CHAPITRE II - L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES SUR LA PÉRIODE 2014-2017

ARTICLE 7 - Objectifs d'évolution de la dépense publique des sous-secteurs des administrations publiques

Commentaire : le présent article fixe les objectifs d'évolution de la dépense publique des différents sous-secteurs des administrations publiques.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article arrête les objectifs d'évolution de la dépense publique, déclinés par sous-secteur des administrations publiques, pour la période 2015-2017 . Ces objectifs sont repris dans le tableau ci-après.

Objectifs d'évolution de la dépense publique des sous-secteurs des administrations publiques

(taux de croissance des dépenses publiques en valeur, hors crédits d'impôts)

2014

2015

2016

2017

Administrations publiques, hors crédits d'impôts, dont :

1,4

1,1

1,9

1,8

Administrations publiques centrales (APUC)

0,4

0,3

0,8

0,4

Administrations publiques locales (APUL)

1,2

0,3

1,8

1,9

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

2,3

0,8

2,1

2,3

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de nos collègues députés Karine Berger, Alexis Bachelay, Yann Galut et Valérie Rabault, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement tendant à ce que le tableau figurant dans le présent article face apparaître l'objectif d'évolution de la dépense publique tenant compte des crédits d'impôts - suivant une logique similaire à celle retenue pour l'article 5 du présent projet de loi -, en particulier pour ce qui est des administrations publiques centrales (APUC). Aussi, à la suite de cette modification, ce tableau se présente-t-il désormais comme celui présenté ci-après.

Objectifs d'évolution de la dépense publique des sous-secteurs des administrations publiques

(taux de croissance des dépenses publiques en valeur, hors crédits d'impôts)

2014

2015

2016

2017

Administrations publiques, hors crédits d'impôts

1,4

1,1

1,9

1,8

Administrations publiques, y.c. crédits d'impôts

2,3

1,6

2,0

2,0

Administrations publiques centrales (APUC)

0,4

0,3

0,8

0,4

Administrations publiques centrales (APUC), y.c. crédits d'impôts

2,6

1,4

1,1

0,8

Administrations publiques locales (APUL)

1,2

0,3

1,8

1,9

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

2,3

0,8

2,1

2,3

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le choix de faire figurer, dans la loi de programmation des finances publiques, des objectifs pluriannuels d'évolution des dépenses pour chacun des sous-secteurs des administrations publiques constitue, à n'en pas douter, une initiative louable. Dès lors que le redressement des comptes publics implique la pleine mobilisation de l'ensemble des administrations, il est en effet nécessaire que chacune d'elles connaisse la trajectoire prévisionnelle de ses dépenses - tout en renforçant la lisibilité de la répartition des efforts demandés.

Croissance de la dépense publique (hors crédits d'impôts)

(variation en %)

2013

2014

2015

2016

2017

Moyenne 2015-2017

Taux de croissance de la dépense en valeur

2,0

1,4

1,1

1,9*

1,8

1,6

Administrations publiques centrales (APUC)

-

0,4

0,3

0,8

0,4

0,5

Administrations publiques locales (APUL)

-

1,2

0,3

1,8

1,9

1,3

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

-

2,3

0,8

2,1

2,3

1,7

Taux de croissance de la dépense en volume

1,3

0,9

0,2

0,5*

0,0

0,2

Inflation hors tabac

0,7

0,5

0,9

1,4

1 ¾

1,4

* Dans le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, le Gouvernement précise que l'année 2016 sera marquée par des dépenses exceptionnelles liées, notamment, à un ressaut du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne et aux remises de dette aux États étrangers.

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)

Malgré tout, à travers le programme de 50 milliards d'euros d'économies projeté par le Gouvernement au cours de la période 2015-2017, il est prévu un fort ralentissement de la dépense publique tant en valeur qu'en volume entre 2015 et 2017. Comme le montre le tableau ci-avant, le taux de croissance de la dépense publique serait ramené en moyenne à 1,6 % en valeur et à 0,2 % en volume au cours de cette période. Ceci marquerait une rupture majeure dans la trajectoire d'évolution des dépenses publiques observée au cours des derniers exercices.

Toutefois, les informations communiquées jusqu'à présent peinent à assurer la crédibilité des économies annoncées . En effet, à ce jour, celles-ci demeurent peu documentées et reposent même, parfois, sur des hypothèses fragiles. Pour ces raisons, le présent article a été supprimé.

Décision de votre commission : votre commission a supprimé le présent article.

ARTICLE 8 - Normes de dépenses de l'État

Commentaire : le présent article prévoit que les crédits du budget général, les prélèvements sur recettes et les taxes affectées plafonnées n'évolueront pas plus vite que l'inflation pour chacune des années entre 2015 et 2017 (norme « zéro volume »). Sur un périmètre plus restreint (norme « zéro valeur ») est prévue une baisse des dépenses en valeur.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN ÉLARGISSEMENT PROGRESSIF DU PÉRIMÈTRE DE LA NORME HORS CHARGES DE PENSIONS ET DE LA DETTE

Une norme de dépenses est une prévision d'évolution des dépenses au respect de laquelle le Gouvernement s'astreint.

Pour avoir un effet disciplinant efficace, l'agrégat sur lequel porte la norme de dépenses doit être le plus complet possible : dans le cas contraire, un respect apparent de la norme pourrait être assuré malgré des dépenses globales effectives qui lui seraient supérieures.

La norme de dépense a d'abord été élargie en 2008 . N'étant alors qu'une norme d'évolution en volume des dépenses du budget général de l'État, elle intègre à partir de la loi de finances pour 2008 125 ( * ) :

- les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l'Union européenne ;

- certaines créations ou modifications d'affection de recettes , pour un montant de 124 millions d'euros.

Les budgets triennaux 2009-2011 126 ( * ) et 2011-2013 127 ( * ) ont été établis sur la base de ce périmètre élargi. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a par ailleurs prévu que les dépenses comprises dans ce périmètre n'évolueraient plus comme l'inflation mais seraient stabilisées en valeur (« norme zéro valeur », cf. infra ).

La loi de programmation des finances publiques 2012-2017 128 ( * ) a apporté quelques changements . Sont désormais inclus dans la norme de dépenses :

- les prélèvements établis en compensation de la réforme de la taxe professionnelle (TP) ;

- le stock (et non plus seulement le flux) des contributions et taxes affectées à des tiers et faisant l'objet d'un plafonnement limitatif à l'article 46 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, pour un montant de 4,5 milliards d'euros en 2013.

L'évolution des dépenses de l'État obéit aujourd'hui à une norme de progression « zéro valeur » qui englobe :

- les dépenses nettes 129 ( * ) du budget général ;

- les prélèvements sur recettes au bénéfice des collectivités territoriales et de l'Union européenne ;

- les taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale et qui font l'objet d'un plafonnement prévu à l'article 46 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

B. LA DOUBLE NORME DE DÉPENSES : « ZÉRO VOLUME » ET « ZÉRO VALEUR »

Si des normes d'évolution des dépenses de l'État ont été introduites dès le début des années 2000 130 ( * ) , c'est la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014 131 ( * ) qui a mis en place la double norme de dépenses aujourd'hui appliquée :

- d'une part, les dépenses du budget général de l'État et les prélèvements sur recettes, hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État , doivent être stabilisés en valeur à périmètre constant 132 ( * ) : c'est la norme « zéro valeur » ;

- d'autre part, la progression annuelle des crédits du budget général de l'État et des prélèvements sur recettes, y compris charge de la dette et dépenses de pension , doit être, à périmètre constant, au plus égale à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation : c'est la norme « zéro volume » ;

L'introduction par la loi de programmation pour 2011-2014 de cette double norme permet d'éviter que d'éventuelles économies constatées sur la charge de la dette ou les pensions ne soient utilisées pour financer des dépenses nouvelles qui relèvent désormais de la norme « zéro valeur ».

C. LES DÉPENSES EXCLUES DES NORMES DE DÉPENSES

1. L'exclusion des dépenses exceptionnelles

Les dépenses considérées comme exceptionnelles ne sont pas prises en compte dans la norme de dépenses . En 2013, ont ainsi été exclues du calcul visant à apprécier le respect de la norme :

- la dotation au Mécanisme européen de stabilité (MES), pour un montant de 6,5 milliards d'euros ;

- la participation à l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement (BEI), pour un montant de 1,6 milliard d'euros ;

- une augmentation exceptionnelle du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE), correspondant aux budgets communautaires rectificatifs n° 2 et n° 8 de 2013, pour un montant de 1,79 milliard d'euros. Ces versements correspondaient à des crédits de paiement inscrits dans le cadre financier pluriannuel européen 2007-2013 133 ( * ) mais retardés à la suite d'une décision de novembre 2010.

En 2014, les dotations au MES et à la BEI ont également été exclues de la norme, de même que le deuxième programme des investissements d'avenir (PIA) pour un montant de 12 milliards d'euros.

2. L'exclusion de certains comptes d'affectation spéciale

L'exclusion de certains comptes d'affectation spéciale (CAS) dont les dépenses ne présentent pas de différence de nature avec celles du budget général fait l'objet d'interrogations de la part de la Cour des comptes 134 ( * ) . Il s'agit d'une fraction des dépenses de gestion du patrimoine immobilier de l'État, des dépenses du CAS « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » pour la norme « zéro valeur » d'une part, de la variation du solde du CAS « Pensions » correspondant à son fonds de roulement pour la norme « zéro volume » d'autre part.

a. Le CAS « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » et la norme « zéro valeur »

Les ressources du CAS « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » proviennent de la vente de fréquences hertziennes détenues par le ministère de la défense. Sans évoquer ici leur caractère pour le moins incertain, elles complètent explicitement les crédits de la mission « Défense » : ainsi le projet de loi de finances pour 2015 précise que « le financement des investissements militaires par le budget général sera complété, en 2015, par des ressources exceptionnelles supplémentaires (cessions de fréquences hertziennes) ».

Même si les recettes du CAS hertzien ont un caractère exceptionnel, les dépenses du budget général qu'elles financent, n'ayant pas un caractère exceptionnel, pourraient être réintroduites dans la norme de dépenses « zéro valeur » .

b. La variation du fonds de roulement du CAS « Pensions » et la norme « zéro volume »

Comme l'avait déjà observé notre collègue Francis Delattre lors de son contrôle budgétaire dédié à ce CAS 135 ( * ) , des prélèvements sur le fonds de roulement (ou solde cumulé) du compte ont été opérés pour combler le déficit entre les recettes et les dépenses du CAS au cours de l'exercice, en 2011 et en 2012. En revanche, le solde de 210 millions d'euros du CAS « Pensions » enregistré en fin d'année 2013 a permis d'atteindre un solde cumulé du compte proche de 1 milliard d'euros (987 millions d'euros).

La principale ressource du CAS « Pensions » correspond aux contributions des employeurs, inscrites aux budgets des missions en dépenses de personnel relevant des pensions (« titre 2 CAS »), dans le champ de la norme « zéro volume ». Les prélèvements ou les versements sur la trésorerie du CAS « Pensions » tendent donc à modifier le respect de la norme « zéro volume », en se substituant, le cas échéant, aux contributions employeurs pour assurer l'équilibre des comptes du CAS . Les variations du fonds de roulement pourraient, dès lors, être prises en compte dans le calcul du respect de la norme « zéro volume ».

D. INFLATION ET RESPECT DE LA NORME

1. Les effets d'un « choc d'inflation » positif ou négatif sur les dépenses de l'État

L'écart entre l'inflation anticipée et l'inflation observée peut donner plus ou moins de marge de manoeuvre au Gouvernement. L'inflation prévue est celle qui sert de base à la budgétisation et à l'ouverture des crédits budgétaires. Or la dépense publique ne s'ajuste pas mécaniquement à la baisse ou à la hausse de l'inflation : « l'impact est partiel et produit ses effets avec retard 136 ( * ) ». Si certaines dépenses sont réduites en cas de baisse de l'inflation, comme la charge de la dette indexée sur l'inflation (facilitant le respect de la norme « zéro volume »), une inflation plus faible que prévu est en revanche sans effet sur les prestations dont la progression a été gelée 137 ( * ) ou la rémunération des fonctionnaires en raison de la stabilisation du point d'indice de la fonction publique.

Ainsi, dans le cas où l'inflation observée a posteriori est plus faible que l'inflation estimée a priori , les dépenses vont avoir tendance à augmenter plus vite que l'inflation, rendant plus difficile le respect de la norme de dépenses « zéro valeur ».

A l'inverse, si l'inflation observée est supérieure aux anticipations, la dépense publique ne s'ajustera pas immédiatement à la hausse et progressera plutôt moins vite que l'inflation, facilitant le respect de la norme de dépenses en valeur. Toutefois la charge de la dette indexée aura tendance à augmenter (rendant plus difficile le respect de la norme en volume). En outre, une hausse de l'inflation non anticipée produira ses effets sur les autres dépenses dès l'année suivante via l'indexation d'un certain nombre de dépenses, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, qui prévoient un « rattrapage » en fonction de l'écart d'inflation constaté l'année précédente. Il s'agit par exemple des pensions des fonctionnaires de l'État quand leur progression n'a pas été gelée, de la dotation globale de fonctionnement versée par l'État aux collectivités territoriales et, de manière plus marginale, d'autres dotations et allocations indexées sur l'inflation (notamment certaines prestations sociales).

2. L'application de la norme de dépense la plus contraignante

Afin de s'assurer qu'une inflation plus faible ou plus forte que les prévisions initiales ne permettra pas de contourner en partie les normes de dépenses, le rapport annexé au présent projet de loi 138 ( * ) précise que : « Pour chaque année de la programmation, ces deux règles sont respectées, ce qui conduit en réalité à faire systématiquement application de la plus contraignante ».

Ainsi, en cas d'inflation modérée , susceptible de dégager des marges de manoeuvre sur la charge de la dette, l'application de la norme « zéro valeur » interdira tout redéploiement et aboutira à une diminution de la dépense globale en volume ;

A contrario , en cas de forte inflation et de hausse corrélative de la charge de la dette et des pensions, il conviendra de comprimer les dépenses hors dette et pensions , et donc de les faire diminuer en valeur, pour tenir l'objectif global de stabilisation en euros constants.

L'application de la norme de dépenses la plus contraignante selon l'inflation constatée

Inflation plus faible en exécution qu'en prévision

Inflation plus forte en exécution qu'en prévision

Norme « zéro valeur »

Les dépenses du budget général et les prélèvements sur recettes (PSR) ne s'ajustent que partiellement à la baisse de l'inflation : progression tendancielle plus rapide que l'inflation

Les dépenses du budget général et les prélèvements sur recettes ne s'ajustent que partiellement à la hausse de l'inflation : progression tendancielle moins rapide que l'inflation

Norme « zéro volume »

La charge de la dette indexée sur l'inflation tend à diminuer

Les dépenses de pension progressent plus lentement du fait d'une moindre revalorisation

La charge de la dette indexée sur l'inflation tend à augmenter

Les dépenses de pension progressent plus vite du fait d'une revalorisation plus importante que prévu (avec rattrapage a posteriori de l'écart entre la prévision et l'estimation)

Norme la plus contraignante

Norme « zéro valeur » : maîtrise des dépenses du budget général et des PSR.

Norme « zéro volume » : compression de la charge de la dette et des dépenses de pension.

Source : commission des finances du Sénat

N.B. : on suppose ici que les pensions des fonctionnaires sont indexées sur l'inflation, ce qui est le cas 139 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UN OBJECTIF DE STABILISATION EN VOLUME

Le présent article prévoit une stabilisation en volume à 372,95 milliards d'euros des dépenses de l'État , hors remboursements et dégrèvements, des prélèvements sur recettes et des plafonds des taxes affectées mentionnées à l'article 46 de la loi de finances pour 2012.

Ce montant est exprimé en euros constants 2014 et fera l'objet d'une actualisation annuelle en fonction de la prévision d'inflation 140 ( * ) associée au projet de loi de finances de l'année.

B. UNE TRAJECTOIRE DE BAISSE EN VALEUR D'ENVIRON 7 MILLIARDS D'EUROS

Hors charge de la dette et hors dépenses de pension des fonctionnaires (contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions »), l'agrégat doit diminuer en valeur de 2015 à 2017 d'environ 7 milliards d'euros.

Il passerait de 282,81 milliards d'euros en 2015 à 280,65 milliards d'euros en 2016, puis à 275,48 milliards d'euros en 2017 (voir tableau ci-dessous).

L'évolution des dépenses de l'État de 2015 à 2017 en milliards d'euros - la double norme « zéro valeur » et « zéro volume »

-7,33 milliards d'euros

Source : commission des finances du Sénat à partir de la LPFP 2014-2019

N.B. : l'hypothèse d'inflation retenue pour la période 2015-2017 est celle de la loi de programmation, soit 0,9 % en 2015, 1,4 % en 2016 et 1,75 % en 2017.

***

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que l'existence d'une double norme constitue un outil de pilotage efficace de l'évolution des dépenses de l'État , bien que cette norme soit incomplète et parfois contournée . À cet égard, on rappellera que le Gouvernement a, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, écarté certaines opérations du calcul de la norme de dépense, pour un montant d'environ 1,7 milliard d'euros au seul titre des transferts de fiscalité aux collectivités territoriales, et ce, de manière difficilement justifiable au regard de la charte de budgétisation qu'il a lui-même établie.

Il convient par ailleurs de souligner que l'exclusion d'éléments au titre de leur caractère « exceptionnel » ne semble pas toujours justifiée et fait l'objet d'interrogations marquées et récurrentes de la Cour des comptes 141 ( * ) . En effet, cette notion ne figure dans aucun texte budgétaire normatif. Au surplus, son interprétation est sujette à caution : par exemple, la dotation au MES, qui est effectuée de façon annuelle depuis 2012, peut difficilement être qualifiée d'exceptionnelle dans la mesure où elle est prévisible, les autorisations d'engagement qui fondent les crédits de paiement décaissés en 2013 et 2014 ayant été prévues dans leur intégralité dès 2012. De même, l'exclusion de la norme de dépenses d'une partie des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne en 2013 pose question dans la mesure où, même si ce prélèvement solde des opérations antérieures à l'exercice 2013, il a malgré tout un impact sur le niveau des dépenses budgétaires et donc sur l'endettement. Comme l'observe la Cour des comptes 142 ( * ) , « au-delà des arguments présentés par le ministère du budget, c'est bien en réalité l'incapacité à absorber des dépenses aussi significatives dans la norme qui motive leur classement en ? dépenses exceptionnelles ? ».

Quant à la trajectoire budgétaire proposée par le présent article, votre rapporteur considère que les économies qu'elle propose sont à la fois insuffisantes et insuffisamment documentées . Il relève en particulier le dynamisme de certaines dépenses de « guichet » que le gel des prestations correspondantes ne saurait suffire à contenir dans un contexte de faible inflation, et pour lesquelles aucune réforme d'ampleur n'est mise en oeuvre.

Aussi, sur la proposition de votre rapporteur, la commission a supprimé le présent article.

Décision de votre commission : votre commission a supprimé cet article.

ARTICLE 9 - Stabilisation des effectifs de l'État et de ses opérateurs

Commentaire : le présent article prévoit que le plafond global des autorisations d'emplois de l'État et de ses opérateurs tel qu'il résulte de la loi de finances pour 2015 est stabilisé sur la période de programmation, soit de 2015 à 2019.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à stabiliser les effectifs non seulement de l'État, mais aussi de ses opérateurs , sur la période de programmation, au niveau autorisé par la loi de finances pour 2015. Il reprend les dispositions de l'article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Aucun chiffre d'effectif n'est donné : les variations de périmètre du budget général et des budgets annexes impliquent en effet des retraitements chaque année pour être en mesure d'effectuer des comparaisons sur un agrégat constat. Par ailleurs, cette stabilisation s'entend sur l'ensemble de la période de programmation. Avant ce terme, le solde des créations et des suppressions d'emplois par rapport aux années antérieures peut être temporairement positif ou négatif.

Le tableau ci-dessous récapitule l'évolution du plafond d'emplois du budget général de l'État depuis 2008.

Évolution annuelle du plafond d'emplois du budget général de l'État de 2008 à 2015

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires et des réponses au questionnaire du rapporteur.

N.B. : Un ETPT est un emploi équivalent temps plein travaillé.

En 2015, les effectifs de l'État 143 ( * ) devraient s'élever à 1 903 238 ETPT 144 ( * ) , en baisse de 1 278 EPTP et ceux des opérateurs, à 397 664 ETP.

L'inclusion des opérateurs dans la norme d'évolution des emplois est une novation issue de la précédente loi de programmation pour les années 2012-2017 et se justifie par le dynamisme des dépenses de personnel des opérateurs de l'État. En effet, comme le souligne le récent rapport de l'inspection générale des finances portant sur les agences de l'État 145 ( * ) , « concernant les effectifs et les masses salariales des agences, leur croissance apparaît significativement plus rapide que celle de l'État. Par exemple, les effectifs des opérateurs sont passés de 417 296 à 442 830 agents entre 2007 et 2012, soit une augmentation globale de + 6,1 %. Sur la même période, les effectifs de l'État ont à l'inverse décru d'environ - 6 % ».

***

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que la stabilisation des effectifs n'est pas suffisante.

Les dépenses de personnel du budget général de l'État représentent 121 milliards d'euros 146 ( * ) pour 2015, soit plus d'un tiers des dépenses de l'État. Il s'agit donc d'un levier majeur pour réaliser des économies pérennes et permettre à terme de réduire l'endettement.

Le Gouvernement fait preuve d'un attachement dogmatique au maintien des effectifs de la fonction publique. Celui-ci conduit nécessairement à réduire les perspectives salariales des fonctionnaires : dans un contexte où la masse salariale doit être maîtrisée, l'absence de suppressions de postes se traduit par une stagnation des traitements des fonctionnaires et de leur pouvoir d'achat, avec le gel du point d'indice et la réduction des enveloppes de mesures catégorielles 147 ( * ) .

De tels ajustements sur les salaires sont certes douloureux pour les fonctionnaires ; ils ne suffisent pas, en outre, à assurer une maîtrise pérenne de la masse salariale. Comme le souligne la Cour des comptes, « dans le contexte nouveau d'une stabilisation des effectifs, les mesures salariales déjà mobilisées pourraient se révéler insuffisantes pour maintenir la stabilisation en valeur de la masse salariale. Les risques identifiés dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2013 se sont matérialisés et pourraient se prolonger en 2014, en particulier les moindres départs en retraite qui compliquent la réalisation du schéma d'emplois, les dépassements de la mission Défense et le dynamisme des ?mesures diverses? ».

Non seulement les salaires stagnent, mais ils se tassent : l'essentiel des mesures catégorielles est concentré sur les bas salaires (catégorie C) tandis que les catégories A et B ne voient pas leurs rémunérations évoluer dans les mêmes proportions. À cet égard, on relèvera la déclaration du Premier ministre, à l'occasion de l'installation du conseil national des services publics, le 9 octobre dernier, alertant sur les conséquences d'une situation que l'actuelle majorité a pourtant largement contribué à créer : « Nous proposons d'ouvrir un vaste chantier sur plusieurs années de revalorisation des grilles indiciaires des fonctionnaires. Il nous faut répondre au très fort tassement des amplitudes de rémunération depuis 20 ans. Si rien ne change, en 2017, un cadre de catégorie A débutera sa carrière au SMIC soit au même niveau qu'un agent de catégorie C ».

Ces éléments conduisent à poser la question de l'attractivité de la fonction publique, même dans un contexte de taux de chômage record : elle est, de l'aveu de la ministre de la santé Marylise Lebranchu, un « problème » 148 ( * ) . Les postes créés dans l'Éducation nationale peinent à être pourvus : la politique du Gouvernement « se mord la queue » et à trop vouloir préserver les effectifs, c'est la qualité de l'emploi public qui en pâtit. De nombreux rapports soulignent d'ailleurs la nécessité d'une rénovation des pratiques managériales au sein des ministères 149 ( * ) : au-delà d'une crispation gouvernementale sur le nombre de fonctionnaires qu'il s'agirait de préserver à tout prix, c'est plutôt leurs missions et le contexte dans lequel ils sont amenés à les remplir qu'il faut repenser, en ne s'interdisant pas de réfléchir sur des sujets tels que le temps de travail des fonctionnaires, l'absentéisme, la culture du résultat.

Sur la proposition de votre rapporteur, votre commission a donc amendé cet article en considérant que la stabilisation des effectifs ne doit pas être un objectif en soi, mais un plafond qu'il s'agit de ne pas dépasser. Cette modification n'empêche certes pas le Gouvernement de poursuivre dans la voie qu'il a choisie, dont votre rapporteur conteste le bien-fondé dans le contexte budgétaire actuel, mais le « libère » d'un dogme pour l'avenir.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 - Objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et objectif national de dépenses d'assurance maladie

Commentaire : le présent article encadre l'évolution, au cours de la période 2015-2017, des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 8 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 avait introduit deux nouveaux outils de pilotage des dépenses de sécurité sociale en définissant une trajectoire pluriannuelle, en montants, de l' objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et de l' objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) 150 ( * ) . L'inscription de ces derniers dans les lois de programmation des finances publiques constitue désormais une exigence de l'article 2 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Ces deux objectifs permettent d' inscrire pleinement les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) dans la programmation des finances publiques . En effet, conformément à l'article L.O. 111-3 du code la sécurité sociale, les lois de financement fixent les objectifs de dépenses, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base. À cet égard, il convient de rappeler que le périmètre des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) diffère sensiblement de celui, plus large, des administrations de sécurité sociale (ASSO) au sens de la comptabilité nationale , qui intègre également les régimes complémentaires obligatoires, le régime d'indemnisation chômage, les fonds participant au financement des organismes de sécurité sociale, etc. En application de l'article 2 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale 151 ( * ) (LOLFSS), « tous les trois ans, le Gouvernement adresse au Parlement, en même temps que le projet de loi de financement de l'année, un document présentant la liste des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ». Le dernier document triennal est annexé au projet de loi de financement pour l'année 2015.

Instauré en 1996, l' objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) joue, quant à lui, un rôle particulier. Cet objectif, qui comprend notamment les dépenses inhérentes aux soins de ville, aux établissements de santé ou encore aux établissements et services médico-sociaux, représente le montant prévisionnel des dépenses de l'assurance maladie. Il est voté chaque année par le Parlement dans le cadre des LFSS. Le taux d'évolution étant, par définition, inférieur à la croissance tendancielle des dépenses d'assurance maladie, des mesures nouvelles d'économies sont proposées chaque année afin d'assurer le respect de l'ONDAM . En outre, la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie 152 ( * ) a introduit dans le code de la sécurité sociale un article L. 114-4-1 créant un « Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie [...] chargé d'alerter le Parlement, le Gouvernement, les caisses nationales d'assurance maladie et l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire en cas d'évolution des dépenses d'assurance maladie incompatible avec le respect de [l'ONDAM] ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit, à périmètre constant, les montants que ne peuvent excéder l' objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et l' objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour les années 2015 à 2017. Aussi, pour cette période, vient-il modifier la trajectoire qui avait été arrêtée par la loi de programmation des finances publiques 2012-2017.

S'agissant des dépenses des ROBSS, le « point d'arrivée » en 2017 est inférieur à celui qui figurait dans la loi de programmation des finances publiques 2012-2017, d'une part, en raison de données d'exécution favorables au titre des années passées et, d'autre part, d' un infléchissement du rythme prévisionnel de progression de ces dépenses .

Objectif de dépenses des régimes obligatoires de base (ROBSS)

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

LPFP 2012-2017

454,7

469,9

484,6

499,6

514,8

531,0

LPFP 2014-2019

476,6

486,8

498,3

Sources : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Il en va de même pour l' objectif national de dépenses d'assurance maladie ( ONDAM) dont le niveau et le rythme d'évolution sont également abaissés au bénéfice, notamment, d'une sous-consommation des dépenses entrant dans le champ de celui-ci lors des derniers exercices. Alors que la précédente loi de programmation des finances publiques prévoyait une évolution moyenne de l'ONDAM de 2,5 % par an entre 2015 et 2017, ce taux est ramené à 2 % par le présent projet de loi .

Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM)

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

LPFP 2012-2017

170,8

175,4

180,0

184,5

189,1

193,8

LPFP 2014-2019

182,3

186,0

189,5

Sources : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

*

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Dans son principe, la démarche consistant à définir une trajectoire pluriannuelle de l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) - initiée par le troisième gouvernement dirigé par François Fillon - paraît, à bien des égards, indispensable. En effet, les dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale représentaient 462,9 milliards d'euros en 2013 selon les données relatives à l'exécution contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, soit une part substantielle des dépenses des administrations publiques . Aussi les dépenses relevant des lois de financement de la sécurité sociale ne pouvaient-elles pas rester à l'écart de la programmation pluriannuelle des finances publiques, sauf à ôter toute utilité à cette dernière.

Par ailleurs, il faut rappeler que les administrations de sécurité sociale porteraient une large part du programme de 50 milliards d'euros d'économies annoncé par le Gouvernement pour la période 2015-2017. Ainsi, l'annexe au présent projet de loi annonce 10 milliards d'euros d'économies sur les dépenses de protection sociale hors assurance maladie , devant reposer sur la réforme des retraites, adoptée en 2013, celle de l'assurance chômage, intervenue au premier semestre de cette année, ou encore celle de la politique familiale. En outre, 10 milliards d'euros d'économies interviendraient sur les seules dépenses relevant de l'ONDAM . Pour cela, le Gouvernement souhaite ramener le taux d'évolution en valeur de l'ONDAM à environ 2 % par an en moyenne entre 2015 et 2017.

Le tableau ci-après permet d'illustrer la « mécanique » selon laquelle les 10 milliards d'euros d'économies doivent être réalisés dans le domaine de l'assurance maladie. Le Gouvernement estime que les dépenses relevant de l'ONDAM affichent un tendanciel de croissance de 3,9 % par an . Aussi, afin d'abaisser le taux effectif d'évolution, il est nécessaire de réaliser un certain montant d'économies chaque année - qui figurent dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale sous la notion de mesures nouvelles d'économies. Il apparaît donc que près de 3,5 milliards d'euros d'économies devraient être réalisées en moyenne entre 2015 et 2017, de manière à respecter les cibles d'évolution de l'ONDAM présentées dans le présent article.

Évolution prévisionnelle de l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie (ONDAM) et économies sous-jacentes

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

ONDAM

(évolution en %)

178,3
(+ 2,6 %)

182,3
(+ 2,1 %*)

186,0
(+ 2,0 %)

189,5
(+ 1,9 %)

Montant des économies à réaliser**

-

3,2

3,4

3,8

* L'ONDAM prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 est en progression de 2,1 %, après prise en compte des changements de périmètre.

** Le montant des économies à réaliser est calculé sur la base du tendanciel de croissance des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM, qui était estimé à 3,9 % dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015. Pour l'année 2014, le montant des économies à réaliser correspond à celui estimé par le Gouvernement

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015)

De manière générale, comme pour les autres champs de la dépense publique, votre rapporteur estime que le rythme des économies proposé à travers les trajectoires des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est insuffisant pour garantir la soutenabilité à long terme des finances publiques et le respect des engagements européens de la France. Il y voit, encore une fois, la conséquence d'une absence de volonté de procéder à des réformes de structure devant permettre d'abaisser durablement l'accroissement tendanciel des dépenses des administrations publiques .

Le cas des dépenses d'assurance maladie est particulièrement illustratif de cet état de fait. Au bénéfice de la sous-exécution de l'ONDAM constatée au titre des années passées, le Gouvernement prévoit un ralentissement important de l'évolution des dépenses d'assurance maladie dans le cadre du présent article. À titre d'exemple, les dépenses dans le champ de l'ONDAM ont été inférieures de 1,7 milliard d'euros à la prévision en 2013 , progressant ainsi de 2,2 % par rapport à 2012. Cette sous-exécution était imputable aux soins de ville, pour 1,3 milliard d'euros, et aux établissements de santé, à hauteur de 0,4 milliard d'euros. Cependant, comme le souligne la Cour des comptes dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale 153 ( * ) , les « écarts en exécution croissants constatés dans le domaine des soins de ville ne sont pas principalement la conséquence d'une meilleure gestion ou d'un effort important . Ils sont avant tout expliqués par un effet de base et par différents erreurs ou biais de prévision, les uns structurels, les autres spécifiques à 2013 et qui pèsent particulièrement sur la prévision des indemnités journalières et du médicament » 154 ( * ) .

Ce constat tend à fragiliser la crédibilité du programme d'économies avancé par le Gouvernement au titre de la période 2015-2017 , qui repose, pour un cinquième, sur la maîtrise des dépenses relevant de l'ONDAM. En effet, rien ne garantit que les « effets d'aubaine » dont le Gouvernement a jusqu'à présent profité se répèteront à l'avenir. À cet égard, l'avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie du 7 octobre 2014 155 ( * ) relève que le respect de l'objectif pour 2014, révisé par la loi de financement rectificative du 8 août 2014 - afin de tenir compte de la sous-exécution estimée de l'ONDAM en 2013 -, reposerait en particulier sur la mobilisation des crédits mis en réserve. Ceci semble bien démontrer qu'en dehors des évolutions opportunes des dépenses de santé, qui ne découlent généralement pas des efforts de gestion déployés, les marges de manoeuvre sont en réalité limitées . Aussi votre rapporteur y voit-il encore la marque d'une gestion budgétaire qui relève essentiellement du « bricolage », assise sur des économies qui n'en sont fondamentalement pas et sur la mobilisation de dispositifs de mise en réserve des crédits.

Pour autant, il est peu probable que le Gouvernement puisse continuer à faire l'économie d'une réflexion approfondie afin d'infléchir durablement l'évolution des dépenses publiques en général, et les dépenses de sécurité sociale en particulier . À ce titre, l'avis précité du Comité d'alerte a rappelé que « le taux de progression de l'ONDAM prévu pour 2015 s'inscrit dans le cadre de la programmation pluriannuelle de 2 % en moyenne sur la période 2015-2017 fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques et soulign[é] que des réformes structurelles sont nécessaires pour infléchir durablement l'évolution des dépenses d'assurance maladie ».

Dans ces conditions, eu égard à la crédibilité insuffisante des mesures annoncées à ce jour par le Gouvernement afin de respecter les objectifs qu'il fixe dans le présent article, celui-ci a été supprimé.

Décision de votre commission : votre commission a supprimé le présent article.

ARTICLE 11 - Instauration d'un objectif d'évolution de la dépense publique locale

Commentaire : le présent article institue un objectif, non contraignant, d'évolution des dépenses des collectivités territoriales.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN SUIVI COMMUNAUTAIRE DES FINANCES DE L'ENSEMBLE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

La mise en place de l'euro a impliqué la création de mécanismes communautaires de discipline budgétaire , afin d'améliorer la coordination des politiques nationales et d'éviter que les comportements peu rigoureux d'un État ne pèsent sur ses partenaires, partageant désormais une même monnaie.

Ces règles ont pris la forme des critères de convergence fixés dans le traité de Maastricht, précisés par le « pacte de stabilité et de croissance » adopté au Conseil européen d'Amsterdam en juin 1997 et complétés par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) entré en vigueur le 1 er janvier 2013.

Elles prennent en considération le déficit et la dette des administrations publiques dans leur ensemble (« toutes APU »), c'est-à-dire de l'État et des organismes qui y sont rattachés, des administrations de sécurité sociale, mais aussi des collectivités territoriales.

B. UNE PRÉSENCE LIMITÉE DES FINANCES LOCALES DANS LES LOIS DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

1. Une présence limitée dans le dispositif des lois de programmation

Conformément à ce suivi global des finances publiques, les finances locales n'étaient pas absentes des précédentes lois de programmation, mais leur présence était toutefois limitée , surtout si on la compare à celle des autres sous-secteurs.

Ainsi, le chapitre II de la loi de programmation pour les années 2012 à 2017 156 ( * ) , actuellement en vigueur, consacré à « l'évolution des dépenses publiques sur la période 2012-2017 », fixe les normes annuelles d'évolution des dépenses de l'État (article 6) et de ses opérateurs (article 8), prévoit la stabilisation de leurs effectifs (article 7) et fixe des normes annuelles d'évolution des dépenses de sécurité sociale (article 10).

Le pilotage des dépenses publiques

Les dépenses publiques dans leur ensemble sont pilotées au niveau des différents sous-secteurs.

Le pilotage des dépenses de l'État, assuré par la direction du budget, est ancien et précis et s'étend progressivement aux organismes divers d'administration centrale, notamment à travers l'encadrement des taxes affectées. Le pilotage des dépenses des organismes de sécurité sociale, à travers les lois de financement de la sécurité sociale et l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), est plus récent et moins contraignant. Enfin, le pilotage des dépenses des collectivités dans leur ensemble est à inventer.

S'agissant des collectivités territoriales, l'article 9 se contente de poser le principe de leur contribution à l'effort de redressement des finances publiques, « selon des modalités à l'élaboration desquelles elles sont associées ».

Les collectivités sont donc le seul sous-secteur dont les dépenses ne sont pas encadrées par une norme d'évolution, en application du principe constitutionnel de libre administration.

Elles sont néanmoins concernées par d'autres articles. L'article 2 du chapitre I er , relatif aux objectifs globaux des finances publiques contenait ainsi une décomposition par sous-secteur des prévisions d'évolution du solde public.

L'article 13, dans le chapitre III consacré à « L'évolution des dépenses de l'État », concerne les collectivités territoriales puisqu'il fixe l'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités 157 ( * ) .

Enfin, l'article 19 prévoit que le rapport du Gouvernement sur le bilan de la mise en oeuvre de la loi de programmation, transmis chaque année au Parlement, est soumis pour avis au comité des finances locales (CFL). C'est ainsi que le 25 juin 2013, le CFL a « pris acte » du bilan communiqué par le Gouvernement ; lors de sa séance du 1 er juillet dernier, il a en revanche estimé qu'il ne disposait pas de l'ensemble des informations nécessaires pour se prononcer.

2. Une prévision d'évolution des dépenses et des recettes dans le rapport annexé

Le rapport annexé à la loi de programmation pour 2012-2017 précitée présentait en revanche une prévision d'évolution annuelle des dépenses des administrations publiques locales, retracée dans le tableau ci-dessous :

Réalisation et prévisions d'évolution des dépenses des administrations publiques locales dans la loi de programmation des finances publiques 2012-2017

(évolution annuelle en volume)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Prévision

0,4 %

0,8 %

0,5 %

0,2 %

0,8 %

1,4 %

Réalisation

1,6 %

2,5 %

-

-

-

-

Source : Rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 - 2017 et Institut national de la statistique et des études économiques

S'agissant des recettes des collectivités, le rapport annexé prévoyait qu'elles évoluent « à un rythme un peu inférieur à l'activité [...] du fait notamment de la baisse des concours financiers de l'État 158 ( * ) ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA RÉAFFIRMATION DU PRINCIPE D'ASSOCIATION DES COLLECTIVITÉS À L'EFFORT DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Le I du présent article reprend les dispositions de l'article 9 de l'actuelle loi de programmation, en prévoyant que « les collectivités territoriales contribuent à l'effort de redressement des finances publiques selon des modalités à l'élaboration desquelles elles sont associées » .

B. LA MISE EN PLACE D'UN OBJECTIF D'ÉVOLUTION DES DÉPENSES LOCALES

1. La mise en place de l'objectif

Le II institue un objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel), sur le modèle de l'Ondam. Son contenu n'est pas nouveau, dans la mesure où le rapport annexé à la précédente loi de programmation comportait déjà une prévision d'évolution des dépenses locales, mais cette prévision se voit conférée une valeur d'objectif .

Il reprend en cela partiellement la proposition n° 48 du rapport Lambert-Malvy 159 ( * ) : « sans être prescriptif [...] identifier des objectifs nationaux d'évolution des dépenses des administrations locales ».

L'Odedel proposé par le Gouvernement est retracé dans le tableau ci-dessous.

Objectif d'évolution de la dépense publique locale

(évolution annuelle en valeur)

2014

2015

2016

2017

1,2 %

0,3 %

1,8 %

1,9 %

Source : Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 - 2019

Croisées avec les données de l'observatoire des finances locales pour 2013 et combinées aux prévisions d'évolution des dépenses de fonctionnement (cf. infra ), ces pourcentages d'évolution aboutissent à une augmentation des dépenses, en valeur, de 11,7 milliards d'euros en 2017 par rapport à 2013, répartis entre une hausse de 14,4 milliards d'euros des dépenses de fonctionnement et une diminution de 2,7 milliards d'euros des dépenses d'investissement .

Hypothèses d'évolution des dépenses locales 2013-2017
selon le Gouvernement

(en milliards d'euros ou en pourcentage d'évolution annuelle)

2013

2014

2015

2016

2017

2017/2013

Dépenses totales

Montant

220,8

223,4

224,1

228,2

232,5

+ 11,7

Évolution en valeur

-

+ 1,2 %

+ 0,3 %

+ 1,8 %

+ 1,9 %

+ 5,3 %

Dépenses de fonctionnement

Montant

162,5

166,9

169,9

173,6

176,9

+ 14,4

Évolution en valeur

-

+ 2,7 %

+ 1,8 %

+ 2,2 %

+ 1,9 %

+ 8,9 %

Dépenses d'investissement

Montant

58,3

56,6

54,2

54,5

55,6

- 2,7

Évolution en valeur

-

- 3,0 %

- 4,1 %

+ 0,5 %

+ 1,9 %

- 4,7 %

Source : commission des finances du Sénat à partir du présent projet de loi et des données de l'observatoire des finances locales (OFL)

On notera que dans ce tableau, la diminution de l'investissement en 2014 et 2015 est moins importante que celle retracée dans le rapport annexé (respectivement - 5 % et - 6%). Cette différence s'explique par le fait que les chiffres du rapport annexé s'appliquent aux dépenses au sens de la comptabilité nationale, qui regroupent également les dépenses des organismes divers d'administration locale (agences de l'eau, chambres consulaires, établissements publics locaux, ...).

Le dernier alinéa du II précise la définition de la dépense publique retenue pour l'application du présent article : il s'agit de la somme des dépenses réelles en comptabilité générale des sections de fonctionnement et d'investissement, nette des amortissements d'emprunt. Celles-ci s'élèvent, en 2013, à 220,8 milliards d'euros . L'objectif ne distingue donc pas les dépenses de fonctionnement des dépenses d'investissement .

Ces dispositions prennent place dans le titre I er « Orientations pluriannuelles des finances publiques » du présent projet de loi de programmation et n'ont donc pas de caractère normatif. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, l'a d'ailleurs rappelé devant l'Assemblée nationale : « cet article n'a aucune portée normative » 160 ( * ) .

Par ailleurs, si cet objectif n'est pas décliné par catégorie de collectivités, le second alinéa de l'article 28 du présent projet de loi prévoit qu'à compter de 2016, le Gouvernement présente au comité des finances locales (CFL), sur l'ensemble de la période de programmation, une décomposition de cet objectif par types de collectivités , en distinguant, au sein du bloc communal, les dépenses des communes et celles des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

2. Les hypothèses qui sous-tendent cet objectif

Si, en ce qui concerne les collectivités, le dispositif du présent projet de loi porte essentiellement sur l'évolution des dépenses, les hypothèses qui sous-tendent cet objectif sont précisées dans le rapport annexé.

Le ralentissement de la progression des dépenses locales (+ 1,4 % par an en moyenne sur la période contre + 2,3 % par an en moyenne entre 2009 et 2013) serait la conséquence, d'après les hypothèses du Gouvernement 161 ( * ) , de la baisse de 11 milliards d'euros des dotations sur la période 162 ( * ) .

S'agissant des ressources, le rapport annexé précise que la baisse des dotations permettra « de ramener la progression de l'ensemble des ressources à un rythme proche de l'inflation sur les trois prochaines années ». Plus précisément, il prévoit qu'au total, « les recettes des collectivités progresseront de 10 milliards d'euros entre 2014 et 2017 ».

Enfin, s'agissant du solde annuel des administrations publiques locales, il évoluerait conformément au tableau ci-dessous.

Besoin de financement des administrations publiques locales

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

- 7,2

- 6,1

- 7,2

- 7,8

Source : Rapport annexé au présent projet de loi

C. LE SUIVI DE CET OBJECTIF

Le suivi de cet objectif est abordé à l'article 28 du présent projet de loi. Votre rapporteur a néanmoins considéré qu'il était plus cohérent de commenter conjointement la définition de l'objectif et son suivi.

Le premier alinéa de l'article 28 prévoit que le Gouvernement présente chaque année au CFL, avant le débat d'orientation budgétaire (c'est-à-dire au début de l'été) , un bilan de cet objectif .

En revanche, aucune conséquence n'est prévue en cas d'écart à l'objectif fixé .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative de notre collègue députée Christine Pires Beaune et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, un amendement complétant le tableau d'évolution de la dépense publique locale, afin d'y préciser l'évolution des dépenses de fonctionnement .

Dès lors, l'Odedel est présenté conformément au tableau ci-dessous.

Objectif d'évolution de la dépense publique locale

(évolution annuelle en valeur)

2014

2015

2016

2017

Dépenses totales

1,2 %

0,3 %

1,8 %

1,9 %

Dont dépenses de fonctionnement

2,7 %

1,8 %

2,2 %

1,9 %

Source : Texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 21 octobre 2014

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis défavorable de la commission et du Gouvernement, deux amendements identiques complétant le présent article par un III , présentés par les députés écologistes et par Yann Galut et Régis Juanico (groupe SRC). Ces amendements visent à associer le CFL à l'établissement de cet objectif et à son pilotage, ainsi que de le doter de pouvoirs quant à son respect , en prévoyant :

- que l'Odedel est déterminé après consultation du comité des finances locales (CFL) ; ce point s'inspire de la proposition n° 47 du rapport Lambert-Malvy précité, qui préconisait la participation des associations d'élus à la définition du programme de stabilité ;

- que cet objectif est « suivi et piloté » au cours de l'exercice, « en lien permanent » avec le CFL ; l'amendement ne précise cependant pas l'instance qui serait chargée de suivre l'objectif, ni en quoi consiste son pilotage et la consistance du « lien permanent » ;

- que le CFL dispose « des mêmes pouvoirs que les organismes de sécurité sociale pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ».

Malgré l'ambigüité de la rédaction retenue par nos collègues députés notamment sur ce dernier point, il semble qu'il faille y voir une référence au comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie , prévu à l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale. Pour mémoire, celui-ci est chargé d'alerter le Parlement, le Gouvernement, les caisses nationales d'assurance maladie et l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, en cas de dérapage par rapport à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). Une fois qu'ils ont été mis en garde par le comité d'alerte, il appartient aux caisses nationales et à l'État de proposer des mesures de redressement.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN PRINCIPE LOUABLE À CONDITION D'Y ASSOCIER RÉELLEMENT LES COLLECTIVITÉS ET DE LEUR DONNER LES MOYENS DE LE RESPECTER

1. L'absence d'association des collectivités territoriales

Votre rapporteur considère que les collectivités territoriales doivent participer à l'effort de redressement des finances publiques . Elles représentent en effet environ 20 % des dépenses publiques et il paraît difficile de réduire le poids de ces dépenses dans le PIB sans solliciter le secteur local.

De même, tout pilotage des finances publiques nécessite de pouvoir au moins anticiper l'évolution de la dépense locale, dès lors que, dans le cadre de la gouvernance budgétaire européenne, il n'y a pas de différence de traitement entre les finances publiques locales et nationales. Votre rapporteur est donc favorable au principe de la mise en place d'un objectif indicatif d'évolution des dépenses des collectivités , comme il en existe pour l'État et la sécurité sociale.

Il considère par ailleurs que la mise en place de cet objectif ne contrevient pas au principe de libre administration des collectivités territoriales, dans la mesure où il n'a pas de caractère contraignant.

Cependant, la méthode retenue pour fixer cet objectif est au moins aussi importante que son contenu.

Comme le précisait le rapport Lambert-Malvy précité, « le programme de stabilité ne fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les collectivités » et celles-ci ne sont « ni informées, ni consultées et encore moins associées à ce programme de stabilité ». Alain Lambert et Martin Malvy en concluaient que « la solidarité des collectivités territoriales avec la contrainte globale » n'était ni assise « sur une adhésion consentie » ni « légitimée par des travaux préparatoires » ; « un tel mécanisme suppose en effet un processus de dialogue sur les objectifs et l'identification des variables sur lesquelles les acteurs sont en mesure d'agir directement ».

Votre rapporteur partage ce constat et considère que le succès même de la mise en place d'un tel objectif repose sur l'adhésion des collectivités territoriales et donc sur leur association à sa définition .

Or, force est de constater que les collectivités n'ont pas été associées à la mise en place de l'Odedel , que ce soit sur son principe même ou sur son niveau.

L'évaluation préalable de l'article précise que « les élus ont pu se prononcer sur l'instauration de cet objectif lors de la présentation au CFL du rapport [Lambert-Malvy] » : cette affirmation relève au minimum de la mauvaise foi, d'autant plus que ledit rapport a été présenté au groupe de travail du CFL sur les dotations et la péréquation 163 ( * ) et non au CFL dans son ensemble.

En lieu et place de ce dialogue, un climat de défiance s'est installé entre l'État et les collectivités , alimenté par la faible concertation sur les mesures du projet de loi de finances pour 2015. Plutôt que d'être associées à ces évolutions, les collectivités se sentent stigmatisées par les discours de l'exécutif.

Pourtant, la situation financière des collectivités territoriales est relativement saine, comme le soulignait un grand défenseur des collectivités : « Je rappelle que 80 % de la dette publique en France, c'est la dette de l'État. Je rappelle que le déficit de l'État est 67 fois supérieur celui des collectivités locales. Je rappelle que les collectivités locales assurent plus des trois quarts de l'investissement public national. Et je rappelle enfin que les collectivités locales n'ont pas la possibilité de présenter leur budget de fonctionnement en déficit, et qu'il est interdit d'emprunter un euro pour leurs charges courantes. Si l'État était soumis aux mêmes contraintes que les collectivités locales, sa défaillance aurait été constatée depuis longtemps ! ».

Ces propos sont ceux du candidat François Hollande, lors de son discours de Dijon du 3 mars 2012.

2. La volonté du Gouvernement d'encadrer les collectivités sans leur donner de marges de manoeuvre

Si la responsabilité est le corollaire de la liberté, la liberté doit être le corollaire de la responsabilité... Or force est de constater que le projet du Gouvernement met en place un cadre destiné à responsabiliser les collectivités... mais sans leur donner les moyens d'atteindre cet objectif .

On le sait, les frais de personnel représentent un des principaux postes des dépenses des collectivités : en 2013, ils se sont ainsi élevés à 56,6 milliards d'euros, soit plus de 35 % des dépenses de la section de fonctionnement hors intérêts de la dette et même 60 % si on en exclut les dépenses d'intervention.

Or sur ces dépenses, les collectivités territoriales n'ont que des marges de manoeuvre limitées à court terme, puisque leurs personnels relèvent du statut de la fonction publique territoriale, régi par l'État. Par exemple, le décret portant relèvement du minimum de traitement dans la fonction publique représente, à partir de 2013, un coût annuel supplémentaire de 47 millions d'euros. Les collectivités ne peuvent jouer que sur les départs en retraite, ce qui limite fortement leur capacité à réduire rapidement leurs dépenses de fonctionnement.

Par ailleurs, au-delà de cette rigidité de leurs dépenses, l'État leur impose chaque année de nouvelles normes, qui représentent un coût considérable.

La commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) - désormais remplacée par le conseil national d'évaluation des normes (CNEN) - évalue chaque année le montant de ces dépenses nouvelles, retracées dans le tableau ci-dessous.

Coût des dépenses contraintes imposées par l'État aux collectivités

(en millions d'euros)

2008
(sept. - déc.)

2009

2010

2011

2012

2013

Coût en année pleine pour les collectivités

455,2

580,4

577,0

727,9

1 580,0

1 853,0

Économies en année pleine pour les collectivités

343,0

22,2

133,6

304,3

249,7

181,8

Coût net pour les collectivités

112,2

558,2

443,4

423,6

1 330,3

1 671,2

Source : commission des finances à partir des données de la CCEN

En à peine plus de cinq ans, ce sont ainsi 4,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires qui ont été mises à la charge des collectivités , sans donner lieu à aucune compensation. Et l'on observe que la tendance est à la hausse, en dépit des annonces solennelles qui ont pu être faites à ce sujet.

B. DES HYPOTHÈSES SOUS-JACENTES QUI INTERROGENT

On a vu précédemment que le Gouvernement prévoyait une hausse des dépenses locales de 11,7 milliards d'euros sur la période. Dans le même temps, le déficit annuel resterait relativement stable, évoluant entre 6 et 8 milliards d'euros par an.

Face à ces dépenses, le Gouvernement prévoit dans le rapport annexé que les recettes totales des collectivités augmenteraient de 10 milliards d'euros et même de 10,4 milliards d'euros d'après les précisions qui ont été apportées à votre rapporteur.

Combinées à la baisse des concours financiers de l'État, ces hypothèses sur l'évolution des recettes des collectivités permettent d'établir le tableau ci-dessous.

Hypothèses d'évolution des recettes des collectivités territoriales
entre 2014 et 2017

(en milliards d'euros en comptabilité budgétaire)

2015

2016

2017

Recettes supplémentaires par rapport à 2014

+ 2

+ 5,8

+ 10,4

dont concours de l'État

- 3,7

- 7,3

- 11,0

dont autres recettes

+ 5,7

+ 13,1

+ 21,4

Source : commission des finances du Sénat à partir du rapport annexé

Les « autres recettes » des collectivités, c'est-à-dire essentiellement les recettes fiscales, devraient donc évoluer suffisamment pour compenser la baisse des dotations et - au moins partiellement - la hausse des dépenses afin d'éviter un accroissement de leur déficit. Plus précisément, il faudrait qu'elles augmentent de 21 milliards d'euros en 2017 par rapport à 2014 .

Votre rapporteur a cherché à calculer quelle serait l'évolution « spontanée », c'est-à-dire par simple augmentation des bases, des ressources des collectivités territoriales sur cette même période. Pour ce faire, il a émis l'hypothèse simple qu'elles évolueraient conformément à la moyenne des dernières années. Le but n'étant pas de calculer précisément l'évolution des bases, mais de pouvoir juger la pertinence des prévisions du Gouvernement.

Ces calculs permettent d'établir le tableau ci-dessous.

Hypothèses d'évolution des principales ressources des collectivités territoriales par simple augmentation des bases

(en millions d'euros)

Produit 2013

Évolution annuelle moyenne

Produit 2014 attendu

Produit 2015 attendu

Produit 2016 attendu

Produit 2017 attendu

2014 -2017

Taxe d'habitation

20 248

3,52%

20 961

21 699

22 462

23 253

+ 2 292

Taxe foncière sur les propriétés bâties (communes et départements)

28 550

3,47%

29 541

30 566

31 626

32 724

+ 3 183

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

1 002

1,50%

1 017

1 032

1 048

1 063

+ 46

Cotisation foncière des entreprises (CFE)

6 935

2,48%

7 107

7 283

7 464

7 649

+ 542

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

16 323

2,70%

15 917

16 347

16 788

17 241

+ 1 324

Droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

9 515

4,25%

9 919

10 341

10 780

11 239

+ 1 320

Taxe intérieur de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

10 600

5,50%

11 183

11 798

12 447

13 132

+ 1 949

Total

93 173

95 645

99 066

102 616

106 301

+ 10 656

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'observatoire des finances locales

N.B. L'évolution annuelle moyenne a été calculée par rapport à l'évolution constatée sur les dix dernières années pour la TH et la TFPB, sur les huit dernières années pour les DMTO et la TFNB et sur les quatre dernières années pour la CFE et la CVAE. Pour la TICPE il s'agit de l'évolution du produit sur les quatre dernières années.

À partir de ces chiffres, on peut penser que les collectivités territoriales peuvent espérer, en 2017, de l'ordre de 10,7 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport à 2014, par simple effet d'augmentation des bases . Certes, cette estimation repose sur un calcul conventionnel et pêche probablement par optimisme, dans la mesure où l'évolution des DMTO sur les dernières années a globalement été très dynamique. De même le produit de CVAE connait des évolutions très irrégulières qui fragilisent l'estimation du présent tableau.

De plus, il faut préciser que ces impositions ne couvrent pas l'intégralité des ressources des collectivités ; elles représentent néanmoins plus de 50 % des recettes hors concours de l'État et plus de 80 % des recettes fiscales, c'est-à-dire des ressources dynamiques.

Cependant, comparée aux 21,4 milliards d'euros de hausse des recettes hors concours de l'État évoqués dans le premier tableau du présent B , cette estimation permet d'alimente la crainte que la baisse des dotations ne se traduise en fait :

- par un effondrement de l'investissement local , dans des proportions bien supérieures aux chiffres du Gouvernement ; une récente note de conjoncture de la Banque postale évoque ainsi une baisse de l'investissement de 7,4 % en 2014 et une nouvelle diminution de même ampleur en 2015, « cette succession de deux baisses aussi fortes [étant] une première » 164 ( * ) ;

- par une augmentation de la pression fiscale , le Gouvernement venant ponctionner indirectement le contribuable local, sous couvert d'avoir desserré l'étau sur le contribuable national en diminuant les dotations qu'il verse aux collectivités locales ;

- et par une augmentation de la dette des collectivités et donc de la dette publique dans son ensemble.

Sur le fondement de ce constat, votre rapporteur a souhaité des précisions du Gouvernement, qui viennent confirmer ses craintes.

Ainsi, la hausse spontanée des recettes fiscales des collectivités - par simple progression des bases - serait effectivement de 10 milliards d'euros sur la période ; les recettes supplémentaires proviendraient d'une hausse des taux (5,3 milliards d'euros supplémentaires) et d'une augmentation du produit des « autres ressources » (tarifs des services publics locaux par exemple) du même montant environ.

Ce sont donc bien les Français, en tant que contribuables et usagers locaux, qui devront compenser la baisse des dotations.

Le tableau ci-dessous présente les hypothèses précises retenues par le Gouvernement sur 2014 et 2015, qui comportent déjà 1,6 milliard d'euros de hausse de la pression fiscale. Les hypothèses d'évolution des bases et des taux ont été combinées aux données de l'observatoire des finances locales en matière de produits pour obtenir des montants chiffrés.

Hypothèses du Gouvernement sur l'évolution
des principales ressources fiscales des collectivités

(en pourcentage et en millions d'euros)

Évolution 2014

Recettes supplémentaires 2014 par rapport à 2013

Évolution 2015

Recettes supplémentaires 2015 par rapport à 2014

Taxe d'habitation

+ 2,7 %

546,7

+ 5,0 %

1 018,9

dont « effet taux »

+ 0,5 %

101,2

+ 1,5 %

311,9

Taxe foncière sur les propriétés bâties

+ 3,9 %

1 113,5

+ 3,9 %

1 156,9

dont « effet taux »

+1,5 %

428,2

+1,6 %

474,6

Cotisation foncière des entreprises

+ 1,4 %

97,1

+ 4,3 %

295,3

dont « effet taux »

+ 1,0 %

69,4

+ 2,0 %

140,6

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

- 2,5 %

- 406,0

+ 7,4 %

1 177,9

Droits de mutation à titre onéreux

+ 8,6 %

765,4

+ 4,7 %

454,3

dont « effet taux »

+ 0,7 %

62,3

+ 0,3 %

29,0

TOTAL

2 116,6

4 103,3

dont « effet taux »

661,1

956,2

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du Gouvernement et du rapport de l'Observatoire des finances locales

N.B. L'effet taux des DMTO correspond à la hausse de taux autorisée en LFI 2014 ; les hypothèses d'évolution de la CVAE ont été décalées d'un an afin de tenir compte du décalage de l'année de perception entre la comptabilité nationale et la comptabilité budgétaire.

C. UN SUIVI DE L'OBJECTIF À REVOIR

Votre rapporteur partage le souci, exprimé par ses collègues députés, d'associer les collectivités territoriales à l'Odedel, que ce soit dans sa définition ou son suivi.

Il considère néanmoins que la rédaction retenue n'est pas satisfaisante, car ambiguë quant au rôle effectivement confié au CFL, l'analogie avec les « pouvoirs des organismes de sécurité sociale » n'étant pas pertinente.

* *

*

En définitive, le Gouvernement propose au Parlement d'adopter une norme d'évolution des dépenses des collectivités territoriales sans lui avoir démontré la crédibilité de ses hypothèses et sans s'être donné les moyens que cet objectif soit réellement utile, puisqu'en l'imposant unilatéralement aux collectivités, le Gouvernement a empêché leur adhésion à cette logique de programmation.

De plus, en l'absence de véritables marges de manoeuvre pour les collectivités quant à leurs dépenses - notamment du fait des normes nouvelles imposées par l'État - il sera difficile pour elles de les limiter.

Ne pouvant cautionner le niveau choisi par le Gouvernement pour ledit objectif, votre commission des finances a donc adopté un amendement supprimant les chiffres d'évolution annuelle, tout en conservant le principe d'un objectif .

Elle a également précisé que le montant des dépenses prises en compte devait être minoré du coût net des normes que l'État impose chaque année aux collectivités , tel qu'il est calculé par le Conseil national d'évaluation des normes.

Enfin, elle a supprimé le paragraphe introduit par nos collègues députés sur le suivi de l'objectif, à l'exception des dispositions prévoyant la consultation du CFL sur la définition de l'objectif.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 12 - Mise en réserve des crédits de l'État et des dépenses d'assurance maladie

Commentaire : le présent article prévoit de reconduire la règle de mise en réserve des crédits de l'État et des dépenses d'assurance maladie. Pour l'État, la règle est durcie. Pour les dépenses d'assurance maladie, le taux de 0,3% de l'ONDAM est conservé sur un périmètre précisé.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA MISE EN RÉSERVE, UN OUTIL DE GESTION INFRA-ANNUELLE DES CRÉDITS

La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit en son article 51 qu'est jointe au projet de loi de finances de l'année « une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement », parmi lesquelles figure la mise en réserve de crédits.

Celle-ci a pour objet de « geler » des crédits de telle sorte qu'ils ne soient plus consommables, afin que les imprévus de gestion puissent être gérés sans ouverture de nouveaux crédits, selon le principe d'auto-assurance rappelé par la circulaire du premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques.

En cours d'année, certains crédits peuvent être « dégelés » sur décision du ministre du Budget, afin de couvrir des dépenses ; au contraire, le Gouvernement peut décider un « surgel » afin de disposer d'une marge d'ajustement plus conséquente pour assurer le pilotage de l'exécution budgétaire 165 ( * ) . D'autres crédits peuvent être annulés, par exemple afin de gager des ouvertures de crédits dans le cadre de décrets d'avance, ou dans un souci d'économie 166 ( * ) . En fin d'exercice, les crédits de la réserve de précaution peuvent être soit annulés, soit reportés, lorsqu'ils n'ont pas été consommés suite à un dégel. Ces arbitrages permettent d'assurer la fin de gestion de l'exercice, consistant à concilier la couverture des dépenses inéluctables avec le respect de la norme de dépense.

B. UN TAUX MINIMAL DE MISE EN RÉSERVE DE 5% POUR L'ÉTAT (HORS TITRE 2) ET DE 0,3 % POUR LES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

1. Pour l'État : un taux minimal de 5 % (hors titre 2)

L'article 6 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoit que « chaque année, pour chaque programme doté de crédits limitatifs 167 ( * ) , sont mis en réserve au moins 0,5 % des crédits de paiement et des autorisations d'engagement ouverts sur le titre 2 ?Dépenses de personnel? , et au moins 5 % des crédits de paiement et des autorisations d'engagement ouverts sur les autres titres ».

À l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'article 6 précité précise que le taux de mise en réserve des crédits hors titre 2 peut être modulé pour tenir compte de la spécificité des crédits attribués aux opérateurs de l'État bénéficiant d'une subvention pour charge de service public (SCSP), ce qui était déjà pratiqué. En effet, cette subvention relève des dépenses de fonctionnement de titre 3 alors qu'elle a vocation à financer pour partie des dépenses de personnel, auquel le taux de 0,5% devrait s'appliquer. Concrètement, le montant final est calculé en tenant compte de la part des dépenses de personnel financée par la SCSP.

2. Pour les dépenses d'assurance maladie : un taux minimal de 0,3 % de l'ONDAM (hors titre 2)

La loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) prévoit en son article 1 er que la loi de financement de la sécurité sociale approuve la mise en réserve de recettes « au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ».

L'article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 dispose qu'une « partie des dotations relevant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, représentant au moins 0,3 % de cet objectif, est mise en réserve au début de chaque exercice ». Il reprend la formulation et le montant inscrits à l'article 8 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. POUR L'ÉTAT : UN DURCISSEMENT DU TAUX DE MISE EN RÉSERVE HORS CRÉDITS DE TITRE 2

Pour l'État, la règle est durcie : le taux « plancher » de mise en réserve des crédits de personnel reste inchangé (à 0,5 %) mais celui des autres crédits (hors dépenses de personnel) est porté à 6 % (contre 5 % dans la précédente loi de programmation).

La règle de modulation concernant les organismes bénéficiant d'une subvention pour charge de service public est maintenue.

Le graphe ci-dessous rappelle l'évolution du taux de mise en réserve minimal et effectif depuis 2013.

L'évolution du taux de mise en réserve minimal et effectif pour l'État depuis 2013

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

N.B. : les taux de réserve minimal et effectif en 2015 sont ceux annoncés respectivement dans le présent projet de loi de programmation et dans le projet de loi de finances pour 2015.

B. POUR L'ASSURANCE MALADIE : UN TAUX INCHANGÉ, UN PÉRIMÈTRE PRÉCISÉ

Pour les dépenses d'assurance maladie, le même taux est conservé (0,3 % de l'ONDAM).

Le périmètre est en revanche précisé : alors que la dernière loi de programmation évoquait « une partie des dotations », le présent projet d'article désigne « les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale mentionnés à l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale ».

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale 168 ( * ) précise que ce taux est le taux moyen sur l'ensemble des programmes, et non le taux pour chaque programme, afin d'acter le fait que Gouvernement peut moduler le taux de mise en réserve selon le caractère discrétionnaire ou contraint de la dépense.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que la fixation d'un taux minimal de mise en réserve constitue un instrument utile pour le pilotage des dépenses , qui a permis une transparence accrue concernant les crédits indisponibles, tant pour le Parlement que pour les gestionnaires.

Toutefois l'augmentation du taux, tout particulièrement dans le projet de loi de finances pour 2015 interroge : comment peut-elle être justifiée autrement que par les difficultés croissantes pour boucler l'exécution du budget, en l'absence de réformes structurelles ? Le Gouvernement reporte en exécution les arbitrages qu'il n'a pas su prendre en budgétisation , conduisant à une gestion « au jour le jour », qui met les gestionnaires sous tension, plutôt que d'assumer pleinement ses responsabilités politiques.

Se pose dès lors la question de la sincérité de la budgétisation initiale du Gouvernement ainsi que de l'autorisation parlementaire , puisqu'une part significative des crédits votés, près d'un douzième s'agissant du projet de loi de finances pour 2015, est indisponible, sans qu'il soit possible aux parlementaires de connaître, à partir des documents budgétaires, sa répartition.

Aussi votre commission a adopté, sur la proposition du rapporteur, deux amendements visant à mieux assurer la sincérité de la budgétisation ainsi que l'information du Parlement sur le gel des crédits, sans pour autant ôter au Gouvernement les moyens d'assurer un pilotage efficace de l'exécution.

D'une part, afin d'éviter que le taux de mise en réserve ne poursuive indéfiniment son augmentation, un taux plafond serait fixé à 8 % (pour les dépenses de l'État hors dépenses de personnel) , qui permet tout à la fois d'assurer au Gouvernement une souplesse de gestion et de garantir au Parlement que son autorisation ne sera pas progressivement vidée de son sens. En outre, la détermination d'une « fourchette » de taux pour la période de programmation, contribue à améliorer la visibilité des gestionnaires sur les conditions d'exécution des crédits dont ils ont la charge.

D'autre part, la répartition initiale par programme des crédits mis en réserve devrait être communiquée à la commission des finances de chacune des deux assemblées parlementaires, le 15 janvier au plus tard. L'état de la mise en réserve devrait également leur être communiqué au moment du dépôt de tout projet de loi de finances.

Cette modification est conforme à l'esprit de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) , qui prévoit que les commissions des finances sont informées de tout mouvement de crédit venant modifier les plafonds ou la répartition ayant été votée en loi de finances (dépassement de crédits évaluatifs 169 ( * ) , virements et transferts 170 ( * ) , décrets d'avance 171 ( * ) , annulation 172 ( * ) , ouverture de crédits supplémentaires 173 ( * ) et dépassement d'une autorisation de découvert 174 ( * ) ).

Plus spécifiquement, l'article 14 de la LOLF, prévoit en son III que « tout acte, quelle qu'en soit la nature, ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits indisponibles, est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ». En l'état du droit, le Parlement est informé des gels ou surgels, mais pas systématiquement dès le tout début de l'exercice et sans que les dégels ne fassent l'objet d'une communication similaire. Cet amendement, sans contraindre excessivement le Gouvernement, contribuera à donner tout son sens à la disposition précitée, en permettant une information plus régulière et plus complète du législateur au cours de l'exécution budgétaire.

Par ailleurs, votre commission a adopté, à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, un amendement augmentant le taux de mise en réserve des dépenses d'assurance maladie entrant dans le champ de l'ONDAM de 0,3 % à 0,5 % . Cette hausse, qui conduit à l' établissement d'un taux de mise en réserve comparable à celui des crédits destinés à financer les dépenses de personnel de l'État, devrait faciliter le respect du taux d'évolution de l'ONDAM fixé en moyenne à 2,0 % sur la période 2015-2017.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 125 Charte de budgétisation de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

* 126 Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

* 127 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 128 Article 6 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 129 C'est-à-dire les dépenses du budget général auxquelles sont soustraites les remboursements et dégrèvements.

* 130 Le Gouvernement s'est par exemple assigné un objectif de progression des dépenses de l'État de 0,2 % en volume dans le projet de loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003 .

* 131 Article 5 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 132 La question du périmètre est importante pour permettre des comparaisons dans le temps : en effet, le champ du budget de l'État est amené à évoluer d'une année à l'autre. Certaines dépenses externalisées sont réintégrées, d'autres au contraire sont confiées à des organismes extérieurs (les collectivités territoriales, par exemple). Ces changements sont neutralisés afin que ne soient pris en compte que les mouvements ayant pour effet d'accroître ou de diminuer le niveau de la dépense publique. Ces mesures, appelées « mesures de transfert » ou « mesures de périmètre » selon les entités concernées, sont récapitulées dans la charte de budgétisation qui accompagne le projet de loi de finances initiale de l'année.

* 133 Accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 incluant le cadre financier pluriannuel 2007-2013.

* 134 Cour des comptes, « Le budget de l'État en 2013 - résultats et gestion », mai 2014, recommandation n° 8.

* 135 Francis Delattre, « Le compte d'affection spéciale ? Pensions " : un outil de transparence au service de la LOLF ? », rapport d'information du Sénat n° 652 (2012-2013), déposé le 10 juillet 2012.

* 136 Tome I du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2015, encadré 1, p. 14.

* 137 Par exemple les retraites supérieures à 1200 euros.

* 138 Rapport annexé au présent projet de loi, p. 74.

* 139 La revalorisation a été décalée du 1 er avril au 1 er octobre par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 140 Prévision d'évolution des prix à la consommation hors tabac.

* 141 Cour des comptes, « Le budget de l'État en 2013 - résultats et gestion », mai 2014, et « Résultats et gestion budgétaire de l'État - exercice 2012 », mai 2013.

* 142 Cour des comptes, « Le budget de l'État en 2013 - résultats et gestion », mai 2014, p. 126.

* 143 Budget général et budgets annexes.

* 144 Équivalent temps plein travaillé.

* 145 Inspection générale des finances publiques, L'État et ses agences , mars 2012, p. 1.

* 146 Tableau de comparaison, par titre, mission et programme, des crédits proposés pour 2015 à ceux votés pour 2014 (hors fonds de concours) annexé au projet de loi de finances pour 2015.

* 147 Ces mesures catégorielles devraient représenter, en moyenne, 177 millions d'euros par an sur la période 2015-2017, dont 245 millions d'euros au seul titre de l'année 2015, contre environ 500 millions d'euros par an au cours de la précédente législature.

* 148 Entretien paru dans le journal « Acteurs publics » en date du 30 septembre 2014 (disponible en ligne : http://www.acteurspublics.com/2014/09/29/marylise-lebranchu-nous-avons-un-probleme-d-attractivite-dans-la-fonction-publique ).

* 149 Institut Montaigne, « Temps de travail : mettre fin aux blocages », octobre 2014, rapport sur la fonction publique présenté au Premier ministre par M. Bernard Pêcheur, octobre 2013.

* 150 Toutefois, il convient de rappeler que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2014 avait arrêté un taux plafond d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour chaque année de la période de programmation concernée.

* 151 Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

* 152 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

* 153 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale , septembre 2014.

* 154 Ibid. , p. 227.

* 155 Cf. avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie n° 2014-3 du 7 octobre 2014 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

* 156 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 157 Voir le commentaire de l'article 14 du présent projet de loi.

* 158 La baisse des concours financiers de l'État était alors prévue à hauteur de 1,5 milliard d'euros en 2015 par rapport à 2013.

* 159 « Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l'engagement de chacun », Alain Lambert et Martin Malvy, avril 2014.

* 160 Deuxième séance du mercredi 15 octobre 2014 (XIV e législature).

* 161 Le rapport annexé précise que la baisse des concours financiers de l'État « devrait inviter les collectivités locales à une maîtrise accrue de leurs dépenses de fonctionnement ».

* 162 Sur ce point, voir le commentaire de l'article 14.

* 163 Réunion du 9 juillet 2014.

* 164 Note de conjoncture « Les finances locales - tendances 2014 et perspectives », la Banque postale, octobre 2014.

* 165 Par exemple, à l'été 2012, compte tenu des risques de dépassement en dépenses non financées identifiés par la Cour des Comptes, le Gouvernement a procédé à une majoration des crédits de la réserve de précaution de 1,5 milliards d'euros, qui faisait suite à l'annulation d'une partie de ces crédits (cf. infra ). Cela lui a fourni une marge d'annulation de crédits supplémentaire, donc d'économies en dépenses, qui a permis de faire face à la révision à la baisse des hypothèses de croissance courant 2012

* 166 En février 2012, 1,2 milliards d'euros de crédits de la réserve de précaution ont été annulés dans le cadre d'un collectif budgétaire.

* 167 Les crédits limitatifs constituent des plafonds qui ne sauraient être dépassés, tandis que les crédits évaluatifs ne sont inscrits qu'à titre indicatif car leur montant final dépend de facteurs exogènes au pilotage gouvernemental.

* 168 Amendement n° 60 présenté par le Gouvernement.

* 169 Article 10 de la LOLF.

* 170 Article 12 de la LOLF.

* 171 Article 13 de la LOLF.

* 172 Article 14 de la LOLF.

* 173 Article 21 de la LOLF.

* 174 Article 22 de la LOLF.

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