III. LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE : UNE CONCEPTION MOINS RIGIDE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LE SUFFRAGE

La proposition de loi constitutionnelle poursuit un double objectif.

Elle introduit la notion de territoire dans la Constitution et ce dès l'article 1 er qui définit la République. Après la phrase introduite lors de la révision du 28 mars 2003 pour proclamer que « son organisation est décentralisée », il serait ajouté qu'« elle garantit la représentation équitable des territoires dans leur diversité » ( article 1er ).

Ce terme, que l'on retrouve dans le droit public local, traduit, à l'intérieur de subdivisions électorales (circonscriptions) ou administratives (collectivités territoriales) l'existence de territoires spécifiques du fait de leur géographie physique (littoral, montagne), humaine (zone rurale ou urbaine) ou économique (bassin de vie) dont il faut reconnaître l'identité et même la « diversité » de façon telle que la loi ou le règlement leur accordent une représentation « équitable » 31 ( * ) , c'est-à-dire qui aille au-delà du pur calcul mathématique fondé sur les statistiques démographiques.

Dans ce but, la proposition de loi constitutionnelle propose de modifier l'article 72 de la Constitution, qui est le premier article du titre XII consacré aux collectivités territoriales ( article 2 ). Cette modification s'insère à la fin du troisième alinéa de cet article, relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales. Ce principe y est illustré par le fait que ce sont des conseils élus qui administrent ces collectivités. Il est proposé que les territoires d'élection des membres de ces collectivités et de leurs groupements devront être « représentés équitablement » tout en respectant le principe d'égalité devant le suffrage.

Que faut-il entendre par « territoire d'élection » alors qu'au niveau national, l'article 25 de la Constitution mentionne les « circonscriptions » ? Le terme de territoire d'élection suggère que les circonscriptions électorales de ces collectivités ou EPCI devraient avoir un « ancrage » territorial réel lorsqu'il s'agit de structures supra-communales, comme par exemple le canton au sein du département. D'ailleurs, la jurisprudence administrative fait référence au « territoire de chaque canton ».

La rédaction proposée renvoie aux collectivités territoriales et leurs groupements que mentionne déjà l'article 72 de la Constitution. Sans préjuger de la portée que le juge constitutionnel confère au principe d'égalité devant le suffrage sur les différentes formes de coopération entre collectivités territoriales, le constituant viserait, à tout le moins, le cas de l'élection des membres des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre auxquels le Conseil constitutionnel a récemment appliqué le principe d'égalité devant le suffrage 32 ( * ) .

La « représentation équitable » des territoires serait assurée en introduisant une nouvelle limite maximale d'écart de représentation qui serait du tiers de la moyenne de représentation constatée pour l'assemblée concernée au lieu des 20 % imposés par le Conseil constitutionnel. Cette proposition va clairement à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais elle n'est pas contradictoire avec la jurisprudence, et notamment la plus récente, du Conseil d'État dont il faut rappeler qu'il est le juge des élections locales.

Dans la mesure où la proposition de loi constitutionnelle ne concerne que les collectivités territoriales et leurs groupements et permet de protéger leur diversité grâce à une représentation équitable de leurs territoires, votre commission a approuvé la proposition de loi constitutionnelle.

Sur proposition de son rapporteur, elle a adopté un amendement , permettant de mieux insérer les modifications proposées par l'article 2 au sein de l'article 72 de la Constitution.

Afin de suffisamment prendre en compte la diversité des territoires et de leur assurer une représentation politique équitable, votre commission a adopté la proposition de loi constitutionnelle.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de constitutionnelle ainsi modifiée.


* 31 Le constituant a inscrit en 2008 la notion de « participation équitable » des formations politiques à la vie démocratique de la Nation, au sein de l'article 4 de la Constitution.

* 32 Conseil constitutionnel, 20 juin 2014, n° 2014-405 QPC

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