Rapport général n° 138 (2020-2021) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020

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N° 138

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 15a

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES - CRÉDITS

NON RÉPARTIS - TRANSFORMATION ET FONCTION PUBLIQUES

Rapporteurs spéciaux : MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean Bizet, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

La mission « Gestion des finances publiques »

1. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, la mission voit son périmètre modifié par le rattachement du programme 148 « Fonction publique » à la mission « Transformation et fonctions publiques ». Renommée « Gestion des finances publiques », elle constitue la principale mission du pôle économique et financier de l'État . Elle se compose de deux programmes opérationnels , qui portent les crédits des deux grandes administrations de réseau du ministère que sont la direction générale des finances publiques (DGFiP - programme 156) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI - programme 302). Ces deux programmes représentent plus de 91 % des crédits de la mission. Le troisième programme (218) soutient le secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la relance (MEFR), ainsi que les crédits d'une pluralité de structures, telle que la direction du budget ou Tracfin.

2. Le premier constat dressé par les rapporteurs spéciaux porte sur la relative imperméabilité des crédits de la mission aux effets de la crise sanitaire et économique . Les administrations ont certes été mobilisées pour répondre à la crise, comme le rappelle le rapport, mais cela ne se traduit pas, ou à peine, sur les effectifs et les crédits alloués à la mission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, qui conservent la trajectoire de baisse constatée ces dernières années . Les crédits de la mission sont ainsi en baisse de 1,11 % en autorisations d'engagement (AE) et de 1,29 % en crédits de paiement (CP) par rapport aux ouvertures en 2020, pour atteindre respectivement 10,2 et 10,1 milliards d'euros. Pour la première fois, l'ensemble des programmes contribuent à la maîtrise des dépenses de la mission.

3. La baisse des crédits constatée en 2021 s'explique principalement par la baisse des dépenses de personnel , qui représentent plus de 80 % des dépenses de la mission . La diminution de ces dépenses de 1,42 % en 2021 provient d' un schéma d'emplois négatif à l'échelle de la mission, à - 2 033 équivalents temps plein (ETP). Là-encore, les trois programmes contribuent à cet effort de rationalisation, la mission « Gestion des finances publiques » donnant encore l'exemple en matière de maîtrise des dépenses et des effectifs. Entre 2020 et 2022, la DGFiP contribuerait au tiers de l'objectif révisé de 15 000 suppressions de postes dans la fonction publique d'État. Les effectifs de la DGDDI sont également en baisse, et ce malgré l'imminence du Brexit : la crise sanitaire, qui a engendré une chute considérable du volume des échanges et des trafics, a eu pour effet d'apaiser les inquiétudes résiduelles de l'administration quant à sa capacité à faire face au rétablissement de la frontière entre la France et le Royaume-Uni. Les reports successifs lui ont également laissé le temps d'améliorer ses procédures et de former les agents recrutés depuis 2016 .

4. Les autres dépenses de la mission se stabilisent , quoiqu'un peu artificiellement pour les dépenses d'investissement de la DGDDI, qui bénéficiera d'une enveloppe de 50 millions d'euros sur la mission « Plan de relance » pour renouveler et verdir son parc automobile .

5. La crise sanitaire et économique a renforcé la visibilité du secrétariat général du MEFR , chargé de coordonner les plans de continuité d'activité des administrations du ministère ainsi que la cellule de continuité économique. Il dispose également d'un vrai pouvoir d'impulsion au sein du ministère, par exemple pour la gestion des ressources humaines ou le développement du télétravail. En période « ordinaire », le secrétariat général joue également un rôle fondamental dans les processus de transformation des administrations puisqu'il est chargé d'assurer le suivi du plan de transformation ministériel. C'est sur les sept axes de transformation de ce plan, déclinés en 26 « chantiers », que la DGFiP et la DGDDI s'appuient pour poursuivre leur modernisation. Les prévisions budgétaires de la mission sont en effet moins affectées par la crise sanitaire que par ces processus, engagés depuis plusieurs années . La crise n'a pas conduit à les reporter ou les abandonner, bien au contraire, elle a pu en renforcer la nécessité.

6. Après avoir présenté les actions de la DGFiP et de la DGDDI durant la crise sanitaire, les rapporteurs spéciaux ont choisi d'approfondir quatre enjeux de transformation pour ces deux administrations.

a) La réorganisation du réseau. Du côté de la DGFiP, la réorganisation territoriale, sous la forme du « nouveau réseau de proximité », se traduit par trois évolutions : une attention portée à l'augmentation du nombre de points de contact sur tout le territoire , mais pas forcément sous la forme d'un site fixe ou exclusivement réservé aux finances publiques ; la délocalisation de certains services des métropoles vers les villes moyennes sur un calendrier échelonné de 2021 à 2024 ; la mise en place d'un réseau de conseillers aux décideurs locaux . Les rapporteurs spéciaux insistent également sur la nécessité de conserver un accueil téléphonique et physique de qualité , la dématérialisation des démarches n'étant pas adaptée à l'ensemble des publics. Du côté de la DGDDI, la réorganisation des emprises tient compte du Brexit , avec une bascule des emprises de l'est et du sud de la France vers le nord. Deux bureaux ont ainsi été créés à Calais et Dunkerque, tandis que quatre brigades de surveillance extérieure ont été installées à Calais, Lille et Dunkerque. Le transfert de certaines de ses compétences fiscales vers la DGFiP contribue également à la rationalisation du réseau.

b) Le transfert de la gestion du recouvrement de certaines taxes et impositions de la DGFiP à la DGDDI . La DGFiP va devoir absorber de nouvelles missions, ce qui ne signifie pas qu'elle le fera à modalités constantes. Le but est d'agréger ces nouvelles tâches à des projets en cours, afin d'améliorer les gains de productivité. Pour la DGDDI, ces transferts impliquent de mener une véritable réflexion sur ce qui constitue ses missions stratégiques et sur la réallocation de ses moyens au contrôle des marchandises et des passagers.

c) La poursuite des efforts pour améliorer les résultats du contrôle fiscal et la lutte contre la fraude . La DGFiP comme la DGDDI mettent à profit les techniques d'analyse de données de masse, le datamining et l'intelligence artificielle pour améliorer le ciblage de leurs contrôles. Pour les rapporteurs spéciaux, ces dispositifs doivent encore monter en charge. Surtout, ils doivent être mobilisés pour lutter contre la fraude à la TVA , qui demeure un enjeu considérable, renforcé par cette période de crise sanitaire et de confinement, qui a vu le commerce électronique exploser.

Or, les caractéristiques du e-commerce en font non seulement un vecteur de fraude à la TVA, mais il participe également à la hausse de la circulation des contrefaçons constatée par la Douane. Le législateur a adopté des mécanismes pour lutter contre cette fraude, il faut désormais qu'ils soient pleinement mis en oeuvre et trouvent une traduction opérationnelle rapide . Pour la DGDDI, l'entrée en vigueur du « paquet TVA commerce électronique » et la fin de la règle relative aux envois de valeur négligeable va par définition conduire à un afflux massif de déclarations, qu'elle n'est pas aujourd'hui en mesure de gérer et qui nécessitera l'adaptation de ses traitements automatisés.

d) Le pilotage des projets informatiques . Au regard des missions fondamentales assurées par la DGFiP et la DGDDI en matière de recouvrement des recettes fiscales, de contrôle, de lutte contre la fraude mais aussi de gestion publique, il est plus que judicieux qu'elles disposent de systèmes d'information solides. Or, les deux directions doivent continuer leurs efforts pour résorber leur dette technologique et, surtout, mettre en place de nouveaux indicateurs pour éviter le dérapage des coûts et des délais de leurs projets informatiques. La commission des finances avait demandé un rapport à la Cour des comptes sur ce sujet, qui lui a été remis en juillet 2020.

e) La gestion des ressources humaines . Alors que les deux administrations se transforment en profondeur, ces processus ont pu causer certaines réticences au sein de leurs effectifs. Les rapporteurs spéciaux estiment néanmoins que ces grands bouleversements sont une opportunité pour poursuivre la réforme des modes de gestion de ressources humaines, un enjeu fondamental pour la DGFiP et la DGDDI qui comptent à elles deux près de 115 000 personnes. À titre d'exemple, il est plus que temps de simplifier le régime indemnitaire des agents de la DGDDI, qualifié de « stratification indemnitaire épouvantable » par sa directrice elle-même.

La mission « Crédits non répartis »

1. L'existence des deux programmes de la mission « Crédits non répartis » est prévue par l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) . L'essentiel des crédits devant être répartis au moment du vote de la loi de finances, en vertu du principe de spécialité budgétaire, la mission « Crédits non répartis » fait l'objet d'une faible dotation , avec un montant de 332,5 millions d'euros en CP et de 622,5 millions d'euros en AE.

2. Pour la quatrième année consécutive, le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » fait l'objet d'une demande de crédits, à hauteur de 198,5 millions d'euros, afin de couvrir différentes mesures de revalorisations indemnitaires et la prime de fidélisation en Seine-Saint-Denis. La ventilation de cette provision exceptionnellement élevée entre ces trois mesures n'est cependant pas précisée dans les documents budgétaires. Il est par ailleurs vivement souhaitable que ces crédits soient répartis dans les différentes missions au cours de l'examen du PLF 2021.

3. La dotation du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » demeure égale au montant ouvert depuis la LFI 2018, soit 124 millions d'euros en CP . En 2020, cette dotation a été abondée d'un montant inédit d'1,62 milliard d'euros afin de couvrir les dépenses imprévisibles liées à la crise sanitaire et susceptibles d'être rapidement engagées.

La mission « Transformation et fonction publiques »

1. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, la mission « Action et transformation publiques » voit son périmètre modifié par l'intégration du programme 148 « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Renommée « Transformation et fonction publiques » , la mission se compose donc désormais de cinq programmes, à vocation interministérielle , qui se veulent la traduction opérationnelle et budgétaire de la démarche de réforme de l'action publique engagée par le Gouvernement sous les termes « Action publique 2022 ».

2. À périmètre constant, les crédits inscrits au titre de l'année 2021 suivent deux trajectoires contraires : une baisse de 67,4 % des AE (110,6 millions d'euros) et une hausse significative des crédits de paiement (+ 14,3 %, à 496,83 millions d'euros). Toutefois, les rapporteurs spéciaux, échaudés par la succession de plusieurs années de sous-consommation des crédits appellent à la plus grande prudence concernant ces prévisions. De nouveau, dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, près de 12 % des AE et 75 % des CP ouverts en loi de finances initiale pour 2020 sont annulés. Ces annulations considérables ne s'expliquent pas seulement par la crise sanitaire , elles proviennent également d'une surestimation de la capacité des administrations à engager rapidement les crédits et des retards accumulés sur la contractualisation des projets financés par les fonds de la mission . Résultats, les effets se font attendre, d'autant que le Parlement ne dispose pas de réels indicateurs permettant de suivre l'avancement des projets.

3. Le changement de périmètre et de tutelle de la mission , qui est maintenant placée sous la responsabilité du ministère homonyme, a conduit les rapporteurs spéciaux à s'interroger sur sa vocation. Créée avec l'idée qu'elle ne soit que temporaire, pour porter des projets à effet de levier rapide sur la transformation de des administrations, le nouveau périmètre ne signifie-t-il pas une pérennisation de la mission ? Sous quelle forme ? Ces interrogations n'ont pour l'instant pas trouvé de réponse auprès des administrations et du ministère concernés. Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, la ministre de la transformation et de la fonction publiques s'est plutôt présentée comme la ministre de la « qualité des services publics ». Il est parfois difficile de voir comment s'articule cet objectif avec les principes de fonctionnement des différents fonds de la mission , ainsi que ces différents programmes entre eux, entre ressources humaines, numérisation, transformation de l'action publique et rénovation des cités administratives.

À la date du 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, les rapporteurs spéciaux avaient reçus 97,2 % des réponses pour la mission « Gestion des finances publiques », 100 % pour la mission « Crédits non répartis » et 92,5 % pour la mission « Transformation et fonctions publiques ».

PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES »

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION : UNE BAISSE TENDANCIELLE QUI S'APPUIT SUR LA DIMINUTION DES DÉPENSES DE PERSONNEL ET LA TRANSFORMATION DES ADMINISTRATIONS

Le premier constat dressé par les rapporteurs spéciaux porte sur la relative imperméabilité des crédits de la mission aux effets de la crise sanitaire et économique . Les administrations ont certes été mobilisées pour répondre à la crise, mais cela n'affecte pas, ou marginalement, les effectifs et les crédits alloués à la mission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. La mission poursuit ainsi sa trajectoire de baisse des dépenses.

Cette imperméabilité ne signifie pas que la crise n'a eu aucun impact sur les deux grandes directions de la mission que sont la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), ni sur les travaux engagés par le secrétariat général des ministères économiques et financiers . Il n'en demeure pas moins que les prévisions budgétaires pour l'année 2021 sont moins affectées par les conséquences de la crise sanitaire que par les effets des processus de transformation engagés ces deux dernières années , et sur lesquels les rapporteurs spéciaux reviendront plus longuement en seconde partie. Certaines de ces transformations ont pu être retardées, d'autres ont pu voir leur nécessité renforcée par la crise, mais aucune n'a été abandonnée. Elles doivent désormais être achevées.

A. UNE BAISSE CONTINUE DES CRÉDITS DE LA MISSION, LARGEMENT DUE À LA DIMINUTION DES DÉPENSES DE PERSONNEL

1. Une mesure de périmètre : le rattachement du programme 148 « Fonction publique » à la mission « Transformation et fonction publiques »

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » voit son périmètre modifié par le rattachement du programme 148 « Fonction publique » à la mission « Transformation et fonction publiques ».

Renommée « Gestion des finances publiques » et placée sous l'autorité du ministère de l'économie, des finances et de la relance, la mission, qui porte l'essentiel des crédits du pôle économique et financier de l'État se compose désormais de trois programmes :

- les programmes 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local » et 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » sont les deux programmes opérationnels de la mission. Ils portent les crédits des deux grandes directions de réseau que sont la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Ils représentent plus de 90 % des crédits de la mission ;

- le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financiers » porte les crédits du secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la relance (SG MEFR), ainsi que d'une pluralité de structures 1 ( * ) . Le secrétariat général n'interfère pas avec ces entités et n'agit pas à leur égard comme un donneur d'ordres. Il joue simplement un rôle de fonction support et budgétaire, son objectif étant de s'assurer qu'elles disposent bien, dans un contexte de ressources contraint, des moyens de fonctionner. La conciliation de ces deux objectifs implique des arbitrages. Par exemple, en 2021, et au regard de l'importance de ses missions dans le contexte actuel, les effectifs de la cellule Tracfin, chargée du renseignement financier pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, seront renforcés, alors qu'ils diminuent à l'échelle du programme.

En termes de crédits, les programmes de la mission sont de poids très inégaux, l'analyse de la mission étant dominée par les enjeux auxquels sont confrontées la DGFiP et la DGDDI . Le programme 218, et notamment les actions portées par le secrétariat général des ministères économiques et financiers, joue toutefois un rôle très important en matière de transformation des administrations et de gestion des ressources humaines.

Répartition des crédits de la mission « Gestion des finances publiques »
en 2021

(en millions d'euros et en %, en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le périmètre du programme 156 est également modifié puisqu'il tient compte de l'intégration de la direction de la législation fiscale (DLF), dont les crédits étaient auparavant portés par le programme 305 « Stratégies économiques » de la mission « Économie ». Ses crédits sont portés par l'action 10 « Élaboration de la législation fiscale » du programme et s'élèvent à 18,43 millions d'euros en 2021 (AE=CP).

Les contentieux fiscaux de la France

Se saisissant de l'occasion du transfert de la DLF sur le programme 156, les rapporteurs spéciaux ont demandé au directeur général des finances publiques un état des lieux des condamnations ou des risques de condamnation de la France du fait de dispositifs fiscaux qui seraient contraires à la Constitution ou au droit européen . D'après les informations transmises, il n'y aurait pas de nouveaux contentieux fiscaux de grande ampleur, mais les plus anciens d'entre eux sont extrêmement longs et difficiles à régler. Il y aurait ainsi sept contentieux de série 2 ( * ) et leur coût en matière de remboursements et de restitutions pourrait s'élever à 2,41 milliards d'euros en 2021 3 ( * ) .

2. Retraité des mesures de périmètre, le budget octroyé à la mission « Gestion des finances publiques » diminue, du fait de la baisse des dépenses de personnel

À périmètre constant, l es crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021 diminuent de 1,22 % en autorisations d'engagement (AE) et de 1,40 % en crédits de paiement (CP) par rapport aux crédits demandés en loi de finances initiale pour 2020 4 ( * ) , pour atteindre respectivement 10,2 milliards d'euros et 10,1 milliards d'euros . C'est la première fois que l'ensemble des programmes de la mission contribue à la baisse des crédits , comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Évolution des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques » entre 2020 et 2021

(à périmètre constant format PLF 2021, en millions d'euros)

Exécution 2019

LFI 2020

PLF 2021

Évolution
PLF 2021/LFI 2020

[ 156 ] Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local

AE

7 753,00

7 779,22

7 651,75

- 1,64 %

CP

7 678,50

7 703,86

7 591,26

- 1,46 %

[ 302 ] Facilitation et sécurisation des échanges

AE

1 569,50

1 587,96

1 576,20

- 0,74 %

CP

1 541,70

1 590,97

1 568,52

- 1,41 %

[ 218 ] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

AE

905,90

933,09

946,20

1,41 %

CP

905,70

951,06

942,46

- 0,90 %

Total

AE

10 228,40

10 300,27

10 174,15

- 1,22 %

CP

10 125,90

10 245,88

10 102,24

- 1,40 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ces dernières années, c'était surtout le programme 156, et donc la DGFiP, qui portait les efforts en dépenses de la mission , allant jusqu'à compenser la hausse des crédits sur les autres programmes, et notamment celui de la DGDDI. La Douane a en effet connu deux années d'augmentation significative de ses crédits (+ 2,53 % en 2018 et + 4,8 % en 2019) avant une stabilisation en 2020 (+ 0,31 %) et une diminution cette année (- 1,41 %). En 2021, les diminutions sont également nettes pour la DGFiP (- 1,46 %, contre - 0,43 % dans le PLF 2020) et pour le programme 218 (- 0,9 %, contre + 4,14 % dans le PLF 2020).

Sur longue période, la mission connait donc une stabilisation de ses crédits (- 0,61 %), avec un infléchissement plus marqué depuis le début du quinquennat (- 6,02 %) . En termes d'effort sur la dépense publique , les rapporteurs spéciaux relèvent que la mission « Gestion des finances publiques » fait partie, depuis plusieurs années, des missions les plus vertueuses . Parmi celles de taille comparable, c'est d'ailleurs la seule à connaitre une diminution de ses crédits.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Gestion des finances publiques » depuis 2010

(périmètre format PLF 2021, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme le montre le graphique ci-dessous, la baisse des crédits de la mission entre 2020 et 2021 s'explique quasi-exclusivement par la diminution des dépenses de personnel , qui représentent une part prépondérante des crédits de la mission (respectivement 82,14 % et 82,05 % dans les projets de loi de finances pour 2020 et pour 2021).

Décomposition par titre de l'évolution des dépenses de la mission
« Gestion des finances publiques » entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La diminution des dépenses de personnel résulte du schéma d'emploi de la mission, négatif depuis plusieurs années . En 2021, l'ensemble des programmes contribuerait, comme en 2020, à la maîtrise des dépenses de personnel et à la rationalisation des effectifs.

Évolution du plafond d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques »

(en équivalent temps plein travaillé, ETPT)

Exécution
2018

Écart 2019-2018

Exécution
2019

Écart 2020/2019

LFI
2020

PLF
2021

Écart 2021/2020

Programme 156

101 394

- 2 137

99 257

- 364

98 893

97 585

- 1 308

Programme 302

16 776

188

16 964

388

17 352

17 171

- 181

Programme 218

5 314

-36

5 278

59

5 337

5 287

- 50

Total

123 484

- 1 985

121 499

83

121 582

120 043

- 1 539

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaires des rapporteurs spéciaux

La DGFiP (programme 156), deuxième plus grande administration civile de l'État, demeure néanmoins la plus fortement sollicitée pour contribuer à la baisse des effectifs de la mission et, plus généralement, de l'État. Dans le PLF 2021, 157 suppressions d'équivalents temps plein [ETP] sont prévues, dont 11 sur le périmètre de l'État et 146 dans les opérateurs. Les rapporteurs spéciaux observent que le rythme de suppression des ETP demeure très élevé et retrouve un niveau proche de celui observé en 2019, après un léger ralentissement en 2020.

Évolution du schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques »

(en équivalent temps plein, ETP)

Exécution 2018

Exécution 2019

LFI 2020

PLF 2021

Écart 2021/2020

Programme 156

- 2 038

- 2 203

- 1 500

- 1 800

- 300

Programme 302

201

220

- 93

-178

- 85

Programme 218

- 65

- 99

- 60

- 55

5

Mission

- 1 902

- 2 081

- 1 653

- 2 033

- 380

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

La prévision de suppression de postes pour la DGFiP en 2021 est conforme aux annonces qui avaient été faites en 2020 . L'objectif de supprimer 4 900 postes d'ici la fin du quinquennat est donc maintenu, puisque s'ajouterait en 2022 la suppression de 1 600 ETP. Les rapporteurs spéciaux notent que la DGFiP contribuerait pour un tiers à l'objectif révisé de 15 000 suppressions de postes dans la fonction publique d'État fixé par le Gouvernement . Elle constitue donc, de loin, l'administration qui contribue le plus à la rationalisation de la masse salariale publique.

Lors de leurs auditions, les rapporteurs spéciaux ont demandé aux responsables des trois programmes de la mission - la secrétaire générale du ministère de l'économie, des finances et de la relance, le directeur général des finances publiques et la directrice générale des douanes et des droits indirects - jusqu'à quand et jusqu'à quel niveau ils estimaient que ces réductions d'effectifs pouvaient se poursuivre . Si le ministère doit se montrer exemplaire , d'autant que les efforts de l'État sont plus que limités en matière de rationalisation des effectifs publics, il arrivera en effet un palier où les gains de productivité ne suffiront plus à compenser la réduction des effectifs .

D'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, il n'y a encore ni calendrier ni cible arrêtés , si ce n'est pour le programme 218, qui pourrait connaître un rythme moyen de suppression annuelle de 50 ETP ces cinq prochaines années. Cette absence de visibilité provient également de l'impossibilité de quantifier très précisément les gains de productivité issus de la dématérialisation de certaines procédures, des réformes entreprises en matière de fiscalité (passage au prélèvement à la source, disparition de la taxe d'habitation) ou de la mise en oeuvre des projets financés avec le soutien du Fonds pour la transformation de l'action publique 5 ( * ) (estimation de - 1 000 postes en trois ans pour la DGFiP). L'évolution du schéma d'emplois de la Douane dépend quant à lui d'effets contradictoires, entre potentiels recrutements supplémentaires pour répondre au Brexit et rationalisation du réseau. Les rapporteurs spéciaux ne disposent pas non plus de données sur les effets du transfert de la gestion et du recouvrement de certaines taxes de la DGDDI à la DGFiP , entamé dans la loi de finances pour 2019 et poursuivi en 2020 et 2021.

Prélèvement à la source et taxe d'habitation : des impacts difficiles à évaluer
pour la DGFiP

La mise en oeuvre du prélèvement à la source (PAS) a conduit à la disparition des encaissements des acomptes et des soldes des paiements par chèque, carte bancaire ou espèces (environ 30 % des contribuables), ainsi qu'à la disparition des travaux de relance des défaillances de paiement (environ 800 000 lettres adressées chaque année). Le PAS diminue en outre les travaux de gestion des contrats de mensualisation de l'impôt sur le revenu, réalisés par les Centres Prélèvement Services, ainsi que les demandes de délai de paiement et de remise gracieuse. En contrepartie, de nouvelles tâches sont apparues, tenant tant à l'accompagnement des collecteurs (les entreprises) qu'à l'assistance portée aux particuliers dans la gestion de leurs choix personnels en matière de PAS. Il y a toujours environ quatre millions de demandes ou de questions qui sont adressées aux trésoreries lors de la campagne de déclaration à l'impôt sur le revenu. Ainsi, si la DGFiP se refuse à toute évaluation de l'impact du PAS sur les effectifs, l'Inspection générale des finances estimait quant à elle que le gain pourrait aller de 1 466 à 1 621 ETP .

La taxe d'habitation sur la résidence principale doit être supprimée en intégralité d'ici 2023. S'il est difficile de donner une évaluation exacte du nombre d'ETP affectés par la réforme, il est possible d'identifier quelques tendances, aux sens opposés. Ainsi, les travaux relatifs à l'assiette demeureront, mais les actions ayant trait au recouvrement ou à la gestion des recours gracieux et contentieux non.

261 ETP ont été mobilisés en 2018 dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux des professionnels mais vos rapporteurs spéciaux ne disposent pas de ces données pour la revalorisation des valeurs locatives des habitations.

Source : réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

3. Les autres dépenses de la mission se stabilisent ou diminuent

Les rapporteurs spéciaux observent que, contrairement à ce qui avait été relevé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, les autres postes de dépenses de la mission « Gestion des finances publiques » 6 ( * ) connaissent eux aussi une stabilisation de leurs crédits, voire une diminution .

Évolution des dépenses de la mission
« Gestion des finances publiques » par titre

(périmètre 2021, en euros et en %)

Exécution

LFI 2020

Évolution

PLF 2021

Évolution

2019

2020/2019

2021/2020

Titre 2

AE

8 559 731 016

8 589 672 462

0,35 %

8 467 837 549

- 1,42 %

Personnel

CP

8 559 731 016

8 589 672 462

0,35 %

8 467 837 549

- 1,42 %

Titre 3

AE

1 474 840 080

1 394 359 116

- 5,46 %

1 423 031 141

2,06 %

Fonctionnement

CP

1 380 169 769

1 367 057 363

- 0,95 %

1 355 676 269

- 0,83 %

Titre 5

AE

111 556 850

214 215 674

92,02 %

187 614 789

- 12,42 %

Investissement

CP

103 601 285

187 159 028

80,65 %

183 050 013

- 2,20 %

Titre 6

AE

81 781 909

101 689 000

24,34 %

95 339 000

- 6,24 %

Intervention

CP

82 020 840

101 665 000

23,95 %

95 339 000

- 6,22 %

Titre 7

AE

374 500

330 000

- 11,88 %

330 000

0,00 %

Op. financières

CP

374 500

330 000

- 11,88 %

330 000

0,00 %

Total Mission

AE

10 228 284 355

10 300 266 252

0,70 %

10 174 152 479

- 1,22 %

CP

10 125 897 410

10 245 883 853

1,18 %

10 102 232 831

- 1,40 %

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Le contraste est particulièrement frappant sur les dépenses d'investissement qui, après une hausse de 80,65 % entre les lois de finances pour 2019 et 2020, connaitraient une légère baisse (- 2,20 %). Il est probable que cette prévision tienne compte du fait que plusieurs projets d'investissement n'ont pas pu être réalisés en 2020 à cause de la crise sanitaire et qu'il n'y aura pas d'effet de rattrapage en 2021, l'objectif étant de se contenter de parvenir à réaliser les projets reportés ou retardés du fait de la crise. Les rapporteurs spéciaux relèvent toutefois que la DGDDI bénéficie de l'ouverture de 50 millions d'euros sur l'action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Ces crédits sont destinés à l'achat de véhicules électriques, dans le cadre du renouvellement de son parc automobile .

Si les dépenses de fonctionnement se stabilisent à l'échelle de la mission (+ 2,06 % en AE et - 0,83 % en CP), celles du programme 302 suivent une trajectoire contraire, avec une diminution nette de 2,8 % en CP pour s'établir à 166,18 millions d'euros.

Les dépenses d'intervention seraient en baisse de près de 6,2 % en CP, à 95,34 millions d'euros. Les rapporteurs spéciaux se sont plus particulièrement intéressés aux dépenses de l'action 08 « Soutien au réseau des débitants de tabac » du programme 302, qui représentent 90,7 % du total des dépenses d'intervention de la mission. Elles sont en baisse de plus de 6 % en 2021 et s'établissent à 86,5 millions d'euros (AE=CP). Elles correspondent aux mesures de soutien apportées par le Gouvernement aux buralistes, affectés par la hausse du prix du tabac, dans un objectif de santé publique, et par le trafic de tabac.

Selon les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, la diminution des crédits de l'action ne provient pas d'une réduction des aides aux buralistes, mais de la prise en compte d'un moindre recours à ces dispositifs que ce qui avait été anticipé lors de la signature du protocole de soutien en 2018 . Ces aides se décomposent de la manière suivante :

- les aides destinées à compenser la perte d'activité et /ou à soutenir l'activité (34 millions d'euros) ;

- les aides à la transformation de l'activité des buralistes (25 millions d'euros), avec un déblocage par tranche du fonds de transformation créé par le protocole du 02 février 2018 (80 millions d'euros sur quatre ans) et une prime à la diversification. 417 dossiers ont été pris en charge depuis le mois de septembre 2019. En 2020, le montant moyen de l'aide accordée aux buralistes est de 19 950 euros 7 ( * ) ;

- diverses aides (27,5 millions d'euros), dont une enveloppe dédiée au financement des travaux de sécurisation des débits de tabac (25 millions d'euros) et une aide à la cessation d'activité pour les buralistes qui considèrent que la viabilité de leur point de vente n'est plus assurée.

Les dispositions du protocole d'accord, du fait de la crise sanitaire, ont été prolongées d'un an, soit jusqu'à la fin de l'année 2022 et devraient donc se traduire par l'inscription de crédits de paiement supplémentaires cette même année.

B. LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DES MINISTÈRES ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS : DES CRÉDITS EN BAISSE, MAIS DES MISSIONS AU CoeUR DE LA TRANSFORMATION DES ADMINISTRATIONS

Programme à l'ampleur budgétaire la plus limitée, 942 millions d'euros en crédits de paiement en 2021, soit un peu plus de 9 % du total de la mission, le programme 218 est cependant essentiel, puisqu'il porte les politiques de coordination et de pilotage de niveau interministériel .

Le secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la relance (MEFR), dont les crédits sont portés par ce programme, s'est retrouvé particulièrement mobilisé en 2020 du fait de la crise sanitaire et des transformations engagées au sein du ministère , et notamment celles concernant la DGFiP et la Douane (réorganisation du réseau, mission « France recouvrement »). Il est ainsi chargé du suivi du plan de transformation ministériel (PTM), présenté en juin 2020 pour ce qui relevait alors du ministère de l'action et des comptes publics. Le secrétariat général, qui doit en effet coordonner, pour son périmètre de compétence, les différents PTM, s'est doté d'une cellule de coordination spécifique à cet effet, mais aussi de moyens supplémentaires pour en assurer le suivi, en dépit d'un budget en baisse en 2021 (- 0,9 % en crédits de paiement).

1. Un rôle de coordination durant la crise sanitaire

Pour chacun des ministères, les secrétaires généraux sont également les hauts fonctionnaires de défense et de sécurité. En situation de crise, ils sont donc amenés à jouer un rôle de coordonnateur. Comme l'a expliqué la secrétaire générale du MEFR, Mme Barbat-Layani, aux rapporteurs spéciaux lors de son audition, cette coordination revêt un aspect interne - coordonner l'organisation du ministère face à la pandémie - et externe , puisque le secrétariat général a soutenu la cellule de continuité économique, chargée de coordonner la réponse du Gouvernement à la crise.

La gestion de la crise sanitaire a illustré l'importance de disposer d'une administration capable, au sein d'un ministère, de pouvoir mobiliser l'ensemble des fonctions supports et des administrations pour assurer la continuité du service public. Ainsi, en interne :

- le secrétariat général a supervisé la mise en oeuvre des plans de continuité d'activité (PCA) en définissant quatre niveaux de priorité dans les missions assurées par le ministère. Le PCA détermine la part des effectifs de l'administration qui peut être placée en télétravail ou pour qui la présence physique est requise. Ceux dont les tâches ne sont ni prioritaires ni réalisables à distance ont pu bénéficier d'une autorisation spéciale d'absence. Le soutien des crédits du programme 218 au télétravail trouve une traduction directe dans ses indicateurs de performance : ainsi, le ratio d'efficience bureautique est attendu en hausse en 2020 (815 euros contre 750 euros en prévision et 771 euros en 2019), du fait de l'achat de matériel nomade, plus onéreux. Il devrait rester à un niveau similaire en 2021, le secrétariat général ayant décidé de poursuivre cet effort ;

- le secrétariat général s'est fortement impliqué, avec la direction des achats de l'État, dans les programmes destinés à acheter des masques grands publics . Les rapporteurs spéciaux admettent, au regard de la crise que nous traversons, que ce dernier point n'a peut-être pas entièrement donné satisfaction mais pour des raisons qui relevaient davantage du manque de préparation du Gouvernement et de sa méconnaissance des systèmes d'achat à l'étranger ;

- il a enfin participé au maintien d'un dialogue social très approfondi et en temps réel durant toute la période de crise. Ce dialogue portait tant sur les modalités d'organisation du travail que sur les mesures de prévention à mettre en place pour protéger les agents publics, tout en maintenant un niveau de service de qualité.

Les plans de continuité d'activité ne se sont appliqués que durant la période du premier confinement. Depuis, le recours au télétravail s'est fortement accru , d'autant plus avec le second reconfinement. Il est surtout, du point de vue des moyens, mieux organisé. Lors de son audition, la secrétaire générale du MEFR a reconnu que le télétravail avait été mis en place durant le premier confinement avec « les moyens du bord », d'où les efforts depuis en termes d'achat de matériel. Pour les rapporteurs spéciaux, la crise aura au moins contribué à renforcer la capacité des administrations à répondre à une situation de crise et les aura incitées à moderniser leurs modes d'organisation du travail .

2. Des chantiers de modernisation à poursuivre

Si les rapporteurs spéciaux saluent la réactivité du ministère et ses adaptations en période de crise, ils se sont également enquis des conséquences de la crise sanitaire sur les grands projets de transformation suivis par le secrétariat général , parmi lesquels les rapporteurs spéciaux distinguent :

- la réforme du réseau de la direction générale des finances publiques (DGFiP), inscrite dans le plan de transformation ministériel et qui doit être achevée ;

- la mise en oeuvre de la loi pour la transformation de la fonction publique 8 ( * ) , qui relève, pour son pilotage, du secrétariat général. La traduction concrète et opérationnelle de ce cadre législatif couvre de très nombreux sujets : le recrutement, les rémunérations, les règles déontologiques ou encore l'organisation du dialogue social ;

- le plan de réduction des coûts , le ministère ayant adopté à la fin du mois de septembre un plan interministériel d'achats , qui vise une économie sur les achats de l'État d'un milliard d'euros . Ce plan sera opéré par la direction des achats de l'État, sans cible prédéterminée d'économies par ministères. La mutualisation des achats constitue en effet un gisement d'économies significatif , que ce soit sur la négociation des contrats d'entretien ou de nettoyage ou sur l'achat « en gros », à rebours de la logique d'achats par « petits blocs », plus coûteuse pour l'État. Jusqu'ici, le niveau des économies s'est avéré plutôt décevant (270 millions d'euros en 2019) mais présente une forte progression (133 millions d'euros en 2018, une prévision actualisée à 400 millions d'euros pour 2020). Les rapporteurs spéciaux soutiennent la poursuite de la logique de mutualisation, qui participe de la professionnalisation de la fonction achat de l'État ;

- le suivi des objets de la vie quotidienne . Chaque plan de transformation ministériel doit en effet identifier des axes de transformation, qui sont ensuite déclinés en « chantiers ». Parmi eux, certains sont labellisés au titre des « objets de la vie quotidienne » et donc jugés prioritaires. Pour les administrations de la mission, il s'agit du prélèvement à la source, du droit à l'erreur, de la transparence sur les résultats des services publics et de l'amélioration et de la diversification du recrutement dans la fonction publique ;

- l' amélioration du niveau d'équipement des agents pour le travail à distance , une priorité renforcée avec la crise sanitaire . Une partie des dépenses informatiques du programme y sont dédiées (7,3 millions d'euros en 2021), avec l'objectif de doter 80 % des agents en administration centrale de matériel nomade d'ici la fin de l'année 2021 ;

- et, plus récemment, le développement d'un plan « Bercy vert » pour répondre à la circulaire du Premier ministre sur les engagements de l'État pour des services publics écoresponsables 9 ( * ) . Dans le cadre de ce plan, le secrétariat général a participé à l'appel à projets de l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » 10 ( * ) . Quatre milliards d'euros sont en effet octroyés à la rénovation thermique des bâtiments publics. Les deux appels à projets, dont un était réservé aux établissements publics de l'enseignement supérieur, se sont clos le 8 octobre 2020 et les projets retenus devraient être présentés d'ici le 30 novembre 2020. Le secrétariat général a présenté deux types de projets : un plus structurant de rénovation du bâtiment et un second plus innovant et de plus petite taille, visant à l'installation de petites éoliennes sur les toits des bâtiments du ministère afin d'augmenter son autonomie énergétique.

D'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, les plans de continuité d'activité, centrés sur le maintien des activités absolument essentielles, ont conduit à ralentir la mise en oeuvre de certains projets, réformes ou missions , voire à décaler ceux qui perdaient de leur pertinence. Le schéma de réduction des effectifs de la direction générale des entreprises (DGE) a par exemple été reporté de 2021 à 2022 du fait de la mobilisation de la DGE dans les dispositifs de soutien à l'économie face à la crise sanitaire.

Le nouveau confinement pourrait à nouveau allonger les délais de mise en oeuvre . Toutefois, en dépit de ces ralentissements, les réformes concernant la DGFiP et la DGDDI, entamées dès 2019 pour certaines, n'ont quant à elles été ni reportées, ni annulées . Elles seront examinées de manière plus approfondie en seconde partie.

Au regard de ces ambitions affichées par le secrétariat général du MEFR en matière de transformation et de modernisation des administrations, les rapporteurs spéciaux se sont inquiétés de la baisse des crédits du programme 218 (- 0,9 %, à 942 millions d'euros) et notamment de la diminution très nette des crédits dédiés à l'action 08 « Accompagnement du changement de l'action publique » (- 9,8 %). Selon les informations recueillies auprès du secrétariat général, cette baisse provient de la réduction des crédits alloués au titre du Fonds de transformation ministériel . Celui-ci, déployé sur cinq ans, prévoyait en effet un déblocage plus important des crédits en 2020, pour jouer un rôle d'accélérateur sur les projets en cours. Il faudra donc s'assurer de la bonne exécution de ces crédits, en dépit de la crise sanitaire.

3. Un défi à l'échelle du ministère : la gestion des ressources humaines

Compte tenu du poids des dépenses de personnel dans la mission et, plus généralement, au sein du ministère de l'économie, des finances et de la relance, les ressources humaines constituent certainement un enjeu de gestion prioritaire .

Au-delà de la mise en application de la loi pour la transformation de la fonction publique, les rapporteurs spéciaux soulignent que les administrations du ministère sont confrontées à des enjeux communs de gestion des compétences et de recrutement de profils spécialisés et rares, notamment dans le domaine du numérique . Dans les deux cas, le secrétariat général du ministère est amené à jouer un rôle d'impulsion et de coordination.

a) Sur la gestion des compétences

Dans ses rapports sur la gestion des agents publics et des fonctionnaires de l'État, la Cour des comptes recommande fréquemment de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois, des compétences et des crédits de personnel (GPEC) 11 ( * ) . Selon elle, cela doit permettre de mieux anticiper les mouvements de personnel (par exemple les départs en retraite, généralement sous-estimés à la DGFiP), ainsi que les besoins et les compétences des administrations à court et à moyen terme.

Lors de son audition, la secrétaire générale du MEFR s'est montrée plutôt ambivalente sur cette recommandation . D'une part, elle reconnait que c'est un bon outil pour les grandes directions, d'autre part, elle refuse d'en faire un « instrument magique ». Les rapporteurs spéciaux partagent cette prudence : un GPEC peut se montrer trop rigide alors que la crise sanitaire a montré le besoin de flexibilité et d'ajustement rapide aux nouvelles missions. La direction générale des entreprises a par exemple pu s'appuyer sur des compétences spécifiques pour gérer les mesures d'urgence et de relance durant la crise sanitaire et économique. C'était bien évidemment impossible à anticiper il y a encore un an.

Cette note de prudence ne veut pas dire que le ministère reste à l'écart de toute évolution susceptible de faciliter la gestion des compétences. Le secrétariat général a au contraire développé un système d'information permettant, pour les agents de catégorie A, leurs directeurs et les services de ressources humaines, de consulter leurs dossiers et compétences jusqu'ici conservés sous « format papier ». Elle a également défini un schéma prioritaire pour certains métiers et des schémas types de GPEC . Le service des ressources humaines, sous l'autorité du secrétariat général, peut ensuite accompagner les directions sur le plan méthodologique (identification des besoins métiers) et sur le plan opérationnel (s'assurer de la cohérence des besoins métiers et des plans d'actions).

Les rapporteurs spéciaux considèrent que ces évolutions sont essentielles à l'amélioration de la gestion des ressources humaines par la DGFiP et la DGDDI, qui représentent à elles deux près de 115 000 ETPT.

b) Sur le recrutement de compétences rares et spécialisées

Alors que la DGFiP et la DGDDI font face à un problème de recrutement dans les domaines informatique et numérique 12 ( * ) , les rapporteurs spéciaux relèvent que ce problème se pose plus généralement à l'échelle du ministère. Des structures comme Tracfin ont également besoin, pour gérer l'afflux de données qu'elles reçoivent, de profils plus spécialisés, par exemple dans le datamining . Or, comme l'ensemble des secrétariats généraux, celui du MEFR a indiqué à la Cour des comptes ne pas disposer de ressources en personnel qualifié nécessaires pour mener ses projets numériques 13 ( * ) .

Le recrutement de compétences rares est donc un enjeu porté et suivi par le secrétariat général, afin d' harmoniser les procédures applicables à l'ensemble des administrations du ministère . Mme Barbat-Layani a ainsi souligné que, sur le recrutement des compétences spécialisées, le SG devait encore poursuivre ces travaux. Il entend définir de nouvelles modalités permettant à la fois d' offrir des rémunérations attractives , d' accélérer les recrutements et de proposer des perspectives de carrières décloisonnées , hors administration d'accueil, voire hors ministère. Pour que cela soit efficace, il faut également que le SG puisse s'imposer face aux directions opérationnelles du ministère.

Rapidité du recrutement, salaires et carrières sont en effet les trois aspects sur lesquels la fonction publique est moins compétitive que le secteur privé . Ce sont les trois points mis en exergue par la Cour des comptes dans un chapitre de son rapport public annuel 2020 consacré au recrutement des personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique 14 ( * ) . Elle relève, comme les rapporteurs spéciaux, que des marges de progrès demeurent pour que le ministère de l'économie, des finances et de la relance parvienne à s'assurer à long-terme un vivier de compétences. Sur les rémunérations au moins, une grille exorbitante du droit commun a été mise en place, en lien avec la direction interministérielle du numérique (Dinum). L'application de la grille, validée en amont par le contrôleur budgétaire et comptable du ministère, permet ensuite d'accélérer le recrutement.

II. LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES ET LA DIRECTION GÉNÉRALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS : DES PROCESSUS DE TRANSFORMATION À POURSUIVRE, DES RÉFORMES À ACHEVER

Comme les rapporteurs spéciaux l'ont rappelé , le niveau d'ouverture des autorisations d'engagement et des crédits de paiement sur la mission n'a été que peu affecté par la crise sanitaire et économique , même s'il a pu être procédé à des ajustements au sein même de chacune des actions. Les deux grandes directions de la mission, la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) poursuivent les processus de transformation entamés ces dernières années . Elles sont en effet toutes deux confrontées à des enjeux de nature similaire, même si les réponses apportées peuvent être différentes et amènent à redéfinir les contours de leurs missions.

Après avoir analysé l'adaptation de la DGFiP et de la DGDDI à la crise sanitaire, et les ajustements qui en ont résulté, les rapporteurs spéciaux examineront leurs crédits et leurs missions à l'aune des priorités mises en avant dans le plan de transformation ministériel .

Le plan de transformation ministériel

Le plan de transformation ministériel a été publié en juin 2020 et couvre le périmètre de ce qui était alors le ministère de l'action et des comptes publics. C'est sur ce plan que s'appuient aujourd'hui la DGFiP et la DGDDI pour se moderniser. Déclinés en 26 chantiers, les sept axes de transformation retenus sont les suivants* :

1. la modernisation du recouvrement de l'impôt et son contrôle ;

2. la mise en oeuvre de la loi Essoc, qui comprend notamment la création d'un indicateur intégré retraçant pour la DGFiP et la DGDDI le taux de réponse aux demandes de rescrit dans les délais règlementaires ;

3. la modernisation des missions douanières , dont fait partie la préparation au Brexit ;

4. la réforme de la fonction publique ;

5. la réorganisation des réseaux territoriaux du ministère de l'action et des comptes publics ;

6. le déploiement d'une nouvelle gestion publique ;

7. le suivi du programme de transformation publique.

* Les cinq axes soulignés concernent prioritairement la DGFiP et la DGDDI.

A. A. LA CRISE SANITAIRE : UN DÉFI ORGANISATIONNEL ET FONCTIONNEL POUR LA DGFIP ET LA DGDDI

1. La DGFiP face à la crise sanitaire : de nouvelles missions au service des dispositifs de soutien à l'économie

Avec la crise sanitaire et économique, la DGFiP a dû répondre à une double demande :

- assurer l'intégralité de ses fonctions essentielles . Durant le confinement, le plan de continuité d'activité de la DGFiP avait conduit à réduire la mobilisation de certains services, à l'exception de ceux chargés des aspects de gestion publique et de gestion fiscale, locale comme nationale. 20 % des agents environ étaient en présentiel, 20 % en télétravail, le reste des effectifs en autorisation spéciale d'absence 15 ( * ) . Certains, comme les agents du contrôle fiscal, ont été partiellement et temporairement redéployés sur d'autres missions, par exemple pour répondre aux appels téléphoniques dans le cadre de la campagne de la déclaration d'impôt sur le revenu. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, avec la reprise de l'ensemble des activités de la DGFiP. Entre les mois de février et de mai 2020, le nombre de télétravailleurs à la DGFiP a été multiplié par cinq fois et demie (de 6 000 à 32 000 agents) 16 ( * ) . En période normale, le taux visé par la DGFiP est de 10 % d'ici 2022 ;

- se mobiliser sur des dispositifs de soutien à l'économie qui ne correspondaient pourtant pas tout à fait à son périmètre classique d'intervention . Il s'agissait par exemple de traiter rapidement les demandes de report d'impôt des entreprises ou d'assurer un système de veille comptable sur les entreprises, sur les hôpitaux ou encore sur les collectivités territoriales. La mise en place de dispositifs tels que le fonds de solidarité, qui prend une nouvelle ampleur avec le reconfinement, a également été confiée à la DGFiP, qui a su agir rapidement et lisiblement, en publiant par exemple un guide pratique à l'usage des bénéficiaires et en l'actualisant au gré des évolutions législatives et règlementaires.

Dans l'exercice de ses nouvelles fonctions, la DGFiP a également dû adapter ses modalités et instruments de travail . Par exemple, il n'y a que très peu de contrôles a priori pour les recours au fonds de solidarité, l'impératif étant d'apporter le plus rapidement possible une aide aux personnes et entités éligibles (en moins de 48 heures pour la très grande majorité des dossiers).

Les rapporteurs spéciaux relèvent enfin que, d'après les indicateurs de performance du programme, la mission de recouvrement de la DGFiP serait légèrement affectée par la crise . Le taux brut de recouvrement des impôts particuliers non prélevés à la source et le taux de paiement des amendes seraient en baisse en 2020, les prévisions ayant été respectivement révisées de 98,5 % à 98,3 % et de 74 % à 66 %. En effet, les procédures d'action de mise en recouvrement forcé ont été suspendues pendant une période de 13 semaines à compter du début du confinement, ce qui se traduit mécaniquement sur les taux de recouvrement constatés.

2. La DGDDI : répondre à la crise sanitaire, continuer à se préparer au Brexit

Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, la directrice générale des douanes et des droits indirects, Mme Braun-Lemaire, a expliqué que, pour son administration, la crise sanitaire et économique et les reports du Brexit avaient engendré des difficultés similaires en termes de redéploiement et de gestion des effectifs . Elle a donc pu s'inspirer de l'expérience des seconds pour gérer la première.

La crise sanitaire a conduit à une baisse brutale de l'activité à laquelle la direction a dû répondre sans pour autant placer l'ensemble de ses agents en autorisation spéciale d'absence . L'activité dans les ports et les aéroports a chuté, notamment pour le transport passager. A l'inverse, les agents en charge du fret (fret express et livraison) ont été très mobilisés et ont même dû faire face à une augmentation de leurs activités, par exemple avec la livraison de masques et autre matériel médical. Les agents en charge du contrôle voyageur dans les aéroports ont quant à eux été redéployés sur les contrôles terrestres (routiers).

Les reports successifs du Brexit avaient conduit à une difficulté identique . Alors que, le 28 octobre 2019, les 600 personnels recrutés pour répondre au Brexit et assurer la fluidité des échanges entre la France et le Royaume-Uni devaient être appelés sur leur lieu d'affectation, le Brexit a été repoussé d'un an et deux mois, au 1 er janvier 2021. Les effectifs se sont donc retrouvés sans affectation précise, à ne pas pouvoir exercer les tâches pour lesquelles ils avaient été formés . Sur ces 600 personnes, 120 devaient être affectés aux bureaux de Calais et de Dunkerque, ouverts exclusivement pour le Brexit, et 480 étaient dans des bureaux mixtes, où ils ont pu participer à d'autres activités. La décision avait également été prise de reporter à 2020 le recrutement des 100 derniers ETP prévus pour consolider les effectifs de la Douane en vue du Brexit. Aujourd'hui, les 120 personnes redéployées sont en cours de réaffectation sur les bureaux précités. En attendant que ces réaffectations soient définitives, la Douane dispose d'un vivier d'agents mobiles capables d'occuper l'ensemble des postes.

En constatant que le schéma d'emploi du programme 302 était négatif pour 2021 (- 178 ETP), les rapporteurs spéciaux se sont d'abord inquiétés de cette prévision, à la veille du Brexit, un bouleversement considérable pour la Douane. Or, comme l'a souligné Mme Braun-Lemaire, la crise sanitaire a finalement eu pour effet d'apaiser les inquiétudes de l'administration quant à sa capacité à faire face au rétablissement de la frontière entre la France et le Royaume-Uni et à ses conséquences en termes de trafics . La crise sanitaire et économique a en effet entrainé une diminution considérable des échanges et du trafic, routier comme maritime, réduisant par là-même le risque d'embouteillages tant redouté. La DGDDI préfère donc disposer d'un peu plus de recul avant de procéder à de nouveaux recrutements, pour ne pas se retrouver une nouvelle fois dans une situation où des effectifs seraient recrutés en surnuméraire . La Douane a donc demandé un nouveau report du recrutement de ces 100 ETP, pour 2021 . Ils sont inclus dans la prévision actuelle du schéma d'emplois (- 178 ETP).

La DGDDI considère que les reports successifs, et l'impact de la crise sanitaire sur les échanges et le trafic lui permettront de gérer les premiers mois du Brexit d'une manière relativement fluide. Elle peut s'appuyer pour cela sur l'important travail mené ces dernières années en termes de dématérialisation des procédures et des formalités déclaratives (97 %, avec une cible à 98 % en 2021). La dématérialisation des opérations de dédouanement permet de réduire le temps de passage, mais aussi d'en réduire le coût pour les opérateurs. Le délai moyen d'immobilisation des marchandises était de 2 minutes et 26 secondes en 2019, contre 13 minutes en 2004 17 ( * ) . L'enjeu pour la DGDDI est d'éviter qu'il ne bondisse avec le Brexit et des dispositifs comme ceux de « la frontière intelligente » 18 ( * ) devraient l'y aider, les tests techniques ayant démontré que ce dispositif était opérationnel.

3. Pour la DGDDI, mettre à profit sa transformation pour réformer sa gestion des ressources humaines

À la suite de la publication du rapport de la Cour des comptes sur les missions de la Douane 19 ( * ) et des constats qui y étaient dressés sur sa gestion des ressources humaines, les rapporteurs spéciaux ont souhaité consacrer un développement particulier à ce sujet et interroger la directrice générale sur ce point . Les multiples processus de transformation que la Douane traverse, ainsi que la crise sanitaire et les enjeux à venir du Brexit, constituent une bonne opportunité pour la direction de conduire ces changements, au fur et à mesure qu'elle révise ses procédures.

Les critiques de la Cour des comptes sur la gestion
des ressources humaines à la DGDDI

Parmi les critiques de la Cour des comptes, les rapporteurs spéciaux relèvent :

- la multiplication des régimes statutaires dérogatoires avantageux et parfois injustifiés, qu'il s'agisse d'une durée de temps de travail inférieure à la durée annuelle règlementaire (1 563 heures contre 1 607 heures) ou l'octroi de primes de pénibilité à l'ensemble d'un service, sans tenir compte de l'exercice réel de leurs fonctions ;

- l'existence d'un régime indemnitaire complexe, foisonnant et parfois obsolète. On peut ici relever l'indemnité de garde des chapiteaux d'alambics (versée à seulement quelques agents) ou l'indemnité de langue étrangère ;

- l'existence de régimes indemnitaires très diversifiés selon les branches ;

- des dysfonctionnements persistants dans la politique du logement, « la Masse des Douanes » : les taux de vacance et de loyers impayés sont élevés, les logements parfois vétustes. Cette politique de logement n'est pas non plus mise à contribution pour favoriser les mobilités ;

- une gestion prévisionnelle des compétences à construire, pour à la fois avoir une véritable adéquation entre les besoins et les affectations, mais également mieux gérer le temps de travail des agents. Dans la branche « surveillance en mer », du fait des sous-effectifs et de la mobilisation sur de longues heures, certains agents ont accumulés un nombre considérable de jours d'avance (450 jours pour l'un des commandants de bord) ;

- les freins à la mobilité des agents du fait de la multiplication de ces régimes dérogatoires.

Source : Cour des Comptes, « La direction générale des douanes et des droits indirects. Exercices 2013-2019. Un recentrage nécessaire » (septembre 2020)

La directrice générale a reconnu que le régime de traitement de la DGDDI se caractérisait par sa « stratification indemnitaire », qui a notamment constitué un obstacle au passage au régime uniforme du Rifseep 20 ( * ) . Elle a cependant ajouté que la DGDDI avait entamé un processus de simplification bien avant la publication du rapport de la Cour des comptes. Les mesures adoptées ont notamment consisté à supprimer une partie des régimes dérogatoires, c'est-à-dire tout ce qui n'était pas conforme aux dispositions règlementaires, ou comptablement inacceptables, avec l'engagement de ne pas créer de nouvelles primes, pour ne pas ajouter à cette stratification.

Toutefois, la mise en oeuvre des dispositions de la loi pour la transformation de la fonction publique a contraint la DGDDI à suspendre au moins provisoirement cet effort de simplification et à plutôt privilégier et accélérer sur la révision des procédures de gestion des mobilités (pour 2020) et des promotions (pour 2021). La mise en place d'un schéma GPEEC fait quant à elle partie des projets de long terme d'ores et déjà initiés par la direction.

Les rapporteurs spéciaux peuvent concevoir que la conjugaison de ces trois bouleversements ait pu être difficile à appréhender et que leur traduction concrète ait pris du temps . L'ensemble de ces modifications a nécessité un important dialogue social , sans doute houleux sur certains points. Ils invitent la DGDDI à continuer ses efforts de simplification et de rationalisation et seront vigilants pour les années à venir.

B. LA TRANSFORMATION DU RÉSEAU : CONCILIER PROXIMITÉ, QUALITÉ DU SERVICE, DÉMATARIALISATION ET RATIONALISATION DES EMPRISES

En 2021, la DGFiP et la DGDDI poursuivent les processus amorcés en 2019 et en 2020 pour modifier en profondeur la réorganisation de leurs réseaux. Si la crise sanitaire a pu causer de légers décalages, les calendriers de mise en oeuvre ont été maintenus.

1. La DGFiP : réorganiser et transformer le réseau
a) Une double-évolution du réseau

La transformation du réseau de la DGFiP, dans ses deux composantes, fait partie des éléments jugés prioritaires dans le cadre du plan de transformation ministériel. Elle comprend la mise en place du « nouveau réseau de proximité » et la « délocalisation » de certains services des métropoles vers les villes moyennes. C'est également dans le cadre du « nouveau réseau de proximité » que s'inscrit le déploiement progressif, d'ici à 2022, du réseau des 1 200 conseillers aux décideurs locaux qui ont vocation à devenir les interlocuteurs privilégiés des ordonnateurs.

(1) Le nouveau réseau de proximité

La DGFiP est soumise depuis longtemps à de profondes transformations visant son réseau , et notamment les trésoreries et services d'impôts, comme l'illustre le tableau ci-dessous. La méthode retenue a toutefois fait l'objet d'une inflexion en 2019, après plusieurs années de critiques de la part des élus locaux, des agents de l'administration, de la Cour des comptes et des parlementaires, notamment à la commission des finances. Ils estimaient que les suppressions et les fusions donnaient l'impression d'être faites « à vue », sans vision de long terme , au gré des résistances rencontrées sur place et sans projection sur les besoins et les effectifs.

Évolution du réseau déconcentré de la DGFiP depuis 2015

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Évolution 2020/2015

Évolution 2020/2019

Trésoreries mixtes

1 525

1 337

1 120

884

670

614

- 59,74 %

- 8,36 %

Trésoreries spécialisées / Services de Gestion Comptable

982

1 017

1 107

1 200

1 295

1 320

34,42 %

1,93 %

Services d'impôts des particuliers (SIP)

535

514

515

516

511

508

- 5,05 %

- 0,59 %

Services d'impôts des entreprises (SIE)

529

501

469

449

427

412

- 22,12 %

- 3,51 %

SIP-SIE

216

205

186

167

144

132

- 38,89 %

- 8,33 %

Pôles de recouvrement spécialisés

104

104

103

103

103

103

- 0,96 %

0,00 %

Services de la publicité foncière

354

354

354

350

351

334

- 5,65 %

- 4,84 %

Service départemental de l'enregistrement

1

14

19

19

21

-

10,53 %

Total

4 245

4 033

3 868

3 688

3 520

3 444

- 18,87 %

- 2,16 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Un nouveau processus de concertation a donc été lancé au début du mois de juin 2019 afin de définir, dans chaque département et par le biais d'une contractualisation, la nouvelle carte des implantations territoriales de la DGFiP. Réunissant les élus locaux, les directeurs départementaux des finances publiques et les préfets, il a mené à la mise en place du « nouveau réseau de proximité », qui doit répondre à un double-objectif : poursuivre la rationalisation du réseau de la DGFiP , dont les métiers évoluent fortement, et renforcer la proximité des services publics . Le tableau ci-dessus indique bien que le lancement du « nouveau réseau de proximité » ne s'est pas traduit par un arrêt des fermetures de sites . En effet, ses objectifs se focalisent moins sur un nombre de sites permanents que sur une multiplication des points de contact à l'échelle d'un département.

Le Gouvernement cible ainsi une augmentation des « points de contact mobiles » de 30 % , avec un accès à un accueil de proximité à moins de 30 minutes dans l'ensemble des cantons. Pour suivre cet objectif, un nouveau sous-indicateur a été introduit sur le programme 156 : le pourcentage d'augmentation du nombre de communes avec un accueil de proximité DGFiP. Le point de référence est l' année 2019 (1 977 communes) . En 2020, le nombre de communes augmenterait de 14 % (+ 277), puis de 20 % en 2021 (+ 395), la cible pour 2022 étant donc fixée + 30 % (+ 593) .

Il faut toutefois bien distinguer ce que recouvrent ces points de contact, entre le passage d'un bus itinérant ou la tenue d'une permanence une demi-journée par semaine. Les rapporteurs spéciaux se méfient d'une réforme qui ne brandirait que la quantité, au détriment de la qualité , un constat similaire à celui qu'ils dresseront sur la dématérialisation ( cf. infra ). Cette position de vigilance ne doit pas être lue comme une opposition à la réorganisation territoriale du réseau de la DGFiP que les rapporteurs spéciaux soutiennent, mais comme un appel à concilier ces deux impératifs : un niveau élevé de qualité de service public et un maillage fin du territoire.

De ce point de vue, il semble peut-être plus prometteur de garantir la proximité des services publics par la participation de la DGFiP au réseau des Maisons France Services (MFS) , que ce soit par une présence effective ou par des activités de formation à destination des animateurs de ces maisons, afin qu'ils puissent répondre aux interrogations les plus simples des contribuables, ou tout du moins les orienter. Comme le précise la Charte nationale d'engagement France Services, le rôle de ces maisons sera bien d'assurer « une information de premier niveau en matière de fiscalité des particuliers » et d'orienter les usagers vers les interlocuteurs compétents, qui pourront ensuite recourir à des référents locaux, qui tiendront lieu de b ack office .

Selon la ministre de la transformation et de la fonction publique, auditionnée par les rapporteurs spéciaux, le niveau d'exigence en termes de services pour les MFS a été renforcé, avec un bouquet obligatoire de services publics, dont fait partie la DGFiP. Pour les rapporteurs spéciaux, cet objectif appelle de la part de la DGFiP un effort humain et financier supplémentaire en faveur des Maisons France Services : selon l'accord cadre France Services signé le 12 novembre 2019, la participation financière de la DGFiP au fonds national France services sera de 2,5 millions d'euros en 2020 , tandis qu'un nouveau plan de financement sera défini pour les années 2021-2022. Entre janvier et mai 2020, 7 % des démarches des usagers dans les MFS ont concerné les sujets DGFiP , avec un pic d'activité au mois de mai, soit le mois qui précédait la clôture de la campagne de déclaration à l'impôt sur le revenu 21 ( * ) .

La transformation du réseau de la DGFiP ne peut enfin se concevoir sans prendre en compte, d'une part, l'accompagnement des ressources humaines et, d'autre part, la gestion immobilière des emprises . Sur ce dernier point, le moins fréquemment abordé, les rapporteurs spéciaux rappellent que la direction de l'immobilier de l'État joue un rôle important dans l'achèvement « matériel » du nouveau réseau de proximité de la DGFiP, mais également dans la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État. L'objectif est de parvenir à mutualiser les emprises et à densifier les espaces, tout en offrant des conditions de travail satisfaisantes aux agents et en améliorant l'accessibilité des services. Dans ce cadre, la DIE a également participé à la sélection des villes moyennes chargées d'accueillir, d'ici 2024, des services de la DGFiP .

(2) La délocalisation des services publics

D'abord dénommée « démétropolisation », la délocalisation de certains services des métropoles vers les territoires périurbains et ruraux avait été soutenue par le Président de la République au mois d'avril 2019, à l'issue des conclusions du Grand débat national. Elle avait ensuite été inscrite lors du quatrième comité interministériel de la transformation publique, le 15 novembre 2019.

Un appel à candidature avait été publié de manière anticipée le 17 octobre 2019 à destination des communes désireuses d'accueillir des services de la DGFiP. Au regard des critères inscrits dans le cahier des charges, les villes moyennes étaient prioritairement visées . Il fallait en effet, pour satisfaire aux critères de sélection exigés :

- disposer d'une surface suffisante de bureaux , ce qui suggère un potentiel immobilier étendu, rapidement mobilisable et au coût le plus intéressant possible ;

- être attractif pour l'agent et sa famille , ce qui suppose, par exemple, un bassin d'emploi dynamique et un accès facilité à des services publics (crèches, écoles, transports, etc.). Les rapporteurs spéciaux estiment que ce dernier point était essentiel pour l'acceptabilité de la mesure auprès des agents publics.

408 collectivités issues de 84 départements ont répondu à l'appel à candidatures . Leurs dossiers ont ensuite été examinés par un comité interministériel auquel ont participé les organisations syndicales. Les 50 premières collectivités retenues ont été présentées au mois de janvier 2020, une seconde sélection devant avoir lieu d'ici la fin de l'année . Ce n'est qu'en septembre que les maires des collectivités ont été informés des services et du nombre d'agents qu'ils accueilleraient, les contingents allant de 20 à 50 agents, voire 70 dans de rares cas. Tous les services ne sont pas destinés à accueillir du public : certains agiront en effet en « support », en travaillant à distance pour désengorger les services des métropoles.

Certains services seront appelés à « basculer » entièrement d'un lieu à l'autre , tel par exemple le centre des services bancaires de Versailles à Mâcon ou les centres d'appels téléphoniques professionnels, tandis que d'autres seront soit basculés en plusieurs étapes (par exemple les centres de gestion des retraites), soit seulement partiellement transférés . Cet échelonnement s'explique principalement pour des raisons de sécurité informatique.

Les 50 premières communes sélectionnées
et les services qu'elles pourraient accueillir

Source : ministère de l'économie, des finances et de la relance. Dossier de presse « Relocalisation des services des finances publiques dans les territoires » (30 septembre 2020)

D'après les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, le calendrier de déménagement est volontairement étalé, de septembre 2021 pour les premiers services à 2024 pour le dernier , afin de préparer au mieux ces transferts pour les services et pour les agents de la DGFiP. 90 % des déménagements devraient néanmoins avoir lieu ces deux prochaines années, avec une concentration en 2022.

Les mobilités peuvent être difficiles à accepter et des recrutements locaux s'avéreront parfois nécessaires. Pour accompagner les agents dans ce processus de déconcentration, la DGFiP a bénéficié d'un abondement de 6,8 millions d'euros en provenance du Fonds d'accompagnement interministériel Ressources humaines 22 ( * ) , destiné à financer une partie des coûts de transition induits par la mise en oeuvre de réformes structurelles à forte dimension ressources humaines. Le directeur général des finances publiques a ainsi assuré que plusieurs dispositifs et règles avaient été définis pour accompagner les agents . Sur le plan indemnitaire, il s'agit notamment du déplafonnement des montants de prime de restructuration de service et de l'instauration d'un mécanisme de garantie indemnitaire en cas de perte de rémunération consécutive à une mobilité. Sur le plan de l'accompagnement, aucune mobilité ne serait forcée et une priorité de mutation serait instaurée pour les agents qui décideraient de suivre leur métier si le lieu d'exercice changeait. Les rapporteurs spéciaux souhaiteraient que les coûts de ces dispositifs soient bien retracés à l'issue de la réorganisation du réseau de la DGFiP ; ce sont des éléments dont il faudra tenir compte lors de l'analyse de cette réorganisation.

La DGFiP ferait donc partie des premières administrations affectées par ce processus de relocalisation qui concernerait également, mais dans une moindre mesure, la DGDDI. Le « stock » de services de la DGDDI pouvant être potentiellement concernés par cette réforme est en effet limité : les ressources humaines sont d'ores et déjà à Bordeaux, les finances à Lyon, les systèmes informatiques à Osny, la formation à Tourcoing et à la Rochelle. Certains services à fiscalité spécialisée ont en outre été créés à Nice (fiscalité environnementale) ou à Metz (fiscalité routière) ou répartis sur cinq pôles (fiscalité énergétique).

Ainsi, si les premières annonces du Gouvernement sur la « démétropolisation » laissaient entendre que toutes les administrations centrales y contribueraient, avec l'objectif de faire déménager 6 000 agents, les rapporteurs spéciaux relèvent que c'est de nouveau la DGFiP et ses agents qui montrent l'exemple et qui participent à l'effort collectif , plus de 2 500 d'entre eux étant concernés à terme par ce processus.

b) La dématérialisation : un enjeu de réorganisation et de productivité
(1) Réaliser des gains de productivité pour poursuivre les efforts de réduction des effectifs

La mise en place du prélèvement à la source et la dématérialisation croissante des procédures sont aujourd'hui l'un des arguments les plus utilisés pour soutenir la restructuration de la DGFiP et la suppression d'effectifs. Il est vrai que le taux de paiement dématérialisé augmente régulièrement . Utilisé comme sous-indicateur de performance du programme 156, il est attendu à 97,3 % en 2021, contre 95,02 % en 2018, 96 % en 2019 et 97 % en 2020. Cette hausse continue provient de l'abaissement du seuil de paiement obligatoire par voie dématérialisée à 300 euros pour tout avis d'impôt et de la généralisation de moyens de paiement dématérialisés par les entités publiques.

Conformément aux engagements pris dans le cadre du sixième axe du plan de transformation ministériel (PTM), le numéraire a vocation à être supprimé du réseau de la DGFiP . Pour les encaissements de moins de 300 euros, un marché a en effet été confié aux buralistes 23 ( * ) . Après une expérimentation dans dix départements à partir du mois de février 2020 et dans neuf autres au mois de mai 2020, ce nouveau dispositif, dit « nouveau paiement de proximité » a été généralisé au mois de juillet 2020, conformément aux prévisions. Il est aujourd'hui ouvert auprès de 4 700 buralistes.

Dans les administrations de réseau comme la DGFiP et la DGDDI, la dématérialisation peut à la fois être source de simplification pour les usagers et permettre la réalisation de gains de productivité, ces administrations se caractérisant par le poids de leurs dépenses de personnel. Il y a encore, de l'aveu de leurs directeurs respectifs, des processus qui pourraient et qui devraient être dématérialisés.

(2) Faciliter le quotidien des contribuables et de l'administration

Lors de leur audition avec le directeur général des finances publiques, les rapporteurs spéciaux ont également tenu à rappeler l'importance de préserver la qualité de l'accueil physique comme téléphonique . L'effort de productivité et de dématérialisation ne doit pas se traduire par un service de moindre qualité pour une partie de la population. Dans une étude commandée en octobre 2019 par le ministère de l'économie et des finances à BVA sur la perception du nouveau réseau de proximité par les habitants d'unités urbaines de moins de 35 000 habitants, les personnes de plus de 65 ans indiquaient ainsi que passer par internet était pour eux beaucoup plus difficile et ne constituait donc pas leur mode de contact privilégié.

La dématérialisation des démarches n'est en effet pas adaptée à l'ensemble des publics de la DGFiP , que ce soit parce que leur situation n'obéit pas aux cas « standards » ou parce qu'ils n'ont pas d'accès à Internet, pas de formation au numérique. Ce constat, qui vaut à la fois pour les particuliers et pour les entreprises, a conduit au développement de l'accueil par téléphone, par le biais de centres d'appels . La DGFiP reconnait toutefois avoir pris du retard pour la partie entreprises, ce qui est d'autant plus dommageable que leur portail numérique est peu accessible et peu lisible. Le taux de satisfaction pour ces usagers est bien plus faible que celui des particuliers.

Le développement des centres téléphoniques devrait s'inscrire en parallèle de la logique de délocalisation . En effet, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, le processus de « délocalisation » se traduira également par la création ex nihilo de centres d'appels, sur un calendrier étalé de 2021 à 2025. Cette logique de délocalisation entraine avec elle celle du décloisonnement des dossiers et des systèmes d'information , alors que les applications de la DGFiP étaient jusqu'ici très territorialisées, y compris pour accéder à certains dossiers.

Toujours en termes d'accessibilité, la DGFiP réfléchit à la mise en place, avec la DGDDI et les Urssaf, d'un guichet unique pour les entreprises . Ces dernières pourraient alors interpeller les services, même sans savoir à qui s'adresser en priorité, par le biais d'une messagerie sécurisée, comme peuvent le faire aujourd'hui les particuliers. Deux millions d'euros ont été alloués par le Fonds de transformation ministériel à la création de ce portail unique du recouvrement fiscal et social , qui fait également partie des 26 « chantiers » du PTM du ministère. L'objectif est de l'ouvrir aux entreprises au mois de décembre 2021 .

Des retards ont néanmoins été constatés sur ce projet, ce qui est dommageable : les rapporteurs spéciaux espèrent que les investissements, humains comme informatiques, seront à la hauteur de cet enjeu de simplification et permettront une ouverture dès la fin de l'année 2021. Ils seront en tout cas particulièrement vigilants à l'évolution de ce projet, qui fait partie des 26 chantiers du plan de transformation ministériel.

2. La DGDDI : rééquilibrer les implantations territoriales de la Douane

Au sein de la DGDDI, la réorganisation du réseau se traduit d'abord par un basculement géographique : alors que des emprises régulières sont allégées dans les départements de l'est et du sud de la France, d'autres structures sont créées au nord de la France, afin d' adapter le réseau douanier en Hauts-de-France aux conséquences du Brexit .

Le rétablissement d'une frontière tierce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne aura en effet un impact particulièrement fort sur l'exercice des missions douanières dans les Hauts-de-France, mais aussi dans les directions interrégionales de Bretagne-Pays de la Loire et de Normandie. En parallèle de cette réallocation géographique, la DGDDI a également dû arbitrer la répartition fonctionnelle des effectifs recrutés pour répondre au Brexit : 44 % dans la branche « opérations commerciales », 56 % dans la branche « surveillance ».

Deux bureaux ouverts en continu ont ainsi été créés à Calais et à Dunkerque, tandis que quatre brigades de surveillance extérieure ont été installées à Calais, Lille et Dunkerque 24 ( * ) . La DGDDI compte aujourd'hui près de 670 implantations territoriales 25 ( * ) , regroupant un peu plus de 13 330 ETP.

Outre le Brexit, deux autres logiques président à la réorganisation territoriale de la DGDDI : le transfert de certaines missions fiscales de la DGDDI à la DGFiP ( cf. infra ) et la délocalisation de certains services en région . Les deux se traduiront nécessairement par la fermeture, la réduction ou la réorganisation d'emprises, le transfert de nouveaux services ne venant pas entièrement compenser celui des missions fiscales de la Douane vers la DGFiP . Metz est un exemple de ces deux tendances contradictoires : au 1 er janvier 2021 est prévue la réorganisation du service national douanier de la fiscalité routière 26 ( * ) (transfert sortant) et de la recette interrégionale des douanes de Metz (transfert entrant).

C. LE TRANSFERT DE LA GESTION DU RECOUVREMENT DE CERTAINES TAXES ET IMPOSITIONS : UNE REDÉFINITION DES MISSIONS DE LA DGFIP ET DE LA DGDDI

En parallèle de la dématérialisation, le transfert de la gestion, du recouvrement et du contrôle de certaines taxes de la DGFiP à la DGDDI constitue pour ces administrations un autre axe de transformation inscrit dans le PTM, et à même d'améliorer l'efficacité et la productivité de ces deux administrations . Cet axe répond à la fois aux préconisations de la mission d'Alexandre Gardette 27 ( * ) et à la quinzième recommandation de la Cour des comptes dans son rapport sur la DGFIP 10 ans après la fusion.

Au regard des administrations visées par les propositions et impliquées dans la mission de recouvrement (DGFiP, DGDDI mais aussi l'Acoss et les Urssaf), la mission France Recouvrement d'Alexandre Gardette a été placée sous l'autorité du secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la relance , un lieu « neutre ».

1. Pour la DGFiP : absorber de nouvelles missions

Comme l'a précisé lors de son audition le directeur général des finances publiques, le transfert du recouvrement de certaines taxes et impositions ne doit pas être conçu comme une reprise « tel quel » du mode d'organisation de la Douane, qui serait répliqué sans aucune modification au sein de la DGFiP. Ces deux administrations diffèrent en effet dans leurs modes de travail et dans leur organisation ; un transfert à l'identique ne permettrait sans doute pas de réaliser l'ensemble des gains attendus de ce processus. L ' administration fiscale entend ainsi intégrer les nouvelles taxes ou impositions qu'elle reçoit à sa propre organisation, en les rattachant à des « pôles » ou à des projets, ce qui pourrait ensuite conduire à des gains d'échelle et de temps. La taxe d'aménagement, dont le transfert est demandé dans le présent projet de loi de finances 28 ( * ) , serait ainsi agrégée au projet « Gérer les biens immobiliers » ( cf. infra ).

Les rapporteurs spéciaux soutiennent le resserrement de la Douane sur ses missions fondamentales et considèrent que l'unification du recouvrement sous l'égide d'une seule administration pourra à terme permettre de générer des économies, liées à la mutualisation et à la spécialisation des tâches. Ils jugent donc plutôt favorablement les processus de transfert en cours de la DGDDI à la DGFiP, mais à une seule condition, que ces transferts ne conduisent pas à des pertes d'expertise . Pour éviter cet écueil, qui serait à la fois dommageable pour les contribuables, pour l'administration et pour les recettes de l'État, la DGFiP a indiqué que des douaniers pourraient être intégrés au sein des services de l'administration fiscale.

Dans ce transfert, la question des personnels est capitale et constitue l'un des plus grands sujets « ressources humaines » de la mission . D'après la directrice générale des douanes et des droits indirects, les transferts prévus ou anticipés, comme celui de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, concerneraient, sur la période 2019-2024, environ 700 ETP, avec les impacts les plus forts en 2022 et en 2024 . Les rapporteurs spéciaux saluent cet effort de visibilité et de transparence sur les effets de cette réforme , effort qui a pu manquer ces dernières années, alimentant d'autant plus les protestations des agents.

Conscientes de la sensibilité de cette réforme, la DGFiP et la DGDDI participent conjointement à des groupes de travail et réunions techniques destinés à étudier les aspects de chacun des produits dont il est question de transférer le recouvrement (règlementation juridique, système informatique, contrôle et recouvrement). Une concertation sociale est menée en parallèle et au même rythme que la constitution de ces groupes de travail, c'est-à-dire pour chaque produit.

2. Pour la DGDDI : se recentrer sur ses missions fondamentales

Les rapporteurs spéciaux soutiennent le recentrage de la DGDDI sur ses missions essentielles, à savoir le contrôle des flux et des marchandises . La Cour des comptes a réitéré cette recommandation dans un rapport publié au mois de septembre 2020 et qui parachève un cycle d'enquêtes sur les missions et la gestion de la Douane 29 ( * ) . Elle invite la Douane à mettre en oeuvre les transferts de recouvrement prévus dans les délais fixés, à préciser pour quel dispositif fiscal cela doit s'accompagner du transfert des fonctions d'assiette et de contrôle et à élaborer un plan stratégique fondé sur une revue de ses missions. Ce sont par ailleurs des points sur lesquels s'accorde la directrice générale des douanes, qui a déjà plus ou moins avancé sur ces sujets.

Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, elle a ainsi souligné qu'elle soutenait ce recentrage sur un « coeur de métier solide », dès lors que le transfert des missions fiscales de la Douane ne se faisait pas au détriment de l'efficacité des contrôles et ne prenait pas en défaut ses agents . Pour les rapporteurs spéciaux, les transferts ainsi organisés entre la DGDDI et la DGFiP, y compris celui annoncé pour la TICPE, sont à soutenir. La Douane française se distingue en effet de ses homologues européennes par la diversité de ses tâches et de ses missions, ainsi que par la parcellisation de son organisation, dans laquelle 19 entités s'intercalent entre l'administration centrale et les services déconcentrés 30 ( * ) . Cela ne peut que nuire au suivi de l'efficacité de ces structures, en particulier si aucune ligne directrice unique n'a été établie dans ce domaine.

D'après les documents budgétaires, l'effet des premiers transferts de fiscalité serait visible dès l'année 2021 puisque les crédits demandés au titre de l'action 05 « Fiscalité douanière, énergétique et environnementale » présente une baisse de 8 %, passant ainsi de 153,85 millions d'euros à 141,4 millions d'euros (en CP), diminution qui s'explique quasi-exclusivement par la baisse des dépenses de personnel. D'après les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, une suppression de 146ETP est inclue dans le schéma d'emplois pour 2021, au titre de la rationalisation dans le domaine de la fiscalité.

D. LE CONTRÔLE FISCAL ET LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE : DES EFFORTS À POURSUIVRE, DES MOYENS À OBTENIR

1. Le contrôle fiscal, entre baisse des effectifs, mobilisation des nouvelles technologies et rénovation des structures de coordination
a) La mission requêtes et valorisation de la DGFiP, des résultats à confirmer

À la DGFiP, les évolutions intervenues en matière de contrôle fiscal se traduisent par plusieurs tendances : la diminution des effectifs dans les services locaux, une relative préservation des effectifs dans les grandes directions chargées des contentieux à enjeu, une mutualisation autour de « pôles de contrôle » et le recours accru aux nouvelles techniques d'analyse de données. Le tableau ci-après présente les évolutions pour les effectifs.

Évolution des effectifs chargés du contrôle fiscal
par type de service ces cinq dernières années

(en nombre de services et en équivalent temps plein)

Services chargés du contrôle fiscal

2015

2019

Évolution 2019 / 2015

Nb

ETP

Nb

ETP

Nb

ETP

Service des impôts des particuliers (SIP)

494,0

1 904,4

416,0

639,9

- 15,79 %

- 66,40 %

Service des impôts des entreprises (SIE)

91,0

22,2

65,0

25,3

- 28,57 %

13,98 %

SIP-SIE

190,0

271,1

107,0

83,5

- 43,68 %

- 69,21 %

Pôles contrôle expertise (PCE)

250,0

2 574,9

220,0

2 131,5

- 12,00 %

- 17,22 %

Sous-total services locaux

1 025,0

4 772,6

808,0

2 880,2

- 21,17 %

- 39,65 %

Brigades départementales de vérification

319,0

2 563,1

249,0

2 247,0

- 21,94 %

- 12,33 %

Brigades de contrôle et de recherche

106,0

725,7

105,0

640,2

- 0,94 %

- 11,79 %

Brigades de contrôle de la fiscalité immobilière

55,0

396,0

3,0

22,7

- 94,55 %

- 94,27 %

Pôles de contrôle revenu / patrimoine

59,0

758,9

169,0

2 413,0

186,44 %

217,97 %

Sous-total services départementaux

539,0

4 443,7

526,0

5 322,8

- 2,41 %

19,78 %

Direction des vérifications nationales et internationales

1,0

513,8

1,0

483,6

0,00 %

- 5,88 %

Direction nationale des vérifications de situations fiscales

1,0

323,2

1,0

271,3

0,00 %

- 16,06 %

Direction nationale des enquêtes fiscales

1,0

410,4

1,0

428,0

0,00 %

4,29 %

Direction des impôts des non-résidents

1,0

22,0

1,0

30,1

0,00 %

36,82 %

Services centraux

1,0

119,0

1,0

115,0

0,00 %

- 3,36 %

Sous-total services nationaux

5,0

1 388,4

5,0

1 328,0

0,00 %

- 4,35 %

Total contrôle fiscal

1 569,0

10 604,7

1 339,0

9 531,0

- 14,66 %

- 10,12 %

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le contrôle fiscal a connu ces dernières années une transformation profonde de ces outils, avec un recours accru à l'intelligence artificielle, aux algorithmes, ainsi qu'au datamining. C'est là-encore l'un des 26 chantiers inscrits dans le plan de transformation ministériel. Ces nouvelles techniques sont au coeur des objectifs ambitieux affichés par le Gouvernement, qui entend mettre à profit ces outils pour poursuivre le redressement des résultats du contrôle fiscal . Ils doivent permettre de détecter des cas de fraudes plus complexe et plus sophistiquée , en permettant une programmation des contrôles plus ciblée. Les nouvelles méthodes d'exploitation des données et d'analyse prédictive, pour être pertinentes, doivent s'appuyer sur une masse de données importantes, abondées des fichiers auxquels la DGFiP a accès et des informations qu'elle reçoit, par exemple via l'échange automatique d'informations.

La mission requêtes et valorisation (MRV)

Depuis avril 2018, la MRV envoie chaque trimestre aux services en charge du contrôle un volume de dossiers déterminé en fonction des objectifs de contrôle. Elle couvre la plupart des risques fiscaux et son processus d'apprentissage permanent lui permet de fournir, pour chaque entreprise relevant d'un régime déclaratif réel, une cotation traduisant le niveau de son risque fiscal.

À la fin de l'année 2019, 22 % des opérations de contrôle fiscal ont été programmées par le biais des travaux de la MRV, pour un montant de droits et pénalités rappelés sur
l'année 2019 de 785 millions d'euros. 32 % des contrôles ciblés par la MRV ont donné lieu à une rectification, soit un taux similaire aux contrôles ciblés par la programmation « traditionnelle ».

Les progrès des méthodes de ciblage reposent sur un processus structuré de retour d'expériences, afin de pouvoir corriger les algorithmes, affiner la pertinence des productions et tenir compte des observations des services utilisateurs. Pour ce faire, la MRV s'appuie sur un réseau de correspondants au sein des pôles de programmation des Dircofi.

Des investissements importants ont été consentis par la DGFiP pour développer la MRV, et ce avec l'appui du fonds pour la transformation de l'action publique : acquisition de matériels informatiques pour obtenir davantage de puissance de calcul ; acquisition de bases de données auprès d'entreprises privées ; renforcement de l'équipe initiale
de 14 à 26 agents de la fin de l'année 2017 à fin juin 2019). La MRV devrait continuer à renforcer ses capacités d'analyse en 2019, à la fois en développement des techniques
de textmining , mais aussi en acquérant de nouveaux outils et en renforçant son équipe.

Source : auditions, réponses au questionnaire budgétaire

Afin d'assurer un meilleur suivi des bénéfices tirés du recours à ces nouvelles technologies, le Gouvernement a introduit, au sein de l'indicateur sur l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, un nouveau sous-indicateur portant sur la part des contrôles fiscaux ciblés par l'intelligence artificielle et le datamining . Cette cible est fixée à 45 % en 2021 , après avoir atteint 13,85 % en 2018 et 21,95 % en 2019. La cible pour 2020 a été revue à la baisse, de 35 % à 30 %, pour tenir compte de la chute d'activité induite par la crise sanitaire. Si la hausse pour 2021 est donc moindre qu'anticipée, puisque les plus optimistes estimaient pouvoir atteindre 50 % 31 ( * ) dès cette année, elle illustre la montée en puissance de la mission requêtes et valorisation (MRV) et la conviction de la DGFiP que les agents parviendront à se saisir à bon escient de ces nouveaux outils de programmation .

Les rapporteurs spéciaux soutiennent cette montée en charge mais estiment toutefois que l'indicateur présenté ne permet pas encore de bien évaluer l'apport de ces techniques d'analyse de données et du recours au datamining . Dans la lignée des recommandations du rapport d'information sur les moyens du contrôle fiscal 32 ( * ) , ils recommandent d'ajouter des sous-indicateurs portant sur le taux de dossiers sélectionnés ayant donné lieu à contrôle, sur la part des contrôles les plus graves sélectionnée par la MRV ou encore sur le taux de « rentabilité » des contrôles ainsi sélectionnés, par comparaison aux résultats de la programmation « traditionnelle ».

Le développement des outils de datamining et d'intelligence artificielle a témoigné de toute son utilité durant la période de crise sanitaire . Le directeur général des finances publiques, M. Fournel, a ainsi expliqué aux rapporteurs spéciaux que s'il y avait très peu de contrôles a priori dans l'octroi des aides apportées par le fonds de solidarité, les outils de datamining ont été rapidement mis à profit pour opérer un premier tri dans les demandes reçues , à partir de critères très simples, afin de détecter les cas de fraude manifeste . Les critères permettent par exemple de repérer les demandes multiples ou encore la discordance des numéros SIREN. Si la quasi-totalité des dossiers (98 %) sont traités dans des délais très courts (48 heures), ceux qui ressortent au titre de ce premier filtrage sont examinés de manière plus approfondie par les services, notamment pour distinguer ce qui relève de l'erreur humaine et ce qui relève d'une intention frauduleuse.

Il faut maintenant que les résultats en matière de recouvrement forcé soit à la hauteur de ces moyens , alors que le taux stagne depuis plusieurs années (autour de 67 %). La DGFiP bénéficie d'un co-financement du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) pour la mise en oeuvre de son nouveau logiciel unifié de recouvrement forcé, RocSP [recouvrement optimisé des créances publiques].

b) Le service d'analyse de risque et de ciblage, un service en appui de toutes les missions de contrôle de la Douane

La DGDDI a elle-même développé son propre service à compétence nationale dédié au traitement des données , le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC). Elle continue également de développer le projet 3D (Développement de la donnée en douane »), initié en 2020, qui vise à renforcer l'exploitation des données.

Le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC) et le projet 3D

Le SARC, service à compétence nationale, a été créé par un arrêté du 29 février 2016. Entré en fonction en 2016, il est chargé de la production de l'intégralité des analyses de risque et études à vocation opérationnelle portant sur l'avant dédouanement, le dédouanement et la fiscalité. Il dispose également d'une cellule datascience chargée de valoriser les données douanières dans la lutte contre la fraude. Le SARC a une vocation directement opérationnelle : l'intégration des profils de ciblage dans l'outil Risk management system (RMS) ; l'orientation des contrôles ex-post 1et ex-post 2 grâce à l'attribution des dossiers aux services concernés par le type de risque préalablement identifié. Le SARC est composé de cinq cellules de travail spécialisées : sûreté-sécurité ; protection des intérêts financiers ; protection du consommateur et datamining et fiscalité.

Le projet 3D (Développement de la donnée en Douane) est destiné à « placer la donnée au coeur des métiers de la douane ». Son objectif est de faire émerger, sur une période de trois, de nouveaux outils capables de transformer en profondeur le fonctionnement de la douane, grâce à la data-science . Ces évolutions devraient concerner l'ensemble des métiers de la DGDDI, de la fiscalité douanière à la lutte contre la fraude, en passant par la facilitation des démarches des entreprises.

Source : réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Au sein de la DGDDI, le SARC est structuré autour de trois groupes opérationnels :

- le pôle « avant dédouanement et prohibitions », qui réalise pour la France l'analyse de risque sûreté/sécurité demandée par la règlementation communautaire, ainsi que le ciblage des prohibitions en matière de dédouanement (stupéfiants, tabacs, contrefaçons, produits stratégiques, etc.). Cette analyse a donné lieu à 387 contentieux en 2019 ;

- le pôle « dédouanement », qui traite de l'analyse de risque en matière de protection du consommateur et de l'environnement (normes industrielles, déchets, produits chimiques) ainsi que dans le secteur de la protection des ressources propres de l'Union européenne (les droits de douane ou anti-dumping par exemple). 4 180 dossiers ont été traités en 2019, dont 80 % au titre du respect des normes industrielles ;

- le pôle « fiscalité », qui réalise les analyses de risque en vue de la prescription des enquêtes dans le domaine des fiscalités nationales, du transit et des accises dont la DGDDI assure le contrôle. 148 enquêtes ont été déclenchées en 2019.

D'après les données transmises par la DGDDI aux rapporteurs spéciaux, en 2019, près de 33 % des contrôles en matière de fiscalité et 53 % des contrôles et enquêtes de dédouanement ont été réalisés à l'aide de la cellule de datamining du SARC (contre respectivement 25 % et 40 % en prévision). La part des contrôles fructueux s'est établie à un niveau plutôt élevé de 35 %.

Si les rapporteurs spéciaux sont plutôt favorables au développement de ces instruments de détection de la fraude, dont la montée en charge progressive permettra sans doute une efficacité accrue des contrôles, ils souhaitent également souligner que la lutte contre la fraude fiscale doit trouver une traduction opérationnelle . Les dispositifs de coordination interministérielle ou inter-administrative ont ainsi été récemment réformés, par le biais du décret du 15 juillet 2020 33 ( * ) .

La coordination de la lutte contre la fraude
et le décret du 15 juillet 2020

Dans son rapport sur la fraude aux prélèvements obligatoires (décembre 2019), la Cour des comptes avait relevé plusieurs défauts en matière de coordination des services chargés de la lutte contre la fraude fiscale. Le comité national de lutte contre la fraude ne se réunissait plus et le poste de délégué national à la lutte contre la fraude était vacant depuis le mois de mai 2019. Les ministères ne coopéraient plus.

Pour remédier à ces difficultés, le Gouvernement a annoncé l'abandon du plan national interministériel de lutte contre la fraude dans sa forme actuelle et la substitution de la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) par la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf). La Micaf sera chargée de la coordination interministérielle en matière de lutte contre la fraude aux finances publiques aux niveaux national et local. Elle coordonnera notamment des groupes de travail spécialisés, dits « groupes opérationnels nationaux anti-fraude ». Ces groupes réuniront régulièrement, autour d'une thématique et d'une direction chef de file, les administrations et organismes concernés. La Micaf sera responsable d'une seconde grande mission : la coopération avec les instances européennes chargées de la protection des intérêts financiers de l'Union européenne. Il reviendra au nouveau comité interministériel anti-fraude (CIAT) de donner une impulsion politique à la Micaf.

Source : Rapport d'information de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, fait au nom de la commission des finances n° 668 (2019-2020) - 22 juillet 2020

La DGFiP sera chef de file de trois groupes opérationnels nationaux anti-fraude (Gonaf) relatifs à la fraude à la TVA, à la fraude aux finances publiques via le commerce électronique et à la fraude via des sociétés éphémères frauduleuses. Le Gouvernement a à plusieurs reprises modifié l'architecture des dispositifs de coordination contre la fraude, sans réussir à trouver jusqu'ici la bonne méthode. Les rapporteurs spéciaux espèrent que les Gonaf porteront leurs fruits même s'ils ne peuvent s'empêcher de relever que ce dialogue en direct vient pallier un échec, celui d'un échange d'informations et de données plus automatisé entre les administrations, à partir de systèmes d'information connectés . On en est encore loin aujourd'hui.

2. Les résultats du contrôle fiscal en 2020 seront fortement affectés par la crise sanitaire

Après plusieurs années de baisse inquiétante des résultats du contrôle fiscal, l'année 2019 a marqué un net rebond, les recettes du contrôle fiscal ayant atteint 11 milliards d'euros , auxquels s'ajoutaient 385 millions d'euros du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) 34 ( * ) et 550 millions d'euros générés par les conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP), respectivement conclues par Google (500 millions d'euros) et Carmignac (50 millions d'euros). En 2018, la faiblesse des résultats (9,4 milliards d'euros) avait été très critiquée , d'autant que les recettes étaient en baisse pour la troisième année consécutive.

Du fait de la crise sanitaire et économique, les recettes du contrôle fiscal sont attendues en forte baisse en 2020. Deux facteurs expliquent la diminution attendue de ces résultats. En premier lieu, tout comme les actions en recouvrement forcé, les opérations de contrôle fiscal ont été suspendues lors du confinement , avec la possibilité pour certaines d'entre elles d'être arrêtées, dans les secteurs les plus touchés par la crise 35 ( * ) . D'autre part, certains contribuables professionnels ou particuliers pourraient ne plus être en mesure de payer les droits et pénalités dus au titre de contrôles passés ou effectués en 2020 . Lors de son audition devant la commission des finances 36 ( * ) , M . Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques, avait fait part de l'intention de son administration de ne reprendre que progressivement les activités du contrôle fiscal , à compter du déconfinement. Les délais ont été suspendus pour une période plus longue que celle du confinement et les procédures ont repris très progressivement, afin de ne pas pénaliser les entreprises, dont certaines devaient redémarrer leurs activités après quelques mois d'arrêt brutal.

La DGFiP appelle également à faire preuve de prudence quant aux résultats attendus pour 2021 pour le taux net de recouvrement DGFiP en droits et pénalités sur créances de contrôle fiscal, les effets de la crise sanitaire et économique sur le contrôle fiscal pouvant se poursuivre sur plusieurs années.

3. La lutte contre la fraude à la TVA, un enjeu commun pour la DGFiP et la Douane

Alors que le second reconfinement a nourri des récriminations à l'égard des plateformes de e-commerce, accusées de concurrence déloyale, les rapporteurs spéciaux, qui partagent ces craintes, ont souhaité s'intéresser aux moyens mis en oeuvre pour lutter contre la fraude à la TVA, un enjeu tant pour la DGFiP que pour la DGDDI . Comme l'ont concédé plusieurs interlocuteurs des rapporteurs spéciaux, la fraude à la TVA trouve l'un de ses ressorts dans le commerce électronique. Un rapport de l'Inspection générale des finances 37 ( * ) estimait, à partir des contrôles menés par la direction nationale d'enquêtes fiscales, que près de 98 % des vendeurs en ligne n'étaient pas immatriculés à la TVA .

La fraude à la TVA fait toutefois l'objet d'une attention spécifique de la part des administrations fiscales, et ce depuis plusieurs années. Une « task force TVA » informelle est ainsi chargée de mettre en commun informations, bonnes pratiques et expériences des différentes administrations centrales engagées dans la lutte contre la fraude à la TVA. Sont notamment visés plusieurs secteurs bien identifiés dans lesquels le risque est plus élevé : la dissimulation d'activité par le biais du commerce en ligne ou encore l'utilisation abusive du régime de TVA sur la marge dans le secteur du négoce des véhicules d'occasion. La DGFiP a en parallèle engagé une démarche préventive dynamique lui permettant de suspendre les numéros de TVA intracommunautaires des sociétés jugées frauduleuses ou à risque (par exemple des opérateurs « éphémères » crées avec le simple objectif de mener ces opérations frauduleuses).

La fraude à la TVA demeure difficile à évaluer et le Gouvernement n'est aujourd'hui pas en mesure de transmettre au Parlement une évaluation fiabilisée de son coût pour l'État . Selon les hypothèses retenues, le coût de cette fraude serait compris entre 12 et 20 milliards d'euros . Pourtant, les droits nets notifiés en matière de TVA chutent depuis 10 ans. Ils sont ainsi passés de 2,5 milliards d'euros en 2010 à 1,76 milliard d'euros en 2019.

Des marges de progrès importantes demeurent donc en matière de lutte contre la fraude à la TVA , même si le Parlement a renforcé les instruments de contrôle et de lutte contre la fraude. Certaines dispositions doivent en effet encore trouver leur traduction opérationnelle avant de produire tous leurs effets.

Les rapporteurs spéciaux se sont ainsi enquis auprès du directeur général des finances publiques des progrès accomplis dans la mise en oeuvre du principe de responsabilité des plateformes en cas de manquement ou d'évitement de la TVA par un assujetti. D'après les informations transmises par M. Fournel aux rapporteurs spéciaux, la mise en oeuvre pratique du principe de responsabilité des plateformes 38 ( * ) est encore peu avancée, notamment parce qu'il nécessite d'avoir identifié au préalable les cas de fraude à la TVA.

Il en va de même pour la possibilité pour la DGFiP et la DGDDI, depuis la loi de finances initiale pour 2020 39 ( * ) , de collecter et d'analyser, par le biais de traitements informatisés et automatisés, les contenus rendus publics sur les plateformes en ligne . Pour le directeur général des finances publiques, cette disposition devrait permettre d'améliorer la détection de cas de fraude potentielle à la TVA, à l'impôt sur le revenu ou de ventes de contrefaçons. Toutefois, avant de pouvoir mettre en oeuvre ces traitements, il faut encore que le décret soit publié en Conseil d'État, après que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a rendu son avis (elle a été saisie du décret à la fin du mois de juillet 2020). La mise en oeuvre de ces traitements nécessitera ensuite un important travail sur les outils de datamining (ajout de données, définition des algorithmes), qui prendra du temps, ce qui implique nécessairement qu'ils ne produiront pas leurs effets dans l'immédiat.

Le Gouvernement a par ailleurs remis au Parlement un rapport sur la facturation électronique , qui devrait très probablement trouver sa traduction par voie d'amendement dans le présent projet de loi de finances. Les rapporteurs spéciaux soutiennent ce dispositif. Comme l'a rappelé le directeur général des finances publiques lors de son audition, ce mécanisme permet de mieux lutter contre la fraude à la TVA, quelle que soit son origine, infra ou extra-communautaire. Il permet d'avoir des informations et un accès direct, en temps réel, aux données de facturation ou aux données complémentaires. L'administration fiscale disposera alors d'une gamme d'instruments complète pour, enfin, améliorer nos résultats en la matière.

Les rapporteurs spéciaux relèvent enfin que l'adoption de nouvelles règles demeurera sans effet si les moyens de l'administration ne sont pas renforcés en parallèle . Ils en veulent pour exemple le « paquet TVA commerce électronique » 40 ( * ) , dont l'entrée en vigueur est décalée dans le présent projet de loi de finances du 1 er janvier au 1 er juillet 2021. La directive est, sur le fond, très positive. Dans son rapport sur la fraude aux prélèvements obligatoires, la Cour des comptes avait rappelé que la diversité des régimes de TVA applicables laissait craindre un risque de fraude important 41 ( * ) et le « paquet TVA » tend à la simplification de ces règles.

Une partie des dispositions a été transposée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2020 42 ( * ) et prévoit de supprimer la franchise de TVA sur les envois de valeur négligeable (EVN - seuil fixé à 22 euros en France), au profit d'un dispositif de guichet unique pour les biens de moins de 150 euros importés de pays ou de territoires tiers. Cette exonération sur les EVN conduisait en effet un ressort important de fraude à la TVA, la Cour des comptes parlant, dans le rapport précité, de « fraudes sans doute massives pour les envois en provenance des pays extra-européens » , ce qu'Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier avaient déjà montré en 2013 43 ( * ) . Sa suppression et l'entrée en vigueur du « paquet TVA » conduiront à un afflux massif de déclarations, à charge pour la DGDDI de les contrôler, ce qui nécessitera une adaptation de son organisation et de ses systèmes d'information .

Or, comme la commission des finances le relevait dès l'examen de la transposition de la directive, cette réforme resterait sans effet si elle n'était pas accompagnée de moyens importants pour identifier les fraudes et décupler les capacités de contrôle de la DGDDI . Il ne s'agit pas là, pour les rapporteurs spéciaux, d'appeler à multiplier les recrutements. Il serait de toute façon impossible, ou beaucoup trop coûteux par rapport aux avantages attendus, de recruter un nombre suffisant d'agents pour contrôler l'ensemble du fret. Ce serait par ailleurs contre-productif et très consommateur de ressources. Les rapporteurs spéciaux défendent en revanche le déploiement de nouvelles modalités de contrôle , tel un recours accru aux techniques d'analyse des données, au ciblage par intelligence artificielle, ainsi que le déploiement de nouveaux matériels , tels des scanners plus performants. Alors que certaines directions ou administrations ont obtenu, sur le plan de relance, des moyens pour soutenir leurs activités opérationnelles (par exemple des hélicoptères pour la Gendarmerie nationale), la Douane n'a pas pu bénéficier de ces mêmes enveloppes.

Ces moyens opérationnels pourraient sans doute venir utilement compléter l'insuffisance temporaire des outils d'analyse de données . En effet, ces instruments de ciblage ne fonctionnent que s'ils ont déjà intégré une base de données nouvelles et massives à partir de laquelle ils peuvent travailler et détecter les cas de fraudes. Le traitement informatique actuel serait incapable de supporter, sans aucune modification ou transition préalable, l'afflux de déclarations à venir. Le ciblage devra donc être ajusté en 2021 et ne pourra produire pleinement ses effets avant au moins 2022. Ces techniques pourront ensuite être utilisées pour lutter contre les contrefaçons , un autre fléau sur lequel les Douanes ont peu progressé ces dernières années, comme l'a reconnu la directrice générale. Pour elle, dans ce domaine également, le commerce électronique a conduit à amplifier les phénomènes de fraude, avec une accélération très nette de la circulation des contrefaçons , en volume comme en valeur. Il est en effet impossible d'examiner l'ensemble des envois reçus par fret express ou postal.

La DGDDI a toutefois engagé des crédits afin de renouveler trois unités de scanners mobiles (une affectée à Marseille et les deux autres pour des contrôles routiers). La dépense a été engagée en 2020 et sera couverte par des crédits de paiement de 2021 à 2023. Elle s'appuie par ailleurs sur le Fonds de sécurité intérieure pour financer la mise en oeuvre du scanner fixe du Havre. Pour les rapporteurs spéciaux, au regard de ces besoins, et si la DGDDI poursuit ses efforts en matière de dépenses de personnel, elle devrait pouvoir conserver une partie de l'économie réalisée et la redéployer sur de l'investissement. Ce constat vaut également pour les dépenses informatiques.

E. LES INVESTISSEMENTS INFORMATIQUES : UN ENJEU TOUJOURS AUSSI ESSENTIEL POUR LA DGFIP ET LA DGDDI, CONFRONTÉES À UNE IMPORTANTE DETTE TECHNOLOGIQUE

1. Les dépenses informatiques : un impératif de rénovation et d'innovation
a) Des applications essentielles au bon fonctionnement de l'État

Les enjeux informatiques de la DGFiP et de la DGDDI sont particulièrement élevés. Les deux directions assurent des missions essentielles au bon fonctionnement de l'État, en assurant le recouvrement de ses ressources et la gestion d'une partie de ses dépenses . À cela s'ajoute pour la DGDDI la gestion d'un service de cloud au profit de plusieurs administrations , pour un coût d'hébergement d'environ 9 000 euros par baie. Dans le PLF 2021, 10,5 millions d'euros sont ainsi dédiés aux services d'infrastructures (hébergement) , dont 24 % de dépenses d'investissement.

Les rapporteurs spéciaux estiment que, jusqu'en 2019, les crédits informatiques de ces deux directions ont quelque peu servi de variables d'ajustement . Les circonstances ont cependant rendue plus que nécessaire la résilience des moyens informatiques. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI 44 ( * ) , les crédits informatiques de la DGDDI ont été relevés pour lui permettre de faire face à la dématérialisation du dédouanement 45 ( * ) , au plan de lutte contre le terrorisme et à la préparation du Brexit. La baisse du budget informatique de la DGFiP a quant à elle été enrayée pour permettre la mise en oeuvre du prélèvement à la source, la modernisation de ses missions (par exemple le contrôle fiscal) et pour poursuivre la dématérialisation des procédures (par exemple pour les biens immobiliers).

Résorber la dette technologique , c'est avant tout s'assurer de la sécurité des systèmes d'information à long terme et gérer les risques liés à leur fonctionnement. Dans son rapport, la Cour des comptes juge que les systèmes sont gérés avec fiabilité, mais que c'est bien leur ancienneté, voire leur obsolescence, qui est source de faiblesses . La DGFiP estime ainsi que 9 % de ses applications sont obsolètes... dont celle chargée d'éditer les bulletins de salaire et de pension des agents de la fonction publique. Dans leur rapport de contrôle sur le recouvrement des amendes de circulation et les forfaits de post-stationnement, les rapporteurs spéciaux Thierry Carcenac et Claude Nougein avaient longuement insisté sur les insuffisances du logiciel utilisé, vieux de 25 ans et aux possibilités limitées 46 ( * ) .

Les rapporteurs spéciaux relèvent toutefois plusieurs évolutions positives . Par exemple, le contrat d'objectifs et de moyens signé le 16 mars 2020 par le secrétariat général du MEFR, la direction du budget et la DGFiP inclut une trajectoire de résorption de la dette technique 47 ( * ) , et le schéma directeur informatique de la DGFiP devrait bientôt être achevé . Les rapporteurs spéciaux ne peuvent s'empêcher de rappeler que le ministère de l'économie, des finances et de la relance est le seul à ne pas disposer d'un schéma directeur informatique récent, alors même qu'il porte la majorité des applications informatiques et des grands projets 48 ( * ) .

La révision de la gouvernance des systèmes d'information de la DGDDI devrait quant à elle être achevée d'ici à la fin de l'année 2020. Sur le plan des ressources humaines, la DGFiP a lancé une démarche de GPEC pour l'ensemble des métiers informatiques , afin de mieux pouvoir identifier ses besoins à moyen-terme (10 ans). Comme les rapporteurs spéciaux l'ont rappelé en première partie, le recrutement de compétences dans les domaines informatique et numérique est en effet un enjeu pour la transformation des administrations et, plus généralement, pour le ministère. DGFiP et DGDDI étudient toutes deux la question de la diversification de leurs modes de recrutement.

b) Dépenses de fonctionnement ou dépenses d'intervention ?

Forcées de se confronter à leur dette technologique, la DGFiP et la DGDDI doivent allouer la majorité de leurs crédits informatiques à la maintenance d'applications anciennes, ce qui préempte, en retour, tout investissement sur des projets innovants et davantage porteurs de gains de productivité.

Dès la loi de finances initiale pour 2019, les crédits informatiques de la mission avaient connu une hausse importante , pour atteindre 411,9 millions d'euros, un montant record . Le programme 156 devait bénéficier de la moitié de ce budget (199 millions d'euros), ses dépenses informatiques retrouvant un niveau légèrement inférieur à celui constaté en 2014 (208 millions d'euros), année qui avait représenté le niveau le plus haut de dépenses. Toutefois, l'exécution de ces crédits avaient été quelque peu décevante : une partie des crédits qui devaient soutenir des dépenses d'investissements informatiques avait été reclassée en dépenses de fonctionnement 49 ( * ) . Pour les rapporteurs spéciaux, s'il est certes parfois difficile de distinguer investissement et fonctionnement, cette sous-consommation illustre surtout le poids de la dette technologique des administrations de la mission.

En termes de volume de crédits néanmoins, la dynamique positive observée en 2019 s'était poursuivie en 2020 , avec notamment une augmentation inédite des crédits informatiques de 40 % en AE et de 22 % en CP pour la DGFiP (les crédits informatiques de la DGFiP étaient estimés à environ 261 millions d'euros). Les rapporteurs spéciaux espèrent qu'une partie de ces crédits a pu être allouée à des dépenses d'investissement , essentielles pour renouveler le parc applicatif et les systèmes d'information. Ils relèvent également que la moyenne du budget informatique alloué aux administrations fiscale et douanière en France (7 %) est inférieure à celle observée dans d'autres pays occidentaux (entre 10 % et 20 %) 50 ( * ) .

c) Un nécessaire recours à des vecteurs budgétaires extérieurs

Pour contourner ces difficultés, et ce malgré la hausse des budgets informatiques, la DGFiP et la DGDDI recourent, pour le financement de leurs projets innovants, au Fonds pour la transformation de la fonction publique (FTAP), en particulier pour le développement d'applications destinées à tirer profit des données massives à leur disposition. La DGDDI a ainsi obtenu 18,8 millions d'euros au profit du « Projet 3D » ( cf. supra ).

La DGFiP, parmi d'autres projets 51 ( * ) , a par exemple obtenu 13,4 millions d'euros pour le projet PILAT (Pilotage et analyse du contrôle), sur un coût total estimé à 26 millions d'euros . Ce projet est destiné à aider les agents à mieux cibler la fraude et à automatiser les travaux de suivi en améliorant les interfaces entre les nombreuses applications numériques dédiées au contrôle fiscal. Les rapporteurs spéciaux relèvent qu' il avait fait l'objet d'un premier avis réservé de la part de la direction interministérielle du numérique (Dinum) , qui en avait souligné les multiples risques (pas de pilotage fin des coûts, pas la bonne méthode de construction, pas de marges de sécurité, une déclinaison des risques du projet insuffisante). Les rapporteurs spéciaux tiennent à rappeler que l e recours à d'autres vecteurs budgétaires ne doit pas conduire les administrations à faire fi des recommandations de la Dinum, au risque que les difficultés de pilotage de ces projets s'aggravent .

2. Le pilotage des projets informatiques, un enjeu persistant pour la DGFiP

Les grands projets informatiques des programmes 156 et 218

Sur le programme 156 :

- GMBI [Gérer mes biens immobiliers] (nouveau) : offrir un nouveau service en ligne accessible aux usagers, particuliers comme professionnels pour apporter une vision d'ensemble des propriétés bâties sur lesquelles le propriétaire détient un droit, permettre de procéder en ligne aux obligations déclaratives relatives aux locaux, dématérialiser les déclarations foncières ou encore collecter auprès des propriétaires les loyers des locaux d'habitation dans le cadre de la révision des valeurs locatives ;

- MISTRAL : management interactif de la situation au trésor. Ce projet vise à moderniser l'activité bancaire de la DGFiP, qui découle du principe d'obligation de dépôt des fonds au Trésor pour 130 000 organismes publics (État ou locaux) ;

- PAYSAGE : consolidation de l'application de paye des agents de l'État. Après la suspension du volet système d'information paye du programme d'Opérateur national de paye, ce projet entend consolider l'application actuelle de paye afin de sécuriser le paiement des traitements des fonctionnaires ;

- PILAT : transformer le système `information relatif à la chaîne du contrôle fiscal pour moderniser le travail du vérificateur, tirer profit des travaux d'analyse de données de masse et améliorer la productivité du contrôle fiscal, ainsi que son pilotage.

Sur le programme 218 :

- DSN : adoption et mise en conformité des trois versants de la fonction publique au dispositif de déclaration unique et dématérialisé (au plus tard en janvier 2022) ;

- Regroupement des centres informatiques : rénovation et regroupement des centres informatiques du ministère au fur et à mesure de leur obsolescence ;

- RENOIRH : allocation de moyens complémentaires pour développer des services supplémentaires pour les ministères et établissements publics en matière de pilotage des effectifs et de la masse salariale ;

- SIRANO : rénovation du système d'information décisionnel de Tracfin, afin de mieux gérer l'afflux considérable d'informations, la multiplication de leurs catégories et de leurs sources ;

- TNCP : simplifier les démarches des acheteurs et des entreprises en proposant une offre de services numériques permettant une dématérialisation de toute la chaine de commande publique et en exploitant les données des marchés.

Source : documents budgétaires

Alors que la Cour des comptes a remis, à la demande de la commission des finances du Sénat, un rapport sur le pilotage par l'État des grands projets informatiques 52 ( * ) , les rapporteurs spéciaux souhaitent à nouveau attirer l'attention sur la conduite des projets informatiques de la mission « Gestion des finances publiques », qui connaissent de manière récurrente des dépassements de délais et de coûts relativement élevés , comme l'illustre le graphique ci-après.

Évolution des coûts et des délais des principaux projets informatiques
portés par les programmes 156 et 218

(en euros et en mois)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ces dépassements montrent que la DGFiP et le secrétariat du ministère de l'économie, des finances et de la relance connaissent quelques difficultés à mener à bien ces projets en tenant les budgets et les délais impartis. Les rapporteurs spéciaux réitèrent donc leur appel à la vigilance , alors que la mission représente à elle seule 15 % des projets informatiques de l'État et 20 % des dépenses. Il faut des indicateurs de pilotage bien plus clairs, tant sur les coûts que sur les délais, avec un système d'alerte .

L'une des recommandations de la Cour des comptes dans la communication précitée préconise de redonner au secrétariat général du MEFR un rôle plus déterminant dans la conduite et le pilotage des projets informatiques. Lors de son audition, la secrétaire générale du MEFR a estimé qu' une centralisation excessive des projets informatiques menés par les directions du ministère ne serait toutefois pas judicieuse , à la fois pour la responsabilisation des gestionnaires, mais également pour la bonne gestion des projets, qui doivent être suivis par les directions métiers. Selon elle, le secrétariat général a plutôt vocation à piloter les projets à dimension interministérielle, y compris les achats de matériel.

Les rapporteurs spéciaux sont plus partagés et estiment que les défauts de pilotage des projets sont partagés, que ce soit au niveau des directions métiers ou au niveau du secrétariat général . Ils ne peuvent qu'encourager les administrations à porter des projets plus « légers », à respecter les recommandations émises par la Direction interministérielle du numérique sur les plus importants d'entre eux, à améliorer l'évaluation préalable de ces projets et à disposer de système d'alerte en cas de dépassements.

DEUXIÈME PARTIE
LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

L'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit l'existence de deux dotations, intégrées à la mission « Crédits non répartis ». Aussi les programmes 551 et 552 de cette mission correspondent-ils respectivement à la dotation pour la « provision relative aux rémunérations publiques » et à la dotation pour « dépenses accidentelles et imprévisibles » . Les crédits de paiement de cette mission sont habituellement faibles, l'essentiel des dépenses de l'État devant être réparti par mission, en vertu du principe de spécialité budgétaire , établi par le même article 7. Conformément à l'article 11 de la LOLF, ces dotations sont réparties dans les missions du budget général en cours de gestion et en tant que de besoin par voie réglementaire, sur le rapport du ministre chargé des finances.

Si des crédits sont systématiquement inscrits pour le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » , compte tenu de la nature particulière des dépenses qu'il est censé couvrir, le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » fait en revanche plus rarement l'objet d'une ouverture de crédits. Depuis 2009, des crédits ont été demandés à quatre reprises sur cette provision.

Évolution des crédits de paiement par programme

(en millions d'euros)

Crédits de paiement ouverts en LFI / demandés en PLF

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques »

11,45

0

0*

52,75

16

198,5

Programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

24

24

124

124

124

124

*En PLF 2018, les crédits initialement demandés avaient été répartis avant le vote final du texte.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

I. UN MONTANT EXCEPTIONNELLEMENT ÉLEVÉ POUR LA « PROVISION RELATIVE AUX RÉMUNÉRATIONS PUBLIQUES »

A. LA QUATRIÈME OUVERTURE DE CRÉDITS SUR LE PROGRAMME 551 DEPUIS 2018

De même que les PLF pour 2018 à 2020, le PLF pour 2021 prévoit une ouverture de crédits sur le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques ». Cette demande de crédits est en outre particulièrement élevée, à hauteur de 198,5 millions d'euros.

1. Des mesures décidées à la suite du « rendez-vous salarial de la fonction publique »

Parmi les décisions retenues lors des négociations salariales entre les représentants de la fonction publique et le Gouvernement, du 24 juillet dernier, deux d'entre elles ne se sont pas accompagnées d' une répartition des crédits correspondants .

Il est regrettable que les documents budgétaires ne détaillent pas la ventilation des crédits entre ces différentes mesures. Il précise seulement que, sur les 198,5 millions d'euros demandés, 57 millions d'euros doivent couvrir le financement de la « convergence indemnitaire » .

Cette première mesure consiste à rapprocher, entre les différents ministères, les primes versées aux agents des directions départementales interministérielles (DDI) et des services déconcentrés.

Elle comprend également une revalorisation, estimée à 7 millions d'euros, en faveur de la filière socio-éducative du ministère de la justice . La précision de ce montant pour ce ministère, si elle bienvenue, interroge sur l'absence de sa répartition sur la mission « Justice ».

La seconde mesure concerne le financement du forfait « mobilité durable » , pris en charge par l'employeur public. Ce forfait devrait s'élever à 200 euros par an pour les agents concernés, afin d'encourager à effectuer les trajets domicile-travail à vélo, en covoiturage, ou en utilisant des services de mobilité partagée.

La mise en place du forfait avait déjà été budgétisée une première fois pour 2019 sur ce même programme, pour un montant total de 9 millions d'euros. Pour 2020, le coût direct pour l'État de cette mesure n'avait pas été précisé dans les documents budgétaires et ne l'est pas davantage pour 2021. Il est tout de même estimé à 10 millions d'euros en 2020 d'après les réponses au questionnaire budgétaire. Ce montant correspond de fait à la provision restante sur le programme 551 , après répartition fin septembre 2020 de 6 millions d'euros au titre de la revalorisation indemnitaire 53 ( * ) , sur les 16 millions d'euros ouverts en LFI 2020.

Cependant, le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 prévoit d'annuler ces 10 millions d'euros restants. Curieusement, cette annulation ne s'accompagne pas d'une ouverture égale sur d'autres missions en vue de répartir les crédits relatifs au forfait « mobilités durables ». L'annexe du quatrième PLFR précise en effet que ces 10 millions d'euros sont annulés « en raison de moindres dépenses sur le régime indemnitaire » 54 ( * ) . Le versement du forfait « mobilités durables » dans la fonction publique d'État est pourtant entré en vigueur dès mai 2020 55 ( * ) , et il est donc surprenant que plus aucun crédit ne soit prévu dans le budget de l'État pour cette mesure si ce quatrième PLFR pour 2020 est voté en l'état.

2. La prime de fidélisation pour les fonctionnaires de Seine-Saint-Denis

Lancé à l'automne 2019 par le Premier ministre Édouard Philippe, le plan d'action de transformation de la Seine-Saint-Denis prévoit un accompagnement financier de l'État en faveur de ce département sur dix ans.

Parmi les 23 mesures de ce plan figuraient la mise en place d'une prime de fidélisation de 10 000 euros pour les agents des services de l'État en Seine-Saint-Denis, ainsi qu' un alignement sur les administrations centrales des régimes indemnitaires des services déconcentrés de l'État (convergence indemnitaire évoquée supra ).

La mise en oeuvre de ces mesures a tardé, et le décret entérinant le versement de la prime de fidélisation n'a été signé que récemment, le 24 octobre 2020, pour une entrée en vigueur fixée au 1 er octobre 2020 56 ( * ) . Son application pourra être rétroactive dans la mesure où un agent ayant atteint sa cinquième année de service en Seine-Saint-Denis en octobre 2021 pourra obtenir un versement proratisé de cette prime (soit 2 000 euros) pour la période d'octobre 2020 à octobre 2021. Aucun crédit n'avait cependant été budgété pour cette mesure sur le programme 551 en 2020 .

De même que pour les mesures précédemment évoquées, le montant correspondant au versement de cette prime en 2021 n'est pas non plus renseigné dans les documents budgétaires.

B. UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS QUI MÉRITERAIT D'INTERVENIR AU PLUS TÔT, AFIN DE RESPECTER LE PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ BUDGÉTAIRE

Comme les années passées, l'ouverture de crédits sur le programme 551 pour financer des mesures de revalorisation indemnitaire peut interroger, alors même qu'elles ont été décidées il y a 3 mois.

En effet, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, des crédits avaient été ouverts sur ce programme dans l'attente de la conclusion des négociations salariales. Celles-ci s'étaient tenues à la mi-octobre 2017, aussi les crédits n'avaient pas été maintenus et leur répartition avait eu lieu avant le vote du PLF en première lecture.

Dès lors, le maintien de crédits sur le programme 551 après le rendez-vous salarial pour la troisième année consécutive laisse conclure que ce procédé est devenu systématique . Les années précédentes, les rapporteurs spéciaux rappelaient que, même si elle représente un montant infime par rapport aux dépenses totales de l'État, cette dotation déroge au principe de spécialisation des crédits . Il n'est jamais satisfaisant que l'affectation de crédits de titre 2 demeure ainsi inconnue jusqu'à la fin des débats parlementaires , et cette année plus encore alors que cette dotation atteint un montant exceptionnellement élevé, dont la décomposition entre les différentes mesures de rémunération est très imprécise.

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent donc qu'inviter le Gouvernement à entreprendre au plus vite la répartition de ces crédits, afin d'une part, de garantir une meilleure information du Parlement pour l'examen du présent projet de loi de finances ; et d'autre part, conserver le caractère exceptionnelle de cette dotation . Le maintien de crédits une fois passé le vote du PLF tend en effet à devenir la règle depuis quelques années.

II. UN MONTANT CONSTANT POUR LA DOTATION POUR DÉPENSES ACCIDENTELLES ET IMPRÉVISIBLES

A. UNE DOTATION AYANT SERVI DE RÉSERVE DE BUDGÉTISATION MASSIVE POUR FAIRE FACE À LA CRISE SANITAIRE EN 2020

Depuis 2018, le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » bénéficie chaque année d'une ouverture de crédits de 124 millions d'euros en CP.

La LFI 2020 n'avait pas fait exception, mais la crise sanitaire du printemps 2020 a justifié une majoration inédite de 1,62 milliard d'euros de ces crédits dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020. Le Gouvernement entendait constituer une réserve de budgétisation massive afin d'abonder d'autres missions du budget général en cours de gestion, et ainsi de financer rapidement des besoins urgents et non prévisibles, dans l'attente d'un autre PLFR.

Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat ne s'était pas opposé à ce procédé, mais rappelait qu'il fallait :

« - d'une part, limiter l'utilisation de cette « réserve de budgétisation » à des dépenses ayant pour objet soit de lutter contre la crise sanitaire, notamment par l'acquisition de matériel médical, soit d'apporter un complément aux plans de soutien d'urgence aux entreprises déjà présentés en loi de finances rectificative ;

- d'autre part, informer la commission des finances de chaque utilisation faite de cette dotation » avant que les décrets de répartition ne soient publiés au Journal officiel. 57 ( * )

Cette dernière recommandation semblait s'imposer puisque l'information préalable du Parlement à la publication de tels décrets n'est prévue par aucun texte , à la différence des décrets d'avance. De fait, le Gouvernement a bien adressé au Président de la commission des finances du Sénat des courriers présentant les projets de décrets quelques jours avant leur publication . Ces courriers gagneraient toutefois à préciser le respect de la condition de dernier recours à la dotation pour dépenses accidentelles. En effet, ils n'indiquent pas si des mesures de redéploiements de crédits ont eu lieu au sein du programme de destination avant le recours à cette dotation.

Évolution de la dotation pour dépenses accidentelles au cours de l'année 2020

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Référence de la mesure

Programme de destination

Mouvements de crédits sur le programme 552

Loi ° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances initiale pour 2020

Programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

+ 124

Décret n° 2020-443 du 17 avril 2020

Programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire »

- 100

Deuxième loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020

Programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

+ 1 620

Décret n° 2020-584 du 18 mai 2020

Programme 134 « Développement des entreprises et régulations »

- 284,2

Décret n° 2020-1258 du 14 octobre 2020

Programme 131 « Création »

- 13

Programme 334 « Livre et industries culturelles »

- 92

Quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020

Programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

- 1 017

Source : commission des finances

Le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 prévoit une annulation de crédits d'1,017 milliard d'euros sur cette réserve, afin de financer les aides exceptionnelles à destination des plus précaires (RSA et APL), annoncées par le président de la République cet automne. Si ce quatrième PLFR est voté en l'état, la réserve de budgétisation sera ainsi réduite à 237 millions d'euros en CP .

Le Gouvernement n'a en effet pas souhaité l'annuler totalement, « afin de permettre de financer d'éventuels besoins urgents en fin de gestion en lien avec les besoins de la crise sanitaire » 58 ( * ) .

B. UNE BUDGÉTISATION POUR 2021 IDENTIQUE AU MONTANT PROGRAMMÉ DEPUIS 2018

Le présent projet de loi de finances pour 2021 semble confirmer le caractère exceptionnel de la réserve de budgétisation mise en place en 2020 , puisqu'il prévoit un montant identique à ceux ouverts ces trois dernières années, soit 124 millions d'euros en CP et 424 millions d'euros en AE pour la dotation « Dépenses imprévisibles et accidentelles ». L'écart de 300 millions d'euros entre les AE et les CP est fixé à titre conventionnel depuis 2012. Il s'explique par la nécessité de couvrir les éventuelles prises à bail privées, lesquelles peuvent durer « généralement 6 ou 9 ans, dans de rares cas 25 ans » 59 ( * ) .

L'ouverture de 124 millions d'euros en CP est récurrente depuis la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022. Cette dernière a en effet relevé le plafond de crédits du programme 552 de 100 millions d'euros à partir de 2018. L'objectif était d'accompagner la réduction du taux de mise en réserve de 8 % à 3 % des crédits , hors dépenses de personnel, pour lesquelles le taux s'élève à 0,5 %. Cet ajustement ne devait toutefois compléter que très marginalement les capacités de redéploiements interministériels en cas d'évènements imprévisibles, estimées à 8 milliards d'euros les années précédentes 60 ( * ) . Pour 2021, la budgétisation du programme 552 est donc identique à celle des trois dernières années.

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de ce retour à une programmation « classique » des crédits du programme 552 , même si des dépenses exceptionnelles et imprévisibles pourraient être engagées en 2021, la crise sanitaire n'étant pas terminée. Il faut donc considérer que ces dépenses devraient être couvertes par redéploiements internes au sein des missions budgétaires, ou par la nouvelle mission « Plan de relance ».

Ils tiennent à cet égard à rappeler leur vigilance quant au respect des règles encadrant l'utilisation de cette dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Elle doit en effet couvrir d'éventuelles dépenses liées à des événements aléatoires qui ne peuvent être financées par les mesures de régulation de droit commun, après application prioritaire du principe d'auto-assurance - par exemple, utilisation de la réserve de précaution, transfert entre programmes etc. Dès lors, le recours à la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ne doit se faire qu'en dernier ressort .

TROISIÈME PARTIE
LA MISSION « TRANSFORMATION
ET FONCTION PUBLIQUES »

I. L'ÉVOLUTION DE LA MISSION : LE NIVEAU D'ENGAGEMENT DES CRÉDITS ET LE CHANGEMENT DU PÉRIMÈTRE DE LA MISSION INTERROGENT SUR SES OBJECTIFS

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE AFIN DE CONCRÉTISER LA MONTÉE EN CHARGE DE LA MISSION

1. Un changement de périmètre qui se traduit par l'intégration du programme 148 « Fonction publique »

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, la mission « Action et transformation publiques » voit son périmètre modifié par l'intégration du programme 148 « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Renommée « Transformation et fonction publiques », la mission se compose donc désormais de cinq programmes, à vocation interministérielle :

- le programme 148 « Fonction publique » , qui se compose de trois actions, au poids très inégal dans le programme. Il s'agit de la formation des fonctionnaires, qui comprend les subventions pour charges de service public versées à l'École nationale d'administration (ENA) et aux instituts régionaux d'administration (IRA), de l'action sociale interministérielle et de l'action appui et innovation des ressources humaines. Il est placé sous la responsabilité de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) ;

- le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » , qui doit financer la rénovation des sites occupés par plusieurs services de l'État et de ses opérateurs. L'État compte 56 cités administratives dans son réseau déconcentré dont 39 bénéficiaires du programme. Doté d'un milliard d'euros sur cinq ans, ce programme est placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État. C'est le seul programme de la mission qui ne relève pas du ministère de la transformation et de la fonction publique mais de celui de l'économie, des finances et de la relance. ;

- le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » (FTAP), qui doit soutenir les réformes porteuses d'économies à moyen terme en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une telle réforme dans sa phase initiale. Doté de 700 millions d'euros sur cinq ans, il est placé sous la responsabilité de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) ;

- le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines » (FAIRH), créé par la loi de finances initiale pour 2019, qui doit supporter, sous la responsabilité de la DGAFP, une partie des coûts de transition induits par la mise en oeuvre de réformes structurelles à forte dimension ressources humaines. Il sert donc de relais de financement à certains projets portés par les plans de transformation ministériels ( cf. supra ) et permet d'accompagner les mobilités (géographique et fonctionnelle), ainsi que les actions de formation ;

- le programme 352 « « Innovation et transformation numériques » , dont le nom est modifié dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 (auparavant Fonds pour l'accélération des start-ups d'État). Placé sous la responsabilité de la direction interministérielle du numérique (Dinum), il vise à financer l'émergence et le développement de produits et services numériques innovants pour moderniser l'État et les services publics. Il participe également au cofinancement des recrutements dans le cadre du programme « entrepreneurs d'intérêt général ».

2. Au regard des sous-exécutions constatées chaque année sur la mission, les prévisions de crédits sont difficiles à apprécier

Les crédits demandés pour 2021 connaissent deux trajectoires contraires, pour s'établir, en périmètre constant (2020) , à :

- 110,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une baisse de 67,39 %. Cette baisse très significative des AE s'explique en grande partie par le principe de fonctionnement de la plupart des programmes de la mission : une ouverture des autorisations d'engagement dès la première ou la seconde année, puis une couverture annuelle en CP des dépenses ainsi engagées ;

- 496,83 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 14,26 %.

Les crédits demandés au titre du programme 148 « Fonction publique » connaissent quant à eux une double hausse de 6,93 % en AE et de 3,54 % en CP, pour atteindre respectivement 224,49 millions d'euros et 217,37 millions d'euros .

Évolution des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques »

(en millions d'euros et en %)

2019 (LFI)

2019 (exécution)

2020 (LFI)

Annulations PLFR IV 2020

2021 (PLF)

Évolution PLF 2021/LFI 2020

[348] Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants

AE

900

93,46

80,00

0

0,00

- 100,00 %

CP

100

11,89

168,00

- 162,43

277,49

65,17 %

[349] Fonds pour la transformation de l'action publique

AE

250

65,33

200,00

- 8,29

50,00

- 75,00 %

CP

160

37,60

205,61

- 127,94

158,74

- 22,80 %

[351] Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines

AE

50

0,00

50,00

- 31,67

50,00

0,00 %

CP

50

0,00

50,00

- 31,67

50,00

0,00 %

[352] Innovation et transformation numériques

AE

7,2

7,36

9,20

0

10,60

15,22 %

CP

2,1

5,97

11,20

- 1,5

10,60

- 5,36 %

[148] Fonction publique

AE

209,94

0

224,49

6,93 %

CP

209,94

0

217,37

3,54 %

Total (hors P148)

AE

1 207,20

166,15

339,20

- 39,96

110,60

- 67,39 %

CP

312,10

55,46

434,81

- 323,54

496,83

14,26 %

Total (P148 inclus)

AE

-

-

549,14

-

335,09

- 38,98 %

CP

-

-

644,75

-

714,20

10,77 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Toutefois, au regard des sous-consommations constatées chaque année sur la quasi-totalité des crédits de la mission, les rapporteurs spéciaux considèrent que l'appréciation de ces crédits perd de son sens, et avec elle l'autorisation parlementaire.

La commission des finances a fait part à plusieurs reprises de ses réserves quant à la capacité des directions responsables de programmes à mobiliser les crédits à un rythme aussi soutenu que celui qui était envisagé lors de la création de la mission en 2018, interrogeant ainsi la sincérité de la budgétisation des programmes. Elle a également souligné que ces sous-consommations s'expliquaient également par un écart entre les besoins réels des porteurs de projets sur une année n et les besoins anticipés par les directions . Après près de trois ans de fonctionnement, et alors que la mission est supposée faire l'objet d'un suivi approfondi et novateur des projets qu'elle finance, il serait plus que temps de réduire ces écarts.

Lors de l'examen de la mission dans le cadre du PLF 2020, les rapporteurs spéciaux relevaient de nouveau que 2020 ne ferait sans doute pas exception à ces sous-consommations . Le projet de quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a confirmé ces crainte s : 39,96 millions d'euros ont été annulées en AE, et 323,5 millions d'euros en CP.

D'après les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, les taux de consommation constatés au 31 août 2020 sont en outre particulièrement faibles, comme l'illustre le tableau ci-dessous 61 ( * ) .

Taux de consommation des crédits de la mission
« Transformation et fonction publique »

(en millions d'euros et en %)

LFI 2020

Exécution constatée
au 31 août 2020

Taux de consommation
au 31 août 2020

Programme 348

AE

80

49,6

62,0 %

CP

168

10,7

6,4 %

Programme 349

AE

200

36

18,0 %

CP

205,61

26

12,6 %

Programme 351

AE

50

nd

-

CP

50

16,819*

33,6 %

Total

AE

330

85,6

25,9 %

CP

423,61

122,3

28,9 %

* Le comité de sélection du fonds a retenu 15 projets pour l'année 2020. Ces projets bénéficient d'un cofinancement, dont le plafond s'élèverait pour l'année à 16,82 millions d'euros.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le Gouvernement tend à rejeter la faute de ces sous-exécutions sur la crise sanitaire , après l'avoir attribuée à la « jeunesse » de la mission en 2019. Pour les rapporteurs spéciaux, cette explication est à la fois tronquée et partielle : le Gouvernement ne peut pas se dédouaner de ses responsabilités en rejetant l'entière responsabilité de la gestion catastrophique des crédits de la mission sur la crise sanitaire .

La comparaison entre les opérations structurantes financées via le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et celles portées par le programme 348 est de ce point de vue particulièrement étonnante. Dans le premier cas, les opérations ne seraient que peu affectées par la crise sanitaire (annulation de crédits de paiement à hauteur de 32,14 millions d'euros sur les 275 millions d'euros ouverts en LFI 2020), dans le second, elles seraient très fortement affectées (annulation de crédits de paiement à hauteur de 162,43 millions d'euros sur les 168 millions d'euros prévus en LFI 2020). De même, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, il est encore impossible d'évaluer l'impact de la crise sanitaire sur la concrétisation des projets financés par le programme 349 (un bilan devrait être fait en début d'année 2021), tandis que son impact sur les programmes 351 et 352 est jugé minime, voire nul.

À noter que, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, le niveau des crédits de la mission présenté dans le PLF 2021 se conforme aux orientations pluriannuelles, sans modification majeure due à la crise sanitaire.

Les rapporteurs spéciaux sont donc de nouveau obligés d'appeler à la plus haute vigilance sur les prévisions de crédits pour l'année 2021, d'autant que le second reconfinement pourrait à nouveau ralentir l'exécution des projets soutenus par les fonds de la mission, en créant un décalage dans les procédures ou en retardant encore davantage les procédures de contractualisation. Les écarts constatés ces trois dernières années ne font que confirmer leurs inquiétudes sur la capacité des directions responsables de ces programmes à mobiliser ces crédits à un rythme aussi soutenu alors que quatre des programmes de la mission atteignent déjà plus de la moitié de leur durée d'existence programmée .

Les rapporteurs spéciaux regrettent de ne disposer que de peu d'informations sur la gestion concrète des crédits de la mission et sur le calendrier de leur déploiement. Il n'y a que trop peu de détails sur les raisons de ces délais de latence trop longs entre la sélection des projets, la contractualisation avec les porteurs, le déblocage des crédits et le lancement des projets.

Au regard des objectifs ambitieux de cette mission, que ce soit au titre de la transition énergétique ou de la transformation de l'État, ces sous-exécutions constatées chaque année sont particulièrement dommageables quand on sait l'importance politique que revêt la transformation publique dans le discours gouvernemental .

Les sous-exécutions sont plutôt de nature à légitimer les critiques qui jugent que cette mission relève avant tout d'un « effet de communication » : la création de programmes ad hoc pour renforcer la visibilité de ces crédits, au lieu de doter directement les programmes et les administrations des moyens nécessaires à leur transformation ou au soutien de leurs réformes, semble avoir atteint ses limites. S'ils comprennent la volonté du Gouvernement d'isoler les crédits dédiés à la mise en oeuvre de réformes structurelles, les rapporteurs spéciaux estiment, qu'en l'état actuel, avec ses règles de fonctionnement, la mission n'a pas donné satisfaction et que les informations sur les ministères, les administrations et les collectivités bénéficiaires devraient être clarifiées.

B. UN CHANGEMENT DE PÉRIMÈTRE QUI INTERROGE SUR LA VOCATION RÉELLE DE LA MISSION

Créée en 2018, la mission « Action et transformation » visait à contribuer aux objectifs du Grand plan d'investissement (GPI), mais également à ceux d'Action publique 2022 . Ses crédits étaient ainsi entièrement labellisés au titre de deux des quatre priorités du GPI : la transition écologique et la construction de l'État à l'âge du numérique. Ils ne représentaient toutefois qu'une part très faible du total des crédits prévus au titre du GPI (3 %, soit 1,7 milliard d'euros sur les 57 milliards d'euros labellisés « GPI »).

Deux changements conduisent les rapporteurs spéciaux à s'interroger sur la vocation de cette mission, qui devait s'éteindre en 2022 :

- avec la crise sanitaire, le plan France Relance a succédé au label Grand plan d'investissement , en reprenant ses priorités 62 ( * ) (transition écologique, accès à l'emploi et compétitivité, innovation, santé et État numérique). Il instaure également une gouvernance interministérielle ad hoc , avec pour objectif de suivre régulièrement ses résultats et ses effets ;

- le rattachement du programme 148 « Fonction publique » à la mission, dont l'intitulé correspond maintenant à celui du ministère de la transformation et de la fonction publiques. À l'exception du programme 348, l'ensemble des programmes de la mission relèvent ainsi de la tutelle du ministère. Pour les rapporteurs spéciaux, ce choix n'est pas anodin.

D'après les objectifs inscrits dans les documents budgétaires, il s'agit, par le biais de ce nouveau périmètre, de permettre au ministère de la transformation et de la fonction publiques de « reprendre et amplifier [l]es transformations pour rendre l'action publique plus simple, plus proche et plus efficace ». Les rapporteurs spéciaux ont malheureusement du mal à distinguer ce que cela recouvre concrètement, d'autant plus lorsqu'ils constatent chaque année des retards d'engagement sur les programmes qui devaient, jusqu'ici, participer à une transformation accélérée de l'action publique.

Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Mme Amélie de Montchalin, a tenu à se présenter comme la « ministre de la qualité des services publics ». Pour assurer cette mission, elle dispose de la direction interministérielle à la transformation publique (DITP), de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et de la direction interministérielle du numérique. C'est la première fois que ces trois directions à vocation transversale sont réunies sous l'égide d'un même ministère. L'objectif est de parvenir, d'ici la fin du quinquennat, à la dématérialisation des 250 démarches administratives les plus usuelles . Les rapporteurs spéciaux ont toutefois insisté auprès de la ministre sur le danger de « la numérisation pour la numérisation » et sur la nécessité de conserver un accueil téléphonique ou physique pour les personnes dont l'accessibilité aux démarches numériques est restreinte. Ainsi, si, pour les rapporteurs spéciaux, la transformation numérique de l'État est souhaitable, y compris pour améliorer la productivité des administrations, elle ne doit pas se faire au détriment des citoyens .

La ministre a indiqué que l'objectif de 250 démarches administratives ne devait pas seulement se concevoir dans sa dimension « quantitative ». Pour être validée, la démarche doit également avoir obtenu une notation suffisamment satisfaisante de la part des usagers. Cette évaluation tient compte de plusieurs critères d'accessibilité - pour les personnes handicapées ou pour les personnes n'ayant pas accès à internet - ainsi que de l'objectif du « dites-le nous une fois » pour l'envoi des documents et des informations.

II. LES FONDS DE TRANSFORMATION : UNE MULTIPLICITÉ DE VECTEURS BUDGÉTAIRES POUR UNE EFFICACITÉ QUI RESTE ENCORE À DÉMONTRER

A. LA RÉNOVATION DES CITÉS ADMINISTRATIVES ET DES SITES MULTI-OCCUPANTS : DES RETARDS SIGNIFICATIFS ET DES INDICATEURS DE PERFORMANCE À RÉVISER

En termes budgétaires, le programme 348 est le plus important de la mission, puisqu'il est doté d'un milliard d'euros sur cinq ans . Il répondait à deux priorités du GPI : l'accélération de la transition énergétique et la construction de l'État à l'âge du numérique. Il doit financer des opérations permettant de réduire la consommation énergétique de ces bâtiments et de lutter contre leur obsolescence . Ces travaux visent également à densifier les sites sous-occupés , réduisant par là-même la surface occupée par les services de l'État, avec l'objectif de se rapprocher de l'indicateur cible de 12 m² de surface utile nette par poste. La rénovation de 35 cités administratives et la reconstruction de quatre d'entre elles, ce qui inclut au total 150 bâtiments, permettraient de réaliser un gain énergétique de 139 millions de kWh d'énergie primaire par an et l'optimisation des surfaces occupées devrait réduire le parc immobilier de l'État de 239 000 mètres carrés de surface utile brute , réduisant ainsi les frais liés aux loyers, aux charges et à la facture énergétique.

Les crédits pour 2021 traduisent ces règles d'engagement : il n'y a plus d'AE, qui ont été engagées les premières années de la mission, mais seulement des crédits de paiement. Leur évolution très élevée entre la LFI pour 2020 et la LFI pour 2021 (+ 65,17 %, de 168 millions d'euros à 278 millions d'euros) traduit l'objectif d'une montée en charge sur le programme, avec la mise en oeuvre des premiers travaux et opérations . Ils sont néanmoins pour l'instant, en cumulé, bien en deçà du niveau d'un milliard d'euros attendus sur le programme d'ici 2022, l'ensemble des opérations sélectionnées ayant été évaluées à 989 millions d'euros.

Si le Gouvernement assure que les montants seront bien décaissés, les rapporteurs spéciaux estiment peu probable, en l'état actuel des informations dont ils disposent, que ces projets soient réellement achevés d'ici 2022 , en particulier avec l'allongement des délais supplémentaire dû à la crise sanitaire. Ce programme de la mission pourrait donc être prolongé. Dans son rapport d'activité, la direction de l'immobilier de l'État estime être « en mesure de faire un premier état des lieux des premières livraisons à partir de 2022 ».

Le programme n'est en effet pas non plus exempt de critiques sur son exécution. D'après les informations transmises dans les documents budgétaires, sur les 39 projets sélectionnés en 2019, trente d'entre eux seulement ont été validés au 4 septembre 2020 (pour un montant de 823 millions d'euros) et trois d'entre eux ont vu leurs travaux immobiliers engagés en 2020 (pour un montant total de 117 millions d'euros). Les rapporteurs spéciaux considèrent que c'est bien trop peu pour un programme qui devait a priori connaître une montée en charge rapide des crédits et qui devrait avoir fini d'engager tous les crédits de paiement pour ses opérations de grande ampleur d'ici 2022 .

Ils s'interrogent également sur les raisons qui expliquent ce retard et ne sont nullement convaincus par celles apportées. Il est vrai que 2018 et 2019 ont constitué deux années de transition, la première pour conduire les audits, la seconde pour sélectionner les projets (les 39 sites retenus ont été annoncés au mois de juillet). Le Gouvernement tend à se défendre en expliquant que la véritable montée en charge du programme, qui devait avoir lieu en 2020, a été interrompue par la crise sanitaire . Les rapporteurs estiment que cet argument est en partie faussé : tous les projets n'étaient de toute façon pas prêts pour 2020 ! Les informations transmises dans le questionnaire budgétaire en témoignent : les procédures qui ont pris du retard sont d'abord celles qui devaient conduire à notifier les marchés à la fin de l'année 2020, sur des projets qui n'étaient donc pas finalisés, près d'une année et demie après leur sélection. De plus, concernant les chantiers eux-mêmes, la plupart des opérations structurantes conduites à partir du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ont pu continuer, les opérations du programme 348 auraient donc été plus pénalisées que ces dernières, pour des raisons inconnues.

Les rapporteurs spéciaux estiment qu'il existe d'autres explications que celle de la complexité des projets . La gestion du programme est en effet confiée la direction de l'immobilier de l'État (DIE), qui est habituée aux opérations structurantes et qui recourt assez fréquemment aux marchés globaux de performance. Les neuf autres projets font encore l'objet d'itérations entre, d'une part, les équipes de la direction de l'immobilier de l'État et, de l'autre, les porteurs.

Par ailleurs, à l'instar des années précédentes, aucune évolution n'étant intervenue sur ce point, les indicateurs de performance du programme ne sont pas suffisants pour permettre aux rapporteurs spéciaux et, plus généralement, aux observateurs extérieurs de se rendre compte de l'avancée réelle des projets et de leur efficacité .

En effet, les indicateurs montrent seulement les économies d'énergie et de surface attendues, sans précision sur les progrès accomplis sur ces deux points, ainsi que le coût du kWh/EP économisé (prévision à 7,1 euros). Ces trois indicateurs sont fixés à partir des données transmises par les porteurs de projets et les résultats seront constatés une fois les travaux achevés, il n'y a donc pas de mesure en cours de projets ou de processus permettant d'actualiser ces prévisions d'une année sur l'autre.

De plus, les rapporteurs spéciaux relèvent que ce n'est pas le programme 348 qui a été choisi pour porter le plan de rénovation thermique des bâtiments publics souhaité par le Gouvernement , mais le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Dans ce cadre, l'action 01 « Rénovation thermique » est dotée de près de six milliards d'euros, dont quatre milliards d'euros pour les bâtiments publics . 300 millions d'euros seraient octroyés aux régions et un milliard d'euros serait à la main des préfets pour les bâtiments des collectivités locales. Il resterait ainsi 2,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État, dont plus de la moitié pour les établissements publics de l'enseignement supérieur . Ils ont chacun fait l'objet d'un appel d'offre séparé, entre le 7 septembre et le 8 octobre 2020.

Les candidatures reçues portent sur un montant de plus de huit milliards d'euros. Plus que du succès que de la démarche proposée, ce montant témoigne de l'urgence à engager un programme ambitieux de rénovation thermique, dans lequel l'État se montrerait exemplaire. Les administrations font état de besoins très importants. Les projets seront sélectionnés d'ici au 30 novembre 2020 selon le processus de labellisation habituel : les projets inférieurs à cinq millions d'euros (huit millions d'euros en Ile-de-France) seront présentés en Conférence régionale de l'immobilier public, réunie sous l'égide du préfet, tandis que les projets dont le coût est supérieur à ces seuils seront présentés devant la Conférence nationale de l'immobilier public, réunie en formation spécifique « Plan de relance ». En parallèle des performances et des gains énergétiques permis par le projet, un critère de sélection sera primordial : la maturité des projets, c'est-à-dire leur capacité à être engagés rapidement, à être notifiés d'ici la fin de l'année 2021 voire avant et à produire, pour certains d'entre eux, leurs effets sur l'économie dès l'année 2021 . Les rapporteurs spéciaux relèvent en effet qu'au regard des délais, très longs, de contractualisation pour les opérations structurantes du programme 348, ce critère de sélection est très important si l'on souhaite qu'une partie des projets sélectionnés sur le programme 362 agisse vraiment en soutien à la relance.

B. LE FONDS POUR LA TRANSFORMATION DE L'ACTION PUBLIQUE : UN MANQUE DE LISIBILITÉ SUR SES EFFETS

Le Fonds pour la transformation de l'action publique (programme 349) permet de cofinancer, à l'issue d'un appel à projets, les réformes porteuses d'économies à moyen-terme en supportant le surcoût temporaire que peut représenter une telle réforme dans sa phase initiale. L'objectif est qu'un euro engagé entraine un euro d'économie au bout de trois ans 63 ( * ) . Ce programme traduit l'une des préconisations de Jean Pisani-Ferry dans le rapport qui a préfiguré le Grand plan d'investissement, l'initiative 20 recommandant en effet de créer un fonds pour la transformation de l'action publique.

Deux appels à projets ont lieu chaque année, y compris en 2020 64 ( * ) , ce qui représente aujourd'hui 81 projets lauréats 65 ( * ) . Les derniers projets sélectionnés incluent la mise en place d'une identité numérique sécurisée pour faciliter les démarches administratives dématérialisées (27,7 millions d'euros), la refonte des systèmes d'information de la politique agricole commune (28,8 millions d'euros) ou la mise en oeuvre du bracelet anti-rapprochement pour lutter contre les violences conjugales et les féminicides (8,7 millions d'euros) ou encore la refonte du fichier des comptes bancaires et assimilés (7,8 millions d'euros).

Afin d'encourager les projets portés par des acteurs des territoires, une première enveloppe de 34 millions d'euros au total sur 2019-2020 a été allouée aux préfets et les seuils d'éligibilité ont été abaissés, pour eux, de 500 000 à 200 000 euros. Le comité de pilotage du Fonds pour la transformation de l'action publique a décidé au mois de juin 2020 de mettre à disposition des préfets une enveloppe complémentaire de 27,9 millions d'euros , contre six millions d'euros au mois de juillet 2019, ce dont les rapporteurs spéciaux se félicitent.

En 2021, 50 millions d'euros en AE seront ouverts sur le compte, ce qui correspond à la dernière tranche de l'enveloppe totale de 700 millions d'euros allouée au programme . Là-encore, les 700 millions d'euros promis sont loin d'avoir été traduits en crédits de paiement. Le plafond de crédits de paiement pour 2021 est ainsi attendu à 158,7 millions d'euros . Des retards importants ont été pris en termes de contractualisation, chaque service bénéficiaire devant signer un contrat de transformation. Les indicateurs de performance du programme témoignent de ces difficultés : le délai d'instruction moyen du projet est attendu à 60 jours en 2021 (71 jours en 2019, si on exclut la révision pour 2020 à 98 jours du fait de la crise sanitaire) et, en 2019, seuls 34 % des lauréats ont signé leur contrat l'année de leur sélection. L'objectif de 75 % en 2021 semble donc difficile à atteindre.

Les informations dont disposent les rapporteurs spéciaux sur l'exécution en cours d'année des fonds alloués au programme 349 pour 2020 sont encore plus inquiétantes . Le niveau de consommation resterait limité. Au 30 juin 2020, la consommation s'élevait ainsi à 8,2 millions d'euros en AE et 12,3 millions d'euros en CP, un niveau bien inférieur à la prévision annuelle (200 millions d'euros en AE et 205,61 millions d'euros en CP en LFI 2020). Cela se traduit, dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, par l'annulation de près de 128 millions d'euros en crédits de paiement.

L'ensemble des programmes de la mission « Transformation et fonction publiques » visent à donner une traduction budgétaire au processus de réforme des politiques publiques initié par le Gouvernement sous le terme « Action publique 2022 ». Selon le rapport du Comité, il s'agissait de conjuguer trois objectifs d'apparence contradictoire : transformer l'administration, renouveler le service public, faire des économies substantielles. Les rapporteurs spéciaux estiment que ces belles ambitions se sont rapidement heurtées au principe de réalité. Même le principe d'un euro investi pour un euro économisé a été partiellement aménagé pour soutenir des projets innovants par les administrations qui n'auraient pas eu les moyens de le faire en interne mais qui n'atteignent pas tout à fait ce seuil . Globalement toutefois, la présence de certains projets plus performants permet un retour sur investissement estimé entre 1,3 et 1,4 euros .

C. LE PROGRAMME « INNOVATION ET TRANSFORMATION NUMÉRIQUES » : DES CRÉDITS LIMITÉS, DES INTERROGATIONS SUR SES OBJECTIFS

Le programme 352 portait initialement le fonds pour l'accélération des start-ups d'État, sa nouvelle dénomination indique que son champ d'action s'est accru, ce qui ne se traduit pourtant pas dans les crédits ouverts sur le programme , avec certes une hausse des AE de 15,2 % mais une chute des CP de 5,4 %. Il porte deux types de dépenses : des dépenses de personnel pour cofinancer le recrutement de compétences rares et spécialisées dans le numérique ainsi que d'entrepreneurs d'intérêt général (trois millions d'euros), et des dépenses de fonctionnement , pour le financement des start-ups d'État (7,6 millions d'euros). Un point de satisfaction sur ce programme provient de son adaptation au contexte de crise sanitaire : si les partenariats avec les administrations ont été ralentis du fait de la crise, il y a eu un recentrage du programme sur les produits permettant de participer à la gestion de crise . Toutefois, les rapporteurs spéciaux notent que sur ce point encore, il est difficile de bien percevoir ce que fait ce fonds. Les documents budgétaires parlent de « problèmes investigués » ou « de produits lancés » mais sans davantage de précision.

Le programme doit inciter les administrations à investir dans des initiatives innovantes portées par des agents publics pour résoudre des problèmes de politique publique . Trois objectifs ont guidé la création de ce fonds par la loi de finances pour 2019 : (1) soutenir des projets avec une forte dimension de risque ; (2) promouvoir l'innovation dans le secteur public, mais également dans les méthodes de travail des agents, inspirées de celles des start-ups d'État, avec une équipe autonome ; (3) encourager les agents publics à devenir des « intrapreneurs ». L'octroi des financements fonctionne également par appel à projet.

S ur ce programme encore, les rapporteurs spéciaux notent le décalage entre les prévisions budgétaires et les ambitions affichées par les responsables de programmes . Alors que la mission s'inscrit, en conjonction avec le ministère, dans un rôle de fonction support à la numérisation de l'État, cette priorité ne se trouve que peu traduite dans les crédits de la mission . Elle est en réalité éclatée sur plusieurs dizaines de programme, ainsi que sur le plan de relance. Ils s'interrogent sur la capacité d'une direction interministérielle comme la Dinum à pouvoir, dans ce contexte, avoir un réel pouvoir d'influence sur les choix opérés par les ministères et les administrations. La crise sanitaire a sans aucun doute renforcé et mis en exergue les marges de progrès que l'État doit encore combler : hors Éducation nationale, environ 55 % des agents pourraient accomplir partiellement ou totalement leurs activités en télétravail, à condition que le réseau interministériel le supporte et qu'ils disposent tous du matériel nécessaire, aucun de ces deux points n'étant à ce jour pleinement garanti...

Ces trois fonds, sur une mission pourtant dédiée à la transformation de l'action publique et à la numérisation, semblent par conséquent être insuffisants . Le ministère de la transformation et de la fonction publiques, par l'intermédiaire de la Dinum bénéficiera d'une enveloppe de 178,2 millions d'euros en CP (499 millions d'euros en CP) sur la mission « Plan de relance » pour accroître la numérisation de l'État. Sur ces crédits, 83,3 millions d'euros en CP (208 millions d'euros en AE) seront alloués au « sac à dos numérique de l'agent public » afin de moderniser les postes de travail et 94,9 millions d'euros en CP (291 millions d'euros en AE) seront octroyés au soutien à l'innovation et à la transformation numériques de l'État et des administrations territoriales.

Cette sous-action semble assez proche des objectifs portés par le programme « Innovation et transformation numériques », voire des objectifs de la mission « Transformation et fonction publiques » elle-même. Le rapprochement est particulièrement flagrant au regard de la description qui en est faite dans le projet annuel de performance de la mission « Plan de relance » : « seront privilégiées les démarches d'innovation numérique, ainsi que les projets mettant les leviers de transformation numérique au profit de l'amélioration de la relation entre les citoyens et l'État, d'une action publique plus efficace ou encore de la montée en compétence numérique des agents publics ». Les rapporteurs spéciaux regrettent à nouveau la multiplication des outils de transformation de l'État, qui nuisent grandement à la lisibilité budgétaire des crédits alloués à ces objectifs ainsi qu'au suivi de leur efficacité .

III. LA FONCTION PUBLIQUE : DES CRÉDITS MAÎTRISÉS, UN RATTACHEMENT QUI DOIT DONNER UNE NOUVELLE IMPULSION À LA TRANSFORMATION DES ADMINISTRATIONS

L'un des sept axes de transformation retenus dans le plan de transformation ministériel de ce qui constituait alors le ministre de l'action et des comptes publics concerne la réforme de la fonction publique . Il se décline en sept chantiers, dont le premier trouve sa traduction budgétaire dans le programme 351. Il s'agit de l'accompagnement dans sa dimension ressources humaines des restructurations : le fonds porté par le programme 351 entend justement accompagner les agents dans leur mobilité et reconversion. Il a été doté à son lancement de 50 millions d'euros.

Les autres chantiers relèvent davantage des règles régissant la fonction publique et ne correspondent donc pas à des crédits budgétaires précis. Il s'agit des chantiers suivants : « pour un dialogue social plus efficace », « vers plus d'individualisation de la rémunération », « recours étendu aux contractuels », « appliquer les 35 heures dans la fonction publique » et « améliorer et diversifier le recrutement dans la fonction publique ». Les rapporteurs spéciaux ont pu interroger la ministre de la transformation et de la fonction publiques sur ces objectifs (cf. infra ), beaucoup de sujets restant encore à traiter.

A. LE PROGRAMME 148 : DES MOYENS ENCORE INSUFFISANTS POUR FAIRE DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE L'ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE UNE VÉRITABLE DIRECTION INTERMINISTÉRIELLE DES RESSOURCES HUMAINES

1. Un programme, trois actions de poids inégal

Le programme 148 porte seulement une partie des crédits dédiés à la formation, à la mobilité ou aux prestations d'actions sociales à destination des agents publics , le poids de ces actions dans la mission étant inégal.

La répartition par action des crédits du programme 148 « Fonction publique »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Près d'un tiers des crédits sont alloués, via des subventions pour charges du secteur public, aux deux opérateurs de la mission que sont l'École nationale d'administration (ENA - 30,6 millions d'euros en 2021) et les cinq instituts régionaux d'administration (IRA - 40,05 millions d'euros). Le montant des subventions est identique entre 2020 et 2021 et le coût complet d'un élève de l'ENA (83 708 euros pour 2021) et de l'IRA (45 050 euros) se stabiliserait en 2021, après plusieurs années de hausse. Cette maîtrise des coûts traduit les effets des réformes adoptées ces deux dernières années en matière de durée et d'organisation de la scolarité, l'ENA ayant par ailleurs réduit sa masse salariale, ce qu'elle continue de faire en 2021 (le schéma d'emplois du personnel permanent de l'École est attendu à - 4 ETP).

La hausse très conséquente des crédits du programme (+ 6,93 % en AE et + 3,54 % en CP) provient principalement de l'action 2, dédiée aux prestations d'action sociale interministérielle (garde d'enfants, places en crèche, chèques vacances, etc.), qui connait une hausse de 9,3 % en AE et de 4,2 % en CP en 2021, pour atteindre respectivement 136,65 millions d'euros et 130,31 millions d'euros. Contrairement à l'année 2020, où la hausse des crédits provenait exclusivement de la refonte du « CESU garde d'enfant de 0 à 6 ans », la hausse des crédits constatée en 2021 s'explique à la fois par la poursuite des effets de la réforme du CESU et par la montée en charge des dépenses d'investissement au titre des prestations d'action sociale collectives (+ 33 %), du fait du programme de remise aux normes et de rénovation des restaurants inter-administrations.

2. Malgré les ambitions affichées et un renforcement de ses prérogatives, les crédits ouverts sont insuffisants pour faire de la direction générale de l'administration et de la fonction publique une véritable direction interministérielle des ressources humaines

Un troisième aspect du programme 148 est consacré à un triptyque « ressources humaines » : l'innovation RH, l'amélioration des conditions de travail ainsi que les systèmes d'information pour les ressources humaines (SIRH). La fonction « Appui et Innovation RH » est principalement portée par trois fonds : le fonds d'innovation RH, destiné à soutenir l'innovation en matière RH dans la fonction publique d'État, sur la base d'appels à projets (1 million d'euros) ; le fonds interministériel d'amélioration des conditions de travail, qui vise à cofinancer des projets soumis par les employeurs afin d'améliorer les conditions de travail de leurs employés (1,1 million d'euros) ; le fonds des systèmes d'information RH (1,3 million d'euros). Les crédits de cette action, bien que faibles, sont très dynamiques. Si la hausse de 25,31 % (de 4,6 à 5,7 millions d'euros) constatée entre 2019 et 2020 provenait en grande partie de la création d'un quatrième fonds dédié à l'égalité professionnelle (1 million d'euros), la hausse de 23,8 % attendue en 2021 s'explique par une dotation de 2,6 millions d'euros (AE=CP) au financement de programmes d'études et de recherche et d'actions de communication, ainsi que le financement de dépenses informatiques. Parmi les projets financés se trouvent la Place de l'emploi public ou encore la rénovation du répertoire interministériel des métiers de l'État.

Si le rôle de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) s'est renforcé ces dernières années, il n'en demeure pas moins que cette direction ne constitue pas encore la grande direction des ressources humaines de l'État, même si son rôle se renforce. Elle est notamment chargée de la traduction opérationnelle des réformes introduites par la loi du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique . Il s'agit en priorité de la modernisation du statut et de la finalisation de l'ensemble des textes d'application. Le montant des crédits alloués à la DGAFP lui permet sans doute de jouer un rôle d'impulsion ou de soutien mais les réformes structurelles sont mises en place par l'intermédiaire des secrétariats généraux des ministères et des administrations, tandis que les projets innovants ou les réformes structurelles sont financés par le biais d'autres fonds et vecteurs budgétaires. Comme elle l'indique dans les documents budgétaires, la DGAFP doit concevoir son rôle au-delà du seul programme 148.

Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, Mme de Montchalin a ainsi souligné que la structure des emplois publics était en cours de modification, avec un flux entrant de contractuels bien plus dynamique qu'auparavant . Cette tendance provient en partie d'une modification du recrutement, davantage appuyé sur la conduite de projets que sur le statut, ce dont les rapporteurs spéciaux se félicitent, à condition que cela ne concoure pas une hausse non maîtrisée de la masse salariale de l'État.

Toutefois, cette tendance s'explique également par ce que la ministre a désigné comme une « raison subie » : la division par deux du nombre de candidats aux concours de la fonction publique . Pour les rapporteurs spéciaux, ce constat doit inciter à une révision des modalités de recrutement et de concours. Ils attendent toujours la traduction concrète des recommandations du rapport de M. Frédéric Thiriez sur la haute fonction publique. Si les rapporteurs spéciaux sont loin d'en soutenir toutes les recommandations, ils estiment à tout le moins que certains des constats dressés (par exemple sur le statut ou sur la linéarité des carrières) méritent des mesures rapides et concrètes.

Au-delà du recrutement, les rapporteurs spéciaux considèrent que les réflexions sur la rémunération des fonctionnaires doivent être poursuivies , par exemple la convergence des régimes indemnitaires, que ce soit entre ministères ou entre services centraux et déconcentrés. Ils souhaitent également qu'aboutissent rapidement les textes d'application de la loi pour la transformation de la fonction publique , dont ils ont souligné l'importance dans les actions des administrations et des ministères. Un peu moins de 10 % des décrets d'application sont encore manquants.

B. LE FONDS D'ACCOMPAGNEMENT INTERMINISTÉRIEL RH : DES PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT À CORRIGER

Le Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines (FAIRH) vise à cofinancer des actions en matière de ressources humaines lors de la mise en oeuvre des plans de transformation ministériels . Cinq critères déterminent l'éligibilité des projets : la solidité du dossier et la gouvernance du projet ; la cohérence avec les enjeux de transformation ministérielle ; l'impact chiffré des actions d'accompagnement envisagées ; le montage financier du projet ; l'impact sur les effectifs et sur la masse salariale. L'objectif est de faire bénéficier 25 000 agents de mesures d'accompagnement cofinancées d'ici 2023, que ce soit par le biais de dispositifs indemnitaires ou de dispositifs d'accompagnement .

Les délais d'instruction des projets apparaissent maîtrisés en 2020 (environ 50 jours), malgré la crise sanitaire, mais là-encore, ce sont les difficultés en termes d'exécution des crédits qui sont les plus frappantes. La prévision du taux de consommation effective des plafonds de cofinancement est fixée à 75 %.

En plus du problème de sous-consommation des crédits 66 ( * ) , qui frappe quasiment tous les programmes de la mission, le programme 351 se distingue par les contournements budgétaires qui ont dû être opérés pour effectivement allouer ses crédits aux projets sélectionnés .

En effet, le programme est fortement contraint par les principes de la gestion publique. 80 % de ses crédits relèvent du titre 2 « dépenses de personnel », alors même que le programme ne porte aucun emploi. Pour cofinancer les projets sélectionnés, il doit donc procéder par décret de virement, à destination du programme porteur du projet, mais dans la limite d'un plafond maximal correspondant à 2 % des crédits ouverts sur le titre 2 sur le programme récipiendaire du transfert. En 2019, la DGFiP (programme 156) a rapidement dépassé ce plafond et la direction du budget a dû se livrer à une contorsion budgétaire surprenante : lever une partie de la réserve de précaution du programme 156 à hauteur du montant alloué par le programme 351 aux projets de la DGFiP et annuler à due proportion les crédits du programme 351, en loi de finances rectificative pour 2019. Il sera fait de même en 2020. En 2021, le changement de périmètre ministériel de la DGAFP, qui relèvera désormais du ministère de la transformation et de la fonction publiques permettra de lever cette difficulté.

Alors que le programme 148 « Fonction publique » est maintenant attaché à la mission « Transformation et fonction publiques », les rapporteurs spéciaux estiment qu'il serait à la fois plus simple et plus lisible d'octroyer les crédits du programme 351 directement à l'action 03 du programme 148, à vocation interministérielle et également gérée par la DGAFP . L'ensemble des fonds d'appui à l'innovation RH serait ainsi regroupé au même endroit. À défaut de résoudre le problème de leur fragmentation, cela permettrait à tout le moins d'en faciliter le suivi.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

I. SUR LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES »

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du rapporteur spécial de la commission des finances, un amendement du Gouvernement n° II-3022 majorant de 102 000 euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local ».

Cet amendement tire les conséquences de l'adoption de l'article 54 duodecies , qui ouvre aux ordonnateurs des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics sociaux et médico-sociaux un accès dématérialisé aux référentiels fiscaux de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette majoration de crédits doit permettre la mise en oeuvre opérationnelle de cet accès par interface de programmation applicative (API) en 2021.

II. SUR LA MISSION « TRANSFORMATION ET FONCTION PUBLIQUES »

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du rapporteur spécial de la commission des finances, un amendement du Gouvernement n° II-1773 transférant 9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7 millions d'euros en crédits de paiement du programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel Ressources humaines » au programme 148 « Fonction publique » .

Ce transfert est destiné à financer, sur le programme 148, qui porte les dispositifs en faveur de la diversité dans la fonction publique , le doublement de l'allocation pour la diversité dans la fonction publique et l'ouverture de 1 000 places supplémentaires dans les classes préparatoires intégrées aux écoles de service public pour la rentrée 2021 . Ces classes préparent aux concours du service public et sont ouvertes à certains jeunes, sous condition d'éligibilité (700 places aujourd'hui). Les étudiants reçoivent une allocation pour la diversité de 2 000 euros et bénéficient d'un accompagnement renforcé, par le biais d'un système de tutorat. Le coût de formation représente 6 500 euros par élève.

Le coût complet de l'ouverture de places supplémentaires (6,5 millions d'euros) et du doublement de l'allocation (4 millions d'euros) est donc estimé à 10,5 millions d'euros en année pleine (AE=CP), ramené à 8 millions d'euros en AE et 6 millions d'euros en CP en 2021 . À ces crédits s'ajoute 1 million d'euros (AE=CP) pour la promotion du dispositif , qui demeure encore méconnu.

Cette mesure avait été présentée aux rapporteurs spéciaux par la ministre de la transformation et de la fonction publique lors de son audition. S'ils y sont favorables, ils relèvent toutefois que les crédits sont prélevés, sans « compensation », sur le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel Ressources humaines », un fonds dont ils critiquent dans leur rapport budgétaire la sous-consommation des crédits . Il semble donc que le Gouvernement ait bien conscience du décalage qui existe entre le volume des crédits demandés au Parlement et le volume des crédits qu'il est effectivement prévu de consommer.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 54 undecies (nouveau)

Ouverture d'un droit d'accès au Ficoba pour les agents de l'Agence
de services et de paiement

Le présent article autorise les agents de l'Agence de services et de paiement (ASP) à accéder au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). Ce fichier liste l'ensemble des comptes bancaires de toute nature ouverts en France et des coffres forts loués (article 1649 A du code général des impôts). Il réunit également les informations relatives aux opérations d'ouverture, de modification et de clôture d'un compte. Cet accès doit permettre à l'ASP, qui gère de plus en plus de dispositifs, dont l'activité partielle, de limiter les risques de versement au mauvais bénéficiaire et de mieux lutter contre la fraude.

Les rapporteurs spéciaux y sont favorables, sous réserve d'une modification visant à mieux encadrer les conditions de désignation des agents habilités à accéder à ces informations. La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ACCÈS AU FICHIER FICOBA A ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDU À DIVERS ADMINISTRATIONS ET ORGANISMES

A. LE RESPECT DU SECRET FISCAL ET L'ACCÈS AUX DONNÉES DÉTENUES PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

La direction générale des finances publiques (DGFiP) est tenue au respect du secret fiscal , défini à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales : « l'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts ».

Toutefois, elle est déliée de cette obligation dans certains cas limitativement énumérés par la loi, notamment dans le cadre des échanges d'informations avec certaines administrations, autorités administratives, collectivités, services et organismes publics, pour les seules informations nécessaires à l'exercice de leurs missions respectives .

Chacun de ces dispositifs d'échange d'informations dispose d'une base juridique propre, voire de plusieurs . Ces dispositions, adaptées par le législateur au cas par cas et de manière progressive , présentent des modalités hétérogènes. Les échanges peuvent ainsi être, selon les cas :

- à la demande, spontanés ou automatiques , sous forme d'accès directe à certaines bases de données ;

- limités à certaines missions limitativement énumérées des administrations et entités concernées, ou prévus pour l'ensemble de leurs missions respectives ;

- réciproques ou à sens unique .

En revanche, les garanties qui s'attachent à la protection des données personnelles ainsi qu'au secret fiscal, médical ou encore de la défense nationale relèvent de dispositions législatives ou constitutionnelles de portée générale. Les éventuelles dérogations, qui sont rares, doivent être expressément prévues par la loi.

L'Agence de services et de paiement (ASP) fait partie des personnes avec lesquelles la DGFiP peut échanger des informations fiscales . Aux termes de l'article L. 119 du livre des procédures fiscales, elle peut en effet avoir accès, à sa demande, aux informations nominatives nécessaires à l'instruction des demandes d'indemnités compensatoires de handicaps naturels , dans le cadre du soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), selon des modalités fixées par décret.

Les dispositifs d'accès aux informations détenues par la DGFiP sont essentiellement prévus par le livre des procédures fiscales .

Personnes publiques avec lesquelles la DGFiP réalise
des échanges d'informations fiscales
(articles L. 115 à L. 135 ZI du livre des procédures fiscales)

- le Défenseur des droits ;

- la direction générale de la concurrence et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;

- l'Autorité de la concurrence ;

- la direction générale des finances publiques (DGFiP) elle-même, dans le cadre des échanges avec d'autres services internes ;

- l'Agence de services de paiement ;

- les commissaires du Gouvernement auprès d'un conseil de l'ordre des experts-comptables ;

- le ministère du logement ;

- l'observatoire nominatif des logements indignes et des locaux impropres à l'habitation ;

- les services municipaux chargés du logement ;

- les agents de l'État chargés de la constatation, de la poursuite et de la répression de certaines infractions ;

- la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ;

- Pôle Emploi ;

- la cellule de renseignement financier Tracfin ;

- l'Autorité des marchés financiers (AMF) ;

- les chambres de commerce et d'industrie (CCI) ;

- les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) ;

- la Banque de France ;

- les agences de l'eau ;

- les services de renseignement ;

- l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) ;

- les officiers de police judiciaire et la gendarmerie nationale ;

- le ministère des transports ;

- la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ;

- l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Source : commission des finances

B. FICOBA, UN FICHIER UTILE À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE, DONT L'ACCÈS A ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDU

Ficoba fait partie des quatre applications 68 ( * ) de la DGFiP contenant des données susceptibles d'être particulièrement utiles à des tiers dans le cadre de la lutte contre la fraude et de l'amélioration du recouvrement.

1. Le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba)

Aux termes de l' article 1649 A du code général des impôts (CGI), toute personne qui reçoit en dépôt des valeurs mobilières, titres ou fonds doit déclarer à l'administration des impôts l'ouverture et la clôture des comptes de toute nature ainsi que la location de coffres forts . Les administrations publiques, les établissements ou organismes soumis au contrôle de l'autorisé administrative et les établissements financiers et de crédits sont également visés par cette obligation pour leurs opérations avec des résidents français. L'article impose par ailleurs aux personnes physiques, associations ou sociétés n'ayant pas la forme commerciale de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger .

Le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) 69 ( * ) liste ainsi tous les comptes bancaires ouverts en France, en indiquant les opérations d'ouverture, de modification ou de clôture de ces comptes. Il réunit les informations suivantes :

- le nom et l'adresse de la banque qui gère le compte ;

- l'identité du ou des titulaires ;

- les caractéristiques dites essentielles du compte (numéro, type de compte) ;

- la date et la nature de l'opération déclarée.

Ce fichier est actualisé par les banques : sa constitution ne nécessite donc pas l'intervention des personnes visées, qui n'ont par conséquent pas non plus la possibilité de s'opposer à l'inscription de leurs comptes dans Ficoba.

Il existe deux types d'accès au fichier :

- le premier concerne le titulaire du compte, son curateur (tuteur) ou son héritier. Il n'a accès qu'à ses propres comptes. Les demandes d'accès aux informations sur l'état civil doivent être adressées au service des impôts de rattachement, celles sur les comptes bancaires à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, celles sur les comptes d'une personne décédée au centre national de traitement FBFV. Les titulaires ou héritiers disposent alors d'un droit de rectification, exerçable auprès du centre des impôts du lieu de résidence du requérant ;

- le second concerne l'accès ouvert à d'autres personnes ou organismes pour l'exercice de leurs missions , tels que l'administration fiscale, les Douanes, les agents de l'Autorité des marchés financiers, les agents de Tracfin, les officiers de police judiciaire, certains juges, les notaires en charge d'une succession, les huissiers ou encore les agents, sous conditions, de la Caisse d'allocations familiales (CAF).

2. L'extension de l'accès des administrations et des organismes au Ficoba

L'accès au Ficoba est en effet octroyé par voie législative et les modalités d'habilitation et de désignation des agents par voie règlementaire . Les modifications les plus récentes sont intervenues en loi de finances initiale pour 2016 70 ( * ) , avec l'ouverture d'un accès aux officiers de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie nationale mais également aux agents des douanes et des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires pour les besoins de l'accomplissement de leur mission, ainsi qu'en 2018, avec la loi relative à la lutte contre la fraude 71 ( * ) .

La liste exhaustive des personnes et organismes, autres que les titulaires et héritiers, ayant accès au Ficoba, est défini à l'article 3 de l'arrêté du 14 juin 1982 , modifié le plus récemment par un arrêté du 26 octobre 2020 72 ( * ) . Y ont été ajoutés, en vertu des articles L. 135 ZK et L. 135 ZJ du livre des procédures fiscales (LPF), introduits dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la fraude 73 ( * ) :

- les agents de contrôle de l'inspection du travail ;

- les agents des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et de la caisse de la mutualité sociale agricole (MSA), pour les seules missions relatives à la lutte contre le travail illégal et à la lutte contre la fraude aux prestations sociales ;

- les agents spécialisés détachés de la DGFiP affectés au sein des juridictions 74 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE EXTENSION DE L'ACCÈS AU FICOBA POUR LES AGENTS DE L'AGENCE DE SERVICES ET DE PAIEMENT

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue députée Cendra Motin, adopté avec un avis favorable du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Alexandre Holroyd, et du Gouvernement. Il complète l'article L. 119 du livre des procédures fiscales afin de donner accès aux agents de l'Agence de services et de paiement (ASP) au Ficoba .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ÉLARGISSEMENT DE L'ACCÈS À FICOBA À SOUTENIR, SOUS RÉSERVE D'UN MEILLEUR ENCADREMENT

A. UN ÉLARGISSEMENT DU DROIT D'ACCÈS AU FICOBA À SOUTENIR...

Le présent article prévoit de renforcer l'accès aux informations utiles à l'accomplissement des missions de contrôle et de versement des prestations des agents de l'Agence de services et de paiement (ASP), en leur donnant accès au fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). Les rapporteurs spéciaux y sont favorables sur le fond, au regard des missions exercées par l'ASP .

L'ASP est un établissement public administratif, placé sous la tutelle des ministères de l'agriculture et de l'alimentation et du travail, qui verse plus de 200 aides publiques européennes, nationales et locales à 18 millions de bénéficiaires, dans de nombreux domaines (agriculture, travail, chèque énergie). Relèvent de ses missions le traitement des demandes d'aides et le contrôle de leur attribution, ainsi que le paiement des bénéficiaires (plus de sept millions d'opérations de paiement pour un montant total de 19 milliards d'euros en 2019 et 100 000 opérations de recouvrement). Elle s'appuie pour cela sur un dispositif de lutte anti-fraude, sur une inspection générale et sur un service d'audit interne.

Elle exerce ses activités pour le compte de nombreux ministères, collectivités territoriales et établissements publics. Elle est notamment en charge du versement des aides de la politique agricole commune (PAC), ainsi que de l'activité partielle 75 ( * ) , dispositif particulièrement mobilisé dans le contexte de crise sanitaire et économique actuel et autour duquel la commission des finances a souligné à plusieurs reprises le risque de fraude .

La plupart des dispositifs dont l'ASP est chargée font l'objet de démarches en ligne , y compris la déclaration des coordonnées bancaires, avec un risque avéré d'erreurs ou de fraudes . Par exemple, une personne peut déposer une demande au nom d'une entreprise éligible, mais substituer ses coordonnées bancaires à celles de l'entreprise, puis ensuite transférer les fonds vers des comptes à l'étranger, rendant quasiment impossible leur récupération. L'accès au Ficoba doit donc permettre aux agents de l'ASP de réduire ces risques sur un grand nombre de demandes, sans passer par une demande au cas par cas des données auprès de la DGFiP.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, l'étude d'impact de l'article 3 précisait notamment que l'identification des comptes bancaires en France pouvait constituer « un indice particulièrement intéressant dans une enquête visant à démontrer que l'entité du prestataire étranger est économiquement organisée et dirigée sur le sol national. Une recherche FICOBA est en outre une clé d'entrée habituelle pour mettre en évidence un montage frauduleux complexe en identifiant les comptes détenus par les personnes physiques et morales qui interviennent dans ce montage, ce qui permet par la suite de retracer les flux financiers, l'organisation économique réelle au-delà des apparences contractuelles. » Le fichier FICOBA peut également servir à obtenir l'adresse d'un employeur ou encore à distinguer un gérant de fait du gérant apparent.

B. ... SOUS RÉSERVE D'UN ENCADREMENT SIMILAIRE À CELUI PRÉVU POUR LE DROIT D'ACCÈS DES AUTRES ADMINISTRATIONS ET ORGANISMES

Si les rapporteurs spéciaux sont favorables au dispositif prévu au présent article, qui s'inscrit dans la continuité d'extensions précédentes, ils souhaitent néanmoins prévoir des garanties similaires à celles retenues dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la fraude .

En effet, les dispositions législatives qui donnent accès au Ficoba aux agents de certains organismes ou administrations précisent le plus souvent le besoin auquel répond cet accès 76 ( * ) et renvoient systématiquement à un décret la définition des conditions dans lesquelles ces agents sont habilités à accéder au fichier et les données auxquelles ils peuvent accéder. Ce décret définit notamment les autorités pouvant habiliter les agents à accéder aux fichiers, le caractère individuel de l'habilitation ainsi que l'autorité responsable de la traçabilité des consultations.

Identifier l'objectif de l'extension de l'accès au fichier et renvoyer à un décret permettent de strictement encadrer l'accès à ces données sensibles et de garantir un équilibre entre, d'une part, la confidentialité des données et, d'autre part, la lutte contre la fraude et l'efficacité du recouvrement et du versement des prestations . Il doit donc être préservé . Aucune de ces deux précautions n'ayant été inscrite dans le présent dispositif, les rapporteurs spéciaux proposent un amendement II-18, afin de retenir une rédaction identique à celle qui existe déjà dans le livre des procédures fiscales, avec l'objectif premier que l'application de ce dispositif ne soulève pas de problème d'ordre juridique .

L'amendement précise l'objectif de l'accès au fichier, renvoie à un décret et prévoit clairement que les agents de l'ASP ayant accès au Ficoba soient dûment habilités et individuellement désignés à cet effet. Il ne modifie donc pas la finalité poursuivie par le présent article, il en ajuste simplement la rédaction pour assurer un même niveau de protection aux détenteurs de comptes, ainsi qu'un encadrement similaire des conditions d'accès au fichier entre les divers organismes et administrations.

Décision de la commission : la commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 54 duodecies (nouveau)

Ouverture d'un droit d'accès des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics sociaux et médico-sociaux aux référentiels de la direction générale
des finances publiques

Le présent article autorise les collectivités territoriales, les établissements publics qui leur sont rattachés ainsi que les établissements publics sociaux et
médico-sociaux à obtenir communication des éléments d'identification de leurs débiteurs, afin d'améliorer le recouvrement des créances qui leur sont dues.

D'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, la présentation du dispositif étant peu claire, cette demande d'accès vise les référentiels fiscaux tenus par la direction générale des finances publiques (DGFiP), soit le référentiel d'identification des personnes physiques et morales et le référentiel des occurrences fiscales. Ces données sont couvertes par le secret fiscal, leur transmission nécessite donc une autorisation législative.

L'article précise que l'accès à ces données doit permettre d'améliorer les procédures de recouvrement, en identifiant correctement les redevables. Il renvoie également à un décret le soin de préciser le champ des informations pouvant être transmises. L'un des objectifs poursuivis serait de mettre en oeuvre l'espace numérique sécurisé unifié, qui permet à un même contribuable de voir l'ensemble des créances dont il est redevable, que ce soit auprès de la DGFiP, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public social
ou médico-social.

Dans la lignée de l'amendement proposé à l'article 54 undecies , les rapporteurs spéciaux ont souhaité mieux encadrer les conditions de désignation des agents habilités à accéder à ces informations, en ajoutant que le décret doit également définir ces modalités d'habilitation. La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DROIT DE COMMUNICATION ET L'ACCÈS AUX INFORMATIONS DÉTENUES PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES ONT ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDUS

Les rapporteurs spéciaux invitent à se référer au commentaire de l'article 54 undecie s ( cf. supra ) pour une description détaillée des règles relatives au secret fiscal et à l'accès à certains fichiers de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

La DGFiP met également en oeuvre certains référentiels , dont le référentiel d'identification des personnes physiques et morales (PERS) et le référentiel des occurrences fiscales (OCFI), qui contiennent des données couvertes par le secret fiscal . Le PERS attribue un identifiant unique à toutes les personnes physiques et morales et permet la gestion fiscale de plus de 38 millions de foyers fiscaux et de près de quatre millions de contribuables professionnels. L'OCFI gère quant à lui l'ensemble des obligations fiscales d'un usager.

Par ailleurs, les articles L. 81 à L. 84 du livre des procédures fiscales (LPF) prévoient une série de droits de communication de l'administration fiscale , pour l'exercice de ses missions, à l'égard d'administrations, d'entreprises publiques, d'établissements ou d'organismes administratifs. Ce droit de communication concerne principalement l'administration fiscale. Lorsque ces droits de communication sont réciproques, ils constituent une base juridique « générale » pour les échanges d'informations entre les administrations concernées. Par exemple, l'article L. 83 A du LPF permet les échanges réciproques entre la DGFiP, la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; l'article L. 83 D fait de même pour la DGFiP et l'Agence nationale de l'habitat.

Le 8 de l'article 1617-5 du code général des impôts (CGI), qui a trait aux dispositions applicables aux comptables des collectivités territoriales , dispose que ces derniers, dans leur mission de recouvrement, ne peuvent pas se voir opposer le secret professionnel lors de leur demande de communication des informations et renseignements nécessaires à l'exercice de leur mission. Ils disposent donc d'un droit de communication auprès des collectivités territoriales, de leurs établissements publics locaux, des administrations et des entreprises publiques, des établissements et des organismes de sécurité sociale. Les informations et les renseignements pouvant être communiqués sont toutefois strictement définis (état civil, domiciliation des débiteurs, de leurs employeurs et des organismes auprès desquels ils détiennent des fonds et valeurs, immatriculation du véhicule).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : OUVRIR UN DROIT DE COMMUNICATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, À LEURS ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL POUR AMÉLIORER LEURS PROCESSUS DE RECOUVREMENT

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale avec un avis personnel favorable du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Alexandre Holroyd.

Il complète le II de la section II du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, « Dérogations au profit de certaines administrations, autorités administratives, collectivités, services et organismes publics », d'un article L. 135 ZN afin de permettre aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux établissements publics sociaux et médico-sociaux d'obtenir communication des éléments d'identification de leurs débiteurs .

La formulation proposée ouvre ainsi un droit de communication de ces informations aux collectivités et établissements publics visés, afin de contribuer à l'exercice de leurs missions, notamment en matière de recouvrement . Ainsi, d'après les informations transmises par la secrétaire d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable, Mme Olivia Grégoire, lors de l'examen de cet amendement 77 ( * ) , les ordonnateurs des entités visées par le dispositif bénéficieraient d'un accès dématérialisé aux référentiels fiscaux de la direction générale des finances publiques .

Un décret doit venir préciser les modalités d'application du présent article, ainsi que la nature des informations transmises.

L'adoption de cet article s'est accompagnée de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de crédit majorant de 102 000 euros les crédits du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques » , afin de permettre la mise en oeuvre d'une interface de programmation applicative (API) pour permettre cet accès dématérialisé. Cette API doit permettre de simplifier et de sécuriser l'exercice d'émission du titre de recettes par les ordonnateurs.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE DISPOSITIF PRÉSENTÉ DOIT PERMETTRE D'AMÉLIORER LE RECOUVREMENT ET DE SIMPLIFIER L'ACCÈS DES CONTRIBUABLES AUX CRÉANCES DONT ILS SONT REDEVABLES

Les rapporteurs spéciaux partagent les objectifs du présent article :

- améliorer la qualité des titres de recettes des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics des secteurs social et médico-social. Mieux identifier les débiteurs permettra ensuite d'améliorer le recouvrement de ces créances, en évitant les incidents, les délais et les erreurs d'imputation. En effet, toute erreur sur l'identification précise du débiteur (nom, prénom, adresse complète) entache d'irrégularité le titre, qui peut donc être contesté par le redevable ;

- offrir aux contribuables un nouveau service en leur permettant (enfin) d'avoir accès, sur un même espace, à l'ensemble des créances dont ils sont redevables, via l'espace numérique sécurisé unifié (ENSU) sur le site internet de la DGFiP. La mise en place de l'ENSU, qui n'est pas directement prévue par le présent dispositif, ne relève en effet pas du domaine législatif.

Les rapporteurs spéciaux ont regretté manque de précisions apportées par le Gouvernement sur le présent article, sur ses objectifs et sur les informations visées. Toutefois, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux par l'administration, les référentiels visés par le présent article sont le PERS et l'OCFI . Or, une partie de ces données sont couvertes par le secret fiscal, ce qui justifie l'adoption d'une mesure législative pour en ouvrir l'accès aux ordonnateurs des collectivités, de leurs établissements publics et des établissements publics du secteur social et médico-social. Les dispositions prévues à l'article L. 1617-5 ne sont en effet pas suffisantes pour octroyer un tel droit de communication et lever le secret fiscal.

Les données seront transmises par le biais d'une interface de programmation applicative , un dispositif technique qui, d'après les informations des rapporteurs spéciaux, ne permettra qu'aux agents dûment habilités de disposer des données nécessaires à la fiabilisation de l'identité des redevables. Le dispositif devrait ainsi exiger des entités concernées la mise en place de dispositifs de traçabilité des consultations et de contrôle interne.

Au regard des objectifs poursuivis en matière de recouvrement, les rapporteurs spéciaux soutiennent ce dispositif, à la condition que le décret prévoit également de définir les modalités selon lesquelles les agents des collectivités et des établissements visés seraient habilités à accéder aux informations ainsi transmises . Ils ont présenté un amendement en ce sens (II-19). La rédaction du présent article serait ainsi similaire à celle retenue dans le cadre de l'élargissement du droit d'accès de divers organismes et administrations à certains fichiers de la DGFiP ( cf. supra ).

Décision de la commission : la commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 54 terdecies (nouveau)

Demande de rapport sur la mise en place d'une gouvernance dédiée à la politique de responsabilité sociale et environnementale de l'État
en matière d'achats publics

Le présent article demande au Gouvernement de remettre au Parlement avant le 1 er juin 2021 un rapport évaluant l'opportunité de la mise en place d'une gouvernance dédiée à la politique de responsabilité sociale et environnementale de l'État en matière d'achats publics durables. Sur le fond, les rapporteurs spéciaux relèvent que des travaux sont en cours sur le sujet et que la direction des achats de l'État doit intégrer des objectifs environnementaux et durables dans sa stratégie d'achats. Il n'est donc pas certain qu'un rapport apporte davantage d'informations sur ce sujet. Sur la forme, ils relèvent que cet article pourrait s'apparenter à un cavalier législatif. La commission des finances propose donc de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 1 er du décret du 3 mars 2016 78 ( * ) crée la direction des achats de l'État (DAE), placée auprès du ministre chargé du budget. Elle est chargée de définir la politique des achats de l'État, à l'exception des marchés publics de défense ou de sécurité. L'article 2 du décret précise que la DAE doit s'assurer que les achats de l'État, des établissements publics et des organismes concernés « respectent les objectifs de développement durable et de développement social ». Un arrêté 79 ( * ) est venu préciser que la DAE comprenait une sous-direction « politique et stratégies achat » , chargée du pilotage des stratégies interministérielles d'achat et d'un rôle de conseil achats auprès de ses interlocuteurs.

Par ailleurs, lors de son audition, la secrétaire générale du ministère de l'économie, des finances et de la relance a présenté aux rapporteurs spéciaux le plan « Bercy vert » , qui a pour objectif de répondre à la circulaire du Premier ministre sur les administrations écoresponsables 80 ( * ) . D'autres ministères devraient adopter des plans similaires puisque, parmi les 20 engagements prioritaires identifiés par la circulaire, plusieurs concernent la DAE et la politique des achats de l'État. Une section, intitulée « L'État s'engage en faveur d'achats plus responsables », est ainsi spécifiquement dédiée à ce thème . Les mesures suivantes font partie des engagements inscrits dans la circulaire :

- l'État s'engage à accélérer l'installation de bornes de recharge pour véhicules électriques et à s'assurer qu'au moins 50 % des véhicules de service et de fonction acquis par les services de l'État et de ses établissements publics soient des véhicules électriques ou hybrides rechargeables ;

- l'État s'engage à ne plus acheter de plastique à usage unique ;

- dès janvier 2021, lors du renouvellement de ses marchés, l'État intégrera dans ses appels d'offres des dispositions prenant en compte le risque de déforestation ;

- l'État s'engage à utiliser du papier bureautique recyclé ;

- l'État, dès juillet 2020, met en oeuvre les objectifs d'approvisionnement en produits de qualité et durables (au moins 50 % dont au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique) dans ses services de restauration collective.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR LA POLITIQUE DES ACHATS DE L'ÉTAT

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue députée Stéphanie Kerbarh, adopté avec un avis défavorable du rapporteur spécial de la commission des finances et un avis de sagesse du Gouvernement.

Il demande au Gouvernement de remettre au Parlement, d'ici le 1 er juin 2021, un rapport évaluant l'opportunité de la mise en place d'une gouvernance dédiée à la politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE) de l'État en matière d'achats publics durables . L'objet de l'amendement précise que ce rapport doit également explorer l'opportunité de créer un poste de directeur RSE de l'État en charge de la commande publique et placé sous l'autorité du Premier ministre.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DEMANDE DE RAPPORT PEU JUSTIFIÉE

La demande de rapport prévue au présent article paraît peu justifiée .

Sur le fond, d'abord , la demande semble largement satisfaite par des dispositifs ou travaux existants. Le plan « achats » confié à la direction des achats de l'État (DAE) pour la période 2020-2023 intègre une partie des préoccupations exprimées dans le présent dispositif sur les achats durables. Il est d'ailleurs bien précisé dans le décret ayant conduit à la création de la DAE que cette dernière doit tenir compte dans la politique des achats de l'État des objectifs de développement durable et social.

Le « budget vert », introduit par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de finances, a également vocation à intégrer cette dimension de l'action de l'État et à en retracer les objectifs et les résultats. Notre collègue députée Cendra Motin a par ailleurs précisé en séance 81 ( * ) , lors de l'examen de cet article, qu'une mission avait été confiée sur ce même sujet au député Didier Baichère et à Thibaud Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises. Ils sont notamment chargés de rédiger un rapport sur les clauses susceptibles de rendre les contrats plus responsables, qu'ils soient passés par les entreprises ou par l'État.

Certes, l'État doit se montrer exemplaire en matière de responsabilisation des achats, mais il est peu probable, au regard de l'ensemble des dispositions déjà prises en la matière, que cette demande de rapport y contribue .

Sur la forme, ensuite , les rapporteurs spéciaux craignent par ailleurs que cet article ne s'apparente à un cavalier budgétaire. Dans son considérant de principe, le Conseil constitutionnel considère que « quel que puisse être l'intérêt de la production par le Gouvernement de rapports sur des politiques publiques, seuls peuvent être prévus par une loi de finances, en vertu de cette loi organique, des rapports susceptibles d'améliorer l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. » 82 ( * )

Le Conseil constitutionnel opère donc une distinction entre les demandes de rapport concernant les politiques publiques et les demandes concernant l'information et le contrôle sur la gestion des finances publiques. Pour les rapporteurs spéciaux, la demande de rapport prévue au présent article semble davantage relever de la première catégorie et présente donc le risque d'être jugé irrecevable par le Conseil .

Les rapporteurs spéciaux proposent de supprimer cet article.

Décision de la commission : la commission propose de supprimer cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 10 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de MM. Albéric de Montgolfier et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis », « Transformation et fonction publiques ».

M. Claude Raynal , président . - Nous passons maintenant à l'examen des rapports sur les missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis », « Transformation et fonction publiques » et sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Je commencerai par la mission « Crédits non répartis », qui n'appelle que deux brèves remarques de ma part. Ses deux dotations sont prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La première, la « dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles » bénéficie de la même ouverture de crédits depuis 2018, soit 124 millions d'euros. Il faut néanmoins rappeler qu'elle avait servi de réserve de budgétisation massive au début de la crise sanitaire, avec une augmentation de plus de 1,5 milliard d'euros votée dans la deuxième loi de finances rectificative (LFR) pour 2020. Cette réserve a permis d'abonder différentes missions par voie réglementaire pour des dépenses urgentes, dans l'attente d'un autre projet de loi de finances rectificative (PLFR). Notre commission s'est montrée attentive à ce que de telles dépenses soient bien liées à la crise sanitaire, et que le Parlement soit par ailleurs bien informé avant que les décrets de répartition ne soient publiés, ce qui fut le cas.

La seconde dotation, qui concerne la « provision relative aux rémunérations publiques », fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, afin de financer trois mesures : le versement de la prime de fidélisation en Seine-Saint-Denis ; le déploiement du forfait mobilité durable dans la fonction publique d'État ; ainsi que des revalorisations indemnitaires, décidées lors du rendez-vous salarial de la fonction publique d'il y a trois mois.

La ventilation des crédits entre ces trois mesures n'est pas précisée par les documents budgétaires. Pour nous, c'est un manque de transparence, alors que cette dotation atteint un montant exceptionnellement élevé : près de 200 millions d'euros en 2021, contre 26 millions d'euros en 2020 ! Il faut espérer que le Gouvernement les répartisse au cours du débat en séance. Malgré ces réserves, nous vous proposerons l'adoption des crédits de cette mission - un rejet ayant peu de signification.

J'en viens maintenant à la mission « Gestion des finances publiques », la plus importante budgétairement. Elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau du ministère de l'économie, des finances et de la relance, c'est-à-dire la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Elle porte également les crédits du secrétariat général du ministère et d'une pluralité de structures comme la direction du budget ou Tracfin.

Le périmètre de la mission est modifié dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, puisqu'elle perd le programme 148 « Fonction publique » rattaché à la mission « Transformation et fonction publiques ». Même retraités de cette mesure de périmètre, les crédits de la mission baissent entre les lois de finances pour 2020 et pour 2021 : de 1,11 % pour les autorisations d'engagement (AE) et de 1,28 % pour les crédits de paiement (CP). La mission continue donc de contribuer aux efforts de rationalisation de la dépense publique, certes bien rares dans ce PLF. Au total, ses crédits s'élèvent à environ 10 milliards d'euros.

La diminution des crédits provient principalement des dépenses de personnel, qui représentent 80 % des crédits de la mission. Ces dépenses diminueront de 1,42 % en 2021, du fait d'un schéma d'emplois négatif, attendu à -2 033 équivalents temps plein (ETP), dont -1 800 pour la DGFiP.

Les administrations de la mission ont été particulièrement mobilisées durant la crise sanitaire, je pense notamment à la DGFiP. La direction a dû continuer d'assurer ses missions traditionnelles essentielles, comme la gestion fiscale locale et nationale, tout en assumant de nouvelles missions. On lui a ainsi confié la gestion du fonds de solidarité, et elle a mené un travail de veille sur les entreprises, les collectivités locales et les hôpitaux.

Le secrétariat général du ministère a, quant à lui, joué un rôle de coordination très important, puisqu'il a, d'une part, coordonné les plans de continuité d'activité (PCA) des directions du ministère, et, d'autre part, coordonné le travail de la cellule de continuité économique.

Pour la DGDDI, les effets sont un peu plus particuliers et doivent être étudiés sous l'angle du Brexit. La crise sanitaire a conduit à une chute brutale du volume des échanges et des trafics, aériens comme routiers. Les effectifs ont dû être redéployés, de la même façon que les 600 ETP recrutés pour faire face au Brexit avaient dû être réaffectés après son report d'un an. Alors que le rétablissement de la frontière entre la France et le Royaume-Uni approche, les échanges moindres devraient rendre la période de transition plus facile pour la douane, qui craint beaucoup moins le risque d'embouteillages dans ces nouvelles conditions. Elle a même demandé à reporter en 2021 le recrutement des 100 derniers ETP qui devaient compléter ses effectifs face au Brexit. La direction craint en effet de les recruter pour rien, et qu'ils soient en surnuméraire.

Nous avons constaté, y compris durant nos auditions, que les crédits de la mission et de ces directions sont en réalité moins affectés par la crise sanitaire et économique que par les processus de transformation entamés par ces administrations bien avant la crise. Ces processus n'ont pas été reportés et la crise a même renforcé la nécessité de certains d'entre eux. Ils sont inscrits dans le plan de transformation ministériel publié en juin 2020 et sont suivis avec attention par le secrétariat général. Nous allons vous en présenter six.

Le premier concerne la réorganisation territoriale de la DGFiP et de la DGDDI, un sujet que nous abordons régulièrement à la commission. La DGFiP poursuit la mise en place de son nouveau « réseau de proximité », qui comprend trois axes. Le premier est la mise en place d'un réseau de 1 200 conseillers aux décideurs locaux d'ici à 2022 ; le deuxième est l'augmentation des points de contact de la DGFiP sur le territoire, par le biais d'une contractualisation avec les collectivités ; le troisième est la délocalisation de services des métropoles vers les villes moyennes. Les cinquante premières villes ont été choisies et les déménagements devraient avoir lieu entre 2021 et 2024. Pour la DGDDI, sa réorganisation tient compte des effets du Brexit, elle bascule ses emprises de l'est et du sud de la France vers les Hauts-de-France, avec l'ouverture de nouveaux bureaux et brigades.

Le second sujet concerne le transfert de la gestion du recouvrement de certaines taxes et impositions de la douane vers la DGFiP. Cette réforme doit s'accompagner de gains de productivité et d'efficacité. Deux millions d'euros sont en parallèle affectés à la création d'un portail unique de recouvrement fiscal et social pour les entreprises, un projet qui a pris du retard. Ce transfert impose aussi à la Douane de réfléchir à ce qui constitue son « coeur de métier », et nous soutenons son recentrage sur ses missions stratégiques : le contrôle des flux passagers et marchandises.

Le troisième enjeu concerne la gestion des ressources humaines, essentielle quand on se rappelle que la DGFiP et la DGDDI comptent à elles deux près de 117 000 emplois - environ 100 000 pour la DGFiP et 17 000 pour les douanes. Les transformations en cours appellent à la révision des règles de mobilité ou de rémunération. Des dispositifs d'accompagnement sont mis en place et pourraient s'avérer coûteux, mais nous manquons d'informations sur ce sujet, ce qui est regrettable. Je souligne par ailleurs que nous avons consacré un développement particulier à la gestion des ressources humaines par la DGDDI après un rapport de la Cour des comptes plutôt accablant sur ce point. La directrice a elle-même reconnu que le régime indemnitaire était assez catastrophique et l'a qualifié de « stratification indemnitaire ». Les règles de temps de travail ne sont pas non plus respectées dans toutes les branches, avec soit une durée de travail bien inférieure à la règle, soit bien supérieure, ce qui conduit certains personnels à avoir des centaines de jours à récupérer ! Heureusement, des réformes sont en cours.

Le quatrième processus de transformation concerne le recours accru aux nouvelles techniques d'analyse de données pour améliorer les résultats du contrôle fiscal. Le recours à ces techniques doit également permettre de détecter les cas de fraude les plus complexes. Comme je le rappelais avec notre ancien collègue Thierry Carcenac dans notre rapport d'information sur le contrôle fiscal, on manque encore d'indicateurs précis sur ce point.

Mon collègue Albéric de Montgolfier va évoquer les deux derniers processus de transformation en cours ainsi que la mission « Transformation et fonction publiques ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Il y a quelques années, nous avions commis, avec mon collègue Philippe Dallier, un rapport d'information sur cette mission, dans lequel nous évoquions la fraude à la TVA. Celle-ci demeure encore aujourd'hui un enjeu considérable pour les deux directions, et nous sommes encore loin d'atteindre nos objectifs. C'est d'autant plus important que le commerce électronique explose aujourd'hui, avec la crise sanitaire et le confinement, et vient concurrencer les commerces de proximité. Or, l'inspection générale des finances (IGF) avait rappelé que 98 % des vendeurs sur les plateformes internet n'étaient pas immatriculés à la TVA. De même, nous attendons toujours la traduction opérationnelle de certaines dispositions législatives votées par le Parlement, comme le principe de responsabilité solidaire des plateformes ou la concrétisation de la facturation électronique. Par ailleurs, avec la fin de l'exonération pour les envois dits de « valeur négligeable », la DGDDI nous a confirmé qu'elle s'attendait à voir exploser le fret aérien. En effet, jusqu'à maintenant, tous les envois de moins de vingt-deux euros étaient exonérés de TVA. La suppression de cette règle conduit à l'explosion du nombre de déclarations, que la DGDDI ne sera pas en mesure de contrôler. S'ajoute à cela l'impossibilité d'ouverture des commerces physiques avec le confinement et donc le report sur le commerce électronique. Ces flux sont donc sans commune mesure avec ceux d'il y a quelques années. On peut ainsi regretter l'absence de mise en priorité de la lutte contre la fraude sur la TVA. Les techniques de datamining ne seront pas suffisantes, les directions doivent aussi se doter de nouveaux moyens matériels, comme des scanners, qu'elle n'a cependant pas obtenus, malgré ses efforts, sur le plan de relance.

Le cinquième sujet que nous souhaitions aborder est celui du pilotage par les directions du ministère de leurs projets informatiques. Notre commission avait demandé un rapport à la Cour des comptes sur cette question, sur le périmètre État. Nous constatons des dépassements de délais et des coûts encore trop importants, qui traduisent un défaut de gouvernance.

Le sixième axe de transformation concerne la dématérialisation des administrations et des procédures administratives. Même si celle-ci peut offrir des gains de productivité aux administrations et une simplification pour les usagers, elle ne doit pas se faire au détriment de ces derniers, et donc il faut maintenir un accueil physique et téléphonique de qualité. Tous ne peuvent pas réaliser leurs démarches sur internet, notamment parce qu'ils n'ont pas accès au numérique. Il est assez scandaleux de voir que le numéro d'aide proposé est parfois surtaxé. On nous a dit que les numéros surtaxés prendraient fin au 1 er janvier 2021, mais encore faut-il qu'ils donnent vraiment accès à un interlocuteur, ce qui n'est pas toujours le cas.

Cette réflexion me conduit naturellement vers la mission « Transformation et fonction publiques ». Cette mission correspond en réalité à la mission « Action et transformation publiques », créée en 2018. Elle a été renommée pour le PLF 2021, avec le rattachement du programme 148 « Fonction publique ». Elle se compose donc désormais de cinq programmes à vocation interministérielle, qui concernent des sujets aussi variés que la rénovation des cités administratives de l'État, les ressources humaines ou encore les start-up d'État. On ne peut qu'être dubitatifs sur les résultats de cette mission, et ce pour plusieurs raisons.

La première, c'est la consommation des crédits. En 2021, ces derniers augmenteraient de 14 % à périmètre constant et avoisineraient les 500 millions d'euros, ce qui laisse supposer une montée en charge de la mission. Toutefois, cela fait deux ans que nous constatons chaque année de fortes sous-consommations, et cela ne devrait pas changer en 2020, puisque près de 75 % des crédits sont annulés dans le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4). Autant dire que cette mission relève plutôt de l'affichage que de la réalité. C'est pour cette raison que nous vous proposerons, avec Claude Nougein, un amendement d'appel annulant 75 % des crédits des trois programmes, qui connaissent chaque année des sous-exécutions allant de 80 % à 90 %. Il est temps que le Gouvernement nous donne des explications plus convaincantes quant à la non-consommation des crédits.

La seconde raison tient à la capacité des administrations à engager tous les crédits mis à leur disposition. Les annulations pour 2020 ne tiennent pas seulement à la crise sanitaire : elles s'expliquent aussi par les retards de contractualisation et par un décalage entre les besoins anticipés des porteurs de projets et leurs besoins réels. Après trois ans, on aurait pu penser que ces problèmes aient été résolus.

Nous nous sommes enfin intéressés au changement de périmètre de la mission ; nous avons auditionné la ministre de la transformation et de la fonction publiques Amélie de Montchalin. Son ministère exerce maintenant la tutelle sur trois directions transversales : la direction interministérielle de la transformation publique, la direction générale de l'administration et de la fonction publique et la direction interministérielle du numérique. La ministre nous a dit ne pas être la ministre de la fonction publique, mais celle de la « qualité des services publics ». Si nous saluons cet objectif, nous sommes plutôt réservés sur la capacité des programmes de la mission à concourir à cet objectif. Les chantiers du ministère en matière de dématérialisation et de réforme de la fonction publique sont par ailleurs considérables et avancent plutôt lentement. Sur la fonction publique, le Gouvernement a rapidement abandonné ses objectifs de rationalisation, même sur les ministères non régaliens. Le ministère doit également finir de traduire toutes les dispositions de la loi de transformation de la fonction publique, y compris sur le télétravail en période « ordinaire ».

Je présenterai maintenant rapidement le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Globalement, il y a peu de changements : pour être très clair, je considère que l'État n'a pas de politique immobilière. Celle-ci souffre toujours du manque d'une gouvernance solide et d'un manque de compétences. Au 31 décembre 2019, la surface totale des bâtiments de l'État était en effet de 96,8 millions de mètres carrés, pour une valeur comptable estimée à 65,7 milliards d'euros. Force est de reconnaître que la connaissance du parc s'est améliorée, sauf pour les opérateurs, qui sont très en retard sur ce point. Cela est très inquiétant.

Le CAS est supposé servir de vecteur budgétaire pour financer des opérations immobilières structurantes et des dépenses d'entretien lourd. On peut toutefois se féliciter du fait que les dépenses d'entretien soient sanctuarisées, même si leur montant, qui s'élève à 160 millions d'euros, peut sembler faible. L'entretien est essentiel pour éviter que les biens non utilisés de l'État continuent de se dégrader.

Les recettes et les dépenses du CAS connaissent une baisse tendancielle, même si l'année 2019 a constitué une exception pour les cessions, du fait de la vente de deux biens exceptionnels, dont l'îlot Saint-Germain, ayant représenté 70 % de ses recettes. En 2021, les produits de cession sont attendus à 280 millions d'euros, un point bas, et les redevances domaniales à 90 millions d'euros. Les dépenses sont, elles, estimées à 275 millions d'euros. Résultat, la politique immobilière de l'État est fragmentée : le CAS ne représente que 15 % des dépenses d'investissement de l'État en matière immobilière et environ 4 % à 7 % du total des crédits qui sont consacrés à l'immobilier.

Selon la direction de l'immobilier de l'État, il est encore trop tôt pour avoir une estimation des effets de la crise sanitaire sur les recettes et les dépenses du CAS. Les redevances domaniales devraient largement dépasser la prévision révisée : elles s'élevaient déjà à 96 millions d'euros fin octobre. En revanche, les produits de cessions seraient faibles en 2021, en raison des effets conjugués de la conjoncture, ou encore de la difficulté de trouver des acheteurs. Si la prévision révisée pour 2020 était de 220 millions d'euros, les produits encaissés fin octobre s'élevaient seulement à 126 millions d'euros.

Marginalisé, le CAS est aussi contourné dans ses règles mêmes de fonctionnement. Les produits de cessions sont en principe répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le compte d'affectation spéciale, mais ce n'est pas toujours le cas. D'autres bénéficient par ailleurs d'avances sur cession, comme le ministère de la défense, de l'Europe et des affaires étrangères, ou encore la présidence de la République.

Le CAS ne suffit donc plus pour porter les grands projets de l'État dans le domaine immobilier : la rénovation des cités administratives est portée par le programme 348 de la mission « Transformation et fonction publiques » et la rénovation thermique des bâtiments publics fait l'objet d'une action dans le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». L'enveloppe allouée aux bâtiments publics serait de 4 milliards d'euros, dont 2,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État, soit bien plus que le CAS n'est en l'état actuel capable de mobiliser.

Il faut donc s'interroger sur la réforme du CAS et de ses principes de fonctionnement. Deux objectifs doivent être plus particulièrement poursuivis : le premier est la diversification des modes de valorisation des biens non utilisés par l'État. Les cessions sont de plus en plus dépendantes de biens « exceptionnels », et cette contrainte pèse sur le solde du CAS, extrêmement sensible à la conjoncture. Les modes de valorisation du parc doivent donc être diversifiés. Le second objectif est de faire participer le parc immobilier de l'État à l'effort en faveur de la transition écologique. Les progrès réalisés sur ce point demeurent cependant bien difficiles à suivre.

Nous sommes donc très loin de l'objectif de transformation de la gestion immobilière de l'État. Néanmoins, nous vous proposerons l'adoption des crédits de l'ensemble des missions et du compte d'affectation spéciale, en raison de la conjoncture très particulière dans laquelle nous nous trouvons cette année. La DGFiP a, par exemple, montré une très grande réactivité sur le versement du fond de solidarité même si l'on peut regretter qu'un certain nombre d'objectifs aient été oubliés, parmi lesquels la lutte contre la fraude à la TVA. Cette question n'est pas simplement un problème de recettes publiques, mais aussi une question morale et d'équité de traitement, notamment entre les commerçants et le e-commerce.

Enfin, je vous précise que, sur la mission « Gestion des finances publiques », les articles 54 undecies , 54 duodecies et 54 terdecies , ainsi qu'un amendement de crédit tirant les conséquences de ces articles ont été adoptés hier après-midi à l'Assemblée nationale. Compte tenu de leur vote tardif, nous n'avons pas encore eu le temps nécessaire pour les expertiser et nous vous présenteront notre analyse le 19 novembre, lors de l'examen définitif des missions et articles rattachés.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Vous avez mentionné l'intérêt porté à la qualité des services publics par la ministre de la transformation et de la fonction publiques. Un certain nombre de citoyens regrettent parfois les conditions d'accès et la qualité des services publics en raison de leur éloignement. Comment ce sujet est-il suivi par ce ministère, et quel est votre point de vue sur le développement du « tout numérique » ?

Comment la fraude peut-elle survenir dans le cadre des dispositifs de réponse à la crise que constituent le fonds de solidarité et l'indemnisation du chômage partiel ? La DGFiP s'est-elle organisée pour les intégrer, et si oui, de quelle manière ?

Lors du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3), nous avions adopté un dispositif visant à annuler les redevances domaniales pour les occupants du domaine public de l'État dans les secteurs touchés par la crise, parmi lesquels la restauration, le tourisme et l'hébergement. Avez-vous des statistiques démontrant que le dossier est suivi et que cette politique est mise en oeuvre ?

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Dans le recours aux dispositifs de réponse à la crise, la fraude est un enjeu. Un certain nombre de sociétés dites « éphémères » déclarent beaucoup de personnels et touchent ainsi de fortes indemnités de chômage partiel. Mais elles disparaissent ensuite rapidement, ce qui les rend impossibles à contrôler ! Il en est de même pour le fonds de solidarité, où les outils du datamining ont été mobilisés pour détecter a priori les cas de « fraude manifeste », et pas forcément les plus complexes. Cela nécessite de nouvelles adaptations, qui demanderont un gros travail dans les semaines et les mois à venir, y compris pour des contrôles a posteriori . Il est évident que la fraude sera significative.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Nous avions déjà eu ce débat durant l'un des derniers PLFR, notamment sur le chômage partiel : nous nous demandions pourquoi quasiment seul un numéro de système d'identification du répertoire des établissements (Siret) était demandé. La philosophie retenue par l'administration a été la volonté d'aller vite, ce qui peut être soutenu, dans un contexte de crise et dans lequel une partie des agents était également en télétravail. Il en résulte un traitement des demandes de fonds de solidarité ou de chômage partiel quasi automatisé, avec des contrôles assez sommaires. Si l'administration ne s'interdit pas des vérifications a posteriori , elle a reconnu ne procéder qu'à très peu de contrôles a priori , et les dispositifs de soutien sont accordés très largement.

Le numérique satisfait indéniablement une grande partie des usagers, mais cela ne suffit pas : certaines personnes âgées ont des difficultés à accéder à ces services, d'autres encore ne disposent pas d'une bonne connexion internet. Et même avec une bonne connexion, le système de traitement par des outils numériques ne permet pas toujours de répondre à la question posée. Aussi, un certain nombre de dossiers nécessitent un contact personnel spécifique, qu'il soit physique ou téléphonique. C'est là que le bât blesse. Par ailleurs, lorsqu'on observe les statistiques, la DGFiP a diminué ses effectifs sur le terrain en fermant des trésoreries, mais pas dans les administrations centrales, en tout cas pas dans la même ampleur. Si le Gouvernement a annoncé que toutes les créations de postes à partir de 2021 se feraient sur le territoire, dans la réalité, il semble qu'il y ait toujours autant de monde dans les couloirs de Bercy. Cela explique en partie l'insatisfaction de nos concitoyens sur le terrain, qui voient le taux de prélèvement obligatoire toujours aussi élevé, tout en ayant l'impression que les services publics ont disparu. C'est peut-être dans ce cadre qu'on oublie le service à l'usager, et le « tout numérique » n'est pas à même d'y répondre complètement.

Sur les redevances domaniales, la direction de l'immobilier de l'État (DIE) nous a indiqué ne pas encore être en mesure de fournir une estimation sur les effets de l'annulation partielle des redevances domaniales dues par les occupants du domaine public de l'État, mais ils seront modérés, seuls 20 % du domaine public de l'État environ est occupé par des établissements visés par la disposition adoptée en LFR 3. La DIE nous a également expliqué qu'il y avait des remises au cas par cas, par exemple pour les concessionnaires des équipements touristiques. Le produit de ces redevances s'élève à 96 millions d'euros à la fin du mois d'octobre 2020, contre 90 millions d'euros espérés sur l'année. C'est une ressource dynamique, en hausse depuis plusieurs années.

Les difficultés ont en réalité concerné les cessions, car la conjoncture n'a pas été bonne. On ne vend pas chaque année l'îlot Saint-Germain !

M. Antoine Lefèvre . - La réorganisation des directions des finances publiques a largement mobilisé les départements. La mise en place des conseillers aux décideurs locaux a été évoquée : un premier bilan du déploiement dans les intercommunalités a-t-il été dressé ? Quelles sont les modalités de la prise en charge de ces fonctionnaires ? Je doute que les présidents d'intercommunalités aient manifesté un grand enthousiasme pour les accueillir dans leurs locaux...

M. Marc Laménie . - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour leur analyse. On constate, année après année, une diminution des effectifs de la DGFiP et la suppression de trésoreries dans nos territoires. Combien restera-t-il de trésoreries par département au final ?

Cette restructuration est-elle vraiment bénéfique ? Les trésoreries sont les interlocuteurs des élus de proximité.

Les rapports de la Cour des comptes mentionnés par les rapporteurs spéciaux ont-ils été suivis d'effets ?

Quelles mesures sont prises pour limiter la lutte contre la fraude à la TVA ?

M. Éric Bocquet . - En juillet 2020, un rapport d'information de Claude Nougein et Thierry Carcenac relevait que « le Parlement ne dispose pas d'informations suffisantes pour pouvoir apprécier la portée des résultats du contrôle fiscal ». La situation s'est-elle améliorée ?

M. Macron, lors de sa conférence de presse du 25 avril 2019, avait confié à la Cour des comptes le soin d'évaluer le chiffre de la fraude fiscale. Dans le rapport rendu en décembre 2019, celle-ci indiquait qu'elle n'avait pas les capacités pour mener cette mission dans un délai aussi court. La mission avait ensuite été confiée à l'Insee. Où en est ce travail ?

Google a fait un chèque de 1 milliard d'euros au fisc français. Un article du magazine Capital d'octobre 2019 avançait que le montant aurait dû être de 7 milliards d'euros. La forte diminution de l'addition aurait été justifiée par la « coopération » de l'entreprise avec la justice française. Le secret fiscal n'est peut-être pas opposable aux rapporteurs spéciaux : disposez-vous d'éléments sur la transaction qui a eu lieu entre le fisc français et Google ?

M. Vincent Delahaye . - Les questions d'Éric Bocquet me semblent très pertinentes.

Les rapporteurs spéciaux ont-ils pu obtenir des éléments concrets sur des améliorations permises par Action publique 2022 ? Pourquoi prévoir 500 millions d'euros à cet effet ? Une augmentation de 14 % me semble considérable, d'autant que les crédits sont sous-consommés. La mission « Transformation et fonction publiques » me laisse dubitatif. Je serai favorable à un amendement de forte réduction de ces crédits.

M. Michel Canevet . - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur travail.

Pour ma part, j'ai plutôt le sentiment qu'on assiste à une évolution assez forte des services de l'État. S'agissant des douanes et droits indirects, le recouvrement a été recentralisé au niveau de la DGFiP. L'absence de clarification des statuts des personnels a conduit à ce qu'une des responsables de cette direction a appelé une « stratification indemnitaire épouvantable ». Reste-t-il beaucoup de chemin à parcourir ?

Sur le terrain, j'ai également l'impression d'une grande évolution : des directions départementales interministérielles ont été créées, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) vont intégrer la cohésion sociale... Fallait-il garder la même organisation alors que les trésoreries ne reçoivent pratiquement plus de visiteurs, en raison notamment de la réforme de la taxe d'habitation ? La solution retenue n'est peut-être pas la meilleure, mais des efforts sont faits.

La direction de l'immobilier de l'État est-elle assez efficiente pour parvenir à une rationalisation optimale des bâtiments de l'État ?

S'agissant de la fonction publique, il y a beaucoup à faire ! Je rappelle que nous avons voté la loi de transformation de la fonction publique l'année dernière. Assiste-t-on une évolution des cadres d'emploi, rendue nécessaire par le regroupement de services sur le terrain ?

Lorsqu'on évoque le nombre de postes dans la fonction publique d'État, y intègre-t-on les CDD ou les contrats temporaires ? Leur nombre est-il significatif ?

M. Vincent Segouin . - L'impôt sur le revenu est désormais géré par les entreprises, qui font de la déclaration et du recouvrement. Le nombre de fonctionnaires de Bercy a-t-il diminué en proportion ?

Quand s'attaquera-t-on véritablement au problème récurrent de la fraude à la TVA, évaluée à 15 milliards d'euros ? On se triture les méninges chaque année pour trouver de nouvelles taxes : ne faudrait-il pas d'abord s'attaquer à ce sujet ?

M. Patrice Joly . - Je salue le travail des rapporteurs spéciaux. S'agissant de la réorganisation des services des finances publiques sur le terrain, je confirme les points de vue des rapporteurs. On recense trois types d'usagers : les collectivités locales, les entreprises, les ménages.

S'agissant des ménages, la présence sur le terrain avec les maisons de services au public et les possibilités d'accès à l'information sur internet ne sont pas suffisantes pour certaines catégories de personnes.

S'agissant des collectivités locales, je m'interroge sur la qualité du service rendu en matière de tenue des comptes et d'accompagnement des plus petites collectivités. Idem en matière de recouvrement des recettes : les voies de droit pour s'assurer du recouvrement des créances ne sont, par exemple, pas mises en oeuvre. Une présence plus faible sur le terrain engendre des gains pour l'État, mais des pertes, dont il serait intéressant d'avoir une évaluation précise, pour les collectivités locales.

Pour les petites entreprises, l'accompagnement fiscal n'est également plus le même qu'auparavant.

Mme Christine Lavarde . - Je pense que les rapporteurs spéciaux n'auront sûrement pas grand-chose à dire à propos d'Action publique 2022, car il ne se passe plus rien !

Je siège au Conseil de l'immobilier de l'État. J'entends avec grand intérêt les critiques qui sont émises sur la gestion immobilière : en effet, au bout de quelques années, je constate que ce sont toujours les mêmes reproches qui reviennent, notamment sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière. Le Conseil de l'immobilier de l'État pourrait peut-être être supprimé : aucune réunion, même en visioconférence, ne s'est tenue entre mars et septembre-octobre... Un certain nombre de parlementaires y siègent : j'observe que, si l'un des deux sénateurs est toujours là, sur les cinq députés n'est présent que le président.

J'ai du mal à comprendre l'articulation entre le Conseil de l'immobilier de l'État, la direction de l'immobilier de l'État et les directions de l'immobilier de chaque ministère. Tout le monde parle de la même chose, mais les choses ne bougent pas beaucoup...

M. Thierry Cozic . - Merci aux rapporteurs pour leur travail.

Je voudrais intervenir sur la mission « Gestion des finances publiques » au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER). Nous vivons une crise importante, et nous savons l'importance du rôle des fonctionnaires. Les coupes de budget et les baisses d'effectifs semblent être aujourd'hui des politiques difficilement conciliables avec la préservation d'un service public de proximité.

Depuis quinze ans, le nombre d'agents affectés à cette mission a diminué de 20 %. À cela s'ajoute la suppression de 1 800 équivalents temps plein annoncée par le Gouvernement. Ces agents sont essentiels pour l'accompagnement de nos concitoyens dans leurs démarches fiscales : la fracture numérique est certainement un concept très vague pour ceux qui font la « start-up nation », mais elle est pourtant bien réelle dans nos territoires.

Les agents de la DGFiP sont également des conseilleurs pour les collectivités territoriales et pour les petites entreprises. Les conseils fiscaux sont vitaux pour celles-ci, car elles n'ont pas toutes des pôles fiscalité en leur sein...

La dématérialisation ne résoudra pas tout et ne viendra pas compenser la suppression des 989 trésoreries et centres des finances publiques actée pour 2022.

Le groupe SER ne votera pas les crédits de cette mission.

M. Jean-Marie Mizzon . - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur travail. L'État a fort bien communiqué sur son initiative en matière de réorganisation du réseau des finances publiques dans les territoires : il a essayé de faire croire qu'il pouvait faire plus avec moins. Il a augmenté le nombre de points de contact, mais il s'agit d'une présence d'affichage. Cette réorganisation s'est par ailleurs accompagnée d'une baisse de qualité des prestations rendues par les agents des impôts en direction des collectivités locales : ils rendent des avis décontextualisés.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - La réorganisation de la DGFiP et la fermeture des trésoreries intéressent peut-être moins nos concitoyens que nos élus de proximité. Ceux qui ont parcouru l'été dernier leur département pour se faire élire ou, comme moi, réélire ont constaté que cette question était un sujet de préoccupation pour les maires des petites communes. Antoine Lefèvre, les conseillers aux décideurs locaux devraient être au nombre de 1 200 d'ici à 2022. Les trente premiers sont entrés en fonction au premier trimestre 2020, mais la crise sanitaire a retardé le processus...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - La crise a bon dos !

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Marc Laménie l'a souligné, on parlait d'une trésorerie par intercommunalité, puis d'une par arrondissement. Albéric de Montgolfier dit toujours que cela se terminera avec une par département... La baisse est inéluctable.

Nous avons du mal, Éric Bocquet, à obtenir des informations sur le contrôle fiscal. Avec Thierry Carcenac, nous avions fait un rapport d'information au printemps dernier sur la question. En 2019, le redressement fiscal s'est élevé à 11 milliards d'euros, contre 9 milliards d'euros en 2018. Je n'ai pas d'information sur le travail de l'Insee. Le contrôle fiscal est, semble-t-il, de plus en plus efficace grâce à de nouveaux instruments, comme le datamining , qui permettent de mieux cibler les contrôles mais il faut en améliorer les indicateurs de performance, notamment sur la fraude complexe ou la rentabilité. S'agissant du montant de la fraude fiscale, tout le monde a son chiffre ! Nombreux sont ceux qui confondent évasion fiscale et fraude fiscale.

En ce qui concerne les douanes, Michel Canevet, des progrès restent à faire en matière d'effectifs et d'indemnités. Il existe, par exemple, une indemnité de garde des chapiteaux d'alambic - elle concerne, certes, que peu d'agents ! - ou une indemnité de langue étrangère. La durée de temps de travail de certains agents est de 1 563 heures, alors qu'elle devrait être de 1 607 heures. Des primes de pénibilité sont accordées à l'ensemble d'un service sans tenir compte des fonctions réelles exercées. Il faut remettre de l'ordre dans ces primes obsolètes et injustes.

Sur les recettes, le rendement de l'impôt sur le revenu devrait être assez conforme aux prévisions en 2020, grâce à la stabilité des revenus garantie par les indemnités d'activité partielle. La TVA s'est effondrée au deuxième trimestre, mais est très fortement remontée au troisième trimestre. En revanche, l'impôt sur les sociétés sera très fortement impacté : les entreprises vont connaître des pertes énormes ou, dans le meilleur des cas, des baisses de bénéfices.

Les effectifs de la DGFiP qui étaient de l'ordre de 100 000 il y a deux ou trois ans s'élèvent maintenant à 97 000 et devraient baisser à 95 000. Le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d'habitation expliquent ce phénomène. Je rappelle que le Gouvernement avait l'intention de supprimer 50 000 emplois de fonctionnaires : cette année, la baisse devrait être de 157 - on est loin du compte ! La DGFiP devrait supprimer 4 900 postes entre 2020 et 2022 : cela « donne du mou » aux autres ministères pour augmenter leurs effectifs...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Je le répète, la fraude à la TVA est une question non pas seulement de recettes publiques, mais aussi de morale et d'équité. Les commerçants physiques, qui sont soumis à des impôts locaux et nationaux, sont concurrencés par des vendeurs d'e-commerce qui ne payent aucune taxe en France. La directrice des douanes nous a indiqué que les volumes de fret étaient en très forte augmentation depuis le confinement. Ses services seront dans l'incapacité de contrôler l'ensemble des déclarations en douane après la suppression des envois à valeur négligeable à compter du 1 er juillet 2021. Les administrations sont désarmées face à l'industrialisation du e-commerce.

Les chiffres des transactions fiscales peuvent paraître importants : ils représentent plusieurs années d'impôt. J'ai eu connaissance des éléments de la transaction avec Google lorsque j'étais rapporteur général. Je ne sais pas à quel montant l'administration aurait pu prétendre, mais celle-ci a toujours perdu ses contentieux devant les tribunaux administratifs et le Conseil d'État, faute de pouvoir prouver l'existence d'un établissement stable. La jurisprudence n'est pas favorable à l'administration fiscale et recourir aux conventions judiciaires d'intérêt public permet au moins de recouvrer une partie des sommes dues.

Concernant la fonction publique, quelques décrets sont encore en attente, Amélie de Montchalin l'a reconnu. Cela me conduit à évoquer le sujet de la transformation de l'action publique, pour répondre à Vincent Delahaye ou Christine Lavarde. Pourquoi les crédits de la mission ne sont-ils jamais consommés ? Notre amendement d'appel va nous aider à obtenir des réponses. Nous constatons une politique d'affichage, qui n'est d'ailleurs pas propre à ce Gouvernement. Souvenez-vous du programme de modernisation de l'action publique (MAP) : à chaque fois, il s'agit de décisions très technocratiques, avec des comités d'experts, et cela finit dans des archives sur des étagères. Il y a quelques années, la commission avait expertisé cette question. Dans tous les pays qui ont réussi leur transformation de l'action publique - je pense notamment à la Suède, à l'Allemagne, au Canada -, ces objectifs ont été portés au plus haut niveau. En France, nous ne sommes pas capables d'assumer les choses. Donc, pour obliger le Gouvernement à se prononcer sur le bien-fondé de cet objectif de transformation, nous allons proposer un amendement de réduction des crédits.

Dernier sujet, l'immobilier de l'État. J'ai siégé, à une époque, au Conseil de l'immobilier de l'État. En ce moment, le confinement a bon dos pour ne pas répondre à un certain nombre de questions. Quoi qu'il en soit, la conclusion à en tirer est connue : l'immobilier nécessite une professionnalisation. L'État est un piètre gestionnaire, notamment par rapport aux collectivités. L'exemple à suivre nous vient d'Allemagne, où une agence s'occupe de l'entretien des bâtiments en faisant payer les administrations.

Je me souviens également d'un rapport, il y a quelques années, avec Philippe Dallier, concernant l'immobilier et la justice. Nous nous étions aperçus que l'immobilier de certains tribunaux comme celui de la cour d'appel de Versailles étaient gérés par des magistrats délégués à l'équipement, qui n'avaient aucune compétence pour s'occuper de la gestion du chauffage, par exemple. Dans beaucoup d'administrations, c'est un fonctionnaire qui, en plus de son travail, va s'occuper de gérer les fluides, les problèmes de toiture et autres. Il serait temps d'avoir un vrai gestionnaire de la cité administrative, spécialiste de l'immobilier.

Pour répondre enfin à la question de Vincent Segouin, l'IGF a estimé que le gain lié à l'impact du prélèvement à la source pourrait être de 1 466 à 1 621 ETP ; de son côté, la DGFiP n'a fait aucun chiffrage.

La mission, je le conçois, est assez décevante cette année. En temps normal, nous aurions été sur une position plus réservée. Néanmoins, avec ce contexte très particulier, nous vous proposons l'adoption des crédits. Et pour finir sur une note positive, je voudrais souligner la mobilisation de la DGFiP pour le versement du fonds de solidarité et pour les mécanismes de soutien en général.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Gestion des finances publiques ».

La commission a décidé de réserver sa position sur les articles 54 undecies , 54 duodecies et 54 terdecies .

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Crédits non répartis ».

Article 33 (État B)

M. Claude Raynal , président. - Nous avons à statuer sur l'amendement concernant la mission « Transformation et fonction publiques ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - L'amendement n° II-186 diminue les crédits des trois programmes de la mission « Transformation et fonction publiques » : le programme 348 « Rénovation des cités administratives et sites multi-occupants », le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » et le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines ». Comme je l'ai évoqué précédemment, la sous-consommation des crédits de la mission est assez délirante : entre 80 % et 90 % ne sont pas consommés ! Dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) que nous examinerons lundi prochain en séance, entre 62 % et 97 % des crédits de paiement sont annulés. Cela pose, à mon sens, un problème d'autorisation parlementaire. D'où l'intérêt de cet amendement d'appel, qui traduit le décalage persistant entre les objectifs affichés et l'exécution des crédits et qui invite à des explications du Gouvernement sur ce point.

L'amendement n° II-186 a été adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des missions « Gestion des finances publiques » et « Crédits non répartis ». Elle a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits « Transformation et fonction publiques » tels que modifiés par son amendement. Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, elle a décidé de proposer au Sénat d'adopter les articles 54 undecies et 54 duodecies tels que modifiés par ses amendements n° II-18 et n° II-19 . Enfin, elle a décidé par son amendement n° II-20 de proposer de supprimer l'article 54 terdecies .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la transformation et de la fonction publiques

- Mme Amélie de MONTCHALIN, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.

Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI)

- Mme Isabelle BRAUN-LEMAIRE, directrice générale ;

- M. Jean-Michel THILLIER, directeur adjoint ;

- M. François BOLARD, sous-directeur des finances et achats ;

- Mme Françoise TURPIN, cheffe de service des finances et immobiliers.

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

- M. Jérôme FOURNEL, directeur général.

Secrétariat général des ministères économiques et financiers

- Mme Marie-Anne BARBAT-LAYANI, secrétaire générale.


* 1 Il s'agit notamment des crédits de la direction du budget (DB), de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), de la direction des affaires juridiques (DAJ), de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), des cabinets des ministres et secrétaires d'État, de l'inspection générale des finances (IGF), du contrôle général économique et financier (CGEFI), de l'autorité nationale des jeux (ANJ), de l'agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), de l'agence française anti-corruption (AFA) et de TRACFIN, de la direction des achats de l'État (DAE), du centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH), de la délégation nationale à la lutte contre la fraude, du service des laboratoires et des structures de médiation.

* 2 Contentieux « OPCVM », « précompte mobilier », « Steria », « De Ruyter », « contribution additionnelle au titre des montants distribués » (taxe sur les dividendes), « Sofina », « retenue à la source - assurance vie ».

* 3 Pour une description plus détaillée de ces contentieux et de leur coût, se reporter à l'annexe « Remboursements et dégrèvements » du rapporteur spécial Pascal Salvodelli, dans le tome III du Rapport général n° XXX (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le XXX.

* 4 En tenant seulement compte des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) ouverts en 2020, la baisse constatée est de 1,11 % pour les AE et de 1,28 % pour les CP.

* 5 Pour une description détaillée de ce fonds, se reporter à la description du programme 349 de la mission « Transformation et fonction publiques ».

* 6 Après retraitement du programme 148 « Fonction publique ».

* 7 Direction générale des douanes et des droits indirects, « Nouveau plan Tabacs 2020-2021 et mesures d'accompagnement des buralistes », dossier de presse.

* 8 Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 9 Circulaire du Premier ministre sur les engagements de l'État pour des services publics écoresponsables, 25 février 2020.

* 10 Pour une description plus détaillée de cet appel à projets, se reporter à l'annexe « Plan de relance » du tome III du Rapport général n° XXX (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le XXX.

* 11 Voir par exemple le rapport de la Cour des comptes sur « l'affectation et la mobilité des fonctionnaires de l'État. Pour une gestion plus active afin de mieux répondre aux besoins des usagers » dans le rapport public thématique de 2019 (septembre 2019).

* 12 Ce point avait fait l'objet d'une analyse approfondie des rapporteurs spéciaux Thierry Carcenac et Claude Nougein lors de l'examen de la mission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Ils relevaient notamment le fort taux de renouvellement des informaticiens à la DGDDI (14 %), ainsi que les vacances de poste et la difficulté à pouvoir les postes d'informaticiens par concours
(80 % des postes n'ont pas été pourvus en 2018).

* 13 Communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat sur le pilotage des grands projets numériques de l'État (juillet 2020).

* 14 Cour des Comptes, Rapport public annuel pour 2020 : « Disposer des personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique : l'exemple des ministères économiques et financiers » (février 2020).

* 15 Parmi ces agents, il faut distinguer la part des agents en autorisation spéciale d'absence (ASA) puisque considérés comme sujets à risque ou malades (entre 5 % et 10 %), les agents en ASA pour des raisons de garde des enfants (un peu plus de 15 %) et les personnels en ASA car leurs tâches ne faisaient pas partie des missions essentielles définies dans le cadre du plan de continuité d'activité ou ne pouvaient pas être effectuées à distance (environ 40 %).

* 16 D'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

* 17 Selon les données figurant dans le rapport d'activité de la direction générale des douanes et des droits indirects pour l'année 2019.

* 18 Ce dispositif repose sur l'anticipation de leurs formalités par les opérateurs économiques. Ils doivent déposer leur déclaration en douane quelques jours avant le passage de la frontière. Un code barre est alors attribué et la plaque d'immatriculation du véhicule est enregistrée. Avant de passer la frontière, le véhicule est identifié et les formalités douanières anticipées y sont rattachées. Au débarquement, le transporteur est automatiquement dirigé en fonction du statut attribué à sa marchandise (vert : pas de contrôle ; orange : contrôle).

* 19 Cour des Comptes, « La direction générale des douanes et des droits indirects. Exercices 2013-2019. Un recentrage nécessaire » (septembre 2020).

* 20 Le Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel) est le dispositif indemnitaire de référence pour les agents de la fonction publique. Il a remplacé la plupart des primes et indemnités existantes. Il se compose de deux volets : une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), versée mensuellement, et un complément indemnitaire annuel (CIA), qui tient compte de l'engagement de l'agent et de sa manière de servir. Le CIA est versé annuellement, en une ou deux fois, et n'est pas obligatoire. Son montant est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal fixé par groupe de fonctions.

* 21 D'après les données transmises dans les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

* 22 Programme 351 de la mission « Transformation et fonction publiques ».

* 23 Article 201 de la loi n° 2018-1317 de finances pour 2019. Pour une description détaillée de ce dispositif, se reporter à l'annexe 15 « Mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines » » des rapporteurs spéciaux Thierry CARCENAC et Claude NOUGEIN du tome III du rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.

* 24 D'après les données figurant dans le rapport de la Cour des comptes sur « La direction générale des douanes et des droits indirects. Exercices 2013-2019. Un recentrage nécessaire » (septembre 2020).

* 25 119 sites ont été fermés depuis 2013.

* 26 Le transfert de la déclaration, du recouvrement et du contrôle de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR) de la DGDDI à la DGFiP aura lieu à compter du 1 er janvier 2021.

* 27 Après la publication de son rapport sur la simplification du recouvrement fiscal et social, pour lequel il avait été mandaté par les ministres de l'action et des comptes publics et des solidarités et de la santé, Alexandre Gardette a été nommé à la tête de la mission interministérielle France Recouvrement.

* 28 Article 44 du présent projet de loi de finances.

* 29 Cour des Comptes, « La direction générale des douanes et des droits indirects. Exercices 2013-2019. Un recentrage nécessaire » (septembre 2020).

* 30 Ibid.

* 31 C'est la cible prévue pour 2022, conformément à l'accord conclu avec le Fonds de transformation de l'action publique, qui cofinance le projet.

* 32 Rapport d'information de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, fait au nom de la commission des finances n° 668 (2019-2020) - 22 juillet 2020.

* 33 Décret n° 2020-872 du 15 juillet 2020 relatif à la coordination interministérielle en matière de lutte contre la fraude et à la création d'une mission interministérielle de coordination anti-fraude.

* 34 Si ce service est aujourd'hui fermé, il a fini de traiter en 2019 les derniers dossiers transmis avant la fermeture de la procédure.

* 35 L'article 10 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période avait suspendu, pour le contribuable comme pour la DGFiP, l'ensemble des délais prévus dans le cadre des travaux de contrôle et de recherche en matière fiscale, ainsi que les instructions sur place des demandes de remboursement de crédits de TVA.

* 36 Audition de M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques par la commission des finances du Sénat le jeudi 7 mai 2020.

* 37 Claude Wendling, Florence Gomez (Inspection générale des finances), Sécurisation du recouvrement de la TVA (novembre 2019).

* 38 Article 11 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, introduit à l'initiative du Sénat.

* 39 Article 154 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 40 Ensemble de règles européennes relatives à la TVA, contenues notamment dans la directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens.

* 41 Cour des comptes, La fraude aux prélèvements obligatoires (décembre 2019).

* 42 Article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019.

* 43 Rapport d'information n° 93 (2013-2014) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Philippe DALLIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 octobre 2013.

* 44 Cour des comptes, Les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI, mai 2019.

* 45 La Douane suit notamment le projet « GUN - Guichet unique de dédouanement » qui dématérialise, automatique et sécurise le contrôle documentaire des déclarations en douane accompagnées d'un document d'ordre public (DOP). Son objectif à terme est d'établir une douzaine d'interconnexions avec les systèmes d'information des administrations partenaires afin de permettre le traitement automatisé de 400 000 déclarations en douane par an assorties d'un DOP.

* 46 Rapport d'information n°651 (2018-2019) de MM. Thierry CARCENAC et Claude NOUGEIN, fait au nom de la commission des finances.

* 47 Conformément à la première recommandation de la Cour des Comptes dans son rapport sur les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI (avril 2019).

* 48 Selon les données figurant dans la communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat sur le pilotage des grands projets numériques de l'État (juillet 2020).

* 49 Tome II du rapport n° 528 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 juin 2020. Mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (rapporteurs spéciaux : MM. Thierry CARCENAC et Claude NOUGEIN).

* 50 D'après les données figurant dans la communication de la Cour des comptes sur le pilotage des grands projets numériques de l'État, où elle opère une comparaison entre la France, les États-Unis, la Suède, le Royaume-Uni ou le Canada.

* 51 La DGFiP aurait bénéficié de crédits en provenance du Fonds pour la transformation de l'action publique à hauteur de 70 millions d'euros entre 2018 et 2019. Lors du troisième appel à projet, elle a par exemple bénéficié de 12,1 millions d'euros pour le projet « Foncier innovant » (coût total de 24,3 millions d'euros), destiné à fiabiliser les bases de la fiscalité directe locale grâce aux technologies innovantes d'intelligence artificielle et de big data.

* 52 Cour des Comptes, Commission à la commission des finances du Sénat : « La conduite des grands projets informatiques de l'État » (juillet 2020).

* 53 Arrêté du 25 septembre 2020 portant répartition de crédits

* 54 Analyse par programme des modifications de crédits intervenues en gestion et motivation des modifications proposées par le projet de loi de finances rectificative pour 2020

* 55 Décret n° 2020-543 du 9 mai 2020 relatif au versement du « forfait mobilités durables » dans la fonction publique de l'État

* 56 Décret n° 2020-1299 du 24 octobre 2020 portant création d'une prime de fidélisation territoriale dans la fonction publique de l'État

* 57 Rapport n° 406 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 avril 2020

* 58 Exposé général des motifs du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 , déposé à l'Assemblée nationale le 4 novembre 2020.

* 59 Réponse du ministère au questionnaire.

* 60 Rapport n° 56 (2017-2018) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 de M. Albéric de Montgolfier , fait au nom de la commission des finances, déposé le 31 octobre 2017.

* 61 Le programme 352 n'est pas inclus dans ce tableau, faut de données communiquées en réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

* 62 La mission « Plan de relance » se compose de trois programmes : le programme 362 « Écologie », le programme 363 « Compétitivité » et le programme 364 « Cohésion », qui porte notamment plusieurs actions ayant trait au développement de l'État numérique.

* 63 Pour une description détaillée des procédures de sélection des fonds, se reporter à l'annexe 15 « Mission Action et transformation publiques » des rapporteurs spéciaux Thierry CARCENAC et Claude NOUGEIN du tome III du rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.

* 64 Le confinement a été déclaré quelques jours avant le début des auditions du comité de sélection. Face à son prolongement, elles ont été organisées par visioconférence, avec une phase d'instruction plus longue qu'attendue. La date limite de dépôt des dossiers pour la deuxième session de l'appel à projets était fixée au 31 juillet 2020.

* 65 Avant les résultats de la seconde session pour l'année 2020 (fin octobre).

* 66 67 Le Gouvernement semble indirectement reconnaître ce problème de prévision et de surbudgétisation puisqu'il a proposé à l'Assemblée nationale un amendement de crédit transférant neuf millions d'euros en AE et sept millions d'euros en CP du programme 351 (FAIRH) au programme 148 « Fonction publique », donc sans compensation. C'est bien qu'il avait déjà conscience que, à l'instar des années précédentes, l'ensemble des crédits du FAIRH ne seraient pas consommés en 2021.

* 68 Les trois autres applications sont le fichier « Ficovie » (fichier des contrats d'assurance-vie), la base « Patrim » (recherche des transactions immobilières) et la base « BNDP » (base nationale des données patrimoniales).

* 69 Ce traitement automatisé a été mis en place par l'arrêté du 14 juin 1982 relatif à l'extension d'un système automatisé de gestion du fichier des comptes bancaires.

* 70 Article 126 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 71 Article 6 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 72 Arrêté du 26 octobre 2020 modifiant l'arrêté du 14 juin 1982 relatif à l'extension d'un système automatisé de gestion du fichier des comptes bancaires.

* 73 Articles créés par l'article 6 de la loi relative....

* 74 Il s'agit des agents de l'administration fiscale affectés au sein des juridictions spécialisées dans la lutte contre la délinquance économique et financière. Ils peuvent être sollicités par les magistrats du siège et du parquet à tout moment de l'enquête aux fins d'assistance dans leurs dossiers.

* 75 Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l'activité partielle.

* 76 À l'exception de l'accès ouvert aux assistants spécialisés de la DGFiP affectés au sein des juridictions et aux officiers de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmer nationale.

* 77 Assemblée nationale, séance publique du 09 novembre 2020 .

* 78 Décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'État et relatif à la gouvernance des achats de l'État.

* 79 Arrêté du 7 mars 2020 portant organisation de la direction des achats de l'État.

* 80 Circulaire du Premier ministre du 25 février 2020 relative aux engagements de l'État pour des services publics écoresponsables.

* 81 Assemblée nationale, séance publique du 09 novembre 2020 .

* 82 Décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017, sur la loi de finances pour 2018.

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