CHAPITRE IER - L'ACTION DE GROUPE DEVANT LE JUGE JUDICIAIRE

• Le dispositif général proposé

La procédure proposée reprend les grandes lignes du modèle défini par l'action de groupe en matière de consommation et l'action de groupe en matière de santé.

Elle distingue donc une phase de reconnaissance de la responsabilité du défendeur à l'action et de constitution du groupe des personnes lésées par sa faute et une phase d'indemnisation du préjudice subi par les victimes, auxquelles s'ajoute une phase éventuelle de médiation.

Elle diffère cependant des deux modèles précités sur deux points. D'une part, l'action de groupe générale peut avoir une autre vocation qu'indemnitaire. Elle peut avoir pour objet la cessation du manquement reproché au défendeur ( article 23 ). D'autre part, une procédure collective de liquidation des préjudices est organisée ( articles 30 et 31 ), en plus de la procédure individuelle de droit commun.

• La question du texte dans lequel inscrire ce socle commun procédural

Le Gouvernement a fait le choix de ne pas codifier les dispositions du présent chapitre et de les conserver dans le présent projet de loi.

Cette solution présente un inconvénient : le socle commun de l'action de groupe se trouve ainsi isolé dans un texte portant sur la réforme de l'organisation judiciaire, ce qui le rend moins accessible.

Interrogés sur ce point par votre rapporteur, les représentants du ministère de la justice ont fait valoir que, certes, les dispositions générales de procédure avaient vocation à se retrouver dans le code de procédure civile. Mais, ce dernier étant de nature réglementaire, il n'était pas possible d'y intégrer des dispositions d'ordre législatif.

Effectivement, à la différence de la procédure pénale, la procédure civile n'entre pas, en tant que telle, dans la liste des matières relevant explicitement du domaine de la loi fixé à l'article 34 de notre Constitution.

Votre rapporteur constate toutefois que, sans que cela soit par ailleurs contesté, le régime de l'action de groupe est, depuis le début, défini par la loi, comme le sont certaines actions spéciales du droit de la consommation. Sans doute ceci se justifie-t-il par le fait qu'une telle procédure est susceptible de mettre en cause certains principes constitutionnels, comme le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense 117 ( * ) , ce qui impose que la loi apporte les garanties requises pour assurer l'équilibre des droits des parties.

Il observe, en outre, que la procédure administrative n'est pas plus citée par l'article 34 de notre Constitution que la procédure civile, mais, qu'à la différence du code de procédure civile, le code de justice administrative contient un certain nombre de dispositions procédurales de nature législative, en particulier celles applicables aux référés, au paiement des dépens ou à certains contentieux spéciaux. D'ailleurs, le projet de loi prévoit d'intégrer les dispositions relatives à l'action de groupe en matière administrative au code précité de justice administrative.

Il aurait donc été envisageable d'introduire ces dispositions dans le code de procédure civile, en précisant, si nécessaire, dans la numérotation des articles, leur caractère législatif. Cette solution aurait eu le mérite de la commodité, pour le justiciable, comme pour les professionnels, puisqu'auraient été ainsi rassemblées dans le même code l'ensemble des dispositions procédurales.

Elle présentait toutefois un inconvénient, celui d'introduire une exception au caractère par principe réglementaire du code de procédure civile. Une telle évolution appellerait une réflexion plus générale que ce qu'autorise l'examen du présent texte.

Votre rapporteur a donc proposé à votre commission une solution de repli, destinée à rendre les présentes dispositions plus accessibles : faire référence, dans l'intitulé du projet de loi, à l'action de groupe, afin que le présent texte soit plus immédiatement associé à cette procédure 118 ( * ) .

Un tableau en annexe récapitule les différentes caractéristiques des actions de groupe existantes (« consommation ») et en cours d'adoption (« santé »), les options retenues par le projet de loi pour le socle commun et les deux actions de groupe en matière de discriminations, ainsi que les modifications adoptées par votre commission.

Article 19 - Domaine d'application de la procédure d'action de groupe de droit commun

Le présent article a été ajouté au texte à la demande du Conseil d'État.

En effet, ce dernier a craint, dans son avis, que l'adoption, par le législateur, d'un cadre procédural commun en matière d'action de groupe, puisse « être regardée comme dénuée de caractère normatif ou entachée d'incompétence négative, s'il ne trouvait pas immédiatement à s'appliquer ». Constatant toutefois que le Gouvernement entendait y soumettre l'action de groupe en matière de discrimination, le Conseil a substitué à la rédaction initiale une rédaction « mettant en exergue les matières dans lesquelles ce cadre commun s'applique », afin de « marquer l'existence de cette première application ».

Le présent article précise donc que la procédure proposée s'applique exclusivement, sous réserve des dispositions propres à ces actions, à l'action de groupe générale en matière de discrimination, créée par l'article 44 du présent texte, et à celle, particulière, en matière de discrimination dans le cadre du code du travail, prévue par l'article 45.

Cette liste pourrait avoir vocation à s'étendre soit par l'adjonction des actions « consommation » et « santé », dans le respect de leurs spécificités, soit par celles de nouvelles actions. L'éventualité d'une action de groupe « environnement » ou d'une action de groupe « données personnelles » 119 ( * ) a ainsi parfois été évoquée.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-110 ).

Votre commission a adopté l'article ainsi modifié .

Article 19 bis - Application, sauf dispositions contraires, des règles du code de procédure civile

Le présent article additionnel, issu d'un amendement rédactionnel ( COM-46 ) de votre rapporteur, vise à placer en exergue le principe, inscrit à l'article 22 du présent texte, selon lequel, sauf dispositions contraires du présent chapitre, l'action de groupe est introduite et régie selon les règles du code de procédure civile.

Votre rapporteur observe d'ailleurs que le projet de loi procède exactement de cette manière pour les dispositions relatives à l'action de groupe en matière administrative.

Votre commission a adopté l'article additionnel 19 bis ainsi rédigé .

Section 1 - Objet de l'action de groupe, qualité pour agir et introduction de l'instance
Article 20 - Objet de l'action de groupe

Dans la mesure où le socle commun a vocation à s'appliquer à l'ensemble des actions de groupe qui seront mises en place, son objet est nécessairement plus général que celui des actions particulières.

Ainsi, alors que les actions de groupe « consommation » et « santé » ne sont que des actions en responsabilité, destinées à obtenir réparation du dommage causé à certaines personnes, le socle commun y ajoute la possibilité d'obtenir du juge qu'il enjoigne à l'autre partie de faire cesser le manquement qui lui est reproché. Le présent article prévoit donc que l'action de groupe puisse porter soit sur une action en responsabilité, soit sur une action en cessation de manquement, soit simultanément sur l'une et l'autre.

De la même manière, alors que les actions de groupe « consommation » et « santé » limitent, à la fois, le champ des demandeurs et des défendeurs potentiels 120 ( * ) , la nature du manquement ou celle du dommage susceptible de donner lieu à réparation, le présent article retient des formulations très générales.

L'action pourrait être engagée, dès lors que plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, auraient subi un dommage causé par une même personne, ayant pour cause un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles. Il suffirait au demandeur à l'action d'appuyer celle-ci par la présentation de quelques cas individuels, représentatifs de la situation des personnes lésées.

Le caractère très ouvert de cette rédaction ne doit pas abuser. Un socle commun est nécessairement plus abstrait et général que les dispositions spéciales qui en découlent et doivent en préciser certains aspects. Il est à cet égard notable que l'action de groupe « discrimination » qui fait référence à ce régime commun s'en distingue notamment sur la nature des manquements susceptibles de fonder cette action, ainsi que celle des préjudices réparables.

Votre commission a adopté l'article 20 sans modification .

Article 21 - Qualité à agir

Le présent article définit quelles catégories de personnes ont seules qualité pour agir par la voie d'une action de groupe.

Cette limitation des demandeurs potentiels est conforme au modèle français de l'action de groupe qui repose sur l'existence d'un filtre de demandeurs qualifiés, afin d'éviter l'engagement abusif de telles actions, susceptibles, par leur retentissement, de déstabiliser les personnes mises en cause.

L'article 21 retient trois catégories de personnes ayant qualité pour agir dans le cadre d'une telle action.

• Une qualité à agir conférée à certaines associations

La première catégorie est celles des associations agréées et des associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins, dont l'objet statutaire comporte la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte.

Cette catégorie correspond, pour une part, à ce qui a été retenu en matière de consommation et de santé : dans ces deux domaines, plusieurs associations bénéficient d'un agrément ministériel, qui rend compte, à la fois, de leur ancienneté, de leur expertise et de leur audience.

L'expression « les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans » renvoie, quant à elle, à celle employée par le code de procédure pénale, dans les dispositions autorisant certaines associations à exercer les droits de la partie civile dans le cadre d'un procès portant sur certaines infractions 121 ( * ) , ainsi qu'à celle de l'article 1263-1 du code de procédure civile, relatif aux actions en justice de lutte contre les discriminations. Le critère de l'ancienneté vise à éviter la création d'une association ad hoc , uniquement destinée à permettre l'engagement de l'action. Votre rapporteur observe toutefois qu'il existe une différence entre l'approche civile et l'approche pénale : en matière pénale l'ancienneté de cinq ans doit être établie au moment de la commission des faits poursuivis, ce qui interdit absolument la constitution postérieure d'une telle association. En matière civile, cette ancienneté s'apprécie au jour de l'engagement de l'action : il est donc possible de créer une association à seule fin d'engager l'action, mais à la condition de laisser passer un délai de cinq ans.

Les deux types d'associations sont soumis à la même exigence. Leur objet statutaire doit comporter la défense des intérêts auxquels il a été porté atteinte, ce qui conjure le risque qu'une association intervienne hors de son champ.

• Une qualité à agir conférée à certains syndicats

La deuxième catégorie de personnes compétentes pour engager une action de groupe serait celle, d'une part, des syndicats professionnels représentatifs, au niveau de l'entreprise et de la branche professionnelle ou au niveau national ou interprofessionnel 122 ( * ) , d'autre part, des syndicats de fonctionnaires 123 ( * ) et, enfin, des syndicats représentatifs des magistrats de l'ordre judiciaire.

Votre rapporteur s'est étonné de cette mention des syndicats dans le socle commun de l'action de groupe. En effet, le champ d'intervention de ceux-ci se limite, en principe, aux relations de travail, ce qui ne constitue qu'un domaine parmi tous ceux susceptibles de faire l'objet d'une procédure d'action de groupe spécifique.

Or, l'article 21 ne les soumet pas à la même condition de spécialité que les associations, dont l'objet statutaire, comme on l'a vu, doit comporter la défense de l'intérêt auquel il a été porté atteinte. Potentiellement, ceci habiliterait les syndicats à engager une action de groupe sur n'importe quel sujet, sauf à ce que les dispositions spéciales, propres à cette action, excluent expressément leur compétence ou réservent la qualité à agir à d'autres personnes.

Interrogés par votre rapporteur sur ce point, les représentants des organisations syndicales ont indiqué ne pas avoir demandé à disposer d'une telle qualité générale à agir.

Les représentants du ministère de la justice ont quant à eux fait valoir que cette inscription des syndicats au nombre des personnes susceptibles d'engager une action de groupe visait à faire écho à l'octroi de cette qualité à agir auxdits syndicats, dans le cadre de l'action « discrimination ».

Votre rapporteur estime que cette mention n'est pas nécessaire : les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales et il est inutile d'inscrire le principe de cette dérogation dans les secondes. À son initiative, votre commission a adopté un amendement ( COM-48 ) supprimant la référence aux syndicats, comme titulaires généraux d'une qualité à agir en matière d'action de groupe, quel que soit le sujet.

Elle leur a en revanche bien entendu conservé cette qualité à agir pour les actions de groupe relatives à des discriminations sur le lieu de travail, aux articles 44 et 45 du présent texte 124 ( * ) .

• Une nouvelle compétence conférée au ministère public

Le deuxième alinéa de l'article 21 donne compétence au ministère public pour agir comme partie principale en vue d'obtenir, par une action de groupe, la cessation du manquement reproché au défendeur. Il lui ouvre aussi la possibilité d'intervenir comme partie jointe à une action de groupe, quel qu'en soit l'objet.

Il s'agit là d'une innovation par rapport aux actions de groupe existantes.

Certes, il arrive parfois que le ministère public intervienne en matière civile ou commerciale, pour assurer la protection de l'ordre public ou celle d'une partie sans défense, comme un enfant ou un majeur sous tutelle. L'engagement, par le procureur de la République, d'une action de groupe destinée à faire cesser un manquement pourrait relever de cette mission de protection de l'ordre public.

Toutefois votre rapporteur observe que, dans les cas précités, l'intervention du ministère public vise soit la défense d'un intérêt qui n'est pas représenté, soit celle d'une partie qui ne peut elle-même agir.

Tel n'est pas toujours le cas dans les contentieux susceptibles de relever d'une action de groupe. Si un jour cette disposition était étendue au droit de la consommation, elle rendrait possible une intervention directe du procureur de la République dans les contrats conclus entre les professionnels et les consommateurs, sans que cette dernière soit limitée par la prise en compte de l'intensité de l'atteinte portée à l'ordre public.

Encore une fois, il semble que la disposition soit inspirée par le souci de rendre possible une telle intervention en matière de lutte contre les discriminations. En effet, aujourd'hui, la seule voie ouverte au ministère public est celle de l'action pénale. Or, celle-ci requiert que la discrimination soit intentionnelle, ce qui n'est pas toujours le cas. Reconnaître au ministère public la possibilité d'agir par la voie d'une action en cessation du manquement permettrait de combler cette lacune.

Toutefois, on peut s'interroger sur l'intérêt qu'il y aurait à inscrire cette intervention dans le cadre d'une action de groupe, plutôt que dans le cadre d'une action directe, comme celle reconnue, pour la défense d'un intérêt collectif, à certaines associations.

De la même manière, l'intervention du ministère public par jonction à une procédure d'action de groupe déjà engagée fait, elle aussi, difficulté : compte tenu des moyens propres du ministère public, il n'est pas certain que cette intervention, au bénéfice d'une partie contre l'autre, dans le cadre d'un procès civil, apparaisse tout à fait conforme au principe de l'égalité des armes.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté l' amendement ( COM-47 ) de son rapporteur supprimant la compétence générale ainsi conférée au ministère public en matière d'action de groupe. À la place de ce dispositif, un second amendement, à l'article 44, ouvre au procureur de la République la possibilité d'agir directement par la voie civile aux fins de faire cesser une discrimination 125 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .

Article 22 - Introduction de l'instance et mise en demeure préalable

Le présent article précise les conditions dans lesquelles l'action de groupe peut être introduite devant la juridiction.

• Un renvoi au droit commun, à une exception près

L'article 22 renvoie aux règles du code de procédure civile, en n'y apportant qu'une seule exception : l'obligation d'une mise en demeure préalable.

Ce renvoi au droit commun ne se limite pas à la question de l'introduction de l'instance et s'étend à toutes les phases de l'action de groupe. Il n'y a dès lors pas lieu de l'inscrire dans un article qui ne concerne que l'introduction de l'instance et il est préférable de le porter en exergue de l'ensemble du chapitre. Tel est le sens de l'amendement adopté par votre commission à l'article 19 bis . Par coordination, un amendement de votre rapporteur ( COM-49 ) au présent article supprime cette disposition.

• L'obligation d'une mise en demeure préalable

Ni la procédure d'action de groupe « consommation » ni celle applicable en matière de santé ne connaissent une telle exception, qui conditionne la recevabilité de l'action de groupe à la mise en demeure préalable du fautif par le futur requérant.

Cette obligation de mise en demeure préalable vise à offrir au défendeur l'opportunité de réparer ses torts et d'éviter ainsi l'engagement d'une action de groupe contre lui. Il bénéficierait, pour ce faire, d'un délai de quatre mois à compter de la réception de la mise en demeure. Ce n'est qu'à l'échéance de ce délai que le demandeur pourrait saisir le juge.

L'irrecevabilité d'une action de groupe engagée en violation de ces dispositions pourrait être relevée d'office par le juge.

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié 126 ( * ) .

Section 2 - Cessation du manquement
Article 23 - Injonction, prononcée par le juge, aux fins de cessation du manquement

L'article 23 confère au juge qui constate l'existence du manquement du défendeur à ses obligations, le pouvoir de lui enjoindre de faire cesser ledit manquement et de prendre, à cette fin, toutes les mesures utiles qu'il lui fixe.

Cette injonction pourrait être assortie d'une astreinte et de l'obligation d'être aidé par un tiers, désigné par le juge.

Votre commission a adopté deux amendements rédactionnels ( COM-50 et 112 ).

Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié .

Section 3 - Réparation des préjudices

La présente section rassemble les dispositions relatives aux deux phases judiciaires de l'action de groupe à fin de réparation : la première, à laquelle est consacrée la sous-section 1, est celle du jugement sur la responsabilité du défendeur et la constitution du groupe des victimes, la seconde, à laquelle sont consacrées les deux sous-sections suivantes, est celle de l'évaluation et de l'indemnisation des préjudices.

Sous-section 1 - Jugement sur la responsabilité

À l'exception de l'article 26, les dispositions de la présente sous-section s'inspirent largement de celles applicables en matière de santé et de consommation.

Article 24 - Jugement sur la responsabilité et définition du groupe des victimes

Le présent article précise les trois points sur lesquels le juge doit se prononcer lorsqu'il rend sa décision au terme de la première phase de l'action de groupe.

En premier lieu, il statue sur la responsabilité du défendeur à l'égard de toutes les personnes placées dans une situation similaire à l'un des cas qui lui ont été soumis.

En deuxième lieu, il définit le groupe des personnes susceptibles de bénéficier de l'action de groupe. À cette fin, il fixe les critères de rattachement au groupe, ce qui revient à indiquer quels éléments sont susceptibles de faire reconnaître la situation d'un individu comme similaire à celle de l'une des personnes à l'égard desquelles le juge a reconnu la responsabilité du défendeur. Le juge détermine aussi les préjudices susceptibles d'être réparés, qui peuvent être différents selon les catégories de victimes définies.

Enfin, le juge fixe le délai ouvert pour adhérer au groupe en vue d'obtenir réparation de son préjudice.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-51 ).

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié .

Article 25 - Mesures de publicité destinées à faire connaître le jugement aux membres du groupe des victimes

Une fois la responsabilité du défendeur reconnue, il est nécessaire de rassembler les personnes susceptibles d'appartenir au groupe, ce qui suppose de faire connaître le jugement prononcé.

Le présent article prévoit ainsi que le juge ordonne, à la charge du défendeur, les mesures de publicité adaptées pour informer les personnes intéressées.

Conformément à ce qui est déjà prévu en matière de consommation et de santé, la publicité ne pourrait intervenir qu'une fois le jugement sur la responsabilité devenu définitif, c'est-à-dire insusceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation. Cette mesure est destinée à protéger les intérêts du défendeur, qui ne sera ainsi publiquement mis en cause qu'une fois que sa responsabilité aura été définitivement établie.

Votre commission a adopté l'article 25 sans modification .

Article 26 - Possibilité de décider la mise en oeuvre d'une procédure collective de liquidation des préjudices

Le présent article vise à donner compétence au juge pour ordonner une procédure collective de liquidation des préjudices plutôt qu'une procédure individuelle.

• Le dispositif proposé

Cette procédure collective, dont le régime serait fixé aux articles 30 et 31, constitue une innovation par rapport aux actions de groupe déjà examinées par le législateur. Il s'agit de permettre à l'association requérante de négocier avec le défendeur l'indemnisation des membres du groupe, selon le cadre fixé par le juge.

Le juge ne pourrait la prononcer qu'à deux conditions.

Le recours à cette procédure collective devrait tout d'abord être demandé par l'association requérante.

Ensuite, le juge devrait s'assurer que, d'une part, la nature des préjudices à réparer et, d'autre part, les éléments de preuve produits lors du procès rendent possible la mise en oeuvre d'une telle procédure.

En effet, dans la mesure où l'évaluation des préjudices se fera sur une base collective, il est nécessaire que ces préjudices eux-mêmes puissent facilement faire l'objet d'une évaluation standardisée, afin que le juge soit en mesure, dès le jugement sur la responsabilité, de déterminer le montant du préjudice total subi par le groupe ou, à défaut, tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices propres à chaque catégorie de membres du groupe.

Le juge fixerait ensuite les modalités et les délais dans lesquels la réparation collective des préjudices doit intervenir. À ce titre, il pourrait notamment déterminer le cadre de la négociation que l'association pourrait engager avec le défendeur, ou la forme du paiement des indemnités (paiement forfaitaire, réparation en nature etc. ).

Afin d'assurer la prise en charge, par le défendeur, des frais engagés par l'association requérante pour représenter le groupe dans le cadre de cette procédure, l'article 26 prévoit aussi que le juge pourra condamner le défendeur au paiement d'une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens.

• La position de votre commission

Lors de son audition, Mme la professeure Soraya Amrani-Mekki s'est interrogée sur la nature et la finalité de cette procédure. Étudiant, aux articles 30 et 31, son régime juridique, elle a considéré que celui-ci était confus, puisqu'il empruntait à la fois à la transaction, à la médiation et à la négociation sous contrainte.

Nous examinerons ces points à l'occasion du commentaire des articles précités. À ce stade, il apparaît toutefois nécessaire de clarifier l'objet de la procédure collective de liquidation des préjudices.

En réalité, il s'agit de permettre à l'association de conduire, au nom du groupe, une négociation avec le défendeur sur l'indemnisation des préjudices à réparer. Cette négociation est encadrée par le juge, qui fixe notamment le montant global des préjudices ou les éléments d'évaluation de ceux-ci.

Cette négociation se distingue de la médiation prévu aux articles 33 et 34 parce qu'elle se passe d'un tiers médiateur.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement ( COM-52 ) précisant l'objet de la procédure collective.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié .

Sous-section 2 - Mise en oeuvre du jugement et réparation des préjudices
Paragraphe 1 - Procédure individuelle de réparation des préjudices
Article 27 - Adhésion au groupe et mandat aux fins d'indemnisation

La phase de liquidation des préjudices débute nécessairement par l'adhésion des victimes au groupe défini par le juge.

Le présent article prévoit que cette adhésion prend la forme d'une demande de réparation adressée soit directement, au défendeur, soit à l'association requérante.

Dans ce dernier cas, cette demande vaut mandat aux fins d'indemnisation, l'association portant la demande auprès du défendeur. Elle vaut aussi mandat aux fins de représentation, s'il est nécessaire, face au refus d'indemnisation de la part du défendeur, de saisir le juge pour obtenir la réparation du préjudice ou l'exécution forcée de ce second jugement.

Le présent article précise que ce mandat n'implique ni ne vaut adhésion à l'association requérante.

Votre commission a adopté l'article 27 sans modification .

Article 28 - Indemnisation par le défendeur des membres du groupe

Le présent article rappelle qu'il appartient au défendeur déclaré responsable d'indemniser chaque victime remplissant les critères de rattachement au groupe et ayant adhéré à celui-ci.

Cette dernière mention rend compte du fait qu'il peut refuser de verser l'indemnisation s'il considère qu'une personne allègue abusivement appartenir au groupe des victimes. Dans ce cas, cette dernière n'aura comme recours que de saisir le juge en vertu de l'article qui suit.

Votre commission a adopté l'article 28 sans modification .

Article 29 - Saisine du juge en l'absence d'indemnisation

Le présent article prévoit qu'en cas de refus d'indemnisation de la part du défendeur, les personnes concernées peuvent saisir le juge ayant statué sur la responsabilité pour qu'il évalue précisément leur préjudice individuel et ordonne sa réparation.

Bien entendu, l'action est conduite par l'association requérante si les personnes concernées lui ont donné mandat pour ce faire.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-53 ) supprimant la mention selon laquelle la saisine du juge intervient « à défaut d'accord ». Celle-ci est inutile, dans la mesure où le texte précise que seules les personnes dont la demande n'a pas été satisfaite peuvent saisir le juge.

Votre commission a adopté l'article 29 ainsi modifié .

Paragraphe 2 - Procédure collective de réparation des préjudices
Article 30 - Adhésion au groupe et négociation, par le demandeur, de l'indemnisation du préjudice subi

La procédure collective de liquidation des préjudices débute, comme la procédure individuelle, par l'adhésion des victimes au groupe.

Toutefois, à la différence de l'article 27, le présent article interdit aux personnes concernées d'adresser directement leur demande d'indemnisation au défendeur. Celle-ci passe obligatoirement par l'association requérante qui est seule compétente pour négocier au nom de chaque membre du groupe et agir ensuite en justice, en cas de refus d'indemnisation 127 ( * ) .

Ce monopole de négociation et de représentation de l'association est la marque du caractère collectif de la procédure.

Le présent article prévoit par ailleurs que l'association peut « notamment transiger sur le montant de l'indemnisation dans les limites fixées par le jugement mentionné à l'article 26 ».

Cette incise appelle deux observations.

En premier lieu, la rédaction est imprécise : en droit civil la transaction suppose des concessions réciproques, or, il est tout à fait possible que la négociation aboutisse à un accord sans que l'association renonce, même partiellement, aux droits des victimes. À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement ( COM-54 ) qui, outre quelques modifications rédactionnelles, corrige cette imprécision.

En second lieu, la rédaction retenue confirme que le juge fixe le cadre de la négociation, puisque l'association n'aurait pas le droit d'accepter un montant d'indemnisation en dehors des limites qu'il aurait déterminées.

Votre commission a adopté l'article 30 ainsi modifié .

Article 31 - Encadrement de la négociation effectuée par le demandeur au nom du groupe

Le présent article fixe un cadre relativement contraint à la négociation conduite par l'association requérante, au nom du groupe des victimes, avec le défendeur.

• Le dispositif proposé

Cette négociation serait enserrée dans un double délai.

Le premier délai, fixé par le juge, serait celui de la durée minimale de la négociation. Il ne pourrait être inférieur à six mois à compter du jugement devenu définitif. On peut s'étonner d'une telle durée, manifestement excessive pour des contentieux qui ne présenteraient pas de difficulté particulière d'évaluation des préjudices ni de réunion des membres du groupe.

À l'échéance de ce délai, le juge devrait, d'une part, être saisi aux fins d'homologation de l'accord, éventuellement partiel, intervenu entre les parties, et, d'autre part, être saisi aux fins de la liquidation des préjudices subsistant.

Le texte ne précise pas à qui, défendeur ou demandeur, échoit cette obligation de saisine.

Le second délai serait d'un an à compter du jour où le jugement est devenu définitif. À son terme, en l'absence d'accord ou de saisine du juge, le jugement en responsabilité serait déclaré non-avenu. Cette sanction est motivée par l'idée que l'inaction du demandeur manifeste son abandon implicite de l'action, qu'il n'ait accompli aucune diligence en faveur de l'accord ou qu'il ait renoncé à saisir le juge du refus de négocier du défendeur.

La procédure proposée présente par ailleurs une spécificité. Le juge se verrait investi d'un rôle particulier, pour encourager l'accord et le contrôler.

Ainsi, la négociation se déroulerait sous la menace d'une amende civile d'un montant maximum de 50 000 euros, qui pourrait être prononcée par le juge contre le demandeur ou le défendeur qui aurait fait obstacle, de manière abusive ou dilatoire à la conclusion d'un accord.

Enfin, il lui appartiendrait, lors de l'homologation, de s'assurer que l'accord proposé préserve suffisamment les intérêts des parties elles-mêmes et ceux des membres du groupe, compte tenu des limites qu'il a fixées dans le premier jugement sur la responsabilité. Il pourrait, à défaut, renvoyer les parties à une nouvelle période de négociation de deux mois.

• La position de votre commission

Votre rapporteur constate que l'article 31 organise une procédure de négociation forcée, décidée par le juge et placée sous son contrôle. Or n'y a-t-il pas là une contradiction dans les termes ? Quelle peut être la valeur juridique d'un accord qui ne serait pas librement consenti par chacune des deux parties ?

Si l'on peut entendre que le cadre de la négociation soit fixée par le juge et enserré dans certains délais, afin d'inciter les parties à s'accorder, est-il conforme au droit de refuser à l'une d'entre elles la possibilité de rejeter toutes les offres de l'autre, au prétexte qu'elles sont plus coûteuses pour elle que la limite inférieure que le juge a fixée ?

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a par conséquent adopté un amendement ( COM-55 ), visant à limiter le caractère forcé de la négociation.

Tout d'abord, cet amendement remplace le délai minimum de six mois avant lequel il n'est pas possible de saisir le juge d'un accord, même partiel, par le délai, fixé par le juge, de constitution du groupe des victimes. En effet ce délai paraît moins arbitraire et plus adapté au caractère collectif de la réparation, puisqu'il garantit qu'avant de saisir le juge, l'association connaîtra exactement le périmètre du groupe des victimes.

Ensuite, l'amendement remplace l'obligation, pour les parties de saisir le juge de leur accord, par une possibilité pour celles-ci de le faire.

Par ailleurs, il prévoit que l'accord soumis à l'homologation du juge doit avoir été accepté par les membres du groupe concernés. En effet, il faut préserver la possibilité, pour ceux qui estimeraient que l'association a mal représenté leurs intérêts, d'obtenir que le juge se prononce sur leur cas.

L'amendement remplace aussi la sanction par laquelle, au-delà d'un an, le jugement est déclaré non avenu, par une possibilité donnée aux membres du groupe non indemnisés de sortir de la procédure collective de liquidation des préjudices et de bénéficier, à la place, de la procédure individuelle.

Enfin, il supprime l'amende civile encourue, qui pourrait frapper le demandeur comme le défendeur et qui est contraire au principe d'une négociation libre.

Votre commission a adopté l'article 31 ainsi modifié .

Article 32 - Gestion des fonds versés pour l'indemnisation

Le présent article vise à assurer la protection des sommes versées, à titre d'indemnisation, par le défendeur à l'association, en imposant qu'elles soient déposées sur un compte de la caisse des dépôts et consignations (CDC) qui n'autoriserait les mouvements en débit que pour le versement à chacun de ce qui lui est dû.

Il reprend, sous une autre rédaction, le dispositif applicable en matière d'action de groupe « santé » et « consommation », à une différence près : le présent article précise que cette obligation s'applique « sous réserve des dispositions législatives en matière de maniement des fonds des professions judiciaires réglementées ».

Cette mention vise à rappeler que, lorsque les avocats reçoivent de leurs confrères les fonds destinés à leurs clients, ils doivent les déposer sur le compte qu'ils détiennent auprès de la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), avant de les remettre à leurs clients.

Or, votre rapporteur rappelle que l'association, comme tout justiciable, peut décider que les fonds ne transiteront pas par son avocat et qu'ils devront lui être directement remis. Ainsi les fonds ne sont pas manipulés par l'avocat et n'ont donc pas à passer par la CARPA. L'association peut d'ailleurs être incitée à faire ce choix par souci d'économie.

En effet, le produit des fonds déposés à la CARPA ne profite pas à leurs destinataires, mais sert uniquement à rémunérer, d'une part les « services d'intérêt collectif de la profession » d'avocats, d'autre part les « dépenses de fonctionnement du service de l'aide juridictionnelle et le financement de l'aide à l'accès au droit » 128 ( * ) . Tandis que les fonds déposés à la CDC sont rémunérés, ce qui peut n'être pas négligeable compte tenu de leur montant ou de la durée de dépôt.

Un amendement rédactionnel du rapporteur ( COM-56 ) vise à rendre plus clair le choix offert à l'association de se voir remettre les fonds ou de laisser son avocat les recueillir sur son compte CARPA, dans l'attente de leur distribution aux personnes lésées 129 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 32 ainsi modifié .

Section 4 - Médiation

La médiation à laquelle fait référence la présente section diffère de la négociation mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure collective de liquidation des préjudices sur deux points.

D'une part, elle peut être mise en oeuvre à tout moment, à l'initiative des parties.

D'autre part, elle suppose l'intervention d'un tiers médiateur, chargé de les concilier.

Article 33 - Renvoi au droit commun de la médiation

Le présent article se limite à renvoyer au droit commun de la médiation, fixé au chapitre I er du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Votre commission a adopté l'article 33 sans modification .

Article 34 - Homologation par le juge de l'accord négocié au nom du groupe

Le présent article pose le principe de l'homologation judiciaire de l'accord négocié en médiation et permet au juge de prévoir les mesures de publicité nécessaires pour informer les personnes susceptibles d'en bénéficier de son existence.

Sa rédaction s'inspire de celle de l'article L. 423-16 du code de la consommation. Elle est toutefois moins protectrice que celle-ci, puisqu'il n'est pas prévu que le juge s'assure que l'accord est conforme aux intérêts de ceux auxquels il a vocation à s'appliquer. Votre rapporteur relève, d'ailleurs, qu'un tel contrôle est prévu dans le cadre de la procédure collective de liquidation des préjudices définie aux articles 30 et 31.

En outre, il semble préférable que l'accord prévoit lui-même les conditions de sa publicité, dont la charge échoira en principe au défendeur, plutôt que cette décision soit prise par le juge de l'homologation.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a par conséquent adopté un amendement COM-57 reprenant ces deux garanties.

Votre commission a adopté l'article 34 ainsi modifié .

Section 5 - Dispositions diverses

À l'exception de l'article 42, la présente section reprend, presqu'à l'identique, les dispositions diverses applicables aux actions de groupe « consommation » et « santé ».

Article 35 - Suspension de la prescription pendant le cours d'une action de groupe

L'engagement d'une action de groupe ouvre, dans les faits, une option aux personnes lésées : se joindre au groupe ou préférer conduire seules la défense de leurs intérêts. Tout dépend du résultat escompté de l'action de groupe.

Le risque serait que ceux qui parieraient sur l'action de groupe laissent se prescrire leur action individuelle. En cas d'échec de l'action, quelle qu'en soit la cause (défaillance du demandeur, limitation du groupe susceptible de relever de l'action etc. ), ils n'auraient dès lors plus de recours.

Le présent article prévient ce risque en suspendant la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du même fait générateur que celui mis en cause dans une action de groupe. Ainsi, à l'issue de l'action de groupe, ceux qui n'auront pas vu leur préjudice réparé pourront agir individuellement contre le défendeur.

Le cours de la prescription serait repris, pour une durée minimum de six mois, à compter du jour où le jugement en responsabilité ou le jugement en homologation d'un accord passé entre le demandeur et le défendeur ne seraient eux-mêmes plus susceptibles de recours.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-58 ) de son rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 35 ainsi modifié .

Article 36 - Autorité de la chose jugée

Le présent article vise à conférer une autorité relative de la chose jugée aux jugements en responsabilité ou en homologation d'un accord négocié, à l'égard des personnes dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure, ce qui leur interdirait de chercher, par la voie d'une action individuelle, la réparation du même préjudice.

Votre commission a adopté l'article 36 sans modification .

Article 37 - Droit au recours préservé pour la réparation des préjudices non réparés dans le cadre de l'action de groupe

Le présent article est le corollaire du précédent, puisqu'il vise à préserver le droit d'agir des personnes lésées par le manquement du défendeur afin d'obtenir réparation des autres préjudices que ceux réparés dans le cadre de l'action de groupe.

Votre commission a adopté l'article 37 sans modification .

Article 38 - Interdiction d'engagement d'une nouvelle action de groupe portant sur le même fondement qu'une précédente

Afin d'éviter que les actions de groupe portant sur les mêmes faits se multiplient et entrent en concurrence, le présent article tend à déclarer irrecevable toute nouvelle action portant sur le même manquement reproché au défendeur qu'une précédente action de groupe.

Cette irrecevabilité permet d'unifier le contentieux, les associations requérantes pouvant se joindre à la première action de groupe.

Toutefois, en ne retenant comme critère d'identité que le fait de porter sur le même manquement, le présent article exclurait qu'on puisse engager une nouvelle action portant sur les mêmes faits, mais destinée à obtenir la réparation d'un autre type de préjudice que celui qui fait l'objet de la première action.

Appliquée au droit de la consommation et au droit de la santé, une telle règle interdirait, par exemple, que l'on poursuive le fabricant d'une prothèse qui a causé des dommages à ceux qui l'ont utilisée, à la fois par la voie d'une action de groupe « santé », aux fins d'indemnisation du préjudice corporel, et par la voie d'une action de groupe « consommation », aux fins de remboursement du coût de ladite prothèse.

D'ailleurs, la rédaction proposée diffère de ce qui a été retenu par le législateur en matière de consommation 130 ( * ) et par le Sénat en matière de santé 131 ( * ) .

Votre commission a par conséquent adopté un amendement de son rapporteur ( COM-59 ) qui restreint l'irrecevabilité aux seules actions de groupe portant à la fois sur le même fait générateur et la réparation des mêmes préjudices.

Votre commission a adopté l'article 38 ainsi modifié .

Article 39 - Substitution au demandeur défaillant

Le principe, posé à l'article précédent, de l'unicité de l'action de groupe pourrait poser une difficulté en cas de défaillance du demandeur à l'action, puisque l'action échouerait, faute d'être conduite à son terme, et qu'il serait interdit à quiconque d'en engager une nouvelle.

Le présent article y remédie, en autorisant toute personne ayant qualité à agir à titre principal à se substituer au demandeur défaillant.

Votre commission a adopté l'article 39 sans modification .

Article 40 - Interdiction des clauses de renonciation à une action de groupe

Le présent article répute non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d'interdire à une personne de participer à une action de groupe.

Votre commission a adopté l'article 40 sans modification .

Article 41 - Appel en garantie de l'assureur de responsabilité civile

Le présent article autorise le demandeur à agir directement contre l'assureur en responsabilité civile du défendeur, comme cela est prévu pour les actions individuelles en réparation, en vertu de l'article L. 124-3 du code des assurances.

Votre commission a adopté l'article 41 sans modification .

Article 42 (art. L. 211-9-1 et L. 211-9-2 [nouveaux] et L. 211-15 du code de l'organisation judiciaire, art. 4-2 [nouveau] du code de procédure pénale, art. L. 423-1 et L. 423-6 du code de la consommation) - Tribunal compétent pour connaître des actions de groupe - Interdiction de saisir la juridiction pénale par citation directe sur des faits relevant d'une action de groupe en cours - Coordinations dans le code de la consommation

Le présent article présente un triple objet.

En premier lieu, il confie 132 ( * ) aux tribunaux de grande instance la compétence en matière d'actions de groupe, en faisant notamment référence à l'article L. 211-9-1 du code de l'organisation judiciaire, à l'action « consommation » et aux actions créées par la présente loi. Cette attribution de compétence est tout à fait conforme à la vocation généraliste des TGI, qui connaissent par principe de toutes les actions portant sur un enjeu financier indéterminé. En outre, tel a déjà été le choix du législateur en matière d'action de groupe « consommation » et « santé ». Un amendement de coordination de votre commission ( COM-60 rect. ) a d'ailleurs ajouté cette dernière action à la liste établie à l'article L. 211-9-1 précité.

En deuxième lieu, il procède à certaines coordinations dans le code de la consommation 133 ( * ) , en alignant notamment la rédaction des règles relatives au dépôt des sommes versées pour l'indemnisation sur celle retenue à l'article 32. Par coordination avec la modification à laquelle elle a procédé à ce dernier article, l'amendement COM-60 rect . reproduit la même rédaction.

Enfin, le présent article crée un article 4-2 dans le code de procédure pénale précisant que, pendant toute la durée d'une action de groupe, seul le ministère public est autorisé à mettre en mouvement l'action publique en vue de poursuivre les faits à l'origine de l'action.

Cette disposition inédite vise à prévenir toute instrumentalisation du procès pénal, certaines victimes privilégiant la voie pénale afin de bénéficier, pour leur action civile, des apports probatoires de l'enquête préliminaire ou de l'information judiciaire.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de cette disposition.

Il a tout d'abord noté que le monopole conféré au ministère public priverait de leur droit d'agir au pénal, par la voie de la citation directe devant la juridiction ou celle de la plainte avec constitution de partie civile, non seulement les personnes lésées qui se seraient jointes à l'action de groupe, mais aussi celles qui se seraient tenues en retrait de cette action. Est-il justifié de leur faire ainsi subir les conséquences d'un choix procédural effectué par d'autres et de les priver de leur accès légitime au juge ?

Certes, le dernier alinéa du nouvel article 4-2 du code de procédure pénale prévoit la suspension de la prescription de l'action publique pendant toute la durée de l'action de groupe. Compte tenu de l'appel et de la cassation, plusieurs années pourront s'écouler avant que la prescription reprenne son cours. Le souci d'éviter un risque d'instrumentalisation du procès pénal vaut-il l'inconvénient d'un tel allongement artificiel de la prescription ? La question mérite d'être posée, en particulier si l'on considère que cet allongement profitera au ministère public, qui, lui, n'est pas privé du droit d'agir.

Considérant que le dispositif proposé, très dérogatoire au droit commun, ne préservait pas suffisamment le droit des victimes de saisir le juge pénal, l'amendement COM-60 rect . adopté par votre commission l'a supprimé 134 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 42 ainsi modifié .


* 117 C'est d'ailleurs au regard de ces deux principes constitutionnels que le Conseil constitutionnel a examiné la procédure d'action de groupe en matière de consommation (CC, n° 2014-690 DC du 13 mars 2014, Loi relative à la consommation , JORF du 18 mars 2014 page 5450, texte n° 2, cons. 15).

* 118 Cf ., sur ce point, infra , le commentaire de l'intitulé du projet de loi à la fin du commentaire des articles.

* 119 Le Conseil d'État a ainsi recommandé, dans son rapport de 2014 sur Le numérique et les droits fondamentaux , l'instauration d'une action collective, distincte de l'action de groupe, « destinée à faire cesser les violations de la législation sur les données personnelles. Cette action serait exercée devant le tribunal de grande instance par les associations agréées de protection de consommateurs ou de défense de la vie privée et des données personnelles » (Conseil d'État, Étude annuelle 2014 - Le numérique et les droits fondamentaux , La documentation française, septembre 2014, p. 340). Le dispositif proposé par le projet de loi autorisant la conduite d'une action de groupe à des fins de cessation d'un manquement, il pourrait, le cas échéant, traduire cette recommandation.

* 120 En matière de consommation, l'action ne profite qu'aux consommateurs et elle ne porte que sur les préjudices patrimoniaux qu'ils subissent du fait de dommages matériels trouvant leur origine dans un manquement du professionnel à ses obligations légales ou contractuelles en matière de vente de biens ou de fournitures de service ou de pratique anticoncurrentielle (article L. 423-1 du code de la consommation). En matière de santé, l'action ne profiterait qu'aux usagers du système de santé et ne viserait que les professionnels de santé utilisant des produits de santé ou les fournisseurs, distributeurs ou fabricants de ces produits, à raison des dommages corporels qu'ils auraient causés.

* 121 Articles 2-1 à 2-21 du code de procédure pénale.

* 122 Articles L. 2122-1, L. 2122-5 et L. 2122-10 du code du travail.

* 123 Article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires .

* 124 Cf. infra , commentaire des articles cités.

* 125 Cf. infra , commentaire de l'article 44.

* 126 En plus de l' amendement COM-49 , votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-111 .

* 127 Comme à l'article 27, il est précisé que ce mandat de représentation ne vaut ni n'implique adhésion à l'association.

* 128 Art. 235-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat .

* 129 Votre commission a par ailleurs adopté un autre amendement rédactionnel ( COM-113 )

* 130 Art. L. 423-23 du code de la consommation.

* 131 Cf. la rédaction proposée, à l'article L. 1143-19 du code de la santé publique, par l'article 45 du projet de loi n° 3 (2015-2016) relatif à la santé .

* 132 Premier paragraphe de l'article 42.

* 133 Troisième paragraphe du même article.

* 134 Votre commission a par ailleurs adopté deux amendements rédactionnels à cet article ( COM-114 et 115 )

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