B. LES LACUNES DE LA PROGRAMMATION MILITAIRE EN SON ÉTAT ACTUEL

1. Un niveau d'engagement plus élevé que prévu en opérations extérieures
a) Des prévisions trop justes en 2013

Le surcoût des OPEX correspond aux dépenses supplémentaires engendrées par les opérations extérieures, par rapport à ce que les armées financent sur les crédits affectés à leurs activités courantes .

Il comprend les compléments de rémunération, les dépenses de transports des troupes et du matériel, les dépenses d'alimentation supplémentaires, des dépenses de titre 5 dues à l'utilisation des équipements et des munitions, mais il ne couvre pas la totalité des coûts générés par les opérations comme, par exemple, l'usure accélérée des équipements et leur remise à niveau.

Pendant longtemps, ce surcoût n'a pas été prévu en loi de finances initiale car ces dépenses étaient considérées comme exceptionnelles et imprévisibles. Elles étaient alors gagées par des annulations de crédits d'un montant équivalent en dépenses d'équipement.

L'inscription d'une enveloppe spécifique pour les OPEX en loi de finances initiale (LFI), demandée de longue date par le Parlement, a été prévue par la LPM 2009-2014, qui instaure un mécanisme de budgétisation intégrale des OPEX et dispose que les éventuels dérapages par rapport à ces estimations seront financés  « par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle », mettant fin au financement par annulation de crédits d'équipement. Cette LPM prévoyait également une augmentation de la dotation pour prendre en compte la progression de ces dépenses.

Cette augmentation de la dotation s'est toutefois avérée insuffisante pour financer la totalité du surcoût des OPEX, dont les besoins de financements complémentaires n'ont cessé d'augmenter . Pour 2013, 600 millions d'euros avaient été demandés par le ministère de la défense pour financer un dépassement presque équivalent à la dotation initiale (630 millions d'euros).

Les surcoûts liés aux opérations extérieures sont restés en moyenne de 961,5 millions d'euros par an sur la période 2009-2012 et malgré la progression de la dotation, leur budgétisation restait donc incomplète.

Pourtant, la LPM 2014-2019 ne procède pas à une réévaluation de la dotation initiale , mais la diminue au contraire, retenant pour celle-ci un montant de seulement 450 millions d'euro s, dont elle souligne qu'il est cohérent avec la limitation de nos engagements , dans le modèle retenu par le Livre blanc, à une moyenne de trois théâtres.

Conscient du caractère optimiste de cette enveloppe, le Sénat a contribué à sécuriser ce mécanisme, lors de la discussion de la LPM en 2013, en inscrivant dans le corps de la loi elle-même, et non seulement dans le rapport, un financement interministériel du surcoût non budgété ab initio , et en prévoyant l'organisation d'un débat annuel sur les engagements extérieurs de la France, donnant lieu préalablement à la communication par le gouvernement d'un bilan politique, opérationnel et financier.

Conformément à l'article 4 de la LPM 2014-2019, les surcoûts non couverts par la dotation OPEX de la LFI et les remboursements des organisations internationales font donc l'objet d'un financement interministériel. Ce surcoût est donc supporté par toutes les missions du budget général, y compris la mission Défense, la quote-part de chaque mission étant proportionnelle à son poids budgétaire.

Votre commission vous propose un amendement tendant à sortir la mission « Défense » de ce financement interministériel. En 2014, le surcoût des OPEX s'est élevé à 1,12 milliard d'euros , en légère baisse par rapport à 2013 (1,25 milliard d'euros). Sur ce montant, les dépenses de titre 2 représentent 322,3 millions d'euros (29 % du total), celles hors titre 2 s'élèvent à 795,8 millions d'euros (71 %).

Surcoût OPEX par théâtre d'opération en 2014 en millions d'euros

(données définitives)

Théâtre

Nom

Surcoût T2

Surcoût hors T2

Surcoût total

Côte d'Ivoire

LICORNE

27,6

36,2

63,9

Océan indien

EUNAVFOR Atalante

6,9

8,8

15,7

Tchad

EPERVIER
SERVAL EUTM
Puis BARKHANE

123,6

348,7

472,3

Mali

Afghanistan

PAMIR HERACLES MER EPIDOTE

22,8

128,8

151,6

Liban

FINUL

31,8

26,6

58,4

Kosovo

TRIDENT

3,8

17,3

21,1

RCA

SANFARIS EUFOR RCA

85,4

154,8

240,2

Autres OPEX

20,4

74,8

95,1

TOTAL

322,3

795,8

1 118,1

Source : ministère de la défense

Selon les informations communiquées par le ministère de la défense, ce surcoût 2014 a été couvert de la manière suivante :

- 450 millions d'euros par la dotation inscrite en LFI ;

- 55,5 millions d'euros de remboursements d'organismes internationaux (dont l'ONU) et pays tiers, par le biais d'attributions de produits, et d'autres ministères par décrets de transferts ;

- 610,6 millions d'euros d'ouverture par décret d'avance couvrant l'intégralité des surcoûts nets connus à la date de ce décret d'avance (2 décembre 2014) ;

- 2 millions d'euros de redéploiements de crédits au sein du programme 178 correspondants à des surcoûts non connus à la date du décret d'avance.

Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2014 de la mission Défense , publiée fin mai 2015, la Cour des Comptes relève que, compte tenu de la diminution de la provision inscrite en loi de finances initiale en 2014 (450 millions d'euros contre 630 millions d'euros les années précédentes), l'écart par rapport à la prévision budgétaire est le plus élevé depuis 2004.

En M€

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

LFI*

360

460

510

570

630

630

630

450

Exécution

681

852

873

861

1 246

873

1 250

1 115

Différence

321

392

363

291

616

243

620

665

* Hors prévision d'attributions de produits et de fonds de concours

Source : Cour des Comptes

De fait, les hypothèses sur lesquelles la LPM 2014-2019 était fondée - réduction de la voilure en matière d'opérations extérieures (désengagement en Afghanistan notamment) et limitation à trois grands théâtres extérieurs -, ont été remises en cause par la nécessité de lancer de nouvelles opérations (Sangaris en République centrafricaine en décembre 2013, Chammal en Irak en 2014) et d'en renforcer d'autres (Barkhane qui se substitue à Serval et Epervier et couvre désormais toute la bande sahélo-saharienne).

Dans la mesure où le niveau des engagements extérieurs demeure durablement élevé, la Cour des Comptes regrette cette sous-budgétisation du surcoût OPEX , qu'elle considère comme non conforme au principe de sincérité budgétaire .

Reconnaissant la difficulté de l'exercice de prévision, les décisions de lancement d'opérations intervenant parfois après l'adoption de la loi de finances, elle suggère pourtant de mieux prendre en compte les conséquences des décisions déjà prises, même tardivement, à la fin de la procédure d'examen de la loi de finances initiale ou dans le cadre d'une loi de finances rectificative.

Elle propose également de réévaluer le montant de la dotation budgétaire en tenant compte de l'exécution budgétaire sur les trois ou cinq dernières années, dès lors que depuis 2008, le surcoût dépasse systématiquement 850 millions d'euros, et d'appliquer, dès ce stade, le principe de solidarité ministérielle.

Ce n'est pas la solution qui a été retenue dans le présent projet de loi , qui maintient en l'état l'article 4 de la LPM de 2013 et confirme donc le principe d'une dotation prévisionnelle annuelle de 450 millions d'euros . De la même manière, le rapport annexé ne remet pas en cause l'hypothèse énoncée par cette LPM d'une limitation de nos engagements extérieurs à trois théâtres importants.

Lors de son audition, le chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers , a rappelé que les armées s'efforçaient de modérer les coûts des opérations et qu'une revue des opérations était actuellement menée en vue d'identifier de possibles sources d'économies . Il a ajouté que le surcoût OPEX était estimé pour 2015 à un milliard d'euros.

b) Les OPEX en 2015

Selon les chiffres fournis par le ministère de la défense, 7 227 militaires français étaient déployés en OPEX au 20 avril 2015 , dont :

- 3 085 dans la bande sahélo-saharienne , principalement dans le cadre de l'opération Barkhane (3 000 hommes), qui regroupe depuis le 1 er août 2014 l'opération Epervier (initialement déployée au Tchad) et l'opération Serval (Mali/Niger) et vise à appuyer les forces armées des pays partenaires de la région dans leur lutte contre les groupes armés terroristes. Il s'agit d'une opération de grande envergure, couvrant un territoire vaste comme l'Europe.

La France participe aussi à la mission européenne de formation militaire au Mali ( EUTM Mali , 70 militaires français), lancée en 2013, et à la mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali ( MINUSMA , 15 militaires français), opération de maintien de la paix créée le 25 avril 2013 pour prendre le relais à compter du 1 er juillet 2013 de la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) ;

- 1 730 en Afrique centrale, dont 1 700 au sein de l'opération Sangaris, intervention engagée en décembre 2013 dans le contexte d'une dégradation de la situation sécuritaire en République centrafricaine (RCA) et d'un risque élevé de massacres, en appui à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) autorisée par les Nations unies et déployée en même temps.

Ce dispositif a été complété à partir du 1 er avril 2014 par l'action de l'EUFOR RCA, mission européenne de sécurisation à Bangui, qui a pris fin au printemps 2015, et à compter de septembre 2014, par celle de la Mission des Nations unies de soutien à la Centrafrique (MINUSCA), opération de maintien de la paix de l'ONU, au profit de laquelle la France met à disposition une dizaine d'hommes. La MINUSCA étant désormais en charge de la sécurisation du pays, l'opération Sangaris est maintenant en phase de décroissance ;

- 900 hommes au Liban dans le cadre de la force intérimaire des Nations unies (FINUL) , mise en place en mars 1978 à la suite de troubles le long de la frontière israélo-palestinienne ;

- 700 hommes au titre de l'opération Chammal au Levant qui vise, à la demande du gouvernement irakien et en coordination avec les alliés de la France présents dans la région, à assurer un soutien aérien aux forces armées irakiennes dans leur lutte contre le groupe terroriste autoproclamé Daech ;

- 420 militaires français dans l'Océan indien, dont 200 au sein de la mission européenne ATALANTE de sécurité maritime dans la Corne de l'Afrique , dans le cadre de la force navale européenne EU NAVFOR , une frégate de 150 hommes mis à disposition de l'opération américaine Enduring Freedom (OEF), visant à l'origine à sécuriser et permettre la reconstruction de l'Afghanistan à la suite du renversement du régime des Talibans, mais dont l'objet a été ensuite élargi, et 70 au titre des équipes de protection embarquée, qui assurent la protection contre les pirates des navires, en particulier des thoniers, dans la zone des Seychelles.

- 350 dans le cadre de l'opération Corymbe dans le golfe de Guinée , qui vise à assurer la défense des intérêts stratégiques de la France dans cette région, à sécuriser ses ressortissants et à soutenir la montée en puissance des marines nationales des pays riverains (Gabon, Cameroun, bénin) ;

- 42, enfin, dans le cadre de différentes autres opérations extérieures mobilisant des effectifs moins importants : MINURSO au Sahara occidental, MONUSCO et EUSEC en République démocratique du Congo, KFOR au Kosovo, MINUL au Liberia, FMO dans le Sinaï, ALTHEA en Bosnie et ONUCI en Côte d'Ivoire.

Il faut noter que deux opérations se sont achevées le 31 décembre 2014 :

- l'opération PAMIR en Afghanistan , composée de 150 hommes, qui était la composante française de la force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) sous commandement de l'OTAN ;

- l'opération Licorne en Côte d'Ivoire , intervention française lancée en 2002 dans le contexte d'une crise politico-militaire dans ce pays, en soutien de l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire et qui comptait 460 hommes. L'OPEX Licorne a pris fin le 31 décembre 2014, les militaires français présents en Côte d'Ivoire étant désormais des forces de présence (forces françaises en Côte d'Ivoire ou FFCI).

Malgré la fin de ces deux opérations, la France atteint, avec les OPEX en cours, les limites de déploiement de ses capacités.

Le CEMA a fait valoir, à cet égard, que la pression opérationnelle exercée par les OPEX sur les armées était accentuée par deux facteurs :

- d'une part, ce qu'il a désigné par le terme d'« élongations », c'est-à-dire le fait que les opérations se déroulent sur des zones très étendues , sollicitant intensément les moyens de transport aériens, comme au Sahel, où la zone d'opération représente huit fois la superficie de la France, et très loin de nos frontières, et les hommes ;

- d'autre part, la dureté des théâtres et des opérations , les conditions d'engagement étant très difficiles tant pour le personnel que pour les équipements.

Source : ministère de la défense

2. Un niveau de mobilisation inédit pour la sécurité intérieure
a) Une menace insuffisamment prise en compte en 2013

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a clairement identifié la menace terroriste , qu'il qualifiait de « majeure et persistante » et dont il estimait le niveau comme « très élevé ». Il faisait valoir qu'« il n'y a pas de signes que la menace terroriste pourrait décroître à court ou moyen terme », et n'a pas négligé que « des individus radicalisés présents sur notre territoire [puissent] passer à l'acte ».

La conclusion opérationnelle de ce diagnostic était que « le terrorisme requiert de maintenir le dispositif mis en oeuvre par l'État à un haut niveau de vigilance ». Le Livre blanc préconisait ainsi de prévenir les risques en la matière, notamment en développant le dispositif de lutte contre la radicalisation ; protéger les espaces, réseaux et infrastructures sensibles ; anticiper les évolutions de la menace, en maintenant l'avance technologique adéquate ; enfin, renforcer, d'une part, l'efficacité du plan gouvernemental Vigipirate et, d'autre part, les coopérations bilatérales et multilatérales qui permettent d'enrichir les échanges d'informations et d'analyses entre les pays soumis à la même menace.

La menace terroriste selon le Livre blanc de 2013

« Les actes de terrorisme les plus probables ne correspondent heureusement pas à l'hypothèse extrême d'une utilisation d'armes de destruction massive. Même s'ils n'utilisent pas de tels moyens, ils peuvent néanmoins avoir un effet déstabilisateur allant bien au-delà de leur effet direct parce que la puissance des médias modernes en augmente considérablement l'impact psychologique et politique.

« Face à des États disposant d'outils de défense et de sécurité puissants, mais dont les populations sont sensibles au risque, le terrorisme est devenu un mode d'action auquel ont recours des adversaires qui s'affranchissent des règles de la guerre conventionnelle pour compenser l'insuffisance de leurs moyens et atteindre leurs objectifs politiques. Frappant sans discernement des civils, la violence qu'ils déploient vise d'abord à tirer parti des effets que son irruption brutale produit sur les opinions publiques pour contraindre des gouvernements. La couverture immédiate et globale dont ces agressions sont l'objet assure leur retentissement auprès de la population des États visés, voire du monde entier.

« La publicité qui leur est ainsi donnée concourt de surcroît à entretenir le phénomène terroriste. Elle favorise en effet l'auto-radicalisation d'individus isolés qu'attire la perspective d'avoir, par leurs actions, un impact global à la mesure du ressentiment qui les habite. Le rôle d'Internet doit à cet égard être souligné : il permet à ces individus de rejoindre des communautés virtuelles dans lesquelles ils peuvent se retrouver et offre ainsi à des organisations terroristes un canal efficace de recrutement.

« Plus de dix ans après les attentats du 11 Septembre et malgré les progrès importants de la lutte anti-terroriste conduite au niveau mondial, le niveau de la menace demeure très élevé. L'action systématique des États-Unis et de leurs alliés contre Al-Qaïda a obtenu des résultats substantiels, avec la disparition d'Oussama Ben Laden et l'affaiblissement du mouvement qu'il avait créé. Malgré l'impact médiatique qu'elles engendrent à l'échelle mondiale, les actions terroristes n'ont pas eu les effets politiques espérés par leurs auteurs. Pour autant, il n'y a pas de signes que la menace terroriste pourrait décroître à court ou moyen terme et on observe que celle-ci évolue et se diffuse sur le plan géographique. Sur fond d'États fragiles ou faillis, des groupes terroristes sévissent dans des régions jusqu'alors préservées où ils parasitent des conflits locaux qu'ils tentent de radicaliser : zone sahélo-saharienne mais aussi nord du Nigeria, Somalie, Syrie, Irak, péninsule arabique et zone afghano-pakistanaise. Se réclamant d'Al-Qaïda, ils disposent d'une capacité opérationnelle indépendante et cherchent à avoir un impact global en visant directement les intérêts occidentaux. Ils peuvent inciter des individus radicalisés présents sur notre territoire à passer à l'acte et conjuguer leur action avec eux. Certains États pourraient en outre être tentés de recourir à nouveau à des modes d'action terroristes. Sur notre territoire même persiste la menace d'un terrorisme domestique susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale.

« Les modes opératoires ont quant à eux évolué depuis 2008, en particulier dans le domaine des explosifs, dont l'acquisition ou la fabrication par des groupes ou des individus est facilitée par l'utilisation d'Internet et des technologies de l'information, ainsi que par le développement des trafics. Alors que les assassinats ciblés et les prises d'otages se sont multipliés, l'hypothèse, identifiée dans le précédent Livre blanc, d'une attaque terroriste majeure ne peut pas être exclue.

[...]

« Menace majeure et persistante, le terrorisme requiert de maintenir le dispositif mis en oeuvre par l'État à un haut niveau de vigilance. Ce dispositif s'inscrit dans le cadre d'une approche globale qui vise à :

« - prévenir les risques, en détectant et neutralisant les flux illicites en protégeant le territoire contre les intrusions hostiles, et en développant le dispositif gouvernemental de lutte contre la radicalisation ;

« - protéger les espaces particulièrement vulnérables, les réseaux de transport aérien, terrestre et maritime, les infrastructures vitales du pays et les systèmes d'information sensibles ;

« - anticiper les évolutions de la menace en maintenant une avance technologique dans le domaine de la détection des explosifs, des télécommunications, de la vidéosurveillance, de la protection des systèmes d'information, de la biométrie et de la protection contre le risque nucléaire, radiologique biologique, chimique ou explosif (NRBC-E).

« Le plan gouvernemental Vigipirate permet une approche globale de la menace terroriste pesant à la fois sur le territoire national et sur nos intérêts à l'étranger. Il assure la mobilisation des différents ministères, des collectivités territoriales, des opérateurs d'importance vitale et des citoyens pour renforcer notre niveau de protection. Ce dispositif doit être modernisé afin d'en renforcer l'efficacité.

« Les coopérations bilatérales et multilatérales doivent être renforcées afin d'enrichir les échanges d'informations et d'analyses entre les pays soumis à la même menace. Ces coopérations permettront en outre de mieux prendre en compte la continuité qui existe entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure . »

Source : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, 2013, p. 43-44 et p. 104

Bien qu'il soit issu des analyses du Livre blanc, le rapport annexé à la LPM du 18 décembre 2013 est resté quelque peu en retrait , en ce qui concerne la question du terrorisme.

Certes, la capacité à lutter contre le terrorisme est placée dans ce rapport au rang des priorités de notre défense, aux côtés du renforcement de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », de la politique de cybersécurité et de la consolidation des capacités de l'Etat à répondre aux crises. En outre, la protection du territoire national et des Français, en métropole comme outre-mer, étant considérée « première » dans ce rapport, elle y est définie comme visant, en particulier, non seulement à garantir l'intégrité du territoire contre toute menace de nature militaire, mais aussi à assurer « une protection efficace contre l'ensemble des risques et des menaces, en particulier le terrorisme et les cyber-attaques ».

Toutefois, comme l'illustre l'extrait qui vient d'être cité, la menace terroriste, dans le rapport annexé à la LPM, ne fait pas l'objet d'une prise en compte autonome, que justifierait pourtant sa spécificité et comme elle apparaissait de fait appréhendée au sein du Livre blanc. Elle ne semble pas non plus avoir été appréciée au plus haut niveau de gravité.

Il est vrai que l'organisation terroriste Daesch, quoique créée à partir d'Al-Qaïda dès avril 2013, ne devait faire sa véritable apparition sur la scène internationale qu'à partir de janvier 2014, avec la prise de Fallouja en Irak et de Raqa en Syrie, et surtout à partir du mois de juin suivant, avec la capture de la ville de Mossoul ; ni le Livre blanc ni le rapport annexé à la LPM, en 2013, ne pouvaient tenir compte de ce nouveau contexte. Il est vrai encore que ce sont les attentats meurtriers qui ont frappé la France les 7 et 9 janvier 2015 qui ont révélé toute l'intensité nouvelle de la menace terroriste pesant sur notre pays et, par conséquent, l'acuité des besoins de protection intérieure qui sont désormais les nôtres.

b) La mobilisation depuis janvier 2015 (l'opération « Sentinelle »)

Les attaques terroristes perpétrées en janvier 2015 ont montré, d'une façon dramatique, que la France, comme les autres États européens, se trouve aujourd'hui directement exposée à la menace terroriste. Elles ont aussi imposé un déploiement inédit des forces pour la protection du territoire national et de la population française.

Le contrat opérationnel de protection associé à la LPM de 2013, tel qu'il apparaît dans le rapport annexé à celle-ci, prévoyait, en cas de crise majeure, la possibilité que les forces armées viennent renforcer les forces de sécurité intérieure et de sécurité civile « avec un concours qui pourra impliquer jusqu'à 10 000 hommes des forces terrestres ». L'opération « Sentinelle », déclenchée de façon brutale du fait des évènements, a conduit l'armée de terre à déployer 10 500 soldats, en trois jours , sur le territoire métropolitain, en complément des postures permanentes de sûreté dans leurs dimensions aérienne et maritime. Ce déploiement d'envergure, réalisé avec une parfaite maîtrise de la chaîne de commandement et le soutien interarmées sans faille qu'exigeait la réactivité de cette opération, a permis la protection de quelque 720 sites.

Le dispositif a été progressivement adapté, les gardes statiques qui en constituaient le principe de départ cédant la place à des patrouilles plus mobiles. Surtout, la mission s'inscrit désormais dans la durée, avec un déploiement pérennisé à hauteur de 7 000 soldats . Cependant, compte tenu du système de relèves et de préparation opérationnelle indispensable au maintien de la qualité professionnelle de nos forces, le déploiement permanent de ces 7 000 hommes impose de disposer d'un effectif triple, soit 21 000 hommes, au sein de la force opérationnelle terrestre (FOT).

Alors que l'engagement simultané des forces en dehors du territoire métropolitain mobilise environ 10 000 autres soldats, pré-positionnés outre-mer ou déployés sur les théâtres d'opérations extérieures, l'importance du volume de troupes déployées au titre de « Sentinelle » a pour effet de déséquilibrer l'organisation des armées . Ainsi, la préparation opérationnelle a dû être réduite, et certains engagements internationaux ayant valeur d'entraînement ont dû être annulés ; des relèves ont été modifiées, des permissions diminuées voire supprimées...

Cette situation de « surchauffe opérationnelle » ne saurait perdurer sans finir par nuire à la qualité professionnelle des forces, ni peser excessivement sur le moral de nos soldats.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page