C. POUR UNE GÉNÉTIQUE ÉTHIQUE ET RESPONSABLE : TROUVER LE POINT D'ÉQUILIBRE ENTRE LIBERTÉ INDIVIDUELLE, ACCOMPAGNEMENT MÉDICAL ET SOLIDARITÉ

La génétique connaît aujourd'hui une véritable révolution. Elle est source d'espoir pour le diagnostic et la prise en charge thérapeutique, notamment dans les domaines de la médecine prédictive et de la médecine de précision, en permettant, par exemple, la mise au point de thérapies géniques ciblées dans le traitement de maladies rares ou de cancers. Le développement des techniques de séquençage haut-débit et la démocratisation, sur le plan économique, de l'accès aux tests génétiques font néanmoins craindre une mauvaise appréhension par la société de données génétiques de plus en plus massives dont la signification diagnostique et les conséquences médicales restent encore en grande partie indéterminées.

1. Pour une génétique au service de la prévention et du soin

Dans le prolongement d'une proposition de loi adoptée par le Sénat en juin 2018 2 ( * ) , l' article 8 du projet de loi autorise la réalisation, dans l'intérêt de la parentèle, d'un examen des caractéristiques génétiques sur une personne décédée ou hors d'état d'exprimer sa volonté , sauf opposition de cette personne manifestée de son vivant, lorsqu'est suspectée une anomalie génétique pouvant être responsable d'une affection grave justifiant des mesures de prévention ou de soins qui pourraient bénéficier aux membres de la famille.

Ces examens génétiques post mortem seront effectués à partir d'échantillons déjà conservés ou prélevés dans le cadre d'une autopsie. Les pratiques de conservation des échantillons biologiques prélevés par les laboratoires de biologie médicale pouvant varier d'un laboratoire à un autre, votre commission a adopté un amendement visant à harmoniser ces pratiques par la publication de règles de bonnes pratiques en matière de conservation et de traçabilité de ces échantillons .

Dans un souci de prévention et de maximisation de l'efficacité des soins, votre commission a également introduit, dans le projet de loi, un article 19 quater autorisant, dans le cadre du dépistage néonatal , les examens génétiques ciblés sur la recherche chez le nouveau-né de quelques anomalies génétiques associées à des pathologies graves pour lesquelles des traitements et thérapies géniques administrés suffisamment tôt permettent d'améliorer significativement l'espérance et la qualité de vie.

2. Renforcer la prise en compte de l'intérêt des apparentés biologiques dans le traitement d'informations à caractère génétique

À l' article 9 du projet de loi, votre commission a souhaité renforcer la transmission d'une information génétique dans les situations de rupture du lien de filiation biologique , c'est-à-dire entre tiers donneurs et personnes nées d'un don, et entre parents de naissance et personnes nées dans le secret, dans un souci d' égalité d'accès de ces personnes , qui de fait n'ont pas connaissance des antécédents médicaux de leurs apparentés biologiques, aux mesures de prévention ou de soins , tout en préservant rigoureusement l'anonymat des personnes concernées.

Comme l'Assemblée nationale l'a fait pour les tiers donneurs et les personnes nées d'un don, votre commission a ainsi adopté un amendement rendant automatique l'alerte, par l'intermédiaire du médecin prescripteur de l'examen et du Cnaop, de la personne née dans le secret ou du parent de naissance sur l'existence d'une information génétique potentiellement majeure, voire vitale. En aucun cas, ce mécanisme d'alerte ne donnera lieu à la révélation de l'identité de la personne initialement concernée par l'examen génétique, ni à la révélation de l'anomalie génétique en cause ou des risques associés, dans le respect du droit de toute personne d'être tenue dans l'ignorance d'éventuelles prédispositions génétiques.

3. Prévenir les dérives associées aux tests génétiques en accès libre

L' article 10 du projet de loi maintient le principe selon lequel un examen des caractéristiques génétiques ne peut être envisagé qu'en cas d'antécédent familial connu ou de symptôme d'une maladie d'origine potentiellement génétique.

Rien n'est en revanche prévu pour prémunir les personnes ayant recours à des tests génétiques en accès libre, notamment sur Internet, contre les risques qu'emporte la délivrance d'une information génétique en dehors de toute consultation médicale, l'interdiction de ces tests restant aujourd'hui purement virtuelle .

En cohérence avec la position du CCNE sur ce sujet, votre commission a par conséquent adopté un amendement permettant, à titre expérimental, d' ouvrir l'accès en population générale aux examens génétiques , notamment dans le cadre d'un dépistage préconceptionnel pour un couple s'engageant dans un projet parental, en l'absence d'antécédent familial connu ou de symptôme, pour la recherche de mutations génétiques dont la signification diagnostique est connue. Le Gouvernement pourra ainsi limiter les anomalies recherchées à une liste de mutations génétiques établie en concertation avec l'agence de la biomédecine et la Haute Autorité de santé.

En outre, face à l'ineffectivité de l'interdiction du recours aux tests génétiques en accès libre, votre commission a adopté un dispositif tendant à autoriser l'accès des examens génétiques à visée généalogique sous réserve du respect de conditions de nature à préserver les droits des personnes dans le traitement de données aussi sensibles. Conformes à un référentiel de qualité établi par l'agence de la biomédecine, ces tests ne pourront avoir pour objet de délivrer une information génétique d'ordre médical , ni ne pourront servir de fondement à des actions visant à faire valoir des droits patrimoniaux ou extrapatrimoniaux, notamment dans le cadre d'une démarche d'établissement d'un lien de filiation.


* 2 Texte n° 114 adopté par le Sénat le 6 juin 2018 sur la proposition de loi relative à l'autorisation des examens des caractéristiques génétiques sur les personnes décédées.

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