III. UN PROJET DE LOI RENDU NÉCESSAIRE PAR L'ÉVOLUTION DU CADRE COMMUNAUTAIRE, MAIS QUI PRÉSERVE POUR L'ESSENTIEL LE DISPOSITIF ACTUEL

A. UNE DÉCISION DU CONSEIL QUI NE REMET PAS EN CAUSE LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'OCTROI DE MER

1. Le fruit d'un compromis avec les instances européennes

Le dispositif issu de la loi du 2 juillet 2004 devait arriver à échéance au 1 er juillet 2014, conformément aux dispositions de la décision du Conseil du 10 février 2004 précitée.

La France a demandé la reconduction de son régime d'exonération d'octroi de mer à la Commission européenne le 7 février 2013.

Les autorités françaises ont recueilli les listes des produits pour lesquels les régions ont souhaité demander une exonération d'octroi de mer et les ont transmises à la Commission européenne.

Ainsi que le rappelle l'étude d'impact du présent projet de loi, « pour chaque produit, diverses informations ont dû être fournies aux fins d'intégration dans les listes :

- la codification dans la nomenclature tarifaire douanière la plus précise possible ;

- la proposition de classe en liste A, B ou C ;

- le chiffre d'affaires de production ;

- le volume des importations ;

- la part de marché de la production locale ;

- le volume d'emploi ;

- la justification quantitative des surcoûts en termes d'approvisionnements, de stockage, d'équipement et autres surcoûts (pénurie salariale, contraintes de nature environnementale, ...) dès lors qu'ils sont liés aux handicaps permanents et structurels des régions ultrapériphériques (RUP) tels qu'ils sont énoncé à l'article 349 du TFUE ».

Compte tenu de l'ampleur de l'examen opéré par ses services et afin de prévenir tout vide juridique, la Commission européenne a proposé de proroger le régime issu de la décision du Conseil du 10 février 2004 pour six mois permettant ainsi au Conseil de statuer avant la fin de l'année 2014.

Cette proposition a fait l'objet d'un accord au Parlement européen le 16 avril 2014.

À l'issue d'un examen minutieux des éléments qui ont été portés à sa connaissance, la Commission a adopté, le 29 octobre 2014, une proposition de décision visant à proroger le dispositif français d'octroi de mer.

Sur la base de cette proposition, le Conseil de l'Union européenne a adopté, le 17 décembre 2014, une décision 9 ( * ) visant, d'une part, à proroger sa décision du 10 février 2004 jusqu'au 30 juin 2015, afin de permettre aux autorités françaises de transposer ses dispositions et, d'autre part, la prorogation du dispositif d'octroi de mer jusqu'au 31 décembre 2020, sous réserve d'ajustements.

2. Une réaffirmation par le Conseil de la nécessité de l'octroi de mer pour soutenir la compétitivité des entreprises ultramarines

Dans son premier considérant, le Conseil rappelle le principe selon lequel les dispositions du traité « n'autorisent en principe aucune différence d'imposition entre les produits locaux et ceux provenant de France métropolitaine ou des autres États membres ».

S'appuyant sur les dispositions de l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Conseil justifie cependant l'existence de dérogations par « l'existence de handicaps permanents qui ont une incidence sur la situation économique et sociale des régions ultrapériphériques ».

S'agissant plus spécifiquement du régime de l'octroi de mer français, le Conseil estime que « la permanence et la combinaison des handicaps dont souffrent les régions ultrapériphériques de l'Union visés à l'article 349 du traité (l'éloignement, la dépendance à l'égard des matières premières et de l'énergie, l'obligation de constituer des stocks plus importants, la faible dimension du marché local combinée à une activité exportatrice peu développée, etc.) se traduisent par une augmentation des coûts de production et donc du prix de revient des produits fabriqués localement qui, en l'absence de mesures spécifiques, seraient moins compétitifs par rapport à ceux produits ailleurs , même en tenant compte des frais d'acheminement vers les départements français d'outre-mer. Cela rendrait donc plus difficile le maintien d'une production locale ».

Il en conclut qu'« il est nécessaire de prendre des mesures spécifiques dans le but de renforcer l'industrie locale en améliorant sa compétitivité ».

Le Conseil rappelle en outre que l'application de différentiels de taux doit être conditionnée à l'existence de trois critères cumulatifs :

- une production locale ;

- des importations significatives de biens pouvant compromettre le maintien de la production locale ;

- des surcoûts renchérissant les prix de revient de la production locale par rapport aux produits provenant de l'extérieur et compromettant la compétitivité des produits fabriqués localement.

3. Un ensemble de mesures prévoyant notamment la réduction du nombre d'entreprises assujetties à l'octroi de mer

La décision du Conseil comporte sept lignes directrices principales :

- la prorogation d'un régime dérogatoire jusqu'au 31 décembre 2020. Cette échéance correspond à l'expiration des « lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2014-2020 » adoptées par la Commission le 19 juin 2013 et entrées en vigueur le 1 er juillet 2014 ;

- le maintien d'un mécanisme de différentiels de taux ne pouvant excéder 10 points pour les produits figurant en partie A, 20 points pour ceux figurant en partie B et 30 points pour ceux figurant en partie C de la présente décision ;

- la réaffirmation du principe de proportionnalité en vertu duquel les différentiels de taxation ne doivent pas excéder le pourcentage nécessaire pour maintenir, promouvoir et développer les activités économiques locales ;

- un seuil d'assujettissement qui devra être fixé à 300 000 euros de chiffre d'affaires ;

- l'impossibilité d'appliquer un différentiel de taxation pour les produits alimentaires qui bénéficient des aides prévues au chapitre III du règlement (UE) n° 228/2013 du Parlement européen et du Conseil portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 247/2006 du Conseil et les livraisons de produits similaires dans la région ;

- la notification immédiate à la Commission des régimes de taxation et le dépôt d'un rapport, au plus tard le 31 décembre 2017, relatif au régime de l'octroi de mer qui devra indiquer « l'incidence des mesures prises et leur contribution au maintien, à la promotion et au développement des activités économiques locales » ;

- l'entrée en vigueur de ces dispositions à compter du 1 er juillet 2015.

*

Votre rapporteur se félicite que la décision du Conseil du 17 décembre 2014 permette de reconduire l'essentiel du dispositif de l'octroi de mer. En effet, le mécanisme des différentiels de taux, qui constitue le coeur du régime de l'octroi de mer, n'est pas remis en cause. Votre rapporteur note en outre avec satisfaction que les demandes françaises visant à inscrire de nouveaux produits dans les listes de marchandises pouvant faire l'objet d'un différentiel de taux ont été très majoritairement suivies par le Conseil .


* 9 Décision n° 940/2014/UE du Conseil du 17 décembre 2014 relative au régime de l'octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises.

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