EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER - SPÉCIALISATION DES JURIDICTIONS CIVILES EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Article 1er (art. L. 615-17, L. 615-18, L. 615-19 et L. 722-8 du code de la propriété intellectuelle) - Clarification de la spécialisation du TGI de Paris en matière de brevets et spécialisation exclusive en matière d'indications géographiques

L'article 1 er de la proposition de loi vise à modifier la compétence du tribunal de grande instance (TGI) de Paris en matière de contentieux de la propriété intellectuelle. Il précise que la compétence du TGI de Paris en matière de brevets d'invention, prévue par l'article D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire en application de l'article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle, couvre aussi les inventions de salariés. Il supprime deux articles devenus inutiles du code de la propriété intellectuelle. Enfin, il attribue au TGI de Paris une compétence exclusive en matière d'indications géographiques.

Cet article reprend sans modification les articles 2 bis , 2 ter et 4 du chapitre I er du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, les autres articles de ce chapitre ayant été supprimés.

Ainsi que le montre l'encadré ci-après, le contentieux de la propriété intellectuelle a donné lieu à la spécialisation de certains TGI, en particulier le TGI de Paris exclusivement s'agissant des actions civiles engagées en matière de brevets d'invention, les actions civiles concernant les autres droits de propriété intellectuelle pouvant être engagées devant une dizaine de TGI.

La répartition actuelle du contentieux des droits de propriété intellectuelle

Selon l'article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles en matière de propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont « exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ».

Il en est de même en matière de dessins et modèles, en application de l'article L. 521-3-1, de brevets d'invention, en application de l'article L. 615-17, de marques, en application de l'article L. 716-3, et d'indications géographiques, en application de l'article L. 722-8.

S'agissant des obtentions végétales, l'article L. 623-31 indique que les actions civiles sont « exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance », sans qu'il soit précisé que ces tribunaux sont déterminés par voie réglementaire, alors que de fait ils le sont.

Le pouvoir réglementaire a fait trois choix distincts selon le type de droit de propriété intellectuelle.

Seul le TGI de Paris est compétent en matière de brevets d'invention, ainsi que de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs (article D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire).

En matière d'obtentions végétales, dix TGI ont été désignés (article D. 211-5 du code de l'organisation judiciaire) : Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Limoges, Lyon, Nancy, Paris, Rennes et Toulouse.

En matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques, dix TGI ont également été désignés (article D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire), qui ne sont pas les mêmes que ceux désignés en matière d'obtentions végétales : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nanterre, Nancy, Paris, Rennes, Strasbourg et Fort-de-France.

En premier lieu, l'article 1 er de la proposition de loi vise à clarifier que la compétence exclusive attribuée, par le pouvoir réglementaire, au TGI de Paris en matière de brevets d'invention s'étend aux inventions de salariés.

L'article L. 611-7 traite en effet du cas où l'inventeur du brevet est un salarié. Il est logique que le contentieux civil des inventions de salariés, par cohérence, soit traité par le TGI de Paris exclusivement comme les brevets eux-mêmes, en raison de la connexité évidente des deux matières.

En deuxième lieu, l'article 1 er de la proposition de loi abroge les articles L. 615-18 et L. 615-19 du code de la propriété intellectuelle.

L'article L. 615-18 du code de la propriété intellectuelle précise que certaines actions indemnitaires en matière de brevets, notamment pour ceux intéressant la défense nationale, doivent être portées devant le TGI de Paris. Une telle disposition est redondante avec l'article L. 615-17, dès lors que le TGI de Paris est d'ores et déjà seul compétent en matière de brevets. L'article L. 615-19 du même code dispose que les actions en contrefaçon de brevet et les questions connexes de concurrence déloyale relèvent de la compétence exclusive du TGI. Une telle disposition est également superflue, dès lors que l'article L. 615-17 prévoit que les actions civiles et les demandes relatives aux brevets relèvent de la compétence exclusive de certains TGI déterminés par voie réglementaire.

En troisième lieu, l'article 1 er de la proposition de loi attribue au TGI de Paris une compétence exclusive pour connaître des actions civiles et des demandes relatives aux indications géographiques. Parmi les indications géographiques figurent en particulier les appellations d'origine protégées (AOP) 4 ( * ) et les indications géographiques protégées (IGP).

Le contentieux des indications géographiques ne semble pas revêtir une complexité telle qu'il faille le confier à un seul tribunal. Le faible nombre des affaires - et donc le faible nombre d'affaires traitées en la matière par certains tribunaux - ne plaide pas davantage pour une telle spécialisation, dès lors qu'il s'agit d'un contentieux relativement simple. Aucune personne entendue par votre rapporteur n'a approuvé cette disposition.

En effet, en matière de propriété intellectuelle, les attentes portent davantage sur le renforcement de la formation et sur la spécialisation des magistrats que sur une spécialisation accrue des juridictions, ainsi que l'ont d'ailleurs souligné notre collègue Richard Yung et notre ancien collègue Laurent Béteille dans leur rapport d'information de 2011.

Au surplus, le contentieux des indications géographiques comporte par nature une importante dimension locale, de sorte que sa concentration à Paris ne semble pas opportune d'un point de vue pratique et géographique, à l'inverse du contentieux des brevets, à fort enjeu économique et présentant une certaine complexité juridique et technique.

Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement supprimant la spécialisation exclusive du TGI de Paris en matière de contentieux des indications géographiques.

Par ailleurs, pour assurer la cohérence rédactionnelle du code de la propriété intellectuelle, votre commission a adopté un amendement présenté par son rapporteur, en vue de préciser que les TGI compétents en matière d'obtentions végétales sont « déterminés par voie réglementaire ».

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .


* 4 L'appellation d'origine protégée (AOP), mention obligatoire exclusive depuis 2012, est l'équivalent européen de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) française, qui ne demeure que pour le vin.

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