C. UNE PROGRESSION INQUIÉTANTE DE LA DETTE PUBLIQUE

La dette publique atteint désormais un niveau inquiétant . Celle-ci excède, en effet, 2 000 milliards d'euros depuis le deuxième trimestre de cette année et son poids dans le PIB approche 100 % - ainsi que le fait apparaître le graphique n° 45 ci-après.

Ce constat est d'autant plus préoccupant que le Gouvernement n'a cessé, depuis 2012, de reporter la date à laquelle la part de la dette publique dans le PIB devait engager son déclin et de revoir à la hausse la trajectoire de celle-ci , comme le montre le graphique n° 46 ci-après. Alors que le programme de stabilité 2013-2017 n'a été présenté que quelques mois après l'adoption de la loi de programmation pour les années 2012 à 2017, le niveau maximal que devait atteindre la dette publique, qui était initialement estimé à 91,3 % du PIB en 2013, a réévalué à 94,3 % du PIB en 2014. Ce « point culminant » a de nouveau été revu par le programme de stabilité 2014-2017 à 95,6 % du PIB pour les années 2014 et 2015. Au total, le niveau de dette prévisionnel en fin de mandature, c'est-à-dire en 2017, qui était évalué à 82,9 % dans la loi de programmation 2012-2017, est porté à 97,3 % par le présent projet de loi, soit une hausse de près de 15 points de PIB .

Ceci tend à démontrer que le Gouvernement a une maîtrise des plus limitées sur l'évolution de la dette publique , d'autant que celle-ci montre une grande sensibilité au taux de progression de la dépense publique, et donc au respect des cibles d'économies fixées (cf. supra ), ainsi qu'aux variations conjoncturelles, comme le font apparaître les projections proposées dans les développements qui suivent.

Quelles peuvent être les conséquences d'un niveau d'endettement élevé, proche de 100 % du PIB ? Des travaux économiques, ayant eu une résonnance particulièrement importante, avaient laissé entendre que lorsque la part de la dette publique d'un pays excédait 90 % du PIB, ses performances économiques s'en trouvaient affectées 100 ( * ) . Toutefois, une récente étude réalisée par des économistes du Fonds monétaire international (FMI) 101 ( * ) propose des résultats notablement différents. Ainsi, cette dernière montre que l'existence d'effets de la dette publique sur la croissance économique au-delà d'un certain seuil n'est pas établie . Elle indique, néanmoins, que la trajectoire de la dette importe autant que son niveau : les pays présentant un niveau d'endettement élevé mais dont la dette est en diminution afficheraient des performances économiques similaires à ceux dont le niveau d'endettement est faible.

Par suite, les incidences du niveau d'endettement sur la croissance semblent être ambiguës - même si, chacune à leur manière, les deux études précitées font apparaître qu'une maîtrise de la dette publique est plus favorable à l'activité économique.

Pour autant, il convient de relever que ces mêmes travaux s'appuient sur des séries historiques ; aussi ne sont-ils pas pleinement en mesure de restituer les effets de la « financiarisation » de la dette publique, dorénavant en large partie détenue par des agents financiers ; ce phénomène transparaît à travers l'évolution de la part des non-résidents parmi les détenteurs de titres de dette, qui s'élevait à près de 64 % en juin 2014. Or, l'expérience de la crise de la dette dans la zone euro a montré à quel point les réactions des marchés pouvaient être brutales et s'accompagner d'importantes hausses des primes de risques, ou spreads . Par suite, parce qu'il renforce l'exposition d'un pays à l'apparition de tensions sur sa dette publique, un haut niveau d'endettement est susceptible d'affecter sensiblement l'activité économique .

Quoi qu'il en soit, un niveau élevé de dette publique expose à un accroissement rapide de la charge de la dette en cas de remontée des taux d'intérêt . À cet égard, dans le cas de la France, il ne saurait être exclu que survienne, à relativement brève échéance, une remontée des taux d'intérêt en raison, d'une part, du resserrement de la politique monétaire américaine et, d'autre part, de l' atonie de la conjoncture économique , qui encourage généralement une hausse de la prime de risque sur les titres souverains.

Par suite, il paraît nécessaire d'accroître notre maîtrise tant sur le niveau que sur l'évolution de la dette publique , de manière à mettre fin au gonflement continu observé au cours des dernières années et qui fragilise aussi bien la situation budgétaire de la France que sa position économique. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur souhaite proposer la création d'un mécanisme de « frein à la dette » , qui contraindrait le Gouvernement, si le niveau de la dette publique venait à excéder 100 % du PIB, à présenter des mesures permettant de porter le solde effectif à un niveau supérieur au solde stabilisant le ratio d'endettement public au cours des exercices ultérieurs. Un tel mécanisme viendrait utilement compléter les règles existantes, qui concernent principalement l'évolution du solde structurel et du solde effectif.

Graphique n° 45 : Évolution de la dette publique de la France (1998-2014)

* Au quatrième trimestre, le PIB utilisé pour exprimer la dette en point de PIB est le PIB annuel en données brutes. Cette mesure n'a pas de strict équivalent en cours d'année : elle est approximée par le cumul du PIB trimestriel en données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables (CVS-CJO) sur les quatre derniers trimestres connus.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Graphique n° 46 : Comparaison des différentes trajectoires d'évolution de la dette publique présentées par le Gouvernement entre 2012 et 2014

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)


* 100 C. Reinhart et K. Rogoff, « Growth in a Time of Debt », NBER Working Paper 15639 , 2010.

* 101 A. Pescatori, D. Sandri et John Simon, « Debt and Growth: Is There a Magic Threshold? », IMF Working Paper WP/14/34 , 2014.

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