E. GARANTIR LA SÉCURITÉ ET LE CARACTÈRE ÉTHIQUE DE CERTAINES PRATIQUES ET TECHNOLOGIES MÉDICALES

1. Rénover le cadre juridique du diagnostic prénatal

L' article 19 vise à actualiser la définition du diagnostic prénatal qui s'entend, à l'heure actuelle, des « pratiques médicales, y compris l'échographie obstétricale et foetale, ayant pour but de détecter in utero chez l'embryon ou le foetus une affection d'une particulière gravité » 3 ( * ) . Il prend également en compte les développements importants qui ont concerné cette discipline et permettent à la fois de limiter son caractère invasif comme d'améliorer la précision du diagnostic posé. Les démarches d'accompagnement des couples en cas de révélation de données génétiques incidentes pouvant justifier des investigations complémentaires sont notamment précisées.

La commission spéciale a ajusté la définition adoptée par l'Assemblée nationale regroupant le diagnostic prénatal sous le terme plus général de médecine foetale, encore trop restrictive au regard de la réalité des pratiques consistant à prendre en charge in utero des pathologies présentant des degrés de sévérité divers.

2. Sécuriser les pratiques d'interruption de grossesse pour motif médical et de réduction embryonnaire ou foetale

La suppression , par l' article 20 , de la proposition systématique d'un délai de réflexion en cas d'interruption médicale de grossesse (IMG) pour motif foetal et la clarification des dispositions applicables en matière d'IMG chez la femme mineure sont bienvenues et permettent de garantir aux femmes enceintes les mêmes droits, en termes de consentement et d'autonomie, qu'en cas d'interruption volontaire de grossesse (IVG). De même, l'introduction dans la loi d'un encadrement des pratiques de réduction embryonnaire ou foetale en cas de grossesse multiple participe d'une sécurisation et d'une plus grande transparence de ces interventions réalisées pour prévenir des complications pour la mère, les embryons ou les foetus.

En revanche, rien ne justifie d'introduire , comme cela est prévu à l' article 21 , dans le code de la santé publique, une clause de conscience spécifique des professionnels de santé en matière d'IMG , dès lors qu'une clause de conscience générale, permettant de ne pas accomplir un acte contraire à ses convictions, bénéficie déjà aux professionnels de santé intervenant dans les procédures d'IVG ou d'IMG. Ceux qui souhaitent l'exercer n'ont pas attendu le projet de loi pour le faire.

Pour mémoire, l'existence dans la loi d'une clause de conscience spécifique à l'IVG découle des débats parlementaires qui avaient entouré l'adoption de la loi sur l'IVG du 17 janvier 1975 : le Gouvernement avait alors consenti à cette disposition dans un souci d'apaisement.

En conséquence, votre commission a supprimé la mention dans le projet de loi d'une clause de conscience spécifique des professionnels de santé en matière d'IMG .

3. Autoriser, en l'encadrant strictement, le recours au diagnostic préimplantatoire

• La commission spéciale a inséré un article 19 ter complétant les dispositions relatives au diagnostic préimplantatoire qui consiste en l'examen génétique de cellules prélevées sur des embryons après une fécondation in vitro et avant leur transfert in utero . Au-delà des conditions de recours actuelles limitées à la non transmission à l'enfant d'une maladie grave dont est porteur l'un des parents, cet article autorise, à titre expérimental, le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d'aneuploïdies (DPI-A) en vue d'améliorer l'efficience de l'assistance médicale à la procréation dans certaines indications médicales ciblées.

Cette évolution strictement encadrée , soutenue par les sociétés savantes en médecine de la reproduction et les cliniciens de l'AMP et dont le CCNE avait préconisé la mise en oeuvre, vise à améliorer la prise en charge de femmes ayant des antécédents d'échec de fécondation in vitro ou de fausses-couches à répétition.

• En outre, la commission spéciale a supprimé l'article 19 bis A inséré par l'Assemblée nationale, rétablissant ainsi le recours possible à la technique du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA) . Celle-ci permet que l'enfant à naître, en plus d'être indemne de l'anomalie génétique grave affectant un frère ou une soeur, présente des caractéristiques compatibles avec l'aîné malade pour envisager une greffe.

Elle a considéré que cette technique introduite en 2004 à titre expérimental et pérennisée par le législateur en 2011 pouvait, dans certaines situations certes exceptionnelles mais strictement encadrées sur le plan éthique, apporter une solution à des familles et sauver la vie d'enfants atteints de maladies rares.

4. Mieux encadrer le recours à l'intelligence artificielle et aux neurosciences dans le domaine de la santé

• L' article 11 institue un cadre juridique pour l'utilisation d'un traitement algorithmique de données massives lors de la réalisation d'un acte médical. Le développement de l' intelligence artificielle (IA) est très important en médecine et peut avoir des effets positifs pour le patient, en améliorant l'efficacité des diagnostics ou en aidant à la prise de décision thérapeutique. Mais l'usage de ces technologies n'est pas sans risque, notamment car il peut présenter des biais. C'est pourquoi les professionnels de santé doivent demeurer décisionnaires en matière de soins apportés aux patients.

La commission spéciale a donc renforcé les garanties applicables à l'utilisation de ces technologies, en prévoyant notamment que le patient soit informé en amont de l'utilisation d'un traitement algorithmique et qu'aucune décision médicale ne puisse exclusivement se fonder sur un tel traitement.

• S'agissant des neurosciences, l' article 12 propose notamment de modifier l'article 16-14 du code civil qui régit le recours aux techniques d'imagerie cérébrale , créé par la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Ces techniques ne sont aujourd'hui autorisées qu'à des fins médicales, de recherche scientifique ou dans le cadre d'expertises judiciaires, avec le consentement exprès de la personne concernée.

La commission spéciale a maintenu le droit en vigueur qui paraît satisfaisant sur ce point, ce qu'avait également conclu le Conseil d'État dans son étude en 2018.

• Enfin, l' article 13 confère au ministre de la santé le pouvoir d'interdire, en cas de danger grave ou de suspicion de danger grave, les actes, procédés, techniques ou équipements qui ont pour objet de modifier l'activité cérébrale.

La commission spéciale a exclu les équipements qui sont des dispositifs médicaux, car ils relèvent déjà des pouvoirs de police de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).


* 3 Article L. 2131-1 du code de la santé publique.

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