EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La France peut s'honorer de proposer à nos concitoyens un service public d'accès à l'eau potable de qualité ainsi qu'un dispositif d'assainissement, collectif ou non collectif, performant. Le captage de l'eau dans les rivières, les lacs ou les eaux souterraines, son traitement pour la rendre potable, son acheminement au robinet, sa collecte une fois utilisée et son traitement pour assurer sa restitution dans le milieu naturel constituent le « petit cycle de l'eau ». La responsabilité en incombe aux communes et à leurs groupements : les élus locaux assurent ainsi une gestion quotidienne de proximité avec réactivité, soucieux de l'intérêt général.

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République - la loi NOTRe - a rendu obligatoire le transfert de ces deux compétences aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, au 1 er janvier 2020. Ce transfert suscite toutefois des interrogations sur sa pertinence et des inquiétudes légitimes chez les élus locaux, en particulier dans les territoires ruraux et de montagne, en raison de ses implications techniques et financières.

Pour y répondre, le Sénat a adopté à l'unanimité, le 23 février 2017, une proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes , présentée par le président Bruno Retailleau et plusieurs de nos collègues. Plutôt que d'adopter ce texte, le cas échéant après l'avoir amendé, l'Assemblée nationale a fait le choix de le renvoyer en commission, le 12 octobre 2017, et d'adopter, le 30 janvier 2018, après engagement de la procédure accélérée, une proposition de loi n° 260 (2017-2018) relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes , présentée par notre collègue député Richard Ferrand et plusieurs de ses collègues. Cette seconde proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour du Sénat du 17 avril 2018.

Si le constat de la nécessité d'une intervention du législateur pour assouplir les modalités du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités apparaît donc largement partagé, les solutions proposées par le Sénat et l'Assemblée nationale divergent : quand le premier a souhaité faire confiance à l'intelligence territoriale et laisser aux élus locaux le soin de définir l'échelon territorial le plus pertinent pour l'exercice de ces compétences, la seconde a simplement prévu un délai supplémentaire avant leur transfert aux intercommunalités, sans s'interroger sur la pertinence du niveau intercommunal.

I. LE DROIT EN VIGUEUR : UN EXERCICE DES COMPÉTENCES « EAU » ET « ASSAINISSEMENT » PAR L'ENSEMBLE DES INTERCOMMUNALITÉS À FISCALITÉ PROPRE À COMPTER DU 1ER JANVIER 2020

Le service public d' eau est défini, au I de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales, en ces termes : « Tout service assurant tout ou partie de la production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d'eau destinée à la consommation humaine est un service d'eau potable ». Il est prévu à l'article L. 2224-7-1 que : « Les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable. Dans ce cadre, elles arrêtent un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution. Elles peuvent également assurer la production d'eau potable, ainsi que son transport et son stockage . » En vertu de l'article L. 2224-11, le service public d'eau doit être géré financièrement comme un service à caractère industriel et commercial.

Les missions du service public d' assainissement sont quant à elles définies à l'article L. 2224-8 du même code général des collectivités territoriales, en vertu duquel les communes sont compétentes en matière d'assainissement des eaux usées et doivent, dans ce cadre, établir un schéma d'assainissement collectif, assurer le contrôle des raccordements au réseau public de collecte, la collecte, le transport et l'épuration des eaux usées, ainsi que l'élimination des boues produites et assurer, pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, le contrôle des installations d'assainissement non collectif. En application de l'article L. 2224-11, le service public d'assainissement est lui aussi géré financièrement comme un service à caractère industriel et commercial.

A. L'EXERCICE DES COMPÉTENCES « EAU » ET « ASSAINISSEMENT » AVANT LA LOI NOTRe

1. Des régimes juridiques différents selon les catégories d'EPCI à fiscalité propre

Avant la loi NOTRe, l'« eau » et l'« assainissement » étaient, déjà, des compétences obligatoires et insécables pour les communautés urbaines , en application de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales. Il en était de même pour les métropoles, en application de l'article L. 5217-2 du même code.

Pour les communautés d'agglomération , l'« eau » et l'« assainissement des eaux usées » étaient des compétences optionnelles. L'exercice de la compétence « assainissement » pouvait s'accompagner de la gestion des eaux pluviales, le 2° du II de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales alors en vigueur étant rédigé en ces termes : « 2° Assainissement des eaux usées et, si des mesures doivent être prises pour assurer la maîtrise de l'écoulement des eaux pluviales ou des pollutions apportées au milieu par le rejet des eaux pluviales, la collecte et le stockage de ces eaux ainsi que le traitement de ces pollutions dans les zones délimitées par la communauté (...) ». L'« eau » et l'« assainissement » étaient ainsi des compétences distinctes, pouvant être exercées séparément. Quant à la gestion des eaux pluviales, elle ne pouvait être confiée à l'EPCI à fiscalité propre sans un transfert préalable ou concomitant de l'assainissement.

Pour les communautés de communes , l'« assainissement » était, en application de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, une compétence optionnelle et sécable , puisqu'elle pouvait être transférée en « tout ou partie » par les communes membres : ainsi, les communes pouvaient transférer à leur EPCI à fiscalité propre l'assainissement non collectif tout en conservant la gestion de l'assainissement collectif. Ni l'« eau », ni la « gestion des eaux pluviales » n'étaient mentionnées par cet article. L'« eau » était ainsi une compétence facultative , tandis qu'une incertitude existait quant au régime de la « gestion des eaux pluviales ». Ces deux compétences pouvaient néanmoins être transférées à l'intercommunalité mais sur la libre décision des communes membres, à la majorité des deux tiers d'entre elles représentant la moitié de la population totale ou l'inverse.

2. Une grande diversité de modes de gestion

L'exercice des compétences « eau » et « assainissement » (collectif et non collectif) se caractérisait par la diversité de leur organisation et de leur gestion sur l'ensemble du territoire.

En 2014, étaient ainsi recensés 33 854 services d'eau potable, d'assainissement collectif et d'assainissement non collectif portés par 22 787 collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales 1 ( * ) , selon la répartition détaillée dans le tableau suivant :

Répartition des collectivités et groupements gestionnaires
selon les compétences exercées (en 2014)

Nombre de collectivités
et groupements gestionnaires

Eau potable

Assainissement collectif

Assainissement
non collectif

5 782

x

8 171

x

1 124

x

5 132

x

x

347

x

x

1 017

x

x

1 214

x

x

x

22 787

12 475

15 534

3 702

Source : SISPEA (ONEMA) - DDT(M) - 2014 (mentionné dans le rapport de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement - mai 2017

Il en ressort qu'en 2014, 66 % des collectivités et groupements gestionnaires n'exerçaient qu'une seule des trois compétences (en distinguant l'assainissement collectif et l'assainissement non collectif), 29 % deux compétences, 5 % seulement assumant les trois compétences.

L'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement indique, dans son dernier rapport, qu'en 2014, 51,6 % des communes avaient transféré leurs compétences « eau » et « assainissement » à l'intercommunalité dont elles étaient membres, y compris pour les communautés urbaines et les métropoles pour lesquelles ces compétences sont obligatoirement transférées. Ce taux s'élevait à 49,2 % en 2010 et 50,1 % en 2013.

Le tableau suivant présente le nombre de collectivités et groupements gestionnaires par compétences en 2014.

Les collectivités et groupements gestionnaires des services d'eau potable et d'assainissement (en 2014)

Type de collectivités
ou groupements

Nombre de collectivités et groupements pour la gestion de l'eau potable

Nombre de collectivités et groupements pour la gestion de l'assainissement collectif

Nombre de collectivités et groupements pour la gestion de l'assainissement non collectif

TOTAL

12 475

15 534

3 702

Communes

9 234

13 813

1 972

Groupement de collectivités
(EPCI à fiscalité propre + autres EPCI)

3 241

1 721

1 730

EPCI à fiscalité propre

271

506

1 206

Communautés de communes

164

349

1 066

Communautés d'agglomération

92

140

124

Communautés urbaines

14

15

14

Syndicats d'agglomération nouvelle

1

2

2

Autres EPCI

2 970

1 215

4

SIVOM

371

349

186

SIVU

2 347

722

226

Syndicats mixtes

238

135

108

Autres

14

9

4

Nombre de services gérés par les collectivités

13 339

16 175

3 800

Source : SISPEA (ONEMA) - DDT(M) - 2014 (mentionné dans le rapport de l'observatoire des services publics d'eau et d'assainissement - mai 2017

Certaines compétences étaient plus fréquemment exercées au niveau intercommunal. Par exemple, toujours selon l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement, la gestion de l'assainissement non collectif était le plus souvent assurée par l'intercommunalité, tandis que les communes conservaient l'eau potable et l'assainissement collectif. Cette situation s'explique par le fait « qu'à l'échelle communale, les habitations non raccordables au service d'assainissement collectif (nécessitant donc un dispositif individuel) ne sont pas suffisamment nombreuses pour justifier la mise en place d'un service : l'échelle intercommunale s'impose assez naturellement dans ces conditions. »

S'y ajoutait la sécabilité de chaque compétence et sa répartition entre plusieurs collectivités et groupements gestionnaires : par exemple, la production, le transfert et la distribution de l'eau potable peuvent chacun être exercés par une collectivité ou un groupement différent.

Enfin, la personne publique qui assure la gestion de ces services choisit le mode de gestion qui lui paraît le plus approprié : gestion en régie directe ou semi-directe - la collectivité n'assurant qu'une partie du service, l'autre étant confiée à une entreprise privée - ou délégation de service
public - l'affermage en étant la forme la plus répandue, la régie intéressée ou la concession.

Cette diversité d'organisation et de gestion de ces compétences n'a pas empêché les collectivités ou leurs groupements de se regrouper au sein de syndicats intercommunaux ou syndicats mixtes , selon les cas, intervenant ainsi sur un périmètre territorial plus large et favorisant des interconnexions et des coopérations entre différentes collectivités compétentes.

Ainsi, si la situation observée apparaissait diverse, elle favorisait, selon votre rapporteur, une organisation « en dentelle » permettant une gestion de ces services au plus proche des citoyens.


* 1 Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement, « Panorama des services et de leur performance en 2014 », mai 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.eaufrance.fr/IMG/pdf/spea2014_201705.pdf

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