Rapport n° 254 (2014-2015) de M. Hugues PORTELLI , fait au nom de la commission des lois, déposé le 28 janvier 2015

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N° 254

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 janvier 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi constitutionnelle de MM. Gérard LARCHER et Philippe BAS tendant à assurer la représentation équilibrée des territoires ,

Par M. Hugues PORTELLI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Vincent Dubois, Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

208 et 255 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 28 janvier 2015 sous la présidence de M. Philippe Bas, président, la commission des lois a examiné le rapport de M. Hugues Portelli sur la proposition de loi constitutionnelle n° 208 (2014-2015) présentée par MM. Gérard Larcher et Philippe Bas tendant à assurer la représentation équilibrée des territoires .

Après avoir remis en perspective historique la conception française de la représentation politique, le rapporteur a rappelé l'état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d'égalité devant le suffrage ainsi que l'application que le Conseil d'État a fait de cette jurisprudence lors de l'examen des recours contentieux. Il a indiqué que l'article 1 er du texte affirmait, à l'article 1 er de la Constitution, le principe de « représentation équitable » des territoires. Il a également exposé que les modifications apportées par l'article 2 du texte à l'article 72 de la Constitution permettrait de déroger à la stricte règle de proportionnalité du nombre d'élus par rapport à celui des habitants dans la limite d'un tiers d'écart à la moyenne constatée au sein de la circonscription territoriale. Cet écart pourrait être dépassé lorsqu'un motif d'intérêt général le justifie.

La commission des lois a approuvé cette proposition de loi constitutionnelle, sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel de son rapporteur.

La commission a adopté la proposition de loi constitutionnelle ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi constitutionnelle des présidents Gérard Larcher et Philippe Bas, soumise à l'examen de votre commission, a pour objet de modifier les articles 1 er et 72 de la Constitution afin d'introduire le concept de « représentation équitable des territoires » pour l'élection des assemblées locales.

Cette révision constitutionnelle apporterait une dimension nouvelle à la conception de la représentation telle qu'elle découle des principes républicains traditionnels et notamment de ceux hérités de 1789. Elle permettrait de surmonter l'obstacle jurisprudentiel constitué par la conception essentiellement démographique du principe d'égalité devant le suffrage appliqué par le Conseil constitutionnel dans toutes ses décisions en matière de loi électorale en limitant cependant cette novation à l'élection des assemblées des collectivités territoriales et de leurs groupements.

I. LES PRINCIPES FONDATEURS DU DROIT ÉLECTORAL FRANÇAIS

La conception française de la représentation est héritière des principes de 1789 mais ceux-ci sont contradictoires.

Selon ces principes, la souveraineté appartient à la Nation, c'est-à-dire à l'ensemble indivisible des citoyens, comme le rappelle l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Si aujourd'hui sont considérés comme citoyens les nationaux des deux sexes sans restriction, il a fallu attendre longtemps pour parvenir à cette définition. Les constituants de 1789 considéraient le vote comme une fonction et non comme un droit , ce qui a permis de limiter son exercice aux seuls citoyens, c'est-à-dire aux détenteurs de la nationalité française (ce qui demeure le principe aujourd'hui) d'une part, et de distinguer parmi les citoyens selon leur capacité supposée (sexe, revenu) ceux qui étaient susceptibles d'exercer cette fonction (distinction entre citoyens actifs et passifs, entre citoyens et électeurs, etc.). Si désormais l'égal accès au suffrage est la règle pour tous les citoyens et citoyennes, cette conception du vote-fonction explique que, dans la tradition française, le représentant soit le représentant d'une population
- de nationaux ou non - mais que ses électeurs soient uniquement les citoyens de sa circonscription, ce qui a pour conséquence que des circonscriptions de population égale aient un électorat de citoyens très variable selon le nombre de résidents étrangers qu'elles accueillent.

Si la distinction entre population et Nation n'a jamais été contestée depuis 1789, il est tout aussi constant que, dans la tradition révolutionnaire et républicaine, le représentant ne représente que la Nation et ses citoyens. En 1789, l'abolition des différences entre les territoires a été aussi importante que l'abolition des distinctions entre les individus. Le territoire national devait être aussi uni et indivisible que sa communauté de citoyens. Les constituants de 1789 et 1791 et leurs successeurs n'eurent de cesse d'unifier et d'uniformiser le territoire du Royaume puis de la République et de ne donner aux subdivisions territoriales de l'État qu'un statut purement administratif, et des compétences et des institutions identiques. Il ne pouvait en être autrement dès lors que ces subdivisions étaient à la fois des circonscriptions administratives de l'État, régies par le principe de la subordination hiérarchique au centre - le gouvernement - de la périphérie
- le maire - dont le responsable n'était pas élu mais nommé 1 ( * ) , et des collectivités territoriales dotées d'une autonomie administrative fonctionnelle. Cela explique pourquoi le Conseil constitutionnel préfère s'appuyer directement sur les articles 1 er et 3 de la Constitution que sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui ne fait pas allusion au mode de désignation des représentants, laissant ce soin à la constitution de 1791 dont elle était partie intégrante et qui organisait l'inégalité du suffrage 2 ( * ) .

Dans cette conception, si le représentant de la Nation est élu dans une circonscription qui délimite un territoire, celui-ci est purement fonctionnel : le découpage des circonscriptions pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale est établi sur des bases démographiques et, juridiquement, le député est le représentant de la Nation et non de sa circonscription 3 ( * ) .

Ce poids du facteur démographique joue également pour l'élection des sénateurs, quand bien même ceux-ci « assurent la représentation des collectivités territoriales » 4 ( * ) . Cette représentation est réalisée à travers le scrutin indirect et l'élection par les élus locaux, mais même dans ce cas, le correctif démographique est intervenu progressivement pour rééquilibrer cette représentation (les élus municipaux constituant 90 % du corps électoral sénatorial) au profit des collectivités urbaines défavorisées par la majorité écrasante de petites communes rurales, quitte à ce que, dans les grandes villes, les sénateurs soient élus en partie par des délégués non membres des conseils municipaux.

Pour que le Sénat, qui représente aussi la Nation, représente autrement les collectivités territoriales, il aurait fallu que la République française ne soit pas un État unitaire dont les collectivités territoriales ne sont que des institutions administratives. Mais l'évolution récente des États composés montre que seuls les États fédéraux classiques (Allemagne, Suisse) sont dotés d'assemblées représentant spécifiquement les entités fédérées alors que les États régionaux ont tendance à réduire le rôle des secondes Chambres au profit d'un pouvoir - législatif - direct attribué aux institutions régionales.

Cette tradition et ces incertitudes expliquent pourquoi la proposition de loi constitutionnelle ne concerne que les collectivités territoriales et leurs groupement s.

Cette proposition part d'un constat : le Conseil constitutionnel fait du critère démographique le critère unique d'appréciation de la constitutionnalité des lois électorales - lato sensu - et n'apporte à ce critère que des correctifs limités à la prise en compte de motifs d'« intérêt général ».

II. L'APPLICATION DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LE SUFFRAGE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel applique depuis 1985 une jurisprudence constante, fondée sur l'appréciation démographique du principe d'égalité devant le suffrage, à l'examen de la constitutionnalité des lois électorales. Cette appréciation ne souffre que des correctifs limités et justifiés par des motifs d'intérêt général.

A. LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LE SUFFRAGE

1. La formulation du principe

Le considérant de principe formulé en 1985 par le Conseil constitutionnel n'a connu que des modifications formelles. Dans sa rédaction applicable aux collectivités territoriales, le juge constitutionnel énonce qu' « il ressort de ces dispositions que l'organe délibérant [...] doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ; que, s'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque [collectivité territoriale] ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ».

2. Les élections concernées

Le principe d'égalité devant le suffrage s'applique autant aux élections nationales que locales.

Au niveau local, le Conseil constitutionnel a étendu la jurisprudence des « bases essentiellement démographiques » aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre : « dès lors que des établissements publics de coopération entre les collectivités territoriales exercent en lieu et place de ces dernières des compétences qui leur auraient été sinon dévolues » 5 ( * ) .

À ce jour, le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi de dispositions applicables aux autres formes de coopérations entre collectivités (syndicats de communes, syndicats mixtes, etc.).

Le Conseil constitutionnel n'a jamais soulevé cette question pour les instances représentatives des Français établis hors de France, même si l'application des autres règles constitutionnelles en matière d'élection de ces élus du suffrage universel laisse à penser que le principe d'égalité devant le suffrage s'applique à leur élection.

3. La population de référence

Ce principe conduit à ce que chaque élu d'une même assemblée représente un nombre équivalent d'habitants. Le Conseil constitutionnel a rappelé que le calcul de la représentation moyenne de chaque élu devait se fonder sur la population représentée et non sur le nombre d'électeurs 6 ( * ) .

Le pouvoir législatif ou règlementaire doit donc se fonder sur la seule population recensée 7 ( * ) et faire évoluer le découpage et la répartition des sièges en fonction de l'évolution démographique. Les modifications démographiques du pays ont ainsi conduit le Conseil constitutionnel à censurer en 2009 8 ( * ) le minimum de deux sièges de députés par département après l'avoir validé en 1986 9 ( * ) , et ce au nom du changement des circonstances de fait avec l'évolution démographique et de droit avec la fixation d'un nombre maximum de députés à l'article 24 de la Constitution par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

4. Le niveau pertinent d'appréciation

Par ailleurs, le respect de ce principe d'égalité devant le suffrage s'apprécie au niveau du ressort territorial de la collectivité territoriale et de l'assemblée délibérante qui y est élue.

En revanche, ce principe ne saurait conduire à examiner les ratios de représentations entre collectivités territoriales, comme l'a explicitement jugé le Conseil constitutionnel. Le pouvoir législatif n'est ainsi pas tenu de respecter une règle de proportionnalité entre les effectifs de plusieurs conseils régionaux car les conseillers régionaux « n'ont pas vocation à constituer, au niveau national, une assemblée unique », ce qui a conduit le juge constitutionnel à considérer comme inopérant « le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant le suffrage en tant qu'il s'applique aux écarts de représentation entre régions par rapport à la moyenne nationale » 10 ( * ) .

5. Les effets selon le mode de scrutin

Des conséquences différentes découlent de son application selon les règles électorales applicables.

Soit le mode de scrutin est construit à partir d'un nombre identique d'élus au sein de plusieurs circonscriptions - un lors des élections législatives ou deux lors des élections départementales 11 ( * ) -, le principe d'égalité devant le suffrage doit alors être respecté dans la délimitation des circonscriptions d'élection. Soit le scrutin conduit à élire au sein de plusieurs circonscriptions prédéterminées un nombre de sièges qui peut varier
- comme pour les élections sénatoriales, communautaires ou européennes 12 ( * ) -, ce principe contraint le pouvoir législatif ou règlementaire dans le nombre de sièges qui sont attribués à chaque circonscription.

Enfin, ce principe n'a pas d'incidence lorsque l'élection a lieu au sein d'une circonscription unique, comme pour l'élection du Président de la République, des conseillers régionaux et de l'assemblée de Corse ou des conseillers municipaux, exception faite des rares communes qui comptent des sections électorales.

Le Conseil constitutionnel a récemment eu à se prononcer, à propos de l'élection des conseillers régionaux, sur l'application du principe d'égalité devant le suffrage pour des élections qui ont lieu dans le cadre d'une circonscription unique mais avec des candidatures qui sont présentées au titre de plusieurs sections . Dans ce cas, il a considéré le principe inopérant car les sections départementales ne constituaient pas des circonscriptions d'élections 13 ( * ) : un élu présenté au titre d'une section départementale figure sur le bulletin de vote régional et le suffrage de tout électeur de la région peut se porter sur lui. Toutefois, si le législateur veut assurer la représentation minimale d'un département en imposant la réattribution de sièges au sein de listes pour qu'un nombre minimal de candidats d'une section départementale donné soit élu, le Conseil constitutionnel veille au respect d'égalité. Ainsi, il veille classiquement à ce que la différence de traitement résulte de situations différentes ou d'un motif d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit, ce qu'il a admis dans le cas cité 14 ( * ) .

B. LES DÉROGATIONS AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LE SUFFRAGE

Le Conseil constitutionnel admet lui-même que le principe d'égalité devant le suffrage n'implique pas une proportionnalité absolue entre la population représentée et la répartition des sièges. En revanche, seul un motif d'intérêt général peut permettre de déroger à cette règle « dans une mesure limitée ».

1. L'existence d'un motif d'intérêt général

Lorsqu'il est saisi de dispositions législatives délimitant des circonscriptions ou répartissant des sièges, le Conseil constitutionnel apprécie s'il existe un motif d'intérêt général.

Le Conseil contrôle également l'existence de ce motif lorsqu'il examine des dispositions législatives déterminant les règles qui s'imposent au pouvoir réglementaire pour déterminer les limites des circonscriptions et le nombre de sièges.

Le Conseil constitutionnel est rétif à admettre, de manière générale et a priori , des motifs d'intérêt général qui permettraient de déroger à la proportionnalité. Lorsque le législateur a indiqué trois cas 15 ( * ) dans lesquels le Gouvernement pourrait déroger pour un motif d'intérêt général à la stricte proportionnalité pour délimiter les circonscriptions législatives, le Conseil constitutionnel, sans remettre en cause chacun de ces critères, a émis une réserve d'interprétation restrictive : « Il ne pourra y être recouru que dans une mesure limitée et en s'appuyant, au cas par cas, sur des impératifs précis d'intérêt général [car] leur mise en oeuvre devra être strictement proportionnée au but poursuivi » 16 ( * ) .

Dans le même esprit, il a censuré des motifs d'intérêt général instaurés par la loi pour encadrer le pouvoir de délimitation des cantons par le pouvoir règlementaire non sur leur bien-fondé mais au motif de leur généralité 17 ( * ) . Il privilégie donc une appréciation in concreto à une approche in abstracto .

Le Conseil constitutionnel se montre traditionnellement ouvert aux motifs géographiques . Il a même admis, pour ce motif, des dérogations qui allaient au-delà de 20 % d'écart à la moyenne de représentation pour admettre un sénateur 18 ( * ) élu à Saint-Barthélemy et un autre à Saint-Martin 19 ( * ) ou la création de la onzième circonscription législative à l'étranger regroupant l'Asie et l'Océanie 20 ( * ) .

Il refuse à l'inverse des motifs institutionnels comme la règle qui aurait voulu que chaque collectivité d'outre-mer dispose par principe d'un parlementaire 21 ( * ) ou que le nombre de communes entre en compte dans le découpage cantonal 22 ( * ) . En revanche, il a admis un nombre minimal de conseillers territoriaux par département « pour assurer le fonctionnement normal d'une assemblée délibérante locale » 23 ( * ) .

2. L'écart de représentation toléré

Le Conseil constitutionnel s'est progressivement attachée, de manière prétorienne, à une limite maximale d'écart de représentation plafonnée à 20 % .

Lorsqu'il a statué sur la création des conseillers territoriaux, le Conseil constitutionnel a censuré la répartition des sièges entre départements au sein des régions pour méconnaissance du principe d'égalité devant le suffrage en se bornant à indiquer que dans six régions « le rapport du nombre des conseillers territoriaux du département [...] à sa population s'écarte de la moyenne régionale dans une mesure qui est manifestement disproportionnée » 24 ( * ) .

Le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel est plus précis puisqu'il indique que « le Conseil constitutionnel a estimé que toutes les régions dans lesquelles le ratio d'un département s'écartait de la moyenne régionale de plus de 20 % méconnaissaient le principe d'égalité devant le suffrage », l'écart de 20 % ayant été pris comme base de travail par le Gouvernement pour élaborer son projet de loi. A l'appui de ce choix, le commentaire avance que « en retenant ce seuil de 20 %, le Conseil a repris à son compte les limites que le législateur lui-même s'était assigné en 1986 puis en 2009 en vue de la réalisation de la délimitation des circonscriptions électorales pour l'élection des députés au sein d'un même département ».

3. L'étendue du contrôle du Conseil constitutionnel

Le commentaire de la décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009 explique que dans les limites de 20 %, le Conseil a « confirmé le caractère restreint de son contrôle en n'examinant pas les écarts à la moyenne à l'intérieur des 20 % » sans renoncer à exercer son contrôle 25 ( * ) . En revanche, le Conseil constitutionnel a précisé que ne disposant pas d'un « pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement », « il ne lui appartient donc pas de rechercher si les circonscriptions ont fait l'objet de la délimitation la plus juste possible » 26 ( * ) .

Au titre de son contrôle, le Conseil prend en compte l' amélioration de la situation au regard du principe d'égalité devant le suffrage pour apprécier une répartition des sièges : s'agissant du redécoupage des circonscriptions législatives en 2009, le Conseil a jugé que « quel que puisse être le caractère discutable des motifs d'intérêt général invoqués pour justifier la délimitation de plusieurs circonscriptions, notamment dans les départements de la Moselle et du Tarn, il n'apparaît pas, compte tenu, d'une part, du progrès réalisé par la délimitation résultant de l'ordonnance du 29 juillet 2009 susvisée et, d'autre part, de la variété et de la complexité des situations locales pouvant donner lieu à des solutions différentes dans le respect de la même règle démographique, que cette délimitation méconnaisse manifestement le principe d'égalité devant le suffrage » 27 ( * ) .

Son contrôle semble néanmoins s'être resserré par rapport à celui que le Conseil avait exercé en 2003 sur la nouvelle répartition des sièges des sénateurs où il avait estimé que l'amélioration de la situation suffisait à écarter la censure « si l'application d'un système de répartition par tranches maintient certaines disparités démographiques, les modifications qui résultent de la loi déférée n'en réduisent pas moins sensiblement les inégalités de représentation antérieures [et], en second lieu, [...] en conservant aux départements de la Creuse et de Paris leur représentation antérieure, le législateur a apporté une dérogation au mode de calcul qu'il avait lui-même retenu ; [...] toutefois, pour regrettable qu'elle soit, cette dérogation, qui intéresse quatre sièges, ne porte pas au principe d'égalité devant le suffrage une atteinte telle qu'elle entacherait d'inconstitutionnalité la loi déférée » 28 ( * ) .

C. L'ATTITUDE DU JUGE ADMINISTRATIF

Les juridictions administratives ont eu à apprécier les critères du découpage des circonscriptions lorsque celui-ci est effectué par le pouvoir règlementaire, notamment pour les cantons.

À la suite de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseils départementaux qui a réduit le nombre de cantons du fait de l'élection de binômes femme-homme dans chaque canton, le Conseil d'État a été saisi de très nombreuses requêtes contestant le nouveau découpage, qui a eu notamment pour effet de réduire les inégalités démographiques parfois considérables entre cantons ruraux et cantons urbains et de diminuer le nombre de cantons ruraux. Si le Conseil d'État a validé tous les découpages contestés, il a cependant rejeté les recours qui critiquaient l'absence de prise en compte suffisante des réalités territoriales - faute d'éléments probants pour le démontrer - mais surtout ceux qui considéraient que le découpage avait fait la part trop belle à la ruralité, notamment en allant au-delà de l'écart de 20 %.

Le Conseil d'État, tout en qualifiant ce seuil de « ligne directrice » 29 ( * ) , ne le reconnaît pas comme un critère indiscutable : « Il ne résulte ni de l'article L. 3113-2 du CGCT, qui impose d'établir le territoire de chaque canton sur des bases essentiellement démographiques, ni d'aucun autre texte non plus que d'aucun principe que la population d'un canton ne devrait pas s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne du département. » 30 ( * ) .

On peut donc en conclure que le juge administratif, confronté au découpage des circonscriptions électorales locales, fait preuve d'une plus grande flexibilité que le juge constitutionnel.

III. LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE : UNE CONCEPTION MOINS RIGIDE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LE SUFFRAGE

La proposition de loi constitutionnelle poursuit un double objectif.

Elle introduit la notion de territoire dans la Constitution et ce dès l'article 1 er qui définit la République. Après la phrase introduite lors de la révision du 28 mars 2003 pour proclamer que « son organisation est décentralisée », il serait ajouté qu'« elle garantit la représentation équitable des territoires dans leur diversité » ( article 1er ).

Ce terme, que l'on retrouve dans le droit public local, traduit, à l'intérieur de subdivisions électorales (circonscriptions) ou administratives (collectivités territoriales) l'existence de territoires spécifiques du fait de leur géographie physique (littoral, montagne), humaine (zone rurale ou urbaine) ou économique (bassin de vie) dont il faut reconnaître l'identité et même la « diversité » de façon telle que la loi ou le règlement leur accordent une représentation « équitable » 31 ( * ) , c'est-à-dire qui aille au-delà du pur calcul mathématique fondé sur les statistiques démographiques.

Dans ce but, la proposition de loi constitutionnelle propose de modifier l'article 72 de la Constitution, qui est le premier article du titre XII consacré aux collectivités territoriales ( article 2 ). Cette modification s'insère à la fin du troisième alinéa de cet article, relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales. Ce principe y est illustré par le fait que ce sont des conseils élus qui administrent ces collectivités. Il est proposé que les territoires d'élection des membres de ces collectivités et de leurs groupements devront être « représentés équitablement » tout en respectant le principe d'égalité devant le suffrage.

Que faut-il entendre par « territoire d'élection » alors qu'au niveau national, l'article 25 de la Constitution mentionne les « circonscriptions » ? Le terme de territoire d'élection suggère que les circonscriptions électorales de ces collectivités ou EPCI devraient avoir un « ancrage » territorial réel lorsqu'il s'agit de structures supra-communales, comme par exemple le canton au sein du département. D'ailleurs, la jurisprudence administrative fait référence au « territoire de chaque canton ».

La rédaction proposée renvoie aux collectivités territoriales et leurs groupements que mentionne déjà l'article 72 de la Constitution. Sans préjuger de la portée que le juge constitutionnel confère au principe d'égalité devant le suffrage sur les différentes formes de coopération entre collectivités territoriales, le constituant viserait, à tout le moins, le cas de l'élection des membres des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre auxquels le Conseil constitutionnel a récemment appliqué le principe d'égalité devant le suffrage 32 ( * ) .

La « représentation équitable » des territoires serait assurée en introduisant une nouvelle limite maximale d'écart de représentation qui serait du tiers de la moyenne de représentation constatée pour l'assemblée concernée au lieu des 20 % imposés par le Conseil constitutionnel. Cette proposition va clairement à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais elle n'est pas contradictoire avec la jurisprudence, et notamment la plus récente, du Conseil d'État dont il faut rappeler qu'il est le juge des élections locales.

Dans la mesure où la proposition de loi constitutionnelle ne concerne que les collectivités territoriales et leurs groupements et permet de protéger leur diversité grâce à une représentation équitable de leurs territoires, votre commission a approuvé la proposition de loi constitutionnelle.

Sur proposition de son rapporteur, elle a adopté un amendement , permettant de mieux insérer les modifications proposées par l'article 2 au sein de l'article 72 de la Constitution.

Afin de suffisamment prendre en compte la diversité des territoires et de leur assurer une représentation politique équitable, votre commission a adopté la proposition de loi constitutionnelle.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de constitutionnelle ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

M. Hugues Portelli , rapporteur . - Nous examinons une proposition de loi constitutionnelle déposée par MM. les présidents Larcher et Bas, qui a pour objet d'introduire dans la Constitution le concept de représentation équitable des territoires, pour l'élection des assemblées locales. Cette révision apporterait une dimension nouvelle à la conception de représentation telle qu'elle existe en France depuis 1789, et cela permettrait de surmonter l'obstacle jurisprudentiel que représente la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment son application restrictive du principe d'égalité devant le suffrage. Cependant, cette novation se limiterait à l'élection des assemblées des collectivités territoriales et de leurs groupements.

En quoi ce texte modifie les principes fondateurs du droit électoral français ? La conception française de la représentation remonte à 1789 et part de l'idée que la souveraineté appartient à la Nation, qui est l'ensemble indivisible des citoyens. Dans cette conception, le vote était considéré non comme un droit, mais comme une fonction. Ce qui explique qu'il n'y avait pas de référence au droit de vote dans la Déclaration des droits de l'homme : toutes les questions concernant le droit de vote étaient réglées par la Constitution de 1791, dont la Déclaration faisait intégralement partie. Et cette Constitution organisait l'inégalité dans le suffrage : elle distinguait le citoyen actif et le citoyen passif, le citoyen de l'électeur, tout cela dans le cadre d'un suffrage censitaire. Il reste aujourd'hui quelque chose de cette conception d'électorat-fonction : le droit électoral distingue la population et la Nation. Le représentant est le représentant de la Nation, mais il est élu sur des bases démographiques, le calcul des circonscriptions se fait sur la base de l'ensemble de la population. En revanche, n'exercent la fonction d'électeurs que les seuls citoyens, ce qui explique que les circonscriptions qui ont une population égale peuvent avoir un nombre d'électeurs différents.

La conception globale et indivise de la Nation se retrouve au niveau territorial. En 1789, les constituants souhaitaient créer une nation une et indivisible, qui devait également exister au niveau territorial : il fallait donc supprimer toutes les différences entre les territoires. Ainsi lorsqu'on parle de représentation, on ne parle que de Nation et pas de territoire, et les calculs se font sur une base purement démographique et arithmétique. Cette tradition de la révolution française est devenue la tradition républicaine. Le Conseil constitutionnel s'est strictement calé sur cette vision et a affirmé, depuis 1999, que le député et le sénateur représentent la Nation toute entière, et non la population de leur circonscription.

Cela explique pourquoi les auteurs de la proposition de loi, prudemment, n'ont évoqué que les collectivités territoriales. Ici, nous nous heurtons au problème de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui applique le principe d'égalité devant le suffrage, ce principe étant entendu de façon purement démographique, et valant pour toutes les élections. Le Conseil constitutionnel n'admet que des correctifs à ce principe, à travers l'existence d'un motif d'intérêt général. Ce motif d'intérêt général peut être une raison géographique, autorisant l'élection d'un sénateur à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin par exemple. L'autre motif d'intérêt général était constitué par la règle des deux députés par circonscription, qui est tombé après que le nombre de député a été fixé à 577, car elle devenait inconciliable avec la limite maximale d'écart fixée à 20 %.

Cette proposition de loi constitutionnelle concerne uniquement les élections locales. La jurisprudence du juge administratif en la matière, notamment les nombreux arrêts rendus ces derniers mois concernant le périmètre des nouvelles circonscriptions départementales, est intéressante. Au sein de sa jurisprudence, le Conseil d'État utilise le terme de « territoires » pour qualifier ces circonscriptions électorales.

En outre, il fait preuve d'une plus grande flexibilité que le juge constitutionnel s'agissant du découpage des circonscriptions locales. En effet, le Conseil d'État qualifie la jurisprudence constitutionnelle selon laquelle la population d'un canton ne devrait pas s'écarter de plus 20 % de la population moyenne du département de simple « ligne directrice », notamment dans ses arrêts en date du 5 novembre 2014 relatifs à la Corse. De surcroît, dans son arrêt communauté de communes du Plateau Vert du 30 décembre 2014, il affirme que ce seuil « ne résulte ni de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, qui impose d'établir le territoire de chaque canton sur des bases essentiellement démographiques, ni d'aucun texte ». Ce seuil des 20 % ne constitue donc pas un obstacle infranchissable pour le Conseil d'État.

La présente proposition de loi constitutionnelle comporte deux types de dispositions.

Il s'agit tout d'abord de modifier l'article 1 er de la Constitution en ajoutant, après les mots « son organisation est décentralisée », que la République « garantit la représentation équitable des territoires dans leur diversité ». La notion de « territoire » serait donc insérée dans la Constitution. Leur diversité géographique, humaine ou économique serait également reconnue et traduite dans leur représentation électorale.

L'article 72 de la Constitution serait ensuite modifié. À la fin de son troisième alinéa relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales, il est proposé que les territoires d'élection des membres de ces collectivités et de leurs groupements soient « représentés équitablement » tout en respectant le principe d'égalité devant le suffrage. Je proposerai uniquement un amendement rédactionnel.

En tant que rapporteur, j'invite à l'adoption de cette proposition de loi constitutionnelle. Je rappelle également que le pouvoir constituant est déjà intervenu à rebours du Conseil constitutionnel notamment dans le cas de la parité. Il a en effet fallu qu'une révision constitutionnelle soit adoptée en 1999 puis en 2008 pour que le Conseil revoit sa jurisprudence et s'adapte à la volonté du constituant.

M. Philippe Bas , président . - Je remercie le rapporteur pour son intervention à laquelle je souscris pleinement. Je rappelle que le Président du Sénat, lors de son discours du 21 octobre 2014, s'est fait l'écho de la préoccupation d'élus concernant ce seuil fixé par le Conseil constitutionnel et restreignant les possibilités de représentation des territoires en tant que tels.

Cette proposition de loi constitutionnelle ne remet pas en cause les grands principes de la représentation nationale. Elle ne s'appliquerait d'ailleurs ni aux élections législatives ni aux élections sénatoriales. Elle vise à être efficace et c'est d'ailleurs pourquoi il est proposé d'indiquer un seuil au sein même de la Constitution. Pour mémoire, en l'état actuel, le Conseil constitutionnel ne permet pas que la population d'un canton s'écarte de plus de 20 % de la population moyenne du département, sauf motif d'intérêt général caractérisé.

La présente proposition vise à accroître ce seuil en passant de 20 % à un tiers. Il serait également possible de dépasser ce nouveau seuil d'un tiers en présence d'un motif d'intérêt général. L'ensemble de ces dispositions permettrait de lever les difficultés de représentation des territoires.

Un amendement rédactionnel a été proposé concernant le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales mentionné à l'article 72 de la Constitution. Nous en débattrons mais je tiens à préciser qu'il ne modifie aucune règle de fond concernant ce pouvoir des collectivités.

M. François Zocchetto . - Je salue cette proposition de loi constitutionnelle qui représente une étape supplémentaire dans la réflexion que nous menons au Sénat sur les notions de territoire et de représentation de celui-ci. Comme l'a montré le rapporteur en resituant cette initiative dans son contexte, cette proposition est loin d'être anodine. Elle introduit dans notre Constitution les notions de diversité et d'équité, cette dernière restant à définir par rapport au concept d'égalité. En conjuguant, dès la première phrase, équité et égalité, cette proposition ouvre des perspectives de travail pour les exégètes.

Je remercie le Président Bas de nous avoir apporté son éclairage sur les intentions des auteurs de la proposition. Je m'interroge toutefois sur trois points.

En premier lieu, il est proposé d'élargir le « tunnel » des 20 %. Ne serait-il pas possible de prévoir d'abandonner ce « tunnel » en cas d'intérêt général suffisant ?

Par ailleurs, est-il indispensable de fixer un seuil ? Cela a pu effectivement paraître audacieux à certains. Pour ma part, j'estime cela opportun eu égard aux différents appels du juge au constituant en la matière.

Enfin, je me pose la question des intercommunalités et de la représentation des villes-centres. On a voté que celles-ci ne pouvaient obtenir plus de la moitié des sièges au sein de l'assemblée délibérante d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cela ne conduirait-il pas dans certains cas à ce que leur représentation se trouve en deçà du seuil de 30 % ?

M. Jean-René Lecerf . - Cette proposition de loi constitutionnelle est particulièrement intéressante : peut-on encore tolérer que 80 % du territoire ne soit représenté que par 1 ou 2 % des élus ? J'aimerais toutefois revenir sur quelques aspects.

Tout d'abord, je remarque que si la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'est pas juridiquement contestable, elle l'est en revanche intellectuellement. On a évoqué la souveraineté nationale. Avec de nombreux auteurs, je considère que la Nation est la réunion des générations passées, présentes et futures. Dès lors, la représentation à la virgule près de ceux qui habitent un territoire seulement à un moment donné, peut prêter à discussion. Il y a donc matière à s'interroger sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Quant à la jurisprudence du Conseil d'État, j'en ai été à plusieurs reprises très surpris. Dans mon département, le découpage de certains cantons confine au détournement de pouvoir et pourtant le Conseil d'État n'y a pas vu malice. Cela me rappelle la déclaration de Michel Debré lorsqu'il disait : « Il n'y a pas de magistrature administrative, il n'y a que des fonctionnaires qui exercent le métier de juge. ».

Dernière remarque sur la rédaction du dernier alinéa de l'article 2. Je ne suis pour ma part pas convaincu par ce seuil du tiers, qui fait un peu « cuisine électorale ». Ne serait-il pas possible d'inverser la rédaction en écrivant : « La population représentée par les élus de chaque territoire peut, sans impératif d'intérêt général, s'écarter de moins d'un tiers de la population moyenne représentée par les élus du conseil » ? Pour ma part, j'aurais cependant préféré une rédaction plus large du deuxième alinéa, par exemple : « Les territoires d'élection des membres des conseils des collectivités territoriales et de leurs groupements sont définis de façon à concilier le respect de l'égalité devant le suffrage avec la représentation des territoires. ». Cela permettrait les adaptations locales.

Pour le reste, je note tout de même que ce débat demeure largement virtuel dans la mesure où il est fort peu probable qu'un référendum soit convoqué dans les semaines à venir. C'est pourquoi je me suis autorisé ces quelques observations virtuelles supplémentaires.

M. Philippe Kaltenbach . - Je remercie le rapporteur pour sa présentation qui a permis de remettre en perspective ce texte, sans éluder les questions de contingence que nous avons vécues récemment au Sénat. J'ai cru comprendre que cette proposition de loi constitutionnelle vient opportunément renforcer la représentation des territoires ruraux, ce qui, à l'approche des élections départementales, n'est pas sans soulever des interrogations. Comme M. Lecerf, je doute de la convocation prochaine d'un référendum sur ce texte, qui a donc une forte dimension d'affichage politique.

Je reste attaché au principe d'égalité devant le suffrage. Certes, le Conseil constitutionnel a choisi d'autoriser les ajustements dans une fourchette de plus ou moins 20 %. Il aurait aussi bien pu retenir un « tunnel » de plus ou moins 15 %, 25 % ou 30 %. Lors de l'examen de la loi sur les élections départementales, le groupe socialiste avait proposé un « tunnel » à 30 % mais le Gouvernement nous avait opposé le risque d'inconstitutionnalité d'une telle mesure. Le groupe socialiste est donc favorable au texte sur ce point.

En revanche, le texte modifie les articles 1 er et 72 de la Constitution. Est-il bien opportun de toucher à l'article 1 er si emblématique ? La modification de l'article 72 ne suffit-elle pas à répondre au problème auquel nous sommes confrontés ?

À ce stade, le groupe socialiste n'a pas encore arrêté sa position de vote qu'il ne fera donc connaître que lors de l'examen de la proposition en séance publique. La proposition est intéressante mais prospèrera-t-elle ?

Enfin, je fais tout de même observer que plus le « tunnel » est large, plus celui qui tient les ciseaux a de facilité pour procéder au découpage qui l'arrange.

M. Philippe Bas , président . - Est-ce un aveu ?

M. Philippe Kaltenbach . - Je vous rappelle qu'à la suite du dernier découpage, il n'y a eu aucune annulation, contrairement à ce qui s'était produit par le passé. Élargir le « tunnel » implique donc la vertu de celui qui tient les ciseaux.

M. François Bonhomme . - Je souscris, quant à moi, pleinement aux intentions des auteurs de cette proposition. D'abord par la portée symbolique de l'inscription dans la Constitution de la notion de territoire, qui plus est à l'initiative du Sénat. Ensuite du fait du contexte actuel : je regrette que lors du découpage cantonal, le seul critère démographique ait été retenu, faisant fi de la notion de bassin de vie, ce qui aura pour conséquence une rupture du lien entre les élus et les territoires. Le fait que le juge n'ait prononcé aucune annulation ne signifie pas pour autant que le Gouvernement a bien travaillé. D'autant que les scrutins binominaux posent d'ores et déjà des problèmes de cohabitation au sein du duo de candidats et entraînent une confusion pour les électeurs, aussi important le principe de parité soit-il.

Avec cette proposition de loi constitutionnelle, l'égalité n'est pas mise à mal, le principe un homme-une voix demeure. Mais l'équité vient rééquilibrer le dispositif. Je souscris donc à cette proposition en espérant qu'à l'avenir la notion de bassin de vie, bien connue par les travaux de l'INSEE, soit introduite pour le découpage des circonscriptions électorales.

J'ai des exemples de communautés de communes qui formaient un bassin de vie, qui ont été divisées en trois ou quatre lors du redécoupage cantonal. Nous sommes très loin de la volonté de simplification affichée. Dans les prochains mois, nous serons sans doute amenés à corriger ce découpage.

M. Jacques Mézard . - Je soutiens pleinement cette proposition de loi constitutionnelle qui est en parfaite harmonie avec ce que j'ai défendu à de multiples reprises lors de nombreux débats. Même si cette proposition de loi constitutionnelle aura sûrement du mal à faire son chemin, elle est un message de réconfort pour nos territoires.

Quant à dire que c'est une manoeuvre politicienne avant les élections départementales, je crois que personne n'a à donner de leçon à quiconque sur cette question. D'ailleurs, je ne connais aucun Gouvernement qui n'ait jamais eu de visées électoralistes.

La meilleure preuve, monsieur Kaltenbach, c'est que vous nous expliquez que votre groupe a soutenu le « tunnel » de 30 %, mais que cette fois, à 33 %, cela vous pose un problème.

Je m'étonne que les gouvernements qui se succèdent n'aient pas à coeur de trouver un consensus sur l'essentiel, c'est-à-dire les modes de représentation de nos concitoyens. Ce qui a pour effet, au fil des ans, de faire grimper l'abstention lors des élections.

Nos circonscriptions n'ont plus aucun sens. Il en est de même pour les élections régionales. Nous nous sommes déjà exprimés sur cette question. Vous le verrez, il y aura peu de votants car dans certains départements, aller voter n'aura plus aucun intérêt car le résultat sera connu d'avance. Des territoires entiers auront le sentiment de ne plus exister.

Conserver le même système pour les régionales, en procédant à des fusions en grandes régions me parait antidémocratique. Et cela éloignera encore davantage les électeurs.

Avec le « tunnel » de 20 %, nous sommes coupés des réalités, des intercommunalités, des bassins de vie.

De toute façon, nous ne voulons pas poser les vrais problèmes. Que les conseillers municipaux de Paris soient toujours conseillers généraux et cumulent les indemnités, cela ne trouble personne, et surtout pas les médias parisiens.

Dans des territoires très urbanisés, avec une densité importante de population, la situation est bien différente de celle des territoires ruraux, pour lesquels le « tunnel » de 20 % n'est pas du tout adapté. Les textes récents ne font qu'aggraver cette marginalisation. Si vous ne voulez pas, monsieur Kaltenbach, que ces territoires se sentent marginalisés et non représentés, pour ne pas dire plus, en référence à la notion utilisée récemment par le Premier ministre à destination des zones périurbaines, il faut adopter ce texte.

Je vous remercie donc, monsieur le président ainsi que le président Larcher, pour cette initiative. Quel que soit le moment où vous l'avez prise, c'est le bon moment.

M. Christophe Béchu . - Je soutiens également cette proposition et je joins mes remerciements à ceux exprimés par le président Mézard. Je souhaite réagir à l'intervention de M. Kaltenbach. Je n'ai qu'un seul point d'accord avec lui : la complexité qu'il y a à vouloir modifier l'article 1 er de la Constitution.

En revanche, il me semble invraisemblable que le groupe socialiste ait une position réservée sur cette question alors qu'il a défendu en séance publique le « tunnel » de 30 % pour les élections départementales. Vous devriez plutôt vous réjouir qu'un texte permette aujourd'hui de réaliser ce que vous souhaitiez à l'époque.

Je ne peux laisser dire que derrière ce texte il y aurait la volonté de modifier les équilibres électoraux pour pouvoir en bénéficier, alors que le Gouvernement, depuis qu'il est au pouvoir, a changé tous les modes de scrutin et toutes les dates d'élections qui ont eu lieu. Cela a été le cas pour les élections sénatoriales, départementales, régionales, en s'y reprenant parfois à plusieurs reprises pour choisir les dates.

Quant à la question des binômes, les territoires sont très exactement dans la situation que nous avions décrite, avec des attelages dont l'absence de responsabilité mutuelle de fait pose déjà des difficultés dans les méthodes de campagne et en posera demain pour les comptes de campagne, compte tenu de la solidarité qui lie les binômes en droit. Nous allons avoir un contentieux électoral de grande ampleur...

Nous nous étions également interrogés sur le principe d'équité. Pourquoi l'écart de représentation entre les départements peut dépasser largement les 20 % ? Un conseiller départemental, en fonction du département dans lequel il se trouve ne représente pas le même nombre d'habitants. On nous avait répondu qu'il faut tenir compte des particularismes locaux.

Que fait ce texte ? Il propose une vision qui n'est pas égalitariste mais qui, précisément, correspond à ce qu'est notre pays et notre histoire. Il tient compte de nos disparités territoriales avec un « tunnel » qui ne traite pas la France de manière uniformisée. Ce n'est pas un recul de la démocratie, c'est une reconnaissance de la manière dont ce pays s'est construit.

Même si je peux concevoir que cette volonté de tenir compte de la réalité des territoires puisse poser problème, si la position réservée du groupe socialiste devait être une position négative en séance publique, utiliser l'argument d'une manoeuvre politicienne de la majorité sénatoriale ne déplacerait pas un électeur de plus lors des prochains scrutins.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je ne serais pas intervenu sans le plaidoyer de M. Béchu.

Il faut mesurer les effets des élections départementales dans le temps. Le fait qu'il y ait plus d'égalité entre les habitants des cantons me semble être une avancée. Dans l'Hérault par exemple, il y avait un écart de un à quarante entre la population des différents cantons...

Vous savez bien que nous sommes tous profondément attachés à la ruralité. Nous sommes attachés à l'égalité et à la représentation des territoires

Nous avons estimé utile que notre groupe puisse statuer sur ce sujet lors de sa prochaine réunion. Nous devons avoir ce débat démocratique au sein du groupe, car nous trouvons que cette proposition de loi, ainsi que le rapport de notre collègue Hugues Portelli, méritent réflexion.

M. Philippe Bas , président . - Je voudrais rappeler que cette proposition de loi constitutionnelle n'a que deux signataires, le Président du Sénat et moi-même. Elle n'émane pas d'un groupe - elle ne sera d'ailleurs pas inscrite dans un espace réservé - mais traduit une position que, je pense, nous partageons pour la plupart. Sa logique n'est pas politique mais sénatoriale. Par ce texte, notre institution, qui représente les collectivités territoriales, s'oppose à une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui ne prend pas suffisamment en compte la réalité des territoires.

M. Hugues Portelli , rapporteur . - La proposition de loi constitutionnelle n'innove pas en utilisant le concept d'équité. Depuis 2008, l'article 4 de notre Constitution y fait référence pour ce qui concerne la participation des groupements politiques à la vie démocratique de notre Nation. Il s'agit seulement d'appliquer ce concept à la prise en compte des territoires.

Fallait-il modifier l'article 1 er en plus de l'article 72 ? J'en suis convaincu : la jurisprudence du Conseil constitutionnel s'appuie sur une interprétation particulière de ce premier article, plus que sur celle de l'article 72. Si nous voulons revenir sur cette jurisprudence, nous devons modifier les termes de l'article 1 er qui la fondent.

M. Philippe Bas , président . - Il faut aussi tenir compte de notre architecture constitutionnelle : les premiers articles de notre Constitution posent les principes, les suivants, les règles qui en découlent. Il ne serait pas tout à fait cohérent de modifier la règle à l'article 72 sans le faire, pour le principe, à l'article 1 er .

Monsieur Lecerf, ne pas fixer, comme nous le proposons, un seuil d'un tiers serait prendre le risque que le Conseil constitutionnel maintienne sa jurisprudence sur les 20 %, estimant que cette proportion tiendrait suffisamment compte des exigences que nous consacrerions. J'ajoute que ce plafond pourra parfois être dépassé pour tenir compte de certaines situations territoriales.

Monsieur Zocchetto, vous vous êtes inquiété que les villes-centres des intercommunalités soient défavorisées dans la répartition des sièges si l'on appliquait le seuil d'un tiers. Rien n'oblige le législateur à retenir dans la loi un niveau aussi élevé d'écart entre la représentation démographique de certains territoires et la moyenne de celui dans lequel ils se trouvent. La proposition de loi constitutionnelle vise seulement à lui donner une plus grande marge de manoeuvre pour fixer, au niveau où il le souhaitera, le seuil susceptible de favoriser la représentation équilibrée des territoires.

M. André Reichardt . - L'inquiétude exprimée par notre collègue sur le seuil d'un tiers fixé dans la Constitution portait sur ses conséquences juridiques.

M. Hugues Portelli , rapporteur . - Comme monsieur le président l'a rappelé, le seul moyen de lier la décision du Conseil constitutionnel est, puisque celui-ci retient une proportion, d'en fixer une autre dans la Constitution.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 2

M. Hugues Portelli , rapporteur . - Cet amendement est rédactionnel en inscrivant les modifications apportées après une référence aux « conseils élus » des collectivités territoriales et en déplaçant les dispositions relatives au pouvoir réglementaire sans les modifier.

M. André Reichardt . - Il présente l'intérêt de mettre plus clairement en avant le pouvoir réglementaire de nos collectivités.

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission adopte la proposition de loi constitutionnelle ainsi modifiée.

Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 2
Portée et dérogations au principe d'égalité devant le suffrage pour les élections locales

M. PORTELLI, rapporteur

1

Rédactionnel

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'intérieur

M. Marc Drouet , directeur adjoint de la modernisation et de l'action territoriale

M. Kévin Mazoyer , adjoint au chef du bureau des élections et études politiques

M. Charles Barbier , adjoint au chef du bureau des élections et études politiques

Contribution écrite de Mme Aurélie Bretonneau , maître des requêtes au Conseil d'État.


* 1 Le maire n'est élu qu'en 1882 et le préfet remplacé par le président du conseil général qu'en 1982.

* 2 Sections 2 et 3 du Titre III de la Constitution du 3 septembre 1791.

* 3 « Si députés et sénateurs sont élus au suffrage universel [...], chacun d'eux représente au Parlement la Nation tout entière et non la population de sa circonscription d'élection » (Conseil constitutionnel, 15 mars 1999, n° 99-410 DC) .

* 4 Alinéa 4 de l'article 24 de la Constitution du 4 octobre 1958.

* 5 Conseil constitutionnel, 20 juin 2014, n° 2014-405 QPC.

* 6 Le Conseil constitutionnel a censuré, au sein du projet de loi portant habilitation à procéder au redécoupage des circonscriptions législatives, la précision selon laquelle la population prise en compte l'était « en fonction notamment de l'évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales » (Conseil constitutionnel, 8 janvier 2009, n° 2008-573 DC).

* 7 Pour les élections à l'étranger, la population de référence est celle inscrite sur le registre des Français établis hors de France dans chaque circonscription consulaire, comme l'exige la jurisprudence constitutionnelle (Conseil constitutionnel, 8 janvier 2009, n° 2008-573 DC).

* 8 Conseil constitutionnel, 8 janvier 2009, n° 2008-573 DC.

* 9 Selon le commentaire, « le Conseil a donc estimé que les écarts de population qui résulteraient de l'application de la règle des « deux députés » seraient tels que, indépendamment du nombre limité des départements bénéficiant de son application, elle ne pouvait plus être admis ».

* 10 Conseil constitutionnel, 21 juillet 2011, n° 2011-634 DC.

* 11 C'est également le cas pour l'élection des membres du conseil de la métropole de Lyon.

* 12 C'est également le cas pour l'élection des membres de l'assemblée de Guyane, de l'assemblée de Martinique, de l'assemblée de la Polynésie française, de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie ainsi que de l'assemblée des Français de l'étranger.

* 13 Le Conseil a relevé que « les conseillers régionaux sont élus sur une unique liste régionale et non dans des circonscriptions départementales » et « que, par suite, le grief tiré de ce que les modalités d'attribution des sièges à chaque section départementale méconnaîtraient le principe d'égalité devant le suffrage est inopérant » (Conseil constitutionnel, 15 janvier 2015, n° 2014-709 DC).

* 14 Conseil constitutionnel, 15 janvier 2015, n° 2014-709 DC.

* 15 Le 1° du II de l'article 2 de la loi prévoit que, « sauf exception justifiée par des raisons géographiques ou démographiques, les circonscriptions sont constituées par un territoire continu. Sont entièrement compris dans la même circonscription pour l'élection d'un député d'un département toute commune dont la population est inférieure à 5 000 habitants ainsi que tout canton constitué par un territoire continu, dont la population est inférieure à 40 000 habitants et qui est extérieur aux circonscriptions des villes de Paris, Lyon et Marseille. Est entièrement comprise dans la même circonscription pour l'élection d'un député élu par les Français établis hors de France toute circonscription électorale figurant au tableau n° 2 annexé à l'article 3 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger, dès lors que cette circonscription électorale ne comprend pas de territoires très éloignés les uns des autres ».

* 16 Conseil constitutionnel, 8 janvier 2009, n° 2008-573 DC.

* 17 Conseil constitutionnel, 16 mai 2013, n° 2013-667 DC

* 18 Un seul député est élu par les électeurs des deux îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

* 19 « Aucun impératif d'intérêt général n'impose que toute collectivité d'outre-mer constitue au moins une circonscription électorale [et] il ne peut en aller autrement, si la population de cette collectivité est très faible, qu'en raison de son particulier éloignement d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer » (Conseil constitutionnel, 8 janvier 2009, n° 2008-573 DC).

* 20 « Les écarts démographiques importants sont justifiés par la nécessité de constituer deux circonscriptions géographiquement cohérentes sur le continent américain et, en outre, par la difficulté qu'il y aurait à agrandir la onzième circonscription qui regroupe déjà l'Asie centrale et orientale ainsi que le Pacifique et l'Océanie » (Conseil constitutionnel, n° 2010-602 DC du 18 février 2010).

* 21 Conseil constitutionnel, 8 janvier 2009, n° 2008-573 DC.

* 22 Conseil constitutionnel, 16 mai 2013, n° 2013-667 DC.

* 23 Conseil constitutionnel, 9 décembre 2010, n° 2010-618 DC.

* 24 Conseil constitutionnel, 9 décembre 2010, n° 2010-618 DC.

* 25 Conseil constitutionnel, 9 décembre 2010, n° 2010-618 DC.

* 26 Conseil constitutionnel, 18 février 2010, n° 2010-602 DC.

* 27 Conseil constitutionnel, 18 février 2010, n° 2010-602 DC.

* 28 Conseil constitutionnel, 24 juillet 2003, n° 2003-475 DC.

* 29 Conseil État, 5 novembre 2014, n° 378140, 378563, 379696, 379711, 380404, M. A.C. et autres.

* 30 Conseil d'État, 30 décembre 2014, n·382751, communauté de communes du Plateau Vert.

* 31 Le constituant a inscrit en 2008 la notion de « participation équitable » des formations politiques à la vie démocratique de la Nation, au sein de l'article 4 de la Constitution.

* 32 Conseil constitutionnel, 20 juin 2014, n° 2014-405 QPC

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