C. LA SÉLECTION DES PROJETS D'INVESTISSEMENT

La logique sous-jacente à la mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe réside dans l'application du principe d'additionnalité à la sélection des projets par le FEIS ; ceci signifie que seuls les projets d'investissement qui n'auraient pu être financés en l'absence de ce plan, notamment dans le cadre des interventions « classiques » de l'Union européenne et de la Banque européenne d'investissement (BEI), devraient être retenus - et ce afin de dégager un « supplément » d'investissements. Cette exigence est clairement rappelée par la présente proposition de résolution - insistant en particulier sur la nécessité que le FEIS retienne des projets présentant un profil de risque élevé, conformément à la logique ayant présidé à la création du Fonds ( alinéa 20 ).

S'agissant des critères de sélection, selon la proposition de résolution, les projets bénéficiant des financements du FEIS devront répondre à trois critères cumulatifs : « une dimension européenne, une perspective raisonnable de bonne viabilité économique et un impact à court terme sur l'activité économique » ( alinéa 21 ) ; ce dernier critère présente un intérêt particulier dans la mesure où l'objectif du plan d'investissement pour l'Europe est non seulement de renforcer les perspectives de croissance européennes, mais également de contribuer à la reprise de l'activité économique . Aussi l'impact à court terme des investissements découlant du plan doit-il résulter du surcroît de demande associé à la mise en place des projets d'investissement - construction, achat d'équipements, etc.

La proposition de règlement du 13 janvier 2015 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques précise que les opérations susceptibles de bénéficier d'un financement dans le cadre du plan doivent être « compatibles avec les politiques de l'Union » et soutenir l'un des objectifs généraux suivants 34 ( * ) :

- le développement d'infrastructures, notamment dans le domaine des transports, en particulier dans les centres industriels ; l'énergie, notamment les interconnexions énergétiques, et l'infrastructure numérique ;

- l'investissement dans l'éducation et la formation, la santé, la recherche et le développement, les technologies de l'information et de la communication et l'innovation ;

- l'expansion des énergies renouvelables et l'efficacité énergétique et des ressources ;

- les projets d'infrastructures dans le domaine de l'environnement, des ressources naturelles et du développement urbain, ainsi que le domaine social ;

- la fourniture d'un soutien financier aux entreprises comptant jusqu'à 3 000 salariés, y compris le financement du risque de fonds de roulement.

Les critères de sélection des projets devront être définis de manière plus précise par le comité de pilotage du FEIS (cf. infra ). Toutefois, la proposition de résolution demande que, « dès lors que le plan d'investissement prévoit de financer des projets dans des secteurs pour lesquels le retour d'investissement est plus aléatoire et plus long et donc a priori moins attractifs pour des investisseurs privés, par exemple l'éducation et la formation, la santé, la recherche et le développement ou encore le domaine social, [...] soient précisés les critères de sélection de projets dans ces secteurs » ( alinéa 22 ). Par ailleurs, cette proposition de résolution insiste, d'une part, sur la nécessité que les collectivités territoriales puissent bénéficier du plan d'investissement pour l'Europe, eu égard à la contribution significative que ces dernières sont susceptibles d'apporter au plan 35 ( * ) ( alinéa 23 ) et, d'autre part, sur le fait que le plan d'investissement puisse financer des projets identifiés et mis en oeuvre sur une base bilatérale ( alinéa 25 ).

Enfin, tout en rappelant que l'éligibilité des projets d'investissement au FEIS doit être « préservée de toute interférence de nature à favoriser un "saupoudrage" des crédits et la tentation d'une répartition nationale ou par secteur » ( alinéa 27 ) - ce qui doit garantir une sélection des projets sur la seule base de leur rentabilité sociétale et économique -, la proposition de résolution « souhaite que soient établis des critères de sélection des projets aboutissant à une couverture équilibrée du territoire européen » ( alinéa 24 ). Ces deux principes peuvent, de prime abord, paraître difficiles à concilier. Cependant, il convient d' éviter une concentration des investissements financés par le Fonds dans certains État membres ; l'existence d'un tel risque a notamment été relevée par Philippe Maystadt, ancien président de la BEI, lors de son audition susmentionnée au Parlement européen le 2 mars 2015, dès lors que le FEIS pourrait avoir tendance à investir dans les pays où il peut atteindre rapidement un volume important d'investissements - par exemple en raison de l'importance et de l'efficacité de la banque nationale de développement (BND) de l'État concerné.

Il convient de relever qu' un quart des ressources du FEIS - soit 5 milliards d'euros - serait consacré au financement des petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises à moyenne capitalisation , qui devraient donc bénéficier de 75 milliards d'euros de financement au total en raison de l'effet multiplicateur. L'importance de ce volet du plan a été relevé par la proposition de résolution, tout en sollicitant des informations quant à « la façon dont il s'articulera avec les dispositifs existants, en particulier avec le fonds européen d'investissement 36 ( * ) de la Banque européenne d'investissement » ( alinéa 15 ).

Lors de l'audition conjointe susmentionnée, organisée par la commission des finances le 11 mars 2015, Philippe de Fontaine Vive, vice-président honoraire de la BEI, a insisté sur le fait qu' une attention toute particulière serait portée, dans la phase de sélection, à la structure financière des projets - et ce afin de privilégier celles qui favorisent une large intervention des investisseurs privés. Ceci semble s'inscrire dans une logique plus globale consistant à encourager le recours à des instruments financiers innovants, en particulier par les États dans le cadre des Fonds structurels et d'investissement européens, plus à même de provoquer un effet de levier significatif. Pour autant, dans certains secteurs, les projets semblent être moins à même de reposer sur un effet de levier et nécessitent des subsides directs ; à cet égard, le 2 mars dernier, Philippe Maystadt donnait l'exemple, devant le Parlement européen, du secteur des transports et, notamment, des transports ferroviaires. Cette problématique a également été identifiée par la proposition de résolution, qui regrette que le recours à des subventions ait été, a priori , écarté ( alinéa 14 ) ; toutefois, votre rapporteur a souhaité modifier la rédaction de l'alinéa concerné afin de préciser que le fait pour un projet de nécessiter des subventions ne devrait pas interdire pas sa sélection par le FEIS .


* 34 Cf. article 5 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 janvier 2015 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques et modifiant les règlements (UE) n° 1291/2013 et (UE) n° 1316/2013.

* 35 À cet égard, alors que dans le cadre du plan d'investissement pour l'Europe la Commission appelle à « une utilisation plus efficace des Fonds structurels », la proposition de résolution, « constatant que des interrogations demeurent sur l'impact des modalités de financement proposées sur l'utilisation des fonds structurels et d'investissement européens, demande que des engagements fermes soient pris sur la préservation de ces crédits dans un contexte marqué par la réduction drastique des dotations financières nationales aux collectivités territoriales » ( alinéa 16 ).

* 36 Créé en 1994, le Fonds européen d'investissement (FEI) a pour finalité d'apporter une aide financière aux petites et moyennes entreprises (PME) ; à ce titre, il fournit à ces dernières du capital-risque, en particulier aux jeunes sociétés et aux entreprises à orientation technologique, ainsi que des garanties aux institutions financières afin de couvrir leurs prêts aux PME. Toutefois, le FEI n'octroie ni prêts, ni subventions et n'investit pas directement dans les entreprises.

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