II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

L'exécution des quatre programmes de la mission en 2019 tend à confirmer la sincérité de la budgétisation, aucun écart substantiel aux crédits votés n'étant à observer, hormis pour le programme 126.

A. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

1. Une poursuite du renforcement des moyens de la Cour nationale du droit d'asile qui commence à prouver ses effets en matière de réduction des délais de jugement

La prolongation constatée en 2018 des délais de jugement devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), ainsi que la hausse attendue du nombre d'affaires entrantes pour 2019 représentaient des motifs d'inquiétude pour le rapporteur spécial lors de l'examen du PLF pour 2019. En effet, ces deux mouvements compromettent à la fois la bonne réalisation des objectifs de performance 84 ( * ) du programme 165 et le respect du délai légal, fixé en 2015 à 5 mois pour les procédures ordinaires et à 5 semaines pour les procédures accélérées 85 ( * ) .

Ainsi, après avoir connu de fortes hausses du nombre de recours déposés en 2017 (+ 34 %) puis en 2018 (+ 9,5 %), la CNDA a enregistré 59 091 recours en 2019, soit une progression de 1 % par rapport à 2018, et de 48 % par rapport à 2016 .

Pour faire face à cet afflux de demandes, la loi de finances initiale pour 2019 avait autorisé la création de 122 emplois supplémentaires et de 5 nouvelles chambres, contre respectivement 102 et 4 en 2018.

Cependant, cette hausse importante de l'effectif de la CNDA doit être minorée par une moindre exécution du schéma d'emplois sur l'ensemble du programme 165 . Pour la CNDA, ce sont ainsi 29 recrutements de contractuels qui n'ont pas pu être réalisés, d'après la Cour des comptes 86 ( * ) . Par ailleurs, des fins de contrats intervenues trop tardivement n'ont pu donner lieu à un remplacement avant le 31 décembre 2019. Le plafond d'emplois exécuté en 2019, avec 600 ETPT, est ainsi inférieur à la prévision (648 ETPT), mais il demeure nettement supérieur à celui de 2018 (474 ETPT).

Ces ressources supplémentaires ont à la fois permis une augmentation du nombre de décisions rendues - lesquelles s'établissent au niveau record de 66 464 en 2019 - ainsi qu'un déstockage important des affaires pendantes , ramenées en dessous de 30 000 en 2019, contre 36 868 fin 2018.

Le délai moyen de jugement poursuit cependant sa hausse en 2019 pour les procédures ordinaires (+1 mois et 16 jours) . D'après le responsable de programme, le renforcement des moyens de la CNDA amorcé en 2018 commence néanmoins à prouver ses effets, puisque le délai prévisible moyen de jugement a nettement diminué fin 2019, à 5 mois et 9 jours, le rapprochant ainsi de l'objectif légal. Par ailleurs, le délai moyen constaté des procédures accélérées atteint 17 semaines en 2019, et diminue ainsi légèrement . Il reste néanmoins très supérieur à celui de 2017 (13 semaines) et à l'objectif prévu de 5 semaines.

2. Une légère diminution des délais de jugement pour les autres juridictions administratives

Les trois niveaux de juridiction (tribunaux administratifs, cours administratives d'appel, Conseil d'État) ont respecté leurs objectifs respectifs de délai moyen de jugement, principal indicateur de performance du programme 165. Avec 10 mois et 26 jours pour les cours administratives d'appel et 9 mois et 20 jours pour les tribunaux administratifs, le délai moyen constaté en 2019 est bien inférieur aux cibles respectives de 10 mois et 8 jours et 10 mois. Le délai moyen devant le Conseil d'État , à 7 mois et 20 jours est aussi très inférieur à la cible - 9 mois - mais cette dernière aurait pu être ramenée à 8 mois, comme c'était le cas avant le PLF 2017, puisqu'en pratique, le délai exécuté n'a dépassé qu'une fois les 9 mois au cours des cinq dernières années (en 2015).

Les délais de jugement ont également diminué entre 2018 et 2019 , de près d'un mois en première instance, de 10 jours en appel, et de 7 jours devant le Conseil d'État, alors que les affaires entrantes avaient progressé ces dernières années (+ 8 % en 2018 et + 8,6 % en 2019).

Il faut souligner que cette augmentation du contentieux s'était accompagnée de l'ouverture de 10 postes en 2019 pour l'ensemble des juridictions . Si ces créations d'emplois étaient bien moindres que les 122 prévues pour la CNDA, il semble qu'elles aient permis aux juridictions administratives d'atteindre une capacité de jugement suffisante pour maîtriser leurs délais de traitement de requêtes ainsi que le stock des affaires pendantes . L'indicateur relatif au stock d'affaires anciennes rend ainsi compte d'une diminution entre 2018 et 2019 de la part du nombre d'affaires de plus de deux ans, hormis pour les tribunaux administratifs, pour lesquels cette part demeure malgré tout proche du niveau constaté en 2018 (7,1 % contre 6,9 %) et inférieur à la cible (7,5 %).

3. Une opération immobilière différée, qui explique un report substantiel d'autorisations d'engagement sur 2020

L'éclatement des locaux de la CNDA sur quatre lieux différents, ainsi que la création d'une dizaine de nouvelles chambres ces deux dernières années, justifiaient un projet d'investissement immobilier destiné au relogement de cette juridiction . À ce projet devait être associé le tribunal administratif de Montreuil, puisque le site retenu pour une réhabilitation en vue de ce relogement, l'ancien immeuble de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), se trouve dans la même commune. Ainsi, une augmentation de 61,7 millions d'euros d'AE en titre 5 avait été votée en LFI 2019 pour couvrir l'engagement des opérations immobilières. Ce projet doit par ailleurs faire l'objet d'une évaluation socioéconomique préalable , en application de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

En raison d'une occupation illégale du site par des travailleurs sans-papiers, qui s'est prolongée jusqu'à fin octobre 2019, le projet de relogement de la CNDA et du tribunal administratif de Montreuil a dû être différé. Aussi 58,8 millions d'euros d'AE affectées non engagées ont-elles été reportées sur 2020.


* 84 Indicateur 3.1 de l'objectif n°1 du programme, « Réduire les délais de jugement ».

* 85 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile.

* 86 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » en 2019.

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