PREMIÈRE PARTIE :
LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET
INDUSTRIES CULTURELLES »

La mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général concourt à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du développement et du pluralisme des médias, du secteur du livre et de la lecture, de l'industrie musicale et de la protection des oeuvres sur internet.

Elle est composée de deux programmes :

- le programme 180 « Presse et médias » vise à renforcer la vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias, notamment au niveau local1 ( * ). Le programme 180 représente 48 % des crédits de la mission ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et l'élargissement de la diffusion des oeuvres. Si l'État n'a pas vocation à se substituer aux acteurs privés du secteur culturel, il agit néanmoins afin d'assurer certains équilibres, tant en matière de diversité que d'accès à l'offre. 52 % des crédits de la mission sont affectés au programme 334.

Près de 50 % des dépenses de la mission relèvent du titre 6 « dépenses d'intervention ».

Observation n° 1 : le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 580,86 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 590,75 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une relative stabilité par rapport à la loi de finances pour 2019, l'écart entre les deux textes s'élevant à + 2,61 % en AE et à +1,95 % en CP.

Évolution des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles »
par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Une partie de cette progression relève d'une mesure de périmètre. La création du Centre national de la musique (CNM) au 1 er janvier 2020, qui sera rattaché au programme 334 se traduit par l'octroi d'une subvention pour charges de service public d'un montant de 7,50 millions d'euros. Le nouvel opérateur devrait également bénéficier de l'affectation de ressources historiquement dédiées au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), précédemment rattachées au programme 131 « Création » et estimées, dans le cadre du présent projet de loi de finances, à 0,495 million d'euros. Le CNM devrait ainsi percevoir 7,995 millions d'euros, majorant d'autant la dotation du programme 334.

Déduction faite de cette création, la progression des crédits de paiement de la mission entre 2019 et 2020 est ramenée à 0,57 %.

Évolution des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles »
à périmètre constant

(en euros)

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

Programme 180 : Presse et médias

280 047 363

284 397 363

+1,55 %

Action 01 : Relations financières avec l'AFP

133 476 239

139 476 239

+4,50 %

Action 02 : Aides à la presse

112 574 325

110 924 325

-1,47 %

Action 05 : Soutien aux médias de proximité

1 581 660

1 581 660

-

Action 06 : Soutien à l'expression radiophonique locale

30 748 639

30 748 6390

-

Action 07 : Compagnie internationale de radio et de télévision

1 666 500

1 666 500

-

Programme 334 : Livres et industries culturelles

299 401 665

298 357 665

-0,35 %-

Action 01 : Livre et culture

283 995 614

283 304 250

-0,24 %

Action 02 : Industries culturelles

15 406 051

15 053 415

-2,29 %

Total

579 449 028

582 755 028

+0,57 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Cette stabilité ne permet pas, cependant, à la mission de respecter la trajectoire retenue au sein de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2018-2022. L'écart entre le plafond prévu par la trajectoire pour 2020 et le montant prévu dans le projet de loi de finances s'élève à 42,8 millions d'euros à périmètre constant.

Trajectoire prévue pour la mission « Médias, livre et industries culturelles »
par l'article 15 de la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 et évolution des crédits (à périmètre constant)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Observation n° 2 : pour la deuxième année consécutive, le montant des crédits prévus en loi de finances dépasse le plafond retenu dans la trajectoire triennale adoptée dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022. À périmètre constant, l'écart entre le plafond retenu et le montant prévu des crédits atteint 42,8 millions d'euros, soit une différence de 7,9 % avec la cible retenue dans la loi.

I. LE PROGRAMME « PRESSE ET MÉDIAS » : UN SYSTÈME D'AIDES À REVOIR

Le montant des crédits du programme 180 « Presse et médias » demandé dans le cadre du présent projet de loi de finances, soit en légère hausse par rapport à celui accordé en loi de finances initiales pour 2019. Cette augmentation, à peine supérieure à celle du taux d'inflation en ce qui concerne les crédits de paiement, résulte de deux mouvements opposés : une majoration du soutien à l'Agence France Presse (+ 6 millions d'euros en crédits de paiement) et une poursuite de la baisse des aides à la presse (- 1,65 million d'euros).

Trois des cinq actions du programme (soutien aux médias de proximité, soutien à l'expression radiophonique locale, et compagnie internationale de radio et de télévision) devraient bénéficier en 2020 d'une dotation équivalente à celle adoptée pour l'exercice précédent. Constituées pour l'essentiel de dépenses de guichet, elles n'appellent pas de remarque particulière de la part de votre rapporteur spécial.

Évolution des crédits du programme 180 « Presse et médias » de 2019 à 2020

(en euros)

LFI 2019

PLF 2020

Variation 2020/2019 (%)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Relations avec l'Agence France Presse

137 476 239

133 476 239

139 476 239

139 476 239

+1,45

+4,50

02 - Aides à la presse

112 574 325

112 574 325

110 924 325

110 924 325

-1,47

-1,47

05 - Soutien aux médias de proximité

1 581 660

1 581 660

1 581 660

1 581 660

-

-

06- Soutien à l'expression radiophonique locale

30 748 639

30 748 639

30 748 639

30 748 639

-

--

07 - Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT)

1 666 500

1 666 500

1 666 500

1 666 500

-

-

180 - Presse et Médias

284 047 363

280 047 363

284 397 363

284 397 363

+0,12

+1,55

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

A. UNE NOUVELLE AIDE AU PLAN DE TRANSFORMATION DE L'AGENCE FRANCE PRESSE

Le soutien à l'Agence France Presse (AFP) constitue le premier poste de dépenses du programme 180. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une majoration de 4,50 % des crédits de paiement, qui devraient ainsi atteindre 139,48 millions d'euros.

Cette dotation globale distingue le paiement des abonnements commerciaux de l'État, soit 21 655 380 euros, de la subvention accordée à l'Agence, au titre de la compensation de ses missions d'intérêt général (MIG) 2 ( * ) , soit 117,82 millions d'euros.

Les crédits prévus pour les MIG progresseraient de 6 millions d'euros entre 2019 et 2020. Cette somme se décompose de la façon suivante :

- 1,5 million d'euros au titre de la revalorisation de la dotation courante de l`AFP pour la compensation de sa mission d'intérêt général ;

- 4,5 millions d'euros destinés à contribuer au plan stratégique 2018-2022 de transformation de l'agence.

1. Le plan stratégique 2018-2022

Le plan stratégique 2018-2022 présenté le 12 juillet 2018, vise à répondre au déséquilibre structurel de l'Agence, fragilisée par une baisse de ses recettes commerciales de 3,8 % sur la période 2014-2017 alors même que ses dépenses de personnel (76 % des charges de l'AFP), ont progressé de 3,7 % sur la même période.

Ce plan repose sur plusieurs axes, au premier rang desquels figure le développement massif de la vidéo, afin de permettre à l'AFP de devenir une véritable alternative à Reuters ou Associated press (AP). L'ambition affichée est de porter le chiffre d'affaires de l'agence lié à la photo et à la vidéo à 50 % de son activité à l'horizon 2022, contre 39 % en 2018. Le plan mise sur une ressource supplémentaire de 30 millions d'euros pour l'Agence d'ici à 2023. La mise en oeuvre d'une plateforme compétitive de présentation et de livraison de ses contenus doit venir appuyer cette réorientation.

L'Agence entend, dans le même temps, développer son activité de vérification de l'information ( fact-checking ), 40 experts ayant été recrutés en avril 2019 pour couvrir une vingtaine de pays.

Cette nouvelle ambition commerciale est accompagnée d'une réduction des charges importante. La nouvelle orientation stratégique table en effet sur une réduction de la masse salariale de 14 millions d'euros d'ici à 2023, avec la suppression nette de 95 postes (23 journalistes et 72 personnels techniques et administratifs). 85 % des réductions d'effectifs portent sur les effectifs du siège parisien. Un plan de départs volontaires et les départs naturels en retraite devraient concourir à la satisfaction de cet objectif.

Le contrat d'objectifs et de moyens avec l'État en cours d'élaboration prévoit la mise en oeuvre de nouveaux indicateurs ainsi que des objectifs chiffrés : une progression de 23 millions d'euros du chiffre d'affaires généré par l'exploitation de l'image d'ici 2023 et une augmentation de 4,5 millions d'euros du chiffre d'affaire liée à la lutte contre la désinformation.

2. Une augmentation continue de la dotation de l'État et une situation encore fragile

La majoration de la subvention de l'État à l'Agence s'inscrit dans le cadre de son soutien à ce plan. L'apport de l'État a été établi à 17 millions d'euros sur les exercices 2019 et 2020, dont 6 millions d'euros au titre du présent projet de loi. Cette augmentation des crédits s'accompagne, en outre, d'une modification du calendrier de versement : la subvention est désormais versée en une fois, en début d'année.

Votre rapporteur spécial ne peut que saluer ce soutien aux objectifs du plan, qui doivent permettre de renforcer le poids de l'AFP à l'échelle internationale. Le développement de son expertise en matière de lutte contre les fausses informations répond naturellement à la mission d'intérêt général qui lui est assignée par la loi et s'inscrit dans un cadre récemment consolidé par le législateur 3 ( * ) . L'AFP, seule agence européenne disposant d'un réseau international extrêmement solide, doit, de surcroît, faire face à une concurrence multiple, qu'il s'agisse de ses rivales américaines ou des agences des pays émergents, russes ou chinoises principalement, des services d'information des GAFA ou des agences spécialisées. Le développement de nouveaux modes de consommation et l'appétence pour la presse gratuite fragilisent également son activité.

Ce soutien doit cependant être exigeant. L'augmentation de la subvention de l'État comme les écarts entre la prévision en loi de finances initiale et l'exécution sont une constante depuis 2015 et la signature du précédent contrat d'objectifs et de moyens. Le montant des crédits versés à l'AFP au titre de ses missions d'intérêt général a, ainsi progressé de 12 % entre 2015 et 2020.

Votre rapporteur spécial s'interroge également sur le suivi des procédures à l'étranger concernant le personnel local de l'AFP, qui, en demandant la requalification, de son statut, entraîne des dépenses supplémentaires pour l'agence.

Évolution des crédits accordés à l'AFP au titre de ses missions d'intérêt général (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Sur la période 2016-2018, l'écart cumulé entre les crédits consommés et ceux accordés en loi de finances initiale s'élève, quant à lui, à 11,01 millions d'euros.

Écart entre les crédits prévus en loi de finances initiale et les crédits consommés de 2016 à 2018

(en euros)

Année

LFI

Exécution

Écart (en %)

2016

105 820 859

107 420 859

+ 1,5 %

2017

110 820 859

117 820 589

+ 6,3 %

2018

109 820 859

111 694 027

+ 2,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports annuels de performance

Cette tendance à un soutien supplémentaire en cours d'année pourrait être confirmée à l'issue du présent exercice. Les premiers mois d'exécution du budget 2019 de l'Agence viennent, en effet, souligner que l'accroissement souhaité des produits d'exploitation ne s'accentue pas sur le début de l'année. Ainsi, fin juin 2019, les produits affichent un retard de 2,5 % (- 2,1 millions d'euros) par rapport à la prévision inscrite dans le budget et une baisse de 2,2 % (- 1,9 million d'euros) par rapport à 2018. Le retard concerne principalement la photo (- 3,1 %, 0,73 million d'euros) et la vidéo (- 12,8 %, soit -1,75 million d'euros), qui constituent la principale priorité du plan de transformation.

Dans ces conditions, et au-delà de la réduction des effectifs, il apparaît indispensable que des efforts soient mis en oeuvre en vue d'une diminution des charges hors personnels, en réformant la direction des ressources humaines et le pilotage de celle des achats. Des plans d'actions ont été adoptés à la suite du rapport de la Cour des comptes de mai 2018 sur la gestion 2014-2016 de l'Agence Ils doivent désormais être pleinement opérants. L'outil de gestion des temps et des activités (GTA) n'est, ainsi, toujours pas actif.

Dans le même temps, une réflexion sur la stratégie immobilière de l'Agence s'agissant de son siège parisien doit aboutir, en veillant à respecter au mieux les fonds versés par l'État. Le regroupement des équipes parisiennes sur le seul site de la Place de la Bourse pourrait générer, à terme, des économies de l'ordre de 2,5 millions d'euros, via notamment la fin du bail rue Vivienne. Reste que le préalable à celui-ci passe par des travaux dans le siège historique de l'agence estimés pour l'heure à 8 millions d'euros.

Observation n° 3 : le présent projet de loi de finances prévoit une majoration de la dotation accordée à l'Agence France Presse de 6 millions d'euros, afin d'accompagner la mise en oeuvre du plan stratégique 2018-2022, visant la réforme de son fonctionnement et le développement de son activité. Ce soutien doit être salué car il doit permettre de renforcer le poids de l'AFP à l'échelle internationale. Il doit néanmoins être exigeant et s'accompagner d'une réelle ambition s'agissant de la gestion des ressources humaines de l'AFP ou de sa stratégie immobilière. L'écart entre la loi de finances initiale et l'exécution en dépend.


* 1 L'audiovisuel public fait l'objet d'un compte de concours financiers (cf infra).

* 2 Articles 1 er , 2 et 13 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France Presse.

* 3 Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information.

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