II. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE « SUR LE FIL DU RASOIR » EUROPÉEN

A. UN RECUL DU DÉFICIT PUBLIC DE FAIBLE AMPLEUR PORTÉ PAR L'AMÉLIORATION DE LA CONJONCTURE

1. Une amélioration du déficit public de 0,3 point de PIB ramenée à 0,1 point de PIB après prise en compte du coût du contentieux lié à l'annulation de la contribution de 3 % sur les dividendes

À l'issue de l'exercice 2018, le Gouvernement anticipe dans le cadre du présent projet de loi de finances une réduction de 0,3 point de PIB du niveau du déficit public , qui s'établirait à 60,4 milliards d'euros, soit 2,6 % du PIB, contre 67,1 milliards d'euros en 2017, soit 2,9 % du PIB.

Il doit néanmoins être souligné que le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire a annoncé devant nos collègues députés que le coût du contentieux lié à l'annulation de la contribution de 3 % sur les dividendes distribués conduira le Gouvernement à réviser à 2,8 % du PIB sa prévision de déficit pour 2018 .

Faute d'actualisation des hypothèses sous-jacentes à la trajectoire budgétaire, il ne peut toutefois être tenu compte de cette évolution dans les développements qui suivent.

L'amélioration du déficit public de l'ensemble des administrations publiques prévue dans le cadre du présent projet de loi de finances masque des dynamiques très différentes selon les sous-secteurs.

Évolution du solde public des administrations publiques depuis 2016 déclinée par sous-secteur

(en milliards d'euros)

2016

2017

2018

Administrations publiques

- 75,9

- 67,1

- 60,4

État

- 74,1

- 73,1

- 75,5

Organismes divers d'administration centrale (ODAC)

- 1,9

- 1,5

- 1,2

Administrations publiques locales (APUL)

3

3,3

3,4

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

- 2,9

4,2

12,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données d'exécution de l'Insee pour l'année 2016 et les prévisions 2017-2018 figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi)

Alors que le solde des administrations publiques locales (APUL) s'établirait en 2018 à un niveau très proche de celui attendu au titre de l'exercice 2017, le solde de l'État se dégraderait de 2,4 milliards d'euros, tandis que le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'améliorerait de 8,7 milliards d'euros.

Autrement dit, la dégradation du déficit de l'État serait plus que compensée par le redressement des comptes sociaux.

Décomposition de l'évolution prévisionnelle du déficit public entre 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les prévisions 2017-2018 figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi)

Cette décomposition ne préjuge toutefois pas de l'effort réalisé par les différents sous-secteurs.

En effet, les administrations de sécurité sociale bénéficieraient en 2018 de recettes particulièrement dynamiques , en lien avec la dynamique de la masse salariale du secteur privé, très supérieure à celle du PIB.

Évolution prévisionnelle du PIB et de la masse salariale entre 2017 et 2022

(en %)

2016

2017

2018

PIB en valeur

1,2

1,7

1,7

Masse salariale du secteur privé

2,5

3,3

3,1

Source : programme de stabilité 2017 et rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2018

Il peut être noté que la prévision d'évolution de la masse salariale du secteur privé retenue par le Gouvernement a été jugée « prudente » par le Haut Conseil des finances publiques 18 ( * ) .

Après avoir crû de 3,2 % en 2017, les recettes des ASSO augmenteraient ainsi de 3,9 % en 2018 19 ( * ) . À l'inverse, les recettes des administrations locales ne progresseraient que de 1,2 % en 2018, tandis que les recettes fiscales nettes de l'État diminueraient de 0,5 %.

Taux d'évolution des recettes des sous-secteurs des administrations publiques

(en %, en valeur)

2016

2017

2018

Recettes fiscales nettes de l'État

1,4

2,1

- 0,5

Recettes fiscales nettes à législation constante

1,8

3,7

3,5

Recettes des ASSO

1,2

3,2

3,9

Recettes des APUL

0,4

1,9

1,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi)

À législation constante, la croissance des recettes fiscales nettes de l'État se serait toutefois établie à 3,5 % en 2018. Autrement dit, l'État portera l'an prochain l'effort important de baisse des prélèvements obligatoires programmé en 2018, ce qui pèsera sur l'évolution de son déficit.

2. Un déficit qui resterait significativement supérieur à celui de nos principaux voisins et ne permettrait pas de réduire la dette

En dépit de l'amélioration du déficit public prévue l'an prochain, ce dernier s'établirait à l'issue de l'exercice 2018 à un niveau significativement supérieur à celui des principaux pays de la zone euro .

Prévision du niveau du solde public en 2018 dans les principaux pays de la zone euro

(en % du PIB)

Belgique

Allemagne

Italie

- 0,9

France

Espagne

Portugal

Pays-Bas

Autriche

Note de lecture : pour la France, il s'agit de l'évolution prévisionnelle du solde public avant prise en compte du coût du contentieux lié à l'annulation de la taxe à 3 %.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les programmes de stabilité 2017 des différents pays)

Pour la première fois depuis la crise, le déficit de l'Espagne s'établirait à un niveau inférieur à celui de la France , alors que les deux pays sont aujourd'hui les derniers États membres de la zone euro à relever du volet correctif du pacte de stabilité.

La réduction du déficit prévue au titre de l'année 2018 serait à peine suffisante pour stabiliser le ratio d'endettement , qui s'établirait comme en 2017 à 96,8 % du PIB.

Prévision d'évolution du ratio d'endettement des administrations publiques

(en points de PIB)

2016

2017

2018

Ratio d'endettement

96,3

96,8

96,8

Croissance nominale (en %)

1,6

2,5

2,9

Solde stabilisant la dette

- 1,5

- 2,3

- 2,7

Solde effectif

- 3,4

- 2,9

- 2,6

Écart au solde stabilisant

1,9

0,6

- 0,1

Ajustement stock-flux

- 1,2

- 0,1

0,1

Variation du ratio d'endettement

0,7

0,5

0,0

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi)

La France serait ainsi le seul grand pays de la zone euro dont le ratio d'endettement ne diminuerait pas en 2018.

Variation anticipée du ratio d'endettement des principaux pays de la zone euro entre 2017 et 2018

(en points de PIB)

Espagne

Portugal

Autriche

- 2,0

France

Italie

Belgique

Allemagne

Pays-Bas

Note de lecture : pour la France, il s'agit de l'évolution prévisionnelle du ratio d'endettement avant prise en compte du coût du contentieux lié à l'annulation de la taxe à 3 %.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les programmes de stabilité 2017 des différents pays)

3. Une amélioration du déficit facilitée par la conjoncture

Si la réduction du déficit public prévue l'an prochain apparaît modeste, encore est-il nécessaire de préciser qu'elle résulte pour partie de l'amélioration de la conjoncture.

En 2018, le solde conjoncturel s'améliorerait de 0,2 point de PIB, tandis que le déficit structurel, corrigé des effets de la conjoncture et des mesures ponctuelles et temporaires, ne se réduirait que de 0,1 point de PIB.

Décomposition du solde public 2016-2018

(en points de PIB)

2016

2017

2018

Solde public*

- 3,4

- 2,9

- 2,6

Solde conjoncturel

- 0,8

- 0,6

- 0,4

Mesures ponctuelles et temporaires

- 0,1

- 0,1

- 0,1

Solde structurel

- 2,5

- 2,2

- 2,1

* avant prise en compte du coût du contentieux lié à l'annulation de la taxe à 3 %.

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi)

Là encore, la réduction du déficit structurel anticipée par le Gouvernement apparaît significativement inférieure à celle prévue par les principaux pays de la zone euro qui demeurent éloignés de leur objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, à l'exception de l'Espagne.

Variation anticipée du déficit structurel entre 2017 et 2018 au sein des principaux pays de la zone euro déficitaires

(en points de PIB potentiel)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les programmes de stabilité 2017 des différents pays)

En outre, elle apparaît difficilement compatible avec nos engagements européens.


* 18 Haut conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2018, p. 6.

* 19 Cette accélération tient néanmoins pour partie au transfert de l'allocation de solidarité spécifique, qui pèse en contrepartie à hauteur de 0,4 point sur la croissance de la dépense des ASSO.

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