CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXPÉRIMENTATION D'UN SERVICE MILITAIRE VOLONTAIRE (ARTICLES 17 ET 18)

Article 17 - Expérimentation d'un service militaire volontaire (SMV)

Lors de sa conférence de presse du 5 février 2015, le Président de la République a annoncé, en réponse à une question, qu'une expérimentation serait menée en métropole, dans trois centres, pour transposer le service militaire adapté (SMA).

• Le SMA : un dispositif ancien et reconnu

Créé en 1961, le SMA est un dispositif militaire d'insertion professionnelle destiné à des jeunes volontaires de 18 à 25 ans les plus éloignés de l'emploi. Placé sous la tutelle unique du ministère des outre-mer, il s'articule autour d'un état-major, implanté dans ce ministère, de sept régiments basés outre-mer 64 ( * ) et d'un détachement basé à Périgueux 65 ( * ) .

En 2014 , environ 5 670 volontaires , dont 27 % de jeunes femmes, ont été accueillis au SMA, soit environ 4 200 équivalents temps plein. Le taux d'insertion des volontaires en fin de parcours s'élève à 77 % mais ce chiffre inclut des poursuites de formation professionnelle. 60 % des stagiaires ne sont pas titulaires du brevet des collèges et au moins 30 % sont en situation d'illettrisme. Les stagiaires sont orientés vers le SMA par un réseau de partenaires « prescripteurs » (pôle emploi, missions locales, associations,...) et sont sélectionnés, notamment au regard de leur aptitude physique et psychologique et de leur volonté de faire évoluer leur situation sociale et professionnelle.

Les crédits de paiement du SMA s'élèvent à 217 millions d'euros en 2015 ; ils sont en progression sensible depuis 2009, année de l'annonce par le Président de la République d'un doublement progressif des capacités d'accueil. Depuis cette annonce, le SMA vise trois publics différents 66 ( * ) :

- diplômés aptes à occuper un premier emploi : le SMA, qui joue ici le rôle d'une structure d'insertion par l'activité économique, offre une première expérience professionnelle en contrat d'adaptation d'un an, renouvelable quatre fois ;

- diplômés en difficulté : le SMA propose un accompagnement de six mois destiné à développer leurs compétences sociales et à perfectionner leurs compétences professionnelles afin de faciliter leur insertion dans la vie active ;

- non-diplômés : le SMA les accompagne tout au long d'un parcours de formation socio-éducative et professionnelle, d'une durée moyenne de dix mois (au minimum six, au maximum vingt-quatre), dont le but est de leur assurer une meilleure « employabilité », une inclusion dans l'emploi ou une reprise de formation certifiante. Cette troisième catégorie constitue le coeur historique de l'activité du SMA.

Le parcours des volontaires du SMA, qui touchent une solde d'environ 340 euros par mois, s'effectue en internat militaire et est entièrement gratuit . Il comprend un suivi pédagogique complet , incluant :

- une formation militaire initiale (un mois) ;

- une remise à niveau scolaire en tant que de besoin (150 à 200 heures) ;

- une formation citoyenne et comportementale (50 heures au minimum) ;

- une formation en secourisme (20 heures) et le passage du permis de conduire B ;

- une formation professionnelle (800 heures minimum) dans l'un des neuf pôles de métiers, par exemple : le bâtiment et les travaux publics ; les transports, la logistique et le tourisme ; l'hôtellerie, la restauration et l'alimentation ; les services aux particuliers ou aux entreprises ;...

Le SMA affiche cinq « règles d'or » : être à l'heure ; être en tenue ; respecter la sécurité ; travailler en équipe ; respecter son chef et rendre compte.

• Une première transposition depuis 2005 : l'Etablissement public d'insertion de la défense (EPIDE)

Le SMA constitue une expérience spécifique à l'outre-mer et qui y bénéficie généralement d'une image très positive.

Inspiré de cette expérience, le dispositif « Défense deuxième chance » a été créé par l'ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté. Ce programme vise à proposer à des jeunes en situation d'échec scolaire et professionnel et en voie de marginalisation sociale une formation civique et comportementale (apprentissage ou réapprentissage des règles de vie en société), une remise à niveau scolaire, ainsi qu'une « préformation professionnelle ».

Rapport d'information n° 290 (2007-2008) de M. François Trucy,
au nom de la commission des finances du Sénat (16 avril 2008) :

La Défense et l'insertion des jeunes : le Service militaire adapté
et le dispositif « Défense deuxième chance » : « Apprendre à réussir »

Le 3 juin 2005, dans son discours de politique générale, M. Dominique de Villepin, alors Premier ministre, s'était déclaré favorable à la transposition sur le territoire métropolitain du savoir-faire des armées en matière d'insertion professionnelle, dont l'efficience avait été prouvée dans le cadre du service militaire adapté.

Le dispositif « Défense deuxième chance » visait donc à mettre « les compétences des anciens militaires au service d'un projet de société tournée vers la jeunesse en difficulté d'insertion professionnelle ». Il s'agissait d'accueillir au sein d'un dispositif nouveau et d'insérer durablement des jeunes âgés de 18 à 21 ans, en situation d'échec scolaire et professionnel, et en voie de marginalisation sociale. Le dispositif tendait donc à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes :

- en s'appuyant sur un apprentissage des règles de vie en société également appelé formation comportementale ;

- en mettant en place un rappel des principaux acquis scolaires, soit une réelle remise à niveau ;

- et en donnant une formation « préprofessionnelle » ou une « préformation » professionnelle, s'appuyant à la fois sur l'expérience d'insertion des armées mais aussi sur les dispositifs d'insertion existants.

A l'été 2005, il était prévu que 10 000 volontaires soient accueillis dans le dispositif à la fin de l'année 2006, et 20.000 à la fin de l'année 2007. L'EPIDe a indiqué à votre rapporteur spécial qu'il n'avait jamais été précisé s'il s'agissait de chiffres en stock ou en flux. Ceux-ci ont toutefois été confirmés en réunion interministérielle le 14 novembre 2005, et lors de l'intervention télévisée du Président de la République, en décembre 2005, annonçant la création du service civil volontaire. Il a en effet alors été indiqué que ce dernier visait un effectif de 50 000 jeunes dont 20 000 confiés à l'EPIDe.

Comme le note le Conseil économique et social dans son rapport du 7 juin 2006 « Défense deuxième chance : favoriser l'insertion professionnelle des jeunes » : « si ce programme semble entrer dans la tradition d'intégration sociale des armées, notamment par le biais passé du service militaire, il est en réalité doublement innovant en ce que, d'une part, il vise à intégrer des jeunes dans l'emploi et que, d'autre part, il n'est pas conduit par le seul ministère de la défense mais mobilise les moyens et les politiques d'autres ministères, en particulier ceux de l'emploi et de l'éducation nationale ».

Les jeunes volontaires, âgés de 18 à 25 ans, signent un « contrat de volontariat pour l'insertion » 67 ( * ) d'une durée de six mois, renouvelable trois fois, et sont internes dans l'un des 18 centres du dispositif 68 ( * ) . Le parcours d'insertion dure en moyenne 10 mois ; environ 3 000 volontaires sont accueillis chaque année avec une capacité d'accueil d'environ 2 085 places. Les volontaires reçoivent une allocation de 210 euros par mois ; un « pécule » leur est versé en fin de formation, équivalent à 90 euros par mois, et une participation au financement du permis de conduire peut également être attribuée. Environ le tiers des personnes encadrantes sont des anciens militaires.

L'établissement public d'insertion de la défense ( EPIDE ), qui relève des articles L. 3414-1 et suivants du code de la défense , est chargé de gérer ce dispositif. Placé sous la triple tutelle du ministre de la défense, du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé de la ville, il a pour objet « l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplômes ou sans titres professionnels ou en voie de marginalisation sociale ». Le ministère de la défense ne participe pas à son financement mais a apporté son soutien, pendant un temps, en réalisant des cessions d'emprise immobilière, des cessions gratuites d'effets d'habillement et d'équipement, ainsi que des prestations gratuites (mise à disposition de bus ou de matériel). Toutefois, selon les documents annexés au projet de loi de finances pour 2015, « le ministère de la défense a annoncé, fin 2013, son retrait de la gouvernance de l'établissement ». De fait, l'EPIDE est un établissement civil qui organise un encadrement « s'inspirant du modèle militaire ».

En 2008, un référé de la Cour des comptes a sévèrement critiqué les conditions de mise en place de l'EPIDE ainsi que sa gestion qui présentait des « anomalies ». La Cour pointait notamment le manque de pilotage clair de l'établissement, dont aucun ministère ne s'estimait véritablement responsable depuis la mise en retrait du ministère de la défense. Les objectifs initiaux ambitieux étaient « loin d'être atteints » et les coûts unitaires étaient « très élevés ». Ce coût unitaire dépassait 45 000 euros par an en 2008. Le rapport annuel de la Cour des comptes publié en février 2011 prend acte des progrès réalisés mais estime qu'il existe toujours des questions de fond non résolues. Selon ce rapport de 2011, « l'Etat ne s'est pas mis en situation de réussir l'objectif d'insertion sociale et professionnelle des jeunes en déshérence qu'il s'était fixé, et qui s'est finalement réduit à un très petit nombre de bénéficiaires pour un coût très élevé ». Lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale le 18 février 2015, la directrice générale de l'EPIDE a notamment indiqué que le coût unitaire par volontaire passant dans les centres de l'EPIDE s'établit dorénavant à 22 000 euros.

En 2013 , le budget de l'EPIDE s'élevait à 84 millions d'euros , dont 46 millions provenant du ministère de l'emploi et 22 millions du ministère de la ville. Le budget de l'EPIDE connait une nette baisse depuis plusieurs années et il s'élève à 78 millions en 2015 . Depuis 2012, l'EPIDE a entrepris une restructuration de ses implantations ayant conduit à la fermeture de trois centres et à l'ouverture de celui de Lyon-Meyzieu.

Lors de sa conférence de presse du 5 février, le Président de la République a également annoncé une augmentation d'un quart du nombre des centres de l'EPIDE et il a précisé, lors d'un déplacement le 16 février, que le nombre de jeunes accueillis devrait être augmenté de 1 000 progressivement d'ici la fin de l'année prochaine, dont 400 dès avant cet été. Pour autant, ces annonces n'ont guère été précisées depuis lors.

• Une seconde transposition du SMA en métropole : le « service militaire volontaire » (SMV)

Le présent article constitue la traduction de l'annonce du Président de la République de transposer en métropole le SMA. Il met en oeuvre une expérimentation pour une durée de deux ans à compter du 1 er octobre 2015. Le service militaire volontaire (SMV) ainsi expérimenté sera placé sous l'autorité du seul ministre de la défense et visera à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes.

Seront concernées les personnes de nationalité française âgées de 17 ans révolus à moins de 26 ans , qui ont leur résidence habituelle en métropole. Les « volontaires stagiaires » souscriront un contrat pour une durée comprise entre 6 et 12 mois . L'étude d'impact précise que ces personnes seront « identifiées comme étant en situation délicate au regard de l'insertion professionnelle ». Le nombre de volontaires sera plafonné à 300 jusqu'au 31 décembre 2015, puis à 1 000 pour l'ensemble de la durée de l'expérimentation .

Le SMV comportera une formation militaire d'un mois ainsi que diverses formations à caractère professionnel, civique ou scolaire, dont une formation au permis de conduire et au secourisme. 100 militaires composeront en 2015 l'encadrement puis 256 en 2016 .

Selon l'étude d'impact, une formation professionnelle « pourra » également être proposée, comprenant le cas échéant des périodes de « mise en situation professionnelle » en entreprise.

Trois sites devraient accueillir le SMV : Montigny-les-Metz et Brétigny-sur-Orge à compter d'octobre 2015 puis La Rochelle à compter de début 2016. Un échelon de préfiguration du commandement du SMV s'installera à Arcueil, avec 21 personnels. Selon l'étude d'impact, chaque centre devrait accueillir 80 volontaires stagiaires et entre 40 et 45 encadrants , mais il est encore trop tôt pour connaître exactement les capacités d'accueil des centres. Au regard du nombre de places prévues dans les centres, il ne sera éventuellement possible d'atteindre 1 000 volontaires sur les deux années de l'expérimentation que si ceux-ci restent peu de temps au SMV.

L'estimation du coût du dispositif est encore incertaine. Selon l'étude d'impact, le coût complet moyen d'un volontaire pourrait s'élever à 35 000 euros par an, hors investissements initiaux et organisme central. Le coût global pour la durée de l'expérimentation, hors investissements et parcours de formation, est estimé à 35 millions .

Un rapport d'évaluation sera réalisé au plus tard à la fin du 16 ème mois suivant le début de l'expérimentation.

Votre commission a adopté trois amendements :

- le COM-17 prévoit que le financement de l'expérimentation est assuré par la mission « Défense » du budget de l'Etat et par les autres missions qui contribuent déjà à l'insertion professionnelle des jeunes, à l'exception de la mission « Outre-mer » qui finance le SMA ;

- le COM-18 permet au ministère de la défense de conclure des conventions avec les acteurs de l'insertion professionnelle pour partager les expériences et pour financer les formations à caractère professionnel, civique et scolaire. Il semble difficile à la commission que le SMV se mette en place sans aucun lien avec l'EPIDE dont la mission et le fonctionnement ne présentent que des différences minimes avec le SMV, non plus qu'avec les acteurs territoriaux (régions) et professionnels (entreprises) notamment ;

- le COM-19 précise que le rapport d'évaluation qui doit être réalisé seize mois après le début de l'expérimentation intègre les problématiques financières , en détaillant le coût financier global du SMV et les modalités de financement du dispositif qui pourrait lui succéder.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 18 - Dispositions statutaires des volontaires du service militaire volontaire

Cet article fixe plusieurs dispositions relatives au statut des volontaires stagiaires du service militaire volontaire (SMV), dont l'organisation et le fonctionnement sont prévus à l'article 17 du présent projet de loi.

Les volontaires stagiaires devront remplir les conditions pour être militaire et en règle avec les obligations relatives au service national.

Ils pourront participer à des missions de sécurité civile en métropole et à des chantiers d'application à la demande de l'Etat, des collectivités territoriales ou leurs groupements ou des associations à but non lucratif déclarées d'utilité publique.

Ils bénéficieront de la solde et des prestations en nature prévues pour les volontaires du SMA, soit environ 340,5 euros, nourri et logé.

Enfin, les dispositions relatives au contrat de volontariat dans les armées et au SMA s'appliqueront aux volontaires stagiaires du SMV sous réserve, en tant que de besoin, d'adaptation prises par décret en Conseil d'Etat.

La commission a adopté un amendement COM-20 pour permettre aux volontaires du SMV d'effectuer des missions de sécurité civile outre-mer ou à l'étranger. Il ne semble en effet pas utile de se limiter a priori aux missions en métropole , même si celles-ci viennent naturellement à l'esprit. Selon les circonstances, il pourrait être intéressant que l'Etat mobilise les volontaires à l'étranger ou outre-mer, à l'instar de l'intervention en Haïti des volontaires du SMA à la suite du tremblement de terre qui a secoué l'île.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 64 Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte, La Réunion, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie.

* 65 Ce détachement, créé en 1995, sert d'appui logistique et de « sas mobilité ».

* 66 Cf. audition du général Philippe Loiacono, commandant du SMA, le 17 février 2015, devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale.

* 67 Cf. articles L. 130-1 et suivants du code du service national.

* 68 Alençon (Orne), Belfort (Territoire de Belfort), Bordeaux (Gironde), Bourges-Osmoy (Cher), Brétigny-sur-Orge (Essonne), Cambrai (Nord), Combrée (Maine-et-Loire), Doullens (Somme), Langres (Haute-Marne), Lanrodec (Côtes-d'Armor), Lyon-Meyzieu (Rhône), Margny-lès-Compiègne (Oise), Marseille (Bouches-du-Rhône), Montry (Seine-et-Marne), Saint-Quentin (Aisne), Strasbourg (Bas-Rhin), Val-de-Reuil (Eure) et Velet (Saône-et-Loire).

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