B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 169 PORTENT LA MARQUE DE MULTIPLES REVALORISATIONS QUI AMORTISSENT LA RÉDUCTION SPONTANÉE DES CRÉDITS

Les crédits du programme 169, qui regroupe la plus grande part des dispositifs de réparation et de reconnaissance en faveur du monde combattant et des ayants droit, baissent de 2,7 % dans le projet de loi de finances pour 2017, soit une baisse moins marquée qu'en 2016 et 2015 où elle avait atteint 4,8 % mais, également, beaucoup moins nette que celle des différentes populations bénéficiaires. Cet écart s'élargit cette année du fait de mesures qui, pour certaines d'entre elles, sont appelées à peser encore plus sur la programmation 2018.

Répartition des crédits entre les actions du programme 169

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base du projet annuel de performances pour 2016

• L'évolution des crédits dont s'agit qui, au cours des derniers exercices, s'était inscrite en cohérence étroite avec la diminution des effectifs de prestataires, continuerait à dégager des économies. En niveau, celles-ci s'élèveraient à 67 millions d'euros .

Cependant, ces économies ne sont pas à due proportion de la réduction de la population bénéficiaire, signe d'un recyclage du « dividende démographique » pour financer une amélioration de certaines prestations servies à partir du programme.

Le différentiel entre la réduction du nombre des prestataires et celle des crédits peut être attribué à différentes mesures directes ou indirectes.

Par rapport à 2016, l'étrécissement des populations bénéficiaires atteindrait 4,9 % pour les pensions militaires d'invalidité (PMI) et 4,8 % pour la retraite du combattant 29 ( * ) . Quant aux bénéficiaires des soins médicaux gratuits, l'hypothèse de programmation repose sur une baisse de 5,1 % de leur contingent. D'autres réductions affecteraient d'autres catégories d'allocataires : 1,5 % pour les bénéficiaires des remboursements et réductions de transport ; 12,7 % pour les effectifs concernés par le remboursement des prestations de sécurité sociale et 2,1 % pour les bénéficiaires des majorations des rentes mutualistes.

Ces tendances démographiques seraient, partiellement, contrebalancées, dans leurs effets sur les dépenses, par une série de mesures nouvelles, directes ou indirectes, d'une ampleur inhabituelle, venant revaloriser, mais inégalement, les prestations servies à partir du programme 169.

Principes d'indexation des prestations versées au monde combattant
à partir du programme 169

Les prestations assurées au titre de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraite du combattant), la majoration des rentes mutualistes et de l'allocation de reconnaissance font l'objet d'un mécanisme de revalorisation.

Les autres prestations subventionnées par le programme 169 sont attribuées au cas par cas à partir de l'étude particulière des besoins (soins médicaux, dépenses d'appareillages, remboursement de prestations de sécurité sociale, frais de transport, aides sociales, prestations aux rapatriés...).

Action 01 - « Administration de la dette viagère » :

Pensions militaires d'invalidité :

Le montant des pensions d'invalidité est calculé, selon le taux d'invalidité, en nombre de points d'indice de pension militaire d'invalidité (point PMI). La valeur du point PMI évolue selon les variations de l'« indice de traitement brut - grille indiciaire », publié conjointement et trimestriellement par l'INSEE et la DGAFP.

Retraite du combattant :

La retraite du combattant est calculée également en nombre de points PMI. Le nombre de points d'indice est fixé à 48 depuis le 1 er juillet 2012 (article 116 de la loi de finances pour 2012).

Action 03 - Solidarité :

Majoration des rentes mutualistes :

Le plafond donnant lieu à majoration est déterminé aussi depuis 1998 par référence à l'indice du point PMI.

Le plafond annuel majorable a été fixé à 125 points PMI à compter du 1 er janvier 2007 (article 101 de la loi de finances pour 2007).

Action 07 - « Actions en faveur des rapatriés » :

Allocation de reconnaissance :

L'allocation de reconnaissance versée aux rapatriés est indexée sur l'évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac). Ainsi, tous les ans, un arrêté au 1 er octobre fixe le nouveau montant de l'allocation de reconnaissance. Cependant, en raison de la variation négligeable du taux d'inflation pour les années 2015 et 2016, la revalorisation n'a pas été opérée.

• Le projet de loi de finances comporte trois mesures d'amélioration de certaines prestations (voir ci-dessus ainsi que les commentaires du présent rapport sur les articles rattachés) dont le montant pour 2017 serait de 0,80 million d'euros.

Par ailleurs, une revalorisation de la retraite du combattant a été décidée qui alourdirait les charges du programme de 27,4 millions d'euros en 2017. Il s'agit de l'attribution de 2 points supplémentaires au 1 er janvier 2017 suivie de celle de deux nouveaux points au 1 er septembre. Le coût de cette mesure en année pleine serait de l'ordre de 44 millions d'euros.

Enfin, il faut tenir compte des incidences du « rapport constant » sur les crédits.

La valeur du point de pension militaire d'invalidité , qui sert de référence à de nombreuses prestations servies à partir des crédits du programme, est révisée en fonction de l'indice de traitement brut-grille indiciaire publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique. Or, sous l'effet de mesures catégorielles, mais surtout des différentes mesures ayant pour incidence de modifier la valeur du traitement indiciaire des agents de la fonction publique (revalorisation du point de 0,6 % en juillet 2016 puis en février 2017 et modification structurelle des rémunérations dans le cadre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations dans la fonction publique- PPCR), la valeur moyenne de l'index PMI augmenterait sensiblement. La valeur du point PMI s'en trouverait portée à 14,36 euros contre 14,04 euros en 2016 , soit une hausse de 2,3 %, nettement supérieure à celle de l'inflation prévue pour calibrer le projet de loi de finances.

Cette hausse rompt avec l'inertie de la valeur du point PMI observée ces dernières années et induit une revalorisation des prestations financées par le programme.

Elle entraîne des effets particulièrement importants sur les crédits nécessaires au paiement de la retraite du combattant dans la mesure où elle se combine avec les attributions de points dont celle-ci bénéficiera.

Selon les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, la retraite du combattant qui s'élève actuellement à 673,92 euros (48 points x 14,04 euros), chiffre inférieur à celui indiqué dans le PAP, passera à 746,7 euros, soit une progression de 7,1 % de date à date. L'effet sur les crédits est inférieur dans la mesure où les mesures ne joueront pas en année pleine en 2017.

La valeur de la pension militaire d'invalidité augmentera elle aussi mais moins vite dans la mesure où le nombre de points sur la base duquel elle est calculé serait inchangé. Sa valeur théorique progressera comme celle du point PMI mais sa charge unitaire effective s'accroîtrait plus lentement du fait d'un « effet noria », de remplacement des plus anciens par des générations plus jeunes. La valeur des PMI est en effet sensible à un effet d'âge, comme le montre le tableau ci-dessous.

Répartition des effectifs et coût moyen par bénéficiaire de PMI

Ayants droit par tranche d'âge

2012

2013

2014

Effectifs

Coût moyen (€)

Effectifs

Coût moyen (€)

Effectifs

Coût moyen (€)

Moins de 49 ans

23 384

2 246

21 792

2 261

19 826

2 287

Entre 50 et 69 ans

52 826

2 568

51 476

2 523

50 355

2 486

Entre 70 et 79 ans

60 762

3 858

56 857

3 773

51 496

3 671

Entre 80 et 100 ans et plus

52 232

7 715

51 273

7 302

51 836

6 825

Source : réponse du ministère de la défense au questionnaire budgétaire

Le montant du plafond « majorable » (pour les rentes mutualistes) s'élève à 1 755 euros au 1 er janvier 2016 (125 points x 14,04 euros) ; il devrait passer à 1 795 euros en moyenne en 2017.

Ces évolutions limitent les économies mécaniquement liées à la baisse des effectifs des prestataires en revalorisant les prestations unitaires.

• Néanmoins, elles sont loin de compenser les pertes de pouvoir d'achat résultant du mécanisme d'indexation en vigueur observées ces dernières années.

Votre rapporteur spécial a demandé qu'un calcul en variante soit réalisé afin de mesurer les effets d'une indexation des principales prestations sur les prix plutôt que sur le point d'indice-grille indiciaire.

Les résultats sont récapitulés dans le tableau ci-dessous.

Une indexation sur les prix du point PMI aurait porté celui-ci à 14,64 euros en 2015 contre 14,04 euros observés. Le décrochage par rapport à l'inflation atteint 4 % en cinq ans, qui plus est, dans un contexte de faible inflation.

Les économies budgétaires procurées par le mode d'indexation pratiqué et qui correspondent à un sacrifice de pouvoir d'achat des pensionnés, s'élèvent à 117,9 millions d'euros de date à date. Le projet de loi de finances marque un changement de cap et propose de dépenser une partie de ces économies.

De même, votre rapporteur spécial ne peut qu'observer que, cette année encore, les titulaires des pensions militaires d'invalidité (PMI), dont les financements diminuent de 3,6 % 30 ( * ) , se trouvent moins bien traités que la moyenne des titulaires de pensions. Certes, la diminution des crédits pour PMI est moins marquée que celle du nombre de bénéficiaires (- 4,9 %) en raison de la revalorisation évoquée ci-dessus, mais cette discordance vient aussi d'un effet de composition. Celui-ci tient dans le fait que les pensionnés les plus âgés, qui, hélas, disparaissent en plus grand nombre, sont également les plus grands invalides et par conséquent, ceux qui perçoivent les pensions les plus élevées.

• De leur côté, les crédits consacrés à la solidarité et à la gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité sont en baisse, les premiers, de 2,2 % et les seconds, de 5,4 % .

En ce qui concerne les crédits destinés à la gestion des droits , qui comprennent les dépenses liées aux soins médicaux gratuits , à l'appareillage, aux réductions de frais de transport et, pour près de 60 %, aux remboursements des prestations sociales aux invalides, la baisse des dotations s'explique par des prévisions démographiques, mais aussi par une régularisation portant sur des dépenses réalisées pour honorer la dernière catégorie d'interventions mentionnée.

En effet, le remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides (85,2 millions d'euros) verrait ses besoins diminuer de 8,3 millions d'euros (qui rendent compte de la quasi-totalité des économies prévues sur les dépenses de « gestion des droits ») en raison d'un trop versé à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés de 4,7 millions d'euros en 2016, qui serait régularisé en 2017.

Ce poste de dépenses correspond au financement de la section « Invalides de guerre » du régime général de l'assurance maladie qui est ouverte en faveur des pensionnés qui n'ont pas la qualité d'assuré social afin de couvrir les affections pour lesquelles ils ne bénéficient pas d'une prise en charge par les soins médicaux gratuits. Le nombre des bénéficiaires s'élève à 7 240 pour un coût moyen de l'ordre de 12 420 euros.

Ces données doivent être complétées par celles relatives aux coûts associés au bénéfice des soins gratuits et des appareillages des mutilés, qui sont évalués à 40,4 millions d'euros pour 2017.

Au total, en dehors de certaines situations particulières, les dépenses résultant des prises en charge des soins s'élèvent à environ 125 millions d'euros .

On relève que la dépense moyenne correspondant strictement à la gratuité des soins est largement inférieure à celle liée à la prise en charge des frais d'assurance maladie . Elle n'est que de 654 euros contre plus de 12 000 euros pour cette dernière. Cette différence appelle des justifications ainsi que la sensibilité du coût moyen de la prise en charge de l'assurance maladie au nombre des bénéficiaires. De même, il conviendrait de mieux appréhender les raisons pour lesquelles, seul un tiers des pensionnés, appelés à être bénéficiaires des soins gratuits, en bénéficient effectivement. Leur état de santé peut le justifier mais d'autres motifs peuvent être imaginés. En toute hypothèse, les coûts liés à ce régime sont susceptibles de varier sous l'effet d'évolutions du taux de recours qui sont peu maîtrisables.

Quant aux crédits de solidarité , ils représentent 349 millions d'euros, dont 253,5 millions d'euros (72,5 % du total) au titre de la majoration des rentes mutualistes. Cette dernière dépense a été comparativement dynamique ces dernières années dans un contexte de réduction générale des autres prestations, alors même que le nombre des bénéficiaires se réduisaient. La revalorisation des majorations serait compensée cette année par la baisse de l'effectif des bénéficiaires qui passeraient de 362 770 à 355 125 (- 2,1 %).

Les crédits consacrés à l'action en faveur des rapatriés présentent eux une légère diminution de 1,1 % , ces populations bénéficiant de la majoration de leurs allocations prévue à l'article 54 du présent projet de loi de finances (+ 0,57 million d'euros).

Une augmentation de 1 million d'euros des crédits en faveur de l'action sociale de l'ONAC-VG 31 ( * ) est destinée à financer une augmentation de l'aide versée aux plus démunis de ses ressortissants. On rappelle que l'allocation prévue au profit des conjoints survivants afin de leur assurer un revenu égal au seuil de pauvreté 32 ( * ) , l'aide différentielle accordée aux conjoints survivants, a été supprimée le 1 er janvier 2015 en raison de son défaut de base légale 33 ( * ) . Pour mémoire, son exécution en 2014 avait eu un coût de 4,7 millions d'euros.

Le conseil d'administration de l'ONAC-VG a décidé de refondre son action sociale pour la recentrer sur les plus démunis , les plus isolés et les plus fragiles, de manière individualisée et subsidiaire.

Cette évolution, qui conduit à couvrir un champ de bénéficiaires potentiels plus vaste que celui auparavant retenu implicitement par les orientations de l'établissement, doit être saluée .

Votre rapporteur spécial s'interroge cependant sur la situation des nombreuses victimes d'attentats auxquelles la qualité d'invalide peut être reconnue ou non et qui risquent de n'être pas couvertes par l'ONAC quand bien même leur situation serait durablement précarisée. Un groupe de travail ayant pour objet l'évaluation de la politique publique conduite pour prendre en charge les victimes est en cours. Il est souhaitable que la contribution de l'ONAC-VG puisse y être pleinement envisagée.


* 28 Ils ont accompli leur JDC ou ont été exemptés.

* 29 Source : réponse du ministère de la défense au questionnaire budgétaire.

* 30 Les crédits de la retraite du combattant connaissent une baisse moindre de 1,1 %.

* 31 Pour atteindre 26,4 millions d'euros (CP=AE).

* 32 Ce seuil est fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie, soit 993 euros selon les données 2012 de l'observatoire des inégalités.

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