Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Emmanuel CAPUS et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 31

TRAVAIL ET EMPLOI

Rapporteurs spéciaux : M. Emmanuel CAPUS et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Les principales observations de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

1) La diminution des crédits de la mission constatée les années précédentes respecte la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 , et traduit la nécessaire contribution du ministère du travail et de ses opérateurs au redressement des finances publiques. La stabilisation des crédits prévue pour 2020 et les années suivantes doit permettre de concentrer les efforts sur l'accès à l'emploi et sur la formation des publics qui en sont aujourd'hui le plus éloignés.

2) Cette diminution est également à replacer dans le cadre d'une amélioration de la situation de l'emploi. En effet, selon l'INSEE, au deuxième trimestre 2019, le chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s'établit à 8,5 % de la population active , soit 0,6 point sous son niveau de 2018 et 2 points sous son niveau de 2015 . Le chômage de longue durée (au moins un an) continue de baisser , s'établissant à 3,1 % de la population active, soit 0,4 point de moins qu'un an auparavant.

3) La hausse des moyens humains de Pôle emploi se traduit par une hausse du plafond d'emplois de 950 ETPT en 2020. Cette évolution s'accompagne d'une réorientation de l'offre d'accompagnement, en phase avec la situation actuelle du marché du travail et de l'emploi.

5) Les parcours emploi-compétences (PEC) constituent un progrès qualitatif certain par rapport aux anciennes formules de contrats aidés , qui visaient davantage à améliorer artificiellement les statistiques du chômage qu'à répondre aux besoins réels et individuels des personnes concernées, comme en attestent leurs faibles performances en termes de sortie dans l'emploi durable. Ce dispositif poursuit sa montée en puissance en 2020.

6) L'augmentation conséquente des moyens consacrés au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) , qui a démontré son efficacité pour l'inclusion des personnes les plus précaires se justifie d'autant plus que ces publics ne bénéficient pas spontanément de l'amélioration globale de la situation de l'emploi.

7) Le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) constitue un volet important de la politique du Gouvernement, tournée vers les publics les plus éloignés de l'emploi et visant à renforcer leur autonomie plutôt qu'à subventionner des contrats aidés. Après la signature des pactes d'investissements dans les compétences avec les régions en 2019, l'année 2020 sera celle de pleine montée en régime du PIC . L'impact de la baisse de 120 millions d'euros attendue devra être évalué à l'aune d'une probable sous-consommation des crédits . Il était cependant nécessaire de compenser la suppression de l'article 79 du présent projet de loi de finances pour préserver l'équilibre financier de ce budget.

8) Les « emplois francs » constituent un dispositif intéressant en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), qui font face à des problématiques spécifiques en matière d'emploi . En 2017, le taux de chômage en QPV (24,7 %) est 2,5 fois supérieur à celui des autres quartiers des unités urbaines engloblantes (9,2 %). La méthode suivie est toutefois surprenante et interroge, car la décision de généralisation précède le rapport d'évaluation devant être remis au Parlement.

Les principales observations de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

1) La stabilisation constatée en 2020 du budget de la mission « Travail et emploi » fait suite à deux années de très importante baisse des crédits. Sur le champ de la norme de dépenses pilotables, ceux-ci auront connu une diminution de l'ordre de 25 % entre 2017 et 2020 .

2) L'amélioration apparente du taux de chômage ne saurait justifier une telle cure d'austérité pour le ministère du travail . Ces statistiques sont à prendre avec précaution. Tout d'abord, la définition du chômage au sens du BIT est très restrictive . Ensuite, force est de constater que certaines catégories d'actifs restent très éloignées de l'emploi. Ces évolutions s'inscrivent également dans un contexte d'augmentation constante des emplois précaires, qui est une tendance de fond du paysage social français liée aux politiques de flexibilisation du marché du travail . Entre 2001 et 2017, le nombre d'entrées annuelles en contrat à durée déterminée (CDD) a été multiplié par 2,5.

3) La traduction la plus regrettable de ces orientations budgétaires est la baisse constante des effectifs du ministère du travail. Les emplois sous plafond ont diminué de près de 10 % depuis 2017 , alors même que la situation de l'emploi nécessite plus que jamais un renforcement de l'accompagnement et des moyens humains.

4) La hausse des effectifs de Pôle emploi est louable en soi, mais l'on ne saurait en attribuer le mérite au Gouvernement , qui a décidé cette année une nouvelle diminution, à hauteur de près de 10 %, de la subvention pour charges de service public allouée à cet opérateur. Au contraire, celle-ci est bien financée par une hausse de 1 point de la contribution de l'Unédic (portée à 11 % de ses ressources). L'État, qui a par ailleurs imposé une réforme de l'assurance-chômage restreignant considérablement les droits des demandeurs d'emploi dans le seul but de générer 4,5 milliards d'euros d'économie pour l'Unédic à horizon 2022, fait ainsi supporter aux chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l'emploi.

5) Les PEC constituent un outil intéressant en termes d'accompagnement qualitatif des demandeurs d'emploi. La stabilisation des crédits qui leur sont alloués, là encore, ne compense pas la baisse très importante (presque par 5) des moyens consacrés aux contrats aidés sur les dernières années.

6) Par-delà les effets d'affichage, il convient de rappeler que le PIC, dont les intentions sont par ailleurs louables, inclue des dispositifs préexistants tels que la Garantie jeunes et que le montant de 13,8 milliards d'euros annoncé ne pourra être atteint que grâce à l'attribution de fonds de concours de France compétences et du Fonds social européen. La diminution de 120 millions d'euros des crédits du PIC constitue un très mauvais signal. Alors que la formation des chômeurs était affichée comme l'une des priorités du Gouvernement, elle s'avère être sa variable d'ajustement.

7) Les suites à l'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée » tardent à être données alors même que l'intérêt du dispositif est manifeste. Le fait d'inclure dans l'emploi des chômeurs de longue durée non par des contrats précaires ou aidés mais bien par des CDI génère une dynamique très positive pour leur parcours de vie comme pour leur territoire , dont le tissu associatif se trouve renforcé et dont l'économie locale bénéficie, du fait de leur pouvoir d'achat accru. Votre rapporteure spéciale en appelle à ce que l'on procède rapidement à un nouvel élargissement des territoires concernés . Une centaine de territoires sont d'ores et déjà prêts à mettre en place cette expérimentation.

Enfin vos rapporteurs spéciaux déplorent le retrait du financement de l'État aux maisons de l'emploi et en appellent, compte tenu du rôle de ces structures en matière de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, à leur allouer sur les crédits de la mission « Travail et emploi » une dotation de 10 millions d'euros.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 29 % des réponses étaient parvenus à vos rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Travail et emploi ».

I. LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » EN 2020

A. UN BUDGET 2020 S'INSCRIVANT DANS LA CONTINUITÉ DE L'ANNÉE PRÉCÉDENTE

1. Avec 12,8 milliards d'euros de crédits de paiements demandés pour 2020, le budget de la mission se stabilise

Le budget de la mission « Travail et emploi » se stabilisera en 2020 .

Les autorisations d'engagement (AE) demandées s'élèvent à 13,52 milliards d'euros en projet de loi de finances pour 2020 contre 13,41 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2019 soit une hausse de + 0,81 %.

Les crédits de paiement (CP) demandés s'élèvent à 12,78 milliards d'euros en projet de loi de finances pour 2020 contre 12,45 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2019, soit une augmentation de + 2,58 %.

La mission se décompose en quatre programmes :

- le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » se fixe pour objectif principal de favoriser l'accès et le retour à l'emploi de tous les publics en s'appuyant sur les structures du service public de l'emploi et en mobilisant au mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi. Les crédits demandés pour ce programme en 2020 sont stables . Ils s'élèvent à 6,37 milliards d'euros en AE (contre 6,27 milliards d'euros en 2019) et à 6,34 milliards d'euros en CP (contre 6,44 milliards d'euros) 2019) ;

- le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » se fixe pour objectifs de sécuriser l'emploi par l'anticipation des mutations économiques, contribuer à la revitalisation des territoires et au reclassement des salariés licenciés pour motif économique, faciliter l'insertion dans l'emploi par le développement de l'alternance et enfin édifier une société de compétences via le Plan d'investissement dans les compétences (PIC). Les crédits demandés pour ce programme sont stables en AE autour de 6,4 milliards d'euros , et en augmentation en CP, qui sont portés à 5,66 milliards d'euros en 2020 contre 5,23 milliards d'euros l'année précédente, soit une hausse de 12,90 %.

- le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail » vise notamment à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur privé concurrentiel, contribuer à la prévention et à la réduction des risques professionnels, à la dynamisation de la négociation collective et à l'amélioration du dialogue social et enfin à lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement, en s'appuyant sur les services de l'inspection du travail. Les crédits augmentent tant en AE, passant de 56,97 millions d'euros en 2019 à 69,7 millions d'euros en 2020, qu'en CP, passant de 87,89 millions d'euros à 99,34 millions d'euros.

- enfin, le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » constitue le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère du travail, portant l'ensemble de ses emplois. Les crédits demandés pour 2020 diminuent légèrement, tant en AE, passant de 660,25 millions d'euros en 2019 à 669,29 millions en 2020, qu'en CP, passant de 688,65 millions d'euros à 668,25 millions d'euros. Il est à noter que les crédits du programme 155 portent l'intégralité des dépenses de personnel du ministère du travail, soit 598,95 millions d'euros.

Les crédits des programmes de la mission « Travail et emploi » LFI 2019 et en PLF 2020

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les projets annuels de performance de la mission « Travail et emploi » annexés aux projets de loi de finances pour 2019 et pour 2020

2. Une trajectoire qui se conforme à la programmation triennale 2018-2022

Les dépenses de la mission relevant de la norme de dépenses pilotables (hors CAS pensions) s'établissent à 12,60 milliards d'euros, soit un montant conforme à la prévision triennale établie en loi de programmation des finances publiques (12,58 milliards d'euros).

La programmation triennale 2018-2020 des crédits de la mission « Travail et emploi » (hors contribution au CAS pensions)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la loi de programmation des finances publiques 2018-2022

La nouvelle programmation triennale 2018-2020 fait apparaître une légère augmentation des crédits, qui se stabiliseraient autour de 13,3 milliards d'euros , soit à un niveau supérieur d'un peu moins de 2 % au niveau actuel.

La programmation triennale 2020-2022 des crédits de la mission « Travail et emploi » (hors contribution au CAS pensions)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performance de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

3. Des dépenses de personnel qui poursuivent leur trajectoire baissière

Les dépenses de personnel représentent 598,95 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2020 . Celles-ci s'établissaient à 614,46 millions d'euros en 2019, soit une diminution de 15,51 millions d'euros . Cette diminution fait suite à une baisse de 8 millions d'euros des dépenses de personnel entre 2018 et 2019.

Opérateurs inclus, les emplois de la mission s'élèvent ainsi en 2020 à 62 941, soit 2,67 % de l'emploi public total.

Ventilation par nature des crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » en 2020

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performance de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

Cette évolution se traduit notamment par un rythme soutenu de baisse des effectifs du ministère du travail (hors opérateurs) . Après une diminution des effectifs de - 223 ETP en 2018 et de - 233 ETP en loi de finances pour 2019, le schéma d'emploi pour 2020 prévoit une nouvelle diminution de - 226 ETP . Le plafond d'emploi est quant à lui fixé à 8 599 ETPT, soit 253 ETPT de moins qu'en loi de finances pour 2019.

Sur la période 2017-2020, le plafond d'emplois a ainsi connu une baisse de 924 ETPT, dont 673 ETPT traduisent les efforts du ministère en matière de maîtrise de ses effectifs (hors mesures de périmètre) .

Évolution du plafond d'emplois du ministère du travail sur 2017-2020

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses du ministère du travail au questionnaire budgétaire

Hors le cas d'un poste transféré au ministère de l'intérieur, la diminution prévue en 2020 traduit exclusivement (252 ETPT) l'effort du ministère.

Cette nouvelle diminution des effectifs, dont les modalités de mise en oeuvre précises seront arrêtées courant 2020, pourra notamment être atteinte via des mutualisations de fonctions support au sein des services déconcentrés et un effort accru de numérisation des services de l'État (à titre d'exemple, le traitement des ruptures conventionnelles pourrait être quasi-entièrement numérisé au cours de l'année 2020).

La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

À titre liminaire, votre rapporteur spécial rappelle que les 12,8 milliards de crédits de la mission « Travail et emploi » ne représentent qu'une minorité des dépenses publiques en faveur du marché du travail et de l'emploi , qui s'élevaient en 2017 à 139 milliards d'euros (soit 6,1 % du PIB), en incluant l'ensemble des dépenses générales (allègements de charges, CICE, etc .) et des dépenses ciblées (dont les allocations chômage et l'ensemble des dépenses consacrées au service public de l'emploi) 1 ( * ) .

La diminution des crédits de la mission constatée les années précédentes respecte la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 , et traduit la nécessaire contribution du ministère du travail et de ses opérateurs au redressement des finances publiques. La stabilisation des crédits prévue pour 2020 et les années suivantes doit permettre de concentrer les efforts sur l'accès à l'emploi et sur la formation des publics qui en sont aujourd'hui le plus éloignés.

Elle est également à replacer dans le cadre d'une amélioration de la situation de l'emploi. En effet, selon l'INSEE 2 ( * ) , au deuxième trimestre 2019, le chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s'établit à 8,5 % de la population active , soit 0,6 point sous son niveau de 2018 et 2 points sous son niveau de 2015 . Le chômage de longue durée (au moins un an) continue de baisser , s'établissant à 3,1 % de la population active, soit 0,4 point de moins qu'un an auparavant.

La baisse constatée des effectifs du ministère s'inscrit dans le cadre plus large de la réforme de l'État , portée au niveau interministériel par les plans Action publique 2022 (AP 2022) et Organisation territoriale de l'État (OTE). Celle-ci devrait aller de pair avec une revue des missions et des redéploiements d'effectifs cohérents avec les priorités de la politique de l'emploi : moins d'effectifs sur des postes de contrôle et un renforcement des moyens humains sur la formation et l'apprentissage. Cette baisse doit enfin être appréhendée dans le cadre global d'une hausse du schéma d'emploi de l'État de 196 ETP en 2020, concentrée sur les missions régaliennes.

La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale rappelle que la stabilisation constatée en 2020 du budget de la mission « Travail et emploi » fait suite à deux années de très importante baisse des crédits. Sur le champ de la norme de dépenses pilotables, ceux-ci auront connu une diminution de l'ordre de 25 % entre 2017 et 2020 .

L'amélioration apparente du taux de chômage ne saurait justifier une telle cure d'austérité pour le ministère du travail . Ces statistiques sont à prendre avec précaution : tout d'abord, la définition du chômage au sens du BIT est très restrictive 3 ( * ) . Le « halo autour du chômage », soit les personnes inactives au sens du BIT mais souhaitant un emploi reste stable, représente encore en 2019 près de 1,5 million de personnes.

Ensuite, force est de constater que certaines catégories d'actifs restent très éloignées de l'emploi : le taux de chômage des jeunes à la mi-2019 s'établit à 19,2 %, soit 0,6 point de plus qu'un an plus tôt 4 ( * ) . Le taux de chômage des travailleurs handicapés s'élève également à 19 % 5 ( * ) .

Ces évolutions s'inscrivent également dans un contexte d'augmentation constante des emplois précaires, qui est une tendance de fond du paysage social français liée aux politiques de flexibilisation du marché du travail . Entre 2001 et 2017, le nombre d'entrées annuelles en contrat à durée déterminée (CDD) a été multiplié par 2,5, de sorte que celles-ci représentent près de 84 % des créations d'emploi pour les entreprises de plus de 50 salariés. La part des CDD de moins d'un mois est passée de 57 % en 1998 à 83 % en 2017 6 ( * ) . L'on assiste également depuis quelques années à une hausse considérable de l'emploi intérimaire : à la mi-2019, on 794 000 intérimaires en fin de trimestres peuvent être comptés contre 583 000 à la même période en 2012 7 ( * ) . La réforme de l'assurance chômage, en diminuant les droits des demandeurs d'emploi, est bien entendu de nature à amplifier ces phénomènes.

La traduction la plus regrettable de ces orientations budgétaires est la baisse constante des effectifs du ministère du travail. Les emplois sous plafond ont diminué de près de 10 % depuis 2017 , alors même que la situation de l'emploi nécessite plus que jamais un renforcement de l'accompagnement et des moyens humains. « Action publique 2022 » et « Organisation territoriale de l'État » sont les autres noms de l'affaiblissement de la présence du ministère du travail sur le territoire.

B. LES CRÉDITS ET LES EMPLOIS DES OPÉRATEURS

En 2020, les programmes de la mission « Travail et emploi » seront chefs de file de sept opérateurs :

- Pôle emploi (Programme 102) ;

- l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide) (Programme 102) ;

- France compétences (Programme 103), bien que cette agence soit financée par la taxe d'apprentissage ;

- l'Agence nationale pour formation professionnelle des adultes (AFPA) (Programme 103) ;

- le Centre INFFO (Programme 103) ;

- l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) (Programme 111) ;

- l'Institut national du travail, de l'emploi et la formation professionnelle (Intefp) (Programme 155).

La mission concourt en outre au financement de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l'alimentation et de l'environnement et du travail (ANSES).

Les crédits alloués aux opérateurs en 2018, 2019 et 2020

(en milliers d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les subventions pour charges de service public allouées aux opérateurs sont stables, hormis celle perçue par Pôle emploi qui diminue de près de 10 % en 2020.

Les emplois sous plafond des opérateurs augmentent de 356 ETPT, après une diminution de 458 ETPT en 2019. Peuvent être notées l'augmentation importante des emplois sous plafond de Pôle emploi (+ 950 ETPT) et la forte baisse des emplois sous plafond de l'AFPA
(- 574 ETPT), liée à l'actuel plan de transformation de cette agence.

Variation 2020/2019 des charges de service public et des plafonds d'emplois des opérateurs de la mission « Travail et emploi »

(en milliers d'euros et en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performance « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

La diminution des crédits des opérateurs, comme celle du ministère du travail, est une composante nécessaire du redressement des finances publiques .

Votre rapporteur spécial salue néanmoins la hausse des moyens humains de Pôle emploi qui se traduit, après plusieurs années de diminution des effectifs, par une hausse du schéma d'emploi de 950 ETPT en 2020. Cette évolution s'accompagne d'une réorientation de l'offre d'accompagnement, en phase avec la situation actuelle du marché du travail et de l'emploi . Celle-ci permet une prise en charge accrue des chômeurs qui en ont le plus besoin, et va de pair avec la mise en place d'outils innovants d'accompagnement tels que le « pacte de démarrage », fondé sur une approche plus collective de la recherche d'emploi. Partant du constat que le chômage structurel constaté aujourd'hui procède pour une grande part des difficultés de recrutement auxquelles les employeurs font face, notamment dans certains secteurs en tension de l'industrie, Pôle emploi prévoit un renforcement significatif de l'accompagnement des entreprises, qui mobilise actuellement 4 300 conseillers. La convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi en cours de négociations déterminera les grands objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre pour Pôle emploi dans les prochaines années.

L'AFPA poursuit sa réforme, indispensable pour redresser sa situation financière . Fin 2018, l'excédent brut d'exploitation de l'agence s'établissait encore à - 68,7 millions d'euros. Si un certain retard dans la mise en oeuvre du plan de transformation a pour le moment été constaté, des précautions ont été prises de manière à ce que la transition s'opère dans les meilleures conditions possibles, notamment en privilégiant, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi en cours, un plan de départ volontaire sur les éventuels licenciements. Un contrat d'objectif et de moyens doit être conclu avec l'État avant la fin de l'année 2019. Celui-ci reste dans son rôle en maintenant la subvention pour charges de service public à son niveau de l'an passé, soit 110 millions d'euros.

Enfin, la situation financière de l'ANACT est bonne et la baisse de sa subvention pour charges de service public est modérée au regard des orientations budgétaires globales qui affectent la mission. Des axes d'améliorations subsistent pour cet opérateur, relevés par la Cour des comptes dans son dernier référé du 24 mai 2019, notamment en matière de rationalisation de ses missions et de pilotage du réseau des ARACT.

La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale ne peut que déplorer la baisse d'année en année des subventions pour charges de service public et des effectifs des opérateurs de la politique de l'emploi, qui relève soit d'une logique budgétaire, soit, comme dans le cas de l'AFPA, d'une logique de libéralisation.

La hausse des effectifs de Pôle emploi cette année est louable en soi, mais l'on ne saurait en attribuer le mérite au Gouvernement , qui a décidé cette année une nouvelle diminution, à hauteur de près de 10 %, de la subvention pour charges de service public allouée à cet opérateur. Au contraire, celle-ci est bien financée par une hausse de 1 point de la contribution de l'Unédic (portée à 11 % de ses ressources). L'État, qui a par ailleurs imposé une réforme de l'assurance-chômage restreignant considérablement les droits des demandeurs d'emploi dans le seul but de générer 4,5 milliards d'euros d'économie pour l'Unédic à horizon 2022, fait ainsi supporter aux chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l'emploi. Cette décision s'inscrit dans une tendance de fond consistant à demander à l'Unédic le financement de politiques distinctes de sa mission première (indemniser les chômeurs) qui, comme l'a montré récemment l'observatoire français des conjonctures économiques, constitue la cause réelle de l'accroissement de la dette de cet établissement 8 ( * ) .

En outre, cette hausse des effectifs, qui sera en partie absorbée par le renforcement de l'accompagnement des entreprises et ne sera donc pas uniquement centrée sur les publics les plus éloignés de l'emploi, ne compense pas les baisses très importantes enregistrées ces dernières années, et contraste avec les importants efforts engagés à cet égard lors du précédent quinquennat . Ainsi, de 2013 à 2017, les effectifs totaux s'établissaient à près de 50 000 ETPT contre moins de 47 000 en 2020. Cette évolution est notamment liée à la suppression de tout recrutement « hors plafond » en CDD ou en contrat aidé à Pôle emploi.

Évolution des effectifs de Pôle emploi

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire

Les difficultés de l'AFPA sont la conséquence attendue de l'intégration dans le champ concurrentiel, prévue par l'ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016, des missions de service public qu'elle exerce . Le plan de transformation affaiblira encore l'opérateur et se traduira par une baisse de la qualité du service rendu, ainsi que par une diminution de sa présence sur le territoire : dans certains département, on ne compte aujourd'hui plus aucun centre AFPA. Le plan de transformation emporte également de lourds risques sur la santé les personnels de l'AFPA. La forte dégradation des indicateurs socio-sanitaires traduit en effet une situation alarmante à laquelle il convient que les autorités apportent une réponse. La mise en concurrence dans le cadre des marchés publics passés au titre du Plan d'investissement dans les compétences marginalise l'AFPA alors que celle-ci aurait un rôle important à jouer dans sa mise en oeuvre, notamment au titre de sa mission d'utilité sociale qui combine qualité de la formation et accès à la formation pour tous.

C'est d'autant plus dommageable qu'elle a su, par le passé, démontrer une efficacité sociale élevée, avec un taux d'entrée en emploi supérieur à la moyenne des organismes de formation.

Votre rapporteure spéciale sera vigilante concernant le déroulement de l'actuel plan de sauvegarde de l'emploi, et appelle à ce qu'aucun licenciement économique ne soit prononcé.

Peut enfin être déplorée la baisse d'année en année de la subvention pour charges de service public de l'ANACT (- 10 % depuis 2015).

II. LES PRINCIPALES POLITIQUES PUBLIQUES PORTÉES PAR LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » EN 2020

A. LES POLITIQUES DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle sont portées par le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » et le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Leur responsable de programme (R-Prog) est le délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

Ces deux programmes représentent 95 % des crédits de la mission.

1. Le fonds d'inclusion dans l'emploi monte en puissance

Créé par une circulaire du 11 janvier 2018 9 ( * ) , le fonds d'inclusion dans l'emploi rassemble les crédits consacrés aux contrats aidés (dont les parcours emploi compétences), à l'insertion par l'activité économique (IAE), aux aides au poste dans les entreprises adaptées (EA) et les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ), afin de permettre aux préfets de région une gestion globale de ces dispositifs.

Ce fonds s'appuie en outre sur une programmation annuelle et non plus semestrielle , comme cela était le cas précédemment.

a) Une stabilisation des parcours emploi compétences

Le volume des entrées dans les parcours emploi compétences (PEC) prévu pour 2020 est maintenu au niveau de 2019 , soit 100 000 contrats . 81 007 PEC ont été conclus au 30 septembre 2019. Entendue par vos rapporteurs spéciaux, la DGEFP considère que l'objectif de 100 000 devrait être atteint en 2020.

Le taux de prise en charge de ces contrats, comme l'année précédente, est de 50 % du Smic brut en métropole et de 60 % en outre-mer. Le financement de ce dispositif représente un montant de 427,33 millions d'euros en AE et de 204,54 millions d'euros en CP .

La DARES publiera une première évaluation des PEC au printemps 2020.

Le budget de l'année 2020 prévoit également le financement du reliquat de dispositifs de contrats aidés éteints (CUI-CAE, CUI-CIE, emplois d'avenir), représentant un montant total de 190,62 millions d'euros .

Les parcours emploi compétences (PEC)

La création des parcours emploi compétences, qui repose sur le même support juridique que les contrats aidés, vise un recentrage du dispositif sur l'objectif structurel d'insertion professionnelle des personnes éloignées du marché du travail par l'acquisition de compétences professionnelles .

Cette transformation qualitative se concrétise par la mise en place d'un triptyque emploi-accompagnement-formation : accompagnement renforcé du bénéficiaire, sélection des employeurs en fonction de leurs capacités à proposer les conditions d'un parcours insérant, à travers la formation et l'engagement à développer des compétences et les qualités professionnelles du salarié.

La circulaire du 11 janvier 2018 a, dans ce cadre, recentré la prescription des contrats aidés en faveur des publics éloignés du marché du travail pour lesquels :

- la formation n'est pas en tant que telle ou de façon isolée l'outil approprié (le frein d'accès à l'emploi ne relève pas d'un défaut de qualification mais plutôt d'un manque d'expérience et de savoir-être professionnel, d'une rupture trop forte avec le monde éducatif) ;

- les raisons de leur éloignement à l'emploi (défaut d'expérience, de compétence, de savoir-être) ne relèvent pas de freins périphériques justifiant un parcours dans une structure dédiée à l'insertion (par exemple d'insertion par l'activité économique).

Ce recentrage suppose de dépasser le raisonnement par catégorie administrative, l'orientation en parcours emploi compétences s'appuyant désormais sur le diagnostic global conduit par le conseiller du service public de l'emploi .

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire budgétaire

b) Une hausse des moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique

Issue des mouvements de l'économie sociale et solidaire dans les années 1980, l'insertion par l'activité économique (IAE) s'adresse aux personnes les plus éloignées de l'emploi , notamment les actifs peu qualifiés, titulaires de minima sociaux ou encore demandeurs d'emplois de très longue durée (DETLD). L'IAE constitue une réponse structurelle à l'objectif d'insertion de ces personnes, qui ne bénéficient pas spontanément de la reprise économique et pour lesquelles la formation professionnelle ne constitue pas une réponse adaptée. L'IAE permet ainsi le renforcement de leur employabilité par la mise en situation de travail, doublée d'un accompagnement personnalisé. Le secteur contribue par ailleurs à la création d'activités économiques ancrées localement et investissant des activités non prises en charge par le marché (services d'aide à la personne, circuits courts dans l'agroalimentaire...).

Les structures traditionnelles de l'IAE sont au nombre de quatre. Les associations intermédiaires (AI) et les ateliers et chantiers d'insertion (ACI) ont le statut d'association et s'adressent aux publics les plus éloignés de l'emploi. Les entreprises d'insertions (EI) et les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) peuvent disposer du statut d'entreprise et ont un modèle économique comportant une part de commercialisation plus importante. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a également prévu l'instauration en 2020 et à titre expérimental d'entreprises pour l'insertion par le travail indépendant (EITI).

Situation des bénéficiaires des SIAE entrés en 2016, 2017 et 2018

2016

2017

2018

Type de SIAE

Part des titulaires d'un minimum social (RSA, ASS et AAH)

Part des DETLD
(> 2 ans de chômage)

Part des titulaires d'un minimum social (RSA, ASS et AAH)

Part des DETLD
(> 2 ans de chômage)

Part des titulaires d'un minimum social (RSA, ASS et AAH)

Part des DETLD

(> 2 ans de chômage)

EI

47 %

35 %

44 %

35 %

38 %

37 %

ETTI

31 %

17 %

30 %

18 %

30 %

31 %

AI

26 %

12 %

24 %

13 %

23 %

28 %

ACI

66 %

49 %

65 %

50 %

60 %

43 %

Source : ministère du travail réponse au questionnaire, d'après les données DARES (données provisoires pour 2018 : la progression de la part de DETLD s'explique en partie par l'amélioration des déclarations dans le nouvel extranet ASP)

En 2020, le financement par l'État du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) s'élève à 1,02 milliards d'euros , soit une augmentation de 112,28 millions d'euros par rapport à 2019.

Cette augmentation s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui fixe comme objectif l'accompagnement de 100 000 personnes supplémentaires en 2022 par des structures d'IAE par rapport à 2017, soit un objectif de 240 000 personnes en parcours. Cet objectif s'est traduit par l'adoption d'un Pacte d'ambition pour l'IAE (cf. encadré ci-dessous).

Le pacte d'ambition pour l'IAE

L'année 2020 sera consacrée à la mise en oeuvre du pacte d'ambition pour l'IAE remis à la ministre du travail le 12 septembre 2019 en présence du président de la République. Ce pacte, co-construit avec les acteurs de l'IAE par la DGEFP et le Conseil de l'inclusion dans l'emploi, a pour objectif de transformer le secteur et de répondre à l'objectif de création de 100 000 emplois supplémentaires d'ici 2022 fixé par la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Ainsi, la mise en oeuvre de ce pacte s'articulera autour des cinq axes suivants :

1) Accompagner chaque bénéficiaire de l'IAE selon ses besoins en mobilisant tous les formats de parcours offerts par les SIAE, en créant un CDI inclusion pour les seniors, en développant les parcours d'alternance au sein de l'IAE. Cela passera également par l'accès facilité à la formation des salariés en insertion via la poursuite de la mise en oeuvre de l'accord-cadre national signé le 28 mai 2018 avec les têtes de réseaux de l'IAE et les principaux opérateurs de compétences (OPCO) permettant la mobilisation chaque année de 60 millions d'euros du Plan d'investissement dans les compétences (PIC).

2) Innover et libérer le potentiel de création d'emplois en augmentant le nombre de SIAE en activité et le nombre de parcours d'insertion (+100 000 d'ici 2022) en favorisant le développement des projets tout en maîtrisant le coût du dispositif. Il s'agira également de garantir un meilleur développement économique aux quatre structures de l'IAE et de tripler les parcours de professionnalisation pour les personnes éligibles à l'IAE au sein des GEIQ. L'expérimentation de nouveaux modèles d'insertion, notamment les entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI), concourt aussi au respect de cet objectif.

3) Rallier toutes les entreprises à la cause de l'insertion en accélérant le déploiement des clauses sociales dans la commande publique et les achats privés. La création de contrats « passerelle entreprise » aura pour objectif de faciliter la transition et d'accompagner les bénéficiaires dans l'emploi durable à la sortie de SIAE. En outre, des modules de sensibilisation des dirigeants d'entreprises aux enjeux de l'inclusion seront mis en oeuvre.

4) Renforcer l'ancrage territorial de l'IAE par une transformation de la gouvernance en passant d'une logique administrative uniforme à une animation coordonnée au plus près des besoins. Il s'agira d'apporter un soutien spécifique aux territoires fragiles, de mobiliser les acteurs locaux et de développer le rapprochement et la coopération entre les structures.

5) Simplifier, digitaliser et co-construire l'écosystème de l'IAE avec la création d'une Plateforme de l'Inclusion pour simplifier les procédures et d'une Académie de l'Inclusion pour former les acteurs de l'IAE et harmoniser les bonnes pratiques.

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire

Le soutien de l'État se compose essentiellement d'aides au poste versées aux structures de l'IAE (954,15 millions d'euros), dont une part pouvant aller jusqu'à 10 % est modulée en fonction de résultats essentiellement quantitatifs. Le reste de l''enveloppe permet de financer le fonds départemental d'insertion par l'activité économique (FDI), qui peut financer localement le développement des structures de l'IAE (23,29 millions d'euros), des nouvelles solutions d'insertion telles que le « contrat de professionnalisation inclusion » ou les « CDI inclusion pour les publics seniors »), ou encore des exonérations de charges.

Évolution des effectifs et des crédits de l'insertion par l'activité économique

LFI 2019

PLF 2020

Effectifs

(en ETP)

Montant des allocations

(en millions d'euros)

Effectifs

(en ETP)

Montant des allocations

(en millions d'euros)

AI

21 100

30,15

17 500

25,55

ACI

30 350

641,11

32 000

690,19

EI

10 478

157,88

16 600

179,73

ETTI

4 453

47,69

13 000

55,86

EITI

-

-

500

2,82

Total

66 381

876,83

79 500

954,15

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

Il est toutefois à noter que les ETTI ont engagé un effort substantiel s'agissant du montant unitaire de l'aide au poste, qui devait diminuer de 10 % en 2020. Un amendement de crédit proposé par notre collègue député Stéphane Viry a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, permettant d'échelonner sur deux ans cette diminution (- 5 % en 2020 et - 5 % en 2021). Le coût de cette mesure est de 3,1 millions d'euros.

c) Les aides au poste dans les entreprises adaptées

Les aides au poste dans les entreprises adaptées (EA) s'élèveraient pour 2020 à 402,86 millions d'euros ; contre 395,43 millions d'euros en 2019, avec pour objectif la solvabilisation de 33 486 ETP. Elles constituent l'essentiel du financement de l'État en faveur de l'emploi des personnes handicapées (407 millions d'euros).

Ces aides peuvent concerner :

- une embauche en CDI dans les EA ;

- un accompagnement par les EA de travailleurs mis à disposition des entreprises du milieu ordinaire ;

- un « accompagnement tremplin », dispositif créé par la loi « avenir professionnel » ayant pour objectif de favoriser les transitions professionnelles des travailleurs handicapés vers les autres entreprises ;

- une embauche dans les nouvelles « EA pro-inclusion », créées sur le principe d'une mixité entre public en situation de handicap et public valide.

La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial avait approuvé en 2018 la mise en place du fonds d'inclusion dans l'emploi, qui semble apprécié par l'ensemble des acteurs de terrain. La fongibilité des crédits entre les différents dispositifs permet de mieux s'adapter aux besoins des territoires.

Il note que les parcours emploi compétences (PEC) constituent un progrès qualitatif certain par rapport aux anciennes formules de contrats aidés , qui visaient davantage à améliorer artificiellement les statistiques du chômage qu'à répondre aux besoins réels et individuels des personnes concernées, comme en attestent leurs faibles performances en termes de sortie dans l'emploi durable (54 % pour les CUI-CIE et 29 % seulement pour les CUI-CAE 10 ( * ) ). Ce dispositif poursuit sa montée en puissance. Le taux de réalisation élevé des entretiens tripartites services prescripteur-bénéficiaire-employeur (74 % pour Pôle emploi, 78 % pour les missions locales et 67,2 % pour les Cap emploi 11 ( * ) ) témoigne de l'appropriation par les acteurs de la logique du triptyque accompagnement-emploi-formation qui avait présidé à l'élaboration du dispositif. Enfin, l'augmentation de l'accès, par le biais des PEC, à des formations qualifiantes (+ 6 points) ou relatives à l'acquisition de nouvelles compétences (+ 9 points) au détriment des formations limitées à l'adaptation à l'outil de travail 12 ( * ) constitue un autre point positif.

Votre rapporteur spécial approuve l'augmentation conséquente des moyens consacrés au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui a démontré son efficacité pour l'inclusion des personnes les plus éloignées de l'emploi , souvent allocataires de minima sociaux et peu qualifiés (80 % des publics accompagnés ont un niveau CAP-BEP ou inférieur) : 36 % des personnes accompagnées étaient en emploi deux ans après leur sortie 13 ( * ) . Une intervention publique se justifie d'autant plus que ces publics ne bénéficient pas spontanément de l'amélioration globale de la situation de l'emploi. L'enjeu désormais pour les structures de l'IAE est d'être en mesure d'absorber cette hausse de leurs moyens et des effectifs.

Enfin, l'augmentation des aides au poste dans les entreprises adaptées est louable, pourvu que celle-ci s'articule pleinement dans les faits avec les objectifs d'inclusion et de tremplin vers les entreprises « classiques » , via des initiatives telles que « Cap vers l'entreprise inclusive ». Votre rapporteur salue par ailleurs le renforcement des coopérations entre le réseau des Cap emploi et Pôle emploi, de nature à améliorer la pertinence de l'accompagnement des personnes handicapées.

La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Les PEC constituent un outil intéressant en termes d'accompagnement qualitatif des demandeurs d'emploi. Votre rapporteure spéciale souligne néanmoins que la stabilisation des crédits qui leur sont alloués, là encore, ne compense pas la baisse très importante des moyens consacrés aux contrats aidés sur les dernières années : le nombre de contrats aidés, tous dispositifs confondus, s'élevait à 453 000 en 2016 contre 100 000 PEC attendus en 2020 14 ( * ) . L'argument selon lequel les anciens contrats aidés seraient inefficaces eu égard aux faibles taux d'insertion dans l'emploi en sortie constatés ne tient pas dans la mesure où les publics auxquels ils s'adressent sont précisément des publics éloignés du marché du travail. En outre, la baisse du taux de prise en charge de ces contrats n'a pas favorisé leur maintien, notamment dans le tissu associatif où ils accomplissaient des missions diverses et très utiles socialement.

Le soutien renforcé au secteur de l'IAE va dans le bon sens malgré certains points de vigilance. La concentration de la hausse des moyens sur les entreprises du secteur (EI et ETTI) tend à reléguer le modèle plus associatif porté par les AI et ACI, alors que ceux-ci sont complémentaires. La baisse de 10 % de l'aide au poste dans les ETTI souligne les limites de la logique quantitative qui a été adoptée, tandis que les nouveaux « CDI inclusion pour les publics séniors » paraissent moins favorables que les CDDI qu'ils remplacent, excluant désormais les personnes âgées de 50 à 55 ans de leurs bénéficiaires. L'expérimentation de l'insertion par le travail d'indépendant laisse enfin dubitative votre rapporteure spéciale, qui déplore la promotion de ce statut, moins protecteur que le salariat. Elle se montrera enfin vigilante à l'enjeu de l'amélioration de la répartition territoriale des SIAE, qui a été identifié comme prioritaire par la Cour des comptes 15 ( * ) .

L'augmentation des aides au poste dans les entreprises adaptées constitue un autre point positif de ce budget, même si votre rapporteure spéciale se montrera également attentive à leur articulation avec les objectifs d'inclusion dans l'emploi des personnes handicapées et de favorisation des instruments de droit commun . Une réflexion en ce sens pourrait être menée et l'État pourrait envisager une simplification du modèle de financement des Cap emploi en leur octroyant une ligne de crédit pour soutenir leurs actions en faveur de l'inclusion.

2. Le Plan d'investissement dans les compétences devrait se stabiliser en 2020

Le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) constitue l'un des quatre axes du Grand plan d'investissement (GPI). Celui-ci a vocation à mobiliser 13,8 milliards d'euros sur la période 2018-2022. Il se fixe pour objectif la formation et l'accompagnement vers l'emploi d'un million de chômeurs faiblement qualifiés (volet « formation ») et d'un million de jeunes décrocheurs (volet « accompagnement »).

En projet de loi de finances pour 2020, les crédits inscrits sur la mission « Travail et emploi » au titre du PIC s'élèvent à 1,47 milliard d'euros en AE et 1,1 milliard d'euros en CP , contre 1,4 milliard d'euros en AE et 979 millions d'euros en CP en 2019. Si l'essentiel de ces crédits sont supportés par les programmes 102 et 103, le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » contribue également au financement du PIC à hauteur de 11,8 millions d'euros au titre d'actions de communication, d'évaluation et de modernisation des systèmes d'information.

Toutefois, le Gouvernement a décidé de gager à hauteur de 120 millions d'euros sur les crédits du PIC ses annonces tendant au retrait de l'article 79 du présent projet de loi de finances recentrant les exonérations en faveur de l'aide à domicile et au report de l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2020 du décret prévu en complément de l'article 80 du projet de loi de finances recentrant l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (cf. Examen des articles rattachés). Un amendement a ainsi été déposé en ce sens et adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

Comme en 2019, le PIC bénéficiera en outre d'un fonds de concours de France compétences s'élevant à 1,58 milliard d'euros en faveur du volet « formation » , conformément aux dispositions de l'article L. 6123-5 du code du travail tel qu'issu de l'article 36 de la loi « avenir professionnel » ainsi que d'un fonds de concours du Fonds social européen (FSE) qui financera la Garantie jeunes à hauteur de 42,79 millions d'euros. Un financement à hauteur de 5,1 millions d'euros en AE et 2,5 millions d'euros en CP sera enfin assuré par le programme 162 « interventions territoriales de l'État » relevant de la mission « cohésion des territoires » au titre de la formation de jeunes et de chômeurs de longue durée issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Les crédits du PIC en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet de performance de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

Au total, les crédits consacrés au PIC s'élèveront donc à près de 3,10 milliards d'euros en AE et 2,60 milliards d'euros en CP , soit un niveau stable par rapport à l'année précédente (3 milliards d'euros en AE et 2,5 milliards d'euros en CP).

a) Les crédits du volet « accompagnement », principalement composé de la Garantie jeunes, se stabilisent

Le volet « accompagnement » est porté par les crédits programme 102 « Accès et retour à l'emploi » et a pour support le parcours d'accompagnement contractualisé vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), doté de 589,47 millions d'euros en AE comme en CP, contre 586,24 millions d'euros en AE et 579,33 millions d'euros en CP en 2019. Ce dispositif, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, constitue le cadre contractuel de l'accompagnement des jeunes par les missions locales. Il regroupe les financements liés :

- à la Garantie jeunes , sa modalité la plus intensive impliquant un accompagnement intensif et une allocation spécifique, dotée en 2020 de 524,47 millions d'euros en AE et en CP (hors fonds de concours du FSE), soit un niveau plus élevé qu'en 2019 (496,61 millions d'euros en AE et 489,69 millions d'euros en CP) malgré une baisse du montant consacré aux allocations (407,25 euros en 2020 contre 484,82 euros en 2019). Comme en 2019, le dispositif devrait concerner environ 100 000 jeunes ;

- à l'allocation PACEA , qui est dotée de 65 millions d'euros en AE comme en CP (soit 17 millions d'euros de plus qu'en 2019), versée aux jeunes selon une appréciation au cas par cas de leurs besoins objectifs.

La Garantie jeunes

La Garantie jeunes est issue du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de 2013. Elle s'adresse aux jeunes de 18 à 25 ans révolus qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation (NEET) et pour lesquels il existe un risque d'exclusion sociale.

Lancée dans 10 départements en 2013, l'expérimentation a été étendue à plusieurs reprises jusqu'à ce que l'article 46 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels prévoie la généralisation de la Garantie jeunes à compter du 1 er janvier 2017 .

Aux termes de l'article L. 5131-6 du code du travail, « la garantie jeunes est une modalité spécifique du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ». Elle constitue « un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n'occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret , dès lors qu'ils s'engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ».

La Garantie jeunes comporte deux volets : un accompagnement intensif en principe mis en oeuvre par les missions locales et une allocation versée par ces dernières. Cette aide est cumulable avec des revenus d'activité s'ils ne dépassent pas le plafond de 300 euros par mois. Au-delà de ce plafond, l'allocation est dégressive jusqu'à 80 % du Smic.

À compter de 2019, dans le cadre de la nouvelle stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022, les modalités de gestion des crédits dédiés au financement de la Garantie jeunes connaissent une profonde mutation. Auparavant, les missions locales étaient financées par un forfait de 1 600 euros versé « au contrat » en trois tranches dont deux étaient conditionnées à l'entrée effective du jeune dans le parcours et à une sortie positive. Désormais, 90 % de leur financement permet d'abonder un budget globalisé tandis que 10 %sont indexés sur des indicateurs de résultat.

b) Les crédits du volet « formation », diminués de 120 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances, sont stabilisés au niveau de l'an passé

Les crédits du volet « formation » du PIC devaient s'élever pour 2020 à 864,9 millions d'euros en AE et 495,72 millions d'euros en CP , soit une augmentation significative en CP par rapport à 2019. Suite à l'adoption de l'amendement évoqué supra diminuant les crédits du PIC de 120 millions d'euros, les CP alloués au volet formation seront ramenés à 375,72 millions d'euros, soit une légère diminution par rapport à l'année précédente (387,71 millions d'euros).

Ce volet est principalement mis en oeuvre par les régions dans le cadre de pactes pluriannuels d'investissements dans les compétences conclus avec l'État. Toutes les régions métropolitaines se sont investies dans cette démarche à l'exception des régions Auvergne-Rhône-Alpes et
Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Un point d'alerte a été porté à la connaissance de vos rapporteurs spéciaux s'agissant des collectivités d'outre-mer , où les retards de mise en oeuvre se sont accumulés.

Les cinq axes du volet « formation » du PIC

• Axe 1 : Mieux voir pour mieux orienter : le PIC finance des travaux de prospective et la création d'outils d'analyse des besoins en compétences notamment par le biais d'appels à projet auprès des branches professionnelles.

• Axe 2 : Repérer les publics : le PIC finance la mise en place d'actions de repérage des jeunes décrocheurs qui ne bénéficient actuellement pas de l'accompagnement du service public de l'emploi.

• Axe 3 : Financer les parcours de formation, notamment prévus dans les Pactes pluriannuels d'investissement dans les compétences, qui seront conclus pour une durée de 4 ans (2019-2022) avec les conseils régionaux. Ces contrats, qui prennent la suite des conventions dites « d'amorçage » de 2018, s'appuieront sur des diagnostics des besoins territoriaux en compétences et en formation. Ils auront vocation à financer des parcours personnalisés, jalonnés de plusieurs formations et d'actions d'accompagnement.

• Axe 4 : Expérimenter et transformer en profondeur, par le financement d'expérimentations, les modalités de formation et d'accompagnement pour les publics ciblés par le PIC.

• Axe 5 : Développer et assurer l'interconnexion entre les systèmes d'information de la formation professionnelle

Source : Projet annuel de performances de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

À ce stade, le volet « formation » du PIC a permis le financement de 475 000 entrées en formation et 200 000 prestations d'accompagnement .

La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) constitue un volet important de la politique du Gouvernement, tournée vers les publics les plus éloignés de l'emploi et visant à renforcer leur autonomie plutôt qu'à subventionner des contrats aidés. Après la signature des pactes d'investissements dans les compétences avec les régions en 2019, l'année 2020 sera celle de pleine montée en charge du PIC .

S'agissant du volet « accompagnement », votre rapporteur relève que le financement la Garantie jeune a été réformée pour corriger certains effets pervers du mode de financement antérieur, qui incitait les missions locales à écarter les jeunes décrocheurs les plus à éloignés du marché du travail, qui constituaient pourtant la cible prioritaire du dispositif.

Sur son volet « formation », le PIC constitue un progrès par rapport aux dispositifs purement quantitatifs tels que le plan « 500 000 formations » lancé lors du précédent quinquennat. Étroitement associées, la plupart des régions se sont pleinement approprié le dispositif, avec un point de vigilance sur l'outre-mer. Celles-ci déplorent néanmoins un risque de concurrence avec les dispositifs nationaux qui sont mis en place. Votre rapporteur spécial en appelle ainsi à une meilleure coordination des acteurs du PIC, au niveau de son haut-commissariat.

De façon plus globale, la pertinence d'un découplage des compétences entre les politiques d'accompagnement (qui relèvent des missions locales) et les politiques de formation (qui relèvent des régions) est discutable . Celui-ci constitue même une singularité française qu'il convient d'interroger.

Enfin, l'impact de la baisse de 120 millions d'euros attendue devra être évalué à l'aune d'une probable sous-consommation . Il était cependant nécessaire de compenser la suppression de l'article 79 du présent projet de loi de finances pour préserver l'équilibre financier de ce budget.

La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Par-delà les effets d'affichage, il convient de rappeler que le PIC, dont les intentions sont par ailleurs louables, inclue des dispositifs préexistants tels que la Garantie jeunes et que le montant de 13,8 milliards d'euros annoncé ne pourra être atteint que grâce à l'attribution de fonds de concours de France compétences et du Fonds social européen.

Votre rapporteure spéciale partage le constat d'une certaine déficience de pilotage du PIC, avec des risques avérés de concurrence entre les dispositifs mis en place par les régions et ceux mis en place par l'État. Les différents interlocuteurs entendus sur ce point par votre rapporteure spéciale attestent que publics les plus éloignés de l'emploi sont encore difficiles à atteindre . L'approche centrée sur les faibles qualifications explique sans doute une partie du problème dans la mesure où elle n'est pas forcément la plus pertinente pour cibler ces publics. Ceux-ci préfèrent encore trop souvent se tourner vers des contrats précaires, qui restent plus rémunérateurs qu'une formation : la logique de flexibilité fait ainsi barrage aux promesses de sécurité.

Enfin, la diminution de 120 millions d'euros des crédits du PIC constitue un très mauvais signal. Alors que la formation des chômeurs était affichée comme l'une des priorités du Gouvernement, elle s'avère être sa variable d'ajustement.

3. Une augmentation du soutien de l'État au dispositif « Territoires zéro chômeurs de longue durée »

Le soutien budgétaire de l'État à l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée s'élève à 28,5 millions d'euros en 2020, soit 6 millions d'euros de plus que l'année précédente , afin de permettre la montée en charge du dispositif.

À fin juin 2019, le nombre de personnes recrutées s'élevait à 744 (656 ETP). La cible pour la fin de 2019 est de 1 000 ETP. À fin 2020, 1 750 ETP sont visés.

L'expérimentation « Territoire zéros chômeurs de longue durée » (TZCLD)

Prévue pour cinq ans par la loi n° 2016-231 du 26 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée , l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (ETCLD) est mise en place dans 10 territoires où ont été créées une ou des « entreprises à but d'emploi » (EBE) . Elles ont pour charge de recruter en CDI à temps choisi tous les demandeurs d'emploi volontaires du territoire au chômage depuis plus d'un an. Les entreprises doivent dans ce cadre développer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire. Le pilotage territorial est assuré par des comités locaux mis en place par les collectivités territoriales et auxquels participent les DIRECCTE ainsi que Pôle emploi.

L'expérimentation doit démontrer que le coût du dispositif ne dépassera pas la dépense directe et indirecte de la collectivité liée au chômage de longue durée .

Le fonds ETCLD est chargé de financer une fraction de la rémunération des personnes recrutées par les entreprises expérimentatrices, qui ne peut excéder 113 % du Smic. L'État, via le budget du ministère du travail, doit selon la loi assurer une prise en charge fixée à 95 % du SMIC en 2019 par ETP recruté tandis que d'autres entités peuvent également y contribuer, en particulier les départements (dont la dépense moyenne a été en 2018 de 1 410 euros par ETP). A ce financement s'ajoute un soutien à l'amorçage des entreprises supporté par l'État : en 2019, comme les années précédentes, il est prévu un accompagnement complémentaire de la montée en charge des entreprises à hauteur d'environ 5 000 euros par nouvel ETP créé.

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire

Les dépôts de projets de lois d'extension puis de généralisation du dispositif seront conditionnés à son évaluation, qui sera assurée par trois rapports distincts devant être publiés en 2020 :

- le rapport d'évaluation du comité scientifique, prévu par la loi, devra être remis au Parlement avant le 1 er juillet 2020 ;

- le rapport à venir de la mission conduite par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales devant permettre de déterminer les coûts évités et gains générés par le dispositif ;

- le rapport de l'association « Territoires zéro chômeurs de longue durée » devant être publié en décembre 2020.

La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

Les « Territoires zéro chômeurs de longue durée » (TZCLD) constituent une expérimentation intéressante, partie d'un constat simple : personne n'est inemployable . Les entreprises à but d'emploi (EBE) qu'il a instituées sont complémentaires par rapport aux autres instruments de la politique de l'inclusion.

Une évaluation complète du dispositif est cependant nécessaire avant d'envisager sa généralisation, afin de s'assurer que son coût ne soit pas excessif par rapport à son efficacité.

La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale porte un jugement positif sur cette expérimentation. Elle rappelle que le coût du dispositif doit être mis en balance avec le coût social de l'exclusion , qui a été évalué par ATD Quart monde à 36 milliards d'euros par an (moindres recettes fiscales et sociales, dépenses liées à l'emploi, dépenses sociales, coûts induits par le chômage dans les domaines du logement, de la santé, de la protection de l'enfance...) 17 ( * ) .

L'intérêt du dispositif dépasse la seule question de ce « manque à gagner ». Le fait d'inclure dans l'emploi des chômeurs de longue durée non par des contrats précaires ou aidés mais bien par des CDI génère une dynamique très positive pour leur parcours de vie comme pour leur territoire , dont le tissu associatif se trouve renforcé et dont l'économie locale bénéficie, du fait de leur pouvoir d'achat accru.

Une meilleure interpénétration entre les entreprises à but d'emploi (EBE) et le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) serait souhaitable, afin de développer leur complémentarité et de s'adapter au mieux à la situation de chacun. Face aux difficultés rencontrées par leurs salariés pour financer leur parcours de formation, il serait opportun de permettre l'éligibilité des entreprises à but d'emploi (EBE) aux financements du Plan d'investissement dans les compétences consacrés à l'IAE (PIC IAE) .

Surtout, la multiplication des évaluations préalables à l'extension du dispositif contraste quelque peu avec la précipitation qui entoure la généralisation du dispositif « emplois francs » (cf. infra ). Votre rapporteure spéciale en appelle à ce que l'on procède rapidement à un nouvel élargissement des territoires concernés . Une centaine de territoires sont d'ores et déjà prêts à mettre en place cette expérimentation.

4. Une généralisation du dispositif « emplois francs » prévue pour 2020

Les crédits alloués en 2020 au financement du dispositif « emploi francs » s'élèvent à 233,59 millions d'euros en AE et 79,73 millions d'euros en CP, contre 237,06 millions d'euros en AE et 70,85 millions d'euros en CP en 2019.

Au 15 septembre 2019, on comptabilisait 15 232 demandes enregistrées depuis le début de l'expérimentation, dont 11 747 acceptées. Ces contrats se répartissent ainsi entre les années 2018 et 2019 : La cible pour 2020 est d'atteindre 40 000 « emplois francs ».

80,4% des demandes acceptées depuis le début de l'expérimentation concernent des contrats à durée indéterminée (CDI), dont 3,4 % de CDI intérimaires, et 20% portent sur des contrats à durée déterminée (CDD).

Le dispositif « emplois francs »

Créé par l'article 175 de la loi de finances pour 2018, le dispositif des emplois francs fait suite à une première expérimentation lancée en 2013 18 ( * ) et abandonnée en 2015 19 ( * ) .

Aux termes de l'article 175 précité, cette nouvelle expérimentation, qui doit être menée entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019, permet à toute entreprise ou association, où qu'elle soit située sur le territoire national, de bénéficier d'une aide financière pour l'embauche en CDI ou en CDD d'au moins six mois d'un demandeur d'emploi, résidant dans l'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) dont la liste doit être fixée par arrêté des ministres chargés de l'emploi, de la ville et du budget. Pour les CDI, l'aide s'élève à 5 000 euros par an pendant trois ans ; pour les CDD, elle est de 2 500 euros par an sur deux ans. Le cas échéant, le montant de l'aide est proratisé en fonction de la durée du contrat et du temps de travail hebdomadaire.

L'expérimentation des emplois francs a été lancée dans 200 quartiers métropolitains au sein de sept territoires (département de Seine-Saint-Denis, agglomérations de Roissy-Pays-de-France et de Cergy-Pontoise, territoire de Grand-Paris-Sud, Métropole européenne de Lille, Métropole d'Aix-Marseille-Provence et agglomération d'Angers), dont la liste a été fixée par un arrêté du 30 mars 2018 20 ( * ) . L'arrêté du 22 mars 2019 21 ( * ) a élargi le périmètre de l'expérimentation à compter du 28 mars 2019 à l'ensemble des QPV des régions Hauts-de-France et Ile-de-France, des départements des Ardennes, des Bouches-du-Rhône, de la Haute-Garonne, du Maine-et-Loire, du Vaucluse, ainsi que de l'ensemble des départements d'Outre-mer (Guyane, Réunion, Mayotte, Martinique, Guadeloupe) et de la collectivité de Saint-Martin. Ce sont ainsi 740 QPV, contre 194 auparavant, qui sont désormais couverts par l'expérimentation, soit plus de 400 000 demandeurs d'emploi de catégorie A, B ou C susceptibles de bénéficier du dispositif (représentant environ la moitié des demandeurs d'emploi de ces catégories localisés en QPV à l'échelle nationale).

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire

Le projet annuel de performance de la mission « Travail et emploi » indique que le dispositif devrait être généralisé en 2020 à l'ensemble du territoire. Préalablement à cette généralisation, un rapport d'évaluation devait être remis au Parlement avant le 15 décembre 2019. Celui-ci n'a pas encore été remis à ce stade.

Un rapport de la DARES prévu pour le printemps 2020 fournira une évaluation comparant la situation face à l'emploi des publics éligibles issus de QPV ayant bénéficié du dispositif et des mêmes publics issus de QPV restés en dehors de l'expérimentation.

La position de vos rapporteurs spéciaux, Emmanuel Capus et
Sophie Taillé-Polian

Les « emplois francs » constituent un dispositif intéressant en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), qui font face à des problématiques spécifiques en matière d'emploi . En 2017, le taux de chômage en QPV (24,7 %) est 2,5 fois supérieur à celui des autres quartiers des unités urbaines engloblantes (9,2 %) 22 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que la portée de la généralisation annoncée est à nuancer, dans la mesure où l'expérimentation a déjà été considérablement élargie à tous les QPV des départements originellement, ainsi qu'à de nouveaux départements. L'appropriation du dispositif par les acteurs semble toutefois encore limitée , même si le Gouvernement attend un doublement des bénéficiaires d'ici la fin de l'année 2020. Une forme de sur-promotion du dispositif pourrait toutefois laisser craindre des risques d'effets d'aubaine, qui devront être précisément mesurés.

La méthode suivie est toutefois surprenante et interroge, car la décision de généralisation précède le rapport d'évaluation devant être remis au Parlement.

5. Une suppression regrettable des crédits consacrés aux maisons de l'emploi

Dans leur rapport sur les maisons de l'emploi (MDE) 23 ( * ) , vos rapporteurs spéciaux relevaient une diminution quasi constante des moyens de l'État consacrés à ces structures depuis leur création par l'article premier de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 24 ( * ) . Les crédits consacrés aux maisons de l'emploi s'élevaient à 150 millions d'euros en AE comme en CP en 2006. Leur dotation a ensuite été réduite d'année en année jusqu'à atteindre 12 millions d'euros en 2018.

En 2018, vos rapporteurs spéciaux ont consacré un rapport de contrôle à ces établissements. Celui-ci dressait un « bilan globalement positif de l'action des maisons de l'emploi » en observant que « le positionnement des maisons de l'emploi en tant qu' " ensembliers " des différents acteurs de la politique de l'emploi est désormais clarifié. En particulier, leur action en matière de gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences (GPTEC), d'ingénierie territoriale et de promotion des clauses sociales est reconnue et saluée par leurs interlocuteurs et partenaires » .

Ils considéraient par conséquent qu'une « décision du Gouvernement de se retirer totalement du financement des maisons de l'emploi serait triplement préjudiciable : d'une part, elle risque de mettre certaines structures, dont l'action est utile localement, dans une situation financière difficile, d'autre part, et de manière liée, elle aggravera les inégalités territoriales, seules les collectivités territoriales les plus « riches » étant en mesure de maintenir de telles structures sur leur territoire, enfin, elle affaiblira le poids de l'État dans leur gouvernance et donc sa capacité à influer sur les décisions prises », appelant à un maintien de crédits consacrés à leur financement.

Force est de constater que le Gouvernement n'a pas suivi leur recommandation, puisqu'aucun crédit au titre des maisons de l'emploi n'avait été inscrit dans le budget de l'année 2019. Ce n'est que grâce à un amendement de notre collègue députée Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale des crédits de la mission « Travail et emploi » , adopté par l'Assemblée nationale, que les maisons de l'emploi ont pu bénéficier d'une dotation à hauteur de 5 millions d'euros en AE comme en CP. Vos rapporteurs spéciaux avaient entendu porter ce financement à 10 millions d'euros , considérant qu'un montant de 5 millions d'euros serait insuffisant pour permettre un soutien effectif des MDE et se traduirait par un risque de « saupoudrage » ou de nouvelles fermetures de structures ayant pourtant fait leurs preuves, mais la ligne de crédit issue de leur amendement adopté par le Sénat a été supprimée en nouvelle lecture.

Malgré la volonté claire exprimée par la représentation nationale d'un maintien du financement de l'État accordé à ces établissements, aucun crédit ne leur est destiné dans le budget pour 2020 . L'Assemblée nationale a à nouveau adopté en première lecture un amendement déposé par Marie-Christine Verdier-Jouclas permettant de leur allouer une dotation de 5 millions d'euros.

Vos rapporteurs spéciaux, conformément à leur analyse des besoins des maisons de l'emploi, proposent à nouveau par voie d'amendement de porter ce financement à hauteur de 10 millions d'euros.

B. LES POLITIQUES DU TRAVAIL

Les politiques du travail sont portées par le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail » . Il est doté de 87,99 millions d'euros en AE et 99,34 millions d'euros en CP , ce programme représentant une faible part des crédits de la mission (moins de 1 %). Le responsable de programme (R-prog) est le directeur général du travail. L'opérateur sur laquelle ce programme s'appuie est l'ANACT .

Si ces politiques concernent les 16 millions de salariés du secteur privé , elles ne représentent en tant que telles qu'une très faible part des crédits de la mission (moins de 1 %) .

1. Le PST 3 est au seuil de sa dernière année

Les actions en matière de santé au travail représentent 24,29 millions d'euros en CP en 2020 . Elles permettent le déploiement du troisième plan santé au travail (PST 3) 2016-2020, qui se caractérise notamment par l'intensification des actions de prévention. En 2020, l'action du ministère doit s'intensifier en matière de prévention des risques de chutes en hauteur, des risques routiers, des risques chimiques (en particulier ceux liés à l'inhalation des poussières d'amiante) et des risques physiques.

Le bilan tiré lors du colloque du 5 février 2019 en présence des partenaires sociaux et l'ensemble des acteurs de la santé au travail est plutôt positif : 82 % des actions lancées dans le cadre du PST 3 auraient déjà produit des résultats, notamment perceptibles sur le volet de la prévention des risques musculo-squelettiques (6 900 entreprises accompagnées par les CARSAT), et s'agissant de l'augmentation du nombre d'accords d'entreprises portant sur la qualité de vie au travail (948).

Les négociations se poursuivent avec les partenaires sociaux quant aux suites à donner aux différents rapports publiés en 2018 au sujet des politiques de santé au travail 25 ( * ) , qui nourriront le travail d'élaboration du prochain PST 4 (2021-2025) . Elles pourraient notamment avoir un impact sur l'organisation territoriale de l'ANACT, dans la mesure où le rapport de la députée Charlotte Lecocq préconise la fusion au niveau régional de l'ensemble des structures intervenant dans ce domaine, en particulier les associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail (ARACT), l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) et l ' organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP). Selon l'ANACT toutefois, un rapprochement des acteurs au niveau « métiers » serait plus pertinent que le rapprochement territorial proposé. L'ANACT salue en revanche la proposition d'un fonds unique et national de prévention qui regrouperait l'ensemble des ressources destinées à cette politique publique.

2. La mise en oeuvre de l'index égalité femmes-hommes

Les actions en matière de dialogue social et de démocratie sociale représentent 57,72 millions d'euros en CP en 2020. L'essentiel de ces crédits permettent le financement de la formation syndicale et de la mesure des audiences syndicales et patronales.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent également que près de 2 millions d'euros seront alloués à l'accompagnement du dispositif
« Ega-pro » prévu par la loi « avenir professionnel » du 5 septembre 2018. Celui-ci prévoit notamment la publication par les entreprises d'un index d'égalité femmes-hommes. Le ministère du travail se fixe pour objectif qu'à fin 2020 l'intégralité des entreprises aient publié leur index. Afin d'assurer l'accompagnement des entreprises dans cette démarche, des référents « égalité professionnelle » ont été désignés dans l'ensemble des Direccte et une plateforme téléphonique devra être mise à leur disposition en 2020.

L'Index de l'égalité salariale femmes-hommes

L'Index de l'égalité salariale femmes-hommes est calculé chaque année à partir de 4 à 5 indicateurs selon la taille de l'entreprise : rémunérations, augmentations, promotions, congés maternité, parité du top management. Il doit être rendu public et transmis à l'inspection du travail. En cas de résultat inférieur à 75 points sur 100, l'entreprise doit prendre des mesures pour corriger la situation dans un délai de trois ans sous peine de pénalité financière pouvant représenter jusqu'à 1% de leur masse salariale.

L'obligation de publier l'Index a été échelonnée. Elle concerne les entreprises de plus de 1 000 salariés depuis le 1 er mars 2019. Elle a été étendue aux entreprises de plus de 250 salariés le 1 er septembre 2019 avant d'être élargie à toutes les entreprises d'au moins 50 salariés le 1 er mars 2020. L'inspection du travail va par ailleurs multiplier par 4 le nombre des contrôles sur l'égalité professionnelle de 1 730 à 7 000 par an.

Source : site internet du ministère du travail

3. La mise en oeuvre du nouveau plan pluriannuel de lutte contre le travail illégal

Un nouveau plan pluriannuel national de lutte contre le travail illégal a été présenté en juillet 2019, et relève de l'inspection du travail.

Il comporte deux principaux axes :

- l'amélioration de l'efficacité des contrôles en ciblant davantage les secteurs prioritaires (comme le BTP et la restauration) et en appréhendant mieux les problématiques liées aux grands évènements (notamment en vue de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024) ;

- l'amélioration de la prévention et de l'évaluation des actions, et la conduite d'une étude, concertée avec les branches professionnelles, sur les conditions de travail des travailleurs détachés en France.

L'inspection du travail conduit 2 000 contrôles par mois dans le cadre de la lutte contre le travail illégal et la fraude au détachement. Selon les indicateurs de performance de la mission, ils doivent représenter, en 2020, 16 % de l'ensemble des contrôles (soit davantage que la cible, fixée à 11 %).

L'inspection du travail

Rattachée au ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, l'inspection du travail est assurée par 3 535 agents dont 2 347 agents de contrôle proprement dits : inspecteurs et contrôleurs du travail . Le service de l'inspection du travail représente donc 35 % des effectifs de la mission « Travail et emploi » , dont les dépenses de personnel s'élevaient à 611,1 millions d'euros en 2018.

L'inspection du travail connaît depuis 2006 une série de réformes qui ont affecté tour à tour son champ d'intervention, ses moyens de sanction, ses structures et son recrutement. L'ensemble de ces réformes vise à permettre à l'inspection du travail d'être plus efficace et de répondre à de nouveaux enjeux en matière de protection des salariés. En particulier, la réforme « Ministère fort » s'est, traduite par la suppression progressive du corps des contrôleurs du travail et par leur fusion avec celle des inspecteurs du travail . La fusion des corps de contrôleurs et d'inspecteurs est opérée par le biais d'une requalification des contrôleurs, invités à passer un concours interne. Cette réforme aboutit à la mise en avant de priorités assignées à l'inspection du travail. Elles sont au nombre de quatre en 2019 : lutte contre la fraude au détachement de travailleurs, combat contre le travail illégal, actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et promotion de la sécurité et de la santé au travail.

En 2019, vos rapporteurs spéciaux ont consacré un rapport de contrôle 26 ( * ) à l'inspection du travail. Ils ont formulé plusieurs recommandations , visant à :

- repenser l'organisation du travail, en tenant compte des disparités régionales , pour atteindre l'objectif national de 10 000 salariés par agent de contrôle et en renforçant les services de renseignements ;

- mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des ressources humaines pour surmonter une forme de « crise des vocations » au sein de ce corps et la baisse d'attractivité du concours d'inspecteur ;

- repenser les méthodes de travail , notamment pour renforcer les contrôles en équipe.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté 6 amendements.

L'amendement n° II-2048 déposé par le Gouvernement et adopté avec un avis favorable de la rapporteure spéciale, augmente de 253 millions d'euros les crédits du programme n° 103 pour compenser partiellement les décisions de suppression de l'article 79 recentrant les dispositifs d'exonération spécifiques en faveur des aides à domicile et de report au 1 er janvier 2020 de l'entrée en vigueur d'un décret devant être pris en complément de l'article 80 recentrant l'aide aux créateurs et aux repreneurs d'entreprises sur son public cible .

Deux amendements identiques (amendements n° II-877 et n° II-1161), déposés respectivement par la rapporteure spéciale Marie-Christine Verdier-Jouclas et Sarah El Haïry et adoptés par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement,prévoient un financement des maisons de l'emploi à hauteur de 5 millions d'euros en AE et en CP sur les crédits de l'action n° 1 « amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi » du programme n° 102 « Accès et retour à l'emploi », gagés sur les crédits de l'action n° 1 « anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi » du programme n° 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

L'amendement n° II-1534 déposé par Stéphane Viry doit permettre d'échelonner sur deux ans la diminution de 10 % prévue par le présent projet de loi de finances des aides au poste dans les entreprises de travail temporaire d'insertion (- 5 % en 2020 et - 5 % en 2021). Cette mesure augmente de 3,1 millions d'euros en AE et en CP les crédits de l'action n° 2 du programme n° 102 et est gagée sur les crédits de l'action n° 2 « promotion de l'activité » du programme n° 103. Il a été adopté avec l'avis favorable de la rapporteure spéciale et du Gouvernement.

Deux amendements identiques (amendements n° II-1568 et n° II-1556), déposés respectivement par Thomas Rudigoz et Cyrille Isaac-Sibille, prévoient un financement des écoles de production à hauteur de 4,75 millions d'euros en AE et en CP sur les crédits de l'action n° 1 « amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi » du programme n° 102, gagés sur les crédits de l'action n° 9 « systèmes d'information » du programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi ». Ils ont été adoptés avec l'avis favorable de la rapporteure spéciale et du Gouvernement.

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement n° II-2 déposé par le Gouvernement et minorant les crédits de la mission de 39 995 423 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement .

Afin de compenser certaines mesures votées dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances en première délibération, et en particulier la majoration des crédits de la mission de 253 millions d'euros, la contribution de la mission « Travail et emploi » à la « solidarité interministérielle » est de 40 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Ainsi :

- les crédits du programme n° 102 « Accès et retour à l'emploi » sont minorés de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ;

- les crédits du programme n° 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » sont minorés de 9,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ;

- les crédits du programme n° 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail » sont minorés de 250 000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ;

- les crédits du programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » sont minorés de 250 000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'amendement tire également les conséquences des décisions annoncées lors du « rendez-vous salarial 2019 » concernant la revalorisation du barème de remboursement des frais de repas pour les agents publics en formation ou en mission en majorant de 4 577 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement les crédits du programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

Enfin l'amendement prend des mesures de périmètre concernant les amendements n° II-1556 et II-1568 octroyant une ligne de crédit de 4,75 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement aux écoles de production :

- Alors que ces amendements avaient conduit à une majoration des crédits du programme n° 102 « Accès et retour à l'emploi », cet amendement du Gouvernement vise à faire porter ces crédits sur le programme n° 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », ce qui le conduit à majorer les crédits du programme n° 103 de 4,75 millions d'euros en en autorisations d'engagement et en crédits de paiement et à minorer à due concurrence ceux du programme n° 102 ;

- Alors que ces amendements avaient gagé cette mesure sur les crédits du programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail », cet amendement vise à gager cette mesure sur le programme n° 102, d'où il résulte une augmentation de 4,75 millions d'euros des crédits du programme n° 155 en autorisations d'engagement et en crédits de paiement et une nouvelle minoration à due concurrence de ceux du programme n° 102.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 79
(Art L. 241-10 du code de la sécurité sociale)

Recentrage des dispositifs d'exonération spécifique en faveur des aides
à domicile intervenant auprès de publics fragiles

. Commentaire : le présent article prévoit de supprimer le critère d'âge dans les conditions permettant de bénéficier des dispositifs d'exonération de cotisations sociales patronales en faveur des aides à domicile.

I. LE DROIT EXISTANT

L'emploi d'aide à domicile intervenant auprès de personnes fragiles en raison de leur dépendance ou de leur handicap ouvre droit à des dispositifs d'exonérations de cotisations sociales patronales prévues par l'article L. 240-10 du code de la sécurité sociale .

A. LES PUBLICS CONCERNÉS

Les publics concernés par le dispositif sont :

- les personnes ayant atteint un âge fixé à 70 ans par l'article D. 2415 du code de la sécurité sociale ;

- les parents d'un enfant handicapé ouvrant droit au complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;

- les personnes titulaires de la prestation de compensation du handicap (PCH) ;

- les personnes percevant une majoration pour recours à tierce personne au titre de l'invalidité ;

- les personnes percevant une prestation complémentaire pour recours à tierce personne servie au titre de la législation des accidents du travail ;

- les personnes âgées bénéficiant de la prestation spécifique dépendance (PSD), versée aux personnes dépendantes ;

- les personnes remplissant la condition de perte d'autonomie requise pour prétendre à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) indépendamment de l'âge et des ressources (GIR 1 à 4).

B. LES MODALITÉS D'EXONÉRATION

Pour ce qui concerne les modalités d'exonérations, le dispositif distingue trois situations :

- lorsque l'aide à domicile est directement employée par le particulier fragile (cas prévu au I de l'article L. 245-10 précité), l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale est totale, à l'exclusion des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), sans plafond de rémunération ;

- il en va de même lorsque l'aide à domicile est directement employée par le particulier fragile avec délégation de la gestion de la rémunération à un mandataire ayant passé un contrat conforme aux articles L. 442-1 et L. 444-3 du code de l'action sociale et des familles (cas prévu au II de l'article L. 245-10 du code de la sécurité sociale) ;

- lorsque l'aide à domicile est employée par un prestataire (cas prévu au III de l'article 245-10 précité 27 ( * ) ), le champ des cotisations patronales exonérées est aligné sur celui des allègements généraux de cotisations sociales 28 ( * ) , avec toutefois une exonération plus favorable, totale pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,2 Smic puis dégressive jusqu'à 1,6 Smic.

Ces exonérations représentent en 2019 un coût total de 1,8 milliard d'euros, supporté depuis l'exercice 2017 par les crédits de la mission « Travail et emploi » (action n° 3 « développement de l'emploi » du programme n° 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le dispositif proposé vise à supprimer le critère de l'âge, en l'espèce 70 ans, des conditions permettant de bénéficier des dispositifs d'exonération de cotisations sociales en faveur des employeurs d'aides à domicile.

Cette décision, suggérée par plusieurs rapports administratifs 29 ( * ) , se fondait sur l'idée que le critère d'âge n'était pas à lui seul un élément probant du caractère « dépendant » du bénéficiaire du dispositif.

Ainsi, les I, II et III de l'article proposé suppriment respectivement le critère d'âge aux I, II et III de l'article 245-10 du code de la sécurité sociale.

Ce dispositif devait permettre de générer 323 millions d'euros d'économies en AE et en CP sur les crédits de la mission « Travail et emploi » . L'économie pour les finances publiques toutes administrations publiques confondues serait moindre, du fait du report des situations sorties du dispositif sur les allègements généraux de sécurité sociale. Elle est évaluée à 203 millions d'euros.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Conformément à l'annonce faite par le Premier ministre en septembre 2019, avant le dépôt du projet de loi de finances, l'article 79 a été supprimé , avec l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale des amendements identiques n° II-1991 (déposé par le Gouvernement),
n° II-876, n° II-1241, n° II-770, n° II-1259, n° II-1323 et n° II-1530.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Vos rapporteurs spéciaux approuvent le retrait de cette mesure , qui pénaliserait un grand nombre de personnes âgées et semble heurter l'objectif de prévention de la perte d'autonomie.

Ils relèvent que la majeure partie de la compensation financière de cette décision, opérée par l'amendement n° II-2048 déposé par le Gouvernement et adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, porte sur les crédits de la mission « Travail et emploi ». Sur les 203 millions d'euros d'économies à compenser, 120 millions d'euros ont été gagés sur les crédits du programme n° 103 et plus spécifiquement sur le Plan d'investissement dans les compétences (PIC).

Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose de confirmer la suppression de cet article.

ARTICLE 80
(Art L. 131-6-4 et L. 613-7 du code de la sécurité sociale)

Recentrage de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises
sur son public cible

. Commentaire : le présent article prévoit de recentrer le bénéfice de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) sur le public qu'elle ciblait avant sa généralisation au 1 er janvier 2019, à savoir les publics fragiles et en particulier les demandeurs d'emploi. Il crée les conditions d'un alignement du régime des micro-entreprises sur celui des autres travailleurs indépendants au titre de ce dispositif, qu'il étend par ailleurs aux conjoints collaborateurs des travailleurs indépendants.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE DISPOSITIF ACCRE A ÉTÉ ÉTENDU À TOUS LES CRÉATEURS OU REPRENEURS D'ACTIVITÉS AU 1 ER JANVIER 2019

Le dispositif d'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'une entreprise (ACCRE) a été créé en 1979. Il permettait aux demandeurs d'emploi indemnisés créant ou reprenant une entreprise de bénéficier lors de leur première année d'activité d'une exonération de cotisations sociales pour la fraction de revenus inférieure au ¾ du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), puis d'une exonération dégressive jusqu'à 100 % du PASS.

Celui-ci a par la suite été étendu à plusieurs catégories ciblées , listées par l'article L. 5141-1 du code du travail, tels que les demandeurs d'emploi indemnisés, les bénéficiaires du RSA ou de l'ASS, les personnes âgées de 18 à 26 ans, les personnes handicapées de moins de 30 ans ou encore les créateurs ou repreneurs d'entreprises implantées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

Il est à noter que son financement est assuré par la mission « Travail et emploi » depuis l'exercice 2017 . Plus spécifiquement, le coût de cette exonération est compensé à la Sécurité sociale par les crédits de la sous-action n° 03-02 « promotion de l'activité » de l'action n° 03 « développement de l'emploi » du programme n° 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

L'article 13 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, a toutefois transformé la philosophie du dispositif, devenu l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise (ACRE), en lui substituant un mécanisme général d'exonérations de cotisations sociales de début d'activités pour les créateurs et repreneurs d'entreprises à compter du 1 er janvier 2019, désormais prévu à l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale et non plus à l'article L. 161-1-1 du même code. Cette évolution correspondait à un engagement pris pendant la campagne présidentielle d'une « année blanche » de cotisations pour les créateurs d'entreprises. Les cotisations concernées sont celles dues aux régimes d'assurance maladie, maternité, veuvage, vieillesse, invalidité, décès et d'allocations familiales. Les paramètres de l'exonération sont précisés par l'article D. 131-6-1 du code de la sécurité sociale.

Une annexe au PLFSS pour 2019 évaluait son coût à 270 millions d'euros, ciblant près de 500 000 personnes.

Sous réserve d'exceptions mentionnées au III du même article, le bénéfice de l'ACRE ne peut être cumulé avec aucun dispositif de réduction ou d'abattement applicable à ces cotisations. Le IV prévoit enfin qu'une personne ne peut bénéficier de l'exonération pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle elle a cessé d'en bénéficier au titre d'une activité antérieure.

B. LES MICRO-ENTREPRENEURS BÉNÉFICIENT À CET ÉGARD D'UN TRAITEMENT PLUS FAVORABLE QUE LES AUTRES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

Les micro-entreprises, soit les entreprises relavant des articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts, bénéficient au titre de l'ACRE d'un régime dérogatoire dont ne bénéficient pas les autres travailleurs indépendants entrant dans le champ de l'article L. 611-1 du code de la sécurité sociale.

Premièrement, eu égard aux modalités spécifiques de l'assujettissement des micro-entreprises relevant du régime micro-social aux cotisations sociales prévues par l'article L. 613-7 du code de la sécurité sociale, soit l'application d'un taux global de cotisation fixé par décret à leur chiffre d'affaires, il est prévu que l'exonération dont elles bénéficient au titre de l'ACRE lors de la première année soit de 75 % de ce taux global 30 ( * ) .

Or, si à l'origine ce traitement plaçait de fait les micro-entreprises au même niveau d'exonération que les autres travailleurs indépendants, ce n'est plus le cas aujourd'hui. La réduction progressive des cotisations sociales des travailleurs indépendants d'une part, et la hausse de la part que représente la CSG dans le taux global de prélèvement pour les micro-entrepreneurs d'autre part, conduit ces derniers à se retrouver dans une situation plus favorable que les autres travailleurs indépendants du point de vue de l'ACRE.

Le taux de l'exonération applicable aux micro-entreprises revient ainsi de fait à faire porter une partie de l'exonération au titre de l'ACCRE sur des montants dus au titre de la CSG-CRDS et des régimes de retraite complémentaires, normalement exclus du champ de ce dispositif . En effet, le premier alinéa du I de l'article 613-7 du code de la sécurité sociale prévoit que le taux d'exonération dont les micro-entreprises peuvent bénéficier ne peut excéder la somme des taux de la CSG et de la CRDS, sans inclure celui des cotisations de retraite complémentaire.

Deuxièmement, il est prévu au II de l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale qu'un décret peut prolonger l'exonération au titre de l'ACRE en faveur des micro-entreprises. Ainsi les décrets D. 131-6-2 (micro-entreprises relevant du régime micro-social) et D. 131-6-3 (micro-entreprises ne relevant pas du régime micro-social) du code de la sécurité sociale prévoient-ils une prolongation sur deux ans de l'exonération : pour les micro-entreprises relevant du régime une exonération de 50 % du taux global de chiffre d'affaires l'année N+1 et une exonération 25 % du taux global de chiffre d'affaires l'année N+2.

Les régimes d'exonération des travailleurs indépendants et micro-entreprises
au titre de l'ACRE

Niveau d'exonération

Année N

Année N+1

Année N+2

Travailleurs indépendants

Exonération à 100 % de toutes les cotisations sociales jusqu'à ¾ du PASS puis exonération dégressive jusqu'au PASS

(sauf cotisations de retraite supplémentaire et CSG-CRDS)

-

-

Micro-entreprises (non micro-social)

Exonération à 100 % de toutes les cotisations sociales jusqu'à ¾ du PASS puis exonération dégressive jusqu'au PASS

(sauf cotisations de retraite supplémentaire et CSG-CRDS)

Prolongation de 2/3 des montants exonérés

Prolongation de 1/3 des montants exonérés

Micro-entreprise (micro-social)

75% du taux global applicable au CA

50% du taux global applicable au CA

25% du taux global applicable au CA

Source : Évaluation préalable de l'article 80 du projet de loi de finances pour 2020

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le dispositif proposé vise principalement à enrayer deux phénomènes :

- une prolifération des micro-entreprises (45 % des créations d'entreprises en 2018), laissant craindre une dissimulation sous ce statut d'activités relevant en réalité du salariat ;

- une augmentation imprévue du coût du dispositif : celui-ci pourrait passer de 446 millions d'euros en 2018 à 612 millions d'euros en 2019, 793,25 millions d'euros en 2020 et jusqu'à 1,4 milliards d'euros en 2022.

Le IV du présent article prévoit une entrée en vigueur du dispositif proposé au 1 er janvier 2020 .

L'ensemble des mesures législatives et réglementaires envisagées, devraient générer une économie de 200 millions d'euros par rapport au tendanciel en 2020.

A. POUR LES MICRO-ENTREPRENEURS, LE BÉNÉFICE DE L'ACCRE SERA RECENTRÉ SUR LES PUBLICS CIBLES

Le 1° du I de l'article proposé prévoit de modifier le I de l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale afin que les micro-entrepreneurs ne puissent bénéficier de l'ACRE que s'ils appartiennent par ailleurs à l'une des catégories mentionnées à l'article L. 5141-1 du code du travail précité, soit les publics cibles auxquels le dispositif était initialement réservé (demandeurs d'emploi indemnisés, boursiers du RSA etc .), soit près de 250 000 personnes.

Le b) du 2° du I du présent article prévoit par ailleurs que les micro-entrepreneurs éligibles à l'ACRE devront formuler leur demande d'exonération auprès de l'union du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales (URSSAF).

L'aide reste généralisée pour les autres créations et reprises d'entreprises, y compris sous un statut de travailleur indépendant , à l'exception des médecins (article L. 642-4-2 du code de la sécurité sociale).

B. LE TRAITEMENT DES MICRO-ENTREPRENEURS AU TITRE DE L'ACRE SERA ALIGNÉ SUR CELUI DES AUTRES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

1. L'exonération dont bénéficieront les micro-entrepreneurs au titre de l'ACRE ne pourra pas être étendue aux années suivantes

Le a) du 2° du I du présent article prévoit de supprimer la possibilité ouverte au pouvoir réglementaire de prolonger l'exonération dont bénéficient les micro-entreprises, dont l'ACRE ne portera donc désormais que sur la première année.

2. Le niveau de l'exonération dont bénéficient les micro-entrepreneurs au titre de l'ACRE sera aligné sur celui des autres travailleurs indépendants

Le 1° du II de l'article proposé prévoit de modifier le premier alinéa du I de l'article 613-7 du code de la sécurité sociale de telle sorte que le taux d'exonération dont bénéficient les micro-entrepreneurs ne puisse excéder la somme des taux de la CSG, de la CRDS et des cotisations dues de retraites complémentaires .

Le 2° du II de l'article proposé prévoit une modification rédactionnelle du même article.

C. LE BÉNÉFICE DE L'ACRE EST ÉTENDU AUX CONJOINTS COLLABORATEURS DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

Enfin, le c) du 2° du I de l'article proposé prévoit de modifier l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale de façon à étendre le bénéfice de l'ACRE aux conjoints collaborateurs des travailleurs indépendants non micro-entrepreneurs.

Le statut de conjoint collaborateur a été créé par la loi n° 2005-882 du 5 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. Il est applicable au conjoint d'un chef d'entreprise collaborant à l'activité de sa société sans en être ni associé ni salarié.

Le revenu pris en compte pour déterminer le montant de l'exonération accordée correspond à la fraction du revenu du chef d'entreprise attribuée au conjoint collaborateur. Cette fraction est alors déduite du revenu permettant de déterminer le montant d'exonération applicable aux cotisations du chef d'entreprise. Il est affilié au régime social du chef d'entreprise en qualité d'ayant droit.

Ne sont pas concernés les conjoints collaborateurs des avocats ayant opté pour un régime particulier d'assujettissement aux cotisations sociales prévues par le 3° de l'article L. 662-1 du code de la sécurité sociale, dont les modalités sont déjà similaires à celles du dispositif proposé.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel déposé par la rapporteure spéciale Marie-Christine Verdier-Jouclas, modifiant le 2° du III du présent article.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN RECENTRAGE NÉCESSAIRE, UN ALIGNEMENT CONTESTABLE

Vos rapporteurs spéciaux considèrent comme nécessaire le recentrage de l'ACRE sur le public initialement ciblé . L'explosion du coût du dispositif actuel témoigne du fait que sa généralisation était manifestement une erreur, ayant ouvert la porte à tous les abus.

Ils ne peuvent cependant que regretter que, si ce dispositif était adopté, un demandeur d'emploi ou une autre personne éligible désirant créer ou reprendre une micro-entreprise bénéficierait d'une ACRE moins avantageuse qu'auparavant, car limitée à l'année de lancement de l'activité.

B. DES COMPLÉMENTS RÉGLEMENTAIRES ANNONCÉS PAR LE GOUVERNEMENT QUI REMETTENT EN CAUSE DES DROITS ACQUIS

L'évaluation préalable de l'article proposé annonce, dans le cadre de l'objectif d'alignement du régime des micro-entreprises sur celui des autres travailleurs indépendants au titre de l'ACRE, la prise d'un décret abaissant à 50 % le taux d'exonération dont bénéficieront les micro-entreprises relevant du régime micro-social. Conformément aux objectifs du dispositif proposé, ce niveau d'exonération devrait permettre de ne plus faire porter une partie de l'exonération au titre de l'ACRE sur une partie des montants dus au titre de la CSG-CRDS et des régimes de retraite complémentaires.

Le même décret devrait prévoir un abaissement du taux de l'exonération au titre de l'ACRE pour les années 2020 et 2021 dont auraient dû bénéficier les micro-entrepreneurs relevant du régime micro-social entrés dans le dispositif en 2019 . L'exonération serait ainsi ramenée à 25 % du taux global applicable au chiffre d'affaires en 2020 (et non plus 50 %), et à 10 % en 2021 (et non plus 25 %)

Ces deux décrets étaient initialement prévus pour l'automne 2019, soit avant même le vote du Parlement sur l'article proposé. Le Gouvernement, après avoir reçu la fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) le 28 octobre 2019, a annoncé leur report au 1 er janvier 2020. Le coût de ce report a été chiffré à 50 millions d'euros, intégré au budget de la mission « Travail et emploi » par l'amendement n° II-2048 déposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale le 6 novembre 2019.

Vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent d'une telle décision, qui a pour effet de remettre en cause les effets pouvant légitimement être attendus de situations légalement acquises par les micro-entrepreneurs concernés. Ils considèrent en outre qu'un tel décret, qui porte atteinte au principe de sécurité juridique, serait juridiquement fragile.

En effet, la Cour européenne des droits de l'Homme considère que l'article 1 er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952 relatif au droit de propriété doit être interprété en ce sens que doit être regardée comme un bien au sens de cet article une créance, même si celle-ci n'est ni constatée ni liquidée par une décision judiciaire, dès lors que celui qui la détient possède une « espérance légitime » de la voir se concrétiser 31 ( * ) . Ce raisonnement s'applique notamment aux créances d'impôts que le contribuable détient sur l'État 32 ( * ) , mais peut de fait concerner tout dispositif fiscal qui lui serait favorable.

Le Conseil d'État a déjà fait une application positive de cette notion dans une situation proche de celle dont il est ici question pour écarter au motif de sa contrariété avec le droit européen des droits de l'Homme une disposition législative remettant en cause le bénéfice d'un crédit d'impôt sur les sociétés devant initialement s'appliquer pour une durée de trois ans à des entreprises qui avaient réuni les conditions pour s'en prévaloir (en l'espèce l'atteinte d'objectifs en matière de création d'emploi) avant la suppression du dispositif 33 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux attirent donc l'attention du Gouvernement sur les conséquences d'une telle mesure, dont la dimension rétroactive porterait une réelle atteinte à la confiance que les entrepreneurs de notre pays peuvent porter en lui et dont la légalité n'est pas assurée .

Ils vous proposent par ailleurs d'adopter un amendement tendant à maintenir la possibilité ouverte au décret d'étendre le bénéfice de l'exonération sur plusieurs années pour les micro-entrepreneurs, qui n'appartiendront désormais qu'aux publics cibles relevant de la politique de l'emploi.

Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 81 (nouveau)
(Art. L. 6331-48, L. 6331-50 et L. 6331-51 du code du travail)

Fin du double assujettissement au titre de cotisation formation professionnelle des chefs d'entreprises artisanales affiliés au régime général de la sécurité sociale

. Commentaire : le présent article prévoit la correction d'une anomalie juridique entraînant, pour les chefs d'entreprise artisanale affiliés au régime général de la sécurité sociale, une double obligation de versement de la cotisation formation professionnelle aux URSSAF et aux OPCO.

I. LE DROIT EXISTANT

Les chefs d'entreprise artisanale qui, en raison de la forme sociale de leur entreprise sont rattachés au régime général de la sécurité sociale par la loi (article L. 311-3 de la sécurité sociale) sont, en l'état du droit, doublement assujettis à la cotisation formation professionnelle :

- une fois auprès de l'opérateur de compétences (OPCO) de rattachement de l'entreprise pour l'ensemble des salariés de l'entreprise, y compris le chef d'entreprise en sa qualité de salarié, comme le prévoit la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ;

- une autre fois auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) en tant qu'entreprise artisanale immatriculée au répertoire des métiers, comme le prévoient le premier alinéa de l'article L. 6331-48 du code du travail, ainsi que le quatrième alinéa de l'article L. 6331-50 et le deuxième alinéa de l'article L. 331-51 du même code.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Suite aux contestations émises par cette catégorie professionnelle, le Gouvernement a entendu corriger cette anomalie juridique, via le dépôt d'un article additionnel par l'amendement n°II-2190, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture avec l'avis favorable de la rapporteure spéciale.

Le I de l'article proposé prévoit la suppression de versement de ladite contribution aux URSSAF, en modifiant le premier alinéa de l'article L. 6331-48 du code du travail, et en supprimant le quatrième alinéa de l'article L. 6331-50 et le deuxième alinéa de l'article L. 331-51 du même code.

Le II de l'article proposé prévoit une entrée en vigueur de ces dispositions au 1 er janvier 2020.

Les chefs d'entreprise concernés ne verseront donc leur cotisation qu'aux OPCO, auprès desquels ils pourront faire valoir leurs droits à formation.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Vos rapporteurs spéciaux prennent acte de cette correction technique.

Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 82 (nouveau)

Demande de rapport au Parlement évaluant le financement des contrats d'apprentissage dans le secteur public local et le coût de leur prise en charge par le CNFPT

Commentaire : le présent article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement avant le 1 er septembre 2020 un rapport évaluant le financement des contrats d'apprentissage dans le secteur public local et le coût de leur prise en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les collectivités territoriales.

I. LE DROIT EXISTANT

Tirant les conséquences de la réforme de la perte de la compétence des régions en matière de financement de l'apprentissage en vertu de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'article 62 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) verse aux centres de formation d'apprentis une contribution fixée à 50 % des frais de formation des apprentis employés par les collectivités territoriales .

Le reste à charge doit être financé par les collectivités territoriales.

Cette disposition s'applique aux contrats d'apprentissage conclus à partir du 1 er janvier 2020.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

S'inquiétant des conséquences d'une telle réforme sur les finances du CNFPT et des collectivités territoriales, le député Gérard Cherpion a déposé l'amendement n° II-1410 adopté par l'Assemblée nationale en première lecture avec l'avis favorable de la rapporteure spéciale et du Gouvernement, demandant la remise par le Gouvernement avant le 1 er septembre 2020 d'un rapport au Parlement évaluant le financement des contrats d'apprentissage dans le secteur public local et le coût de leur prise en charge par le CNFPT et les collectivités territoriales.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Vos rapporteurs spéciaux partagent cette inquiétude sur l'impact financier de cette réforme sur les finances du CNFPT, dont la mission première doit rester la formation des agents territoriaux. Si l'article proposé reste affecté d'un risque juridique en ce qu'il pourrait ne pas relever du domaine de la loi de finances, ils considèrent qu'un rapport sur cette question est nécessaire.

Ils rappellent que l'article 22 bis B du projet de loi de transformation de la fonction publique transmis au Sénat en première lecture prévoyait une contribution du CNFPT à hauteur de 75 % des frais de formation. Le texte adopté par le Sénat, conscient de ces risques, a limité cette contribution à 30 %. C'est finalement le texte de compromis issu de la commission mixte paritaire qui a fixé le niveau de cette contribution à 50 %.

Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

LES AMENDEMENTS PROPOSÉS
PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

PROJET DE LOI DE FINANCES

ARTICLES SECONDE PARTIE

MISSION TRAVAIL ET EMPLOI

NN°

1

AMENDEMENT

présenté par

M. CAPUS et Mme TAILLÉ~-POLIAN

_________________

ARTICLE 38

ÉTAT B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

5 000 000

5 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

5 000 000

5 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

dont titre 2

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

OBJET

Dans sa rédaction initiale, le présent projet de loi de finances pour 2020 prévoyait la suppression des crédits à destination des maisons de l'emploi, alors qu'un montant de 5 millions d'euros était inscrit à ce titre en loi de finances pour 2019 et de 12 millions d'euros en loi de finances pour 2018.

Or, dans le cadre de leur contrôle budgétaire sur les maisons de l'emploi, vos rapporteurs spéciaux ont pu mesurer l'intérêt de conserver de telles structures. Ils dressaient ainsi un « bilan globalement positif de l'action des maisons de l'emploi », estimant que « le positionnement des maisons de l'emploi en tant qu' " ensembliers " des différents acteurs de la politique de l'emploi est désormais clarifié. En particulier, leur action en matière de gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences (GPTEC), d'ingénierie territoriale et de promotion des clauses sociales est reconnue et saluée par leurs interlocuteurs et partenaires ».

Ils appelaient par conséquent à une pérennisation de leurs financements.

Deux amendements identiques (amendements n°II-877 et n°II-1161), déposés respectivement par la rapporteure spéciale Marie-Christine Verdier-Jouclas et Sarah El Haïry, et adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale avec avis favorable du Gouvernement, prévoient un financement des maisons de l'emploi à hauteur de 5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sur les crédits de l'action 01 « amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi » du programme 102 « Accès et retour à l'emploi », gagés sur les crédits de l'action 01 « anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi » du programme 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Ce montant apparaît cependant insuffisant pour permettre un soutien effectif de ces structures et se traduirait par un risque de « saupoudrage ». C'est pourquoi le présent amendement prévoit de porter le financement de l'État alloué aux maisons de l'emploi à 10 millions d'euros en AE comme en CP, en ajoutant 5 millions d'euros à la ligne de crédits qui leur est désormais consacrée au titre de l'action 01 « amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi » du programme 102 « accès et retour à l'emploi ».

Ce montant est gagé à hauteur de 5 millions d'euros en AE et CP sur l'action 01 « anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi » du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Des économies supplémentaires semblent en effet pouvoir être réalisées sur les crédits de la sous-action 01 « développement de l'emploi en TPE-PME ». Ces économies pourraient notamment porter sur l'enveloppe de 57 millions d'euros alloués à une offre de service de conseil en ressources humaines aux filières, aux branches, et aux entreprises, dans la mesure où ces dernières pourront également bénéficier de l'action des maisons de l'emploi pour leurs politiques de recrutement. Une sous-consommation de l'enveloppe de 233,59 millions d'euros en AE et 79,73 millions d'euros en CP afférente au dispositif « emplois francs » est également crédible. L'objectif de 40 000 bénéficiaires à fin 2020, soit un doublement par rapport à 2019 paraît difficile à atteindre malgré la généralisation attendue. Une telle économie peut notamment être réalisée en veillant à limiter les risques d'effets d'aubaine liés à ce dispositif.

PROJET DE LOI DE FINANCES

ARTICLES SECONDE PARTIE

MISSION TRAVAIL ET EMPLOI

N°°

2

AMENDEMENT

présenté par

M. CAPUS et MME TAILLÉ-POLIAN

_________________

ARTICLE 80

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

OBJET

Le présent amendement a pour objet de maintenir la possibilité ouverte au décret d'étendre sur plusieurs années le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales au titre de l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise (ACRE) telle que recentrée par l'article 80 du présent projet de loi de finances.

L'aide aux chômeurs créant ou reprenant une entreprise (ACCRE) avait été créée en 1979. Elle permettait aux demandeurs d'emploi indemnisés créant ou reprenant une entreprise de bénéficier lors de leur première année d'activité d'une exonération de cotisations sociales pour la fraction de revenus inférieure au ¾ du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), puis d'une exonération dégressive jusqu'à 100 % du PASS.

Ce dispositif a par la suite été étendu à plusieurs catégories ciblées, listées par l'article L. 5141-1 du code du travail, tels que les demandeurs d'emploi indemnisés, les bénéficiaires du RSA ou de l'ASS, les personnes âgées de 18 à 26 ans, les personnes handicapées de moins de 30 ans ou encore les créateurs ou repreneurs d'entreprises implantées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

Il est à noter que son financement est assuré par la mission « Travail et emploi » depuis l'exercice 2017.

L'article 13 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, a toutefois transformé la philosophie du dispositif, devenu l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise (ACRE), en lui substituant un mécanisme général d'exonérations de cotisations sociales de début d'activités pour les créateurs et repreneurs d'entreprises à compter du 1 er janvier 2019, désormais prévu à l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale. Cette évolution correspondait à un engagement pris pendant la campagne présidentielle d'une « année blanche » de cotisations pour les créateurs d'entreprises.

Le nouveau dispositif avait également pour caractéristique de favoriser les micro-entreprises par rapport aux autres catégories de travailleurs indépendants. Un décret pouvait notamment prévoir une prolongation sur deux ans de leur exonération de cotisations.

Cette décision de généralisation a eu deux conséquences fâcheuses.

D'abord, on a observé une prolifération des micro-entreprises (45 % des créations d'entreprises en 2018), laissant craindre une dissimulation sous ce statut d'activités relevant en réalité du salariat.

Surtout, une explosion du coût du dispositif a pu être constatée : de 446 millions d'euros en 2018, celui-ci atteindrait 800 millions d'euros en 2020 et jusqu'à 1,4 milliard d'euros en 2022.

L'article 80 du présent projet de loi de finances vise à enrayer ce phénomène en recentrant le bénéfice de l'ACRE, s'agissant des micro-entrepreneurs, sur les seuls publics initialement visés et listés par l'article L. 5141-1 du code du travail, ce qui est une décision parfaitement légitime eu égard au dérapage financier décrit plus haut.

La décision de supprimer la faculté laissée au décret de prolonger l'exonération sur trois ans, alors même que l'aide sera désormais recentrée sur ces publics, est plus contestable. C'est pourquoi il est proposé par cet amendement de maintenir cette possibilité ouverte.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 13 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de MM. Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Travail et emploi ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous examinons maintenant le rapport spécial sur la mission « Travail et emploi ».

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi ». - Ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même vous présenterons ce rapport à deux voix. Comme les années précédentes, nos avis divergent pour l'essentiel, ce qui ne nous empêche pas de porter certaines appréciations communes sur ce budget.

La première caractéristique de ce budget est sa stabilité par rapport à l'année précédente, faisant suite à plusieurs années de forte baisse des crédits de la mission. Les autorisations d'engagement se stabilisent à 13,5 milliards d'euros, tandis que les crédits de paiement, portés à 12,8 milliards d'euros, connaissent une légère augmentation.

La diminution des crédits de la mission constatée les années précédentes respecte strictement la programmation triennale 2018-2020 et traduit la nécessaire contribution du ministère du travail et de ses opérateurs au redressement des finances publiques. La stabilisation des crédits prévue pour 2020 et les années suivantes doit permettre de concentrer les efforts sur l'accès à l'emploi et sur la formation des publics qui en sont aujourd'hui le plus éloignés.

Cette trajectoire est également à replacer dans le cadre d'une amélioration de la situation de l'emploi. En effet, selon l'Insee, au deuxième trimestre 2019, le chômage s'établit à 8,5 % de la population active, soit 0,6 point sous son niveau de 2018 et 2 points sous son niveau de 2015. Le chômage de longue durée - au moins un an - continue de baisser, s'établissant à 3,1 % de la population active.

La baisse constatée des effectifs du ministère - moins 226 ETP - s'inscrit dans le cadre plus large de la réforme de l'État et de son organisation territoriale. Celle-ci devrait aller de pair avec une revue des missions et des redéploiements d'effectifs cohérents avec les priorités de la politique de l'emploi, avec un renforcement des moyens humains sur la formation et l'apprentissage. Cette baisse doit enfin être appréhendée dans le cadre global, évoqué lors de la présentation du tome I par le rapporteur général la semaine dernière, d'une hausse du schéma d'emploi de l'État de 196 ETP en 2020, concentrée sur les missions régaliennes.

À l'inverse, les effectifs de Pôle emploi augmentent de près de 1 000 ETP en 2020. Cette évolution permettra un renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, mais aussi des entreprises. On sait les difficultés que certains chefs d'entreprise rencontrent pour recruter dans certains secteurs industriels en tension, comme la construction ou la métallurgie.

Une diminution importante des effectifs est en revanche à prévoir à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui poursuit un plan de transformation, indispensable pour redresser sa situation financière.

Ce budget, comme je l'évoquais, s'adresse prioritairement aux publics les plus éloignés de l'emploi.

Les parcours emploi-compétences (PEC), lancés en 2018, constituent un progrès qualitatif par rapport aux anciennes formules de contrats aidés, qui visaient davantage à améliorer artificiellement les statistiques du chômage qu'à répondre aux besoins réels et individuels des personnes. Les faibles performances de ces dispositifs en termes de sortie dans l'emploi durable sont là pour en attester. Le niveau des PEC se stabilise en 2020 autour de 100 000 contrats.

Peut également être relevé l'effort important au profit du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui dépasse le milliard d'euros en 2020. C'est un enjeu important de ce budget. Les structures de l'IAE accueillent les publics les plus éloignés de l'emploi, souvent peu qualifiés ou chômeurs de très longue durée. L'objectif visé est la création de 100 000 nouveaux postes dans ce secteur en 2022 par rapport à 2017, soit 230 000 personnes accompagnées. Il s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et va donc au-delà de la politique de l'emploi stricto sensu . Le principal enjeu désormais, pour les structures de l'IAE, est d'être en mesure d'absorber cette hausse de leurs moyens et de leurs effectifs.

Les moyens alloués en faveur de l'emploi des personnes handicapées augmentent également, portés en 2020 à 407 millions d'euros.

Le Plan d'investissements dans les compétences (PIC) constitue un autre volet important de ce budget. Il se fixe pour objectif de former un million de jeunes décrocheurs et un million de chômeurs de longue durée, en mobilisant près de 14 milliards d'euros sur cinq ans. Une grande partie de sa mise en oeuvre relève des régions. Près d'1,5 milliard d'euros d'AE et 1 milliard de CP devaient lui être consacré en 2020 sur les crédits de la mission, auxquels s'ajoutera un concours de France compétences à hauteur de 1,6 milliard d'euros.

Depuis son lancement, le PIC a permis la formation de 475 000 demandeurs d'emploi et l'accompagnement de 200 000 jeunes. L'ensemble des conventions avec les régions ont été signées en 2019, même s'il est à noter que deux régions ont décidé de ne pas s'associer à cette démarche. L'année 2020 constituera la première année de pleine mise en oeuvre du plan.

Comme vous l'avez vu, les crédits qui lui seront consacrés seront en réalité diminués de 120 millions d'euros. Il était en effet nécessaire, pour préserver l'équilibre de ce budget, de compenser financièrement la suppression de l'article 79 du présent projet de loi de finances qui entendait recentrer le bénéfice des exonérations applicables aux aides à domicile. L'impact de cette décision sur le bon déroulement du PIC devra être évalué à l'aune d'une probable sous-consommation des crédits.

Une difficulté qui ressort des auditions que nous avons conduites concerne le pilotage du Plan. On peut déplorer un déficit de coordination entre l'État et les régions. Il convient par ailleurs de s'interroger sur la pertinence d'un découplage des compétences d'accompagnement des jeunes, qui relèvent des missions locales, et des compétences de formation professionnelle, qui relèvent des régions.

Sophie Taillé-Polian et moi-même regrettons l'absence de ligne de crédit consacrée aux maisons de l'emploi. Ces structures, auxquelles nous avions consacré un rapport de contrôle l'année dernière, jouent un rôle très important de gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences. Comme l'année dernière, l'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant le maintien d'une ligne de crédit à hauteur de 5 millions d'euros pour les maisons de l'emploi. Comme l'année dernière, notre analyse de leurs besoins nous porte à juger ce montant insuffisant et nous proposerons donc à la commission d'adopter un amendement portant ce financement de l'État à 10 millions d'euros.

Dans l'ensemble, ce budget me paraît toutefois sérieux, en phase avec la situation de nos finances publiques et avec les enjeux actuels de la politique de l'emploi. Je vous proposerai donc d'adopter les crédits de la mission.

J'ajoute que nous serons également amenés à examiner trois articles rattachés.

Comme je l'ai rappelé, l'article 79 recentrant les exonérations en faveur de l'emploi des aides à domicile a bien été supprimé en première lecture à l'Assemblée nationale. Son coût de 203 millions d'euros pour les finances publiques a été compensé à hauteur de 120 millions d'euros par les crédits de la mission « Travail et emploi ».

L'article 80, qui, lui, nous sera bel et bien transmis, concerne le recentrage de l'Aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) sur son public-cible, c'est-à-dire les publics prioritaires de la politique de l'emploi. L'article soulève toutefois toute une série de problèmes ; c'est pourquoi nous vous proposerons de l'amender.

Enfin, deux articles additionnels ont été adoptés lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. Le premier est purement technique et ne devrait pas soulever de difficulté. Le second prend la forme d'une demande de rapport sur l'impact de la réforme de l'apprentissage sur les finances du Centre national de la fonction publique territoriale.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale de la mission « Travail et emploi » . - Mon analyse de ce budget diffère de celle de mon collègue. Certes, les crédits se stabilisent en 2020, mais cette stabilisation fait suite aux deux années de très importante baisse. Depuis 2017, ils ont en effet connu une diminution de près de 25 %.

Les statistiques du chômage sont à prendre avec précaution. Certaines catégories d'actifs restent très éloignées de l'emploi. Je rappellerai quelques chiffres : le taux de chômage des jeunes s'établit à 19,2 % en 2019, soit 0,6 point de plus qu'un an plus tôt. Le taux de chômage des travailleurs handicapés s'élève également à 19 %. Les publics très spécifiques sont encore massivement touchés.

Ces évolutions s'inscrivent également dans un contexte d'augmentation constante des emplois précaires, qui est une tendance de fond du paysage social français liée aux politiques de flexibilisation du marché du travail. Entre 2001 et 2017, le nombre d'entrées annuelles en CDD a été multiplié par 2,5, de sorte que celles-ci représentent près de 84 % des créations d'emploi pour les entreprises de plus de 50 salariés. La part des CDD de moins d'un mois est passée de 57 % en 1998 à 83 % en 2017. L'on assiste également à une très forte hausse de l'emploi intérimaire. Cela crée des besoins nouveaux en matière d'accompagnement des personnes privées d'emploi.

La traduction la plus regrettable de ces orientations budgétaires est la baisse constante des effectifs du ministère du travail. Les emplois sous plafonds ont diminué de près de 10 % depuis 2017, alors même que la situation de l'emploi nécessite plus que jamais un renforcement de l'accompagnement et des moyens humains. L'inspection du travail a besoin d'agents, car le droit se complexifie et le nombre d'entreprises augmente. La hausse des effectifs de Pôle emploi cette année a été annoncée, en contrepartie de la transformation des règles d'accès à l'Unedic. Si elle est louable, elle ne compense pas les importantes réductions d'effectifs de ces deux dernières années.

L'on ne saurait de surcroît attribuer le mérite de cette hausse au Gouvernement, qui a décidé cette année une nouvelle diminution, à hauteur de près de 10 %, de la subvention pour charges de service public de Pôle emploi. Au contraire, celle-ci est bien financée par une hausse de 1 point de la contribution de l'Unédic, ainsi portée à 11 % de ses ressources. L'État, qui a par ailleurs imposé une réforme de l'assurance chômage restreignant considérablement les droits des demandeurs d'emploi dans le seul but de générer 4,5 milliards d'euros d'économie pour l'Unédic à l'horizon 2022, fait ainsi supporter aux chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l'emploi. C'est bien là, et non dans une prétendue générosité excessive du système d'assurance chômage, qu'il faut chercher la cause de la dette de l'Unédic.

Les réelles difficultés financières de l'AFPA sont la conséquence aisément prévisible de l'intégration dans le champ concurrentiel des missions de service public qu'elle exerce. Le plan de transformation affaiblira encore l'opérateur et se traduira par une baisse de la qualité du service rendu, ainsi que par une diminution de sa présence sur le territoire : dans certains départements, on ne compte aujourd'hui plus aucun centre AFPA. Le plan de transformation emporte également de lourds risques sur la santé des personnels de l'AFPA. La forte dégradation des indicateurs socio-sanitaires traduit en effet une situation alarmante à laquelle il convient que les autorités apportent une réponse. L'AFPA a pourtant par le passé su combiner qualité de la formation et accès à la formation pour tous et ainsi démontrer une efficacité sociale élevée, avec un taux d'entrée en emploi supérieur à la moyenne des organismes de formation.

Je partage pour partie l'analyse de mon collègue concernant les PEC, qui constituent bien un outil intéressant en termes d'accompagnement qualitatif des demandeurs d'emploi. Cependant, la stabilisation des crédits ne compense pas la baisse très importante des moyens consacrés aux contrats aidés sur les dernières années : le nombre de contrats aidés, tous dispositifs confondus, s'élevait à 453 000 en 2016, contre 100 000 PEC seulement attendus en 2020.

L'argument selon lequel les anciens contrats aidés seraient inefficaces eu égard aux faibles taux d'insertion dans l'emploi constatés ne tient pas dans la mesure où les publics auxquels ils s'adressent sont précisément des publics éloignés du marché du travail. En outre, la baisse du taux de prise en charge de ces contrats n'a pas favorisé leur maintien, notamment dans le tissu associatif où ils accomplissaient des missions diverses et très utiles socialement.

Je considère également que le soutien au secteur de l'IAE va dans le bon sens. Ces structures accompagnent les personnes qui sont les plus éloignées de l'emploi. J'émettrai toutefois un point de vigilance quant au modèle de structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) que le Gouvernement semble promouvoir. Ainsi, le modèle associatif représenté par les associations d'insertion (AI), qui cible les personnes les plus en difficulté, voit son enveloppe diminuer. L'expérimentation lancée cette année d'une « insertion par le travail indépendant » me laisse dubitative, mais elle révèle bien la philosophie de ce Gouvernement.

S'agissant du PIC, je remarque que le montant affiché de 14 milliards d'euros inclue plusieurs dispositifs préexistants et n'est atteint que grâce à des financements issus de fonds de concours.

Je partage le constat d'une certaine déficience de pilotage du PIC, avec des risques sérieux de concurrence entre les dispositifs mis en place par les régions et ceux mis en place par l'État. Les auditions nous ont confirmé que le PIC peine encore à attirer les personnes les plus éloignées de l'emploi. L'explication réside sans doute dans l'approche qui a été retenue, trop centrée sur les qualifications. Trop de personnes renoncent encore à se former, pour se tourner à la place vers des emplois précaires.

Enfin, la diminution de 120 millions d'euros constitue évidemment un mauvais signal. Alors que la formation des chômeurs était affichée comme l'une des priorités du Gouvernement, elle se révèle être sa variable d'ajustement.

Je conclurai d'un mot sur l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Elle est le fruit d'une proposition de loi votée à l'unanimité : dans dix territoires pilotes, des entreprises à but d'emploi (EBE) ont pour charge de recruter en CDI à temps choisi tous les demandeurs d'emploi volontaires du territoire au chômage depuis plus d'un an. Les entreprises doivent dans ce cadre développer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire.

Je porte un jugement positif sur cette expérimentation, qui commence à porter ses fruits. Le fait d'inclure dans l'emploi des chômeurs de longue durée non par des contrats précaires ou aidés, mais bien par des CDI, génère une dynamique très positive pour leur parcours de vie comme pour leur territoire. On constate en effet que cela permet de redynamiser l'économie locale, qui bénéficie du pouvoir d'achat accru de ces personnes.

Le dispositif devait démontrer que le coût du dispositif ne dépassera pas la dépense directe et indirecte de la collectivité liée au chômage de longue durée.

Si l'évaluation de l'expérimentation est donc bien nécessaire, force est de constater que son extension et sa généralisation tardent. Pas moins de trois rapports doivent tirer le bilan de ce dispositif, ce qui contraste quelque peu avec la précipitation du Gouvernement à généraliser le dispositif des « emplois francs », annoncée avant même la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation prévu par la loi et en dépit des forts risques d'effets d'aubaine liés à ce dispositif. L'heure est maintenant à l'accélération du calendrier législatif. Une centaine de territoires sont dans les starting-blocks pour créer leur EBE.

Ce budget ne me semble donc pas répondre aux attentes de nos concitoyens les plus en difficulté, ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail ou ceux qui sont contraints d'enchaîner les emplois précaires et les périodes de chômage. La très importante baisse des moyens du ministère du travail et de ses opérateurs depuis 2017 est en net décalage avec les ambitions affichées en matière d'inclusion.

Aussi, je vous propose de rejeter les crédits de la mission. S'ils venaient à être adoptés, je vous inviterais à adopter l'amendement que j'ai cosigné avec Emmanuel Capus visant à augmenter les moyens des maisons de l'emploi.

M. Antoine Lefèvre . - Je remercie les rapporteurs spéciaux de ces précisions. Je partage certaines de leurs analyses, notamment la défense des maisons de l'emploi. En 2007, lorsque le mouvement des maisons de l'emploi et la formation a été constitué, 82 millions d'euros de crédits étaient prévus. La dotation actuelle est de 5 millions d'euros. Même si les collectivités étaient amenées à abonder, on serait loin du compte ! Je voterai l'amendement.

On attendait beaucoup de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », mais il n'y a rien de tangible.

Y aura-t-il des dispositifs plus poussés pour les seniors ? En effet, 64 % des chômeurs de longue durée sont des seniors. Le Conseil économique, social et environnemental a formulé un certain nombre de pistes, mais des pistes nouvelles sont-elles prévues pour améliorer cette situation ?

M. Philippe Dallier . - Les rapporteurs spéciaux nous ont démontré que les mêmes chiffres pouvaient être appréciés de façon radicalement différente !

La situation financière de l'AFPA a été calamiteuse dans le passé. Où en est-on ? Va-t-elle retrouver un équilibre financier ? Je constate que les crédits de paiement ont augmenté de façon importante.

Les emplois francs n'ont pas atteint leur objectif premier. Pourtant, l'idée me semble tout à fait intéressante. On a l'impression que presque personne ne sait que ça existe : c'est ce qui ressort de mes rencontres avec les entrepreneurs de Seine-Saint-Denis. Il y a un défaut d'information considérable, alors que la mesure est bonne.

M. Jean-Claude Requier . - Je connais la mission « Travail et emploi », car j'en ai été corapporteur pendant trois ans. Quid des écoles de la deuxième chance ? Il n'en est pas question dans le rapport. Existent-elles toujours ? Font-elles toujours partie de la mission?

M. Éric Jeansannetas . - Ces regards croisés sont très intéressants.

Les missions locales suscitent quelques inquiétudes. D'ailleurs, le rapport d'information de François Patriat et Jean-Claude Requier indiquait qu'il fallait stabiliser leurs modes de financement. Nous en sommes à l'an 1 de ces nouvelles modalités de financement. Des inquiétudes demeurent-elles ou une stabilisation à moyen long et termes est-elle possible pour ces opérateurs importants pour les jeunes dépourvus de qualification et éloignés de l'emploi ?

Sur l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », il y a eu un appel à projets qui a suscité de l'espérance et de l'enthousiasme sur le terrain. Dans les territoires ruraux et très ruraux, les résultats sont intéressants. Y a-t-il des éléments permettant une accélération de la formalisation de l'élargissement de l'expérimentation ? Je le confirme : certains territoires sont dans les starting-blocks !

Mme Sylvie Vermeillet . - Quels sont les territoires retenus dans le cadre de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » ? Quel est le statut des EBE ? Ces entreprises ont-elles absorbé des entreprises d'insertion par l'économique ? Comment cela s'est-il mis en place ? Quels types d'emploi sont concernés ?

M. Didier Rambaud . - Je salue le contraste entre les deux rapporteurs spéciaux. Cela pourrait faire jurisprudence !

Tous les quinze jours, je visite une entreprise dans mon département et suis sidéré par le nombre d'emplois non pourvus. Combien de temps cette situation va-t-elle durer ? Les réformes en cours en matière d'apprentissage, de formation professionnelle et l'assurance chômage sont bien nécessaires. Dans le supermarché de ma commune, cela fait deux samedis consécutifs que le gérant et son épouse remplissent les rayons. Ils ne reçoivent pas de CV.

Pourquoi faut-il une deuxième loi pour poursuivre le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » ?

M. Jean-Marc Gabouty . - C'est expérimental !

M. Marc Laménie . - Les crédits de paiement dévolus à cette mission sont importants. Le montant global pour tout ce qui est lié à l'emploi atteint 130 milliards d'euros, car d'autres financeurs interviennent. Comment se fait la répartition entre l'État, les autres partenaires et la dépense fiscale ?

Pourquoi une si forte augmentation des effectifs pour Pôle emploi ? Dans tous les départements, on note le décalage de ce premier opérateur par rapport aux propositions d'emploi : c'est malheureusement souvent disproportionné pour répondre aux attentes des entreprises. Actuellement, les artisans, commerçants, chefs d'entreprise ne trouvent pas de main-d'oeuvre, alors qu'il existe des structures, notamment Pôle emploi. Il y a aussi un décalage avec l'éducation nationale. On se retrouve dans un système paradoxal sur l'efficacité duquel on s'interroge.

Les missions locales pour les jeunes apparaissent-elles bien dans cette mission ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Mon intervention vaudra aussi explication de vote sur les amendements.

Je voterai l'amendement sur les maisons de l'emploi. On sauve ce dispositif d'une année sur l'autre, mais on reste au milieu du gué. Si certaines maisons de l'emploi fonctionnent bien, pourquoi ne pas les renforcer et les généraliser un peu plus ? Cette situation intermédiaire n'est pas totalement satisfaisante.

Sur l'ACRE, j'adhère à toute l'argumentation de l'objet de l'amendement, sauf à la conclusion. Les personnes démissionnaires ayant un projet qui pourront bénéficier d'une couverture dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage rejoindront-elles les publics visés à l'article L. 5141-1 du code du travail ? Cela paraîtrait logique.

En revanche, je suis plus que réservé sur l'exonération sur trois ans. Je rappelle que cela concerne des publics ayant des projets de petites ou de micro-entreprises. Sur un an, cela les aide à démarrer, mais, sur trois ans, cela risque de les installer dans un faux équilibre d'exploitation. C'est a pour conséquence des prix en dessous du prix de revient réel, donc des prix cassés, donc une concurrence déloyale pour les artisans et les TPE. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement, tout en étant favorable au dispositif.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - En ce qui concerne les maisons de l'emploi, la problématique est similaire à celle de l'an dernier. Nous cherchons à sauver leur budget et à faire en sorte que celles qui fonctionnent bien et ont fait la preuve de leur efficacité puissent continuer à exister sans que les collectivités territoriales soient contraintes d'intervenir pour les sauver.

L'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée » concernait initialement dix territoires. Le nombre de chômeurs de longue durée y a fortement baissé. Le modèle économique des entreprises à but d'emploi (EBE), statut très particulier, a été conforté. Il est complémentaire de celui des entreprises de l'insertion par l'activité économique. Les deux structures coexistent, sans fusion. Dans les futurs « Territoires zéro chômeurs », il est possible que des entreprises de l'insertion par l'activité économique créent une EBE à côté. L'association « Territoires zéro chômeurs » ne demande pas une généralisation immédiate du dispositif mais plutôt un élargissement et une prolongation de l'expérimentation pour continuer l'évaluation. Une seconde loi serait alors nécessaire.

L'expérimentation est un succès dans la plupart des cas. Des retours d'expérience ont eu lieu, avec des échanges entre les dix EBE qui existent et les territoires qui se sont portés candidats en vue d'un élargissement de l'expérimentation. Les contacts entre l'association et le ministère sont étroits. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), ainsi que le rapport d'un groupe d'experts devraient être réalisés. L'association « Territoires zéro chômeur de longue durée » rédigera aussi un rapport d'évaluation.

Pour éviter d'entrer en concurrence avec le secteur concurrentiel, on étudie la situation des territoires et les compétences des demandeurs d'emploi volontaires pour intégrer le dispositif. Un travail au cas par cas est mené. Dans la Nièvre, par exemple, une ressourcerie ainsi qu'un atelier de réparation des machines agricoles ont été créés, car il n'y en avait pas dans le département. L'expérience consiste donc, au fond, en une mobilisation de tous les acteurs, publics comme privés, élus comme entreprises, ce qui permet d'éviter de créer une concurrence financée par des fonds publics avec des entreprises existantes. Il s'agit de s'inscrire dans des niches d'activité tout en permettant à des chômeurs de retrouver un statut de salarié dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. L'idée est de privilégier les dépenses actives à l'indemnisation passive du chômage, même si cela coûte un peu plus cher, car les bénéfices sont plus importants.

Les contrats de génération ont été supprimés, car l'évaluation n'avait pas été concluante. Depuis, il n'y a pas eu de politique particulière à l'égard des séniors, ce qui est problématique dans la mesure où la moitié des personnes entre 55 et 65 ans ne sont pas en activité. L'AFPA a été mise en grande difficulté, car on lui a demandé de passer par la procédure des marchés publics. Contrainte par le statut de ses personnels et la nécessité d'entretenir des plateaux techniques toute l'année, elle s'est retrouvée pénalisée par rapport aux entreprises de formation classiques qui emploient des vacataires et louent des plateaux techniques ponctuellement en fonction de leurs besoins. L'AFPA a perdu des parts de marché et un plan de redressement a été élaboré. Celui-ci a été attaqué devant le tribunal de grande instance et la procédure a pris du retard. Beaucoup de suppressions d'emplois sont prévues même si le Gouvernement espère que les suppressions sèches seront rares, grâce aux départs volontaires ou aux départs à la retraite. En attendant, l'AFPA est entre deux eaux. Le budget comporte pourtant des éléments positifs, car certains crédits seront fléchés vers l'association dont la mission de service public sera reconnue et l'État ne passera plus par des appels d'offres pour certaines formations. L'AFPA deviendra donc un opérateur reconnu comme tel.

Le Gouvernement a décidé de généraliser les emplois francs même s'il n'a pas encore reçu le rapport d'évaluation prévu. Il est parvenu tant bien que mal, au prix d'une communication à outrance, car le dispositif patinait, à créer 17 000 emplois francs. Le dispositif aurait deux inconvénients potentiels : le risque d'effets d'aubaine et l'émergence d'un sentiment de discrimination chez les bénéficiaires. Le Gouvernement restera attentif au résultat des évaluations.

Avec le succès de la garantie jeunes, dont les crédits continuent d'augmenter, les missions locales ont vu leur place confortée. Les modalités de gestion des crédits de la garantie jeunes vont évoluer.  Auparavant les missions locales étaient financées par un forfait au contrat, et une part variable conditionnée à l'entrée effective du jeune dans le parcours et à une sortie positive. Une correction a été apportée, avec une hausse de la rémunération forfaitaire et une diminution de la part indexée sur les résultats pour donner plus de visibilité aux missions locales. Le Gouvernement semble aussi avoir renoncé à sa volonté de procéder à des fusions à marche forcée, privilégiant le volontariat.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Un recours a été déposé en justice contre le plan de sauvegarde de l'emploi de l'AFPA, ce qui a retardé la réorganisation prévue de six mois. Les suppressions de postes prévues n'ont pas encore eu lieu. La subvention à l'AFPA pour charge de service public est maintenue à 110 millions d'euros en 2020.

Angers a été en pointe pour expérimenter les emplois francs. Il a fallu beaucoup de temps, tant aux candidats potentiels qu'aux entreprises, pour s'approprier le mécanisme. On a dû faire beaucoup de publicité. On est allé jusqu'à diffuser des brochures dans les cages d'escalier des immeubles pour trouver des candidats, ce qui n'est pas toujours simple, car beaucoup des candidats potentiels ne sont pas inscrits à Pôle emploi et ne sont donc pas éligibles ! Je doute que l'on atteigne l'objectif de 40 000 personnes qui est visé si l'on poursuit à ce rythme.

Jean-Claude Requier, nous n'avons pas évoqué les écoles de la deuxième chance, car leur situation ne change pas. Elles continuent de percevoir des crédits du programme 102, avec un budget de 24 millions d'euros permettant le financement de 15 000 parcours. Comme les établissements pour l'insertion dans l'emploi, dotés de 56 millions d'euros et qui relèvent également du ministère de la défense, elles visent à donner une deuxième chance à des jeunes sans diplôme.

Pourquoi certains chefs d'entreprises ne trouvent-ils pas de salariés ? On peut se réjouir qu'un millier de postes aient été créés à Pôle Emploi - alors que la subvention reste stable. Des missions spécifiques sont mises en place pour recruter les profils adéquats, en se fondant sur les compétences plus que les diplômes. Les situations sont très hétérogènes selon les territoires. Dans certains départements, on approche du plein-emploi. Il est donc également nécessaire de favoriser la mobilité.

Sur les maisons de l'emploi, l'amendement est le même que l'an dernier. Nous pensons qu'il faut 10 millions d'euros ; chaque année, le Gouvernement met zéro, l'Assemblée obtient 5 millions d'euros, et nous demandons 10...

L'article 80 parle de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE), un ancien dispositif, datant de 1979, et qui était réservé à un public-cible. Depuis le 1 er janvier 2019, le Gouvernement l'a étendue à tous les créateurs d'entreprises - en vertu d'une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Le succès a été massif : 45 % des créations entreprises en 2018 sont le fait de micro-entrepreneurs. Le coût du dispositif, qui était de 446 millions d'euros en 2018, sera de 800 millions d'euros en 2020, et risquerait à droit constant d'atteindre 1,4 milliard d'euros en 2022. Avec l'article 80, le Gouvernement propose d'en revenir au public-cible initial. Pourquoi pas ? Il y a sans doute un effet d'aubaine, et nous n'avons pas les moyens d'aller à 1,4 milliard d'euros - sans compter qu'il y a du salariat déguisé derrière de nombreuses micro-entreprises. Pour les micro-entreprises, l'ACRE correspondait à une exonération de 75 % du taux global applicable en chiffre d'affaire la première année, 50 % la deuxième et 25 % la troisième. On nous propose de supprimer la possibilité de maintenir par décret l'exonération les deux années suivantes. Le Gouvernement nous demande de lui interdire, par la loi, d'exonérer par voie réglementaire. Qu'il prenne ses responsabilités ! Nous vous proposons donc de supprimer l'alinéa 7 de cet article. Il a également été annoncé qu'un décret viendrait diminuer les taux d'exonération dont auraient dû bénéficier en 2020 et 2021 les micro-entrepreneurs entrés dans le dispositif en 2019. Il nous parait difficile de revenir sur la parole donnée l'an dernier, en changeant la règle du jeu. Cela pose un problème de sécurité juridique.

M. Jean-Marc Gabouty . - Vous êtes un bon avocat, je vais rejoindre votre position.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Une mauvaise décision a été prise : celle d'élargir à outrance.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Nous revenons au mécanisme antérieur, et attirons l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il nous paraît dangereux de revenir par décret sur l'exonération octroyée l'an dernier pour les deux prochaines années.

M. Vincent Éblé , président . - Sur la mission, vous nous présentez un amendement de crédits n° 1 portant le financement des maisons de l'emploi à 10 millions d'euros.

L'amendement n° 1 a été adopté. La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Travail et Emploi », sous réserve de l'adoption de son amendement.

M. Vincent Éblé , président . - L'article 79 a été supprimé à l'Assemblée nationale. Vous nous proposez le maintien de sa suppression.

La commission a décidé de proposer au Sénat de confirmer la suppression de l'article 79.

M. Vincent Éblé , président . - Sur l'article 80, vous nous présentez un amendement n° 2.

L'amendement n° 2 a été adopté. La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'article 80 ainsi modifié.

M. Vincent Éblé , président . - Vous nous proposez d'adopter conforme l'article 81.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Il prévoit la correction d'une anomalie juridique entraînant, pour les chefs d'entreprise artisanale affiliés au régime générale de la sécurité sociale, une double obligation de versement de la cotisation « formation professionnelle » aux URSSAF et aux OPCO.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'article 81 sans modification.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - L'article 82 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1 er septembre 2020, un rapport évaluant le financement des contrats d'apprentissage dans le secteur public local et le coût de leur prise en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les collectivités territoriales. Depuis la loi du 6 août 2019 de modernisation de la fonction publique, le CNFPT finance les contrats d'apprentissage dans les collectivités territoriales à hauteur de 50 %. Cela constitue un réel problème pour son équilibre financier et risque de l'empêcher de se concentrer sur sa mission première, qui est de former les agents publics territoriaux. Nos collègues de la commission des lois avaient conscience de ce problème. Alors que l'Assemblée nationale avait prévu un financement à hauteur de 75 %, ils l'avaient ramené à 20 %. Le texte issu de la CMP a abouti au compromis de 50 %. Le Gouvernement semble avoir pris conscience de ces risques, et a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, qui propose un rapport sur l'impact de cette réforme sur les finances du CNFPT. Je m'en remets donc à la sagesse.de la commission sur cet article

M. Philippe Dallier . - Nous pouvons voter pour...

M. Vincent Capo-Canellas . - Certains rapports sont utiles !

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'article 82 sans modification.

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par son amendement et de confirmer la suppression de l'article 79. Elle a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption de l'article 80 tel que modifié par son amendement, et d'adopter les articles 81 et 82 sans modification.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de la ministre du travail

- M. Antoine FOUCHER, directeur du cabinet ;

- Mme Fanny FOREST-BACCIALONE, conseillère parlementaire.

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle

- M. Bruno LUCAS, délégué général ;

- Mme Anne-Laure HOCHEDEZ-PLANCHE, sous-directrice en charge du financement et de la modernisation ;

- M. Bastien ESPINASSUS, adjoint à la sous-directrice en charge du financement et de la modernisation ;

- M. Boris SUPIOT, chef de la mission affaires financières ;

- M. Théophane BABAUD DE MONVALLIER, adjoint au chef de la mission affaires financières.

Direction générale du travail

- M. Laurent VILBOEUF, directeur adjoint ;

- Mme Stéphanie RENAUD, adjointe du directeur des ressources humaines ;

- M. Régis BAC, chef de service, responsable du service des relations et des conditions de travail, AG, prud'hommes ;

- Mme Stéphanie COURS, cheffe du bureau du pilotage du système d'inspection du travail ;

- M. David SAFFROY, chef du bureau du pilotage budgétaire et du contrôle de gestion.

Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail

Contribution écrite

Association des régions de France

- M. David MARGUERITTE, président de la commission emploi, formation professionnelle et apprentissage, conseiller régional de Normandie ;

- M. David DUVAL, conseiller formation professionnelle, éducation et emploi.

Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés (CHEOPS)

- M. André PHILIPPE, vice-président ;

- Mme Marlène CAPPELLE, déléguée générale.

Fédération des acteurs de la solidarité

- Mme Coline DERREY-FAVRE, chargée de mission.

Coorace

- Mme Marie LOMBARD, chargée de plaidoyer.


* 1 DARES, « Les dépenses en faveur de l'emploi et du marché du travail en 2017 », octobre 2019 n° 047.

* 2 INSEE, « Informations rapides », n° 2019-208, 14 août 2019.

* 3 Pour être considéré comme chômeur au sens du BIT, une personne doit remplir trois critères : ne pas avoir travaillé au moins une heure la semaine précédente ; être disponible pour prendre un emploi dans les quinze jours ; avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

* 4 INSEE, « Informations rapides », n° 2019-208, 14 août 2019.

* 5 Ministère du travail, réponse au questionnaire.

* 6 DARES analyses, « CDD, CDI : comment évoluent les embauches et les ruptures depuis 25 ans ? », juin 2018, n° 26.

* 7 DARES, « l'emploi intérimaire », séries mensuelles, trimestrielles et annuelles, (publié le 8 novembre 2019).

* 8 Bruno Coquet, « Quelle gouvernance pour l'assurance chômage ? », observatoire français des conjonctures économiques, policy brief n° 57, 13 juin 2019.

* 9 Circulaire n° DGEFP/SDPAE/MIP/MPP/2018/11 du 11 janvier 2018 relative aux parcours emploi compétences et au Fonds d'inclusion dans l'emploi en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi.

* 10 Cour des comptes, Rapport public annuel 2018.

* 11 Ministère du travail, réponse au questionnaire.

* 12 Idem.

* 13 Cour des comptes, L'insertion des chômeurs par l'activité économique, janvier 2019.

* 14 Ministère du travail, réponse au questionnaire.

* 15 16 Cour des comptes, L'insertion des chômeurs par l'activité économique, janvier 2019.

* 17 ATD Quart monde, Étude macro-économique sur le coût de la privation durable d'emploi, 4 mars 2015.

* 18 Décret n° 2013-549 du 26 juin 2013 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.

* 19 Décret n° 2015-811 du 2 juillet 2015 portant abrogation du décret n° 2013-549 du 26 juin 2013 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.

* 20 Arrêté du 30 mars 2018 fixant la liste des territoires éligibles au dispositif expérimental « emplois francs ».

* 21 Arrêté du 22 mars 2019 modifiant l'arrêté du 30 mars 2018 fixant la liste des territoires éligibles au dispositif expérimental « emplois francs »

* 22 Stéphanie Mas, Emploi et développement économique dans les quartiers prioritaires : d'importantes difficultés subsistent mais un rééquilibrage semble à l'oeuvre, commissariat général à l'égalité des territoires - observatoire national de la politique de la ville, rapport annuel 2018, mars 2019.

* 23 « Les maisons de l'emploi : renforcer leur gouvernance et pérenniser leur financement pour une politique territoriale de l'emploi vraiment efficace », rapport d'information d'Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian, fait au nom de la commission des finances, n° 652 (2017-2018) - 11 juillet 2018.

* 24 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

* 25 Charlotte Lecocq, Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée, août 2018 ; Paul Frimat, Rapport remis dans le cadre de la mission relative à la prévention et à la prise en compte de l'exposition des travailleurs aux agents chimiques dangereux, août 2018 ; Pierre Dharrévile, Rapport remis au nom de la commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination, juillet 2018.

* 26 « L'inspection du travail : un modèle à renforcer », rapport d'information de M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, fait au nom de la commission des finances du Sénat, n° 743, 25 septembre 2019.

* 27 Ces prestataires peuvent être des associations à but non lucratif ou des entreprises déclarées dans les conditions fixées à l'article L. 7232-1-1 du code de l'action sociale et des familles pour l'exercice des activités concernant la garde d'enfant ou l'assistance de personnes âgées ou handicapées, des centres communaux ou intercommunaux d'actions sociales (CCAS et CIAS) et des organismes habilité au titre de l'aide sociale ayant passé une convention avec un organisme de sécurité sociale.

* 28 Soit l'ensemble des cotisations sociales y compris la part mutualisée de la cotisation TA-MP ainsi que les cotisations dues au titre des régimes de retraite complémentaire, de l'assurance chômage, du fonds national d'aide au logement (FNAL) et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA).

* 29 Conseil des prélèvements obligatoires, Entreprises et « niches » fiscales et sociales : des dispositifs dérogatoires nombreux, octobre 2010 ; Cour des comptes, Le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie, juillet 2014.

* 30 Article D.131-6-1 d code de la sécurité sociale.

* 31 Cour européenne des droits de l'Homme, 20 novembre 1990, requête n° 17849/91, Pressos Compania Naviera SA c/ Belgique.

* 32 Cour européenne des droits de l'Homme, 3 juillet 2003, requête n° 28746/97, Buffalo Srl en liquidation c/ Italie.

* 33 Conseil d'État, 9 mai 2012, requête n° 308996, Société EPI.

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