B. L'ACCORD DU CONSEIL EUROPÉEN DU 21 JUILLET 2020 ENTÉRINE UNE HAUSSE PÉRENNE DE LA CONTRIBUTION FRANÇAISE

Si l'accord du Conseil européen du 21 juillet dernier a permis de dénouer des négociations qui semblaient inextricables, force est de constater que la France a renoncé, sur le volet « recettes » du budget pluriannuel, à la défense de plusieurs de ses lignes rouges .

Ainsi, dès 2018, la France soutenait la proposition de la Commission européenne de mettre un terme au système des rabais , à la faveur du départ du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Pour rappel, outre le « chèque britannique » , auquel la France est le principal financeur, à hauteur de 1,3 milliard d'euros en moyenne par an 20 ( * ) , d'autres États membres ont ensuite obtenu des corrections sur le montant de leur contribution au budget de l'Union européenne , tels que l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l'Autriche et le Danemark . Ces corrections prenaient jusqu'à présent plusieurs formes :

- des « rabais sur le rabais », c'est-à-dire des corrections dans le financement du « chèque britannique » ;

- des taux d'appels réduits de TVA ;

- des rabais dits « forfaitaires » , c'est-à-dire d'un montant forfaitaire appliqué à la contribution de ces États membres au titre de la ressource RNB.

Critiqué pour son manque de lisibilité, le système de compensations s'apparente davantage à un mécanisme de marchandage sur mesure des contributions nationales des États membres , qu'à un mécanisme budgétaire équitable.

Or, les conclusions du Conseil européen des 17 au 21 juillet , ainsi que la proposition révisée de décision relative aux ressources propres (DRP) qui en découle, ont abandonné cet objectif de la négociation .

Certes, la proposition de DRP supprime formellement les « rabais sur le rabais » en raison du départ du Royaume-Uni, ainsi que les taux d'appel réduits de TVA , conformément à l'objectif proposé par la Commission européenne de simplifier les modalités de calcul de cette ressource. Néanmoins, les niveaux atteints en 2020 de ces réductions ont servi de référence au cours de la négociation pour le calcul des rabais forfaitaires.

En effet, les cinq États membres qui bénéficiaient de rabais forfaitaires ont obtenu de les conserver . Ainsi, pour les années 2021 à 2027, l'Allemagne bénéficiera d'une réduction brute de sa contribution annuelle d'un montant de 3,7 milliards d'euros, l'Autriche d'un montant de 565 millions d'euros, le Danemark de 377 millions d'euros, les Pays-Bas de 1,9 milliard d'euros, et la Suède de 1,1 milliard d'euros.

Le rapporteur constate avec surprise que ces montants forfaitaires ne répondent à aucune clé d'allocation logique, puisqu'ils ont été obtenus en fusionnant les trois types de rabais précédents, puis ils ont été augmentés au cours de la négociation. Ainsi, le rapport de forces de ces États membres a prévalu sur la rationalité budgétaire.

En outre, la France avait également soutenu la proposition initiale de la Commission européenne d'abaisser les frais de perception des droits de douane de 20 % à 10 % pour les années 2021 à 2027, au motif de mieux prendre en compte les coûts réels de la collecte des droits de douane. Or, une baisse du taux de frais de perception entraîne une hausse des droits de douane reversés à l'Union européenne, et par conséquent, une baisse de la ressource RNB car celle-ci constitue la ressource d'équilibre du budget européen.

Ainsi, toute modification du taux de retenue pour frais de perception a en revanche un effet sur la répartition entre les États membres de la contribution au budget de l'Union, selon la différence entre la part de leur contribution au titre des droits de douanes et celle au titre de la ressource RNB. Pour la France, la modification proposée par la Commission européenne aurait entraîné une réduction de sa contribution d'environ 230 millions d'euros par an 21 ( * ) .

Toutefois, les États membres n'ont pas suivi la proposition de la Commission européenne, et la nouvelle DRP rehausse même de 20 à 25 % le taux de retenue appliqué aux droits de douane.

Enfin, le rapporteur souligne que même la nouvelle ressource issue de l'application d'un taux d'appel au poids des déchets d'emballages en plastique non recyclés fait l'objet d'un nouveau rabais .

En effet, un rabais forfaitaire est appliqué aux États membres dont le RNB par habitant est inférieur à la moyenne de l'Union européenne. L'introduction de ce rabais aurait été justifiée par la nécessité de ne pas excessivement pénaliser des États membres dont le niveau de vie ne permettait pas, en théorie, de mettre en place des structures de recyclage aussi efficaces que dans le reste de l'Union européenne .

Le rapporteur ne peut que constater que la nécessité de parvenir à un accord a constitué une priorité supérieure à la préservation d'une partie des intérêts budgétaires de la France. Il craint également que le maintien de mécanismes de compensation jusqu'en 2028 donne lieu à un « effet cliquet », et qu'il soit d'autant plus difficile de revenir sur cet accord pour la prochaine DRP.

Toutefois, si le coût budgétaire aurait pu être mieux maîtrisé, le rapporteur considère également que le coût politique d'une absence d'accord aurait été beaucoup plus élevé .

En outre, le rapporteur souligne qu'en dépit de ces renoncements, la France a quand même réussi à faire prévaloir certaines de ses positions sur le plan des dépenses, notamment en matière de politique agricole commune (PAC).

Ainsi, l'accord du 21 juillet prévoit une enveloppe pour le fonds européen agricole de garantie (FEAGA) de 258,6 milliards d'euros , soit 4,4 milliards d'euros de plus que dans la proposition de la Commission européenne de 2018, et de 85,4 milliards d'euros pour le fonds européen agricole de développement rural (FEADER), avec l'instrument de relance , soit 15,4 milliards d'euros de plus que proposé initialement par la Commission européenne.


* 20 En moyenne sur la période 2010-2020.

* 21 Rapport budgétaire de Patrice Joly, rapporteur spécial des crédits de la participation de la France au budget de l'Union européenne, sur le projet de loi de finances pour 2020.

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