PREMIÈRE PARTIE : LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

La mission « Engagements financiers de l'État » comporte sept programmes dont l'ampleur et les finalités sont très diverses.

La quasi-totalité des crédits de la mission est portée par le programme 117 « Charge de la dette et de la trésorerie de l'État » , doté de 41,8 milliards d'euros (en AE=CP) en 2017 soit près de 99 % du montant total des crédits. Ce programme assure le paiement de la plupart des dépenses liées au financement de l'État, à la fois en trésorerie (financement de court terme) et sur les moyen et long termes. Conformément à l'article 10 de la loi organique relative aux lois de finances 1 ( * ) , les crédits du programme sont évaluatifs , ce qui signifie que les dépenses s'imputent si besoin au-delà des crédits ouverts sans que le Gouvernement n'ait d'autre obligation que celle d'informer les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d'exécution jusqu'à la fin de l'année.

Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » est lui aussi doté de crédits évaluatifs. Il retrace les dépenses liées à la mise en jeu des garanties de l'État . Pour 2017, des dépenses sont prévues à hauteur de 27,04 millions d'euros (en AE=CP), soit 0,06 % des crédits de la mission .

Le programme 145 « Épargne » , avec 217 millions d'euros (en AE=CP) prévus pour 2017, représente 0,51 % des crédits de la mission . Il porte principalement les dépenses liées aux instruments de financement du logement ayant un impact budgétaire.

Le programme 168 « Majoration de rentes » vise à poursuivre le service des majorations légales acquises jusqu'à extinction des droits à versement. Il est doté de 145,6 millions d'euros (en AE=CP) en 2017, soit 0,34 % du total des crédits de la mission .

Enfin, le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » finance le fonds de soutien 2 ( * ) en faveur des collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts sensibles. Avec 183,26 millions d'euros prévus pour 2017, il représente 0,43 % des crédits de la mission .

Deux autres programmes de la mission ne sont pas dotés de crédits pour l'année 2017 : le programme 336 « Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité » et le programme 338 « Augmentation de capital de la banque européenne d'investissement ».

Évolution des crédits de paiement de la mission
« Engagements financiers de l'État » entre la LFI 2016 et le PLF 2017

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

I. LE PROGRAMME 117 « CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L'ÉTAT »

Le programme 117 regroupe les crédits que consacre l'État au paiement des intérêts des emprunts qu'il a souscrits pour financer ses déficits successifs .

L'ensemble de ces crédits sont situés en dehors du périmètre de la norme étroite d'évolution des dépenses (norme « zéro valeur » 3 ( * ) ) mais sont en revanche inclus dans le périmètre de la norme « zéro volume » 4 ( * ) .

Ces crédits devraient atteindre, en 2017, 41,8 milliards d'euros , soit une diminution de 6,06 % par rapport à la prévision retenue en loi de finances initiale pour 2016 (44,5 milliards d'euros) et une très légère hausse de 0,5 % par rapport à la prévision révisée pour 2016 (41,6 milliards d'euros).

Le programme comporte deux actions : l'action n° 1 « Dette » et l'action n° 3 « Trésorerie ».

Les crédits de l'action 01 « Dette » correspondent à la charge d'intérêt des emprunts de moyen et long termes de l'État et devraient s'élever à 40,8 milliards d'euros , soit une diminution de 6,7 % par rapport à la loi de finances pour 2016. Cependant, au regard de l'estimation révisée 2016 qui s'élève à 40,5 milliards d'euros, la charge de la dette augmenterait très légèrement (+ 0,65 %).

Les crédits de l'action 03 « Trésorerie » représentent le coût du financement infra-annuel de l'État, qui devrait atteindre 948 millions d'euros en 2017 , soit une hausse de 3 % par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2016 mais une diminution de 7,1 % par rapport à l'estimation révisée 2016 associée au projet de loi de finances pour 2017.

En vertu de l'article 22 de la LOLF, « les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont retracées dans un compte de commerce déterminé ». Le programme 117 du budget général effectue ainsi des versements au profit du compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État » . C'est ce même compte qui retrace les recettes issues du programme de financement de l'État (par exemple primes et décotes à l'émission). Les dépenses du compte de commerce sont légèrement plus élevées que les crédits versés par le programme 117 car le compte de commerce porte des opérations qui ne relèvent pas du programme 117 (comme les contrats d'échange de taux, les interventions de la Caisse de la dette publique...).

A. UN PROGRAMME QUI PORTE UN DIXIÈME DU TOTAL DES DÉPENSES DE L'ÉTAT, DONT LA PERFORMANCE EST DIFFICILE À ÉVALUER

1. Un programme qui représente 10 % des dépenses de l'État

Le programme 117 est doté de 41,8 milliards d'euros en 2017, soit 10,75 % des dépenses de l'État 5 ( * ) . Comme votre rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de le souligner, la charge de la dette est par définition une dépense « stérile » .

Elle constitue cette année encore le deuxième poste budgétaire de l'État en crédits de paiement après la mission « Enseignement scolaire », dotée de 70 milliards d'euros, mais devant la mission « Défense » (40,6 milliards d'euros) ou bien encore la mission « Recherche et enseignement supérieur » (27 milliards d'euros), qui constituent pourtant des priorités pour garantir, respectivement, notre sécurité et l'amélioration du taux de croissance potentielle de notre pays.

2. Une performance difficile à évaluer
a) Une gestion effectuée par l'Agence France Trésor

La gestion de la dette est effectuée par l'Agence France Trésor, service à compétence nationale . Les effectifs de l'AFT sont à peu près stables depuis le début des années 2010 et comprennent entre trente-cinq et quarante agents, dont environ un tiers de contractuels. La masse salariale de l'AFT devrait s'élever en 2016 à 3,1 millions d'euros (y compris les charges patronales).

Évolution des effectifs de l'Agence France Trésor de 2011 à 2016

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de l'AFT au questionnaire du rapporteur spécial

Il faut noter que les dépenses de fonctionnement de l'Agence France Trésor ne sont pas financées par la mission « Engagements financiers de l'État » mais par les missions « Économie » (programme « Stratégie économique et fiscale ») et « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (programme « Conduite et pilotage des politiques économique et financière »).

b) Des indicateurs de performance dont l'interprétation est malaisée

La gestion de la dette et de la trésorerie de l'État a pour objectif de garantir le financement de l'État tout en limitant la charge de gestion . Si le fait d'être parvenu à assurer un financement constant de l'État et à éviter une rupture de paiement peut être constaté sans grandes difficultés, en revanche, l'appréciation de la maîtrise du coût du financement - hors erreurs manifestes - est plus complexe .

En effet, la charge de la dette dépend de nombreux facteurs (niveau des taux, demande des investisseurs pour certaines catégories de titre, besoin de financement de l'État...) et la stratégie de financement de l'État suppose de formuler des hypothèses sur les différentes variables et leur évolution dans le temps. La réalisation des prévisions du gestionnaire de la dette n'est, par définition, pas certaine. Par exemple, le rallongement de la maturité de la dette augmente le coût du financement ceteris paribus mais il peut également permettre de le diminuer si les taux sont très faibles et que leur remontée est anticipée dans un futur proche.

En outre, la charge de la dette de l'État dépend également de facteurs exogènes à la gestion mise en oeuvre par l'Agence France Trésor : ainsi, la politique monétaire des grandes banques centrales, notamment en Europe et aux États-Unis, contribue à former les taux d'intérêt sans qu'elle ne soit directement liée à la qualité de la gestion budgétaire et financière de la France.

Il est donc difficile de construire des indicateurs de performance pertinents en raison de la nature même de la politique publique mise en oeuvre.

Malgré ces difficultés de principe, la mesure de la performance de la mission pourrait être améliorée et rendue plus cohérente par la modification de certains indicateurs.

c) Sept indicateurs de performance, dont deux pourraient être améliorés

Le programme compte sept indicateurs de performance répartis en quatre objectifs : couvrir le programme d'émission dans les meilleures conditions d'efficience et de sécurité, optimiser la gestion de la trésorerie en fonction des conditions de marché, améliorer l'information préalable par les correspondants du Trésor de leurs opérations financières affectant le compte du Trésor et enfin obtenir un niveau de contrôle des risques de qualité constante et qui minimise la survenance d'accidents.

Votre rapporteur spécial tient tout d'abord à noter le fort niveau d'exigence de la plupart des cibles fixées , concernant en particulier l'indicateur 4.1 « Qualité du système de contrôle ». Ainsi, l'Agence France Trésor a obtenu en 2016 et vise à maintenir la note 6 ( * ) la plus haute en matière de contrôle interne . Aucun incident ni aucune infraction au cadre général d'activité n'a été constatée depuis 2014.

Cependant, certains des indicateurs de performance de la mission paraissent peu mobilisateurs et ne dépendent pas réellement de la gestion du responsable de programme. C'est en particulier le cas de l'indicateur 3.1 « Taux d'annonce des correspondants du Trésor » : ces annonces doivent être effectuées par les comptables publics des correspondants du Trésor dans le cas où un mouvement de fonds supérieur à un million d'euros est prévu le lendemain. Si la prévisibilité des opérations financières importantes est en effet un élément essentiel à l'optimisation de la trésorerie de l'État, votre rapporteur spécial ne comprend pas en quoi l'Agence France peut être tenue responsable de l'évolution de ce taux .

De façon similaire, le projet annuel de performances précise que l'Agence France Trésor n'a pas de prise directe sur l'atteinte de la cible de l'indicateur 4.2 « Incidents d'exécution des opérations de dette et de trésorerie » .

Dans ce cas, les informations présentées à ce titre, bien qu'utiles à l'information du Parlement, ne peuvent pas être à proprement parler intégrées au dispositif de performance de la mission .

Il convient donc de supprimer les indicateurs de performance sur lesquels le responsable de programme n'a pas d'influence directe et déterminante .

Enfin, l'indicateur 2.1 « Solde du compte de l'État à la Banque de France en fin de journée » , qui est constitué du pourcentage de journées où la cible fixée au départ pour le solde a été atteinte, est calculé à partir d'un échantillon de données trop faibles . En effet, sont retenues dans le calcul les journées où l'AFT vise un solde compris entre 560 et 580 millions d'euros. Sont exclus du calcul les jours dits de « faible demande » , c'est-à-dire ceux où les taux offerts par le marché sont inférieurs à la rémunération offerte sur le solde du compte à la Banque de France au-delà du seuil de 570 millions d'euros. Le projet annuel de performances indique que le résultat de l'année 2015 est obtenu à partir de 28 journées dotées d'une cible. Ce faible nombre rend difficile l'interprétation de l'évolution de la cible et de la réalisation . Ainsi, la cible a été abaissée de 5 points entre 2014 et 2017, ce qui peut paraître significatif. En réalité, en faisant l'hypothèse d'une trentaine de jours inclus dans le calcul, la dégradation ne correspond qu'à 1,5 jour de moins.

Il serait donc pertinent soit de modifier le calcul de cet indicateur, soit de le supprimer .

Bien entendu, l'éventuelle suppression de ces indicateurs ne devrait pas conduire à ce que l'information cesse d'être présentée au Parlement : les chiffres produits contribuent à la compréhension du contexte dans lequel l'Agence France Trésor mène ses missions. C'est leur intégration au sein d'un dispositif de performance, censé orienter l'action du responsable de programme, qui paraît moins pertinente.


* 1 Article 10 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances : « Les crédits relatifs aux charges de la dette de l'État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'État ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs ».

* 2 Créé par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013.

* 3 La norme « zéro valeur » prévoit que les dépenses du budget général de l'État et les prélèvements sur recettes, hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État, doivent être stabilisés en valeur à périmètre constant.

* 4 La norme « zéro volume » prévoit que la progression annuelle des crédits du budget général de l'État et des prélèvements sur recettes, y compris charge de la dette et dépenses de pension, doit être, à périmètre constant, au plus égale à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation.

* 5 Le total des dépenses de l'État s'élevant en 2017 à 388,3 milliards d'euros selon l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2017.

* 6 Cette note est attribuée à l'issue d'un audit externe.

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