C. UNE EXÉCUTION PLUS TENDUE QU'IL N'APPARAÎT

La programmation financière de la mission adoptée en loi de finances initiale avait annoncé un peu plus de dépenses qu'en 2018.

Évolution des crédits de la mission dans la loi de finances initiale
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(crédits de paiement en millions d'euros)

Programme

2018

2019

Variation

Administration territoriale (307)

1 691,3

1 656

- 35,3

Vie politique, cultuelle et associative (232)

125,8

206,3

+ 80,5

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

939,8

973,7

+ 33,9

Total

2 756,9

2 836

+ 79 ,1

Source : RAP 2018 et 2019

1. Au total, des dépenses inférieures aux ouvertures de la loi de finances initiale et aux crédits disponibles

Les dépenses de la mission AGTE (2 825,6 millions d'euros) ont été inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale (2 836 millions d'euros), les économies atteignant 10,3 millions d'euros (0,3 % de la prévision).

Compte tenu des ouvertures de crédits d'origine réglementaire intervenues en gestion, les dépenses effectives ont significativement excédé le disponible, aboutissant à des annulations de crédits de 64,4 millions d'euros, dont 38,2 millions d'euros au titre de la loi de finances rectificative de fin d'année.

L'exécution des crédits de la mission AGTE en 2019

LFI

(b) Disponibles

(a) Dépenses

Taux de consommation (a/b)

Annulations

Programme 307

1 656

1742,30

1 699,30

97,5%

10,40

dont

Titre 2

1 481,30

1 493,10

1 470,50

98,5%

2,1

Programme 216

973,7

990,3

939

94,8%

36,9

dont

Titre 2

519,1

523,1

511,9

97,9%

6,2

Programme 232

206,3

221,40

187,3

84,6%

17,10

dont

Titre 2

18,2

18,2

8,2

45,1%

2,3

Total

2 836

2954,00

2 825,60

95,7%

64,40

dont

Titre 2

2 018,60

2 034,40

1 990,60

97,8%

10,6

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe au projet de loi de règlement pour 2019 portant sur le développement des opérations constatées au budget général

Le programme 307 (« Administration territoriale ») est le seul à avoir dépensé davantage que prévu en loi de finances initiale. Il a bénéficié, comme c'est traditionnel, d'ouvertures significatives en gestion (86,3 millions d'euros) de sorte qu'il n'a consommé que 97,5 % du disponible.

Des annulations sont également intervenues pour 10,4 millions d'euros (dont 2,5 millions d'euros en loi de finances rectificative). Le taux de consommation des crédits de personnel a été supérieur au taux de consommation moyen atteignant 98,5 %. Ceci témoigne d'une gestion d'autant plus tendue que le plafond d'emplois n'a pu être consommé, la vacance d'emplois doublant à 2 %. Il aurait été très difficile de le mettre en oeuvre avec les crédits disponibles sauf à « précariser » et « déqualifier » la structure d'emplois du programme, la seconde voie paraissant totalement contradictoire avec l'intention de repyramidage qui est affichée.

Comme pour le programme 307, l'exécution du programme 216 a été plus tendue pour les crédits de personnel que pour les autres titres de dépenses. Ces dernières ont été amplement sous-consommées sur les lignes d'investissement et d'intervention, les dépenses de fonctionnement étant, au contraire, relativement dynamiques. Des reports de charges ont contribué à ces évolutions par ailleurs favorisées par des décalages dans les projets informatiques portés par le programme et dans les décaissements du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Quant au programme 232 de financement de la vie politique, il a également très significativement sous consommé ses dotations. Ceci tient au fait que les délais d'instruction des comptes de campagne du scrutin européen par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'ont pas permis d'assumer en 2019 les remboursements des frais de campagne électorale. La consommation des crédits ouverts en loi de finances à ce programme aurait été encore moins favorable si une opération de fongibilité asymétrique par prélèvement de 6,75 millions de crédits de titre 2, pourtant fort dynamiques en 2019, n'avait pas été mise en oeuvre pour financer l'externalisation de la mise sous pli de la propagande électorale lors des élections européennes, opérations dont les coûts avaient été insuffisamment provisionnés en loi de finances initiale (voir infra ).

Cependant, les dépenses des programmes ont été systématiquement inférieures aux crédits finalement disponibles (4,3 % de non consommations au total), les taux de consommation marquant un déficit de 2,5 points, 5,2 points et 15,4 points pour les programmes 307, 216 et 232 respectivement.

Les ouvertures brutes de crédits en cours de gestion ont atteint le montant élevé de 118 millions d'euros soit 4,2 % des crédits initiaux. Il s'agit cependant d'un flux en baisse par rapport à celui de 2018.

Les rattachements en gestion ont principalement concerné le programme 307 (86,3 millions d'euros), le programme 232 bénéficiant d'ouvertures en gestion de 15,1 millions d'euros et le programme 216 de 16,6 millions d'euros.

Les rattachements de fonds de concours et d'attribution de produits ont atteint 70,2 millions d'euros (61,4 millions d'euros pour le programme 307 et 8,8 millions d'euros pour le programme 216). Les transferts, virements et reports ont ainsi été limités à 47,8 millions d'euros (dont 24,9 millions d'euros pour le programme 307 et 13,9 millions d'euros pour le programme 232).

L'héritage de la gestion précédente a été moins « généreux » que celui touché par la « génération 2018 » en grande partie du fait du programme 232 qui devait solder les opérations électorales de 2017 l'an dernier. Dans l'ensemble, une gestion assez stricte des reports a également joué, qui a mis les programmes en difficulté.

Le programme 307 a dû procéder à des redéploiements de crédits pour faire face à des dépenses de personnel mal provisionnées pour certaines fonctions inéluctables (l'accueil des étrangers) et il est heureux qu'il ait bénéficié de 4,2 millions d'euros en provenance du programme consacré au financement de la vie politique pour financer une opération immobilière à la préfecture de Seine-Saint-Denis. La revalorisation des moyens d'expression politique parfois réclamée à juste titre cède devant des nécessités pratiques.

Quant au programme 216, seuls des reports de programmes immobiliers et informatiques ont permis le bouclage de l'exécution dès lors que ce programme a été soumis en gestion à de significatives annulations.

Au total, les annulations de crédits ont atteint 64,3 millions d'euros (dont 36,9 millions d'euros sur le programme 216, 10,3 millions d'euros sur le programme 307 et 17,1 millions d'euros sur le programme 232).

Cela représente près de 55 % des crédits rendus disponibles en cours d'année et davantage que le solde entre les crédits de la loi de finances initiale et les consommations effectives (environ 11 millions d'euros).

Ainsi le projet de loi de règlement sous revue se traduira par une réduction des moyens offerts par les mouvements réglementaires de crédits accessibles en 2020.

2. Malgré des dépenses supérieures aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale et un niveau élevé de dégels, la réserve de précaution a laissé un reliquat disponible pour solder la gestion de la mission

La réserve de précaution a été mise en place en 2019 dans le cadre du nouveau dispositif applicable qui prévoit un taux de réserve de 0,5 % sur les crédits de personnel et de 3 % sur les autres types de crédits.

La réserve de précaution et sa gestion en 2019

(en millions d'euros)

Réserve initiale

Dégels

Solde

Programme 307

12,6

10,1

2,5

Programme 232

5,7

0

5,7

Programme 216

15,3

12,7

2,6

Total

33,6

22,8

10,8

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances de 2019

Un peu plus de la moitié de la réserve de précaution a été mobilisée en cours d'année.

L'emploi de crédits de la réserve ayant fait l'objet d'un dégel confirme « l'interbudgétarité » à laquelle est soumise la mission.

Les crédits ont principalement été virés au programme 303 « Immigration et asile » (12,6 millions d'euros à partir du programme 216 et 4,8 millions d'euros à partir du programme 307) extérieure à la mission AGTE mais que cette dernière tend de plus en plus à épauler.

Cependant, une part importante des dégels sur le programme 307 (5,3 millions d'euros) qualifiés de « dégels partiels » a été utilisée pour financer des besoins intercalaires de financement des rémunérations dans un contexte où des besoins de recrutement sont apparus en cours de gestion (accueil des étrangers notamment).

3. Les dépenses destinées au financement de la vie politique ont été sensiblement inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale

En 2018, les dépenses effectives du programme avaient atteint 175,5 millions d'euros bénéficiant de reports de crédits de l'exercice précédents très importants (72,3 millions d'euros). Ces reports correspondaient à des crédits ouverts pour financer le remboursement forfaitaire des dépenses des candidats aux élections de 2017 (présidentielle et législatives principalement) et non consommés en 2017. La sous-consommation des crédits de 2017 résultait « essentiellement du report en gestion 2018 des remboursements forfaitaires des comptes de campagne aux élections présidentielles et législatives de 2017, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'ayant pas achevé l'examen des comptes avant la fin de la gestion 2017 » .

Les délais de traitement des comptes de campagne tendent à devenir un obstacle récurrent à la consommation des crédits du programme en bon temps lors des années pendant lesquelles les élections sont nombreuses.

L'année 2019 le confirme. Les dépenses ont été inférieures aux dotations initiales à hauteur de 19 millions d'euros et aux dotations disponibles après reports de l`exercice 2018 à hauteur de 32 millions d'euros.

Cette sous-consommation globale n'a pas empêché certains postes de dépenses de connaître un léger dérapage. Sans que ceci se conclue par un dépassement des limites de crédits, le coût de l'organisation des élections européennes (2,78 euros par électeur contre 2,67 euros en prévision) a subi les effets de l'inflation des coûts d'impression des bulletins de vote.

Par ailleurs, les coûts complets des opérations électorales continuent de n'être pas perceptibles, le programme 232 s'abstenant toujours de chiffrer la dépense fiscale à titre des dons aux partis et aux candidats tandis que les coûts exposés par les collectivités territoriales sont également ignorés. De ce point de vue, les conditions de l'élection européenne avec un nombre de candidats reflétant la fragmentation de la vie politique ont particulièrement sollicité les maires et leurs équipes (obligés de mettre à disposition des espaces de propagande électorale) sans qu'il soit permis de prévoir les prolongements d'une situation difficile.

Le supplément de charges d'organisation des élections par rapport aux prévisions n'a pas conduit à une surexécution des crédits. Mais les dettes du programme n'ont pas été toutes honorées. Il en est allé ainsi pour les remboursements des frais de campagne qui sont à sa charge du fait des délais d'instruction des comptes de campagne.

Les délais nécessaires au remboursement forfaitaire des dépenses électorales des candidats sont susceptibles de varier en fonction des élections, les délais imposés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour arrêter ses décisions et des contestations de l'élection étant également susceptibles de varier selon les circonstances de fait.

Les délais imposés à la CNCCFP pour arrêter ses décisions
sur les comptes de campagne des candidats aux élections (hors présidentielle)

Le délai dont dispose la commission pour se prononcer sur un compte est différent selon le type d'élection et selon que le scrutin a fait ou non l'objet d'une contestation devant le juge de l'élection.

Si l'élection a fait l'objet d'une contestation, quel que soit le motif de la contestation, la commission dispose d'un délai de deux mois décompté à partir de l'expiration du délai légal de dépôt des comptes de campagne des candidats présents à ce scrutin.

En revanche, si l'élection n'a pas fait l'objet de contestation, la commission dispose d'un délai de six mois à compter, cette fois, de la date de dépôt du compte du candidat.

En ce qui concerne les élections européennes, le délai de dépôt des comptes de campagne a été fixé au 2 août 2019 pour un scrutin ayant eu lieu le 26 mai 2019. La date limite d'arrêté des décisions sur les comptes de campagne était le 2 décembre 2019, du fait de l'existence de plusieurs recours contentieux formés devant le Conseil d'État.

Le principal scrutin de 2019 a été l'élection des représentants au Parlement européen. Pour cette élection, les candidats ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés sont éligibles au remboursement forfaitaire de leurs frais de campagne. L'élection de 2019 s'est déroulée dans un contexte de circonscription nationale unique avec 34 listes en compétition, soit un record. Le plafond de dépenses avait été fixé à 9,2 millions d'euros par liste. Vingt listes ont été tenues de déposer leurs comptes de campagne, un certain nombre d'entre elles s'en dispensant ou ayant effectué leur dépôt hors délai (4). Une liste a vu son compte de campagne rejeté par la CNCCFP.

Au total, cette dernière après avoir approuvé sans réformation quatre comptes de campagne et avec réformations douze comptes de campagne a réduit le financement forfaitaire de l'État pour quatre listes.

Le remboursement forfaitaire a été arrêté à 25,7 millions d'euros 20 ( * ) au bénéfice des huit listes ayant atteint le seuil des suffrages exprimés conditionnant le remboursement 21 ( * ) .

En attente du compte rendu d'activité de la CNCCFP au moment de l'examen du projet de loi de règlement, il est impossible de fournir le détail des décisions de la commission.

Le rapporteur spécial suggère que cette dernière s'applique à publier un recueil de ses décisions en bon temps à l'avenir.

En toute hypothèse, le remboursement forfaitaire n'interviendra qu'en 2020.

4. Des modifications de crédits d'ordre qui modifient l'image de la répartition des moyens entre les différentes actions du programme 307

Appréciées à partir de leur valeur nette, les mesures de l'exercice 2019 conduisant à adapter les crédits ouverts en loi de finances initiale peuvent sembler d'une relative d'importance. Elles ont le mérite d'être formalisées, ce qui n'est pas le cas des modifications « existentielles », qui demeurant internes à chaque programme et ne nécessitent pas de formalisation particulière.

Le rapporteur spécial avait mis en évidence l'ampleur de certains ajustements auxquels il avait été procédé l'an dernier à la suite du constat d'erreurs de ventilation des moyens du programme 307 entre les différentes actions qu'il retrace.

Au vrai, la maquette budgétaire de ce programme est loin d'être satisfaisante : les 1 732 millions d'euros de dépenses dont il est le support sont répartis en cinq actions dont une seulement peut, à la limite, être considérée comme suffisamment déterminée du point de vue fonctionnel et opératoire pour se voir attribuée des moyens identifiables. Pour le reste, chaque action est susceptible de rattachements de moyens plus ou moins exacts.

L'année dernière, les reclassements de moyens avaient eu des effets importants.

La « mise en ordre » effectuée à l'occasion du règlement du budget 2018 avait conduit à modifier l'image de la répartition des moyens affectés à chaque action. L'action de délivrance des titres en était ressortie comme nettement moins dotée en personnels que dans les restitutions antérieures. C'est l'inverse qui se constatait pour la coordination de la sécurité de la personne et des biens et pour le contrôle de légalité.

Le projet de loi de règlement sous revue témoigne à nouveau de modifications sensibles, dont il n'est pas sûr qu'elles correspondent à des réalités fonctionnelles.

Répartition du plafond d'emplois par action en 2018

Source : rapport annuel de performances 2018

Répartition du plafond d'emplois par action en 2019

Source : rapport annuel de performances pour 2019

L'absence d'une comptabilité analytique réellement charpentée se fait ici sentir.

En bref, la spécialisation budgétaire du programme est insuffisamment caractérisée, ce qui conduit à des décompositions erratiques.

Dans ces conditions, l'analyse des choix d'allocation de moyens se trouve désarmée et la pauvreté informative de la maquette de performances n'offre pas de recours. Les indicateurs opérationnels ne sont certes pas inexistants, mais de nombreuses fonctions mises en oeuvre par l'État territorial sont dépourvues de tout élément de mesure.

Les 450 millions d'euros consacrés au pilotage territorial des politiques gouvernementales ne sont couverts par aucun indicateur de performance. Quant à des dimensions pourtant fortes des missions accomplies par les préfectures, dans le domaine de l'accueil des étrangers notamment, elles ne sont pas identifiables du point budgétaire et ne font l'objet d'aucune mesure de leurs performances.

Le programme 307 en tant que support d'une information sur les moyens et les résultats de l'État territorial est ainsi trop défaillant pour qu'on puisse lui attribuer la qualité d'instrument d'une vraie démocratie budgétaire.

Les ajustements de moyens entre actions se traduisent par des taux d'exécution des dotations disponibles pour certaines actions du programme 307 «déconcertants».

Toutes les actions sont concernées, les taux de consommation des crédits prévus au titre de la coordination de la sécurité des personnes et des biens d'un côté, de la réglementation générale, de la garantie de l'identité et de la nationalité ainsi que de la délivrance des titres, de l'autre, du pilotage territorial des politiques gouvernementales étant très éloigné d'un taux théorique, cette situation valant aussi, enfin, à un moindre titre, pour le contrôle de légalité.

Taux de consommation des crédits des différentes actions
du programme 307 en 2019

Source : commission des finances du Sénat

De façon générale, le responsable de programme tend à faire valoir les besoins de l'accueil des étrangers comme la source des difficultés apparues en gestion tant pour le programme 307 que pour le programme 216. Il est regrettable que cet aspect important du plan de charges des préfectures ne soit pas isolé.

En tout cas, le rapporteur spécial remarque que les ponctions subies de ce fait par différentes actions du programme, qui témoignent d'une sous budgétisation initiale des moyens, n'ont pas également impacté les différentes actions.

En particulier, le taux d'exécution de l'action n° 1 du programme ressort comme très supérieur aux prévisions. Pour cette action, qui ne porte que des crédits de personnel, 50 millions d'euros de plus que prévu (près de 30 % de la dotation initiale) ont été dépensés. Ce surcroît de dépenses ne s'est pas traduit par une amélioration des résultats atteints dans le cadre des objectifs documentés par le dispositif de performances. Les justifications apportées sont impalpables. Il est question de l'effet des manifestations exceptionnelles de 2019 (mais l'impact « gilets jaunes » n'aurait été que de l'ordre de 5 millions d'euros sur le programme 307) ; il est également mentionné que le suivi du G 7 de Biarritz aurait engendré des dépenses non prévues.

Sans doute doit-on attribuer à l'itinérance mémorielle du Président de la République dans l'Est de la France fin 2018 un certain nombre de frais. Des informations complémentaires seraient utiles sur ce point.

En toute hypothèse, le rapporteur spécial souhaite que le ministère de l'intérieur justifie avec plus de précision les écarts entre prévisions et dépenses.

La sur-consommation des dotations de l'action n° 1 a pesé sur les moyens de l'action de délivrance des titres sécurisés, ce qui a sans doute beaucoup joué sur la profonde dégradation des performances de cette action.

Elle a également entraîné une sous-consommation des crédits prévus au titre du pilotage territorial des politiques gouvernementales (un déficit de dépenses de plus de 12 %).

En revanche, les moyens du contrôle de légalité ont été préservés sans pour autant que la mise à niveau nécessaire ne soit acquise (les dépenses ont augmenté de l'ordre de 5 millions d'euros par rapport à 2018) alors qu'ainsi qu'il a été, encore tout dernièrement, rappelé par le rapporteur spécial 22 ( * ) les besoins sont très significatifs.

La perspective du développement du rescrit préfectoral imposera un véritable aggiornamento sur ce point.

5. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité

Il convient d'ajouter à ces modifications des crédits de la loi de finances initiale celles résultant des fonds de concours et des attributions de produits qui atteignent un niveau élevé pour la mission AGTE, tout particulièrement pour le programme 307.

Or, les modalités de gestion de ces apports suscitent une certaine perplexité.

Les rattachements de fonds de concours et attributions de produits (71 millions d'euros en comptant les reports de crédits de fonds de concours de l'année 2018) complètent les moyens du programme, en les majorant de 4,3 %.

Il apparaît que plus de 15 millions d'euros de cette masse n'ont pas été employés en 2018. Ceci traduit un taux de non consommation de plus de 20 %, qui est en soi excessif.

Plus qualitativement, il apparaît que les ressources correspondant à cette sous-consommation concernent assez régulièrement des financements européens par le FEDER correspondant à des projets de développement territorial dont l'exécution appelle une totale rigueur.

Les reports constatés sur ces interventions européennes suscitent à cet égard une certaine inquiétude et pourraient n'être pas étrangers aux difficultés rencontrées par le France pour mobiliser les ressources du budget européen auxquelles elle apporte une contribution nette élevée.

Une autre partie, importante, concerne des versements de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) censés couvrir des frais engagés par le ministère de l'intérieur dans sa contribution aux opérations conduisant à la production des titres sécurisés.

Le phénomène de non-consommation sur ces dernières ressources apparaît récurrent, les exercices budgétaires se concluant par des reports systématiques, ce qui conduit à s'interroger sur le niveau des produits versés par l'ANTS, dans le cadre de ses relations financières avec le ministère, notamment au titre de la carte nationale d'identité (CNI) et sur le niveau effectif des dépenses occasionnées, pour le programme, par la production des titres sécurisés.

On rappelle que l'ANTS est financée par des droits de timbre, qui sont des recettes fiscales. Il ne faudrait pas que la situation décrite plus haut corresponde à une affectation de recettes fiscales déguisée.

En toute hypothèse, le rapporteur spécial s'interroge sur la justification de l'estimation des coûts de l'intervention du ministère de l'intérieur dans les opérations de gestion de la carte nationale d'identité, estimation sur laquelle il souhaiterait disposer d'informations détaillées.

De façon plus incidente, le rapporteur spécial estime qu'à l'aune des événements en cours, la fiscalité indirecte des titres sécurisés mériterait de faire l'objet d'une modulation pour tenir compte de la relative dévalorisation des capacités que plusieurs de ces titres offrent à leurs titulaires.


* 20 Pour des dépenses dépassant 37 millions d'euros.

* 21 À comparer avec 45,6 millions d'euros de remboursement forfaitaire pour les élections législatives de 2017 et avec 41 millions d'euros pour l'élection présidentielle de la même année.

* 22 Voir le rapport n° 334 «Agir pour nos concitoyens : redonner de la proximité et de l'efficacité à l'action publique dans les territoires » du 19 février 2020.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page