EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Dans notre société marquée trop souvent par l'individualisme, l'engagement volontaire des sapeurs-pompiers marque le pas depuis une dizaine d'années. La tendance est cependant plus ancienne et le législateur est déjà intervenu à plusieurs reprises pour fixer un cadre incitatif à l'intervention des sapeurs-pompiers volontaires qui occupent une place centrale dans l'organisation de la sécurité civile française.

En effet, les 192 300 sapeurs-pompiers volontaires 1 ( * ) - soit 4/5 ème du total des effectifs de sapeurs-pompiers - assurent 69 % du temps d'intervention.

Les lois successives de 1991, 1996, 2004 et 2011 ont construit progressivement un statut du volontariat, lequel a été juridiquement consacré par la dernière, la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011.

Aujourd'hui, cependant, ces avancées significatives n'ont pas encore entraîné une relance notable de l'engagement volontaire.

C'est pourquoi de nouvelles initiatives ont été mises en oeuvre. Ainsi, lors du 120 ème Congrès national des sapeurs-pompiers de France organisé à Chambéry du 9 au 12 octobre 2013, M. Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, a signé un plan d'action de vingt-cinq mesures pour enrayer la baisse du volontariat. Parmi celles-ci, figure la facilitation des « conditions d'accès à la formation, en maintenant les dispositifs de formation et d'entraînement en préférentiel, en équipe et en proximité ; et en développant l'accès aux outils de formation à distance » 2 ( * ) .

À sa suite, le 13 juin 2014, le ministre de l'intérieur, M. Bernard Cazeneuve, a lancé, en partenariat avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, une campagne de communication destinée à promouvoir cet engagement citoyen et à pérenniser le modèle français de sécurité civile.

En 2013, l'effectif des sapeurs-pompiers volontaires a néanmoins enregistré une perte de près de 700 unités, toutefois moindre que celle de l'année précédente (plus de 2 240).

La proposition de loi de notre collègue Roland Courteau s'inscrit dans ce contexte. Elle vise à favoriser le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires en permettant l'organisation de leur formation initiale dans le cadre du service civique.

I. LES VOIES POUR ENRAYER LE FLÉCHISSEMENT DE L'ENGAGEMENT VOLONTAIRE

Le sapeur-pompier volontaire bénéficie aujourd'hui d'un cadre juridique protecteur, juste contrepartie de son engagement au service de la collectivité.

Certaines contraintes, cependant, freinent encore les vocations, dont en premier lieu, la question de la formation.

Notre collègue Catherine Troendlé, rapporteur de la loi du 20 juillet 2011, diagnostiquait ainsi l'essoufflement de l'engagement : « Plusieurs facteurs expliqueraient cette crise des vocations, en rendant plus difficile l'expression des valeurs du volontariat. Ces facteurs sont d'ordre social, économique, philosophique ou territorial » : montée de l'individualisme ; conciliation avec la vie familiale ; réticences des employeurs, publics comme privés, à l'absence de leurs salariés ; difficultés de recrutement dans les zones rurales ; fermeture de nombreux centres de secours de petite taille « qui apparaissaient comme des bureaux de recrutement pour les jeunes » par l'effet de la départementalisation des services d'incendie et de secours ; augmentation des poursuites civiles et pénales visant des sapeurs-pompiers volontaires 3 ( * ) .

1. Renforcer l'encadrement de l'activité du sapeur-pompier volontaire

Ce constat inquiétant pour la pérennité du système français de secours a conduit des parlementaires à se saisir une fois de plus du dossier : le député Pierre Morel-À-L'Huissier déposait le 18 novembre 2010 une proposition de loi - devenue la loi du 20 juillet 2011 4 ( * ) - afin de concrétiser les conclusions formulées en 2009 par la commission « Ambition volontariat », présidée par M. Luc Ferry, pour valoriser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

Dans le même esprit, notre collègue Roland Courteau a déposé parallèlement au Sénat une proposition de loi 5 ( * ) .

La loi du 20 juillet 2011 a consolidé le statut des sapeurs-pompiers volontaires sur plusieurs points : consécration juridique du volontariat par la définition dans la loi de l'engagement, activité « qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres » 6 ( * ) ; garanties nouvelles offertes aux sapeurs-pompiers volontaires (en particulier, les modalités de mise en oeuvre de la responsabilité pénale des sapeurs-pompiers volontaires pour un délit non intentionnel sont précisées) ; représentativité améliorée, notamment par la création d'un Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires ; assouplissement du régime de formation.

2. Simplifier les obligations de formation

Le rapport de la commission « Ambition volontariat » notait que « la formation est probablement le domaine qui focalise le plus de critiques de la part des sapeurs-pompiers volontaires » tout en soulignant la complexité de la question « puisqu'il faut à la fois délivrer une formation de qualité aux sapeurs-pompiers volontaires dès lors qu'ils sont appelés à remplir les mêmes missions que les professionnels avec les mêmes exigences d'efficacité et de sécurité, tout en s'adaptant à leurs spécificités, moindre disponibilité, d'une part, mais expérience diversifiée d'autre part ».

Les principaux reproches adressés au dispositif de formation avaient trait à son volume très important (trente jours de formation initiale au cours des trois premières années de l'engagement et cinq jours annuels de perfectionnement au-delà) et à la méconnaissance des particularités des volontaires.

La loi du 20 juillet 2011 a visé en conséquence à assouplir et simplifier le régime en vigueur :

- substitution au dispositif existant d'un droit à des actions de formation adaptées aux missions confiées aux sapeurs-pompiers volontaires et aux compétences déjà acquises ;

- prise en compte des formations suivies dans le cadre de l'engagement volontaire au titre de la formation professionnelle continue, des obligations de formation des fonctionnaires et des obligations de développement professionnel continu des professionnels de santé.

Le législateur a également retenu le principe de la création d'une commission nationale spécialisée chargée de la mise en oeuvre de la reconnaissance, de la validation et des équivalences des formations et expériences des sapeurs-pompiers volontaires avec les titres et diplômes enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles 7 ( * ) . Il s'agit ainsi de permettre la valorisation de l'expérience acquise au titre de l'engagement volontaire pour bénéficier, en conséquence, d'équivalences entre les titres et diplômes exigés pour l'accès aux concours de la fonction publique et les formations suivies par le sapeur-pompier volontaire.

Cette mesure n'est cependant pas encore opérationnelle.

D'après les renseignements recueillis par votre rapporteur auprès de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, sa mise en oeuvre est liée à la réforme en cours de la formation des sapeurs-pompiers volontaires dans son volet réglementaire ( cf . article 15 du décret n° 2013-412 du 17 mai 2013 complété par un arrêté du 8 août 2013) : progressivement appliquée dans les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), elle devrait faire l'objet d'un « retour d'expérience » au cours de l'année 2015 en vue de procéder, le cas échéant, aux corrections nécessaires du nouveau dispositif.

Le régime de formation des sapeurs-pompiers volontaires

(art. 15 du décret n° 2013-413 du 17 mai 2013 8 ( * ) )

Il est régi par l'article L.1424-37 du code général des collectivités territoriales qui prévoit, dès le début de la période d'engagement du volontaire, l'organisation d'une formation initiale suivie, ultérieurement, d'une formation continue.

Ce principe est précisé par l'article L.723-13 du code de la sécurité intérieure.

Conformément à l'intention du législateur de de 2011, l'obligation repose sur des « actions de formation adaptées aux missions qui leur sont confiées en tenant compte des compétences qu'ils ont acquises ».

Les formations initiales et continues auxquelles s'ajoutent des formations aux spécialités et d'adaptation aux risques locaux sont organisées selon des référentiels fixés par un arrêté du 8 août 2013.

Il importera donc le moment venu de mesurer les conséquences de cette réforme au regard de la volonté exprimée par le législateur et d'apprécier ses effets sur les vocations à l'engagement volontaire.

Comme le remarquait notre collègue Yves Rome, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, entendu par votre rapporteur, il convient d'éviter de paralyser la démarche du sapeur-pompier volontaire par une exigence excessive des normes de formation pour ne pas l'éloigner de son ambition d'agir au service de la collectivité. Il importe donc de les définir de manière réfléchie.


* 1 Données 2013.

* 2 Cf. Engagement pour le volontariat - mesure n° 3 du plan d'action pour les sapeurs-pompiers volontaires.

* 3 Cf. rapport n° 655 (2010-2011) au nom de la commission des lois.

* 4 Cf. proposition de loi n° 2977 AN (XIII e législature) relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et son cadre juridique.

* 5 Cf. proposition de loi n° 356 (2010-2011) relative au statut du sapeur-pompier volontaire.

* 6 Cf. article 1 er de la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011.

* 7 Cf. article 21 de la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 précitée.

* 8 Codifié à compter du 1 er décembre 2014 à l'article R. 723-16 du code de la sécurité intérieure (cf. décret n° 2014-1253 du 27 octobre 2014 relatif aux dispositions des livres III, VI et VII de la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure).

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