II. UN TEXTE DISPARATE ET INSTABLE

A. UN FIL CONDUCTEUR TÉNU

L'exposé des motifs du projet de loi pour la croissance et l'activité le présente comme un texte qui « vise à assurer la confiance, à simplifier les règles qui entravent l'activité économique et à renforcer les capacités de créer, d'innover et de produire des Français et en particulier de la jeunesse ».

Les intitulés des trois titres qui le composent sont marqués de la même ambition et résonnent comme une devise : « Libérer l'activité - Investir - Travailler ».

D'un avis général, pourtant, et à l'examen du contenu des articles qu'il contient, le projet de loi qui vous est présenté s'apparente plutôt à un classique projet de loi portant diverses mesures d'ordre économique et social auquel on aurait joint quelques dispositions relatives à l'administration de certaines professions du droit et réformant certaines juridictions.

C'est en effet le caractère hétéroclite des mesures proposées qui frappe en premier lieu : du permis de conduire au régime de la location en meublé et à la justice prud'homale, le projet de loi touche à tous les secteurs. Cette caractéristique s'est amplifiée encore au cours des débats à l'Assemblée nationale, en commission spéciale puis en séance publique. Elle s'accompagne d'un écart considérable entre les divers articles, au regard de leurs enjeux, sociaux, financiers ou économiques.

Le second reproche entendu sur ce projet de loi porte sur le décalage entre l'ambition affichée (et la médiatisation extrême accompagnant le texte) et la prudence des réformes proposées, particulièrement quand il s'agit de redonner des marges de manoeuvre et de compétitivité à l'économie française et aux entreprises.

C'est ce que notait Jacques Attali devant votre commission 4 ( * ) , déclarant : « Ce n'est pas pour son contenu que la loi Macron doit être votée, mais parce qu'elle pourrait annoncer d'autres lois portant sur des sujets de fond. Elle est un peu comme le démarreur d'une voiture, dont le conducteur appuiera ensuite sur l'accélérateur ».

Cette appréciation était confirmée, avec des nuances, par les économistes entendus par votre commission 5 ( * ) :

- « il ne faut pas surestimer les effets macroéconomiques que l'on peut attendre de ce texte, dont les mesures restent d'ampleur limitée » - Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France stratégie ;

- « Au total, ce projet de loi comporte bien quelques éléments positifs [...] Reste que l'on est loin du texte historique qui répondrait aux besoins de l'économie française » - Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation de l'OFCE ;

- « les curseurs vont dans le bon sens, mais le texte n'agira qu'à la marge [...] on s'en tient à des modifications cosmétiques, faites pour servir une entreprise de communication politique » - David Thesmar, professeur à HEC, membre du Conseil d'analyse économique ;

- « les mesures introduites par le projet de loi restent incrémentales, elles n'en vont pas moins dans la bonne direction » - Pierre Cahuc, professeur à l'École polytechnique, membre du Conseil d'analyse économique.


* 4 Réunie le 3 février 2015 en formation de groupe de travail.

* 5 Auditions conjointes du 18 février 2015.

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