B. UNE DÉFINITION PLUS SOUPLE DE L'ÉTABLISSEMENT STABLE

Les conventions fiscales élaborées d'après le modèle de l'OCDE attribuent le droit d'imposer les bénéfices à l'État dans lequel l'entreprise à son siège, plutôt qu'à celui dans lequel elle exerce son activité, sauf en présence d'un « établissement stable » situé dans l'autre État. Définie à l'article 5 du modèle OCDE et repris par la présente convention, la notion d'établissement stable correspond à « une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité », ce qui suppose généralement la présence de locaux et de personnels 26 ( * ) . Sont notamment couverts les cas suivants : un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine, un atelier ou encore une mine ou un puits d'extraction de ressources naturelles.

Si la présente convention ne s'écarte pas ce principe, le paragraphe 3 de l'article 5 contient toutefois deux nouveautés globalement favorables aux intérêts des entreprises françaises .

D'une part, les chantiers seront dorénavant considérés comme des établissements stables si leur durée est supérieure à douze mois , contre six mois dans l'actuelle convention. Cette stipulation, conforme au modèle OCDE, permettra aux chantiers de construction, d'assemblage ou de montage menés par des entreprises françaises de ne pas être redevables de l'impôt en Chine.

D'autre part, la notion d'établissement stable de services , déjà présente dans la convention de 1984, est dorénavant définie par une période de 183 jours , au lieu de six mois précédemment. Il résulte de cette précision un assouplissement en même temps qu'un surcroît de sécurité juridique pour les prestataires de services français, qu'ils soient indépendants ou salariés . En effet, la prise en compte de la durée réellement passée sur place, en fonction du nombre exact de jours, permettra de ne plus considérer qu'un jour passé sur place équivaut à un mois complet. Toutefois, cette durée de 183 jours s'appréciera dorénavant sur une période quelconque de douze mois , et non plus sur l'année civile comme actuellement : le décompte des jours passés sur place devra donc faire l'objet d'une vigilance accrue de la part des entreprises françaises, afin de ne pas entraîner d'imposition au titre de l'établissement stable de services.

C. LA FIN DES CRÉDITS D'IMPÔT FORFAITAIRES ET FICTIFS

L'article 23 de la nouvelle convention fiscale, relatif aux modalités d'élimination des doubles impositions, met fin au dispositif dérogatoire des crédits d'impôts forfaitaires , qui était prévu par la convention de 1984.

En principe, les doubles impositions sont éliminées par l'imputation, dans l'un des États, d'une réduction d'impôt égale au montant de l'impôt payé dans l'autre État. Plusieurs conventions signées par la France avec des pays émergents 27 ( * ) , et notamment la Chine, prévoient toutefois la possibilité d'un crédit d'impôt forfaitaire, en l'occurrence égal à 10 % ou 20 % du revenu de source chinoise selon les cas (dividendes, intérêts ou redevances), et ce quel que soit le montant réel de l'impôt prélevé en Chine. Ce dispositif pouvait même aboutir à des crédits d'impôts fictifs , ne correspondant à aucune imposition dans le pays source. Concrètement, les crédits d'impôt forfaitaires et fictifs étaient une forme de subvention à l'investissement , adaptée à la situation d'un pays en développement mais en décalage avec la Chine d'aujourd'hui.

La suppression des crédits d'impôts forfaitaires, favorable aux intérêts du Trésor public, devrait en revanche entraîner une baisse de la rentabilité des entreprises françaises présentes en Chine , qui bénéficieront dorénavant de crédits d'impôts réels. Il s'agit toutefois d'un axe fort de la politique française en matière de renégociation des conventions fiscales , et de la politique des pays développés d'une manière générale, qui entendent mettre fin à des dispositifs dérogatoires dont la logique économique n'est plus évidente.

De plus, le point 8 du protocole annexé à la convention aménage, au bénéfice des entreprises, des périodes de transition visant à ne pas compromettre la sécurité juridique ni l'équilibre financier de certaines opérations en cours. Ainsi, le mécanisme des crédits d'impôt forfaitaires prévu par la convention de 1984 demeurera applicable :

- d'une part, aux paiements reçus à raison des contrats de crédit-bail conclus avant le 1 er mars 2012 et à condition que l'équipement soit livré avant le 1 er janvier 2013. D'après les informations transmises à votre rapporteur, cette « clause de grand-père » vise en premier lieu à sécuriser les grands contrats signés par certaines entreprises françaises ;

- d'autre part, aux autres redevances payées dans une période de vingt-quatre mois suivant l'entrée en vigueur du présent accord. Il appartiendra aux signataires de contrats portant sur une durée plus longue de renégocier ces derniers le cas échéant, afin de tenir compte des nouvelles stipulations de la convention.

Exception faite de ces aménagements transitoires, le mécanisme des crédits d'impôt forfaitaires est supprimé. Les modalités d'élimination des doubles impositions retenues par l'article 23 du présent accord , qui s'écartent du modèle OCDE afin de correspondre aux spécificités des deux pays, sont donc les suivantes :

- en ce qui concerne la France , une combinaison de deux méthodes couramment utilisées. D'une part, les revenus d'entreprise, les plus-values immobilières, les revenus des professions indépendantes, les revenus passifs (intérêts, dividendes et redevances) et d'autres catégories de revenus bénéficient d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt payé en Chine , sans que sans que le montant de cette imputation puisse excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus - les stipulations de la convention fiscale ne pouvant avoir pour effet d'ouvrir droit à un « impôt négatif ». D'autre part, une exemption pour les autres catégories de revenu 28 ( * ) ;

- en ce qui concerne la Chine , une réduction de l'impôt payé en Chine égale au montant de l'impôt payé en France, là encore sans que le montant de cette imputation puisse excéder le montant de l'impôt chinois.


* 26 Cette définition n'est pas sans poser de problèmes en matière d'économie numérique, les géants d'Internet pouvant se passer d'un établissement stable « physique ». Plusieurs réflexions sont en cours au sujet de la définition d'un « établissement stable virtuel ». Voir à ce sujet : la proposition de loi n° 726 (2012-2013) de Philippe Marini tendant à renforcer la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales des entreprises multinationales, 4 juillet 2013 ; le rapport de Pierre Collin et Nicolas Colin relatif à la fiscalité de l'économie numérique, janvier 2013 ; le rapport de l'OCDE, « Addressing the Tax Challenges of the Digital Economy », 16 septembre 2014.

* 27 Par exemple la Turquie ou encore le Mexique.

* 28 Il s'agit principalement des revenus immobiliers, des bénéfices des entreprises de transport et des plus-values mobilières.

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