EXAMEN DES ARTICLES

Article unique (art. 5, 7 et 8 de la Charte de l'environnement de 2004) - Prise en compte de la recherche scientifique et de l'innovation technologique dans la Charte de l'environnement au titre du principe de précaution

L'article unique de la présente proposition de loi constitutionnelle vise à modifier trois des dix articles de la Charte de l'environnement de 2004, afin que soit explicitement prise en compte le développement scientifique.

Si la Charte n'a jamais été modifiée depuis son adoption par le Congrès en 2005, rien n'interdit qu'elle le soit par une nouvelle loi constitutionnelle, dès lors qu'elle a été adoptée par une loi constitutionnelle. Tel ne serait pas le cas, sans doute, de la Déclaration des droits de l'homme et citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946, auxquels fait référence le préambule de la Constitution de 1958, comme c'est le cas pour la Charte de l'environnement, mais en l'état de leur rédaction en 1958.

Le premier alinéa du préambule de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004. »

Entendu par votre rapporteur, le professeur Yves Jégouzo a estimé que les dispositions de l'article unique de la proposition de loi ne présentaient guère d'utilité juridique, au regard de l'application du droit actuel.

. Modification de l'article 5 relatif au principe de précaution

L'article 5 de la Charte de l'environnement est ainsi rédigé :

« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Dans son 1°, l'article unique de la proposition de loi vise à compléter l'article 5 de la Charte par un alinéa précisant que les autorités publiques compétentes veillent également à ce que la mise en oeuvre du principe de précaution « constitue un encouragement » au développement de la connaissance, à la promotion de l'innovation et au progrès technologique.

Si votre commission a partagé l'idée résidant dans cette disposition, elle a jugé sa formulation incertaine et insuffisamment normative. Aussi a-t-elle adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement destiné à clarifier cette nouvelle obligation constitutionnelle qui incomberait aux autorités publiques d'encourager la recherche scientifique et de valoriser le principe d'innovation, de façon à éviter une application excessive du principe de précaution en raison d'une mauvaise appréciation des risques encourus par l'environnement du fait de l'insuffisance des connaissances scientifiques, laquelle inciterait davantage à l'inaction et à l'abstention qu'à l'expérimentation.

Cet amendement dispose ainsi que les autorités publiques veillent au développement des connaissances scientifiques, à la promotion de l'innovation et au progrès technique, afin d'assurer une meilleure évaluation des risques et une application adaptée du principe de précaution.

Pour que les autorités publiques, dans leurs domaines d'attributions, puissent mieux apprécier la réalité des risques sur l'environnement et les dommages potentiels que peut receler une décision ou un projet, il convient en effet de renforcer l'effort de recherche, afin de faire une application adaptée et proportionnée du principe de précaution.

Par ailleurs, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement destiné à mentionner expressément à l'article 5 de la Charte que les mesures provisoires et proportionnées prises par les autorités publiques, en application du principe de précaution, pour parer au risque de réalisation d'un dommage susceptible d'affecter l'environnement de manière grave et irréversible, doivent représenter un coût économique raisonnable. Il s'agit par là d'assurer une mise en oeuvre adaptée et équilibrée du principe de précaution.

À cet égard, votre rapporteur indique que cette précision figure déjà à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, lequel énumère et définit les grands principes applicables en droit de l'environnement, mais qu'elle mérite d'être étendue à toutes les hypothèses d'application du principe de précaution à des décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement, au-delà du strict droit de l'environnement, grâce à son insertion dans la Charte.

. Modification de l'article 7 relatif au principe de participation

L'article 7 de la Charte de l'environnement est ainsi rédigé :

« Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. »

Dans son 2°, l'article unique de la proposition de loi vise à compléter l'article 7 de la Charte par deux alinéas précisant, d'une part, que l'information du public et l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement doivent s'appuyer sur la diffusion des résultats de la recherche scientifique et sur une expertise scientifique pluridisciplinaire et, d'autre part, que la loi doit définir les conditions de l'indépendance de cette expertise et de la publication des résultats de la recherche.

Il est légitime que le droit d'information et de participation du public s'appuie sur les résultats d'une recherche scientifique de qualité, indépendante autant que possible des groupes de pression, quels qu'ils soient, et des intérêts économiques, de façon à ce que l'opinion publique soit éclairée de la façon la plus objective possible dans sa participation à la prise des décisions publiques ayant un impact environnemental. Votre commission a approuvé le principe de cette disposition.

La deuxième disposition envisagée propose de confier au législateur une mission nouvelle, de façon à ce que l'information scientifique fournie au public en amont de la décision présente des garanties d'objectivité, de sérieux et d'indépendance de nature à l'éclairer véritablement. Compte tenu des enjeux, il paraît pertinent que ces garanties soient apportées par la loi. Cette mission ne relève pas à ce jour directement du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution, même si celui-ci comprend les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'État, et donc aux chercheurs des organismes publics, et les principes fondamentaux de la préservation de l'environnement 30 ( * ) .

Pour autant, prévoir expressément que la loi doit définir les conditions de la publication des résultats scientifiques a semblé à votre rapporteur être une précision excessive pour la faire figurer dans la Charte.

Aussi, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a-t-elle adopté un amendement destiné à clarifier la rédaction de ces dispositions, en ajoutant le critère de l'indépendance à l'expertise scientifique pluridisciplinaire qui doit contribuer à l'information et à la participation du public, ainsi qu'en énonçant de façon plus générale l'attribution nouvelle du législateur, qui aurait à définir les conditions dans lesquelles est conduite l'expertise scientifique. En effet, une telle rédaction offre un champ plus large permettant d'englober les différentes problématiques qui peuvent se poser.

Ces nouvelles dispositions de la Charte constitueraient une obligation de moyens pour les autorités publiques concernées, dans un domaine où le Conseil constitutionnel a été jusqu'à présent très vigilant, comme l'illustre son abondante jurisprudence fondée sur l'article 7 de la Charte. Elles nécessiteront sans doute d'adopter de nouveaux textes législatifs. La disposition envisagée par la proposition de loi aurait donc une portée juridique directe.

. Modification de l'article 8 relatif à l'éducation et à la formation

L'article 8 de la Charte de l'environnement est ainsi rédigé :

« L'éducation et la formation à l'environnement doivent contribuer à l'exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte. »

Dans son 3°, l'article unique de la proposition de loi vise à ajouter à l'article 8 de la Charte que, outre l'éducation et la formation à l'environnement, la promotion de la culture scientifique doit, elle aussi, contribuer à l'exercice des droits et devoirs définis par la Charte.

Une telle précision paraît la bienvenue, dans la mesure où la science, à l'évidence, contribue à une meilleure connaissance de l'environnement comme des atteintes que l'activité humaine peut lui porter.

Approuvant cette modification, votre commission a cependant adopté un amendement rédactionnel présenté par son rapporteur.

Votre commission a adopté l'article unique ainsi modifié .

Intitulé Affirmation de l'interprétation du principe de précaution comme un principe d'innovation

L'intitulé de la présente proposition de loi constitutionnelle indique que celle-ci vise à modifier la Charte de l'environnement « pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation ».

Si une telle rédaction correspond à l'intention de l'auteur du texte, elle semble quelque peu éloignée de son dispositif même. Aussi votre commission a-t-elle adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement retenant une rédaction plus simple et objective pour l'intitulé du texte, en rapport direct avec son contenu : proposition de loi constitutionnelle « visant à modifier la Charte de l'environnement pour préciser la portée du principe de précaution ».

Votre commission a adopté l'intitulé ainsi modifié .

* *

*

Votre commission a adopté la proposition de loi constitutionnelle ainsi modifiée .


* 30 L'insertion dans le domaine de la loi des principes fondamentaux de la préservation de l'environnement résulte de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1 er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement.

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