B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une consommation quasi-intégrale des crédits de paiement du programme 551

Sur les 52,75 millions d'euros inscrits sur programme 551, 43,75 millions d'euros étaient destinés à financer la revalorisation du barème de monétisation des jours épargnés sur un CET pour la fonction publique et la magistrature. Les 9 millions d'euros restant correspondaient à une mesure de transfert couvrant l'introduction du forfait de mobilité durable dans la fonction publique.

Le maintien de cette provision, d'un total de 52,75 millions d'euros , avait suscité l'étonnement des rapporteurs spéciaux, puisqu'en principe, l'ouverture de crédits sur le programme 551 anticipe les mesures décidées à l'occasion de négociations salariales de la fonction publique de fin d'année, comme c'était le cas pour la LFI 2018. Or ces mesures avaient été adoptées lors de négociations achevées deux mois et demi avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2019.

L'arrêté de répartition des crédits pour le financement revalorisation du barème de monétisation des jours épargnés sur un CET a finalement été pris le 29 octobre 2019 . Cette publication tardive s'explique par le fait que la répartition a été calculée « sur la base des versements effectifs constatés de janvier à septembre, et des prévisions d'exécutions des mois d'octobre à décembre 2019 » d'après la Cour des comptes 198 ( * ) .

Le montant total de cette répartition était inférieur de 40 % à la prévision. La LFR pour 2019 a ainsi procédé une annulation de 24,72 millions d'euros, annulation qui inclut par ailleurs les 9 millions d'euros pour le forfait de mobilité durable . Prévue à l'article 26 du projet de loi d'orientation des mobilités, cette mesure a été différée, la loi ayant été finalement promulguée le 26 décembre 2019.

Comme l'ont relevé les rapporteurs spéciaux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 , une nouvelle ouverture de crédits sur programme 551 a ainsi été réalisée pour tenir compte du report de cette dernière mesure , mais, cette fois-ci, avec un montant proche de 20 millions d'euros 199 ( * ) .

2. Une utilisation du programme 552 conforme au critère de dernier recours, mais ayant couvert une sous-budgétisation
a) Un abondement récurrent des « fonds spéciaux »

Comme chaque année depuis 2008, une partie de la dotation inscrite sur le programme 552 a permis de majorer les crédits disponibles de la sous-action « Fonds spéciaux » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Un décret pris début septembre a ainsi abondé de 13,64 millions d'euros les fonds spéciaux, soit un montant proche de celui de la moyenne des dernières exécutions.

Si ce recours fréquent aux crédits non répartis se justifie compte tenu de l'imprévisibilité inhérente aux opérations financées par les fonds spéciaux , il a suscité par le passé la circonspection des rapporteurs spéciaux, compte tenu de l'absence d'emploi préalable des mesures de gestion de droit commun (dégel, transfert etc.). La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles doit en effet faire l'objet d' « un dernier recours quand tous les autres dispositifs permettant de faire face à des dépenses accidentelles ou imprévisibles ont été mobilisés », conformément au principe d'auto-assurance .

Cette année, la Cour des comptes relève que ce critère de dernier recours a bien été respecté , le décret de répartition du 2 septembre 2019 ayant été pris après un décret n° 2019-844 du 19 août 2019 pour le transfert de 4,8 millions d'euros à partir du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » 200 ( * ) .

b) Une contribution au financement de la prime à la conversion, qui compense une sous-budgétisation

Un décret n° 2019-1165 du 12 novembre a réparti 70 millions d'euros en AE et CP de la dotation « Dépenses accidentelles et imprévisibles » au bénéfice du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », afin de contribuer au financement de la prime à la conversion en 2019.

Le rapport relatif au décret n° 2019-1165 précité précise que la « prévision d'exécution annuelle excédait désormais les crédits ouverts en loi de finances puis en gestion en cours d'année » , du fait d'un succès inattendu de ce dispositif, « avec plus de 250 000 dossiers éligibles déposés la première année, contre un objectif initial de 100 000 primes par an ». À cela s'est ajoutée une augmentation du nombre de demandes « à la suite de l'annonce d'une évolution des critères d'attribution de la prime » .

Le recours au programme 552 s'est effectué après mise en oeuvre des techniques de gestion possibles et a dû se faire avant l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2019, afin de satisfaire les demandes de primes validées.

Mouvements de gestion relatifs à l'enveloppe affectée
à la prime de conversion

(en millions d'euros)

Crédits votés en LFI 2019

596

Report de crédits de 2018 vers 2019

8,9

Dégel

19,5

Redéploiements internes au programme 174

32

Transfert à partir du programme 345

19,9

Recours au programme 552

70

Ouverture de crédits en LFR 2019

77,2

Crédits exécutés

823,5

Source : commission des finances (d'après la Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission « Écologie, mobilités et développement durables » en 2019)

Si le respect du critère de dernier recours doit là encore être salué, les rapporteurs spéciaux observent à l'instar de la Cour des comptes que ce recours n'en a pas moins permis de couvrir une sous-budgétisation manifeste du programme 174 . En effet, le montant initial des crédits ouverts, s'élevant à 596 millions d'euros, était très inférieur aux besoins estimés par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), à 739 millions d'euros . Le respect de cette prévision, ajouté aux mouvements de régulation qui ont financé à hauteur de 80,3 millions d'euros le surcoût constaté, aurait donc permis d'éviter une utilisation des crédits non répartis.

Dès lors, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'une telle utilisation est contraire à l'objet de la dotation du programme 552, qui, par définition, ne doit en aucun cas financer des dépenses prévisibles et partant, permettre de combler les insuffisances de la programmation budgétaire initiale.

Il faut rappeler qu'un détournement des règles d'utilisation du programme 552 a déjà été observé en gestion 2018 , la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ayant compensé la sous-budgétisation des missions « Action extérieure de l'État » et « Engagements financiers de l'État » d'un montant respectif de 4,5 millions d'euros et de 100 millions d'euros.

Une telle pratique est insatisfaisante du point de vue du respect de l'autorisation parlementaire , puisque, contrairement aux mesures prises dans le cadre d'un décret d'avance ou d'une LFR, la prise d'un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles n'est pas soumise à l'approbation préalable du Parlement.

Aussi est-il regrettable que, pour la seconde année consécutive, le programme 552 tende à devenir le pis-aller de l'engagement du Gouvernement de ne plus avoir recours aux décrets d'avance et le raccourcissement du délai d'examen du PLFR de fin de gestion.


* 198 Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédits non répartis » en 2019.

* 199 Annexe n°15 au rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019, sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 200 Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédits non répartis » en 2019.

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