CHAPITRE IV - Transparence des comptes des comités d'entreprise

Article 19 (art. L. 2325-1, L. 2325-34-1 à L. 2325-34-4 [nouveaux], L. 2325-45 à L. 2325-55 [nouveaux], L. 2327-12-1 [nouveau], L. 2327-14-1 [nouveau] et L. 2327-16 du code du travail) - Obligation d'établir des comptes dans les comités d'entreprise

Objet : Cet article pose l'obligation générale d'établir des comptes dans les comités d'entreprise, en l'adaptant selon leur ressources ; il définit le rôle du commissaire aux comptes et de la commission aux marchés, ainsi que les dates d'entrée en vigueur des nouvelles règles comptables et leur champ d'application.

I - Le dispositif proposé

Cet article comprend cinq paragraphes :

- le I fixe de nouvelles règles pour l'établissement et le contrôle des comptes du comité d'entreprise ;

- le II institue une commission des marchés dans certains comités d'entreprise ;

- le III vise les comités centraux d'entreprise ;

- le IV étend les nouvelles règles de transparence comptable aux structures assimilables à un comité d'entreprise ;

- le V fixe les dates d'entrée en vigueur de ces dispositions.

Le paragraphe I crée une section 10 « Etablissement et contrôle des comptes du comité d'entreprise » au chapitre V (fonctionnement) du titre II (comité d'entreprise) du livre III (institutions représentatives du personnel) de la deuxième partie (relations collectives du travail) du code du travail.

Cette nouvelle section comprend 11 nouveaux articles.

L'article L. 2325-45 pose une obligation générale pour les comités d'entreprise de respecter des obligations comptables .

Le paragraphe I prévoit que le comité d'entreprise est soumis aux obligations comptables définies à l'article L. 123-12 du code de commerce, qui impose :

- l'enregistrement comptable et chronologique des mouvements affectant le patrimoine de l'entité ;

- un contrôle par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, de l'existence et de la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entité ;

- l'établissement des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire, en distinguant le bilan, le compte de résultat et une annexe.

Ses comptes annuels seront établis selon les modalités définies par un règlement de l'Autorité des normes comptables.

Le paragraphe II indique que le comité d'entreprise dont le nombre de salariés, les ressources annuelles et le total du bilan ne dépassent pas, à la clôture d'un exercice, pour au moins deux de ces trois critères, des seuils fixés par décret, pourra adopter une présentation simplifiée de ses comptes, ce qui lui permettra de n'enregistrer ses créances et ses dettes qu'à la clôture de l'exercice. Les modalités de cette présentation simplifiée seront fixées par un règlement de l'Autorité des normes comptables.

L'article L. 2325-46 autorise, sous conditions, l'utilisation d'une présentation comptable ultra-simplifiée.

En effet, par dérogation à l'article L. 2325-45, le comité d'entreprise dont les ressources annuelles n'excèdent pas un seuil fixé par décret pourra s'acquitter de ses obligations comptables :

- en tenant un livre retraçant chronologiquement le montant et l'origine des dépenses qu'il réalise et des recettes qu'il perçoit ;

- et en établissant une fois par an un état de synthèse simplifié portant sur des informations complémentaires relatives à son patrimoine et ses engagements en cours.

Le contenu et les modalités de présentation de cet état seront également définis par un règlement de l'Autorité des normes comptables.

L'article L. 2325-47 est relatif à l'obligation d'informer sur les transactions significatives .

Il prévoit que le comité d'entreprise doit fournir des informations sur les transactions significatives qu'il a effectuées. Elles seront fournies dans l'annexe de ses comptes pour le comité d'entreprise relevant de l'article L. 2325-45 (présentation normale ou simplifiée) et dans le rapport mentionné à l'article L. 2325-50 (rapport de gestion) pour le comité d'entreprise relevant de l'article L. 2325-46 (présentation ultra-simplifiée).

L'article L. 2325-48 porte sur l'obligation d'établir des comptes consolidés .

Lorsque l'ensemble constitué par le comité d'entreprise et les entités qu'il contrôle au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce (par exemple, en détenant directement ou indirectement la majorité des droits de vote dans une autre entreprise) dépasse, pour au moins deux des trois critères mentionnés à l'article L. 2325-45, des seuils fixés par décret, le comité d'entreprise doit établir des comptes consolidés dans les conditions prévues par l'article L. 233-18 du code de commerce 133 ( * ) .

Les prescriptions comptables relatives à ces comptes consolidés seront fixées par un règlement de l'Autorité des normes comptables.

L'article L. 2325-49 fixe les conditions d'approbation des comptes consolidés .

Ces comptes seront arrêtés par des membres élus du comité d'entreprise désignés par lui et au sein de ses membres élus, selon des modalités prévues par le règlement intérieur.

Les documents ainsi arrêtés seront mis à la disposition, le cas échéant, du ou des commissaires aux comptes.

Ils devront être approuvés par les membres élus du comité réunis en séance plénière. La réunion au cours de laquelle les comptes seront approuvés devra porter sur ce seul sujet et faire l'objet d'un procès-verbal spécifique.

Les dispositions du présent article s'appliqueront également à la présentation comptable ultra-simplifiée.

L'article L. 2325-50 rend obligatoire l'élaboration d'un rapport de gestion .

Ce rapport du comité d'entreprise devra présenter des informations qualitatives sur ses activités et sa gestion financière, de nature à éclairer l'analyse des comptes par les membres élus du comité et les salariés de l'entreprise. Il sera établi par le comité selon des modalités prévues par son règlement intérieur.

Lorsque le comité d'entreprise établit des comptes consolidés, le rapport devra porter sur l'ensemble constitué par le comité d'entreprise et les entités qu'il contrôle.

Le contenu de ce rapport, déterminé par décret, varie selon que le comité d'entreprise doit présenter une comptabilité normale, simplifiée ou ultra-simplifiée.

Ce rapport devra être présenté aux membres élus du comité d'entreprise lors de la réunion en séance plénière spécifique mentionnée à l'article L. 2325-49.

L'article L. 2325-51 prévoit les règles de publicité des comptes et du rapport de gestion .

Au plus tard trois jours avant la réunion spécifique en séance plénière, le ou les membres du comité d'entreprise chargés d'arrêter les comptes du comité devront communiquer les comptes annuels et le rapport de gestion, ou le cas échéant sa comptabilité ultra-simplifiée, aux membres du comité d'entreprise.

L'article L. 2325-52 est relatif à l'information des salariés .

Il oblige le comité d'entreprise à porter à la connaissance des salariés de l'entreprise, par tout moyen, ses comptes ou, le cas échéant, sa présentation ultra-simplifiée, accompagnés du rapport de gestion.

L'article L. 2325-53 porte sur l'obligation de nommer un commissaire aux comptes .

Lorsque le comité d'entreprise dépasse, pour au moins deux des trois critères mentionnés à l'article L. 2325-45, des seuils fixés par décret, il est tenu de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant distincts de ceux de l'entreprise.

Le comité d'entreprise doit alors nommer deux commissaires aux comptes.

Le coût de la certification des comptes sera pris en charge par le comité d'entreprise sur sa subvention de fonctionnement.

L'article L. 2325-54 définit les missions du commissaire aux comptes lorsqu'il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation du comité d'entreprise .

Dans un premier temps, il doit en informer le secrétaire et le président du comité d'entreprise dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

A défaut de réponse du secrétaire du comité d'entreprise dans un délai fixé par ce même décret, ou si celle-ci ne permet pas d'être assuré de la continuité de l'exploitation du comité d'entreprise, le commissaire aux comptes doit établir un rapport spécial.

Il doit ensuite inviter, par un document écrit dont la copie est transmise au président du tribunal de grande instance compétent et aux membres du comité d'entreprise, l'employeur à réunir le comité d'entreprise afin que ce dernier délibère sur les faits relevés.

Le commissaire aux comptes doit être convoqué à cette réunion, qui se tient dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

Dans un second temps, le commissaire aux comptes doit informer de ses démarches le président du tribunal de grande instance et lui en communique les résultats, dans les cas de figure suivants :

- en l'absence de réunion du comité d'entreprise dans le délai prévu ;

- en l'absence de convocation à cette réunion ;

- ou si, à l'issue de la réunion du comité d'entreprise, il constate que les décisions prises ne permettent pas d'assurer la continuité de l'exploitation.

Les dispositions du I de l'article L. 611-2 du code de commerce sont applicables dans les mêmes conditions au comité d'entreprise. Autrement dit, les responsables du comité d'entreprise peuvent être convoqués par le président du tribunal de grande instance, qui peut obtenir des informations économiques et financières du comité d'entreprise de tous les services concernés (administration publique, organismes de sécurité et de prévoyance sociales, services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement).

Le président du tribunal de grande instance exerce les mêmes pouvoirs que ceux qui sont attribués au président du tribunal de commerce.

Dans un troisième temps, six mois maximum à compter du déclenchement de la procédure, le commissaire aux comptes peut reprendre le cours de la procédure au point où il l'avait interrompue lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l'exploitation du comité d'entreprise demeure compromise et que l'urgence commande l'adoption de mesures immédiates.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'une procédure de conciliation (article L. 611-6 du code de commerce) ou de sauvegarde (article L. 620-1 du même code) a été engagée par le débiteur à l'encontre du comité d'entreprise.

Enfin, l'article L. 2325-55 prévoit que la définition des ressources annuelles pour l'appréciation des seuils sera précisée par décret.

Le paragraphe II complète la section 6 « commission » du même chapitre V relatif au fonctionnement du comité d'entreprise avec une sous-section 6 « commission des marchés », qui comprend quatre articles.

L'article L. 2325-34-1 prévoit que cette commission des marchés est obligatoire dans les comités d'entreprises qui ne sont pas autorisés à utiliser une comptabilité simplifiée .

L'article L. 2325-34-2 fixe les missions de cette commission des marchés .

Le comité d'entreprise devra déterminer, sur proposition de la commission des marchés, les critères de choix des fournisseurs et des prestataires et la procédure des achats de fournitures, de services et de travaux.

La commission des marchés devra choisir les fournisseurs et les prestataires du comité d'entreprise. Elle rendra compte de ces choix, au moins une fois par an, au comité d'entreprise selon des modalités déterminées par le règlement intérieur du comité.

L'article L. 2325-34-3 indique que les membres de la commission des marchés doivent être désignés par le comité d'entreprise parmi ses membres titulaires.

En outre, le règlement intérieur du comité d'entreprise devra fixer les modalités de fonctionnement de la commission, le nombre de ses membres, les modalités de leur désignation et la durée de leur mandat.

Enfin, l'article L. 2325-34-4 oblige la commission des marchés à établir un rapport d'activité annuel , joint en annexe au rapport de gestion.

Le paragraphe III modifie les articles relatifs au comité central d'entreprise .

En premier lieu, le projet de loi insère un nouvel article L. 2327-12-1 , qui prévoit que le comité central d'entreprise doit déterminer, dans un règlement intérieur , les modalités de son fonctionnement et de ses rapports avec les salariés de l'entreprise, pour l'exercice des missions qui lui sont conférées par le titre II « comité d'entreprise », y compris les nouvelles dispositions relatives à la transparence des comptes.

En deuxième lieu, le texte insère un nouvel article L. 2327-14, qui prévoit que les dispositions de la section 10 « établissement et contrôle des comptes du comité d'entreprise » s'appliqueront au comité central d'entreprise dans des conditions déterminées par décret.

En troisième lieu, le projet de loi complète l'article L. 2327-16 , relatif à la gestion des activités sociales et culturelles dans les entreprises dotées d'un comité central .

Le droit en vigueur prévoit que les comités d'établissement assurent et contrôlent la gestion de toutes les activités sociales et culturelles. Toutefois, les comités d'établissement peuvent confier au comité central d'entreprise la gestion d'activités communes. Un accord entre l'employeur et une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise peut définir les compétences respectives du comité central d'entreprise et des comités d'établissement.

Le projet de loi maintient ces dispositions tout en prévoyant qu'en cas de transfert de la gestion d'activités sociales et culturelles, ce transfert doit faire l'objet d'une convention entre les comités d'établissement et le comité central d'entreprise. Cette convention devra comporter des clauses conformes à des clauses-types déterminées par décret.

Le paragraphe IV étend les nouvelles règles d'établissement des comptes prévues au I et les règles relatives à la commission des marchés mentionnées au II à toutes les structures assimilables à un comité d'entreprise . Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions dans lesquelles ces règles s'appliquent à la caisse centrale d'activités sociales, aux caisses mutuelles complémentaires et d'action sociale et au comité de coordination mentionnés à l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz 134 ( * ) .

Enfin, le paragraphe V prévoit un échelonnement des dates d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 19.

Ainsi, à l'exception des nouvelles dispositions de l'article L. 2327-16 du code du travail (qui porte sur l'obligation d'établir une convention entre les comités d'établissement et le comité central d'entreprise en cas de transfert de gestion des activités sociales et culturelles), les dispositions du I à III s'appliqueront pour les exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2015.

Toutefois, les dispositions des articles L. 2325-48, L. 2325-53 et L. 2325-54 du même code, qui traitent de l'obligation de certification des comptes, s'appliqueront pour les exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2016.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Les principaux amendements adoptés en commission ont visé à :

- obliger la désignation d'un trésorier dans les comités d'entreprise dont les ressources excèdent 153 000 euros par an ;

- insérer dans le code du travail un nouvel article L. 2325-50-1, pour obliger le trésorier du CE ou, le cas échéant, le commissaire aux comptes, à présenter, lors de la réunion d'examen et d'approbation des comptes annuels, un rapport sur les conventions passées directement ou indirectement par le comité d'entreprise et l'un des membres ;

- insérer dans le même code un nouvel article L. 2325-54-1, pour préciser que les comptes annuels, et le cas échéant, les documents liés à la comptabilité ultra-simplifiée ou à la comptabilité avec présentation simplifiée, doivent être conservés pendant dix ans à compter de la date de clôture de l'exercice ;

- restreindre le champ d'application obligatoire de la commission des marchés aux contrats dont le montant est supérieur à un seuil fixé par décret (qui pourrait s'élever, selon le rapporteur, autour de 20 000 ou 30 000 euros).

En séance publique, deux amendements identiques présentés par le rapporteur et le groupe socialiste, républicain et citoyen, ont indiqué que tout comité d'entreprise dont les ressources dépassent 153 000 euros mais qui ne remplit pas deux des trois critères fixés par décret (employer plus de 50 salariés, disposer d'un bilan supérieur à 1,55 million d'euros, disposer de ressources supérieurs à 3,1 millions d'euros), devra confier la mission de présentation de ses comptes annuels à un expert-comptable. Si au moins deux de ces critères sont remplis, le recours à un commissaire aux comptes demeure obligatoire.


* 133 L'article L. 2325-48 du code du travail prévoit que les sociétés commerciales doivent établir des comptes consolidés annuels et un rapport de gestion, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci.

* 134 Cet article indique que le statut national, qui s'applique à tout le personnel de l'industrie électrique et gazière en situation d'activité ou d'inactivité, prévoie un budget des activités sociales du personnel. Les ressources affectées à ce budget sont réparties entre des caisses mutuelles complémentaires et d'action sociale des industries électriques et gazières (dites C.A.S.). Une caisse centrale d'activités sociales du personnel des industries électriques et gazières (dite C.C.A.S.) est quant à elle chargée de gérer les activités sociales dont le caractère général ou l'importance exigent qu'elles soient gérées sur le plan national. La coordination entre ces différentes caisses est assurée par un comité de coordination représentant les conseils d'administration des caisses mutuelles complémentaires et d'action sociale.

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