II. LE RENFORCEMENT DES LIENS ENTRE BUDGET EUROPÉEN ET GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE

L'articulation entre le budget européen et la politique économique de l'Union - et plus particulièrement de la zone euro - compte aujourd'hui parmi les débats de fond du prochain cadre financier. Deux pistes sont mises en avant pour renforcer les liens entre le budget et la gouvernance économique : d'une part, le renforcement ou l'introduction de nouvelles conditionnalités de versement des fonds européens et, d'autre part, la création d'une capacité budgétaire de la zone euro, au sein ou en-dehors du budget de l'Union.

1. Les conditionnalités d'accès aux fonds de la politique de cohésion

La programmation 2014-2020 établit d'ores et déjà des liens entre la politique de cohésion et la gouvernance économique européenne. En principe, pour recevoir les fonds de la politique de cohésion, les États membres doivent remplir des conditionnalités ex ante comme le respect de la législation européenne en matière d'efficacité énergétique et de marchés publics mais aussi la mise en oeuvre des « recommandations spécifiques par pays » adressées par le Conseil à chaque État membre dans le cadre du semestre européen.

Des conditionnalités macroéconomiques sont également prévues permettant de suspendre en tout ou partie le versement des fonds structurels et d'investissement , par exemple lorsqu'un État membre ne prend pas les mesures appropriées pour corriger son déficit excessif ou ne met pas en oeuvre les mesures auxquelles il s'est engagé dans son programme de stabilité. Les sanctions prévues au titre des conditionnalités macroéconomiques n'ont, à ce jour, jamais trouvé à s'appliquer . La suspension d'une partie des crédits d'engagement des fonds de cohésion a toutefois été examinée par la Commission européenne à l'automne 2016 concernant l'Espagne et le Portugal. Devant l'opposition du Parlement européen, cette option a été écartée.

Dans le cadre de la future politique de cohésion post-2020, la Commission européenne envisagerait de renforcer les liens existants entre la politique de cohésion et la gouvernance économique. Les conditionnalités ex ante pourraient notamment être revues afin d'inciter plus fortement les États membres à mettre en oeuvre les réformes structurelles préconisées dans le cadre du semestre européen 40 ( * ) .

Dans son discours de La Sorbonne du 26 septembre 2017, le Président de la République a quant à lui évoqué un autre type de conditionnalité, de nature fiscale. Afin de lutter contre la concurrence fiscale au sein de l'Union, le respect d'une fourchette de taux d'impôt sur les sociétés pourrait conditionner l'accès aux fonds européens de cohésion . L'idée sur laquelle repose cette proposition est que l'« on ne peut pas avoir des fonds structurels qui financent la baisse des taux d'impôt sur les sociétés » 41 ( * ) . Ce type de conditionnalité visant à limiter le dumping fiscal entre États membres constitue une piste intéressante pour l'avenir.

2. La création d'un embryon de budget de la zone euro

Dans le cadre des débats sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, la question de la création d'une fonction de stabilisation au sein ou en-dehors du budget de l'Union est posée . Du point de vue de la Commission européenne, un tel mécanisme de stabilisation présenterait une utilité en cas de choc macroéconomique affectant tout ou partie des États membres 42 ( * ) . Ce mécanisme pourrait prendre la forme d'un « fonds pour les mauvais jours », d'un fonds de soutien à l'investissement ou d'un système de réassurance pour les régimes nationaux d'assurance chômage.

Si cette position semble se rapprocher de la proposition française de création d'un budget de la zone euro, « le débat porte sur la question de savoir si un tel mécanisme de stabilisation devrait être lié à une nouvelle capacité budgétaire exclusivement circonscrite à la zone euro, ou s'il pourrait être pris en charge par le budget de l'UE , étant donné que la zone euro représente déjà 85 % du PIB de l'Union » 43 ( * ) .

À l'occasion du discours sur l'état de l'Union en 2017, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker s'est exprimé en faveur de la création d'une « ligne budgétaire » consacrée à la zone euro dans le budget de l'Union et a, par conséquent, rejeté l'idée d'un Parlement de la zone euro.

Qu'il s'agisse d'un véritable budget de la zone euro ou d'une ligne budgétaire au sein du budget de l'Union, la création d'un tel instrument nécessitera, en tout état de cause, l'apport de nouvelles ressources et une gouvernance ad hoc .


* 40 Commission européenne, Septième rapport sur la cohésion, octobre 2017.

* 41 Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, pour une Europe souveraine, unie et démocratique du 26 septembre 2017.

* 42 Commission européenne, document de réflexion sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, mai 2017.

* 43 Commission européenne, document de réflexion sur l'avenir des finances de l'UE, juin 2017, p. 22.

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