constats qui reposent sur des données anciennes et qu'on entend encore trop souvent et de confronter données objectives et subjectives. Je n'ai pas de défiance vis-à-vis des experts dès lors qu'ils apportent des éléments de réflexion.

Concernant l'emploi des seniors, on observe une corrélation entre l'augmentation de l'âge légal de départ à la retraite et le maintien en activité de ces salariés. C'est le pari fait par la réforme de 2010, mais le recul est encore insuffisant pour en mesurer pleinement l'impact. On constate toutefois un frémissement du taux d'activité des jeunes seniors.

Le marché du travail n'est pas un gâteau à partager. Le maintien en activité des seniors n'empêche pas les jeunes d'y entrer. La période actuelle n'est propice ni à l'emploi des jeunes, ni à celui des seniors. Lorsque la croissance redémarrera, leur taux d'activité progressera.

Je comprends l'argument de bon sens sur la pénibilité : dès lors qu'un salarié a été longtemps exposé à des facteurs de risques, il doit pouvoir bénéficier d'un départ anticipé à la retraite. Cela renvoie à la réduction de l'espérance de vie causée par cette situation. Ce raisonnement généreux s'accommode peu de la vision assurancielle. L'idée qu'il faut profiter de sa retraite va plus loin que le taux de remplacement ou même le niveau de vie à la retraite : cela revient à reconnaître à chacun le droit à une certaine durée de retraite. C'est alors un objectif social qui devrait être affirmé par la loi en tant que tel.

Cette intuition concerne essentiellement les hommes : l'écart d'espérance de vie entre les femmes ouvrières et les femmes cadres supérieures est compris entre deux et trois ans, tandis qu'il est beaucoup plus important pour les hommes. Existerait-il donc des travaux pénibles essentiellement masculins ? Il n'y a pas de raison qu'il y ait des travaux spécifiquement masculins ou féminins. Ce n'est donc pas uniquement une question de pénibilité du travail mais également d'inégalité devant la santé. Est-ce vraiment la mission des systèmes de retraites de les résoudre ?

M. Henri Sterdyniak . - En raison de l'accord négocié récemment par les partenaires sociaux sur les régimes complémentaires Agirc et Arrco, les retraités du secteur privé vont subir une perte de pouvoir d'achat qui devrait être comprise entre 2,5 % et 2,8 %. Un tel scénario pourrait se reproduire à nouveau dans un futur proche. L'Etat, de son côté, équilibre le régime des fonctionnaires. Il devrait également s'investir pour garantir le niveau des retraites complémentaires du privé.

Les familles nombreuses n'ont pas le niveau de vie des couples avec un ou deux enfants. Pour elles, le montant des allocations familiales est trop faible. Les économies réalisées sur les majorations de cotisations devraient leur être reversées. Ce dispositif ancien compensait le fait que les parents de plusieurs enfants épargnent moins pour leur retraite, il a ses justifications. Il peut être mieux ciblé sur les femmes car la retraite est un mécanisme rétributif d'assurance sociale. Il n'est donc pas illégitime de maintenir des majorations familiales de traitement forfaitaires.

Le COR réalise de très bons travaux techniques sur la question des retraites, en mobilisant des experts si nécessaire. Ensuite, la prise de décision relève du Gouvernement, après concertation avec les partenaires sociaux. Quelle pourrait donc être le rôle du nouveau comité de surveillance ? Par quelles compétences techniques spécifiques se distinguerait-il du COR ? Quelle serait sa légitimité politique et sociale ? Un choix social doit être fait non par de prétendus experts mais par le Gouvernement et les syndicats. Il est d'ailleurs étonnant que le Gouvernement ne cherche pas à mobiliser les partenaires sociaux sur un projet de convergence des régimes de retraites mais utilise ce comité à cette fin.

Il est normal que de meilleures conditions de retraite soient assurées à des personnes usées par des métiers pénibles et qui auront du mal à se maintenir en emploi à la fin de leur carrière. Cette question doit être l'objet d'une négociation sociale. L'idéal serait d'avoir un âge de départ à la retraite qui varierait entre cinquante-huit et soixante-cinq ans suivant les caractéristiques de l'activité professionnelle.

Le taux d'emploi des seniors s'est amélioré depuis cinq ans, malgré la crise. Les jeunes ont supporté le poids de l'ajustement et ont vu leur taux de chômage augmenter. Néanmoins, lorsque la situation de l'emploi sera meilleure, il sera possible de demander aux entreprises de négocier une réforme des carrières et des conditions de travail visant à concilier pénibilité et travail et à permettre la reconversion des salariés en seconde partie de carrière pour qu'ils restent en emploi jusqu'à l'âge de la retraite. Les entreprises doivent faire des efforts pour maintenir l'employabilité de leur personnel. Mais, face aux contraintes écologiques qui seront les nôtres en 2035, aura-t-on besoin d'autant d'emplois marchands ? On peut accepter, dans une société riche, des départs à la retraite relativement jeunes.

Mme Catherine Mills . - La politique familiale doit poursuivre sa modernisation pour tenir compte de nouveaux phénomènes : familles monoparentales, conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, demande accrue de modes de garde. Elle ne doit toutefois pas mettre de côté l'existant pour devenir une politique de réduction des inégalités de revenu : cette confusion doit être évitée.

Je ne peux être favorable au comité de surveillance dès lors que les partenaires sociaux en sont absents. L'objectif semble également être, en jouant sur la durée de cotisation ou le taux de remplacement, de repousser la mise en place de comptes notionnels. La souplesse du mécanisme permettrait d'éviter les conflits sociaux. Je trouve cela grave : un grand débat public est indispensable.

L'emploi des seniors est un problème très inquiétant, mais aussi une priorité depuis plusieurs décennies : comme aujourd'hui, il était au coeur des réformes de 2003 et de 2010. Leur taux d'emploi a légèrement augmenté et se rapproche de la moyenne européenne, mais leur taux de chômage est très important. Seule une véritable politique de lutte contre le chômage pourrait améliorer cette situation, surtout quand on connaît la situation financière très dégradée de l'assurance chômage.

La pénibilité est mieux prise en compte dans cette réforme qu'en 2010 et en 2003. Néanmoins, le compte individuel de prévention de la pénibilité sera alimenté par des points reçus en fonction de l'exposition à des facteurs de risques. Il n'y a plus de métiers pénibles : c'est problématique. De plus, l'employeur gérera le compte. En cas de conflit, toute contestation sera soumise à une commission ad hoc dont les partenaires sociaux seront exclus. Est-ce vraiment acceptable ? Qui plus est, le projet de loi renvoie très largement à des décrets pour définir précisément cette reconnaissance de la pénibilité : nous sommes donc dans un flou le plus total.

Un salarié exposé à un risque pourra demander soit une formation pour se reconvertir, soit un passage à temps partiel, soit un départ anticipé à la retraite. L'ampleur de ces mesures reste à améliorer.

Il y a peu d'avancées pour les jeunes, hormis les apprentis et les stagiaires. Les organisations étudiantes demandent que soient prises en compte dans la durée cotisée les années d'études et d'insertion dans le monde du travail, ce qui est ici encore refusé. Seul le rachat est possible : une année revient à 32 000 euros, soit une somme évidemment inabordable.

Mme Annie David, présidente . - Il y a de nombreuses divergences parmi nos intervenants, ce qui confirme l'intérêt de cette table ronde. Ces points de vue vont enrichir la réflexion de chaque membre de la commission.

La pénibilité est un des sujets majeurs de ce texte. Il faut la prévenir autant que possible, mais certaines activités pour lesquelles l'exposition aux facteurs de risques est inévitable sont indispensables au bon fonctionnement de notre société. Nous bénéficions tous de la pénibilité de certains métiers : il faut donc développer la solidarité envers ceux qui les exercent.

Mme Muguette Dini . - Quel âge avez-vous M. Sterdyniak ?

M. Henri Sterdyniak . - Soixante-deux ans.

Mme Muguette Dini . - Vous auriez dû prendre votre retraite à soixante ans, car vous nous avez abreuvés d'affirmations ineptes et contradictoires sans faire aucune proposition. Je suis scandalisée.

M. Jean-Noël Cardoux . - J'ai également eu du mal à suivre le raisonnement de M. Sterdyniak. Vous nous dites qu'on peut se dispenser d'une réforme avant de souligner des problèmes graves, que ce soit pour l'Agirc-Arrco, la fiscalisation de la majoration familiale ou la situation des femmes. La situation est-elle donc véritablement si idyllique ?

Je regrette de ne pas avoir entendu, de la part des intervenants, de propositions sérieuses concernant des financements innovants. Il faut sortir de la dichotomie classique augmentation des impôts - augmentation des cotisations sociales.

La multiplicité des régimes est source de problèmes de gestion. Les frais de gestion de ces régimes paritaires sont de l'ordre de six milliards d'euros par an, soit le double de ce que connaissent les pays européens comparables. Il y a un différentiel de 3 milliards d'euros qui représente un gisement d'économies que la convergence permettrait d'exploiter.

Je suis surpris que la question de l'espérance de vie ait été balayée d'un revers de main. Depuis trente ans, au moins cinq ans, sans doute plus, ont été gagnés. En conséquence, serait-il anormal d'augmenter l'âge de départ à la retraite ? C'est arithmétique.

Certains syndicats sont prêts à étudier la mise en oeuvre d'une retraite par points, qui serait de nature à faciliter le choix de l'âge de départ à la retraite selon le souhait de chacun. Au contraire, on met en place une usine à gaz en matière de pénibilité. Tout le monde voudra en profiter. Ne risque-t-on pas de faire du travail en lui-même une forme de pénibilité ?

M. Marc Laménie . - Il me semble indispensable de prendre en compte le critère démographique et l'augmentation de l'espérance de vie. Un décalage a toujours existé entre les femmes et les hommes ; on le retrouve aujourd'hui sur le terrain de la pénibilité.

Les temps ont changé : les locomotives à vapeur, dans lesquelles les cheminots devaient faire des efforts physiques intenses, ont disparu. D'autres formes de risques professionnels sont apparues. Comment quantifier le stress ?

L'espérance de vie n'est pas uniquement liée aux conditions de travail : la consommation d'alcool ou de tabac, le mal-être sont aussi à prendre en compte.

Il y a trente ans, l'entrée dans la vie active était plus précoce : il était donc plus facile de cotiser longtemps. La durée des études réduit désormais la durée de cotisation.

La tâche reste immense, mais le critère démographique n'est pas une science exacte.

M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Le FRR a été créé par le gouvernement Jospin : le dernier gouvernement de gauche avant 2012 n'était pas resté inactif pour assurer la pérennité de notre système de retraites.

Est-il possible d'évaluer la situation du FRR s'il avait été alimenté régulièrement et non pas détourné de son objectif par la réforme des retraites de 2010, appliquée à partir de 2011 avec le versement chaque année, au mois d'avril, de 2,1 milliards d'euros à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ? Aurait-il pu apporter une solution aux problèmes que nous rencontrons aujourd'hui ?

L'article 3 du projet de loi prévoit que le comité de surveillance pourra préconiser le recours aux réserves du FRR afin de corriger des écarts de nature conjoncturelle par rapport à la trajectoire de redressement financier. Un nouvel rôle lui est confié : celui d'instrument de stabilisation conjoncturelle. La gestion du FRR sera beaucoup plus délicate. Alors qu'il gère très bien un actif sur lequel sa visibilité est bonne, il va se retrouver à gérer un actif plus aléatoire. Devra-t-il rester offensif dans ses placements, au risque de ne pas disposer des fonds nécessaires lorsque le besoin s'en fait sentir, ou bien adopter une attitude prudente, avec des gains plus limités ?

M. Jean-Noël Cardoux . - C'est exact !

M. Jacky Le Menn . - Je ne suis pas satisfait par l'économie d'ensemble des interventions que nous venons d'entendre et j'aimerais avoir des précisions. Selon Mme Lavigne, ce texte n'est pas une réforme systémique. Au contraire, pour Mme Mills, nous sommes à la première étape d'une réforme systémique de grande ampleur.

Je tiens à rappeler qu'il a fallu plusieurs années aux pays scandinaves pour mettre en place un système de comptes notionnels. En France, il faut trouver 20 milliards d'euros, soit un point de PIB d'ici sept ans pour combler les déficits. En 2040 ils atteindront 29 milliards d'euros. Quelles sont vos propositions pour passer ce cap ? Peut-on aller vers une réforme de fond tout en faisant face aux défis de moyen terme ?

Mme Mills, la réforme systémique que vous craignez implique-t-elle un basculement vers un système par capitalisation ?

M. Sterdyniak, cette réforme est-elle purement cosmétique ? Comment faire face à nos engagements financiers d'ici 2020 ?

M. Gilbert Barbier . - Je suis perplexe devant les exposés qui viennent d'être réalisés. J'attendais une vision précise de l'avenir du système de retraites.

Peut-on considérer, comme le Gouvernement l'affirme, que la retraite par répartition est immuable dans le temps et viable jusqu'en 2035 ? Ne faut-il pas plutôt que dès maintenant les plus jeunes s'orientent vers un autre modèle pour garantir leur retraite ?

L'avenir du FRR m'inquiète. Le prélèvement annuel qui lui est imposé le fait stagner, malgré sa gestion rigoureuse, autour de 35 milliards d'euros. Il sera donc insuffisant pour surmonter les difficultés financières des régimes dans les années à venir.

La pénibilité prend ici une autre forme par rapport à la loi de 2010. On passe d'une vision médicalisée à une forme collective et professionnelle. En fonction des capacités des individus, pour un même métier, dans les mêmes conditions et sur le même poste de travail, la pénibilité est-elle identique ?

M. Claude Domeizel . - Faut-il renoncer à créer le comité de surveillance ou bien plutôt modifier le fonctionnement et les objectifs du COR ? Pour en avoir été l'un des initiateurs et y avoir siégé, je tiens à rappeler que le COR est un outil qui peut faire des propositions, c'est un lieu de concertation mais non de négociation. Il fait des constats, qu'ils soient partagés ou non. Dans ce dernier cas, les désaccords sont clairement exprimés. Comme la commission Moreau, le comité de surveillance pourra faire des propositions, sans être un lieu de décision. Cette nouvelle structure vous semble-t-elle indispensable par rapport au COR ?

Mme Annie David, présidente . - Contrairement à certains de mes collègues, j'estime avoir entendu plusieurs propositions intéressantes de la part de nos invités. Le but de cette table-ronde n'était pas de recueillir un avis unique mais de confronter des points de vue divergents. Elle a très bien rempli son rôle. J'ai apprécié sa diversité, même si je ne suis bien sûr pas d'accord avec tout ce qui a été exprimé.

Les questions de financement sont absentes de ce texte, c'est la raison pour laquelle elles n'ont pas été au coeur de notre discussion. De nombreuses ressources nouvelles peuvent être exploitées. Le financement de notre protection sociale repose sur les revenus du travail, mais une part grandissante de l'assiette y échappe par le biais de la financiarisation. Il ne serait donc pas illogique de mettre à contribution les revenus du capital.

Mme Anne Lavigne . - La réforme vise à conforter le système de retraites par répartition à moyen et long termes. Je ne suis pas favorable à la capitalisation dans les régimes publics obligatoires, car elle revient à faire peser un risque financier pour se protéger d'un risque de longévité. Je suis attachée à la couverture collective du risque retraite. En revanche, il est déjà possible de recourir à la capitalisation, à titre individuel, pour financer un complément de retraite.

J'avais travaillé sur le FRR en 2003. Ma perspective était celle de son utilisation comme fonds de lissage. L'augmentation légère des taux de cotisation en période propice et le décaissement, à partir de 2003, d'un FRR mieux abondé aurait permis d'absorber la bosse démographique. D'après mes projections, il était possible d'attendre jusqu'en 2017 pour abonder le FRR, mais il aurait alors fallu augmenter de manière très significative les taux de cotisation entre 2017 et 2023 pour surmonter le choc démographique lié au baby-boom.

L'utilisation du FRR est une très bonne idée ; il pourrait même être adossé à des régimes en comptes notionnels. Je défends cette idée car elle fait disparaître les crispations sur les conditions d'âge. Il faut simplement fixer un âge minimal en deçà duquel le départ à la retraite serait impossible, afin que les droits à pension accumulés permettent dans tous les cas de vivre correctement.

Il était possible de réaliser des ajustements paramétriques sans parler de réforme et sans susciter des craintes quant aux déséquilibres financiers des régimes. Le FRR dispose des ressources nécessaires. Il faudrait commencer dès aujourd'hui à poser les fondements d'une réforme systémique dont les effets seraient différés dans le temps. L'Italie n'a pas pris de telles précautions, le résultat n'y est pas pleinement satisfaisant. Des ajustements à court terme et un nouveau régime, adossé au FRR, pour les départs à la retraite à partir de 2030 : voilà ce qui constituerait une réforme systémique.

M. Henri Sterdyniak . - J'ai souhaité rappeler que les prévisions établies par le COR ne faisaient pas apparaître un déficit si considérable à l'horizon 2040. Celui-ci représenterait 1 % du PIB, mais il serait possible de le couvrir en transférant vers l'assurance vieillesse des cotisations d'assurance chômage. En effet, le COR table sur une hypothèse de retour au plein emploi et donc d'une diminution sensible du taux de chômage à l'horizon 2040. Le COR intègre également une baisse de 15 % du niveau relatif des retraites, qui atteint aujourd'hui un montant historiquement haut. Si un tel choix n'était pas accepté, et que l'on souhaitait privilégier le maintien du niveau des pensions, il faudrait trouver des ressources représentant deux points de PIB, soit l'équivalent de quatre points de cotisations.

Il me paraît également nécessaire de souligner que la question des retraites est relativement secondaire par rapport à des enjeux beaucoup plus vastes dont elle est largement tributaire : le retour au plein emploi, la sortie de la gestion catastrophique de la zone euro et l'arrêt de la désindustrialisation.

A compter de 2035, le ratio démographique sera stable. L'équilibre peut être atteint par une politique économique privilégiant le retour au plein emploi, par un effort des employeurs pour maintenir leurs salariés dans l'emploi jusqu'à soixante-deux ans et par un arbitrage adéquat entre le niveau des cotisations et celui des retraites.

Le projet de loi actuel peut certes apparaître comme une « petite » réforme. Mais contrairement à Catherine Mills, je pense que cette petite réforme nous protège, et contrairement à Anne Lavigne, je me réjouis que l'on ne se lance pas dans une réforme structurelle qui réclamerait de très longues négociations sur de nombreux sujets et supposerait de faire coexister deux systèmes, l'ancien et le nouveau, durant toute la phase de transition. J'ajoute que le passage à un système en comptes notionnels serait très pénalisant pour les ouvriers qui sont de facto obligés de partir tôt en retraite.

S'agissant des instances de suivi et de pilotage, j'estime qu'à côté du COR, instance très importante du fait de son travail technique, il est nécessaire de mettre en place une « maison commune » des retraites. Elle devrait, de mon point de vue, associer les partenaires sociaux et les gestionnaires de l'ensemble des régimes de retraite, publics et privés, de base et complémentaires, et servir de cadre à des négociations sur l'évolution et la convergence des régimes. De tels sujets ne peuvent être laissés à des experts.

Lors de la création du FRR, on pensait qu'il permettrait d'accumuler des fonds très importants. Il n'en a rien été. Depuis 2004, les avoirs placés par le FRR ont produit un rendement annuel moyen de 1,8 % en termes réels. Son rapport n'est pas supérieur au coût de la dette publique. En réalité, le FRR n'aura servi à rien. C'est une opération blanche et il aurait été aussi simple d'affecter les ressources destinées au FRR aux besoins de financement immédiats des régimes.

Mme Catherine Mills . - Les questions démontrent qu'il y a véritablement nécessité d'un débat, et d'un temps suffisant pour le conduire. Pourquoi une telle précipitation dans cette réforme ? Cessons de considérer l'allongement de la durée de vie uniquement comme un problème. Pourquoi ériger en dogme intangible le principe posé en 2003 visant à affecter les deux tiers des gains d'espérance de vie à l'activité professionnelle et un tiers seulement à la retraite ? La retraite constitue un choix de société, un choix de civilisation. On ne peut la réduire à de simples équilibres comptables.

Comme en 2003 et en 2010, cette réforme est censée être la dernière. Mais comme les précédentes, elle conduira inéluctablement à réduire le niveau des pensions et de ce fait, elle jouera négativement sur le taux de croissance, entraînant de nouveaux problèmes de financement. Il faut sortir de cette logique. Notre système de retraites peut être pérennisé sans recourir à la capitalisation. Nous pouvons encore mobiliser les cotisations sociales, contrairement à ce dont on veut nous persuader.

Audition de MM. Gérard RIVIÈRE, président du conseil d'administration, et Pierre MAYEUR, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)

Réunie le mercredi 16 octobre 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Pierre Mayeur, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse sur le projet de loi n° 1412 (AN-XIV e ) de financement de la sécurité sociale pour 2014 et sur le projet de loi n° 1376 (AN-XIV e ) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

Mme Annie David , présidente . - Bienvenue à MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Pierre Mayeur, directeur de la Cnav. Nous souhaitons aborder avec vous à la fois le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 et la réforme des retraites, l'équilibre général de la branche étant conditionné par les mesures prévues dans le cadre de cette réforme.

M. Gérard Rivière , président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse . - Saisi pour avis, le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis majoritairement négatif sur ces deux textes. Notre débat du 2 octobre a d'ailleurs porté davantage sur la réforme des retraites que sur le PLFSS, ce dernier texte ne comportant pas de mesure spécifique vieillesse.

En 2012, le solde négatif de la CNAV s'établit à 4,8 milliards d'euros, contre 6 milliards en 2011 ; c'est donc une amélioration de 1,2 milliard. A réglementation constante, le déficit se réduirait en 2013 pour s'établir à 3,3 milliards d'euros, et se creuserait en 2014 pour atteindre 3,7 milliards. La réduction du déficit entre 2012 et 2013 découle de l'affectation de ressources nouvelles par la loi de finances rectificative de 2012 et le PLFSS pour 2013.

On estime qu'en 2017, l'incidence démographique et les mesures de retraite anticipée pèseront sur les comptes de la branche vieillesse pour plus de 17 milliards d'euros, soit l'équivalent de 18 % de la masse des pensions. Sur cette somme, 3,4 milliards d'euros seraient liés aux retraites anticipées, 11,8 milliards à l'effet papy-boom, partiellement anticipé avec la création du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), les gains d'espérance de vie ne pesant que pour 1,9 milliard d'euros, soit un tiers de point de cotisation d'assurance retraite. N'imputons pas tout à la progression de l'espérance de vie : la dégradation des comptes est essentiellement due à l'effet papy-boom.

M. Pierre Mayeur , directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. - Au-delà de l'allongement de la durée de cotisation et des modifications en matière de gouvernance, la réforme des retraites aura d'importantes conséquences sur l'exercice de leur métier  par les caisses de retraite : calcul unique de la retraite acquise dans les régimes alignés, à l'article 14 ; suppression du versement forfaitaire unique, à l'article 29 ; création de l'Union des institutions et services de retraite surtout. Cette réunion des différents régimes de retraite dans un groupement d'intérêt public supposera de mener des projets informatiques, mais aussi de mettre en commun les moyens des caisses. Le régime général, qui verse une pension à 90 % des retraités et regroupe 70 % des actifs, y jouera bien entendu un rôle majeur.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Diverses mesures du projet de loi portant réforme des retraites auront des conséquences pour la Cnav en termes de gestion. Comment la caisse va-t-elle gérer le passage de 200 à 150 heures par trimestre pour valider un trimestre ? L'Union des institutions et services de retraite a pour vocation de remplacer le GIP Info-retraite. Quel poids cela représente-t-il pour vous, en termes de gestion ? Comment simplifier les choses pour les institutions, et pour la Cnav en particulier ?

M. Pierre Mayeur. - Le Gouvernement a annoncé vouloir réaliser des économies de gestion - 200 millions d'euros à l'horizon 2016, selon le dossier de presse du 27 août 2013. La simplification est essentielle, qu'elle bénéficie à l'assuré, à la caisse ou aux deux. Certaines mesures, comme le calcul unique, auront ce double dividende, pour l'assuré ainsi qu'à terme, pour les régimes de retraite.

Le passage de 200 à 150 heures Smic suppose une évolution de nos systèmes informatiques qui ne devrait pas poser problème. En revanche, les dispositions relatives au reliquat des cotisations et au plafonnement seront lourdes de conséquences en termes de gestion. Il nous faudra attendre d'avoir digéré la mise en place du système de déclaration sociale nominative avant de les intégrer dans nos systèmes informatiques. Nous nous fondons aujourd'hui sur la déclaration annuelle de données sociales ; la déclaration sociale nominative représente une vraie sophistication de notre réglementation.

M. Jean Desessard . - Il faut relativiser l'effet de l'allongement de l'espérance de vie par rapport aux effets du papy-boom, nous dit M. Rivière. Soit. Mais alors, quelle solution propose le conseil d'administration ? Réduire la pension des papy-boomers ? C'est que je suis concerné au premier chef !

M. Jacky Le Menn . - Le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis négatif sur la réforme des retraites, nous dites-vous. Voilà qui est bien lapidaire. Nous aimerions savoir quels points précis ont suscité des oppositions. Certaines mesures ont bien dû être jugées positivement, par exemple celles relatives aux femmes, aux personnes handicapées, à l'apprentissage ou encore la possibilité de racheter des années d'études... Quels sont les éléments qui justifient cet avis négatif ?

M. Alain Milon . - Vous évaluez l'effet du gain d'espérance de vie à 1,9 milliard d'euros. Est-ce un chiffre annuel ?

M. Claude Jeannerot . - J'allais poser la même question. L'effet papy-boom est aussi lié à l'augmentation de l'espérance de vie ! Il me paraît difficile de dissocier les deux : le coût prévisible vient aussi du fait que ces personnes seront longtemps à la retraite.

M. Gérard Rivière . - Sans doute ai-je été un peu rapide. Bien entendu, les membres du conseil d'administration de la Cnav n'expriment pas tous le même vote négatif : les organisations d'employeurs auraient souhaité que l'on recule l'âge légal de départ à la retraite ; les organisations de salariés dénoncent l'allongement de la durée de cotisation.

Mme Christiane Demontès , rapporteure . - Des avis motivés par deux raisons diamétralement opposées, donc...

M. Jean-Noël Cardoux . - Moins par moins, cela fait plus...

M. Gérard Rivière . - Les organisations de salariés ne se sont pas prononcées sur la question de l'âge légal, qui ne figure pas dans le projet de loi. Le conseil d'administration de la Cnav émet un vote global, et non article par article. Nombreux sont ceux qui ont souligné l'intérêt des mesures en faveur des femmes ou des jeunes, non sans regretter parfois leur manque d'ambition ou leur faible portée...

La situation de l'emploi pèse lourd sur nos comptes : 100 000 affiliés au régime général, au salaire moyen de l'industrie et du commerce, c'est 400 millions d'euros de ressources nouvelles pour la Cnav.

Je qualifierais l'effet papy-boom de structurellement provisoire : il se fera sentir jusqu'en 2040 environ. L'espérance de vie, c'est-à-dire la durée de service de la pension, ne progresse pas tant qu'on pourrait le croire. Je ne sais jusqu'à quel âge vivront les personnes qui entrent aujourd'hui dans le système. Reste que l'espérance de vie en bonne santé a reculé depuis un an, avec la crise, et qu'on ne saurait mesurer l'espérance de vie de salariés qui auront passé quatre ou cinq ans de plus au travail que les générations qui ont travaillé 37,5 années, voire ont bénéficié de pré-retraites... Bref, je ne suis pas sûr que l'espérance de vie augmente tant que cela.

M. Pierre Mayeur. - L'effet majeur, c'est le papy-boom ; l'effet mineur, c'est l'allongement de l'espérance de vie. En termes financiers, on est passé brutalement de 450 000 liquidations de retraite par an au début des années 2000 à près de 800 000. Cette évolution structurelle va détériorer le ratio démographique entre cotisants et retraités, malgré la progression de la population cotisante due à notre taux de fécondité élevé : plus de personnes arrivent à l'âge de la retraite qu'il n'en rentre sur le marché du travail.

Mme Françoise Boog . - Vous avez évoqué la mise en commun des moyens des caisses de retraite. Selon quelle méthodologie ?

M. Pierre Mayeur. - Nous avons une expérience sur un segment limité avec la mise en place du GIP Info-retraite depuis 2003-2004. Nous envoyons chaque année des millions de documents : à partir de trente-cinq ans, les assurés reçoivent un courrier tous les cinq ans, les relevés individuels de situation sont accessibles sur Internet, et à cinquante-cinq ans, une estimation globale de la pension est réalisée par les régimes. Avec l'Union des institutions et services de retraite, nous passons d'une structure de dix personnes à la mise en commun de techniciens des différents régimes pour fournir aux assurés un service unifié et amélioré. L'entretien info-retraite était déjà l'occasion de faire un bilan de la situation globale de l'assuré. Il faudra des règles de gouvernance : avec trente-cinq régimes de retraite, dont vingt et un régimes de base, on ne peut donner les mêmes prérogatives à tous. Si l'on veut être efficace et efficient, l'on devra donner aux grands régimes de retraite les moyens de se coordonner entre eux. Cela fait quatre ans que la Cnav travaille étroitement avec l'Agirc-Arrco, avec la demande de retraite coordonnée.

Mme Annie David , présidente . - Ce savoir-faire sera utile.

M. Hervé Poher . - Le temps passé au travail joue sans doute sur l'espérance de vie sans être un facteur majeur : si celle-ci augmente, c'est grâce aux progrès de l'hygiène, de l'alimentation, de la médecine. D'ailleurs, l'espérance de vie des femmes stagne, car elles sont moins raisonnables que leurs mamans ; celle des hommes progresse, car ils sont plus raisonnables que leurs papas. Le delta de progression va forcément diminuer : on ne peut être plus fort que la nature.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - On arrive à l'asymptote.

M. Hervé Poher . - Je ne pense pas que le facteur travail soit déterminant, même si la pénibilité joue sur l'espérance de vie.

Mme Annie David , présidente . - L'impact des conditions de travail se voit pourtant clairement dans l'écart entre l'espérance de vie à soixante ans d'un ouvrier et celle d'un cadre. On ne peut le nier, même si d'autres facteurs entrent bien sûr en jeu.

M. Claude Jeannerot . - On sait la relation entre pauvreté et accès à la médecine.

M. Hervé Poher . - A conditions de travail inchangées, l'espérance de vie s'est accrue de quinze ans en un siècle.

M. Gérard Rivière. - Plus encore que l'activité professionnelle, c'est l'origine sociale qui détermine, encore aujourd'hui, le parcours éducatif, professionnel et même l'espérance de vie. Celle-ci n'est pas la même dans les quartiers huppés et dans les quartiers déshérités ; celle d'un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d'un cadre supérieur ou d'un enseignant du supérieur. Le recul de l'âge de départ à la retraite réduira l'espérance de vie des ouvriers par rapport à celle des cadres supérieurs - qui pèsent bien moins lourd dans les comptes de la Cnav. L'espérance de vie continuera-t-elle de progresser ? Le débat est ouvert.

Quant au PLFSS pour 2014, il ne traite pas le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). La dégradation de l'emploi plombe les comptes du FSV : ses dépenses augmentent, alors que ses recettes baissent. Son déficit s'établit autour de 3 milliards d'euros, soit autant que celui de la Cnav, à comparer à ses 20 milliards de prestations (110 milliards pour la Cnav). Le FSV n'a pas été conçu pour générer du déficit. Nous avons formulé des propositions pour en améliorer le financement, notamment sur la prise en charge des périodes relevant de la solidarité nationale : chômage, mais surtout maladie et maternité. La cotisation est à la hauteur des besoins : c'est l'expression de la solidarité nationale, due à la crise, qui plombe les comptes du FSV. Ce déficit doit être traité dans les meilleurs délais. Je regrette que nos propositions n'aient pas été entendues, qu'il s'agisse de financement ou de simplification et de réduction des coûts de gestion. Au contraire, plusieurs mesures sont venues complexifier les choses, à commencer par le report des cotisations d'une année sur l'autre et le plafonnement pour les salariés ayant une activité sur une période réduite de l'année. Difficile, dans ces conditions, d'éviter les effets d'aubaine...

Mme Annie David , présidente . - Je vous remercie.

III. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 23 octobre 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'examen du projet de loi n° 71 (2013-2014), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Ce projet de loi, adopté le 15 octobre dernier par l'Assemblée nationale, est l'aboutissement d'un long processus, entamé dès juillet 2012 lors de la Conférence sociale. Suivant la feuille de route définie à cette occasion, l'élaboration du projet de loi a connu trois phases successives.

Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a d'abord réalisé un état des lieux du système et de ses perspectives financières aux horizons 2020, 2030 et 2040. Sur le fondement de ce diagnostic partagé, la commission pour l'avenir des retraites a formulé plusieurs pistes d'évolution que sa présidente, Mme Yannick Moreau, est venue nous présenter en juillet dernier. Enfin, avec la conférence sociale de juin 2013 s'est ouverte la phase de concertation avec les partenaires sociaux, avant le dépôt du texte au Parlement.

Ce projet de loi poursuit un triple objectif : redresser à court terme les comptes des régimes et corriger la trajectoire financière de long terme ; donner priorité à l'équité, en prenant mieux en compte, pour l'acquisition de droits à la retraite, les évolutions sociales et la diversité des parcours professionnels, notamment pour les femmes et les plus jeunes ; renforcer le droit à l'information des assurés et améliorer la coordination entre les régimes.

Depuis les années 1990, les régimes de retraite sont confrontés à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre et à l'allongement de l'espérance de vie. Cette évolution structurelle met en danger la pérennité financière de notre système par répartition dont l'article 1 er du projet de loi réaffirme les grands principes.

L'objectif de retour à l'équilibre, envisagé à l'horizon 2020 par la réforme de 2003 puis à l'horizon 2018 par celle de 2010, ne sera pas atteint en l'absence de mesures nouvelles. A court terme, après une sensible amélioration du solde de la branche vieillesse en 2013, une nouvelle dégradation interviendra dès 2014. Le régime général et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont en effet bénéficié d'un apport substantiel de recettes en 2013, grâce aux mesures législatives et réglementaires. Les déficits se creuseront cependant à nouveau dès l'année prochaine.

Les comptes continueront de se dégrader jusqu'en 2016, avant que le déficit ne se stabilise, à un niveau élevé, jusqu'en 2020. Alors, le besoin de financement serait d'environ 21 milliards d'euros.

Deux éléments ont conduit à ajuster les projections de décembre 2012 : l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu le 13 mars 2013 par les partenaires sociaux gestionnaires des régimes complémentaires Agirc-Arrco, qui prévoit une hausse des taux de cotisation de 0,2 point et une moindre revalorisation des pensions entre 2013 et 2015 ; la révision des perspectives de croissance du PIB et de la masse salariale. Le déficit du système de retraite serait de 20,7 milliards en 2020 et de 26,6 milliards en 2040.

A l'horizon 2020, le besoin de financement se décompose comme suit : 7,6 milliards pour le régime général, le FSV et les régimes de retraite de base non équilibrés par subvention ; 4,4 milliards pour les régimes complémentaires gérés par les partenaires sociaux et 8,7 milliards pour le régime de la fonction publique et les régimes spéciaux, qui sont équilibrés par l'Etat.

Le projet de loi vise à ramener à l'équilibre les régimes de retraite de base à 2020 et à maintenir cet équilibre jusqu'en 2040, où la « bosse démographique » sera dépassée. Entre 2025 et 2035, le ratio démographique devrait en effet reculer de 2,6 à 1,5 actif par retraité, avant de se stabiliser.

A court terme, des efforts seront demandés, équitablement répartis entre actifs, employeurs et retraités. Le Gouvernement a annoncé une hausse modérée des taux des cotisations d'assurance vieillesse de 0,3 point d'ici à 2017, dans tous les régimes de retraite de base, fonction publique et régimes spéciaux inclus. Elle produira 2,2 milliards de recettes nouvelles en 2014 et 4,6 en 2020, partagées à parts égales entre les salariés et les entreprises. S'agissant des retraités, outre la fiscalisation des majorations de pension prévue à l'article 6 du projet de loi de finances pour 2014, l'article 4 du projet de loi de financement prévoit le décalage du 1 er avril au 1 er octobre de la revalorisation annuelle des pensions, soit une économie de 800 millions en 2014 pour l'ensemble des régimes de base. Dans un souci de justice, les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) ainsi que les titulaires d'une pension d'invalidité ne seront pas concernés. L'effort demandé aux retraités est indéniable mais il est ponctuel et proportionnel au montant de la retraite de base. La revalorisation en 2014 sera de toute façon modeste, après l'importante revalorisation intervenue en 2013. Sous l'hypothèse d'une revalorisation de 0,9 %, un retraité percevant 1 000 euros de retraite par mois devra consentir un effort de 9 euros par mois pendant six mois.

Au total, les mesures de redressement de court terme s'élèvent à 4,1 milliards en 2014, 8 en 2020, dont 2 milliards en économies et 6 milliards en recettes. Le déficit des régimes de retraite de base sera ramené à 1,6 milliard en 2014 puis à 1,1 milliard en 2015.

A plus long terme, l'article 2 prévoit un allongement progressif de la durée d'assurance nécessaire pour une retraite à taux plein, dans l'ensemble des régimes. Il s'agit d'ajuster la trajectoire financière sans brutalité pour les générations proches de la retraite.

La durée d'assurance pour une retraite à taux plein sera portée de 41,75 ans, soit 167 trimestres, pour la génération née en 1958 ; et à 43 ans, soit 172 trimestres, pour les générations nées à partir de 1973. Le rythme d'augmentation retenu est d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035. Plusieurs dispositifs visent à en compenser les effets pour les personnes ayant des métiers pénibles, ayant commencé à travailler jeunes ou ayant eu des carrières heurtées. L'équité de cette mesure est donc assurée, son impact financier est estimé à 5,4 milliards en 2030 et 10,4 milliards en 2040, tous régimes confondus.

L'article 3, tirant les leçons de l'échec du comité de pilotage des retraites (Copilor), prévu par la réforme de 2010 mais jamais réuni, prévoit un nouveau mécanisme de pilotage annuel. Le COR réalisera chaque année, à partir d'une liste d'indicateurs de suivi, un bilan sur le fondement duquel un comité de suivi des retraites rendra un avis public adressé au Parlement, au Gouvernement et aux caisses de retraite. La portée de ces recommandations est encadrée afin d'assurer un équilibre entre les efforts demandés aux actifs et aux retraités. Le Gouvernement présentera ensuite au Parlement, après consultation des partenaires sociaux, les suites qu'il entend donner à ces recommandations et le comité se prononcera sur leur suivi.

Conformément aux recommandations du rapport Moreau, ce mécanisme vise à mieux distinguer la phase de diagnostic, réalisée au COR, de la phase d'expertise technique au sein du nouveau comité de suivi. Le but est aussi d'en finir avec les réformes par à-coups et de renforcer la confiance des assurés dans la pérennité du système. Le comité jouera également le rôle d'observatoire des inégalités en matière de retraites, afin de proposer des mesures correctrices.

Voilà qui m'amène aux mesures d'équité prévues par le projet de loi. Prendre en compte la pénibilité au cours de la vie professionnelle dans l'acquisition des droits à la retraite est un objectif phare de ce texte, et l'aboutissement d'un long cheminement entamé il y a plus de dix ans. La question de la pénibilité et de son impact sur l'espérance de vie et la retraite a été pour la première fois abordée durant les travaux préparatoires de la réforme de 2003. Les partenaires sociaux engagèrent ensuite une négociation, qui échoua, au terme de plus de deux ans de travaux. En 2010, la définition de dix facteurs professionnels de risque et l'obligation faite à l'employeur de tenir une fiche individuelle de prévention des expositions a marqué une étape supplémentaire dans la reconnaissance de l'impact d'un travail pénible sur la santé, y compris après le départ à la retraite. Faut-il rappeler que les hommes occupant les professions les plus qualifiées ont, à 50 ans, une espérance de vie en bonne santé supérieure de 9 ans à celle des ouvriers ?

Ce projet de loi traduit pour la première fois, en un dispositif universel, le devoir qui incombe à la société de prévenir la pénibilité et d'en compenser les effets. L'article 5 prévoit que seront définis, en concertation avec les partenaires sociaux, des seuils objectifs au-delà desquels le salarié devra faire l'objet d'un suivi spécifique et bénéficier de mesures de prévention, mises en oeuvre dans le cadre d'un compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP), créé par l'article 6. Le Gouvernement a souhaité, comme le préconise le rapport Moreau, que chaque salarié exposé à l'un des facteurs de risques puisse accumuler, en fonction de sa durée d'exposition, des points qui pourront être utilisés pour financer une formation longue de reconversion, maintenir le niveau de salaire en cas de passage à temps partiel ou bénéficier d'une majoration de durée d'assurance en vue de la retraite.

Un trimestre d'exposition créditera le compte d'un point. Dix points permettront de bénéficier d'un trimestre de formation, de travail à temps partiel ou de durée d'assurance vieillesse. Un plafond sera fixé à cent points, afin de ne pas inciter le salarié à rester dans un poste pénible dans le but d'accumuler des points. La sanctuarisation des vingt premiers points pour la formation poursuit le même objectif. L'Assemblée nationale a voulu que le passage à temps partiel soit possible à tout moment de la vie professionnelle. Les salariés actuellement en fin de carrière bénéficieront d'un dispositif transitoire : barème d'acquisition des points plus favorable, levée de l'obligation de formation.

Le financement de ce compte, géré par la Cnav et le réseau des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), sera équitablement assuré par les employeurs grâce à un système à deux étages. Toutes les entreprises devront s'acquitter d'une cotisation, dont le taux maximum est fixé à 0,2 % de la masse salariale. Les entreprises qui exposent leurs salariés à un facteur de risques reconnu verseront une cotisation additionnelle, dont le taux sera compris entre 0,3 % et 0,6 %, majorée en cas de polyexposition.

Aujourd'hui, 18,2 % des salariés, soit 3,3 millions de personnes, travaillent dans des conditions pénibles, selon la définition légale. Ce compte, qui leur est destiné, entrera en vigueur le 1 er janvier 2015, avec une montée en charge progressive. Le coût du dispositif serait de 500 millions en 2020, 2 milliards en 2030 et 2,5 milliards en 2040.

La persistance d'importantes inégalités entre les retraites des femmes et celles des hommes justifie une réforme des avantages familiaux. Les articles 14 et 15 constituent une grande avancée. Grâce au second, tous trimestres de maternité seront réputés cotisés, contre deux seulement aujourd'hui. Grâce à l'assouplissement des règles de validation du nombre de trimestres dans le régime général et les régimes alignés, le temps très partiel ou à faible rémunération sera mieux pris en compte.

La règle du trimestre validé pour 200 heures rémunérées au Smic demeure peu favorable à ces salariés. Ce seuil est abaissé à 150 heures. Ainsi, un assuré à tiers temps rémunéré au Smic pourra valider quatre trimestres par an au lieu de trois. Et le reliquat de cotisation non utilisé pourra être reporté sur l'année suivante ou la précédente, si elles sont incomplètes. Cette mesure profitera beaucoup aux femmes, mais aussi aux jeunes qui effectuent des « petits boulots ».

Pour les plus jeunes, trois autres mesures sont prévues. La commission « Moreau » a souligné les effets de l'allongement des études et des difficultés d'insertion des jeunes sur le marché du travail. A trente ans, la génération 1978 avait validé 11 trimestres de moins que la génération 1950. L'article 16 instaure un rachat de trimestres d'études à tarif préférentiel, valable au cours des dix années suivant la fin des études. Un dispositif de rachat avait été créé en 2003 mais son tarif reste trop élevé pour les jeunes : seul 1 % des 2 500 rachats annuels est le fait d'assurés de moins de quarante ans. Il est donc prévu d'octroyer, dans la limite de quatre trimestres, une aide de 1 000 euros par trimestre, dont le caractère forfaitaire favorisera davantage les jeunes aux revenus les plus faibles. L'Assemblée nationale a complété cela en ouvrant la validation aux périodes de stages en entreprise, jusqu'à deux trimestres. Enfin, les apprentis, qui cotisent aujourd'hui sur une assiette forfaitaire trop faible pour pouvoir valider un nombre de trimestres d'assurance équivalent à la durée de leur contrat pourront, grâce à l'article 17, valider quatre trimestres au titre d'une année. Je m'en réjouis, nous avons souvent eu ce débat en commission.

Deux dispositions bénéficient aux assurés qui connaissent des accidents de carrière. L'élargissement des trimestres pris en compte au titre du dispositif « carrière longue », tout d'abord. Le décret du 2 juillet 2012 a procédé à un premier assouplissement en ajoutant aux trimestres déjà réputés cotisés deux trimestres de chômage. L'article 15 en ajoute deux, ainsi que deux trimestres d'invalidité. Grâce à l'article 18, ensuite, toutes les périodes de formation professionnelle continue donnant lieu à cotisation pourront être incluses dans les périodes assimilées d'assurance vieillesse, ce qui mettra fin à l'inégalité entre stagiaires de la formation professionnelle et chômeurs.

Trois mesures ouvrent de nouveaux droits aux assurés handicapés et aux aidants familiaux. L'article 23 redéfinit le critère principal d'éligibilité à la retraite anticipée des travailleurs handicapés, le rendant moins restrictif. L'article 24 étend le bénéfice de la retraite à taux plein dès l'âge légal à tous les assurés justifiant d'un taux d'incapacité permanente de 50 %, au lieu de 80 % à l'heure actuelle. L'article 25 renforce les droits à retraite des aidants familiaux de personnes handicapées ou de personnes âgées dépendantes, notamment en majorant leur durée d'assurance.

Enfin, le texte comporte des mesures significatives en faveur des petites retraites agricoles. Les non-salariés agricoles perçoivent une retraite inférieure de 40 % en moyenne à celle servie par le régime général. L'article 20 supprime la condition des dix-sept ans et demi d'assurance à ce régime pour bénéficier de la pension majorée de référence. L'article 21 accorde aux collaborateurs familiaux et aux exploitants les plus précaires des points gratuits au titre du régime complémentaire obligatoire (RCO) créé en 2002, auquel les conjoints et collaborateurs familiaux ne sont affiliés que depuis 2011. Il assouplit également les règles de réversion des points acquis et cotisés dans ce régime. Enfin, l'article 22 concrétise l'objectif de la loi « Peiro » de mars 2002, qui entendait porter le montant minimal des pensions des exploitants agricoles à 75 % du Smic. Ce seuil sera atteint au 1 er janvier 2017 grâce à un mécanisme différentiel d'attribution de points de RCO.

J'en viens aux mesures d'amélioration de la gouvernance et de simplification. Le texte vise à accroître l'efficacité de certains régimes de retraite en précisant leurs modalités d'organisation et de fonctionnement. L'article 31 renforce l'implication de la MSA dans le pilotage du régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles, et l'article 32 fait de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) une véritable tête de réseau. La caisse regroupe dix sections professionnelles qui gèrent à la fois le régime de base des professionnels libéraux et leurs régimes de retraites complémentaires. En 2003, la loi Fillon l'a chargée de mettre en place un régime par points et de mieux coordonner l'action de ses sections. Or, faute d'une gouvernance adaptée, ce dernier objectif n'a pas été rempli. Le projet de loi y remédie par une gouvernance plus adaptée. Il ne s'agit en aucun cas d'étatiser le fonctionnement du régime, ni de mettre la main sur ses réserves, mais bien de remédier aux dysfonctionnements mis en lumière par l'Igas et la Cour des comptes qui soulignait les défis démographiques à venir et préconisait un pilotage global.

En matière de simplification, le projet de loi porte une triple ambition. Améliorer, tout d'abord, le droit à l'information. Les progrès réalisés au cours des dix dernières années sous l'égide du GIP Info Retraite sont indéniables. Chaque assuré peut aujourd'hui obtenir un relevé de situation individuelle et un entretien avec un conseiller de sa caisse. L'article 26 du projet de loi franchit une nouvelle étape, en instituant, pour chaque assuré, un compte individuel de retraite en ligne retraçant ses droits et autorisant des simulations.

Il s'agit ensuite d'améliorer les règles de calcul de la retraite des polypensionnés. Le régime général et les régimes alignés calculant indépendamment les pensions sur la base des droits acquis en leur sein, le système leur est tantôt favorable aux assurés, tantôt défavorable. L'article 28 prévoit un calcul unique.

Il s'agit, enfin, d'ouvrir de nouveaux chantiers de simplification. L'article 27 crée une structure de pilotage interrégimes, l'Union des institutions et services de retraites, qui reprendra les missions du GIP Info Retraite avec un spectre d'action plus large, incluant la mutualisation entre régimes.

En première lecture, l'Assemblée nationale a su enrichir le texte et clarifier plusieurs de ses dispositions tout en préservant son équilibre. Outre un certain nombre d'amendements de précision et de coordination, je vous proposerai des modifications portant pour l'essentiel sur le volet gouvernance, afin d'améliorer la cohérence d'ensemble.

L'organisation administrative de l'UISR mérite, à mon sens, d'être précisée. Le succès du GIP Info Retraite repose sur une dynamique et un consensus qu'il conviendra de préserver. Je vous proposerai donc d'adjoindre au conseil d'administration de l'UISR un comité exécutif, regroupant un nombre restreint d'opérateurs, chargé d'appliquer les orientations stratégiques de l'Union. Je propose également d'assouplir les conditions de nomination du directeur de la CNAVPL, en levant la limite de renouvellement de son mandat.

Enfin, pour éviter la création d'une instance supplémentaire, le débat annuel entre le Gouvernement et les organisations représentatives sur la politique des retraites dans la fonction publique prévu à l'article 30 pourrait se tenir au sein du Conseil commun de la fonction publique.

Deux précisions, pour terminer, sur le compte personnel de prévention de la pénibilité : la MSA doit en être l'opérateur pour les salariés agricoles, et, dans un souci de simplification, les entreprises doivent pouvoir déclarer les expositions de leurs salariés par le biais de la déclaration annuelle des données sociales.

Ce texte, qui prend en compte la situation des assurés les plus fragiles, laissés de côté par les précédentes réformes, préservera notre système par répartition. Il demande aux Français un effort modéré, partagé, progressif. Puisse-t-il contribuer à leur rendre confiance dans leur système de retraite, et placer celui-ci en position de relever les défis non seulement financiers mais sociaux à venir.

Mme Laurence Rossignol, au nom de la délégation aux droits des femmes . - Il était légitime que la délégation aux droits des femmes soit saisie de ce texte, tant la répartition des pensions est marquée par les écarts entre hommes et femmes. La réduction de ces inégalités est une priorité de ce projet de loi : c'est une première. Le rapport de la délégation, adopté hier, dresse un tableau détaillé de ces inégalités. Les pensions de retraite des femmes n'atteignent, en moyenne, que 58 % de celles des hommes. Et les femmes liquident leurs droits un an et trois mois plus tard que les hommes en moyenne. Les réformes engagées depuis vingt ans, qui ont allongé la durée de cotisation, n'ont guère été favorables aux femmes. Ainsi du passage aux vingt-cinq meilleures années, qui pénalise les carrières courtes ou hachées. Nombreuses sont les femmes qui ont interrompu leur activité ou privilégié le temps partiel pour pourvoir à l'éducation des enfants. La progression du taux d'activité des femmes ne fera pas disparaître spontanément le problème. Ainsi que l'a souligné le COR, les interruptions de carrière liées à la maternité sont appelée à perdurer, et un différentiel de 20 % persistera à cause de cela entre les hommes et les femmes en matière de retraites. D'autant que les moyens d'accueil du jeune enfant demeurent insuffisants, ou d'un coût élevé. Les inégalités en matière de retraite reflètent également les inégalités au travail. D'où l'intitulé de notre rapport : Retraite des femmes, tout se joue avant 60 ans. Entre les salaires des hommes et ceux des femmes, il reste toujours une différence inexpliquée de 9 %, une fois neutralisés les écarts liés au temps de travail et à la qualification. C'est parfois le juge d'ailleurs qui doit intervenir pour faire appliquer le principe « à travail égal, salaire égal ».

Notre délégation a adopté onze recommandations. La première vise à réaffirmer la priorité qui doit s'attacher aux droits propres et à souligner le rôle déterminant en cette matière des lois concernant l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Nous souhaitons que la négociation sociale engage une refonte des grilles de qualification professionnelle non discriminante au regard de l'égalité salariale entre hommes et femmes.

Les horaires fractionnés et les amplitudes quotidiennes disproportionnées par rapport au temps effectivement travaillé devraient être considérés, par assimilation, comme des facteurs de pénibilité. Les salariés concernés devraient pouvoir bénéficier des dispositions du projet de loi qui permettent aux personnes exposées à un facteur de pénibilité de liquider leurs droits plus tôt ou se former pour accéder à une autre profession. Une caissière qui travaille de 8 à 11 heures puis de 17 à 19 heures, soit onze heures d'amplitude pour cinq heures de travail, cela relève de la pénibilité...

Des statistiques relatives à la pénibilité effectuées à partir d'une différenciation entre hommes et femmes devraient être dressées, de même qu'un bilan retraçant l'évolution des facteurs de pénibilité auxquels sont exposées les femmes. De fait, les dix facteurs de pénibilité définis par le code du travail ne reflètent pas tous ceux auxquels les femmes sont exposées. Et puisque la définition résulte de la négociation sociale, il serait bon - tel est l'objet d'une autre de nos recommandations - de s'assurer que les délégations appelées à y participer soient constituées sur le principe d'une représentation équilibrée des hommes et des femmes !

Autre recommandation : les salariés qui demandent à bénéficier d'un temps partiel devraient être informés des conséquences de leur choix sur leur future retraite : pour les jeunes, la retraite n'est pas une préoccupation immédiate.

Les horaires atypiques, les emplois fractionnés ont un coût social. Les administrations qui passent des marchés publics - certaines, notamment des collectivités territoriales, le font déjà - devaient se montrer exemplaires pour éviter que leurs exigences n'encouragent des conditions de travail difficiles pour le personnel de leur prestataire. Leurs cahiers des charges doivent intégrer des critères sociaux. Le nettoyage, par exemple, peut se faire aux horaires de bureau...

Nous reprenons une précédente recommandation sur la nécessité de décourager le recours excessif au temps partiel par une majoration des cotisations patronales dans les entreprises de plus de 20 salariés comptant au moins 20 % de leur effectif à temps partiel.

Pour les carrières courtes, deux formules pourraient être envisageables : se référer non aux 25 meilleures années, mais aux 100 meilleurs trimestres, ainsi que le suggère le Défenseur des droits ; ou retenir, comme le propose la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, un prorata prenant en compte la durée effective de la carrière. Ainsi, pour un salarié ayant travaillé vingt ans, seules les treize meilleures années seraient considérées. Une étude devrait être diligentée pour en évaluer l'impact. Tel est l'objet d'une autre recommandation.

S'agissant des droits familiaux et conjugaux, nous plaidons pour que les femmes ne soient pas encouragées à interrompre ou à ralentir leur vie professionnelle : tout ce qui s'apparente à un salaire maternel, fût-il différé, doit être proscrit, et la constitution de droits propres, privilégiée. Transformer la majoration pour troisième enfant en une allocation forfaitisée versée dès le premier enfant pourrait être une piste à ne pas exclure. Dans le même esprit, les droits familiaux devraient être recentrés sur la maternité car, lorsqu'ils bénéficient aux pères, ils ne remplissent pas leur objectif qui est de compenser les conséquences de la maternité sur la retraite des femmes. Si cette piste ne pouvait être suivie, pour des raisons juridiques notamment, nous suggérons que celui des deux parents, souvent la mère, qui a interrompu sa carrière afin de s'occuper des enfants et ne bénéficie pas d'une retraite à taux plein reçoive l'intégralité de la majoration. Il serait injuste, alors que le père est redevable à la mère de sa carrière pleine, de répercuter cette inégalité sur leurs retraites.

Nous insistons enfin pour que la redéfinition des droits familiaux trouve un équilibre entre le versement de prestations et la possibilité de partir à la retraite plus tôt - entre temps et argent, en somme.

Certaines des recommandations que je viens de vous présenter pourraient donner lieu à des amendements.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances . - La commission des finances a examiné la réforme à la lumière de deux critères : son impact financier à court, moyen et long terme sur nos régimes de retraite ; sa contribution à court, moyen et long terme au rétablissement de nos finances publiques. La réforme de 2010 n'est pas parvenue à l'objectif de retour à l'équilibre en 2018. Le COR, dans ses projections 2012, annonce un déficit prévisionnel de 18 milliards en 2014, 21 milliards en 2018. Cela est dû, principalement, à une dégradation de la conjoncture ; la réforme de 2010 s'appuyait sur des hypothèses trop optimistes ; une croissance de 2 % en 2013 et de 2,5 % en 2014, quand nous avons connu une croissance zéro. Nous avons eu, en commission, un échange nourri sur les hypothèses du COR. Ainsi le taux de croissance de la productivité du travail retenu par le COR - et en fonction duquel évolue le salaire réel par tête - est de 1,5 %. L'hypothèse du taux de chômage à long terme est de 4,5 % à horizon 2030. Le même taux avait été retenu dans les projections précédentes du COR. Les hypothèses macroéconomiques retenues par le COR ont donc peu varié. Mais selon les scénarios, et selon que les régimes complémentaires des cadres (Agirc) et des salariés du secteur privé (Arrco) ont un rendement croissant ou décroissant, le solde varie considérablement à horizon 2040. Le consensus s'est fait sur la nécessité d'une réforme, en raison de la persistance des déficits et parce que la période 2025-2035 s'annonce difficile. La population active devrait en effet stagner durant cette période, ce qui pèsera sur les capacités de financement des régimes, tandis que les dernières générations du baby-boom arriveront à l'âge de la retraite.

La réforme prévoit tout d'abord des mesures de recettes et des économies, et, à partir de 2020, des mesures structurelles. La durée de cotisation augmentera d'un trimestre tous les trois ans, pour arriver à 43 ans en 2035.

Cette réforme conduit à un rééquilibrage des régimes de retraite de base en 2020. Les régimes spéciaux et complémentaires resteront quant à eux en déficit. Je tiens toutefois à souligner que les fonctionnaires seront soumis dès 2020 au même taux de cotisation vieillesse que les salariés du privé, ce qui représente une hausse de 3 points entre 2010 et 2020. De plus, ils sont concernés par la mesure d'allongement de la durée de cotisation à 43 ans. Pour les régimes complémentaires, les mesures prises par l'Agirc-Arrco sont courageuses, mais les partenaires sociaux devront aller plus loin pour éviter l'épuisement des réserves. Faudra-t-il passer à un rendement décroissant ? C'est un problème significatif à traiter d'ici 2030.

En 2014, la réforme des retraites contribuera au rétablissement des comptes publics, grâce à 3,3 milliards d'euros de recettes supplémentaires et 800 millions d'économies. Au total, les volets dépenses de la réforme amélioreront la soutenabilité des finances publiques de 0,5 point de PIB.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

M. Jean-Noël Cardoux . - Mon groupe désapprouve ce projet de loi. Il ne traduit aucune réforme structurelle, c'est une rustine sur une jambe de bois. Les perspectives de croissance de 1,2 %, jusqu'à 2,4 % certaines années, sont-elles crédibles ? Si ces hypothèses ne se vérifient pas, avez-vous des solutions autres que l'augmentation des cotisations ?

Le compte de prévention de la pénibilité, d'un coût de 2 milliards en 2020, pèsera trop fortement sur les entreprises : elles risquent d'abandonner les mesures de prévention déjà mises en oeuvre, et on aboutira au résultat inverse de celui escompté. Enfin, vous parlez de simplification. N'est-il pas plus simple de modifier les compétences et les objectifs du COR que de créer un nouveau comité de suivi de cinq experts ? Quant à la nouvelle institution, l'UISR, ne pourrait-on pas trouver un pilote unique parmi les acteurs existants ? Le coût de gestion des retraites en France est déjà de 6 milliards, un record parmi les pays européens.

M. Dominique Watrin . - Notre système des retraites est très complexe. Sa réforme est une question éminemment politique. Un vrai débat de société s'annonce en séance publique. Nous divergeons fondamentalement sur cette question. J'ai interpellé Mme Marisol Touraine sur l'allongement de la durée de cotisation qui conduira inévitablement les jeunes à partir à la retraite vers 65 ou 67 ans, voire plus tard pour ceux qui auront fait des études longues. La réalité est qu'aujourd'hui, à 30 ans, les jeunes ont en moyenne cotisé pendant 31 trimestres : il leur manque encore 35 années pour atteindre la durée requise pour le taux plein ! La baisse des niveaux de pension se profile, annoncée par les lois de M. Sarkozy et M. Fillon de 2010. Vous programmez une baisse du taux de remplacement, dont les effets se cumuleront avec ceux des réformes précédentes. Les organisations caritatives n'ont jamais reçu autant de retraités. Il faudrait avoir le courage de reconnaître que le problème des retraites est un problème d'emploi et de répartition des richesses. L'argent afflue dans les poches des actionnaires ; toute la richesse créée depuis vingt ans se concentre chez eux. En 2010, chers collègues socialistes, vous réclamiez un abondement du FSV par une taxe sur les profits des établissements financiers. C'était intéressant ! Vous dénonciez les 30 milliards d'exonérations de cotisations sociales concédées aux entreprises. Or je ne vois rien dans votre projet. Il est temps de rendre le système de cotisations plus intelligent, en favorisant les entreprises qui ont une politique de l'emploi efficace.

Cette réforme est-elle juste et équilibrée ? Non. Le sacrifice repose entièrement sur les jeunes, les actifs et les retraités, tandis que les efforts des entreprises sont compensés par une exonération des cotisations à la branche famille. Le groupe CRC votera contre le texte et les amendements du rapporteur.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Les réformes précédentes étaient insuffisantes, celle-ci l'est aussi. Elle ne suffira pas à redonner confiance aux 60 % de Français qui ne croient plus en la pérennité du système. C'est cela le plus grave. J'ajoute que les jeunes vont payer pour les retraités actuels.

Le rééquilibrage que vous proposez est fragile, vos hypothèses hasardeuses. Les mesures correctives pour les catégories actuellement pénalisées sont certes bienvenues. Mais leur mise en oeuvre sera très difficile et les TPE et PME sont inquiètes sur les modalités retenues pour la prise en compte de la pénibilité. Vous mélangez prévention, formation et réparation. C'est dans le texte sur la formation professionnelle que les mesures de prévention trouveront leur place. Dans les PME, celles du bâtiment par exemple, comment reconstituer les carrières ? Je ne comprends pas le système proposé. Suivrons-nous le même système que les AT-MP, qui fonctionne bien ? Je redoute une usine à gaz : il faut améliorer ce dispositif.

Il manque une perspective durable, une vision d'ensemble. Voici nos propositions : il faut s'acheminer vers la retraite par points, rapprocher les secteurs public et privé, remplacer les régimes spéciaux par un système de pénibilité universel, garantir par des mesures d'âge limitées une retraite minimale de solidarité à 75 % du Smic. Nous ne sommes plus très loin du système de régime universel par points. « Cela va prendre du temps » me dit-on : il faudra bien sûr une phase de transition. Enfin je reproche au Gouvernement de ne pas appliquer la loi de 2010, qui prévoyait au premier trimestre 2013 un débat sur la retraite par points. Nous aurions pu avancer... Nous présenterons des amendements en ce sens.

M. Claude Domeizel . - Le projet de loi décline, au fil des articles, le programme dessiné par son intitulé. Il assure l'avenir du système de retraites par la recherche d'un équilibre durable, et il vise à rassurer, particulièrement les jeunes. Il amorce la correction des injustices ; il le fait sans brutalité pour les générations proches de la retraite. Des mesures importantes sont prises concernant la pénibilité et les carrières longues ; toutefois il faut encore insister sur la prévention des risques et les maladies professionnelles.

Le rapport de la délégation aux droits des femmes a bien souligné le déficit d'information de nos concitoyens : ils découvrent souvent le système au moment de la liquidation de leur pension. C'est surtout vrai pour les femmes, qui connaissent des carrières moins linéaires que les hommes. Il faudra aussi approfondir la question des pensions de réversion.

Quant au rapport de la commission des finances, il pointe deux problèmes : la période 2025-2035 sera très difficile et la question des régimes spéciaux et complémentaires n'est pas entièrement réglée. Bref, c'est une bonne réforme, qui en appelle d'autres.

M. Gérard Longuet . - Le groupe UMP ne partage pas l'optimisme de M. Domeizel. Le choix conceptuel de départ est mauvais ; et vous refusez les réformes structurelles. M. Caffet a, d'une certaine manière, vendu la mèche : vous chercher surtout à limer la bosse de 2025-2035 et pensez qu'après, cela ira mieux. Mais non !

La durée de vie, les modes de vie évoluent, le rapport au travail change. J'apprécie les idées du CNR, de Pierre Laroque sous la IV e République et du welfare state à la française, mais notre société est désormais ouverte et ce qui était possible dans le passé ne l'est plus. Hélas vous ne voulez pas de la réforme structurelle que propose M. Vanlerenberghe ; le système par points est pourtant le plus flexible. Les lois de 1993, 2003 et 2010 tournaient autour de la réforme de système. Ayons enfin le courage de le dire : il faut travailler plus longtemps et nous rapprocher de la norme européenne en la matière.

Le système que vous proposez est injuste, et le problème de la période 2025-2035 n'est pas résolu. Comme l'ont montré la presse et les analystes, ce sont les moins de 40 ans qui sont sacrifiés, tandis que la génération du baby-boom, celle à laquelle j'appartiens, est, pour ainsi dire, la génération peinarde.

Mme Laurence Rossignol . - Moins pour les femmes...

M. Gérard Longuet . - Les aînés vivront aux crochets des jeunes, les premiers exploiteront les seconds.

Mme Catherine Génisson . - Oh !

M. Gérard Longuet . - Le libéral que je suis devrait se réjouir que seuls les ménages cotisent - les entreprises consentent seulement 10 % de l'effort supplémentaire, les actifs 30 %, et les retraités 60 %. Soit dit en passant, parmi ces derniers, vous avez le culot de pénaliser précisément ceux qui ont le plus contribué au régime par répartition, en faisant des enfants. Le système que vous proposez n'est pas viable, il entraînera une baisse du pouvoir d'achat et tirera la conjoncture vers le bas. De plus, les entreprises savent que cette réforme, non équilibrée à terme, prépare les impôts de demain : après avoir fait les poches aux ménages, vous vous tournerez vers elles.

Sur la pénibilité, le régime des retraites peut-il rattraper les erreurs de la société et les défaillances du monde du travail ? Non. Ce n'est pas ainsi que seront compensées les inégalités professionnelles dont souffrent les femmes. Enfin, les professions libérales sont légitimement inquiètes face à un risque d'étatisation. Pour conclure, sans réformes structurelles, rien n'est possible : nous voterons contre ce projet de loi, mais présenterons des amendements pour alimenter la discussion.

M. Marc Laménie . - Je serai bref. Je doute que vous parveniez à une vraie simplification dans les règles du système et son fonctionnement. Et je m'interroge sur les hypothèses du COR. Comment prévoir des échéances si lointaines ?

M. Gilbert Barbier . - Mme Demontès a réussi la prouesse, dans le rapport qu'elle vient de nous faire, de ne pas prononcer les mots « âge légal de départ à la retraite ». Or cet âge légal est comme un poteau indicateur au milieu d'une friche. Pour des jeunes de 40 ans, il ne représente plus rien. Dès 1991, Michel Rocard le disait : aucun gouvernement ne peut s'attaquer à une réforme globale des régimes de retraites. Ce projet, plein de bonnes intentions, est un pur rafistolage sujet à caution, comme le montrent les études d'impact qui soulignent la difficulté de la prévision à long terme.

L'article sur la pénibilité renvoie à un décret pour les régimes particuliers. Quels sont les régimes concernés ? L'article 23 sur les handicapés ouvre le départ anticipé à la retraite aux personnes ayant un taux d'invalidité de 50 %, et non plus seulement 80 %. Une invalidité à 50 % étant plus facile à obtenir, un effet d'aubaine n'est-il pas à craindre ? Les régimes des professions libérales sont globalement équilibrés et bien gérés, pourquoi nommer un énarque pour s'en mêler ? Pourquoi s'immiscer ainsi dans leur gestion ?

Mme Isabelle Pasquet . - J'approuve toutes les recommandations de la délégation aux droits des femmes, sauf celle sur la majoration par enfant qui serait exclusivement versée aux femmes ne percevant pas de pension à taux plein. Cela est contraire à la notion de retraite par répartition, et va à l'encontre de la priorité donnée aux droits propres par Mme Rossignol. Cette majoration vise à rééquilibrer la situation des familles avec enfants par rapport à celles qui n'en ont pas. L'inégalité des carrières entre les hommes et les femmes ne peut se résoudre ainsi par péréquation au sein des couples.

Mme Catherine Génisson . - Sur l'égalité entre les hommes et les femmes et sur la question de la pénibilité, M. Longuet fait un amalgame. Malgré les avancées de la prévention, il y aura toujours des métiers plus pénibles que les autres, alors que les inégalités professionnelles doivent pouvoir être corrigées. Concernant le compte personnel de pénibilité, les PME et TPE ont dit leur inquiétude, nous aurons bientôt un débat, et il sera intéressant d'entendre la ministre. Les inégalités professionnelles concernent le temps d'activité plus que l'accès à la retraite. Pour ce qui est de la majoration de 10 %, je m'interroge, car on touche ici à la vie privée. C'est une proposition très complexe qui mérite une étude approfondie.

M. Jean Desessard . - Estimer la pénibilité dans la vie de couple, ce n'est pas facile...

Mme Catherine Deroche . - Le compte de pénibilité ouvre une voie royale à des contentieux futurs : on ouvre une boîte de Pandore.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Nous débattrons en séance de nos grandes options. Concernant la pénibilité, je veux préciser que rien ne change pour les entreprises. Tout fonctionne à partir des fiches d'exposition aux facteurs de risque professionnel qui ont déjà été mises en place par la loi de 2010. Certes il est plus facile de les remplir dans une grande entreprise que dans une PME dépourvue de service de gestion des ressources humaines. Mais seul le compte en lui-même est nouveau : il incitera les salariés à ne pas demeurer exposés au risque professionnel. Il faudra jouer sur la formation, et la future loi sur la formation devra répondre à cette question.

La réforme de 2010 était injuste à l'égard des salariés qui avaient travaillé dans des conditions pénibles. M. Barbier l'a bien observé, je n'ai effectivement pas employé l'expression « âge légal » : je m'en expliquerai en séance publique. Les travailleurs handicapés peuvent partir en retraite à partir de 55 ans sous certaines conditions : 2 000 personnes sont concernées. Avec la règle des 50 %, ce nombre sera doublé.

Sur les professions libérales, je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes. Le système est aujourd'hui complexe : la CNAVPL regroupe dix régimes particuliers, chacun ayant sa propre gouvernance. Il est donc nécessaire d'aller vers une gestion plus cohérente. La rédaction est susceptible d'évoluer encore d'ici la semaine prochaine, car les négociations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux se poursuivent.

Nous ne pouvons attendre de cette réforme qu'elle résolve les inégalités accumulées pendant la vie professionnelle. Néanmoins, les retraites des femmes sont inférieures de 40 % à celles des hommes : c'est en améliorant les modalités d'acquisition de droits propres que l'on apportera un correctif.

Enfin, le rendez-vous prévu en 2013 n'avait pas pour but de mettre en place d'une retraite par points mais de réfléchir aux modalités d'un passage éventuel à un nouveau régime. Ce n'est pas exactement la même chose !

Examen des amendements

Article 1 er

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'amendement n° 2 prévoit la mise en place d'un régime par points en 2017. Avis défavorable, il ne comblerait pas les déficits et les Français sont attachés au système par répartition.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Le régime par points est un régime par répartition qui garantit la solidarité. Il n'est pas bon de propager de fausses vérités ! Les points remplacent les annuités mais le système reste universel. Comme la ministre, vous prétendez l'ignorer. Pourtant le rapport Retraites 2010 : régler l'urgence, refonder l'avenir, que vous avez écrit avec M. Dominique Leclerc au nom de la Mecss, est clair ! Un rapport du COR de 2010 détaille aussi les options techniques en cas d'instauration d'un compte notionnel. Ce système a déjà été mis en place dans d'autres pays, comme l'Italie. De plus, les Français doutent de la pérennité du système actuel et 73 % d'entre eux souhaitent une convergence des régimes.

L'amendement n° 2 n'est pas adopté.

L'article 1 er n'est pas adopté.

Article 2

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement n° 3 qui supprime l'article 2, relatif à la durée de cotisation.

M. Jean Desessard . - Nous autres, écologistes, estimons que la société productiviste, fondée sur l'exploitation des ressources naturelles et la pollution, nous mène à notre perte. La réponse n'est pas de travailler plus mais de mieux distribuer le temps de travail, en le partageant avec les jeunes et les seniors qui en sont privés.

Mme Laurence Cohen . - Le groupe communiste votera cet amendement. L'espérance de vie augmente ? Tant mieux ! Ce n'est pas une raison pour travailler plus longtemps.

M. Alain Milon . - Nous ne soutenons pas cet amendement mais nous constatons les désaccords au sein de la majorité...

M. Jean Desessard . - Sur le productivisme, la gauche et la droite s'entendent ! Nous sommes les seuls à défendre une autre vision !

L'amendement n° 3 n'est pas adopté.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'amendement n° 4 conditionne la mise en place de la réforme à la remise d'un rapport démontrant la neutralité de l'allongement de la durée de cotisation. Avis défavorable.

M. Jean Desessard . - C'est un sujet de divergence entre les composantes de notre majorité plurielle. Pourquoi augmenter la durée de travail des uns alors que beaucoup sont au chômage ? Quant à la hausse de l'espérance de vie, comment en profiter si nous mourons avant l'heure de cancers causés par la pollution ?

Mme Catherine Génisson . - Je ne voterai pas cet amendement mais l'exposé des motifs est intéressant et révèle l'inefficacité de la réforme de 2010.

L'amendement n° 4 n'est pas adopté.

L'amendement n° 5 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je m'abstiendrai sur cet article.

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 2 bis

L'article 2 bis n'est pas adopté.

Article 3

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'amendement n° 6 confie au COR la mission de coordonner les recherches menées par différents organismes sur la fin de carrière. Bonne idée ! Mais au lieu de prévoir un rapport annuel, laissons-le maître de publier un diagnostic lorsqu'il disposera de davantage de données. De plus le comité de suivi a déjà la responsabilité de l'observatoire des fins de carrière. Aussi, je propose de rédiger ainsi le 4° bis : « De coordonner les recherches menées sur les fins de carrière », en supprimant également l'énumération des organismes de recherche.

M. Jean Desessard . - Je suis d'accord. Je rectifie en ce sens.

M. Gérard Longuet . - Il est bon d'améliorer nos connaissances. Pour une fois je soutiendrai avec enthousiasme une proposition de M. Desessard, à condition néanmoins de supprimer l'énumération qui figure dans son amendement, afin de ne pas empêcher le COR de réfléchir à d'autres sujets, comme au coût de la main d'oeuvre, qui constitue le premier facteur de délocalisation.

L'amendement n° 6 rectifié est adopté.

Mme Christiane Demontès, rapporteure. - L'amendement n° 39 précise que les partenaires sociaux seront également destinataires des recommandations du comité de suivi des retraites, au même titre que les caisses de retraite.

L'amendement n° 39 est adopté.

Mme Christiane Demontès, rapporteure. - L'amendement n° 7 restreint le champ des recommandations du comité de suivi. Il crée en outre un biais en faveur de la réduction de la durée d'assurance. Avis défavorable.

L'amendement n° 7 est retiré.

Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 8 pour les mêmes raisons.

L'amendement n° 8 est retiré.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'amendement n° 9 supprime l'article, qui prévoit la participation des retraités à l'effort de redressement. Avis défavorable car les efforts doivent être répartis équitablement. Le niveau de vie des retraités a progressé depuis les années soixante-dix et approche celui des actifs. De plus le report de la revalorisation des pensions ne touche pas les retraites les plus faibles.

M. Jean Desessard . - Nous aurions préféré une mesure de report différenciée en fonction des niveaux de revenus des retraités. La mesure est trop globale, et d'autres sources de financement auraient pu être recherchées.

M. Gérard Longuet . - Cette mesure de trésorerie est un fusil à un coup.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Plutôt que supprimer la mesure, il faudrait la rendre plus juste. Ses effets s'accumuleront avec le temps. En 2014 elle rapportera 800 millions, soit le tiers des nouvelles recettes. C'est pourquoi, dans mon amendement n° 1, je propose de maintenir la revalorisation au 1 er avril pour les personnes non assujetties à l'impôt sur le revenu. La rapporteure fait remarquer que l'effort est seulement de 9 euros par mois : mais il y a aussi la hausse de la TVA, du prix de l'électricité et du gaz, des transports en commun, et ainsi de suite !

L'amendement n° 9 n'est pas adopté.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'amendement n° 1, identique à l'amendement n° 10, implique de prendre en compte le niveau global des revenus. Or l'article 4 ne concerne que les retraites de base, non les complémentaires. De plus, il y aurait rupture de l'égalité entre assurés. Avis défavorable.

M. Ronan Kerdraon . - Je soutiens ces amendements.

M. Claude Domeizel . - Quel serait le coût de cette mesure ?

M. Gérard Longuet . - Des retraités touchant une même pension de base n'ont pas nécessairement les mêmes revenus. Certains perçoivent une retraite complémentaire, ou ont épargné en vue de la retraite et bénéficient de revenus locatifs : ils ne doivent pas en être pénalisés. Le système présenté par le gouvernement est plus simple.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Ceux qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu n'ont pas de revenus locatifs. Il s'agit de personnes qui ont de très petites retraites et petits revenus.

M. René-Paul Savary . - Chaque cas est particulier. Ces amendements favorisent plutôt l'injustice que l'égalité. Je voterai contre.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Nous ignorant les conséquences financières de ces amendements. Nous nous abstiendrons.

Les amendements n os 1 et 10 ne sont pas adoptés.

M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Une précision : le décalage de la revalorisation n'est pas un fusil à un coup. Ses effets seront renouvelés chaque année. Au total l'effet cumulé en 2020 est estimé à 2 milliards d'euros dans l'étude d'impact.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - J'ai lu cela aussi mais j'ai du mal à comprendre.

Mme Annie David, présidente . - Le rapporteur général pourra vous donner toutes les explications nécessaires.

Mme Christiane Demontès, rapporteur . - Le report de revalorisation jouera chaque année, mais pour un montant variable, qui dépend de l'ampleur de la revalorisation, elle-même fonction de l'inflation.

M. Jean-Pierre Godefroy . - C'est la mesure jackpot de ce projet de loi, elle rapporte près d'un milliard d'euros cette année !

L'article 4 n'est pas adopté.

Article 4 bis

L'article 4 bis n'est pas adopté.

Article 5

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'amendement n° 31 prévoit que les critères d'évaluation de la pénibilité et les mécanismes de compensation seront négociés au sein des branches professionnelles. Avis défavorable car, dans un souci d'égalité, les mêmes règles doivent valoir pour tous.

Mme Annie David, présidente . - Les critères doivent être universels.

L'amendement n° 31 n'est pas adopté.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Mon amendement n° 40 précise que la fiche de prévention concerne les conditions de pénibilité résultant des facteurs de risques professionnels. Les efforts de l'employeur doivent porter sur la réduction de l'exposition des salariés à ces facteurs.

L'amendement n° 40 est adopté.

Mme Christiane Demontès, rapporteure. - L'amendement n° 12 prévoit la consultation du médecin du travail dans la définition des postes à caractère pénible. Certes la mission de la médecine du travail inclut déjà la prévention de la pénibilité, mais les critères seront définis par la loi, non soumis à la seule appréciation de l'employeur. L'intervention de la médecine du travail, dont les effectifs sont limités, n'est pas nécessaire à ce stade. En revanche son aide sera utile aux entreprises dans l'élaboration des stratégies de prévention. Avis défavorable.

L'amendement n° 12 est retiré.

Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 11 qui supprime l'adverbe « effectivement ». Ne voyez aucune suspicion dans cet ajout de l'Assemblée nationale, qui vise seulement à définir plus objectivement la pénibilité.

L'amendement n° 11 est retiré.

L'article 5 n'est pas adopté.

Article 5 bis (nouveau)

Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Mon amendement n° 41 prévoit tous les sept ans un rapport sur l'évolution des conditions de pénibilité.

L'amendement n° 41 est adopté.

L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5 ter

M. Gérard Longuet . - Comment le rapport prévu à cet article s'articulera-t-il avec celui sur les fins de carrière proposé par M. Desessard à l'article 3 ?

Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Vous n'avez pas adopté l'article 3 !

L'article 5 ter n'est pas adopté.

Article 6

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'amendement n° 32 vise à supprimer l'article 6, donc le compte personnel de prévention de la pénibilité. Avis défavorable, bien sûr.

M. Jean-Noël Cardoux . - La création de ce compte aura l'effet inverse de celui recherché. Les entreprises réduiront leurs efforts de prévention et d'adaptation, qui deviendront trop coûteux. De plus la tenue de ce compte sera très lourde pour les PME. Il incitera enfin les salariés à choisir un départ anticipé plutôt qu'une formation débouchant sur une évolution professionnelle. Nous voterons cet amendement.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Les décrets d'application doivent préciser les contours de ce compte et son articulation avec le régime des accidents du travail et maladies professionnelles.

Le gouvernement en 2010 avait tenu compte de la pénibilité et un taux d'incapacité permanente de 20 % ouvrait droit à une retraite anticipée. En supprimant cet article, nos collègues reviennent sur cette reconnaissance de la pénibilité et sur les mesures de compensation qui ont été prises...

M. Alain Milon . - Ne confondons maladies professionnelles et pénibilité. Il serait judicieux de consulter les médecins du travail, ce sont eux qui connaissent le mieux les risques et les maladies professionnelles. La pénibilité existe et doit être reconnue. Nous ne souhaitons pas revenir sur ce qu'avait décidé le gouvernement précédent.

Mme Catherine Génisson . - Le texte de 2010 créait une confusion entre facteurs de risque, AT-MP et invalidité. Seule cette dernière était reconnue.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Nous sommes favorable à la prise en compte de la pénibilité. Nous ne voterons pas sa suppression. Mais les modalités de gestion de ce compte doivent être revues.

L'amendement n° 32 n'est pas adopté.

Mme Annie David . - L'amendement n° 13 déplafonnant le compte, comme l'amendement n° 17 élargissant ses possibilités d'utilisation, sont irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. En tant que présidente de la commission saisie au fond, il m'appartient de prononcer cette irrecevabilité. Ces amendements ne seront donc pas soumis au vote. Je souhaite néanmoins que nous puissions en discuter.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Le n° 17 supprime le plafonnement du compte de pénibilité. Les 100 points correspondent à une exposition pendant 25 ans à un facteur de pénibilité.

Le nouveau dispositif vise à inciter les salariés à se reconvertir le plus tôt possible en utilisant leurs points en formations longues. Le déplafonnement pourrait inciter les salariés à rester dans des postes pénibles pour accumuler des points et partir plus tôt à la retraite. Ce n'est pas le but ! Avis défavorable, comme au n° 13 qui supprime l'obligation d'utiliser les 20 premiers points pour financer une formation.

M. Jean Desessard . - Je suis surpris par l'application de l'article 40. Le compte de pénibilité est un mécanisme nouveau : l'amendement n'affecte pas un budget déjà établi et ne crée pas une dépense directe.

Sur le fond, la crainte que les salariés effectuant des métiers pénibles ne cherchent à cumuler des points, plutôt qu'à se reconvertir, n'a guère de sens dans la période actuelle. Quelle mobilité ? Les gens, même quand ils travaillent dans les abattoirs, ne bougent pas : ils ont trop peur de ne pas retrouver de travail ! Je ne comprends pas ce plafonnement, il pénalisera ceux qui travaillent plus de vingt-cinq ans dans un emploi pénible.

Mme Annie David, présidente . - L'article 40 concerne aussi les dépenses potentielles. Comme ces amendements facilitent les départs anticipés, les dépenses publiques augmenteront. Je suis contrainte, bien à regret, d'appliquer l'article 40.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je soutiens la rapporteure. Si l'amendement n° 13 était adopté, les salariés préféreraient accumuler des points pour partir plus tôt et ce serait au détriment de la prévention. Je l'ai vécu. J'ai été ouvrier. Nous nous battions pour accomplir les travaux pénibles donnant droit à des primes ou permettant d'accumuler des points retraite. La nature humaine est ainsi faite : à 25 ans on se préoccupe peu de sa santé future. Un plafond est nécessaire.

M. Gérard Longuet . - Ces amendements révèlent la fragilité des fondements intellectuels et sociologiques du compte de pénibilité. En Lorraine, les salariés de la sidérurgie sont volontaires pour le travail posté continu en cinq-huit. Quand on passe de cinq équipes à trois, ils sont mécontents. C'est qu'ils préfèrent « en baver » pendant une période de leur vie, pour partir plus tôt. De même dans les sous-marins, on ne connaît aucune difficulté de recrutement. Qui rêve pourtant de passer trois mois en continu sous l'eau, sans voir le jour, dans un espace confiné ? Mais un marin recruté à 18 ans partira en retraite à taux plein à 35 ans. Faut-il dénier aux salariés la liberté d'effectuer de tels choix ?

Mme Catherine Génisson . - Comment reconnaître la pénibilité, là est la question. Quand ils ont le choix entre indemnisation financière et préservation de leur santé, nos concitoyens préfèrent souvent la première. Si la reconnaissance jouait davantage sur les conditions de travail, comme cela est le cas avec le repos compensateur pour le travail posté en trois huit, on préserverait mieux la santé.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Cela existe.

Mme Catherine Génisson . - Pas assez. Même chose pour le travail de nuit : on devrait mieux valoriser le repos compensateur.

M. René-Paul Savary . - Eh oui, alors qu'il est accusé de « casser le rythme » !

M. Jean Desessard . - Je m'efforcerai de proposer une rédaction nouvelle, pour que le débat ait lieu en séance.

Mme Christiane Demontès, rapporteur . - L'amendement n° 14 vise à supprimer la faculté pour l'employeur de refuser une demande de temps partiel. Or le refus est déjà très encadré : il doit être expressément motivé par une impossibilité liée à l'activité économique. Le débat a eu lieu à l'Assemblée nationale, qui a ouvert une voie de recours spécifique devant les prud'hommes.

M. René-Paul Savary . - On va encore enquiquiner les chefs d'entreprise !

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - J'ajoute que dans certaines petites entreprises, le passage à temps partiel peut être pénalisant. L'alinéa est équilibré : défavorable.

L'amendement n° 14 n'est pas adopté.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - L'amendement n° 15 vise à instituer une consultation obligatoire du comité d'entreprise et du CHSCT. Outre que c'est instituer une confusion entre ces deux instances, celles-ci n'ont pas compétence sur les situations individuelles.

Les amendements n os 15 et 16 sont retirés.

Mme Christiane Demontès, rapporteur . - Mon amendement n° 42 vise à confier aux caisses de la MSA la gestion, pour les salariés agricoles, du compte personnel de prévention de la pénibilité.

L'amendement n° 42 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles additionnels après l'article 6

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Afin de simplifier les démarches des entreprises, la déclaration annuelle de l'employeur aux Carsat sur l'exposition des salariés aux facteurs de risque pourrait se faire via la déclaration annuelle des données sociales. Tel est l'objet de mon amendement n° 55.

L'amendement n° 55 est adopté et devient article additionnel.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Je comprends l'intention des auteurs de l'amendement n° 18, mais si le choix a été fait, pour les personnes atteignant 62 ans au 1 er janvier 2015, de mettre en place un barème spécifique. Car dans la reconstitution de carrières très longues, la réalité de l'exposition aux facteurs de risque est très difficile à démontrer.

L'amendement n° 18 est retiré.

M. Jean Desessard . - Etant contraint de quitter notre réunion, j'indique que je retire les amendements de mon groupe n os 19 à 29 qui restaient en discussion.

Article 6 bis (nouveau)

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Je ne puis qu'être défavorable à l'amendement de suppression n° 33.

L'amendement n° 33 n'est pas adopté.

L'article 6 bis est adopté sans modification.

Article 7

L'amendement de suppression n° 34 n'est pas adopté.

L'article 7 n'est pas adopté.

Article 8

L'amendement de suppression n° 35 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination n° 43 est adopté.

L'article 8 n'est pas adopté.

Article 9

L'amendement de suppression n° 36 n'est pas adopté.

L'article 9 n'est pas adopté.

Article 9 bis (nouveau)

L'amendement de suppression n° 37 n'est pas adopté.

L'article 9 bis n'est pas adopté.

Article 10

L'amendement de suppression n° 38 n'est pas adopté.

L'article 10 n'est pas adopté.

Articles 10 bis à 15

Les articles 10 bis, 11, 12, 12 bis, 12 ter, 13, 13 bis A, 13 bis, 14 et 15 ne sont pas adoptés.

Article 16

L'amendement de coordination n° 56 est adopté.

L'article 16 n'est pas adopté.

Article 16 bis (nouveau)

Les amendements rédactionnels n os 44 et 45 sont adoptés, ainsi que l'amendement de coordination n° 57.

L'article 16 bis n'est pas adopté.

Article 16 ter

L'article 16 ter n'est pas adopté.

Article 17

L'amendement de coordination n° 58 est adopté.

L'article 17 n'est pas adopté.

Articles 18 à 26 bis

Les articles 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26 et 26 bis ne sont pas adoptés.

Article 27

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Mon amendement n° 48 vise à adjoindre au conseil d'administration de l'UISR un comité exécutif chargé du pilotage des projets confiés à ce groupement, dans des conditions définies par décret.

L'amendement n° 48 est adopté.

L'article 27 n'est pas adopté.

Article 28

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Mon amendement n° 48 supprime une disposition introduite par l'Assemblée nationale, qui vise à créer un jury citoyen auprès du comité de suivi : ce serait substituer une démocratie participative à la démocratie sociale et représentative.

M. Gérard Longuet . - Très bien.

L'amendement n° 49 est adopté.

L'article 28 n'est pas adopté.

Article 29

L'amendement de coordination n° 59 est adopté.

L'article 29 n'est pas adopté.

Article 29 bis

L'article 29 bis n'est pas adopté.

Article 30

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Mon amendement n° 51 vise à spécifier que le débat se tiendra au sein du Conseil commun de la fonction publique, afin d'assurer une représentation des trois fonctions publiques, sans créer une instance nouvelle.

L'amendement n° 51 est adopté.

L'article 30 n'est pas adopté.

Article 31

L'article 31 n'est pas adopté.

Article 32

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Mon amendement n° 52 vise à tenir compte de l'existence de plusieurs systèmes d'information au sein de l'organisation des régimes d'assurance vieillesse des professions libérales.

L'amendement n° 52 est adopté.

Mme Christiane Demontès, rapporteure . - Le n° 53 vise à assouplir les conditions de désignation du directeur de la CNAVPL.

L'amendement n° 53 est adopté.

L'article 32 n'est pas adopté.

Articles 32 bis à 34

Les articles 32 bis, 33, 33 bis et 34 ne sont pas adoptés.

Mme Annie David, présidente. - Je mets aux voix le projet de loi, qui ne comporte plus à ce stade que les articles 2, 5 bis, 6, additionnel après l'article 6 et 6 bis. Je précise que, quel que soit le résultat du vote, le rapport de Mme Demontès sera publié avec l'ensemble de nos travaux.

M. Claude Domeizel . - Nous voterons contre le texte résultant des débats de la commission qui, ayant été totalement déshabillé, dénaturé, éclaté, n'a plus de sens.

M. Jean Desessard . - Je voterai contre, pour les mêmes raisons.

M. Alain Milon . - Le groupe UMP votera pour le texte de la commission, afin que le débat en séance parte de là.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Le groupe UDI-UC votera de même. Nos débats ont montré nos désaccords : la séance tranchera.

Mme Laurence Cohen . - Nous voterons contre ce texte, parce que nous sommes contre l'allongement de la durée de cotisation.

Le texte résultant des travaux de la commission n'est pas adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er
Clarification des principes et objectifs de l'assurance vieillesse

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. VANLERENBERGHE

2

Mise en oeuvre d'une réforme systémique à compter du 1 er semestre 2017

Rejeté

Article 2
Allongement de la durée d'assurance entre 2020 et 2035

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

3

Amendement de suppression de l'article 2

Rejeté

M. DESESSARD

4

Conditionnement de l'entrée en vigueur de l'article 3 à la remise d'un rapport

Rejeté

M. DESESSARD

5

Conditionnement de l'entrée en vigueur de l'article 2 à la remise d'un rapport

Rejeté

Article 3
Création d'un dispositif de pilotage annuel du système de retraite

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

6 rect

Elargissement des missions du COR aux recherches sur les fins de carrière

Adopté

Mme DEMONTÈS, rapporteure

39

Amendement de précision

Adopté

M. DESESSARD

7

Encadrement du champ des recommandations du comité de suivi

Retiré

M. DESESSARD

8

Limitation du champ des recommandations du comité de suivi

Retiré

Article 4
Report de la date de revalorisation annuelle des pensions de retraite

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

9

Amendement de suppression de l'article 4

Rejeté

M. GODEFROY

1

Non-application de l'article 4 aux personnes exonérées d'impôt sur le revenu

Rejeté

M. DESESSARD

10

Non-application de l'article 4 aux personnes exonérées d'impôt sur le revenu

Rejeté

Article 5
Fiche de prévention des expositions

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. D. LAURENT

31

Négociation sur l'évaluation et la prévention de la pénibilité au niveau des branches et définition à leur niveau de dispositifs de compensation.

Rejeté

Mme DEMONTÈS, rapporteure

40

Amendement de précision rédactionnelle

Adopté

M. DESESSARD

12

Consultation du médecin du travail pour la définition des postes pénibles dans l'entreprise

Retiré

M. DESESSARD

11

Suppression de la précision selon laquelle un travailleur devra être « effectivement » exposé à des conditions de pénibilité

Retiré

Article 5 bis (nouveau)
Rapport sur l'évolution des conditions de pénibilité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

41

Périodicité septennale du rapport sur l'évolution des conditions de pénibilité

Adopté

Article 6
Compte personnel de prévention de la pénibilité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. D. LAURENT

32

Amendement de suppression de l'article 6

Rejeté

M. DESESSARD

17

Fixation par décret du nombre maximal de points qu'un salarié pourrait acquérir durant sa carrière

Irrecevable (40)

M. DESESSARD

13

Suppression de l'obligation d'utiliser les 20 premiers points du compte pour financer une formation.

Irrecevable (40)

M. DESESSARD

14

Suppression de la possibilité pour un employeur de refuser la demande de passage à temps partiel d'un de ses salariés

Rejeté

M. DESESSARD

15

Consultation du comité d'entreprise et du CHSCT par l'employeur en cas de refus d'une demande de passage à temps partiel

Retiré

M. DESESSARD

16

Consultation du CE et du CHSCT en cas de refus de demande de passage à temps partiel et ouverture d'une voie de recours devant la Cnav

Retiré

Mme DEMONTÈS, rapporteure

42

Gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité par la MSA pour les salariés agricoles

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 6
Déclaration de l'exposition des salariés aux facteurs de risques professionnels
par le biais de la déclaration annuelle des données sociales

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

55

Déclaration des expositions des salariés par le biais de la DADS

Adopté

M. DESESSARD

18

Demande de rapport sur la prise en compte des expositions passées à la pénibilité

Retiré

Article 6 bis (nouveau)
Contentieux lié au dispositif de prise en compte de la pénibilité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. D. LAURENT

33

Suppression de l'article 6 bis

Rejeté

Article 7
Abondement du compte personnel de formation
par le compte personnel de prévention de la pénibilité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. D. LAURENT

34

Suppression de l'article 7

Rejeté

Article 8
Accords en faveur de la prévention de la pénibilité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. D. LAURENT

35

Suppression de l'article 8

Rejeté

Mme DEMONTÈS, rapporteure

43

Amendement de coordination juridique

Adopté

Article 9
Majoration de la durée d'assurance au titre du compte
personnel de prévention de la pénibilité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. D. LAURENT

36

Suppression de l'article 9

Rejeté

Article 9 bis (nouveau)
Requalification des mesures de la loi du 9 novembre 2010 relatives
à la prise en compte d'une incapacité permanente

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. D. LAURENT

37

Suppression de l'article 9 bis

Rejeté

Article 10
Date d'entrée en vigueur des dispositions relative
à la prise en compte de la pénibilité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. D. LAURENT

38

Suppression de l'article 10

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 10

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

19

Demande de rapport sur l'ATS et la pertinence d'un retour à l'AER.

Retiré

Article(s) additionnel(s) après Article 13

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

20

Pénalisation des entreprises pour non-respect de l'égalité salariale

Retiré

M. DESESSARD

21

Demande de rapport

Retiré

M. DESESSARD

22

Demande de rapport

Retiré

Article 16
Création d'une aide forfaitaire au rachat d'années d'études

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

23

Amendement de suppression

Retiré

Mme DEMONTÈS, rapporteure

56

Amendement de coordination

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 16

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

24

Intégration des conventions de stage au sein du registre unique du personnel

Retiré

Article 16 bis (nouveau)
Validation des périodes de stage en entreprise au titre de la retraite

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

44

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme DEMONTÈS, rapporteure

45

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme DEMONTÈS, rapporteure

57

Amendement de coordination

Adopté

Article 17
Amélioration de la prise en compte des périodes d'apprentissage
au titre de l'assurance vieillesse

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

58

Amendement de coordination

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 22

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

25

Proportionnalité des cotisations retraite des non-salariés agricoles.

Retiré

M. DESESSARD

26

Déplafonnement de l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse des ressortissants du régime agricole

Retiré

Article(s) additionnel(s) après Article 26

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme ANGO ELA

27

Demande de rapport

Retiré

Article 27
Création d'une instance de pilotage de la simplification interrégimes

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

48

Comité exécutif de l'UISR

Adopté

Article 28
Simplification des modalités de calcul de la retraite des polypensionnés

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

49

Suppression du jury citoyen

Adopté

Article 29
Mutualisation du service des petites pensions

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

59

Amendement de coordination

Adopté

Article 30
Débat annuel sur les retraites dans la fonction publique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

51

Tenue du débat au sein du conseil commun de la fonction publique

Adopté

Article 31
Pilotage du régime de retraite complémentaire obligatoire
du régime des non-salariés agricoles

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DESESSARD

28

Consultation des organisations syndicales agricoles dans le cadre de la réforme du pilotage de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles

Retiré

M. DESESSARD

29

Réforme des modalités de cotisation au régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles

Retiré

Article 32
Renforcement de la gouvernance des régimes de retraite des professions libérales

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEMONTÈS, rapporteure

52

Amendement de précision

Adopté

Mme DEMONTÈS, rapporteure

53

Durée du mandat du directeur de la CNAVPL

Adopté

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mercredi 25 septembre 2013

• Direction de la sécurité sociale (DSS)

Thomas Fatome, directeur

Marie Daudé , sous-directrice des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire

Vendredi 4 octobre 2013

• Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL)

Richard Tourisseau , vice-président

Jean-Michel Bacquer , directeur

• GIP Info Retraite

Gérard Ménéroud , président

Jean-Marie Palach , directeur

• Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath, association des accidentés de la vie)

Arnaud de Broca , secrétaire général

• Union nationale des syndicats autonomes (Unsa)

François Joliclerc , secrétaire national

Dominique Corona , secrétaire national

• Union syndicale Solidaires

Denis Turbet-Delof , secrétaire national, porte-parole

Annick Coupé , déléguée générale, porte-parole

• Caisse des dépôts et consignations

Anne-Sophie Grave , directrice des retraites et de la solidarité

Marie-Michèle Cazenave, directrice adjointe des retraites et de la solidarité

Vincent Delsart , directeur du développement et des relations institutionnelles

Mercredi 9 octobre 2013

• Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)

Pierre Mayeur , directeur

• Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL)

Jacques Escourrou , président

Guy Morel , vice-président

Bernard Lagneau , vice-président

Jean-Marie Saunier , directeur

• Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA)

Gérard Pelhâte , président

Michel Brault , directeur général

Christophe Simon , responsable des relations avec le Parlement

• Caisse nationale du régime social des indépendants (RSI)

Gérard Quevillon , président

Stéphane Seiller , directeur général

Jeudi 10 octobre 2013

• Direction général du travail (DGT)

Jean-Denis Combrexelle , directeur général

Bénédicte Legrand-Jung , sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail

• Association générale des institutions de retraite des cadres - Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Agirc-Arrco)

Philippe Viven , président de l'Agirc

Jean-Paul Bouchet , vice-président de l'Agirc

Gérard Meneroud , vice-président de l'Arrco

Jean-Jacques Marette , directeur général de l'Agirc et de l'Arrco

• Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec)

Alain Gaillard , président

Alain Beuzelin , directeur

• Confédération nationale des retraites des professions libérales (CNRPL)

Guy Robert , président

Christian Coeuré , secrétaire général

Mardi 15 octobre 2013

• Fédération syndicale unitaire (FSU)

Bernadette Groison , secrétaire générale

Anne Feray , secrétaire nationale

Daniel Gascard, secrétaire national


* 1 Décret n° 93-1022.

* 2 Loi n° 2003-775, dite « Fillon ».

* 3 Loi n° 2010-1330.

* 4 La durée d'assurance fait néanmoins l'objet de définitions différentes (durée calendaire dans la fonction publique et référence aux 200 heures rémunérées au Smic pour les salariés).

* 5 SNCF, RATP, CNIEG, Banque de France, Opéra national de Paris, Comédie française, régime des clercs et des employés de notaires (CRPCEN).

* 6 Certains emplois de la fonction publique sont classés en catégorie active car il s'agit de métiers à risque ou qui se caractérise par une exposition particulière à des facteurs de pénibilité. Ils permettent à certains agents publics ayant effectué 17 ans de service dans ces emplois de partir en retraite avant l'âge légal d'ouverture des droits.

* 7 « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013.

* 8 Hausse de deux points du taux de prélèvement social sur les revenus du capital pour un rendement de 2,2 milliards d'euros en 2013, affectation d'une fraction du forfait social pour un rendement de 1,1 milliard d'euros.

* 9 Harmonisation de l'assiette de C3S pour un rendement de 600 millions d'euros, produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie pour un rendement de 350 millions d'euros.

* 10 S'agissant de la CNRACL, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 prévoit une hausse du taux de cotisation employeur de 1,35 point en 2013 et 2014 qui s'ajoute aux hausses de taux prévues par le décret du 2 juillet 2012 sur les carrières longues. Dans le régime des professions libérales (CNAVPL), les hausses de taux suivantes ont également été décidées : + 1,12 point en 2013 puis + 0,35 point en 2014 du taux applicable jusqu'à 85 % du plafond, et + 0,21 point en 2013 puis + 0,06 point en 2014 du taux applicable jusqu'à cinq plafonds.

* 11 Gérard Lasfargues, Départs en retraite et « travaux pénibles » : l'usage des connaissances scientifiques sur le travail et ses risques à long terme pour la santé, Centre d'études de l'emploi, avril 2005.

* 12 C'est-à-dire d'augmentation des facteurs de risques, de la mortalité due à ces maladies.

* 13 Le mercredi 2 octobre 2013.

* 14 Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 15 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, article 60.

* 16 Créé par le décret n° 2011-354 du 30 mars 2011 relatif à la définition des facteurs de risques professionnels.

* 17 Article 79 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, insérant un article L. 351-1-4 dans le code de la sécurité sociale.

* 18 Drees, 2013.

* 19 PQE, PLFSS pour 2014.

* 20 Drees, « Le départ à la retraite : motivations et connaissance des droits », dossier Solidarité et Santé n° 34, novembre 2012.

* 21 Cette durée a été fixée par le décret n° 2012-1487 du 27 décembre 2012. Le décret concernant la génération 1957 devrait être publié avant la fin de l'année 2013.

* 22 « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013.

* 23 S'agissant des effets sur les prestations servies, la Cnav indique que les flux de départ devraient être inférieurs de 10 000 à 20 000 assurés entre 2021 et 2035 par rapport à aujourd'hui. La population des prestataires diminuerait progressivement pour atteindre - 320 000 assurés à l'horizon 2050. Dans le même temps, la hausse de la durée d'assurance engendrerait des baisses de pension d'environ 2 % en moyenne à l'horizon 2050 en application des règles de proratisation. S'agissant des effets sur les cotisations, le nombre de cotisants devrait être supérieur d'environ 140 000 à celui du scénario B du COR.

* 24 Décret n° 2000-393 du 10 mai 2000 portant création du Conseil d'orientation des retraites.

* 25 Séance du 31 mai 2011. La réunion de la formation plénière qui devait avoir lieu avant le 1 er juin 2012 n'a jamais eu lieu.

* 26 « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013.

* 27 Voir le rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale dont votre rapporteure est co-auteure aux côtés d'Alain Vasselle, rapporteur général, et d'André Lardeux, « Les retraites en Allemagne : des enseignements à tirer ? », n° 673 (2009-2010), 13 juillet 2010.

* 28 La Caisse nationale du barreau français établit son propre taux de revalorisation. De même, les régimes de retraite complémentaires des travailleurs salariés (Agirc-Arrco) et des professionnels libéraux définissent eux-mêmes les règles qui leur sont applicables.

* 29 L'article L. 161-23-1 prévoit à son dernier alinéa un dispositif de correction du taux de revalorisation sur proposition du Copilor.

* 30 Paragraphe II de l'article 60 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, insérant un article L. 4121-3-1 dans le code du travail.

* 31 Définis à l'article D. 4121-5 du code du travail, ce sont : les manutentions manuelles de charges ; les postures pénibles ; les vibrations mécaniques ; les agents chimiques dangereux ; les activités exercées en milieu hyperbare ; les températures extrêmes ; le bruit ; le travail de nuit ; le travail en équipes successives alternantes et le travail répétitif.

* 32 Créé par le décret n° 2012-136 du 30 janvier 2012 relatif à la fiche prévue à l'article L. 4231-3-1 du code du travail.

* 33 En application de l'article L. 4612-16 du code du travail.

* 34 Ce sont, à l'heure actuelle, les dix facteurs présents à l'article D. 4121-5 du code du travail.

* 35 Loi n° 2013-504 du 16 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, article 5.

* 36 Désignés par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.

* 37 Désignés par les organisations patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel.

* 38 D'après l'article L. 4162-17 nouveau.

* 39 Selon les articles L. 4162-18 et L. 4162-19 nouveaux.

* 40 Qui dispose que : « Les dispositions de l'article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment aux propositions de loi et aux amendements, ainsi qu'aux modifications apportées par les commissions aux textes dont elles sont saisies, par le Gouvernement ou par tout député. L'irrecevabilité est appréciée par le président ou le rapporteur général de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire ou un membre de son bureau désigné à cet effet ».

* 41 Selon lequel : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

* 42 Par l'article 5 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 43 Article 77 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 insérant les articles L. 138-29 à L. 138-31 dans le code de la sécurité sociale.

* 44 Article 132 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

* 45 Décret n° 2009-608 du 29 mai 2009 instituant à titre exceptionnel une allocation équivalent retraite pour certains demandeurs d'emploi.

* 46 Décret n° 2010-458 du 6 mai 2010 instituant à titre exceptionnel une allocation équivalent retraite pour certains demandeurs d'emploi.

* 47 Article 106 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 48 Décret n° 2011-1421 du 2 novembre 2011 instituant à titre exceptionnel une allocation transitoire de solidarité pour certains demandeurs d'emploi.

* 49 Décret n° 2013-187 du 4 mars 2013 instituant à titre exceptionnel une allocation transitoire de solidarité pour certains demandeurs d'emploi.

* 50 Ils doivent avoir souscrit un plan de cession progressive de l'exploitation (PCPEA) agréé par le préfet dans le cas d'une activité de mise en valeur du foncier ou d'exploitation des productions hors sol et céder progressivement une partie des parts sociales détenues dans le cas d'une activité exercée au sein d'une société.

* 51 22 % des personnes interrogées « savent de quoi il s'agit » et 38 % en ont « entendu parler sans bien savoir de quoi il s'agit ». Drees, Cnav et DSS, « Les motivations de départ à la retraite : stabilité entre 2010 et 2012 », Etudes et résultats, avril 2013.

* 52 Pour les autres professions, le principe de la cessation d'activité pour percevoir une retraite est décliné aux articles suivants : article L. 634-6 du code de la sécurité sociale pour les artisans et les commerçants ; article L. 643-6 du même code pour les professions libérales (hors avocats) ; article L. 723-11-1 du même code pour les avocats ; article L. 732-39, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime pour les exploitants agricoles ; article L. 3 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour les fonctionnaires.

* 53 Inspection générale des affaires sociales, Evaluation du cumul emploi-retraite, juin 2012.

* 54 Estimation fondée sur les hypothèses suivantes : 70 000 assurés acquérant de nouveaux droits à retraite dans le régime où ils sont néo-cotisants, sur la base d'une activité à tiers temps, d'une rémunération à la moitié du plafond de la sécurité sociale, d'une durée de cumul moyenne de deux ans et des droits du régime général.

* 55 Article R. 351-9 du code de la sécurité sociale.

* 56 Elle était égale à la durée totale d'assurance pour un départ à 56 ou 57 ans, à la durée totale minorée de 4 trimestres pour un départ à 58 ans et à la durée nécessaire pour le taux plein pour un départ à 59 ans.

* 57 Décret n° 2010-1734 du 30 décembre 2010 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite et portant application des articles 17, 20 (III) et 21 (III) de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 58 Sous réserve de dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables.

* 59 Article D. 6222-26 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008.

* 60 Chapitre XI relatif à la durée d'assurance dans le calcul des droits à retraite.

* 61 Soit un versement forfaitaire égal au produit du taux global de cotisations pour la couverture du risque vieillesse, d'une assiette forfaitaire de 90 % du Smic et des effectifs concernés.

* 62 Décret n° 2006-966 du 1 er août 2006 relatif au conjoint collaborateur.

* 63 Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, article 77.

* 64 Articles L. 732-54-1 à L. 732-54-4 du code rural et de la pêche maritime.

* 65 Définies à l'article D. 732-109 du code rural et de la pêche maritime.

* 66 A titre d'exemple, pour les personnes nées en 1952, une durée d'assurance de 164 trimestres ou avoir atteint l'âge de 65 ans et neuf mois.

* 67 Loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

* 68 En application de l'article 90 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 69 Article D. 732-165 du code rural et de la pêche maritime.

* 70 Décret n° 2013-925 du 16 octobre 2013 fixant les modalités de financement du régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles pour l'année 2013.

* 71 Articles L. 732-59 et D. 732-165 du code rural et de la pêche maritime.

* 72 Selon l'article L. 722-10, « Par aides familiaux, on entend les ascendants, descendants, frères, soeurs et alliés au même degré du chef d'exploitation ou d'entreprise ou de son conjoint, âgés de plus de 16 ans, vivant sur l'exploitation ou l'entreprise et participant à sa mise en valeur comme non-salariés. La personne qui devient aide familial à compter du 18 mai 2005 ne peut conserver cette qualité plus de 5 ans ».

* 73 L'article L. 321-5 dispose que « le conjoint du chef d'une exploitation ou d'une entreprise agricole qui n'est pas constituée sous forme d'une société ou d'une co-exploitation entre conjoints peut y exercer son activité professionnelle en qualité de collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole ».

* 74 Soit moins de 17 ans et demi en tant que chef d'exploitation.

* 75 Articles L. 732-56 et D. 732-151 du code rural et de la pêche maritime.

* 76 Loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

* 77 Article 97 de la loi du 9 novembre 2010.

* 78 Guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées (article annexe 2-4).

* 79 Commission pour l'avenir des retraites, « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », p. 141.

* 80 Insertion relative à la « couverture vieillesse des personnes les plus pauvres ».

* 81 Les articles 98 à 122 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, dite « Warsmann », établissent un cadre législatif général pour les GIP. Il s'ensuit qu'un GIP est une personne morale de droit public créée par voie de convention approuvée par l'Etat entre plusieurs personnes morales de droit public, ou entre une ou plusieurs personnes morales de droit public et une ou plusieurs personnes morales de droit privé.

* 82 COR (2011), Retraites : la situation des polypensionnés, 9 e rapport, septembre.

* 83 Inspection générale des affaires sociales, « Gouvernance de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales », décembre 2010.

* 84 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, chapitre XVI, septembre 2013.

* 85 Pris en application de l'article 15 III de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010.

* 86 Ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales.

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