AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économie et financière, dit DDADUE, a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2014 et adopté par elle, en première lecture, le 18 septembre 2014.

Il vise principalement à transposer en droit français ou bien à assurer la mise en conformité de notre droit national avec plusieurs textes européens pris en matière économique et financière .

En effet, suite à la crise financière, la Commission européenne a proposé des évolutions législatives afin de mieux réguler les activités bancaires, financières ou assurantielles mais aussi de renforcer les obligations vis-à-vis des entreprises, surtout les plus grandes d'entre elles, par exemple en matière comptable. Ainsi, au cours de la législature 2009-2014, le Parlement européen et le Conseil ont adopté une quarantaine de directives ou de règlements , dont une quinzaine au cours du printemps 2014.

Il convient désormais « d'absorber » cette masse considérable de dispositions qui sont, pour beaucoup d'entre elles, d'une grande technicité. Les directives doivent être transposées en droit interne. Quant aux règlements, bien que d'application directe, il est parfois nécessaire de mettre en cohérence le droit national avec leurs dispositions. L'objet du projet de loi DDADUE est de procéder à ce travail pour celles de ces dispositions qui trouvent leur transcription au niveau législatif en droit interne.

Compte tenu à la fois des délais de transposition contraints, du caractère technique de certains textes mais aussi de la « quantité » du travail à réaliser, le Gouvernement sollicite du Parlement plusieurs habilitations à prendre des mesures par voie d'ordonnances. Cette procédure, prévue par l'article 38 de la Constitution, permet au Parlement de se dessaisir de sa compétence sur un objet précis et pour une période de temps limitée.

À cet égard, le champ et le délai de l'habilitation doivent être clairement encadrés par la loi ; votre rapporteur s'est attaché à vérifier ces points pour chacune des demandes du Gouvernement contenues dans le présent projet de loi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ABOUTISSEMENT D'UN CHANTIER LÉGISLATIF HORS NORMES

Le présent projet de loi vise à adapter le droit français à treize textes européens récemment publiés 1 ( * ) . Il ne s'agit en réalité que d'une partie, déjà substantielle, des textes adoptés par le Parlement européen et le Conseil lors de la législature 2009-2014.

En effet, à l'initiative du Commissaire Michel Barnier, l'Union européenne a fait évoluer en profondeur l'ensemble des règles applicables aux banques, aux assurances, marchés financiers, à la gestion d'actifs et aux services financiers en général (comme par exemple les agences de notation) .

Le tableau ci-dessus retrace la quarantaine de propositions faites en ces domaines par la Commission européenne.

Propositions de la Commission européenne en matière de services financiers

En italique, les textes proposés mais non encore adoptés

Élaborer de nouvelles règles pour le système financier mondial

- Fonds alternatifs et capital-investissement (Directive « AIFM ») ;

- Rémunérations et exigences prudentielles applicables aux banques (Directive « CRD III ») ;

- Produits dérivés (règlement « EMIR ») ;

- Mécanismes de garantie des dépôts (« DGS ») ;

- Agences de notation de crédit (« CRA ») ;

- « Règlement uniforme » (Single Rulebook) comprenant les exigences prudentielles applicables aux banques : fonds propres, liquidité et effet de levier + règles plus strictes en matière de rémunérations et amélioration de la transparence fiscale (Directive « CRD IV »/règlement « CRR ») ;

- Encadrement renforcé pour les valeurs mobilières (Directive « MiFID » / règlement « MiFIR ») ;

- Encadrement renforcé pour prévenir les abus de marché (Directive « MAD »/règlement « MAR ») ;

- Prévention, gestion et résolution des crises bancaires (Directive « BRR ») ;

- Système bancaire parallèle, y compris fonds monétaires ;

- Réforme structurelle des banques ;

- Système bancaire parallèle : Proposition sur la transparence des opérations de financement sur titres.

Établir en Europe un secteur financier sûr, responsable et vecteur de croissance

- Règles prudentielles et de solvabilité pour les assureurs fondées sur l'analyse des risques (« Solvabilité II ») ;

- Mise en place des règlements relatifs à la création des autorités européennes de surveillance (pour la banque, les marchés de capitaux, l'assurance et les pensions) et du comité européen du risque systémique ;

- Systèmes d'indemnisation des investisseurs ;

- Surveillance renforcée des conglomérats financiers ;

- Vente à découvert et contrats d'échange sur risque de crédit ;

- Création de l'espace unique de paiement en euro (SEPA) ;

- Nouveau cadre européen de surveillance pour les assureurs (« Omnibus II ») ;

- Interconnexion des registres du commerce ;

- Responsabilisation des prêteurs (crédit hypothécaire) ;

- Simplification des règles comptables ;

- Règles de transparence renforcées ;

- Encadrement renforcé du secteur de l'audit ;

- Création de fonds européens de capital-risque ;

- Création de fonds européens d'entrepreneuriat social ;

- Dépositaires centraux de titres ;

- Meilleure information des investisseurs sur les produits financiers complexes (produits d'investissement de détail « PRIP ») ;

- Renforcement des règles sur la vente de produits d'assurance (Directive « IMD ») ;

- Règles plus sûres pour les fonds d'investissement de détail (« OPCVM ») ;

- Renforcement du régime de lutte contre le blanchiment de capitaux ;

- Publication d'informations non financières par les entreprises ;

- Accès à un compte bancaire de base / transparence des tarifs / changement de compte bancaire ;

- Création de fonds européens d'investissement à long terme ;

- Révision des règles en matière de services de paiement innovants (paiement par carte, par Internet et mobiles) ;

- Réglementation des indices de référence (tels que le LIBOR & l'EURIBOR) ;

- Financement à long terme de l'économie européenne / Révision des règles pour les fonds de pension professionnels (institutions de retraite professionnelle, « IRP »).

Finaliser l'union bancaire pour renforcer l'euro

- Mécanisme de surveillance unique ;

- Mécanisme de résolution unique.

Source : Commission européenne

L'évolution du corpus législatif a donc été particulièrement profonde et n'a laissé aucune structure, aucun acteur, aucun produit en dehors du champ de la régulation .

La profonde crise financière qu'ont connue le monde et plus particulièrement l'Europe, avec la « crise des dettes souveraines », appelait une réponse de cette ampleur. L'exhaustivité de la démarche européenne montre cependant la complexité du secteur financier dont il faut réussir à cerner tous les contours pour le réguler efficacement.

La Commission européenne, soutenue par le Parlement européen, a constamment plaidé pour une harmonisation toujours plus grande des règles applicables au sein de l'Union européenne afin qu'aucun Etat ne soit tenté par le moins disant réglementaire . La mise en place d'autorités européennes de surveillance, dès 2010, puis de l'union bancaire, constitue d'ailleurs un progrès fondamental au cours de ces dernières années.

À cet égard, d'un point de vue législatif, de plus en plus d'actes prennent la forme de règlements, directement applicables en droit interne, ou de directives d'harmonisation maximale, et non plus d'harmonisation minimale comme précédemment.

À terme, ainsi que l'a annoncé le nouveau président de la Commission européenne, il s'agit donc d'aller vers une Union des marchés de capitaux et de mettre fin à toute forme de fragmentation financière au sein de l'Union européenne.

En termes de régulation, s'il reste encore à examiner des textes importants, comme, par exemple, sur le shadow banking (ou système bancaire parallèle), le défi principal consiste désormais à mettre en oeuvre l'ensemble des dispositions adoptées.

Le travail d'assimilation, pour l'ensemble des acteurs concernés (Etats, professionnels, régulateurs), est considérable. Les superviseurs devront ensuite porter un regard vigilant sur l'évolution du secteur financier. À cet égard, les récentes polémiques sur de possibles contournements des règles limitant les bonus au sein de certaines banques d'investissement montrent que l'ouvrage doit parfois être remis sur le métier.

Enfin, comme le soulignait le Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, lors de son audition du 10 juin 2014, « il faudra observer l'impact de cette législation sur l'économie ; nous avons pour l'instant vu celui, dramatique, de l'absence de régulation. J'ai veillé très précisément au triple calibrage de chacun de ces textes, pour qu'ils soient efficaces et justes, cohérents entre eux et propices à la coordination transatlantique - c'est pour cela que je vais demain pour la huitième fois aux États-Unis : il s'agit de veiller à ce que ceux qui ont pris les mêmes engagements pour réguler la finance internationale mènent bien, dans le même temps, des actions parallèles ».


* 1 Directive BRRD (article 1 er ), directive SGD (article 2), règlement MRU (article 2 bis ), directive Solvabilité II (article 3), directive Transparence (article 6), directive Comptable unique (articles 7 et 8), directive Crédit immobilier (article 10), directive Médiation (article 11), règlement DCT (article 23 bis ), paquet Abus de marché (article 23 ter ), paquet MIF II (article 23 quater ), directive OPCVM V (article 23 quinquies ) et paquet Contrôle légal des comptes (article 23 sexies ).

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