B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Les moyens de la mission « Économie » continuent de se réduire, suivant une logique constante de rabot budgétaire

Outre la différence résultant du niveau exceptionnel de dépenses de l'exercice 2017, les actions de la mission « Économie » font encore une fois l'objet d'une approche gestionnaire et d'une logique de rabot. Ainsi, la Cour des comptes relève qu'à périmètre constant, les crédits consommés sont en baisse de 12,6 % en AE et de 8,8 % en CP, la baisse étant particulièrement marquée pour les dépenses d'intervention . Si la baisse des dépenses d'intervention apparaît moins importante une fois prise en compte la consommation exceptionnelle de crédits du dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs en 2017, elle est toutefois bien réelle une fois corrigée des évolutions de périmètre .

La mission porte en effet de nouvelles dépenses, en particulier une subvention de 15 millions d'euros versée au commissariat aux communications électroniques de défense (CCED) ainsi que plusieurs dépenses supplémentaires en exécution. En particulier, le contentieux SARA a représenté un coût de 15,5 millions d'euros en 2018, auxquels s'additionnent la participation pour plus de 2 millions d'euros à des évènements internationaux, ainsi que 1,5 million d'euros financés par virement depuis le programme 145 pour contribuer au financement de l'installation de l'Autorité Bancaire Européenne à Paris (ABE).

Vos rapporteurs ne peuvent que déplorer l'absence de vision stratégique qui caractérise cette mission et l'approche gestionnaire qui consiste à appliquer d'une année sur l'autre une logique de rabot . Cette absence de vision est également la conséquence du caractère composite de la mission. Le seul programme 134 est réparti entre 9 budgets opérationnels de programmes (BOP) et en 95 unités opérationnelles (UO). Le pilotage, réparti entre six structures différentes (directions centrales et autorités indépendantes) est sans doute trop complexe pour les gestionnaires qui se contentent de satisfaire à des exigences de diminution des budgets.

2. L'année 2018, dernière année avant la mise en extinction du FISAC

En dépit d'une réforme en profondeur du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) en 2014, qui était censée relancer le dispositif en passant d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets, les montants engagés pour le FISAC n'ont cessé de diminuer, passant d'une consommation d'AE de 85,7 millions d'euros en 2010 à 13,3 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 84,5 % .

Cette baisse massive des moyens du FISAC en AE a été annonciatrice de la fin du FISAC, placé en « gestion extinctive » à partir de 2019. Le programme « Action coeur de ville », présenté comme plus efficace, concerne 222 villes moyennes et laisse en réalité de côté un grand nombre de communes rurales.

3. La baisse de la plupart des dépenses d'intervention du programme 134 s'est poursuivie en 2018 tandis que les dépenses de fonctionnement ont dû intégrer des dépenses imprévues

Les dispositifs en faveur des entreprises relevant du programme 134
« Développement des entreprises et du tourisme »

(crédits de titre 6 exécutés, en CP, en millions d'euros)

Dispositif d'intervention

2014

2015

2016

2017

2018

Évolution 2017-2018

Évolution 2014-2018

Aide au départ des commerçants

6,2

8,2

3,1

- 100,00 %

Associations de consommateurs

9,9

8,6

9,5

8,2

8

- 2,44 %

- 19,19 %

FISAC

34

12,3

21,5

3,6

10,6

194,44 %

- 68,82 %

Développement des PME

8,5

7,3

8,2

4,6

0,6

- 86,96 %

- 92,94 %

Mission des services à la personne

2,6

1

1

0,4

0,5

25,00 %

- 80,77 %

Subventions tourisme

3,1

2,6

1,4

6,1

0,7

- 88,52 %

- 77,42 %

Subventions CTI

19,1

17,4

15,9

13,1

9,5

- 27,48 %

- 50,26 %

Subventions AFNOR

9,8

8,9

8,2

8,2

9,5

15,85 %

- 3,06 %

Subventions APCE

2,9

2,6

0,8

0

0

- 100,00 %

Agence France Entrepreneur

1,8

12

3,8

- 68,33 %

Subv. politique industrielle

35,2

30

22,2

17,8

15,3

- 14,04 %

- 56,53 %

Subventions à la Poste

1,4

1,4

1,3

1,4

1,8

28,57 %

28,57 %

Subv. organismes internationaux

11,4

9,8

13,7

5,1

10,9

113,73 %

- 4,39 %

Mutations industrielles-constructions navales

0

2,2

0,6

0

0

COFRAC

0,3

0,2

0,2

0,2

0,2

0,00 %

- 33,33 %

Bpifrance

40

26

23

26,7

87,2

226,59 %

118,00 %

CCED

0

0

15,3

Économie sociale et solidaire

3,6

3,3

0

- 100,00 %

Divers

10

2,7

0,4

0

- 100,00 %

- 100,00 %

Aide au transport à la presse

100

130

119

121

111,5

- 7,85 %

11,50 %

TOTAL à périmètre constant

294,4

268,5

257,7

232,1

285,4

22,96 %

- 3,06 %

Les PIA

133

100

36

0,1

0,3

200,00 %

- 99,77 %

Compensation carbone

228,8

98,7

- 56,86 %

Aide d'urgence à Saint Martin, Calais et Corse

8,7

10

14,94 %

TOTAL

427,4

368,5

293,7

469,7

394,4

- 16,03 %

- 7,72 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les principaux dispositifs d'intervention du programme 134 ont été en constante réduction depuis 2014. L'année 2018 n'a pas fait exception, malgré les mesures de périmètre qui masquent en réalité une diminution des crédits par action.

Évolution des principaux dispositifs en faveur des entreprises
relevant du programme 134

(crédits de titre 6 exécutés, en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

D'une manière générale, l'effort fourni par le programme 134 ne montre pas de volonté réelle de rationalisation des dispositifs d'aide qui ont chacun des objectifs différents et des modalités d'intervention variées (subventions directes et indirectes, prêts, actions de communication, etc.).

Vos rapporteurs spéciaux déplorent que le programme 134 soit le lieu de la sédimentation de dispositifs mal coordonnés et aux objectifs mal évalués. L'absence de vision globale conduit à ce que le pilotage du programme se résume à une simple logique de réduction des moyens et des ambitions pour chacun des dispositifs.

À l'inverse, les crédits de fonctionnement ont été surconsommés. La consommation d'AE s'est élevée à 40,9 millions d'euros contre 25,5 millions d'euros prévus en LFI et la consommation de CP à 20,9 millions d'euros contre 5,5 millions d'euros. Cette surconsommation reflète principalement l'issue du contentieux SARA, soit un versement de 15,5 millions d'euros en AE et en CP à Électricité de France (EDF) engendré par la condamnation sur les réquisitions de fioul en Martinique en 2009.

4. Les dépenses de personnel : les schémas et plafonds d'emploi sont globalement respectés

Les dépenses de personnel représentent à elles seules 50,6 % des crédits de paiement de la mission « Économie » , soit 917,7 millions d'euros en exécution pour l'année 2018. Elles sont réparties entre les programmes 220 et 305, qui portent les moyens humains de grandes structures administratives (l'Insee et la DG Trésor), et le programme 134, qui est un programme d'intervention mais porte aussi les crédits de personnel relatifs aux multiples structures chargées de mettre en oeuvre les différents dispositifs .

En 2018, les plafonds d'emplois sont respectés : 12 018 ETPT en prévision et 11 690 ETPT en exécution pour l'État, et 2 591 ETPT en prévision et 2 507 ETPT en exécution pour les opérateurs.

Plafond d'emplois de la mission « Économie »
pour les services de l'État

(en ETPT)

Programme

Exécution

2017

LFI

2018

Exécution 2018

Écart 2017/2018

Écart exécution/prévision

[134] Développement des entreprises et du tourisme

4 929

5 056

4 862

- 1,36%

- 3,84%

[220] Statistiques et études économiques

5 381

5 339

5 263

- 2,19%

- 1,42%

[305] Stratégie économique et fiscale

1 581

1 623

1 565

- 1,01%

- 3,57%

TOTAL MISSION

11 891

12 018

11 690

- 1,69%

- 2,73%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le plafond et le schéma d'emplois sont respectés pour la mission et les dépenses de personnel sont en légère baisse . Le report en 2018 de la mise en oeuvre du dispositif « parcours professionnels carrières et rémunérations » (PPCR) pour les cadres A de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a représenté une hausse de coût de 2,5 millions d'euros n'a pas remis en cause cette baisse globale des dépenses de personnel .

En outre, l'indemnité de résidence à l'étranger des agents de la direction générale du Trésor concernés qui avait augmenté en 2017 du fait des évolutions de taux de change, a diminuée de 1,73 % entre 2017 et 2018 (1,8 million d'euros).

On constate cependant une hausse tendancielle de la part relative des dépenses de titre 2 au sein de la mission à périmètre constant, le rythme de diminution des autres dépenses (hors investissement) étant supérieur au rythme de diminution des dépenses de personnel . En 2012, les dépenses de personnel représentaient en effet 47,1 % des crédits de la mission, soit3 points de moins qu'en 2018. Vos rapporteurs spéciaux estiment que la réduction des dépenses d'intervention devrait pourtant s'accompagner d'une réduction des effectifs qui en ont la charge, et de la masse salariale correspondante, en particulier pour le programme 134.

5. Les économies sur les dépenses de fonctionnement ont subi un coup d'arrêt en 2018

Hors programme 343 et après neutralisation de la recapitalisation d'Areva, les dépenses de fonctionnement de la mission « Économie » affichent une hausse de 7,1 % en AE et de 0,7 % en CP .

Cette légère hausse trouve plusieurs facteurs d'explication, en particulier le déménagement de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP) qui doit cependant permettre des économies à plus long terme. De même, les dépenses de fonctionnement de l'INSEE sur le programme 220 sont en hausse du fait notamment de l'emménagement du centre de statistique de Metz dans des nouveaux locaux.

Les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux opérateurs accusent également une légère augmentation, encore que celle-ci soit légèrement inférieure à l'augmentation votée en LFI.

Évolution des subventions aux opérateurs du programme 134

(crédits de titre 3) (en CP) (en millions d'euros)

Exécution 2017

LFI

Exécution 2018

Exé 2018 / Exé 2017

Exé 2018 / LFI 2018

2018

ANFr - Agence nationale des fréquences

30,6

32

31,6

3,3 %

- 1,3 %

Business France (fusion AFII et Ubifrance)

92,1

95,3

93,8

1,8 %

- 1,6 %

EPARECA - Établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux

5,7

6

5,8

1,8 %

- 3,3 %

Total SCSP :

128,4

133,3

131,2

2,2 %

- 1,6 %

Seules sont mentionnées les subventions pour charges de service public (SCSP) du programme 134.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

6. Une nouvelle baisse de la subvention à la Banque de France en 2018 permise par des gains de compétitivité

La subvention à la Banque de France pour les prestations réalisées pour le compte de l'État notamment au titre du secrétariat des commissions de surendettement 150 ( * ) , qui avait augmenté en 2017 après plusieurs années consécutives de baisse, est à nouveau en baisse en 2018.

Évolution de la subvention versée à la Banque de France

(en millions d'euros) (titre 3) (en AE = CP)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

316,64

316,73

304,62

290

279,5

251,56

259,84

249,16

Source : documents budgétaires et questionnaire budgétaire

Cette nouvelle baisse montre que des gains de productivité sont encore possibles sur les missions confiées par l'État à la Banque de France. Celle-ci doit poursuivre ses efforts de dématérialisation des procédures et l'accélération du traitement des dossiers les moins complexes, permise par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

7. Le plan « France très haut débit » : des moyens effectivement mobilisés mais insuffisants au regard de l'ambition affichée

Le programme 343 porte une partie de la participation de l'État au financement du plan « France très haut débit » , qui s'élève à 3,3 milliards d'euros d'ici 2022 au total, soit la moitié du financement public engagé 151 ( * ) .

Le plan « France très haut débit »

Annoncé par le Premier ministre le 28 février 2013 dans le cadre de la feuille de route numérique du Gouvernement, le plan « France très haut débit » vise à déployer un réseau de fibre optique à très haut débit sur l'intégralité du territoire d'ici 2022, avec un objectif intermédiaire de 50 % des foyers couverts en 2017 . Sont considérés comme des réseaux « très haut débit » les réseaux offrant un débit supérieur à 30 Mbits/seconde, y compris avec des technologies « cuivre » ou « câble coaxial » traditionnelles. Seuls les réseaux entièrement en fibre optique ( Fiber to the Home - FttH ) offrent un débit supérieur à 100 mégaoctets. Le plan représente plus de 20 milliards d'euros d'investissements sur la période 2014-2022, ainsi répartis :

- 6 à 7 milliards d'euros dans les « zones d'initiative privée » , financés par les opérateurs. Ces zones dites « conventionnées » couvrent environ 10 % du territoire mais 57 % de la population dans les 3 600 communes les plus denses, et donc les plus rentables. Les opérateurs s'engagent à y déployer sur fonds propres des réseaux privés mutualisés entre tous les opérateurs ;

- 13 à 14 milliards d'euros dans les « zones d'initiative publique » . Ces zones moyennement ou peu denses, dites « non conventionnées », couvrent 43 % de la population. Y seront déployés des réseaux publics ouverts à tous les opérateurs, en FttH ou avec des technologies intermédiaires. Les réseaux d'initiative publique (RIP) seront financés à moitié par les opérateurs eux-mêmes (dans le cadre de co-financements), et à moitié par des subventions publiques (État, collectivités territoriales, Union européenne).

Sur le plan budgétaire , la participation de l'État au plan « France Très haut débit » a d'abord été portée, à hauteur de 900 millions d'euros, par le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Depuis 2014, les crédits restants, soit un total de 2,5 milliards d'euros, sont inscrits sur le programme 343 « Plan France très haut débit » .

La loi de finances initiale pour 2018 a prévu 208 millions d'euros en AE et aucun CP . Les montants effectivement engagés ont été légèrement moins importants, à 158,5 millions d'euros en AE. Le programme 343 n'étant destiné à porter que des autorisations d'engagement jusqu'en 2019, l'exécution du programme est conforme aux projections initiales du plan France très haut débit. En LFI 2019, le programme a porté les premiers CP à hauteur de 175,9 millions d'euros.

Des mesures spécifiques ont été annoncées en cours d'exécution, en particulier pour répondre au cas par cas aux difficultés rencontrées dans les Outre-Mer et pour mettre en place des solutions de substitution à la fibre optique y compris des technologies non filaires dans certains territoires ruraux. Cette dernière annonce intervient alors que la Cour des comptes avait estimé en 2017 que les objectifs du plan risquaient de ne pas être atteints, du fait que « l'insuffisance du co-investissement privé compromet l'atteinte de l'objectif de 100 % en 2022. » 152 ( * )

En 2018, 100 millions d'euros ont ainsi été fléchés vers la mise en place du guichet « Cohésion numérique » qui devrait être opérationnel en 2019. Celui-ci doit permettre aux usagers d'obtenir une subvention de 150 euros pour l'achat d'un appareil de réception satellite ou 4G fixe . Les opérateurs mobiles Orange et SFR se sont engagés à adapter leur offre « 4G fixe » en déployant 500 nouveaux sites d'émission dans les zones définies par le Gouvernement.

Vos rapporteurs spéciaux saluent le recours à des technologies hertziennes alternatives telles que la « 4G fixe » ou la réception par satellite pour les zones où le déploiement de réseaux physiques serait trop onéreux. Ils s'interrogent néanmoins sur l'évaluation des montants nécessaires, la somme de 100 millions d'euros ne faisant l'objet d'aucune justification précise . D'autre part, une vigilance particulière devra être maintenue sur la politique tarifaire des opérateurs , ceux-ci pouvant faire le choix à moyen terme d'augmenter leurs tarifs.


* 150 Le contrat de performance signé en 2011 entre l'État et la Banque de France prévoit un paiement au coût réel des prestations effectuées par la Banque de France pour le compte de l'État. Ces prestations sont : le secrétariat des commissions de surendettement ; la tenue du compte du Trésor ; la mise en circulation des monnaies métalliques neuves ; l'organisation des séances d'adjudication des valeurs du Trésor ; la gestion des accords de consolidation des dettes des États étrangers ; le secrétariat du comité monétaire de la zone franc.

* 151 Sur le plan budgétaire, la participation de l'État au plan « France très haut débit » est portée par deux outils :

- jusqu'en 2014, le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA), à hauteur de 900 millions d'euros ;

- depuis 2015, le programme 343 « Plan France très haut débit », qui prend le relais du FSN pour les financements restants, soit 2,1 milliards d'euros à horizon 2022.

* 152 Cour des Comptes, Les réseaux fixes de haut et très haut débit : un premier bilan, 31 janvier 2017.

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