CHAPITRE IV - Période d'application de la législation sur les comptes de campagne

Article 6 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel) - Durée de la période couverte par les comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle

L'article 6 fixe la durée de la période précédant l'élection au cours de laquelle un candidat doit retracer les recettes et les dépenses au sein de son compte de campagne.

Actuellement, l'article L. 52-4 du code électoral, applicable à l'élection du Président de la République par renvoi du II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, prévoit la comptabilisation des recettes et des dépenses électorales « pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat ». Ainsi, cette période débute traditionnellement le 1 er avril de l'année précédant l'élection présidentielle.

Dans son quinzième rapport d'activité (2012-2013), la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a suggéré une réduction de cette période « à six ou huit mois au lieu d'un an ». Comme l'a confirmé le président de la CNCCFP lors de son audition, cette préconisation a été formulée ensuite pour l'ensemble des scrutins.

Cette proposition repose sur le constat que la campagne, a fortiori pour l'élection du Président de la République, débute rarement un an avant le scrutin. Dans ces conditions, il est d'ailleurs délicat de prouver le caractère électoral de la dépense lorsqu'elle est engagée pratiquement un an avant l'élection. Ainsi, la CNCCFP a déjà été conduite, comme l'indiquait à votre rapporteur son président, à supprimer l'inscription au compte de campagne de dépenses engagées près d'un an avant l'élection, ces dépenses étant en réalité celles résultant de l'organisation d'évènements voulus par le parti et non le candidat mais ayant été inscrites dans l'espoir d'obtenir leur remboursement partiel.

La pratique démontre que l'essentiel des dépenses retracées au compte de campagne se situent dans les derniers mois de la campagne. Ce constat a pris une dimension supplémentaire avec le développement de la pratique des élections primaires ouvertes organisées pour un ou plusieurs partis politiques. L'organisation de telles procédures de sélection d'un candidat a suscité des incertitudes sur les dépenses résultant des élections primaires et à imputer au compte de campagne au candidat qui se présente finalement à l'élection. Elle a également retardé d'autant le lancement de la campagne des candidats retenus par les formations politiques les plus importantes.

L'imputation des dépenses liées aux élections primaires
au compte de campagne des candidats

La question de l'imputation au compte de campagne d'un candidat de dépenses engagées dans le cadre d'élections primaires pour la désignation de ce candidat par un ou plusieurs partis politiques s'est posée lors de l'élection présidentielle de 2012. Comme l'indiquait à votre rapporteur M. François Logerot, président de la CNCCFP, lors de son audition, il a été finalement décidé d'imputer moins de 300 000 euros au compte de campagne de M. François Hollande au titre des dépenses liés à l'élection primaire qui avait conduit à sa désignation comme candidat du parti socialiste et du parti des radicaux de gauche.

Cette problématique existe également pour des élections locales, pour lesquelles des élections primaires peuvent être organisées pour désigner la tête de liste, avec la difficulté supplémentaire qu'un candidat vaincu lors de l'élection primaire peut figurer sur la même liste que le vainqueur, sur une liste dissidente voire déposer sa candidature pour une partie de la circonscription, comme à Paris, Lyon ou Marseille.

Saisie par le Premier ministre, le Conseil d'État a rendu, le 31 octobre 2013, un avis relatif aux modalités d'imputation dans un compte de campagne des dépenses liées aux campagnes dans le cadre de primaires ouvertes organisées par des partis politiques.

Se fondant sur l'article L. 52-2 du code électoral et sa jurisprudence, le Conseil d'État estime que les dépenses « ayant eu pour but de promouvoir et de favoriser auprès des adhérents de son parti politique sa candidature à l'investiture de ce parti » ne sont pas imputables au compte de campagne. Il en est autrement lorsque la dépense est engagée en vue d'obtenir les suffrages de tous les électeurs et non des seuls adhérents du parti politique. « Tel est le cas des dépenses faites par un candidat à l'occasion d'une élection primaire ouverte à l'ensemble des électeurs de la circonscription de l'élection . »

Le Conseil d'État en concluait que « l'inadaptation de la législation comme l'exigence de sécurité juridique conduisent le Conseil d'État à réitérer le souhait que le Parlement vienne clarifier et, le cas échéant, modifier le droit applicable aux recettes perçues et dépenses exposées à l'occasion d'élection primaires ».Ce souhait est partagé par la CNCCFP qui est, comme l'a rappelé son président lors de son audition, obligée de dégager des solutions empiriques dans le silence de la loi.

Dans cet esprit, la rédaction initiale du présent article proposait de réduire à six mois la durée actuelle d'un an. Malgré l'avis défavorable de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé cet article. Cependant, par l'introduction d'un article 1 er A à la proposition de loi, elle a étendu cette même réduction à l'ensemble des élections où s'applique l'obligation de dépôt d'un compte de campagne, en modifiant l'article L. 52-4 du code électoral. En raison du renvoi opéré à cet article par l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, cette modification aurait également été applicable à l'élection du Président de la République.

En séance publique, l'Assemblée nationale a rétabli la durée d'un an pour l'élection du Président de la République, par dérogation à la durée de six mois pour les autres élections qui serait prévue désormais à l'article L. 52-4 du code électoral, maintenue par les députés. Le ministre de l'intérieur approuvait cette mesure « pour des raisons de rigueur, de transparence et pour d'autres qui tiennent au fait que c'est la durée qui permet d'assurer le contrôle le plus efficace des dépenses des candidats ».

Adoptant un amendement COM-30 de son rapporteur, votre commission a préféré rétablir, comme la CNCCFP le suggère, de réduire à six mois la durée pendant laquelle le compte de campagne d'un candidat à l'élection du Président de la République comptabilise les recettes perçues et les dépenses engagées.

Cependant, à la différence du texte initial, cet amendement propose d'appliquer cette nouvelle règle, à compter de l'élection présidentielle suivant celle prévue en 2017, soit celle qui devrait avoir lieu en 2022. En effet, la modification de cette règle, à l'approche du délai d'un an avant l'élection présidentielle de mai 2017, est de nature à jeter la suspicion sur les motivations de ce changement : la majorité nationale serait accusée de vouloir faciliter les conditions de campagne du président sortant tandis que l'opposition nationale, engagée dans un processus d'élections primaires, serait soupçonnée de vouloir s'exonérer de la prise en charge de certaines de ces dépenses au compte de campagne du candidat qui sera désigné par cette voie.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 6 ter (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel) - Publicité des concours financiers des partis politiques soutenant un candidat à l'élection présidentielle

Introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Élisabeth Pochon, suivant l'avis favorable de son rapporteur, l'article 6 ter renforce la publicité des dépenses électorales engagées par les partis politiques au soutien d'un candidat à l'élection du Président de la République.

En application de l'article L. 52-8 du code électoral, les partis politiques sont les seules personnes morales à pouvoir financer la campagne électorale d'un candidat à une élection. Ces dépenses doivent alors être intégrées au compte de campagne du candidat, en application de l'article L. 52-12 du même code.

Afin de mieux apprécier la réalité des concours financiers, particulièrement les concours en nature (locaux, équipements, personnels), le présent article impose le dépôt d'une annexe au compte de campagne précisant, pour chaque parti ou groupement politique ayant soutenu ce candidat, les dépenses, avantages directs ou indirects, prestations de services et dons en nature financés par ce parti pour le compte du candidat. Cette annexe serait intégralement publiée au Journal officiel, avec le compte, dans le mois suivant l'expiration du délai limite de dépôt du compte.

En séance publique, l'Assemblée nationale a approuvé cette innovation, se bornant à adopter un amendement de coordination.

Si un des objectifs affichés de cette disposition est de faciliter le contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), son président, M. François Logerot, a relevé que cette nouvelle règle atteignait partiellement son objectif. En effet, la CNCCFP n'aurait aucun moyen de vérifier l'exactitude des informations contenues au sein de cette annexe puisqu'elle n'est destinataire des comptes des partis politiques certifiés par deux commissaires aux comptes qu'au cours du premier semestre suivant l'année d'exercice. À cet égard, il s'est interrogé sur le sens à donner à l'expression de « présentation détaillée », notant que si l'annexe reprenait la présentation du compte pour les seules dépenses du ou des partis politiques de soutien du candidat, elle n'apporterait guère plus d'informations que le compte de campagne lui-même.

Aussi, votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-31 de son rapporteur, afin de permettre à la CNCCFP d'obtenir communication auprès de ces partis ou groupements politiques des pièces comptables et justificatifs nécessaires de manière à s'assurer de la réalité des dons et prestations indiqués dans l'annexe. En effet, la CNCCFP ne dispose actuellement des comptes certifiés des partis et groupements politiques, sous une forme consolidée, que l'année suivant l'élection 14 ( * ) , lui interdisant toute comparaison avec le contenu de l'annexe au compte de campagne.

Votre commission a adopté l'article 6 ter ainsi modifié .


* 14 L'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit que les comptes des partis et groupements politiques sont « certifiés par deux commissaires aux comptes et déposés dans le premier semestre de l'année suivant celle de l'exercice à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques » .

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