AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La publicité constitue encore une ressource financière importante pour France Télévisions même si son importance a été réduite depuis son interdiction en soirée en 2009. Son maintien en journée s'explique davantage par des motifs budgétaires que pour des raisons de principe, de nombreux arguments justifiant son interdiction totale sur les chaînes de France Télévisions afin de préserver leur identité de service public mais aussi de protéger les jeunes publics.

La situation présente est donc paradoxale à plusieurs égards puisque France Télévisions ne peut diffuser de messages publicitaires en soirée, là où ils sont vus par les adultes et où ils sont les plus rémunérateurs, et en diffuse par contre en journée, là où ils sont vus notamment par les enfants et rapportent de moins en moins au groupe public, ce qui fragilise sa situation financière ainsi que sa capacité à financer la création.

Les nombreux travaux menés au Sénat sur l'avenir des médias de service public et encore dernièrement le rapport de nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux 1 ( * ) , ont permis d'établir que l'évolution du marché de la publicité devrait être durablement obérée par l'irruption d'Internet qui capte une part croissante du marché publicitaire, ce qui nécessite la définition d'un nouveau modèle économique et financier pour l'audiovisuel public . Ce nouveau modèle devra être plus indépendant vis-à-vis de la publicité, ce qui constitue une opportunité pour protéger les publics les plus jeunes.

La nécessité de protéger la jeunesse des excès de la publicité et de renforcer parallèlement la spécificité du service public de l'audiovisuel constituent les deux motivations qui ont amené notre collègue André Gattolin et les membres du groupe écologiste à déposer le 24 juillet 2015 la proposition de loi n° 656 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

Dans son exposé des motifs, cette proposition de loi rappelle que « par comparaison, la France fait partie des pays développés où les enfants et adolescents sont les plus exposés aux messages publicitaires ou commerciaux » et que « avec 8,3 millions de jeunes de 4 à 14 ans la France est aujourd'hui le principal marché « enfants » pour les annonceurs publicitaires à la télévision devant le Royaume-Uni et l'Allemagne » .

L'interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse constitue une revendication ancienne des sénateurs écologistes qui souhaitaient même, dans le cadre d'une précédente proposition de loi 2 ( * ) , étendre cette interdiction à l'ensemble des chaînes de télévision.

Afin de recueillir l'assentiment le plus large, la présente proposition de loi limite cependant le champ de cette interdiction au seul service public . Ce choix visant à privilégier l'exemplarité du service public est aujourd'hui partagé par de nombreux sénateurs de toutes tendances politiques, comme en témoigne le soutien apporté à cette idée par notre collègue Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel de la commission de la culture 3 ( * ) .

Les auditions menées par votre rapporteure ont également permis de mettre en évidence la forte mobilisation des diffuseurs et des annonceurs afin de promouvoir une autorégulation professionnelle du secteur . Cette démarche est importante et mérite d'être encouragée. C'est pourquoi votre rapporteure vous proposera d'adopter plusieurs amendements à la proposition de loi n° 656 afin, d'une part, de renforcer cette autorégulation et, d'autre part, de mieux circonscrire l'interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse de France Télévisions en ne retenant que les programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans .

Ces aménagements ont reçu un large soutien tant de la part des professionnels de santé que de la part du secteur des médias qui a compris la nécessité de mieux encadrer la publicité à la télévision à destination de la jeunesse. Compte tenu du temps que supposera l'adoption définitive de cette proposition de loi, elle n'entrerait probablement pas en vigueur avant le 1 er janvier 2018, c'est-à-dire au moment même de l'indispensable réforme de la contribution à l'audiovisuel public qui permettra de rendre la société France Télévisions moins dépendante de la publicité.


* 1 Rapport d'information n°709 de MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 ».

* 2 Proposition de loi n°145 relative à la protection des enfants et des adolescents face aux effets de la publicité audiovisuelle déposée le 1 er décembre 2010 par Jacques Muller, Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, Dominique Voynet et Jean Desessard.

* 3 La proposition n°4.2 du rapport précité qui est défendue par les deux co-rapporteurs prévoit ainsi d' « interdire la publicité dans les plages horaires consacrées aux programmes destinés à la jeunesse ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page