TITRE II - DEMOCRATISER L'ACTION PUBLIQUE LOCALE ET EN RENFORCER L'EFFICACITÉ

CHAPITRE IER - CONFORTER LA COMMUNE, CELLULE DE BASE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE

Article 8 (supprimé) (art. L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales) - Dispositions transitoires relatives à la représentation
des communes nouvelles au sein des conseils communautaires

L'article 8 de la proposition de loi vise à allonger la période transitoire pendant laquelle une commune nouvelle, membre d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, se voit prémunie contre une baisse brutale du nombre de ses représentants au conseil communautaire. Votre commission a préféré renvoyer ces discussions à l'examen de la proposition de loi visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires présentée par notre collègue Françoise Gatel. Elle a, par conséquent, supprimé l'article 8.

1. La représentation des communes nouvelles au sein du conseil communautaire : des dérogations limitées

1.1. L'existence de dispositions transitoires

Quoique la répartition des sièges au sein du conseil communautaire d'un EPCI à fiscalité propre doive être opérée suivant des bases essentiellement démographiques, la représentation de chaque commune membre est garantie par l'attribution d'au moins un siège. En cas de constitution d'une commune nouvelle, des dispositions dérogatoires existent afin de permettre de manière transitoire la représentation des anciennes communes.

• La composition de l'organe délibérant des EPCI : des bases essentiellement démographiques

Par une décision du 20 juin 2014 13 ( * ) , le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l'article L. 5211-6-1 (I § 2) du code général des collectivités territoriales qui permettaient que la répartition des sièges entre les communes membres d'un EPCI à fiscalité propre fût déterminée par un accord local. Le Conseil constitutionnel a rappelé que les EPCI exerçant des compétences en lieu et place des communes membres, « leurs organes délibérants doivent être élus sur des bases essentiellement démographique ». D'autres « considérations d'intérêt général » peuvent également être prises en compte, notamment « la possibilité qui serait laissée à chacune de ces collectivités de disposer d'au moins un représentant au sein de cet organe délibérant ».

À l'initiative de nos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, la loi n° 2015-264 du 9 mars 2015 14 ( * ) a modifié l'article L. 5211-6-1 en conséquence tout en rétablissant la possibilité d'un accord local. Un tel accord est désormais soumis au respect de plusieurs exigences :

- le nombre total de sièges répartis est limité ;

- les sièges sont répartis en fonction de la population municipale de chaque commune, la part de sièges attribuée à chaque commune ne pouvant s'écarter de plus de 20 % de la proportion de sa population dans la population totale de l'EPCI ;

- chaque commune dispose d'au moins un siège ;

- aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges.

• Des dérogations transitoires pour la représentation des communes nouvelles

La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 15 ( * ) a modifié l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales afin de prendre en compte les cas de création de communes nouvelles. Ainsi, en cas de création d'une commune nouvelle en lieu et place de plusieurs communes membres d'un même EPCI à fiscalité propre, celle-ci se voit attribuer un nombre de sièges au sein du conseil communautaire égal à la somme des sièges détenus précédemment par chacune des communes concernées , et ce jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux.

La loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 16 ( * ) a quant à elle introduit au même article des dispositions transitoires relatives à la représentation des communes nouvelles au sein du conseil communautaire de l'EPCI en cas de fusion ou d'extension du périmètre de l'EPCI en question , qui entraîne la révision de la composition du conseil communautaire. Afin de garantir la représentation des anciennes communes, l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales prévoit désormais des dispositions transitoires pour les communes nouvelles créées après le dernier renouvellement général des conseils municipaux. Il leur est attribué un nombre de sièges de conseillers communautaires supplémentaires leur permettant d' assurer la représentation de chacune des anciennes communes si le nombre qui leur est imparti suivant les règles posées par l'article L. 5211-6-1 est inférieur au nombre des anciennes communes ayant constitué la commune nouvelle. Le nombre total de sièges du conseil communautaire est majoré en fonction. Cette attribution dérogatoire est maintenue jusqu'au prochain renouvellement du conseil municipal de la commune nouvelle , après lequel les dispositions générales de l'article L. 5211-6-1 s'appliquent.

L'article L. 5211-6-2 prévoit également, afin d' éviter la tutelle d'une collectivité sur une autre , que si la commune nouvelle obtient du fait de ces procédés dérogatoires plus de la moitié des sièges au sein du conseil communautaires ou un nombre de sièges supérieur à celui de ses conseillers municipaux, les procédures prévues à l'article L. 5211-6-1 s'appliquent : seul un nombre de sièges portant le nombre total de ses conseillers communautaire à la moitié des sièges de l'organe délibérant lui est attribué, ou le nombre total de sièges est diminué pour que, après une nouvelle application des dispositions de répartition des sièges, la commune nouvelle dispose d'un nombre total de sièges inférieur ou égal à celui de ses conseillers municipaux.

Les communes concernées par ce dispositif sont celles créées après le dernier renouvellement général des conseils municipaux. Il s'agit donc de celles issues de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales . Les communes associées sur la base du régime prévu par la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 dite loi « Marcellin » 17 ( * ) ne peuvent se prévaloir de cette disposition.

1.2. Des effets de seuil importants après une période réduite

Les dispositions transitoires actuelles concernant la représentation des communes nouvelles au sein de l'organe délibérant de l'EPCI questionnent. Elles induisent de forts effets de seuil et peuvent aboutir à une réduction drastique du nombre de représentants de la commune nouvelle après un laps de temps réduit.

Selon l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales, les dispositions dérogatoires susmentionnées s'appliquent entre la création de la commune nouvelle et le prochain renouvellement de son conseil municipal. Elles ne sont donc applicables qu'au mandat en cours des conseillers municipaux de la commune nouvelle. À la suite de ce renouvellement, qui peut suivre de peu la constitution de la commune nouvelle, cette dernière peut voir son nombre de représentants au sein du conseil communautaire diminuer fortement, sans considération de la représentation des anciennes communes.

2. L'extension des dispositions transitoires par l'article 8 de la proposition de loi

2.1. L'article 8 de la proposition de loi

L'article 8 de la proposition de loi tend à étendre les dispositions transitoires dans le cas où le nombre de sièges de conseillers communautaires qui est attribué à la commune nouvelle est inférieur au nombre des anciennes communes qui l'ont constituée :

- jusqu'au deuxième renouvellement général de son conseil municipal, la commune nouvelle en question se verrait attribuer un nombre de sièges supplémentaires lui permettant d'assurer la représentation de chacune de ses anciennes communes ;

- entre le deuxième et le troisième renouvellement général de son conseil municipal, elle se verrait attribuer un nombre de sièges supplémentaires suffisant pour porter le nombre total de ses conseillers communautaires à la moitié du nombre de ses anciennes communes.

Il est précisé que ces dispositions sont applicables à une commune nouvelle étendue à une ou plusieurs communes, sans que cette extension en prolonge la durée d'application.

Ces dispositions seraient appliquées sans préjudice de celles visant à éviter la tutelle d'une commune sur une autre : dans le cas où elles aboutiraient à attribuer à la commune nouvelle plus de la moitié des sièges au sein du conseil communautaire de l'EPCI, les procédures de l'article L. 5211-6-1 décrites précédemment s'appliqueraient.

2.2. La position de votre commission

Il ne s'agit pas d'instaurer une dérogation permanente, qui constituerait une rupture d'égalité entre les communes nouvelles et les communes de même taille. L'objectif à terme est bien que les communes nouvelles constituent des communes comme les autres, auxquelles s'appliquerait le droit commun. En cela, les dispositions introduites par l'article 8 de la proposition de loi permettent la mise en place d'un dispositif équilibré visant à favoriser la création de communes nouvelles en réduisant les effets de seuil dans la représentation de ces communes au sein de l'organe délibérant de l'EPCI dont elles sont membres, sans faire obstacle à l'inscription à terme des communes nouvelles dans le droit commun.

Néanmoins, votre commission a préféré renvoyer la discussion des dispositions relatives aux communes nouvelles à l'examen de la proposition de loi visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires 18 ( * ) de notre collègue Françoise Gatel. Elle a donc adopté un amendement de suppression COM-17 de notre collègue Eric Kerrouche et des membres du groupe socialiste et républicain.

Votre commission a supprimé l'article 8.

Article 9 (art. L. 5211-17-1 à L. 5211-17-4 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) - Exercice territorialisé des compétences intercommunales

L'article 9 de la proposition de loi vise à fournir un outil permettant un exercice territorialisé des compétences des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre via la mise en place de « pôles territoriaux ».

Il reprend pour cela le texte adopté par votre commission lors de l'examen, le 15 février 2017, sur le rapport de notre ancienne collègue Jacqueline Gourault, de la proposition de loi n° 758 (2015-2016) permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins , déposée le 5 juillet 2016 par le président de votre commission des lois, M. Philippe Bas et plusieurs de nos collègues.

1. Un équilibre difficile à trouver entre élargissement des périmètres des intercommunalités et gestion de proximité

L'élargissement du périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre rend difficile une gestion de proximité des compétences de ces ensembles.

1.1. La constitution de communautés vastes et hétérogènes

En relevant les seuils de population des EPCI à fiscalité propre, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe » , a abouti à la formation d'intercommunalités s'étendant sur un large périmètre au sein du territoire français.

Ce texte relève - moyennant quelques dérogations visant notamment à prendre en compte la spécificité des territoires à faible densité de population - le seuil minimal de population des communautés de 5 000 à 15 000 habitants. Cela concerne plus particulièrement les communautés de communes, les autres catégories d'EPCI à fiscalité propre étant déjà soumises à des seuils plus élevés. La révision des schémas départementaux de coopération intercommunale qui a suivi a conduit à une forte réduction du nombre des intercommunalités : de 2 062 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en 2016 à 1 266 en 2017, soit une diminution de 39 %. Ce nombre s'est par la suite stabilisé, puisque la France comptait 1 263 EPCI à fiscalité propre en janvier 2018.

Auparavant de 32 500 habitants, la population moyenne de ces groupements est désormais de 53 734 habitants. Le nombre de communautés comprenant 50 communes et plus s'établit à 148, contre 53 précédemment 19 ( * ) .

Ces regroupements ont eu plusieurs conséquences :

- la constitution de grandes intercommunalités rurales , puisque le respect du seuil de 15 000 habitants a nécessité la fusion de plusieurs communautés de communes. Dans beaucoup de départements, les préfets sont allés bien au-delà des prescriptions de la loi, en proposant la création en milieu rural d'EPCI à fiscalité propre regroupant quelquefois de centaines de communes et plus de cent mille habitants. La communauté de communes de Haute-Saintonge, en Charente-Maritime, compte ainsi quelque 70 000 habitants et 129 communes membres, sur un territoire de 1 760 km 2 . Des communautés d'agglomération rurales ont également vu le jour, par exemple dans le Cotentin, le pays d'Avranches ou au Pays Basque 20 ( * ) ;

- le regroupement de plusieurs bassins de vie au sein d'une même communauté. C'est notamment le cas de la fusion de la communauté d'agglomération de Chambéry avec la communauté de communes Coeur des Bauges (Savoie), qui en est séparée par des sommets montagneux et est à cheval sur trois bassins de vie ;

-l'apparition de « compétences orphelines » à la suite des fusions d'EPCI : ces dernières ont abouti à une nouvelle répartition des compétences entre communes et intercommunalités. La communauté nouvelle ainsi créée peut décider de ne pas reprendre l'ensemble des compétences auparavant exercées par les EPCI fusionnés. Les compétences en question sont alors restituées aux communes qui n'ont souvent plus les moyens suffisants pour les exercer seules. Cette problématique concerne plus particulièrement les domaines de la petite enfance, du scolaire ou des services à la personne.

Plus généralement, de nouvelles intercommunalités comptant parfois plusieurs centaines de milliers d'habitants ont été constituées à marche forcée, sans prendre le temps de maturation politique nécessaire à la constitution d'un véritable projet de territoire. Certaines ont aujourd'hui de grandes difficultés à exercer des compétences de proximité, comme par exemple la propreté urbaine, tout en élaborant un véritable projet intercommunal.

Comme le notaient en mars 2017 les rapporteurs de la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme des collectivités territoriales, « l'élargissement conséquent des périmètres génère des risques pour la réalité d'une gouvernance partagée et pour le maintien de la proximité au sein des nouveaux groupements » 21 ( * ) .

Or, assurer une gestion de proximité au sein de ces grands ensembles relève tant d'une exigence démocratique que d'une obligation fonctionnelle.

1.2. Des initiatives locales pour organiser le périmètre intercommunal

Ces ensembles intercommunaux vastes et hétérogènes ont besoin d'adapter leur fonctionnement interne et l'exercice de leurs compétences. Divers instruments ont été élaborés par le législateur pour permettre aux élus de s'organiser.

Concernant la coopération locale dans l'exercice des compétences intercommunales et communales , de nombreux dispositifs sont consacrés par le code général des collectivités territoriales. Peuvent par exemple être cités la mise à disposition de services (article L. 5211-4-1), les services communs (article L. 5211-4-2), et la prestation de service (article L. 5111-1).

Des initiatives locales existent également afin de permettre une gestion territorialisée des compétences de proximité des groupements de communes , fondées sur le principe de subsidiarité. Comme le rappelaient nos anciens collègues René Vandierendonck et Michel Mercier, notre collègue Pierre-Yves Collombat et votre rapporteur, « de nombreux exemples illustrent les solutions arrêtées pour déconcentrer l'organisation de l'EPCI : commissions géographiques, délégations de fonction aux membres de l'exécutif communautaire, structuration du périmètre communautaire en pôles territoriaux, territorialisation des services pour mieux connaitre les spécificités du terrain et résoudre plus rapidement les difficultés du quotidien, etc . » 22 ( * ) .

Le périmètre de Bordeaux Métropole a ainsi été divisé en quatre, celui de la Métropole européenne de Lille en huit, tandis que celui de la métropole nantaise est divisée en sept pôles de proximité disposant de services. D'autres communautés, comme la communauté de communes du Pays de Falaise (Calvados), ont décidé d'organiser une représentation des secteurs géographiques au sein de leur bureau.

Si ces possibilités existent et sont utilisées, elles sont néanmoins issues de l'inventivité locale et aucun cadre législatif ne les facilite. Votre commission propose de créer un outil non-contraignant permettant un exercice territorialisé des compétences au sein des grands ensembles.

2. L'institution d'un outil législatif permettant un exercice territorialisé des compétences dans les EPCI à fiscalité propre de 50 communes et plus

2.1. L'article 9 de la proposition de loi

L'article 9 de la proposition de loi vise à instituer un outil législatif non contraignant d'organisation territoriale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ce dispositif permettrait à la communauté, quel que soit le nombre de ses communes membres, de s'organiser en territoires d'exercice d'une ou plusieurs de ses compétences, dénommés « pôles territoriaux », permettant une meilleure prise en compte des caractéristiques locales.

• La détermination des pôles territoriaux

Le conseil communautaire délimiterait le périmètre des pôles territoriaux regroupant, chacun, plusieurs communes contiguës. Ces pôles territoriaux seraient les mêmes pour l'ensemble des compétences exercées selon le même dispositif.

• L'organisation et le fonctionnement des pôles

Les modalités d'exercice des compétences concernées seraient fixées par le conseil communautaire dans le cadre déterminé par la loi :

- une commission rassemblerait les conseillers communautaires élus dans le périmètre du pôle territorial ;

- la commission du pôle serait consultée sur les modalités d'exercice des compétences sur le territoire du pôle avant leur fixation par le conseil communautaire, sur les modifications qui leur seraient ultérieurement apportées, ainsi que sur tout sujet d'intérêt du pôle ;

- le président du conseil communautaire pourrait déléguer à l'un de ces conseillers une partie de ses fonctions intéressant les compétences exercées sur le territoire du pôle. Le conseiller délégataire serait désigné, sur proposition du président et après avis de la commission de pôle, par le conseil communautaire.

Afin de prendre en compte la diversité de peuplement du territoire national, ce dispositif serait ouvert à tous les EPCI à fiscalité propre, sans qu'un nombre minimal de communes membres soit fixé.

2.2. La position de votre commission

L'article 9 de la proposition de loi ne vise pas à découper géographiquement les compétences des intercommunalités ni à créer des contre-pouvoirs territoriaux intra-communautaires, mais à mettre en place des délégations de gestion facilitant l'exercice des compétences des EPCI.

Ce dispositif se veut souple et entend offrir aux élus un outil de territorialisation des compétences. Il n'exclut pas l'adoption par les territoires d'autres solutions, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, mais permet de constituer un modèle pour les grands EPCI en détresse concernant la gestion de leur territoire.

La possibilité de délégation territorialisée de gestion des compétences répond aux exigences de proximité et assure la viabilité des grands ensembles. Il s'agit également d'un exercice démocratique puisque, au sein des conseils communautaires des grandes intercommunalités, l'ensemble des élus ne peut être étroitement associé aux affaires relevant de la responsabilité de l'EPCI. Conçu pour s'adapter à la diversité des situations, des projets, des exigences et des territoires des intercommunalités, ce dispositif impliquerait l'ensemble des élus à la mise en oeuvre des compétences de l'EPCI et conforterait ainsi la construction d'un projet partagé.

Votre commission a adopté l'article 9 sans modification .

Article 10 (art. L. 5211-19-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Droit de retrait d'un groupe de communes contiguës, membres d'un établissement public de coopération à fiscalité propre, pour constituer un nouvel établissement

L'article 10 de la proposition de loi tend à autoriser un groupe de communes contiguës, membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, à s'en retirer pour constituer un nouvel établissement, dans le respect des règles de droit commun régissant la coopération intercommunale.

1. La révision de la carte intercommunale et les travers de la coopération forcée

Dans le domaine de la coopération intercommunale, les réformes entreprises depuis un quart de siècle ont poursuivi un triple objectif : regrouper l'ensemble des communes françaises en établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ; étendre le périmètre de ces derniers ; réduire le nombre des syndicats et syndicats mixtes à vocation unique ou multiple. Par ce biais, le législateur a entendu constituer des entités intercommunales fortement intégrées, d'une taille suffisante pour garantir un aménagement cohérent du territoire, assumer la charge de services publics ou d'équipements coûteux et assurer une forme de solidarité financière entre des territoires plus ou moins prospères.

Pour atteindre ces objectifs, le législateur a employé des moyens plus ou moins contraignants : la création d'une commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) en 1992 23 ( * ) , l'élaboration obligatoire d'un schéma départemental de la coopération intercommunale (SDCI) à partir de 2010 24 ( * ) , et l'attribution au préfet de pouvoirs coercitifs pour imposer la volonté de l'État.

En dernier lieu, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République , dite loi « NOTRe », a institué une procédure transitoire fortement coercitive 25 ( * ) pour parvenir, à la date du 1 er janvier 2017, à l'achèvement de la carte intercommunale suivant les nouvelles orientations fixées par la même loi, et notamment aux nouveaux seuils de population requis pour la constitution d'EPCI à fiscalité propre (15 000 habitants en règle générale, seuil adapté dans certains cas, notamment en fonction de la densité démographique, sans pouvoir être inférieur à 5 000 habitants) :

- un nouveau schéma départemental de coopération intercommunale a été établi, conformément aux objectifs fixés par la loi, selon une procédure à peu près inchangée (élaboration par le préfet d'un projet de schéma soumis aux conseils municipaux et communautaires concernés puis à la CDCI, intégration au projet des modifications adoptées par celle-ci à la majorité des deux tiers, décision du préfet arrêtant le schéma et publication de celui-ci) ;

- dès la publication du schéma, pour la mise en oeuvre de celui-ci, le préfet était habilité à définir par arrêté tout projet de création, de modification ou de fusion d'EPCI à fiscalité propre et proposer toute dissolution d'un syndicat ou d'un syndicat mixte ; il pouvait aussi s'écarter du schéma, mais devait alors consulter la CDCI et intégrer à son projet les modifications adoptées par la commission à la majorité des deux tiers ;

- les projets ont ensuite été soumis pour avis aux conseils municipaux des communes concernées, et définitivement arrêtés s'ils avaient recueilli leur accord à la majorité qualifiée 26 ( * ) ;

- à défaut, le préfet a pu « passer outre » l'opposition des communes, avec l'accord de la CDCI si le projet ne figurait pas au schéma, ou sur son avis simple dans le cas contraire. Le projet a dû intégrer les modifications adoptées par la CDCI à la majorité des deux tiers.

Le résultat de ce processus, ce fut d'abord la couverture presque intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre 27 ( * ) . Ce fut aussi la réduction massive du nombre de ces établissements, et l'extension parfois considérable de leur périmètre . Leur nombre est ainsi passé de 2 133 en 2015 à 1 263 en 2018, et leur population moyenne de 29 498 à 53 734 28 ( * ) . Surtout, ces chiffres masquent de grandes disparités et l'apparition de très grandes intercommunalités, rassemblant parfois plus de 200 communes et dont le territoire peut s'étendre sur plus de 1 000 kilomètres carrés 29 ( * ) .

En outre, des communes ont été regroupées et des EPCI fusionnés contre leur gré , par la volonté de préfets soucieux d'appliquer avec zèle les consignes gouvernementales, au-delà même des objectifs fixés par la loi et au détriment, parfois, du sens des réalités locales .

Comme votre rapporteur l'a souvent constaté au cours de ses déplacements au nom de la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale, mise en place au sein de votre commission des lois, ces regroupements forcés soulèvent de multiples difficultés : problèmes de gouvernance de l'intercommunalité et de gestion des services publics de proximité ; absence de cohérence territoriale qui fait obstacle au bon exercice par l'EPCI à fiscalité propre de ses missions structurantes en matière d'aménagement, d'urbanisme et de développement économique ; difficulté d'homogénéiser les compétences et le niveau de fiscalité des établissements fusionnés ; désorientation des élus qui avaient été habitués à travailler en étroite collaboration au sein de leurs anciens groupements et doivent aujourd'hui rebâtir une culture commune avec leurs nouveaux interlocuteurs.

2. Un droit de retrait encadré, qui ne met pas à mal les principes de la coopération intercommunale

Aussi les auteurs de la proposition de loi souhaitent-ils ouvrir à un groupe de communes contiguës, membres d'un EPCI à fiscalité propre, la faculté de s'en retirer pour constituer un nouvel EPCI à fiscalité propre , sans porter atteinte aux objectifs et orientations définis aux I, II et III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, à savoir, pour l'essentiel :

- le principe de continuité territoriale (le retrait de ces communes et la création de ce nouvel établissement ne pourrait pas conduire à ce qu'une ou plusieurs communes soient enclavées au sein d'un EPCI à fiscalité propre dont elles ne sont pas membres, ou à ce que le territoire d'un tel EPCI soit discontinu) ;

- les seuils minimaux de population rappelés ci-dessus ;

- la cohérence spatiale au regard du périmètre des unités urbaines, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ;

- la solidarité financière entre territoires.

La procédure serait la suivante :

- le projet de retrait et de constitution d'un nouvel établissement devrait faire l'objet de délibérations concordantes des conseils municipaux intéressés ;

- le préfet de département saisirait alors pour avis l'organe délibérant de l'EPCI à fiscalité propre dont lesdites communes souhaitent se retirer, ainsi que les conseils municipaux de l'ensemble de ses communes membres ;

- dans un délai d'un mois, le préfet, l'EPCI à fiscalité propre ou toute commune membre de celui-ci pourrait saisir la CDCI en cas de désaccord avec le retrait projeté, la CDCI disposant elle-même d'un mois pour se prononcer ;

- en cas de saisine de la CDCI, celle-ci pourrait s'opposer au projet à la majorité des deux tiers, dans un délai d'un mois ; dans le cas contraire, le retrait et la création du nouvel EPCI à fiscalité propre prendraient effet.

Votre commission n'a vu que des avantages à cet assouplissement, qui ne met pas en cause la couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre, non plus que les seuils de population fixés en 2015 pour donner à ces établissements la taille critique jugée souhaitable.

Naturellement, votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de revenir sur des regroupements opérés, non sans mal, il y a un peu plus d'un an. Toutefois, la situation de blocage que l'on observe sur certains territoires, la difficulté de faire émerger de nouveaux projets dans des EPCI mal bâtis, lui ont fait estimer au contraire qu'il était urgent d'y porter remède.

Sur sa proposition, votre commission a adopté un amendement COM-46 tendant à préciser la procédure de retrait et de création du nouvel EPCI à fiscalité propre.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 (art. L. 5211-18, L. 5211-45-1 [nouveau], L. 1111-10, L. 2336-3, L. 5210-1-2, L. 5111-6, L. 5211-41-3, L. 5212-27 et L. 5211-45 du code général des collectivités territoriales ; art. L. 300-6-1 du code de l'urbanisme ; art. 1465 A du code général des impôts) - Liberté de la coopération intercommunale

L'article 11 de la proposition de loi tend à modifier les procédures de révision de la carte intercommunale afin de traduire juridiquement le principe de liberté de la coopération intercommunale.

1. Des mécanismes de contrainte qui n'ont plus lieu d'être

Comme il a été rappelé précédemment, diverses procédures ont été créées par le législateur depuis plusieurs décennies afin de favoriser le regroupement intercommunal , jusqu'au quasi-achèvement de la couverture du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

L'élaboration d'un schéma départemental sexennal de la coopération intercommunale (SDCI), prévue par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales , n'est que le plus connu de ces mécanismes. Toutefois, il convient de souligner que le SCDI, par lui-même, n'est qu'un document de planification dénué de force contraignante . Il n'a acquis une telle force que par le biais des procédures transitoires instituées successivement par les lois « RCT » de 2010, « MAPTAM » de 2014 30 ( * ) et « NOTRe » de 2015 pour assurer sa mise en oeuvre, y compris contre la volonté des élus locaux.

Les dispositions permanentes du code général des collectivités territoriales, quoique moins contraignantes, n'en conservent pas moins une portée coercitive.

Procédures permanentes de modification de la carte intercommunale

Objet de la procédure

Titulaire(s)
du pouvoir d'initiative

Entités consultées
et pouvoirs dont elles disposent

Compétence du préfet pour arrêter
la décision

Rattachement d'une commune isolée à un EPCI à fiscalité propre

(art. L. 5210-1-2)

Le préfet
(compétence liée)

La CDCI peut, à la majorité des deux tiers, imposer le rattachement de la commune à un autre EPCI à fiscalité propre.

Compétence liée

Création d'un EPCI

(art. L. 5211-5)

- Toute commune ;

- le préfet, après avis de la CDCI

Le projet doit être adopté par les communes concernées à la majorité qualifiée.

Compétence discrétionnaire

Extension du périmètre d'un EPCI à une ou plusieurs nouvelles communes

(art. L. 5211-18)

- Toute commune souhaitant son rattachement
à l'EPCI ;

- l'EPCI ;

- le préfet

Le projet doit être approuvé :

- par l'EPCI , dans le cas où la commune « entrante » est à son initiative ;

- par la commune « entrante » , dans le cas où l'EPCI est à son initiative ;

- par la commune « entrante » et l'EPCI , dans le cas où le préfet est à son initiative ;

- par une majorité qualifiée de communes appartenant déjà à l'EPCI , dans tous les cas.

Compétence discrétionnaire

Retrait d'une commune d'un EPCI

(art. L. 5211-19)

La commune
qui souhaite
se retirer

Le projet de retrait doit être approuvé par une majorité qualifiée de communes membres de l'EPCI.

Compétence discrétionnaire

Transformation d'un EPCI à fiscalité propre , par passage d'une catégorie à une autre plus intégrée

(art. L. 5211-41)

L'EPCI à fiscalité propre

La transformation doit être approuvée par les communes membres à la majorité qualifiée.

Compétence liée

En cas de transformation d'un EPCI à fiscalité propre, extension de celui-ci à d'autres communes (éventuellement membres d'un autre EPCI à fiscalité propre)

(art. L. 5211-41-1)

Le préfet, après avis de la CDCI

L'extension doit être approuvée :

- par l'EPCI à fiscalité propre ;

- par une majorité qualifiée de communes situées dans le périmètre envisagé ;

- par toute commune dont l'intégration est envisagée, si elle est membre d'une communauté de communes à DGF bonifiée.

Compétence discrétionnaire

Transformation d'un syndicat de communes en communauté de communes ou d'agglomération

(art. L. 5211-41-2)

- Le syndicat ;

- toute commune membre.

La transformation doit être approuvée :

- par le syndicat ;

- par les communes membres à la majorité qualifiée.

Compétence liée

Fusion d'EPCI, dont l'un au moins est à fiscalité propre, avec extension éventuelle à d'autres communes (isolées ou non), le nouvel EPCI relevant de plein droit de la catégorie la plus intégrée

(art. L. 5211-41-3)

- Une ou plusieurs communes membres des EPCI dont la fusion est envisagée ;

- un ou plusieurs EPCI ;

- le préfet ;

- la CDCI.

- Les modifications adoptées par la CDCI à la majorité des deux tiers doivent être intégrées au projet ;

- le projet doit être approuvé par une majorité qualifiée renforcée de communes concernées 31 ( * ) .

Compétence discrétionnaire

Source : commission des lois du Sénat

Comme on peut le constater d'après le tableau ci-dessus, les pouvoirs reconnus à titre permanent au représentant de l'État pour faire évoluer la carte intercommunale dans le département sont réels, mais limités :

- en aucun cas, il ne peut aller à l'encontre de la volonté d'une majorité qualifiée de communes concernées (sauf lorsqu'il s'agit de rattacher une commune isolée à un EPCI à fiscalité propre) ;

- lorsque la CDCI est saisie, il est tenu d'intégrer au projet les modifications qu'elle adopte à la majorité des deux tiers ;

- il ne peut pas prendre l'initiative de transformer un EPCI à fiscalité propre en lui faisant changer de catégorie, non plus que de transformer un syndicat de communes en EPCI à fiscalité propre ;

- il ne peut imposer à une commune déjà membre d'un EPCI à fiscalité propre de se retirer de celui-ci et de se rattacher à un autre groupement à fiscalité propre que dans les cas suivants :

o en cas de transformation de l'EPCI à fiscalité propre auquel il souhaite que la commune se rattache, avec l'accord de ce dernier et d'une majorité qualifiée de communes situées dans le nouveau périmètre envisagé ;

o en cas de fusion d'EPCI, avec l'accord d'une majorité qualifiée renforcée et si la CDCI ne s'y est pas opposée à la majorité des deux tiers.

Néanmoins, si l'on se place à présent du point de vue d'une commune , elle peut être conduite contre son gré :

- si elle est isolée, à intégrer un EPCI à fiscalité propre existant ou nouvellement créé ;

- si elle appartient déjà à un EPCI à fiscalité propre :

o à s'en retirer et à se rattacher à un autre EPCI à fiscalité propre, dans les cas et aux conditions indiquées ci-dessus ;

o à voir l'EPCI à fiscalité propre auquel elle appartient se transformer en EPCI à fiscalité propre d'une catégorie plus intégrée, auquel elle devra obligatoirement transférer de nouvelles compétences.

Par le biais du schéma départemental et des procédures transitoires qui ont été instituées pour sa mise en oeuvre, cependant, les pouvoirs du représentant de l'État ont été considérablement renforcés , puisque :

- le schéma est élaboré et arrêté par le préfet , les conseils municipaux et les organes délibérants des EPCI du département n'étant saisis que pour avis, et la CDCI ne pouvant imposer de modifications au projet de schéma qu'à la majorité des deux tiers ;

- il peut prévoir toute évolution de la carte intercommunale (création, transformation ou fusion d'EPCI à fiscalité propre et modification de leur périmètre, suppression, transformation et fusion de syndicats de communes et de syndicats mixtes) ;

- sur le fondement de dispositions transitoires, le préfet a pu imposer la mise en oeuvre du schéma (voire imposer des projets d'évolution non prévues par le schéma) contre la volonté des communes , sous réserve d'intégrer les propositions adoptées par la CDCI à la majorité des deux tiers 32 ( * ) .

À présent que l'ensemble des communes françaises, sauf quelques très rares exceptions prévues par la loi, ont été réunies en groupements à fiscalité propre, et que ces derniers ont atteint la taille minimale, déjà excessive sur bien des territoires, voulue par le législateur en 2015, ces mécanismes de contrainte n'ont plus de raison d'être . Bien au contraire, il est urgent de renouer avec l'esprit initial de l'intercommunalité, fondée, aux termes mêmes de la loi, « sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité 33 ( * ) » . Laissons les élus municipaux, auxquels on a déjà bien assez forcé la main, élaborer eux-mêmes leurs projets de coopération et faire évoluer les compétences ou le périmètre de leurs groupements en fonction des nécessités locales.

2. Des propositions pour rendre le pouvoir aux élus, sans remettre en cause les principes de la coopération intercommunale

C'est dans cet esprit que les auteurs de la proposition de loi entendent « réserver désormais à la seule décision des élus concernés les modifications de la carte intercommunale 34 ( * ) » .

À cet effet, ils proposent de mettre fin à la révision sexennale du schéma départemental de coopération intercommunale et de supprimer « le pouvoir de modification de ces schémas par les commissions départementales de la coopération intercommunale 35 ( * ) ».

À la réflexion, votre rapporteur a constaté que les mesures proposées ne répondaient qu'imparfaitement à l'objectif poursuivi . Car les schémas départementaux n'ont pas par eux-mêmes de valeur prescriptive, comme cela a été rappelé. Ils n'en ont acquis que par le biais des procédures exceptionnelles et transitoires prévues pour leur mise en oeuvre. En revanche, et indépendamment de tout schéma, le préfet conserverait les pouvoirs qui lui sont reconnus à titre permanent pour faire évoluer la carte intercommunale - suivant les procédures rappelées précédemment, qui ménagent certains pouvoirs aux élus.

Aussi votre rapporteur a-t-il formulé des propositions plus radicales, inspirées par trois principes .

En premier lieu, il n'est pas question de remettre en question les principales règles qui régissent la coopération intercommunale , telles que la couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre (sauf exceptions prévues par la loi), les seuils de population imposés à ces derniers et leurs aménagements, ou le principe de continuité territoriale des groupements. Ces règles ont fait l'objet d'un compromis entre les deux assemblées lors de l'adoption de la loi « NOTRe » et présidé à la refonte toute récente de la carte intercommunale. Si des ajustements sont concevables et souhaitables 36 ( * ) , on ne saurait ouvrir la voie aujourd'hui à de nouveaux bouleversements.

En deuxième lieu, s'il est utile de conserver au niveau départemental une instance de concertation entre élus et avec le préfet sur les évolutions souhaitables de l'intercommunalité (à fiscalité propre ou non), y compris pour faire face à de nouveaux besoins sociaux en matière économique, sociale, environnementale, culturelle, etc ., il ne paraît pas indispensable de mettre le fruit de ces réflexions sous la forme d'un schéma à réviser périodiquement . Le SDCI, assorti des procédures exceptionnelles créées pour sa mise en oeuvre, a été l'instrument de l'achèvement de la carte intercommunale et de l'agrandissement des intercommunalités. Il a aujourd'hui fait son oeuvre et peut sans dommage être supprimé .

En troisième lieu, votre rapporteur n'a pas jugé souhaitable de remettre en cause les procédures existantes et permanentes de création, d'extension, de transformation et de fusion d'EPCI , qui laissent au préfet, mais aussi aux conseils municipaux et communautaires un pouvoir d'initiative, et permettent quelquefois d'imposer à une commune une évolution qu'elle n'a pas souhaitée, à condition toutefois qu'une majorité qualifiée de communes concernées l'ait approuvée. L'intérêt général, reconnu par une majorité d'élus, commande parfois de telles évolutions. En revanche, il a paru utile que les CDCI soient systématiquement consultées sur les projets dont l'initiative revient au préfet .

Votre commission a adopté un amendement COM-47 du rapporteur qui met en oeuvre ces principes et procède aux coordinations nécessaires.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 11 bis (nouveau) (art. L. 238, L. 255-2 à 255-4 [abrogés] et L. 429 du code électoral) - Suppression de l'obligation de déclaration des candidatures aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants

Introduit par votre commission, à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption d'un amendement COM-59 , l'article 11 bis de la proposition de loi a pour objet de supprimer l'obligation de déclaration de candidature aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants.

1. Une obligation récente qui soulève des difficultés pratiques

L'obligation de déclarer sa candidature aux élections municipales dans les communes où les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire - soit, en l'état du droit, les communes de moins de 1 000 habitants - est une innovation récente , puisqu'elle date de l'adoption de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral .

Le législateur, répondant aux souhaits des associations d'élus, avait alors estimé qu'une telle obligation de déclaration éviterait que des personnes ne soient élues contre leur gré . En outre, il arrivait jusque-là que des personnes soient élues simultanément au sein de plusieurs conseils municipaux, la loi prévoyant dans ce cas un droit d'option à exercer dans les dix jours suivant l'élection. En imposant en 2013 une déclaration de candidature préalable, le législateur a simultanément interdit à toute personne de se porter candidate dans plus d'une circonscription électorale 37 ( * ) .

Cette réforme, dont l'intention était excellente et consensuelle, a cependant soulevé d'importantes difficultés pratiques. Dans les petites communes, où il est déjà difficile de trouver des habitants prêts à assumer les charges et responsabilités liées aux mandats municipaux, l'obligation de se déclarer préalablement peut avoir un effet inhibiteur, et elle empêche les candidatures tardives .

Le résultat est qu' il faut parfois s'y prendre à plusieurs fois
pour compléter le conseil municipal
quand celui-ci a perdu plus du tiers de ses membres ou qu'il y a lieu d'élire un nouveau maire, par exemple. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les élections municipales partielles qui se tiendront à Noidant-le-Rocheux, en Haute-Marne,
les 17 et 24 juin 2018 seront les cinquièmes depuis le mois d'octobre dernier, aucun des scrutins précédents n'ayant suffi à pourvoir l'ensemble des sièges vacants, faute de candidats déclarés en nombre adéquat.

2. Le retour au statu quo ante

Reprenant les dispositions d'une proposition de loi déposée le 10 janvier dernier par notre collègue Bruno Sido et plusieurs autres de nos collègues 38 ( * ) , votre rapporteur a donc proposé de supprimer l'obligation de déclaration de candidature dans les communes de moins de 1 000  habitants (articles L. 255-2 à L 255-4 du code électoral) et, par coordination, de rétablir le droit d'option reconnu jusqu'en 2013 à toute personne élue au sein de plusieurs circonscriptions (article L. 238 du même code).

Une difficulté tient au fait qu'une semblable déclaration de candidature est imposée, par des dispositions de nature organique, aux ressortissants de l'Union européenne qui souhaitent se présenter aux élections municipales. Pour la parfaite cohérence du droit électoral, il conviendra donc d'examiner aussi rapidement que possible la proposition de loi organique également présentée par notre collègue Bruno Sido afin de modifier ou d'abroger les articles concernés du code électoral 39 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 11 bis ainsi rédigé .


* 13 Conseil constitutionnel, 20 juin 2014, Commune de Salbris, QPC n° 2014-405.

* 14 Loi n° 2015-264 du 9 mars 2015 autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire.

* 15 Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral .

* 16 Loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d'une commune nouvelle .

* 17 Loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite « Marcellin ».

* 18 Texte n° 503 (2017-2018) de Mme Françoise GATEL, déposé au Sénat le 24 mai 2018.

* 19 Source : Direction générale des collectivités territoriales, « Bilan statistique de l'intercommunalité à fiscalité propre au 1 er janvier 2018 », document consultable à l'adresse suivante : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/bilan-statistique-2018.pdf .

* 20 Il s'agit des communautés d'agglomération Le Cotentin (182 000 habitants, 132 communes, 1 400 km 2 ), Mont-Saint-Michel Normandie (90 000 habitants, 97 communes, 1 550 km 2 ) et Pays Basque (300 000 habitants, 158 communes, 3 000 habitants).

* 21 « Laisser respirer les territoires », rapport d'information n° 485 (2016-2017) sur la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme territoriale fait, au nom de la commission des lois, par votre rapporteur et par nos collègues et anciens collègues René Vandierendonck,
Pierre-Yves Collombat et Michel Mercier, p. 21. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-485-notice.html

* 22 « Laisser respirer les territoires », rapport d'information n° 485 (2016-2017) précité, p. 26.

* 23 Article 67 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République .

* 24 Article 35 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales .

* 25 Articles 35 et 40 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 précitée.

* 26 Les conditions de majorité étaient cependant assouplies par rapport à celles qui sont établies de longue date en matière intercommunale, puisqu'il suffisait de recueillir l'accord de la moitié des conseils municipaux intéressés, représentant la moitié au moins de la population totale des communes concernées, y compris le conseil municipal de la commune la plus peuplée si elle regroupait au moins le tiers de la population totale.

* 27 Seules font encore exception à la règle les quatre îles mono-communales d'Yeu, Bréhat, Sein et Ouessant, en vertu du V de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales.

* 28 Source : Direction générale des collectivités territoriales, « Bilan statistique de l'intercommunalité à fiscalité propre au 1 er janvier 2018 », document consultable à l'adresse suivante : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/bilan-statistique-2018.pdf .

* 29 Pour de plus amples développements, voir le commentaire de l'article 9.

* 30 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles .

* 31 La majorité qualifiée requise (deux tiers des communes représentant la moitié de la population, ou l'inverse) doit ici comprendre au moins un tiers des communes membres de chaque EPCI dont la fusion est envisagée.

* 32 Voir, dernièrement, les articles 35 et 40 de la loi « NOTRe » et, ci-dessus, le commentaire de l'article 10 de la proposition de loi.

* 33 Article L. 5210-1 du code général des collectivités territoriales.

* 34 Exposé des motifs de la proposition de loi, p. 6.

* 35 Ibid . En réalité, la disposition proposée aurait pour effet d'ôter à la CDCI, statuant à la majorité des deux tiers, le pouvoir d'imposer au préfet des modifications au projet de schéma qu'il a lui-même élaboré. Elle reviendrait donc à renforcer encore les pouvoirs du préfet au détriment des élus, ce qui ne semble pas correspondre à l'objectif poursuivi.

* 36 Voir, à ce propos, le commentaire de l'article 10.

* 37 Voir le rapport n° 701 (A.N., XIV e législature) fait, au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, en première lecture, par notre ancien collègue député Pascal Popelin, consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r0701.pdf . Le principe d'une telle obligation de candidature avait été introduit par la commission des lois du Sénat, en première lecture, avant le rejet de l'ensemble du projet de loi en séance publique. L'Assemblée nationale avait réintroduit cette mesure en première lecture, avant que le Sénat ne l'adopte en deuxième lecture.

* 38 Proposition de loi n° 209 (2017-2018) supprimant l'obligation de déclaration de candidature en vue des élections municipales dans les communes de moins de mille habitants .

* 39 Proposition de loi organique n° 208 (2017-2018) supprimant l'obligation de déclaration de candidature en vue des élections municipales dans les communes de moins de mille habitants .

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