C. UNE DÉPENSE PUBLIQUE PLUS DYNAMIQUE QU'ANTICIPÉ

En 2015, la dépense publique a été plus dynamique qu'anticipé initialement . Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement prévoyait une progression de la dépense cette année de 0,2 % en volume et de 1,1 % en valeur. Toutefois, les données les plus récentes font apparaître que celle-ci augmenterait de 0,9 % en volume et de 1,1 % en valeur (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 9 : Évolution des dépenses publiques

(en %)

2014

2015

2016

2017

Inflation

0,4

0,1

1,0

1,4

En valeur, hors crédits d'impôt

0,9

1,0

1,3

1,6

En valeur, y compris crédits d'impôt

1,6

1,5

1,2

1,6

En volume, hors crédits d'impôt

0,5

0,9

0,4

0,1

En volume, y compris crédits d'impôt

1,2

1,4

0,3

0,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par le ministère des finances et des comptes publics)

Le dynamisme plus fort que prévu de la dépense publique en volume s'explique par une inflation plus faible qu'anticipé 52 ( * ) . Dans ces conditions, le Gouvernement a dû annoncer, dans le cadre du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018, des mesures complémentaires visant à compenser les moindres économies résultant du ralentissement de l'inflation, dont le montant est estimé à 4 milliards d'euros pour 2015. Le détail des mesures a été précisé dans un rapport adressé par le Gouvernement le 10 juin dernier aux institutions européennes.

Ce document précise, tout d'abord, les économies complémentaires d'un montant de 1,2 milliard d'euros devant être réalisées par l'État et ses opérateurs ; à ce titre, un décret d'annulation de 0,7 milliard d'euros sur les crédits des ministères a été publié le 10 juin 2015 53 ( * ) - le rapport de motivation du décret précité indiquait que les crédits annulés portaient « essentiellement sur des dépenses modulables, afin de ne pas remettre en cause la soutenabilité des dépenses obligatoires (en particulier les rémunérations et prestations versées par l'État) », ce qui tend à confirmer que la stratégie de réduction de la dépense publique choisie par le Gouvernement répond plus à une logique de « coup par coup » qu'à une recherche de mesures permettant d'abaisser durablement le rythme d'évolution de la dépense . S'agissant des opérateurs de l'État, le Gouvernement constate opportunément un ralentissement des dépenses de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et des décaissements du programme d'investissements d'avenir (PIA), pour un montant total de 0,5 milliard d'euros.

À cela vient s'ajouter une révision à la baisse de la charge de la dette au titre de l'exercice 2015 pour 1,2 milliard d'euros , en lien avec le recul des taux d'intérêt - ainsi, alors que dans le cadre de la loi de finances pour 2015, les taux à 10 ans étaient estimés à 2 % fin 2015, ces derniers sont désormais évalués à 1,4 % à cette échéance, pour une moyenne annuelle de 0,85 % environ. Cette hypothèse ne paraît pas, à ce jour, particulièrement optimiste, le Consensus Forecasts de novembre 2015 prévoyant un taux d'intérêt à 10 ans de 1 % en février 2016 .

Tableau n° 10 : Mesures de redressement annoncées pour 2015

Montant
(en Md d'euros)

Sources/Actions

État

0,7

- Décret d'annulation du 10 juin 2015

Opérateurs

0,5

- Budget rectificatif de l'AFITF du 6 mars 2015

- Rapport trimestriel du Commissariat général à l'investissement (1 er trimestre 2015)

Charge d'intérêts

1,2

- Évaluation de l'Agence France Trésor (AFT)

Sécurité sociale

1,0

- Avis du Comité d'alerte de l'ONDAM du 26 mai 2015

- Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 8 juin 2015

Recettes

0,6

- Situation du recouvrement du STDR du 15 mai 2015

- Résultats financiers 2014 de la Banque de France

Total

4,0

Source : rapport de la France sur la mise en oeuvre des actions suivies d'effet consécutives à la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 (10 juin 2015)

Les administrations de sécurité sociale (ASSO), quant à elles, contribueraient à hauteur de 1 milliard d'euros à l'effort supplémentaire requis en 2015 . Ce montant comprend :

- 425 millions d'euros de dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) . En effet, à la suite du programme de stabilité 2015-2018, 425 millions d'euros de crédits ont été annulés, notamment pour ce qui est des dépenses hospitalières et médico-sociales, dont 175 millions d'euros pris sur l'enveloppe des crédits gelés. En dépit de cela, dans son avis du 6 octobre 2015 54 ( * ) , le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a constaté que « les dépenses dans le champ de l'ONDAM pourraient s'établir à 181,9 Md€, en retrait de 450 M€ par rapport à l'objectif voté dans la LFSS pour 2015, mais en conformité avec l'objectif rectifié par le programme de stabilité notifié à la Commission européenne en avril 2015 ». Dans ces conditions, le Gouvernement a proposé une révision à la baisse de l'ONDAM pour l'année 2015 dans le cadre du de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ;

- 225 millions d'euros d'économies permises par le ralentissement des dépenses d'action sociale des caisses de sécurité sociale ;

- 250 millions d'euros de dépenses de gestion de la protection sociale , notamment « sous l'effet d'une évolution moins rapide de la masse salariale des organismes de sécurité sociale et d'un pilotage renforcé de leurs budgets de fonctionnement » ;

- 100 millions d'euros d'économies résultant des dispositions de l'article 19 de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites 55 ( * ) . Selon le Gouvernement, « cette économie repose sur des hypothèses de comportements difficiles à anticiper et n'avait, de ce fait, pas été prise en compte dans la trajectoire de la LPFP. Ainsi, les assurés qui liquident leur pension, puis sont employés dans le cadre du cumul emploi retraite (CER), sont désormais soumis à l'obligation de liquider toutes leurs pensions avant de partir en CER et ne s'ouvrent plus de droits ensuite. Certains assurés reculeront la liquidation de leur pension pour augmenter leurs droits ».

En définitive, s'il souligne l'incertitude entourant l'évolution des dépenses des collectivités territoriales , « compte tenu de la faiblesse de l'information disponible à ce stade et de l'impact de décisions prises en toute fin d'année », le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a estimé que les prévisions de dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) étaient cohérentes avec les anticipations formulées par la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre, l'avis précité du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie du 6 octobre 2015 et les prévisions de l'Unédic publiées en octobre 56 ( * ) . En réalité, le HCFP 57 ( * ) considère les principales « tensions » en cette fin d'exercice concernent les dépenses de l'État, qui font l'objet d'un examen approfondi infa , dans la partie dédiée du présent exposé général.


* 52 Les conséquences pour les finances publiques, et notamment sur l'évolution de la dépense publique, d'une faible inflation ont fait l'objet d'un examen approfondi lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 (cf. rapport général n° 164 (2015-2016), tome I, op. cit. , p. 41-44).

* 53 Compte rendu de la communication d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur un projet de décret d'annulation de crédits transmis par le Gouvernement entendue par la commission des finances du Sénat le 10 juin 2015.

* 54 Avis du Comité d'alerte n° 2015-3 du 3 octobre 2015 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

* 55 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 56 Unédic, Situation financière de l'Assurance chômage. Prévision pour les années 2015 et 2016 , octobre 2015.

* 57 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-04 du 6 novembre 2015, op. cit.

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