Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean BIZET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020

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N° 138

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 17

INVESTISSEMENTS D'AVENIR

Rapporteur spécial : M. Jean BIZET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean Bizet, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) a été adopté en loi de finances initiale pour 2017 et doté de 10 milliards d'euros . Il succède ainsi au PIA 1, lancé en 2010 et doté de 35 milliards d'euros et au PIA 2, lancé en 2014 et doté de 12 milliards d'euros , portant le montant total consacré aux programmes d'investissements d'avenir à 57 milliards d'euros .

2. En 2021, le montant de crédits de paiements demandés pour la mission « Investissements d'avenir » s'élève à 1 914,0 millions d'euros contre 2 057,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2020 , soit une diminution de 7 % . Si ce montant correspond très exactement à l'objectif fixé dans la programmation triennale 2020-2022 , la répartition des crédits entre les trois programmes de la mission diffère néanmoins sensiblement de la programmation . Cet écart s'explique essentiellement par les nombreux redéploiements de crédits effectués en 2019 et 2020, notamment dans le contexte de la crise sanitaire.

3. Le PIA 3 a été un outil très sollicité dans le contexte de la crise sanitaire , le secrétariat général pour l'investissement ayant mobilisé 1 534 milliards d'euros pour apporter des réponses à cette situation inédite, en adaptant les modalités de financement des lauréats du PIA, lançant des dispositifs spécifiques pour soutenir les entreprises en difficulté et renforçant les moyens dévolus à la recherche dans le secteur de la santé.

4. A deux ans de la fin du PIA 3, l'ampleur des décaissements demeure encore limitée . Ainsi, les 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont été consommées dans leur intégralité, tandis que 4,7 milliards d'euros de crédits de paiement ont d'ores et déjà été versés aux opérateurs. Néanmoins, seuls 750 millions d'euros ont été véritablement décaissés par ces derniers au profit des bénéficiaires finaux.

5. L'année 2021 voit le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir , élaboré à la lumière des recommandations rendues par le Comité de surveillance des investissements d'avenir. Ce PIA 4, composé d'un nombre réduit de programmes et d'actions, répond à deux finalités distinctes: financer des investissements exceptionnels et garantir, grâce à des dotations en capital, un financement pérenne aux écosystèmes d'enseignements supérieur, de recherche et d'innovation mis en place par le PIA.

6. La gestion budgétaire du PIA présente plusieurs particularités qui, dans leur ensemble, seront conservées pour ce quatrième programme . Ainsi, la majorité (soit 83 %) des crédits du PIA 4 sont inscrits au sein de la mission « Investissements d'avenir ». En parallèle, il est prévu que toutes les autorisations d'engagement soient ouvertes en loi de finances initiale pour 2021, tandis que les crédits de paiement seront progressivement votés d'ici à 2025. Néanmoins, à la différence du PIA 3 pour lequel aucun crédit de paiement n'était prévu l'année de lancement, la création du PIA 4 s'accompagne d'une ouverture de 2 063 millions d'euros de crédits de paiement dès 2021.

7. Dans les grandes lignes, les modalités de gouvernance du PIA 3 sont étendues au PIA 4 . Plusieurs aménagements sont néanmoins prévus , afin de renforcer le suivi des investissements d'avenir : une nouvelle gouvernance interministérielle de haut niveau, le Conseil interministériel de l'innovation, est créé pour décider des orientations et des priorités de la politique d'innovation, le Comité de surveillance des investissements d'avenir se voit confier la mission de conseiller le Gouvernement sur les priorités d'investissement du programme et la doctrine d'investissement du programme d'investissements d'avenir est pour la première fois formalisée et inscrite dans la loi.

8. Le rapporteur spécial regrette cependant la persistance de plusieurs pierres d'achoppement dans la budgétisation du PIA 4 . Ainsi, par construction, la sélection des stratégies d'accélération du volet « dirigé » échappe très largement au contrôle du Parlement, de même que la définition des moyens financiers destinés à les accompagner. Il n'est cependant pas envisageable de demander à la représentation nationale de signer un chèque en blanc au profit du Gouvernement . Il serait donc a minima souhaitable que les stratégies d'accélération fassent l'objet d'une présentation détaillée devant les parlementaires.

9. Le PIA 4 prévoit la pérennisation de financements exceptionnels afin d'assurer un financement récurrent aux structures issues des PIA 1 et 2 . Le rapporteur spécial s'interroge cependant sur l'opportunité de conserver ces lignes budgétaires au sein de la mission « Investissements d'avenir », dans la mesure où le financement de l'écosystème d'innovation s'apparent davantage à une politique publique récurrente. Certaines actions auraient pu être rebudgétisées dans les programmes ministériels, ce qui aurait contribué à améliorer la lisibilité des aides publiques à la recherche.

10. Le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir alors même que l'intégralité des crédits de paiement du PIA 3 n'a pas encore été versée aux opérateurs a pour conséquence de faire coexister deux programmes au sein de la même mission budgétaire . La nouvelle maquette de la mission « Investissements d'avenir », avec les débudgétisations supplémentaires qu'elle comporte risque donc d'aggraver le déficit de lisibilité dont souffrent les PIA .

11. Le PIA 4 doit participer au plan de relance à hauteur de 11 milliards d'euros sur 3 ans. Néanmoins, la consommation des CP à horizon 2023 ne s'accompagnera pas nécessairement d'un décaissement effectif des montants affichés , étant donné la spécificité des modalités de budgétisation du PIA. À titre de comparaison, trois ans après le lancement du PIA 3, si 4,7 milliards d'euros de CP ont été consommés, seuls 750 millions d'euros ont été décaissés.

Au 10 octobre 2020, le rapporteur spécial avait reçu la totalité des réponses au questionnaire budgétaire.

PREMIÈRE PARTIE
LA POURSUITE DU PIA 3

I. UN TROISIÈME PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR PARVENU À MATURITÉ

A. UNE MISSION BUDGÉTAIRE DOTÉE DE 10 MILLIARDS D'EUROS SUR LA PÉRIODE 2018-2022

1. Des crédits rassemblés au sein d'une mission budgétaire dédiée « Investissements d'avenir »

Le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) a été adopté en loi de finances initiale pour 2017 1 ( * ) et doté de 10 milliards d'euros . Les crédits du PIA 3 sont retracés au sein du budget général au travers de la mission « Investissements d'avenir ».

Il succède ainsi au PIA 1, lancé en 2010 2 ( * ) et doté de 35 milliards d'euros et au PIA 2, lancé en 2014 3 ( * ) et doté de 12 milliards d'euros , portant le montant total consacré aux programmes d'investissements d'avenir à 57 milliards d'euros .

Le premier PIA était lui-même issu du rapport « Juppé-Rocard » 4 ( * ) de 2009, publié au lendemain de la grande crise financière et proposant, pour augmenter le potentiel de croissance de l'économie française , de mobiliser massivement l'investissement public en faveur de projets ciblés, principalement dans les domaines de la recherche, du numérique, de l'industrie et du développement durable .

Il s'agit notamment, dans le domaine de la recherche, d'augmenter la dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD), qui s'élève aujourd'hui à 2,21 % du PIB - soit un montant bien deçà de l'objectif des 3 % fixé dans le cadre de la stratégie de Lisbonne.

Historique des Programmes d'investissements d'avenir

(en milliards d'euros)

PIA
(année de lancement)

Montant
(en milliards d'euros)

PIA 1 (2010)

35

PIA 2 (2014)

12

PIA 3 (2017)

10

Total

57

Source : commission des finances du Sénat

Au 30 juin 2020, sur cette enveloppe globale de 57 milliards d'euros, 47,4 milliards d'euros ont fait l'objet d'une décision du Premier ministre, permettant de formaliser l'engagement financier .

Plus de 45 milliards d'euros ont été contractualisés et près de 26,2 milliards d'euros ont été décaissés , dont 4,1 milliards d'euros d'intérêts issus des dotations non consommables.

Situation financière des investissements d'avenir au 30 juin 2020
par nature de financement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir du bilan financier des programmes d'investissements d'avenir au 30 juin 2020

2. Une mission structurée en trois programmes et intégrée au Grand plan d'investissement

Contrairement à la structuration par thématiques qui avait présidé à l'élaboration des précédents PIA, les trois priorités du PIA 3 ont été structurées selon une logique « d'amont vers l'aval » , déclinée dans les trois programmes de la mission :

- le programme 421, doté de 2,9 milliards d'euros en AE en loi de finances initiale pour 2017 soutient les progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- le programme 422, bénéficiant d'une enveloppe de 3 milliards d'euros en AE, finance la valorisation de la recherche ;

- le programme 423, portant 4,1 milliards d'euros en AE, vise l'accélération de la modernisation des entreprises .

À la suite du changement de majorité, et suivant les préconisations du rapport « Pisany-Ferry 5 ( * ) », le PIA 3 a été intégré au Grand plan d'investissement (GPI) 2018-2022 . Les 57 milliards d'euros dédiés au GPI comprennent donc les 10 milliards d'euros du PIA 3, en sus des crédits budgétaires classiques portés par les ministères compétents, et des instruments financiers rattachés à la Caisse des dépôts et consignations ainsi qu'à Bpifrance.

Dans le contexte de la crise sanitaire, le plan France Relance succède au label GPI .

Du Grand plan d'investissement (GPI) au plan France Relance

Le Grand plan d'investissement (GPI), annoncé par le Premier ministre le 25 septembre 2017, prévoyait, sur la période 2018-2022, de mobiliser 57 milliards d'euros sur 4 axes de transformation prioritaires pour le gouvernement : transition écologique, compétences, compétitivité et innovation, et transition numérique de l'État.

Le GPI reposait en grande partie sur la mobilisation d'enveloppes de crédits budgétaires ministériels (33,2 milliards d'euros) et du troisième volet du Programme d'investissements d'avenir (PIA 3, 10,3 milliards d'euros), mais aussi sur le fléchage de crédits de l'Assurance maladie (3,9 milliards d'euros), et enfin des instruments financiers de prêts ou de fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations, de Bpifrance, de la Banque européenne d'investissement (BEI) (9,7 milliards d'euros).

Le plan France Relance, doté de 100 milliards d'euros en réponse à la crise sanitaire de 2020, s'inscrit dans la continuité des principes du GPI en instaurant une gouvernance interministérielle ad hoc et un suivi régulier des résultats et des impacts .

Le plan France Relance reprend une large partie des thématiques du GPI (transition écologique, accès à l'emploi, compétitivité, innovation, santé et État numérique) et se substitue donc naturellement au label GPI .

Les actions initiées dans le cadre du GPI ainsi que les instances installées pour la mise en oeuvre de programmes spécifiques, tels que le Plan d'investissement dans les compétences, le Fonds de transformation de l'action publique ou le Programme d'investissements d'avenir, sont maintenues et font classiquement l'objet d'une présentation dans la documentation budgétaire de la mission qui porte les crédits qui les financent.

Source : Jaune budgétaire sur l'évaluation des grands projets d'investissements publics

3. Si les crédits ont été intégralement engagés, les décaissements demeurent encore limités

La consommation des crédits destinés à financer le PIA 3 répond à une logique très spécifique et se fait en deux temps .

En premier lieu, les dépenses de l'État vers les opérateurs sont suivies dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle :

- les AE sont consommées à la publication des conventions signées avec les opérateurs au Journal officiel ;

- les CP sont consommés quand les crédits correspondant sont mis à disposition des opérateurs sur un compte à leur nom détenu au Trésor, cette opération n'ayant aucun impact sur le déficit au sens de Maastricht.

Concernant le PIA 3, près de 4,7 milliards d'euros de crédits de paiement ont d'ores et déjà été versés, tandis que les 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont été consommées dans leur intégralité .

Un montant de 5,6 milliards d'euros reste donc à ouvrir sur les exercices à venir (jusqu'en 2028 pour le programme 421, dont les versements sont partiellement constitués de dotations décennales).

Dans un second temps, les dépenses des opérateurs vers les bénéficiaires finaux sont suivies par le biais d'une comptabilité ad hoc , qui fait l'objet d'un compte-rendu trimestriel adressé au Parlement.

En pratique, la consommation de ces crédits fait intervenir trois phases successives :

- l'engagement , matérialisé par la décision du Premier ministre, qui désigne une enveloppe par projet financé et confie à l'opérateur le soin de négocier un contrat entre l'État et le bénéficiaire ;

- la contractualisation , correspondant à la signature d'un contrat entre l'État et chaque bénéficiaire d'un financement ;

- le décaissement , c'est-à-dire le paiement effectif des sommes aux bénéficiaires, qui s'étale sur plusieurs années.

Situation financière du PIA 3 au 30 juin 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir du bilan financier du programme d'investissements d'avenir au 2ème trimestre 2020

En ce qui concerne le PIA 3, le dernier bilan trimestriel transmis au Parlement indique que 3,9 milliards d'euros ont été engagés, 2,9 milliards d'euros contractualisés et seulement 749 millions d'euros décaissés .

B. UNE BUDGÉTISATION POUR 2021 CONFORME À LA PROGRAMMATION TRIENNALE

En 2021, le montant de crédits de paiements demandés pour la mission « Investissements d'avenir » s'élève à 1 914,0 millions d'euros contre 2 057,3 millions d'euros demandés en loi de finances initiale pour 2020, soit une diminution de 7 % .

Évolution des crédits de paiement de la mission

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Actions

AE 2017 (actualisés) 6 ( * )

CP 2020

CP 2021

Variation 2020/2021

Programme 421 Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche

Nouveaux cursus à l'université

280

25

25

0 %

Programmes prioritaires de recherche

400

55

45

- 18 %

Équipements structurants pour la recherche

340

85

120

+ 41 %

Soutien des grandes universités de recherche

700

70

70

0%

Constitution d'écoles universitaires de recherche

300

30

30

0%

Création expérimentale de "sociétés universitaires et de recherche"

250

100

0

- 100 %

Territoires d'innovation pédagogique

482

52

90

+ 73 %

Total programme 421

2 872

417

380

- 9 %

Programme 422
Valorisation de la recherche

Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

150

63

20

- 68 %

Fonds national post-maturation "frontier venture"

500

150

0

- 100 %

Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition

1831

275

295

+ 7 %

Nouveaux écosystèmes d'innovation

125

25

45

+ 80 %

Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants

1160

107,3

300

+ 180 %

Total programme 422

3 766

620,3

660

+ 6 %

Programme 423
Accélération de la modernisation des entreprises

Soutien à l'innovation collaborative

600

100

144

+ 44 %

Accompagnement et transformation des filières

884

150

433,8

+ 189 %

Industrie du futur

0

50

0

- 100%

Adaptation et qualification de la main d'oeuvre

87

30

6,7

- 78%

Concours d'innovation

508

90

89,5

- 1%

Fonds national d'amorçage n° 2

500

250

0

- 100%

Fonds à l'internationalisation des PME

200

100

0

- 100%

Fonds de fonds "Multicap croissance" n°2

600

0

100

+ 100 %

Grands défis

500

250

100

- 60%

Total programme 423

3 879

1020

874

- 14%

TOTAL POUR LA MISSION

10 517

2 057,3

1 914,0

- 7%

Source : projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir » annexé au projet de loi de finances pour 2021

Ce montant correspond très exactement à l'objectif fixé dans la programmation triennale 2020-2022 .

Programmation triennale 2020-2022 et au-delà

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour la mission « Investissements d'avenir » annexé au projet de loi de finances pour 2021

La répartition des crédits entre les trois programmes de la mission diffère néanmoins sensiblement de la programmation.

Dans le détail, la hausse des crédits de paiement du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » (+ 184 millions d'euros par rapport à la programmation) est compensée par une baisse des moyens dévolus au programme 422 « Valorisation de la recherche » (- 74 millions d'euros) et au programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche » (- 110 millions d'euros).

Écart constaté entre la programmation triennale et la budgétisation 2021 en CP

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour la mission « Investissements d'avenir » annexé au projet de loi de finances pour 2021

Cet écart s'explique essentiellement par les nombreux redéploiements de crédits effectués entre novembre 2019 et août 2020, notamment depuis les PIA 1 et 2 (voir infra ).

II. LE PIA 3 A L'ÉPREUVE DE LA CRISE SANITAIRE : UN OUTIL PLÉBISCITÉ EN RAISON DE SA SOUPLESSE

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, les différents outils du PIA 3 ont été particulièrement sollicités au cours de l'année 2020. Près de 1 534 millions d'euros auraient ainsi été mobilisés par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) pour faire face à la crise, dont 1 214 millions d'euros de crédits inscrits et 320 millions d'euros de crédits redéployés .

A. LES MESURES PRISES PAR LE SGPI EN RÉPONSE À LA CRISE...

Au cours de l'année 2020, le SGPI a pris trois types de mesures complémentaires destinées à soutenir l'économie française :

- l'adaptation des dispositifs et des modalités de financement des lauréats du PIA ;

- le lancement de dispositifs spécifiques afin de soutenir les entreprises en difficulté ;

- le renforcement et la diversification des moyens dévolus à la recherche dans le secteur de la santé.

1. Un assouplissement des procédures de financement

Le SGPI s'est, dans un premier temps, attaché à accélérer le rythme des décaissements , en particulier sur les actions en aval de la chaîne de valeur. Les décaissements sur l'action « Projet structurant pour la compétitivité (PSPC) » ont ainsi été multipliés par quatre au deuxième trimestre de l'année 2020, pour des sommes allouées supérieures à la moyenne observée au cours des dernières années.

Les dates de clôture de nombreux appels à projets ou appels à manifestation d'intérêt ouverts au printemps ont également été reportées de plusieurs mois , le confinement ayant empêché de nombreux porteurs de projets de dépenser leurs dossiers dans les temps initialement impartis.

2. Un soutien financier apporté aux entreprises en difficulté

Le Gouvernement a eu assez largement recours aux outils du PIA pour apporter une aide financière ponctuelle aux entreprises fragilisées par la situation sanitaire.

Un dispositif provisoire a ainsi été créé, au sein de l'action Fonds national post-maturation « Frontier Venture », pour organiser un investissement-relais de quelques mois au profit des start-ups à fort potentiel de croissance , leur permettant de passer la période de ralentissement économique.

Doté d'une enveloppe de 160 millions d'euros et introduit par un avenant à la convention du 28 décembre 2017 entre l'État et Bpifrance, ce dispositif mobilise des instruments de marché (fonds propres et quasi-fonds propres), avec un objectif d'engagement de 80 millions d'euros en 2020.

En parallèle, le SGPI a utilisé l'action « Fonds de fonds de retournement » du PIA 2 pour mobiliser le fonds de renforcement des PME, visant à soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) confrontées à un choc brutal en raison de l'épidémie.

Par la suite, le SGPI a opéré un redéploiement de 50 millions d'euros en fonds propres depuis l'action « développement de l'économie numérique » du PIA 1 pour recharger l'action « Fonds de fonds de retournement » du PIA 2.

La pluralité des instruments financiers créés au sein du PIA, de même que la souplesse qui caractérise son fonctionnement ont ainsi permis d'apporter une aide financière rapide, ciblée et adaptée à la diversité des entreprises (start-up, PME, ETI).

3. Un effort accru sur la recherche en santé

Plusieurs initiatives ont été prises pour accélérer le développement de solutions thérapeutiques contre la Covid-19 et soutenir la recherche dans le domaine de la santé.

Parmi ces dernières figure la création, en mars 2020, d'un appel à projets spécifiques « PSPC-Covid 19 », doté d'une enveloppe de 80 millions d'euros . Les projets sélectionnés doivent viser le développement de solutions thérapeutiques, comprendre des essais cliniques sur le sol français et associer des industriels et leurs partenaires publics.

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, le mécanisme des PSPC présente en effet l'avantage d'être facilement mobilisable tout en ayant déjà fait la preuve de son efficacité . Ainsi, près de 750 millions d'euros, gérés pour le compte de l'État par Bpifrance, ont déjà été engagés pour le cofinancement de projets PSPC, permettant de financer de nombreux projets dans le secteur de la santé.

En parallèle, un nouveau programme consacré aux essais et à la production de produits pertinents pour la lutte contre la Covid-19 a été initié. Bénéficiant d'une enveloppe de 120 millions d'euros, il a vocation à financer le développement de nouvelles capacités de production ou l'adaptation des lignes existantes afin de produire à grande échelle et dans des délais réduits des solutions utiles - médicaments ou principes actifs - au traitement des patients atteints de la Covid-19.

En pratique, ce programme a été financé par un redéploiement de 120 millions d'euros en subventions et avances remboursables depuis l'action « Concours d'innovation » vers l'action « Accompagnement et transformation de filières », mis en oeuvre par Bpifrance.

Ces deux initiatives s'inscrivent dans le cadre de l'enveloppe de 200 millions d'euros annoncée par le Président de la République en faveur de la recherche dans le domaine de la santé.

Enfin, une thématique « Santé - situations d'urgences » a été ouverte lors du lancement de la 4 ème vague du concours d'innovation en début d'année, grâce à des redéploiements issus d'actions des PIA 1 et 2 en faveur de l'action « Concours d'innovation », pour un montant de 33,5 millions d'euros.

B. ...ONT UN IMPACT DIRECT SUR LE BUDGET 2021

Les différents redéploiements réalisés en 2019 et 2020, notamment depuis les PIA 1 et 2, se sont traduits par une hausse de 483 millions d'euros des autorisations d'engagement du PIA 3 . Dans le détail, cette évolution reflète une diminution des AE portés par le programme 421 (- 178 millions d'euros), adossée à une augmentation substantielle des AE alloués au programme 422 (+ 516 millions d'euros) et au programme 423 (+ 145 millions d'euros).

À la suite de ces mouvements de crédits, le montant total du PIA 3 s'élève à 10,517 milliards d'euros en autorisations d'engagement, dont 200 millions d'euros qui ne sont pas inscrits dans la mission « Investissements d'avenir » 7 ( * ) . Au 30 juin 2020, ces AE ont été consommées dans leur intégralité , la totalité des conventions avec les opérateurs ayant été signées.

Évolution des autorisations d'engagement
de la mission « Investissements d'avenir » entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Ces redéploiements ont eu un impact sur la budgétisation opérée en 2021, les crédits de paiement devant faire l'objet de réajustements. Ainsi, la diminution des AE affectées à certaines actions n'a pas permis d'ouvrir de CP sur ces dernières pour l'année à venir.

Tel est notamment le cas de l'action « Sociétés universitaires et scientifiques » du programme 421, qui a été mise en extinction .

Synthèse des redéploiements en AE en 2020

Action contributrice (Tous PIA)

Opérateur "donneur"

Montant redéployé
(en M€)

Nature des crédits

Action bénéficiaire
(PIA 3)

Opérateur "receveur"

Objectif

Concours d'innovation

ADEME

35

Subventions/ Avances remboursables

Accompagnement et transformation des filières

Bpifrance

Création d'un nouveau programme dédié à la production de médicaments dans la lutte contre le Covid-19

Concours d'innovation

Bpifrance

85

Subventions/ Avances remboursables

Accompagnement et transformation des filières

Bpifrance

Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques

CDC

150

Fonds propres

Grands défis

Bpifrance

Lancement de l'enveloppe « French Tech Souveraineté »

Développement de l'économie numérique (PIA 1)

CDC

50

Fonds propres

Fonds de fonds de retournement (FFR - PIA 2)

CDC

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir annexé au projet de loi de finances pour 2021

À l'inverse, deux volets renforcés en réponse à la crise sanitaire bénéficieront de hausses de crédits en 2021 pour poursuivre leurs actions :

- le volet dédié à la souveraineté technologique de l'action « Grands défis » (programme 423) , permettant de créer le fonds « French Tech Souveraineté » (+ 100 millions d'euros).

- le volet « aides d'État » de l'action « Accompagnement et transformation des filières » (programme 423) , afin de financer le développement de capacités industrielles de production - c'est-à-dire le plan « Batteries » et les infrastructures d'essai et de fabrication de produits pour faire face à la crise sanitaire (+ 283 millions d'euros).

1. Le lancement d'une enveloppe d'investissement dédiée à la souveraineté technologique

Afin de tirer les enseignements de la crise sanitaire liée au Covid-19, le Gouvernement a annoncé la création d'une enveloppe d'investissement dédiée à la souveraineté technologique , intitulée « French Tech Souveraineté ».

Ce nouveau volet, qui doit encore faire l'objet d'un avenant à la convention du 26 décembre 2019, a été financé en 2020 par un redéploiement de 150 millions d'euros en AE en fonds propres depuis l'action « Sociétés universitaires de recherche » du programme 421 vers l'action « Grands défis » du programme 423.

En pratique, ce véhicule d'investissement, toujours en cours d'élaboration, vise à renforcer l'autonomie de notre pays sur des technologies d'avenir . Il devrait bénéficier d'une enveloppe de 100 millions d'euros en 2021.

Il paraitrait opportun, dans ce cadre, d'intensifier les efforts menés dans le champ de l'intelligence artificielle . En effet, le rapporteur spécial s'est déjà exprimé à plusieurs reprises sur la nécessité de cibler tout particulièrement ce secteur , qui pourrait représenter un marché de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros à horizon 2030. Alors que la Chine et les États-Unis soutiennent massivement leurs entreprises nationales, dans le but de dominer ce marché à moyen terme, notre pays doit se donner les moyens de préserver une indépendance stratégique, que ce soit au niveau des approvisionnements en matières premières, sur les technologies utilisées ou pour la maîtrise des données.

Les systèmes intelligents vont révolutionner l'ensemble de l'industrie

Au cours des 2 dernières années, les hommes et les machines ont créé quasiment 9 fois plus de données que depuis le début de l'humanité et cela continue à s'accroître de façon exponentielle. Pour la majeure partie d'entre elles (75%), ces données doivent être interprétées en temps réel pour pouvoir être utilisées le plus rapidement possible et interagir en temps réel avec le monde extérieur, dès qu'elles sont créées. C'est ce qu'on appelle l'IA embarquée ou le « Edge Computing » ou encore les « Systèmes Intelligents ».

Durant les 10 à 20 prochaines années, les systèmes intelligents vont se déployer dans tous les pans de l'industrie. L'automobile avec des voitures de plus en plus autonomes, la santé avec des appareils de diagnostic de plus en plus intelligents, les usines du futur avec des systèmes de détection de défauts et de gestion de la production, les télécoms et en particulier la 5G avec des besoins énormes en traitement du signal au niveau des antennes, les nouvelles générations de data centers, sans parler du marché de l'aéronautique et de la défense.

Le marché à venir des systèmes intelligents est énorme : rien qu'au niveau des semi-conducteurs pour les systèmes intelligents, il devrait valoir plusieurs dizaines de milliards de $ à horizon 2030.

La Chine et les Etats-Unis ont compris dès la fin de l'année 2017 l'importance stratégique du secteur des semiconducteurs pour l'intelligence artificielle et se positionnent déjà pour dominer ce marché. Alors que la Chine choisit de soutenir ses entreprises nationales avec des investissements à plusieurs milliards d`euros, le géant américain Nvidia vient d'enclencher le rachat pour 40 milliards de l'une des dernières sociétés européennes du secteur, ARM, alors qu'AMD, rival d'Intel, entend racheter son compatriote XILINX 30 milliards de dollars.

Permettre à l'Europe et la France de jouer également un rôle de leader sur ce marché est crucial pour sauvegarder notre industrie. Sans une maîtrise de ces nouveaux systèmes, notre pays perdra sa position de leader dans le monde de l'embarqué. Les avions, les voitures, les systèmes télécoms risquent de ne plus être développés en France ou en Europe, tout comme on n'y développe plus d'ordinateur ni de téléphone portable à l'heure actuelle, sans parler de ne plus maîtriser des technologies critiques pour leur souveraineté.

En effet, la crise du Covid-19 a fait davantage prendre conscience que l'Europe doit être plus autonome face à ses voisins américains et asiatiques, que ce soit au niveau des approvisionnements en matières premières, sur les technologies utilisées ou pour la maîtrise des données.

Pourquoi l'Europe peut gagner cette bataille technologique ?

Tout d'abord, car cette bataille se joue sur le terrain de l'embarqué, secteur sur lequel l'Europe se positionne depuis toujours comme leader, grâce à ses donneurs d'ordre, fleurons nationaux, comme AIRBUS, SAFRAN ou THALES pour l'aéronautique et la défense, comme Renault, BMW ou d'autres grands constructeurs automobile, pour ne citer que ces secteurs. L'Europe profite également d'un écosystème s'appuyant sur un environnement académique et des laboratoires de pointe dans le domaine de l'intelligence artificielle, capable de relever ce défi. Enfin, elle possède des entreprises innovantes comme Kalray, qui font figure de pionniers dans cette industrie et qui proposent des solutions déjà matures sur l'intelligence embarquée.

Le défi actuel est de garantir que l'Europe puisse avoir accès, de manière ouverte, aux technologies nécessaires pour demain. Et plus généralement, de continuer à permettre aux sociétés européennes et françaises, qui déploient actuellement ces solutions et qui rivalisent sur un plan mondial, de poursuivre leurs investissements massifs afin qu'elles puissent garder cette avance technologique qui leur permettra de prendre des positions de leader dans le monde tant qu'il en est encore temps.

Favoriser l'IA embarquée dans le soutien plus global de l'IA dans le PIA4 est un pari raisonnable et à fort retour sur investissement : les besoins sont modérés (quelques centaines de millions d'euros) au regard des montants qui seraient nécessaires pour, par exemple, recréer une industrie souveraine de production de semi-conducteurs (plusieurs dizaines de milliards d'euros).

L'expertise et les acteurs sont présents et à la pointe de l'industrie. Le retour sur investissement devrait être rapide. Si investir dans les technologies quantiques nous permettra d'assoir un rôle de leader à horizon 2040 - 2050, investir aujourd'hui dans l'IA embarquée permettra à l'Europe de conserver son leadership pour les 15 prochaines années.

Source : entreprise Kalray.

2. Le financement du plan « Batteries »

Par avenant du 3 août 2020 à la convention liant l'État à Bpifrance, un volet relatif au développement de capacités industrielles à la production a été introduit au sein de l'action « Accompagnement et transformation des filières » du programme 423.

Ce volet a vocation à financer, à hauteur de 335 millions d'euros en subventions :

- le plan « Batteries » , destiné à développer et industrialiser de nouvelles générations de cellules et de modules de batteries pour les véhicules électriques ;

- le développement de nouvelles capacités de production pour répondre à la crise sanitaire (infrastructures d'essais, de développement ou de production de médicaments).

Hormis ces ajustements, la budgétisation du PIA 3 est conforme aux échéanciers prévisionnels définis dans les conventions et n'appelle pas de commentaire particulier du rapporteur spécial.

SECONDE PARTIE
LE LANCEMENT D'UN QUATRIÈME PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

I. UNE ACTUALISATION NÉCESSAIRE DES PRIORITÉS STRATÉGIQUES ET DES OUTILS D'INTERVENTION DE L'ÉTAT

À la demande du Premier ministre, le Comité de surveillance des investissements d'avenir a rendu le 19 décembre 2019 un rapport portant une appréciation d'ensemble sur les impacts économiques, sociaux et environnementaux des PIA 1 et 2 8 ( * ) , accompagné de propositions pour l'avenir de ces programmes.

C'est à l'aune de ce travail d'évaluation, comportant une mise en perspective internationale des PIA, qu'a été élaboré le quatrième programme d'investissements d'avenir.

Le Comité de surveillance des investissements d'avenir

Le Comité de surveillance des investissements d'avenir est composé de 17 membres : 8 personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre, 4 députés désignés par le président de l'Assemblée nationale, 4 sénateurs désignés par le président du Sénat et un président de Région désigné par Régions de France.

Il établit un rapport annuel faisant apparaître l'exécution des programmes d'investissements et les résultats de leur évaluation. Le Comité de surveillance peut consulter, sur un thème déterminé, des représentants des collectivités territoriales et des organisations d'employeurs et de salariés ainsi que toute personne dont il juge utile de recueillir l'avis.

Source : site internet du secrétariat général pour l'investissement

Ce travail d'évaluation a mis en évidence :

- un besoin de renouvellement des priorités stratégiques d'investissement ;

- un besoin de simplification et de lisibilité des outils d'intervention de l'État, afin de mieux intégrer le soutien à la recherche et l'innovation dans les phases amont et aval.

A. UNE DOCTRINE D'INVESTISSEMENT À REFONDER

Le rapport du Comité de surveillance suggère, en premier lieu, de refonder la doctrine d'investissement des investissements stratégiques de l'État.

La clarification de cette doctrine doit répondre au triple objectif de favoriser une cohérence stratégique pour la prochaine décennie, d'éviter que les PIA ne deviennent une source de financement ordinaire pour les ministères dépensiers, de coordonner ces investissements avec les politiques publiques récurrentes et pérennes des différentes administrations, ainsi qu'avec les autres leviers de l'action publique.

Partant du constat qu'en dix ans, « la réflexion sur les priorités stratégiques s'est peu enrichie, est moins lisible et n'est plus à jour », le rapport invite également le Gouvernement à redéfinir des priorités nationales d'investissement .

Enfin, le Comité de surveillance préconise au SGPI de renforcer l'approche en termes de retour sur investissement (financier et extra-financier) dans le but de préserver les finances publiques.

B. UN CADRE BUDGÉTAIRE ET DES PROCÉDURES D'ALLOCATION À AMÉNAGER

Relevant que les principes « d'additionnalité » et les exigences en termes d'évaluation n'ont pas toujours été respectées pour les actions du premier volet du PIA, le rapport note que la substitution de crédits du PIA aux dotations budgétaires ordinaires a tendance à s'accroître dans plusieurs domaines .

Par ailleurs, seule une action sur trois aurait fait l'objet d'une évaluation à ce jour , ce qui demeure très insuffisant, comme le relevait le rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Dans ce contexte, si le Comité plaide pour la pérennisation de ce cadre budgétaire dérogatoire , en raison de la souplesse qui l'accompagne, il estime indispensable de rendre effective la culture de l'évaluation. Il suggère ainsi l'adoption, par le SGPI, d'un programme triennal d'évaluation .

Le Comité avance également que les procédures d'allocation ont été, en réalité, plus ou moins innovantes, dans la mesure où 40 % des investissements décaissables ont fait l'objet de procédures proches d'une gestion administrative classique . Par conséquent, le rapport recommande notamment de confier au Comité le soin de rendre un avis sur le caractère sélectif et pertinent des procédures d'allocation des investissements d'avenir.

C. UNE GOUVERNANCE À AMÉLIORER

Si, pour le Comité de surveillance, le pilotage centralisé du PIA par le SGPI présente l'intérêt d'offrir un lieu d'impulsion et de coordination, il s'est traduit par un éloignement des ministères du processus décisionnel et de la gestion de cet outil .

Le rapport préconise donc de réinventer la gouvernance des PIA , en « relayant l'action de gestion des procédures par un pilotage des résultats », de façon à développer une vision stratégique interministérielle et une évaluation mieux coordonnée.

Il évoque également la nécessité de faire évoluer le rôle et les responsabilités des Comités de pilotage vers davantage de pilotage stratégique et d'articulation du PIA avec les autres dispositifs publics.

II. UN NOUVEAU PROGRAMME DOTÉ DE 20 MILLIARDS D'EUROS

A. UNE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE REPOSANT SUR DEUX VOLETS DISTINCTS

Élaboré à la lumière de cette évaluation, le quatrième programme d'investissements d'avenir rompt partiellement avec la logique poursuivie jusqu'alors .

En effet, composé d'un nombre réduit de programmes et d'actions, le PIA 4 répond à deux finalités distinctes et complémentaires :

- financer des investissements exceptionnels , en suivant une doctrine d'investissement innovant ;

- garantir, grâce à des dotations en capital, un financement pérenne aux écosystèmes d'enseignements supérieur, de recherche et d'innovation mis en place par le PIA, afin de « faire de la France le terreau le plus fertile en Europe pour les chercheurs et les entrepreneurs » 9 ( * ) .

Le PIA 4 est ainsi doté d'une enveloppe de 20 milliards d'euros , soit deux fois plus que les deux derniers programmes.

Répartition des crédits du PIA 4

(en millions d'euros)

Programmes

Actions

AE 2021

CP 2021

Programme 424 Financement des investissements stratégiques

Programmes et équipements prioritaires de recherche

3 000

300

Maturations de technologies

1 500

150

Démonstration en conditions réelles

2 500

250

Soutien au déploiement

3 000

300

Accélération de la croissance (fonds propres)

2 500

500

Total programme 424

12 500

1 500

Programme 425
Financement structurel des écosystèmes d'innovation

Financement structurel de l'écosystème de l'enseignement supérieur, de la recherche et sa valorisation (ESRI)

1 250

125

Aides aux entreprises innovantes

2 812,5

437,5

Total programme 425

4 063

562,5

Total mission “Investissements d'avenir”

16 563

2 063

Crédits hors mission IA

(dotations non consomptibles des PIA 1 et 2 et intérêts du FII)

3437

687,5

TOTAL PIA 4

20 000

2 750

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

1. Un volet « dirigé », au sein duquel les crédits ne sont pas sectorisés
a) Une désectorisation des crédits du PIA

Doté de 12,5 milliards d'euros dont 2,5 milliards d'euros en fonds propre, le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » a vocation à financer des investissements exceptionnels sur l'ensemble du continuum de l'innovation .

En pratique, ce programme ambitionne donc de cibler certains secteurs, marchés ou technologies qui sont considérés comme prioritaires pour la résilience et la souveraineté de notre économie, ou pour la transition écologique et énergétique.

Le soutien apporté à ces secteurs s'inscrirait dans le cadre de stratégies d'accélération cohérentes permettant de mobiliser tous les leviers de l'intervention publique de manière coordonnée , qu'il s'agisse de la fiscalité, les efforts de recherche, le besoin de formation, mais également les normes juridiques applicables.

Les différentes stratégies retenues seront dévoilées au fur et à mesure de leur élaboration. À ce stade, seule la stratégie pour l'hydrogène décarbonné aurait été finalisée , le Conseil interministériel pour l'innovation devant encore se prononcer sur les autres pistes étudiées.

En effet, plusieurs autres secteurs stratégiques auraient d'ores et déjà été identifiés :

- les technologies numériques ;

- la recherche médicale et les industries de santé ;

- l'agriculture responsable et la souveraineté alimentaire ;

- les transports et les mobilités durables ;

- les villes de demain ;

- l'enseignement numérique ;

- les industries culturelles et créatives.

Le volet dirigé de ce PIA présente donc la particularité de ne pas être sectorisé , contrairement à la pratique retenue jusqu'alors ; en effet les crédits portés par les PIA 1, 2 et 3 faisaient l'objet d'une répartition sectorielle , chaque ligne budgétaire renvoyant à une action spécifique (la création de nouveaux cursus à l'université), une structure bénéficiaire (par exemple les SATT) ou une politique publique (enseignement supérieur, recherche, transport, défense, etc.)

Le PIA 4 ambitionnant de soutenir les innovations selon leur degré de maturité , de l'amont vers l'aval, les cinq actions composant le programme 424 correspondent à des outils de financement distincts, ayant vocation à être mobilisés à tour de rôle dans le cadre du déploiement de chacune des stratégies d'accélération .

b) Une budgétisation faisant apparaitre cinq niveaux d'intervention économique

La budgétisation du PIA renvoie donc à différents niveaux d'intervention publique pour soutenir l'innovation, depuis sa conception jusqu'à son déploiement à grande échelle.

Répartition par actions des crédits du programme 424

(en millions d'euros)

Niveau d'intervention sur le continuum de l'innovation

Actions

AE

CP (2021)

Sélection et financement des projets de recherche en amont, pour construire le leadership français

01 - Programmes et équipements prioritaires de recherche

3 000

300

Soutien des programmes d'innovation de rupture, permettant de lever des verrous technologiques et aide à la valorisation

02 - Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche

1 500

150

Financement des premières commerciales, accompagnement des expérimentations en conditions réelles, développement d'incubateurs thématisés

03 - Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales

2 500

250

Vérification de l'effectivité des conditions de diffusion et d'adoption des innovations afin de permettre leur déploiement à grande échelle

04 - Soutien au déploiement

3 000

300

Intervention en fonds propre, sur la phase aval

05 - Accélération de la croissance (fonds propres)

2 500

500

Total

12 500

1 500

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Concrètement, les stratégies d'innovation adoptées pourront ainsi mobiliser les lignes budgétaires suivantes :

- « Programmes et équipements prioritaires de recherche », pour un montant total de 3,0 milliards d'euros sur 5 ans, afin de sélectionner et financer des projets de recherche. Cet instrument, qui s'inscrit dans la continuité des actions menées dans le PIA 3, sera mis en oeuvre par l'Agence nationale de la recherche (ANR) , dans le cadre d'une convention avec l'État ;

- « Maturation de technologies, R&D et valorisation de la recherche », nouvelle action dotée de 1,5 milliard d'euros sur cinq ans, et mise en oeuvre conjointement par l'ANR et Bpifrance, permettant de soutenir des programmes d'innovation de rupture sur le modèle des « grands défis » financés par le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), mais aussi d'accompagner des projets de recherche portés par des entreprises en partenariat avec des laboratoires de recherche publique ;

- « Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales », action s'inscrivant dans le prolongement des actions du PIA 3 (notamment les « territoires d'innovation »), opérée par Bpifrance, l'Ademe et la Banque des territoires et bénéficiant de 2,5 milliards d'euros . Cet instrument permettra de financer les premières commerciales (industrielles et de services), de façon à démontrer la viabilité des innovations dont les verrous technologiques ont été levés et d' accompagner les expérimentations en conditions réelles.

- « Soutien au déploiement », action disposant d'une enveloppe de 3,0 milliards d'euros. Ayant vocation à garantir l'effectivité des conditions de diffusion et d'adoption des innovations, permettant d'envisager un déploiement à grande échelle et de renforcer la souveraineté des modèles sur certaines chaînes de valeur stratégique, elle sera opérée selon les secteurs et les stratégies par Bpifrance, l'ANR, l'Ademe et la Banque des territoires.

Cette dernière ligne budgétaire pourra, en pratique, être mise à contribution pour soutenir l'implantation de sites industriels . Elle sera également appelée à faciliter la mise en oeuvre de leviers de financement et d'investissements variés, comme le renforcement de certaines productions d'intrants ou la diversification des approvisionnements.

Alors que les quatre premières actions constitueront des instruments subventionnels, la dernière action « Accélération de la croissance », prévoit une intervention en fonds propres . Ainsi, sur l'aval de la chaîne de valeur, une enveloppe de 2,5 milliards d'euros sera dédiée aux objectifs suivants :

- l'instauration d'un financement public du segment de l'amorçage , qui pourrait être réalisé par la création d'un fonds national d'amorçage n°3 (projet en cours de réflexion) ;

- la création d'un troisième fond Multicap croissance , pour permettre à terme aux fonds de capital-risque français de concurrencer les fonds anglo-saxons ;

- la création d'un fonds direct pour succéder aux fonds « Echotech » et « Ville de demain », destiné à couvrir toutes les classes d'actifs ;

- la préservation d'une dotation de flexibilité sur cinq ans, de manière à financer des besoins non identifiés à ce jour, en lien avec les grandes priorités du PIA 4. En pratique, selon les documents budgétaires, cette enveloppe pourrait être mobilisée au profit de sujets d'industrialisation ou d'infrastructures portés par le fonds Sociétés de projets industriels de Bpifrance et la société Ademe Investissements.

2. Un volet « structurel », destiné à rendre plus lisible le financement des écosystèmes de recherche et d'innovation

Le programme 425 « Financement des écosystèmes d'innovation », entend répondre à deux critiques récurrentes adressées aux programmes d'investissements d'avenir, à savoir :

- l'éclatement entre plusieurs programmes et missions, des sources de financement de l'innovation et de la recherche ;

- la fluctuation des moyens alloués aux différents dispositifs.

Ce second volet, doté de 4,062 milliards d'euros en autorisations d'engagement, poursuit donc deux objectifs .

Il vise en premier lieu à garantir un financement récurrent et constant aux structures de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation issues des précédents PIA ; c'est l'objet de l'action 01 « Financement de l'écosystème ESRI et valorisation », bénéficiant de 1,25 milliard d'euros sur 5 ans.

En parallèle, le programme 425 a vocation à centraliser les aides publiques aux entreprises innovantes , par le biais de l'action 02 « Aides à l'innovation bottom-up », pour laquelle 2,812 milliards d'euros (en AE) sont inscrits.

a) La pérennisation des crédits dédiés aux structures issues des précédents PIA

L'action 01 a vocation à soutenir « l'enseignement et la formation, la recherche et sa valorisation ». En pratique, ces crédits sont dédiés au financement :

- de l'adaptation des parcours au sein de l'enseignement et de l'insertion professionnelle de la jeunesse ;

- des laboratoires, équipements et programmes de recherche de grande ampleur « répondant à des défis sociétaux majeurs » ;

- des instituts et projets de recherche hospitalo-universitaires (IHU et RHU) ;

- des instituts de recherche technologique (IRT), des instituts pour la transition énergétique (ITE), et plus largement des organismes partenariaux qui réunissent industriels et acteurs de la recherche publique ;

- des Sociétés d'Accélération de Transfert de Technologies (SATT), regroupant l'ensemble des équipes de valorisation des sites universitaires.

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, l'ambition du PIA 4 a toujours été d'apporter un soutien pérenne à ces structures ; dans le contexte du plan de relance, cependant, ce soutien sera amplifié.

En pratique, cette action bénéficiera de 1,25 milliard d'euros de crédits nouveaux sur 5 ans, auxquels s'ajouteront les intérêts des dotations non consomptibles (DNC) issues des PIA 1 et 2, pour un montant de 3 milliards d'euros entre 2021 et 2025 .

En effet, jusqu'à présent, si un projet financé par les intérêts d'une DNC n'était pas confirmé, cette dernière était versée au budget général de l'État. Désormais, en vertu des aménagements apportés par l'article 55 rattaché à la présente mission, les dotations non consomptibles demeureront mobilisables et pourront être redéployées au profit d'une autre structure du PIA par l'ANR (voir infra ).

L'enveloppe totale allouée à ces structures atteindra donc in fine 4,25 milliards d'euros , ce qui correspond à un budget annuel de 850 millions d'euros.

Financement des écosystèmes d'innovation (action 01)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

b) La centralisation au sein d'une même action des aides aux entreprises innovantes

Le programme 425 prévoit de centraliser au sein d'une même enveloppe les aides apportées aux entreprises innovantes , actuellement portées par différents instruments : le PIA 3 (notamment dans sa partie régionalisée), les budgets interministériels et les intérêts du FII.

Seront ainsi financées par le programme 425 :

- les aides à l'innovation de Bpifrance - y compris pour les jeunes entreprises à forte intensité technologique ;

- les concours d'innovation à destination des start-ups et PME, qui accompagnent la création et la croissance d'entreprises innovantes et fortement technologiques ;

- le soutien aux projets structurants de R&D dans tous les secteurs , pour accompagner les projets collaboratifs associant des grandes entreprises avec des PME et des ETI.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, ces aides feraient en parallèle l'objet d'une réorganisation, de manière à garantir davantage de lisibilité dans la politique de soutien à l'innovation .

L'enveloppe allouée à cette action s'élève à 2,812 milliards d'euros (en AE) sur la durée du PIA 4 , auxquels s'ajouteront les intérêts annuels du FII, pour un montant de 87,5 millions d'euros par an 10 ( * ) .

B. DES MODALITÉS DE BUDGÉTISATION SENSIBLEMENT IDENTIQUES AUX PRÉCÉDENTS PIA

La gestion budgétaire du PIA présente plusieurs particularités qui, dans leur ensemble, seront conservées pour ce quatrième programme.

1. L'inscription de la majorité des crédits au sein de la mission « Investissements d'avenir »

Dès l'origine, le rapport « Juppé-Rocard » préconisait le respect d'un « principe d'additionnalité » et d'un « principe d'étanchéité » du PIA. Fondés sur le constat selon lequel le financement public de projets d'avenir nécessite un effort budgétaire supplémentaire, ces principes veulent que les crédits des PIA s'additionnent aux crédits « habituels » des ministères et ne s'y substituent pas, d'où le fait qu'ils soient exclusivement portés par des opérateurs et fléchés vers des actions prédéfinies .

Les crédits du PIA obéissent donc à une logique largement extrabudgétaire, ce qui soulève la question de leur budgétisation dans les textes financiers.

En pratique, les crédits budgétaires portés par les PIA 1 et 2 ont initialement été répartis sur des programmes éphémères au sein de chaque mission. A contrario , lors de l'élaboration du PIA 3, le choix a été fait de créer une mission budgétaire pérenne , regroupant dans leur grande majorité les crédits issus des PIA.

De ce point de vue, le PIA 4 s'inscrit dans la continuité du PIA 3, puisque son lancement correspond à la création de deux nouveaux programmes budgétaires au sein de la mission « Investissements d'avenir », portant 83 % des crédits afférents au PIA 4 - le solde étant composé des versements provenant des dotations non consommables des PIA 1 et 2 et des intérêts versés par le FII.

Budgétisation du PIA 4

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

2. Une ouverture intégrale des autorisations d'engagement, associée à un vote annuel sur les crédits de paiement

Pour les PIA 1 et 2, les crédits ont été votés en autorisations d'engagement et crédits de paiement, puis intégralement consommés l'année de leur ouverture .

La débudgétisation des PIA 1 et 2

Pour les PIA 1 et 2 , l'ensemble des AE et des CP avaient respectivement été votés dans la loi de finance rectificative du 9 mars 2010 et dans la loi de finances pour 2014.

Ceux-ci avaient été ensuite intégralement versés aux opérateurs qui disposaient ainsi d'importantes marges de manoeuvre pour sélectionner et accompagner les projets en adaptant les décaissements à leur avancement, hors de toute contrainte liée à l'annualité budgétaire.

Cette technique a fait l'objet d'importantes critiques de la Cour des comptes 11 ( * ) , pointant la non-intégration de ces flux aux normes de dépenses . La Cour a également souligné les limites à la capacité de contrôle du Parlement liées à cette gestion extrabudgétaire, tout en relevant qu'un dispositif ad hoc avait été mis en place pour permettre l'information de ce dernier : information trimestrielle sur les mouvements de crédits par l'ex-CGI, information sur les conventions signées avec les opérateurs et leurs éventuels avenants, présentation de deux rapports annuels annexés aux projets de loi de finances, institution d'un comité de surveillance où sont notamment présents quatre sénateurs et quatre députés.

Source : commission des finances

En revanche, pour le PIA 3, les autorisations d'engagement ont été ouvertes dès 2017, les crédits de paiement étant votés chaque année.

Le PIA 4 reprend ces modalités, en prévoyant le vote de l'intégralité des autorisations d'engagement en loi de finances initiale pour 2021, tandis que les crédits de paiement seront progressivement ouverts d'ici à 2025.

Néanmoins, à la différence du PIA 3 pour lequel aucun crédit de paiement n'était prévu l'année de lancement, la création du PIA 4 s'accompagne d'une ouverture de 2 063 millions d'euros de crédits de paiement dès 2021 12 ( * ) , à savoir 1 500 millions d'euros pour le programme 424 et 562,5 millions d'euros pour le programme 425.

Échéancier des crédits de paiement du PIA 4

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

3. Le maintien de règles budgétaires dérogatoires

Comme pour le PIA 3, les règles budgétaires qui seront applicables au PIA 4 dérogent largement aux grands principes des finances publiques , à commencer par les principes d'annualité et d'universalité budgétaires.

Ainsi, les crédits inscrits ne sont pas soumis à la régulation budgétaire et, de ce fait, ne peuvent faire l'objet de mise en réserve .

Par ailleurs, la gestion des crédits du PIA reste très largement extrabudgétaire :

- les fonds sont directement versés aux opérateurs , sans transiter par le budget des ministères ;

- les décisions d'investissement ou de réallocation sont prises par le Premier ministre, si bien que les ministres ou directeurs d'administration ne sont pas les ordonnateurs des crédits ;

- les procédures d'allocation des investissements sont plus sélectives et innovantes que les procédures administratives classiques.

Enfin, la mission « Investissements d'avenir » ne fait pas l'objet de lettre de cadrage dans le cadre du projet de loi de finances.

C. UNE GOUVERNANCE AMÉNAGÉE POUR TENIR COMPTE DES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ DE SURVEILLANCE

1. Le maintien, dans les grandes lignes, des modalités de gouvernance applicables au PIA 3

L'article 55 du projet de loi de finances pour 2021, rattaché à la présente mission prévoit d'étendre au PIA 4, la plupart des modalités de gouvernance relatives au PIA 3, notamment à l'article 8 de la loi de finances rectificative pour 2010.

a) Un pilotage toujours assuré par le Secrétariat général pour l'investissement

Le pilotage des trois programmes d'investissement d'avenir demeure assuré par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI, ex- commissariat général à l'investissement).

Spécifiquement chargé de la mise en oeuvre des PIA et placé auprès du Premier ministre, le SGPI prépare les décisions du Gouvernement sur les contrats passés avec les opérateurs gestionnaires des fonds, coordonne la préparation des cahiers des charges relatifs à la sélection des projets et veille à l'évaluation des investissements 13 ( * ) .

Constituée d'une équipe resserrée d'environ 30 membres, cette structure assure également le suivi du Grand plan d'investissement et la coordination en France de la mise en oeuvre du plan d'investissement européen. Le SGPI siège par ailleurs au Conseil de l'innovation, qui définit notamment les cinq « grands défis » financés par le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

b) Une gestion des fonds confiée à quatre opérateurs, qu'une convention lie à l'État

La mise en oeuvre des actions du PIA, de même que la gestion de ses dotations, n'est pas confiée aux ministères concernés sur le fond par les investissements, mais à des opérateurs .

Tandis que les PIA 1 et 2 s'appuyaient sur une douzaine d'opérateurs, le PIA 3 et le PIA 4 n'en comptent plus que quatre : Bpifrance, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Agence nationale de la recherche (ANR).

Conformément à l'article 8 de la loi de finances rectificative pour 2010 14 ( * ) , chacune des actions définies par le Gouvernement donne lieu à la signature de conventions entre l'État et les différents opérateurs chargés de leur mise en oeuvre opérationnelle , précisant les modalités de sélection des projets, ainsi que celles relatives à la gestion et l'utilisation des fonds.

Ces conventions pouvaient initialement être conclues pour une durée maximale de 15 ans ; néanmoins, l'article 55 rattaché à la présente mission prolonge de cinq ans cette échéance, afin d'assurer l'extinction progressive des actions financées 15 ( * ) .

Une fois les conventions signées, les opérateurs lancent les appels à manifestations d'intérêts (AMI) ou les appels à projets (AAP) définissant le cahier des charges des différentes actions, puis instruisent les candidatures.

Les candidats sont in fine sélectionnés par un jury ou un comité indépendant . Si la décision de financement relève en dernier ressort de l'État, ce dernier se conforme en pratique aux avis du comité.

c) Un contrôle assuré par le Parlement

Pour suivre la mise en oeuvre des PIA, l'article 8 précité de la première loi de finances rectificative pour 2010 prévoit plusieurs dispositions 16 ( * ) .

En pratique, le contrôle du Parlement s'appuie principalement sur :

- les documents annexés annuellement au projet de loi de finances, et notamment le « jaune budgétaire » qui propose chaque année un bilan de la mise en oeuvre et du suivi des programmes d'investissements d'avenir 17 ( * ) ;

- le bilan financier périodique des PIA , transmis chaque trimestre aux commissions des finances.

- le rapport d'activité annuel du Secrétariat général pour l'investissement ;

- les conventions et avenants transmis , pour information et avant leur signature, aux commissions des finances et autres commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces dernières peuvent communiquer au Premier ministre leurs observations à ce sujet.

Les commissions des finances sont également informées des projets de redéploiements de crédits qui modifient la répartition initiale des fonds entre les différentes actions des programmes, avant d'être approuvés par le Premier ministre.

Enfin, le Comité de surveillance des investissements d'avenir, chargé d'évaluer le programme et de dresser un bilan annuel de son activité (voir infra ), comprend quatre députés et quatre sénateurs .

L'article 55 rattaché à la mission prévoit un renforcement des obligations d'information à l'égard de la représentation nationale , puisqu'une liste récapitulative des conventions et avenants adoptés et publiés au Journal officiel sera désormais adressée annuellement au Parlement.

Il sera ainsi possible de disposer d'une vision globale et consolidée des conventions et avenants signés au cours de l'année écoulée.

2. Des aménagements destinés à renforcer le suivi et le contrôle des investissements d'avenir

Si, dans les grandes lignes, la gouvernance applicable au PIA 4 demeure inchangée, deux aménagements sont apportés afin de renforcer le suivi et le contrôle des investissements d'avenir.

a) La création d'une nouvelle gouvernance interministérielle de haut niveau pour piloter les volets du PIA

Le suivi de la réalisation de chacun des différents projets est actuellement assuré par un comité de pilotage (COPIL) associant le SGPI, l'opérateur concerné et les ministères compétents sur le fond.

Pour garantir un alignement stratégique entre les différents ministères, ainsi qu'une plus grande cohérence dans les investissements, chaque volet du PIA 4 disposera de sa propre gouvernance , sous l'autorité d'une nouvelle instance présidée par Premier ministre, le Conseil interministériel de l'innovation .

Composée de représentants des principaux ministères concernés par les politiques publiques poursuivies, cette structure sera chargée de décider des orientations et des priorités de la politique d'innovation.

Le Conseil interministériel de l'innovation aura également vocation à couvrir, pour un secteur ou un marché donné, tout le spectre des interventions de l'État , de manière à mobiliser de manière coordonnée et cohérente tous les leviers de l'action publique.

Enfin, pour chaque volet, un coordonnateur national sera nommé , afin de centraliser la gestion et le pilotage des projets, et de constituer une interface privilégiée pour les candidats aux appels à projets et les membres de chaque filière.

Pour le rapporteur spécial, ces évolutions vont bien évidemment dans le bon sens. En effet, le Comité de surveillance a relevé dans son rapport d'évaluation que le pilotage centralisé du PIA s'était accompagné d'un éloignement des ministères du processus décisionnel , obérant l'efficacité de cet outil.

Il était donc éminemment souhaitable de renforcer la dimension interministérielle de ces investissements, afin de garantir une plus coordination des acteurs publics .

b) Le renforcement du rôle du comité de surveillance des investissements d'avenir

Conformément aux préconisations du rapport sur l'évaluation des PIA, l'article 55 étoffe les missions du Comité de surveillance des investissements d'avenir.

Actuellement chargé d'évaluer le programme d'investissements et de dresser un bilan annuel de son exécution, le comité devra désormais également conseiller le Gouvernement sur les priorités d'investissement du programme .

L'étude d'impact précise, en sus, que la composition de cet organe sera renouvelée , sans donner davantage de précisions à ce sujet.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, ce renouvellement serait actuellement en cours et n'aurait pas vocation à modifier substantiellement les grands équilibres inhérents à sa composition.

Le rapporteur spécial se félicite de cette évolution, permettant d'associer les parlementaires siégeant au sein du Comité à la préparation des stratégies menées par le Gouvernement .

3. La formalisation d'une doctrine d'investissement

L'article 55 du projet de loi de finances énonce une nouvelle doctrine d'investissement pour le programme d'investissements d'avenir, formalisée en cinq points 18 ( * ) :

- la priorité est donnée aux projets innovants , poursuivants trois objectifs : « augmenter le potentiel de croissance de l'économie, accélérer la transition écologique et augmenter la résilience de l'organisation socio-économique du pays » ;

- les projets sont sélectionnés par le biais de procédures « ouvertes et objectives, favorisant la concurrence (...) », avec l'aide d'experts indépendants ou de jurys comprenant le cas échéant des personnalités étrangères.

- les projets sélectionnés doivent présenter un retour sur investissement , « financier ou non » ;

- les projets doivent être cofinancés , par des fonds privés, publics ou encore européens ;

- le choix des investissements doit être fait en toute transparence et ainsi, les décisions d'investissement ainsi que les éléments ayant contribué à leur sélection sont rendues publiques , « dans le respect des dispositions relatives au secret des affaires ».

Si cette démarche constitue indubitablement une avancée, le rapporteur s'interroge sur sa portée effective. Il est en effet permis de douter du caractère réellement contraignant d'une doctrine énoncée dans des termes aussi généraux.

D. LE RECENTRAGE SUR UN NOMBRE LIMITÉ DE MODES DE FINANCEMENT

1. Une pluralité d'instruments financiers dans les précédents PIA

Les PIA 1, 2 et 3 prévoyaient des subventions , des avances remboursables et des prêts, des dotations non consommables générant des intérêts annuels, des dotations à fonds de garantie, des dotations décennales et des prises de participations (ou dotations en fonds propres).

Définition des différents modes d'intervention des PIA 1, 2 et 3

- subvention : aide financière apportée à un projet ou à un organisme (avec ou sans contreparties) ;

- avance remboursable : aide financière apportée à un projet, qui doit être remboursée en cas de succès du projet, avec paiement d'intérêts défini en fonction du type de projet ;

- dotation à fonds de garantie : assimilable à une subvention, elle permet d'assumer le risque de défaut de l'emprunteur ;

- prêt : remise de fonds à une entreprise ou un organisme moyennant le paiement d'un intérêt, avec l'engagement de remboursement de la somme prêtée ;

- dotation en fonds propres : apport en capital - ou en quasi fonds propres - à une société, en tant qu'« investisseur avisé » (c'est-à-dire avec la même façon d'apprécier l'opportunité financière qu'un investisseur privé) ;

- dotation non consommable : capital dont seuls les intérêts qui le rémunèrent sont rendus disponibles année après année.

- dotation décennale : versements réguliers pendant 10 ans

Source : bilan financier du secrétariat général pour l'investissement au 30 juin 2020

Mode de financement particulièrement innovant, les dotations non consommables ont été instituées dans le cadre du PIA 1. Elles servent d'assiette au calcul d'intérêts à taux fixe versés aux bénéficiaires . Seule l'Agence nationale de la recherche (ANR) a été dépositaire de dotations non consommables, à destination d'actions relevant de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ainsi, seuls les intérêts annuels des dotations non consommables sont décaissés , en aucun cas les dotations elles-mêmes.

Dans le PIA 3, les dotations non consommables ont été remplacées par des dotations décennales , permettant de décaisser progressivement les crédits pendant dix, pour un total ne pouvant dépasser 10 % de la dotation chaque année.

En effet, dans un contexte économique de taux d'intérêt particulièrement faibles , il devenait inutile de conserver le financement par dotations non consommables. Ces dernières rendaient par ailleurs peu lisible le montant des financements réellement disponibles , tout en étant susceptibles de « créer des engagements de dépenses budgétaires pour l'État sans limitation de durée », comme le relevait la Cour des comptes 19 ( * ) , aucune date de fin versement n'étant prévue. Effectivement, les dotations non consommables des PIA 1 et 2 continuent de générer des intérêts annuels de l'ordre de 600 millions d'euros.

La dotation décennale répond à ces critiques ; cependant, ne constituant pas un mode de financement pérenne, elle laisse pendante la question du devenir des structures qui la perçoivent .

Enfin, les investissements en fonds propres représentent 40 % du montant total du PIA 3 . Or, si ce mode de financement présente l'intérêt de n'avoir aucun impact sur le déficit maastrichtien, il constitue une prise de risque non négligeable pour l'État. Par ailleurs, il ne correspond pas toujours aux besoins de financement des acteurs de l'innovation , dans la mesure où seuls les segments matures peuvent prétendre à ce type de soutien.

De l'aveu même des opérateurs, les PIA 3 comportaient une proportion trop importante d'investissements en fonds propres . Il convenait donc, dans le PIA 4, de remédier à ce déséquilibre.

Impact budgétaire des différentes interventions des PIA 1, 2 et 3

Dette

Déficit budgétaire

Déficit maastrichtien

Dotations non consommables

Intérêts annuels

100 % de l'année de la loi de finances

Intérêts annuels

Prêts / prises de participation

Impact lors du décaissement

100 % de l'année de la loi de finances

0 % au décaissement, impact si réévaluation ultérieure

Subventions

Impact lors du décaissement

100 % de l'année de la loi de finances

100 % au décaissement

Avances remboursables

Impact lors du décaissement

100 % de l'année de la loi de finances

100 % au décaissement (impact positif les années de remboursement)

Source : Secrétariat général pour l'investissement

2. Un nombre restreint de modalités de financement dans le PIA 4

Le PIA 4 se recentrera sur deux modes d'intervention , à savoir l'octroi de subventions (pouvant prendre la forme d'avances remboursables) et l'investissement en fonds propres (fonds d'investissements directs, généralistes ou thématiques, ou fonds de fonds).

En parallèle, comme évoqué précédemment, les intérêts versés par les dotations non consommables des PIA 1 et 2 seront également réorientés vers le financement de l'écosystème de l'innovation.

III. LA PERSISTANCE DE PLUSIEURS PIERRES D'ACHOPPEMENT DANS LA BUDGÉTISATION DU PIA 4

A. LE VOLET DIRIGÉ : UN « CHÈQUE EN BLANC » À DESTINATION DU GOUVERNEMENT ?

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, la liste des secteurs stratégiques qui bénéficieront d'un soutien dans le cadre du volet dirigé du PIA n'est pas encore arrêtée par le Conseil interministériel de l'innovation - et ne sera pas finalisée avant la fin de l'année 2021.

À ce jour en effet, seule la stratégie de filière relative à l'hydrogène a été rendue publique. Si le Gouvernement communique sur certaines priorités (voir supra ), rien ne permet de déterminer dans quel ordre, ni à quelle échéance, ces thématiques feront l'objet d'une stratégie d'accélération prioritaire portée par le PIA 4.

Le Parlement est donc invité à se prononcer sur l'affectation de crédits à des outils de financement (programmes prioritaires de recherche, démonstration en conditions réelles, soutien au déploiement), sans savoir au profit de quelles stratégies ou quels secteurs ces outils seront mobilisés .

S'il est vrai que les documents budgétaires détaillent la méthode retenue pour l'élaboration de ces stratégies, les termes retenus pour la formalisation de cette dernière demeurent très larges et peu restrictifs :

- une « ambition de transformation d'un secteur identifié » (industriel, technologique, sociétal), explicitant l'état des forces et faiblesses et qualifiant les impacts attendus des mesures proposées ;

- une « priorisation des investissements sur certains segments d'intervention ciblés , en privilégiant un impact de moyen et long termes sur l'économie française » ;

- une « consultation large des écosystèmes concernés avec partage des orientations et des mesures envisagées ».

Par construction, la sélection de ces stratégies d'accélération échappe donc très largement au contrôle du Parlement , de même que la définition des moyens financiers destinés à les accompagner.

Il n'est cependant pas envisageable de demander à la représentation nationale de signer un chèque en blanc au profit du Gouvernement . Il serait donc a minima souhaitable que les stratégies d'accélération fassent l'objet d'une présentation détaillée devant les parlementaires, de façon à ce que ces derniers puissent rendre un avis sur les priorités in fine retenues .

Au demeurant, le rapporteur spécial déplore que la représentation nationale ne puisse disposer d'une vision d'ensemble des stratégies qui seront déployées , alors que l'articulation de ces dernières entre elles constituera vraisemblablement un des enjeux majeurs de ce PIA 4.

B. LE VOLET STRUCTUREL : LA PÉRENNISATION DE FINANCEMENTS EXCEPTIONNELS

Le rapporteur spécial s'étonne de la pérennisation, au sein du PIA 4, de financements exceptionnels .

S'il est parfaitement légitime de vouloir assurer un financement récurrent à ces structures, qui semblent largement plébiscitées par les communautés de chercheurs et ont fait la preuve de leur efficacité, le rapporteur spécial s'interroge sur l'opportunité de conserver ces lignes budgétaires au sein de la mission « Investissements d'avenir » .

Dans la mesure où le financement de l'écosystème d'innovation s'apparente davantage à une politique publique récurrente qu'à un effort exceptionnel, il serait plus cohérent de regrouper les crédits afférents au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » .

En effet, dans son rapport d'évaluation sur les investissements d'avenir, le Comité de surveillance rappelle qu'il « convient d'organiser la sortie d'un certain nombre d'actions ou de projets matures pour que le PIA soit bien un outil de financement non pérenne » 20 ( * ) . Ces actions ou projets pourraient être clôturés et rebudgétisés dans les programmes ministériels, au terme d'une phase de transition permettant d'assurer le transfert dans de bonnes conditions (avec par exemple la constitution d'une équipe pour piloter l'investissement).

Le rapporteur spécial relève que les actions et structures ayant vocation à être rattachées au programme 425 sont issues des PIA 1 et 2, et financées par le biais de conventions État-opérateur arrivant à expiration en 2025 , les conventions ne pouvant être conclues pour une durée supérieure à 15 ans.

Ainsi, au lieu de prolonger de cinq ans la durée maximale de ces conventions, il eut été tout à fait envisageable de clôturer ces actions à compter de 2025, de manière à anticiper leur réintégration dans le budget de l'État .

Pour le rapporteur spécial, la création du programme 425 entretient donc une confusion préjudiciable quant à la nature des PIA , qui s'apparentent de plus en plus à une source de financement ordinaire pour le ministère de la recherche et de l'innovation.

Enfin, dans le cadre du vote de la loi de programmation pour la recherche, il eut été judicieux de simplifier l'architecture du soutien public à la recherche , l'extrême dissémination actuelle des crédits se révélant problématique, pour les chercheurs désirant en bénéficier d'une part, et pour la représentation nationale chargée d'en assurer le suivi d'autre part .

C. UN DÉFICIT DE LISIBILITÉ AGGRAVÉ PAR LA CONTEMPORÉANITÉ DES PIA 3 ET 4

Le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir alors même que l'intégralité des crédits de paiement du PIA 3 n'a pas encore été versée aux opérateurs a pour conséquence de faire coexister deux programmes au sein de la même mission budgétaire .

Pour le rapporteur spécial, cette nouvelle architecture est encore moins lisible que la précédente . Désormais :

- les crédits relevant des PIA 1 et 2 continueront d'être contractualisés et décaissés par les opérateurs. Le suivi de ces opérations se fera toujours par le biais d'une comptabilité ad hoc ;

- les crédits du PIA 3 feront l'objet d'un suivi budgétaire jusqu'à ce que la totalité des crédits de paiement ait été consommée (c'est-à-dire en 2028, en raison des dotations décennales). En parallèle, ces crédits seront engagés, contractualisés et décaissés par les opérateurs ;

- les autorisations d'engagement du PIA 4 devront progressivement être consommées (par la signature de conventions avec les opérateurs), de même que les crédits de paiement afférents, avant de pouvoir être engagés, contractualisés puis décaissés.

De surcroît, plus de 15 % des crédits destinés à alimenter le PIA 4 - à savoir les intérêts générés par le FII et les dotations non consommables, représentant 3,427 milliards d'euros sur 5 ans - ne sont pas budgétisés sur la mission « Investissements d'avenir » .

Le suivi des montants inscrits dans le PIA 3 se révélait déjà particulièrement complexe, en raison de la double comptabilité induite par l'architecture retenue, mais également de la dispersion des crédits , ainsi que de l'ampleur et de la fréquence des redéploiements opérés en cours de gestion.

Force est de constater que la nouvelle maquette de la mission « Investissements d'avenir », avec les débudgétisations supplémentaires qu'elle comporte, aggrave encore cette situation . Dès lors, le rapporteur spécial s'interroge sur les conditions dans lesquelles il sera possible à la représentation nationale de réellement suivre et contrôler l'emploi des crédits .

Or, comme l'a rappelé le Comité de surveillance, compte tenu du caractère dérogatoire du cadre budgétaire applicable, la pérennisation des investissements d'avenir ne pourra être équilibrée vis-à-vis du Parlement que « si les principes d'additionnalité et les exigences en termes de reporting et d'évaluation des actions sont respectées » 21 ( * ) .

Concernant le respect du principe d'additionnalité, le rapporteur spécial regrette que les substitutions budgétaires soient toujours importantes à l'heure actuelle, comme en atteste la budgétisation pour 2021. Si la formalisation d'une doctrine d'investissement constitue à première vue un garde-fou utile, le rapporteur spécial regrette que cette dernière soit énoncée dans des termes vagues, peu susceptibles de constituer un verrou effectif.

En parallèle, le caractère très insuffisant des évaluations réalisées a été pointé très clairement par le Comité de surveillance dans son rapport, sans qu'il ne soit envisagé, à ce stade, d'apporter des correctifs à cette situation.

D. PIA ET PLAN DE RELANCE : UN ARTICULATION A CLARIFIER

Il est prévu que le PIA 4 participe à hauteur de 11 milliards d'euros sur 3 ans au plan de relance . Le tableau ci-après présente la répartition de ces crédits par année et par thématique retenue.

Répartition des crédits du PIA 4 dédiés au plan de relance en CP

(en millions d'euros)

Priorité du plan de relance

Mesure du PIA

Programme budgétaire concerné

2021

2022

2023

Total

Écologie

Développement des innovations et technologies vertes

Programme 424

1000

2 500

2 500

3 400

Compétitivité

Résilience et souveraineté économiques

2 600

Soutien des écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation

Programme 425
(action 01)

725

913

913

2 550

Cohésion

Accompagnement des entreprises innovantes à chaque étape de leur développement

Programme 425
(action 02)

525

712,5

712,5

1 950

Fonds propres affectés à la relance

500 22 ( * )

500

Total

2 750

4 125,5

4 125,5

11 000

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, les stratégies d'accélération étant en cours d'élaboration (programme 424), il n'est à ce stade pas possible d'établir une ventilation fixe entre les deux thématiques « Développement des innovations et technologies vertes » et « Résilience et souveraineté économique ».

Au demeurant, la programmation établie ci-dessus transcrit la trajectoire prévisionnelle des deux programmes, auxquels s'ajoutent les intérêts générés par les dotations non consommables et le FII - sans préjudice de l'élaboration des prochains projets de loi de finances.

Le rapporteur spécial ne peut que saluer le caractère extrêmement ambitieux de cette budgétisation , destinée à limiter l'impact du ralentissement économique.

Néanmoins, il parait opportun de rappeler que la consommation des crédits de paiement à horizon 2023 ne s'accompagnera pas nécessairement d'un décaissement effectif des montants affichés , étant donné les modalités de budgétisation du PIA (voir supra ).

En effet, à titre de comparaison, trois ans après le lancement du PIA 3, si 4,7 milliards d'euros de crédits de paiement ont été consommés, seuls 750 millions d'euros ont été décaissés .

De la même manière, à l'échelle de l'ensemble des programmes d'investissements d'avenir, alors que l'enveloppe totale s'élève à 57 milliards d'euros, seuls 26,2 milliards d'euros ont fait l'objet d'un versement effectif aux bénéficiaires à ce jour .

Par conséquent, pour le rapporteur spécial, il semble très peu probable que l'enveloppe du PIA 4 dédiée au plan de relance puisse réellement être dépensée dans les trois années à venir. Cette précision technique revêt en réalité une importance cruciale : il n'est pas exact de prétendre que les investissements d'avenir pourront irriguer à très court terme le tissu économique français .

Dans tous les cas, une clarification s'impose : les PIA ne constituent pas un outil de relance, mais un instrument visant à renforcer la croissance potentielle . Destinés à améliorer de la compétitivité à long terme, ils n'ont pas vocation à répondre à court terme au ralentissement économique.

S'il est légitime de s'appuyer sur l'ensemble des dispositifs existants pour faire face à la crise sanitaire, il importe de ne pas dévoyer les PIA de leur raison d'être. Au demeurant, une clarification du Gouvernement quant à l'usage qui pourra réellement être fait des crédits labellisés « plan de relance » du PIA serait bienvenue.

E. UNE TERRITORIALISATION ENCORE BALBUTIANTE

Parmi les principales caractéristiques du PIA 3 figuraient la création d'une enveloppe « régionalisée » au prorata du PIB régional permettant de cofinancer des projets avec les Conseils régionaux.

Pour le rapporteur spécial, cette initiative était bienvenue, permettant de décupler l'impact du PIA sur le territoire régional. Le lancement du PIA 4 constituait, à cet égard, une excellente occasion pour intensifier la territorialisation des investissements d'avenir.

Comme le relevait le Comité de surveillance dans son rapport : « une nouvelle génération d'investissements stratégiques gagnerait à privilégier des thématiques à fort impact territorial (...) la macro-allocation de la nouvelle génération d'investissements stratégiques [doit s'orienter] vers des déterminants de croissance de l'économie française qui gagneraient à bénéficier d'innovations et qui emportent une forte dimension territoriale », comme la préservation de la biodiversité, la transition agricole et agro-alimentaire ou encore la formation scolaire dans le primaire et le secondaire.

Il est indéniable que la nouvelle maquette présente certaines avancées en matière de territorialisation , avec notamment la création d'un nouvel indicateur de performance pour le programme 422, destiné à « fournir une appréciation de la capacité des acteurs de l'innovation territoriale à travailler ensemble ».

Le PIA 4 devrait également comporter « une dimension territoriale affirmée, par la recherche de partenariats renforcés avec les grands acteurs des territoires et l'enrichissement des innovations par la démonstration territoriale en conditions réelles » 23 ( * ) . Ces démonstrations, financées par l'action 3 du programme 424, seront opérées par la Caisse des dépôts.

Néanmoins, pour le rapporteur spécial, au vu des priorités thématiques retenues, l'effort de territorialisation des investissements devrait rester limité et bien en-deçà des préconisations du Comité de surveillance.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 55

Gouvernance du quatrième programme d'investissements d'avenir

Le présent article énonce une doctrine d'investissement pour les PIA et étend au quatrième programme d'investissements d'avenir les règles de gouvernance déjà applicables pour les programmes précédents, tout en procédant à plusieurs aménagements.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

Dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2010 24 ( * ) , 35 milliards d'euros avaient été inscrits dans le budget de l'année, pour constituer les crédits consacrés au grand « emprunt national » décidé pour relancer l'investissement. Ce dispositif est directement issu des travaux menés par MM. Alain Juppé et Michel Rocard , co-présidents de la commission chargée de mener une réflexion sur les investissements porteurs d'avenir, et qui ont remis leur rapport 25 ( * ) le 19 novembre 2009.

Il a été complété d'un deuxième programme , dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014, pour un montant de 12 milliards d'euros 26 ( * ) .

En loi de finances initiale pour 2017 27 ( * ) , un troisième programme a été créé, présentant la particularité de constituer une mission budgétaire spécifique au sein du projet de loi de finances. Initialement doté de 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement, ce dernier programme bénéficie chaque année d'une ouverture progressive en crédits de paiement.

La création du PIA a été guidée par la volonté de préserver l'investissement de long terme , qui risquait d'être sacrifié sous le coup de la crise économique. Il a été construit afin de lui donner une existence extrabudgétaire, à l'abri de tout arbitrage négatif en cours d'année.

Outre ces règles budgétaires dérogatoires du droit commun , le PIA repose également sur des modalités de gouvernance spécifiques, notamment fixées à l'article 8 de la loi précitée du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010. Les dispositions concernent à la fois les conditions de gestion et d'utilisation des fonds et les modalités d'information et de contrôle du Parlement.

A. UNE GESTION DES FONDS CONFIÉE À DES OPÉRATEURS SPÉCIALISÉS

1. Le recours à des conventions entre l'État et les opérateurs

La gestion des fonds est confiée par l'État à des opérateurs , dont le nombre est limité à quatre depuis le PIA 3 : l'Agence nationale de la recherche (ANR), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et Bpifrance.

Les conditions de gestion et d'utilisation des fonds du PIA font l'objet, pour chaque action engagée et préalablement à tout versement, d'une convention conclue entre l'État et l'opérateur désigné, qui comprend nécessairement :

- les objectifs à atteindre et les indicateurs retenus pour mesurer les résultats obtenus ;

- les modalités d'instruction des dossiers et les « dispositions prises pour assurer la transparence du processus de sélection » ;

- les modalités d'utilisation des fonds et les conditions de contrôle et, le cas échéant, de décision en dernier ressort par l'État ;

- les modalités de suivi et d'évaluation de la rentabilité des projets d'investissement présentés, avec les conditions d'organisation, le cas échéant, d'un intéressement pour l'État ;

- l'organisation comptable, les modalités de suivi comptable et d'information préalable de l'État ;

- les conditions de placement des fonds en vue de la production d'intérêts.

Ces conventions ne peuvent être conclues pour une durée supérieure à quinze ans .

Les fonds ne peuvent être déposés qu' auprès d'un comptable du Trésor .

2. La gestion spécifique par l'ANR des dotations non consommables

Dans le cadre des dotations non consomptibles, l'Agence nationale de la recherche doit conclure une convention avec l'organisme bénéficiaire de la dotation , précisant les conditions de gestion et d'utilisation des fonds conservés pour produire intérêts. Cette convention est soumise à l'approbation de l'État.

À l'issue de la période probatoire, si les conditions définies au moment de la sélection sont remplies, la dotation non consommable a vocation à être dévolue définitivement au projet financé .

En revanche, ces conventions précisent que les dotations non consommables n'ayant pu être versées aux bénéficiaires finaux à l'issue des périodes probatoires - notamment parce que l'initiative d'excellence n'est pas confirmée - peuvent donner lieu à un nouvel appel à projets ou, à défaut, « sont reversées au budget de l'État 28 ( * ) ».

B. UN SUIVI OPÉRÉ PAR LE COMITÉ DE SURVEILLANCE DES INVESTISSEMENTS D'AVENIR ET LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL POUR L'INVESTISSEMENT

L'article 8 précité de la première loi de finances rectificative pour 2010 a également prévu la création d'un Comité de surveillance des investissements d'avenir. Ce dernier comprend quatre députés, quatre sénateurs et huit personnalités qualifiées, issues de la société civile, nommées par arrêté du Premier ministre pour une durée de deux ans renouvelable.

Le comité de surveillance est notamment chargé d'évaluer le programme d'investissements et de « dresser un bilan annuel de son exécution », qui est remis au Premier ministre et aux deux assemblées parlementaires.

Il s'appuie sur les informations transmises par le Secrétariat général pour l'investissement , organe spécifiquement institué pour mettre en oeuvre ces investissements d'avenir. Ainsi, en vertu du décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010, le Secrétariat général pour l'investissement « veille sous l'autorité du Premier ministre, à la cohérence de la politique d'investissement de l'État ».

Ainsi, selon l'article 1 er du décret précité, le secrétaire :

- prépare les décisions du Gouvernement relatives aux contrats passés entre l'État et les organismes chargés de la gestion des fonds consacrés aux investissements d'avenir ;

- coordonne la préparation des cahiers des charges accompagnant les appels à projets et vérifie leur cohérence avec l'action du Gouvernement en matière d'investissements d'avenir et de réforme des politiques publiques ;

- coordonne l'instruction des projets d'investissement et formule des avis et propositions ;

- veille à l'évaluation, a priori et a posteriori , des investissements, et notamment de leur rentabilité ;

- dresse un bilan annuel de l'exécution du programme.

C. UN CONTRÔLE DE L'UTILISATION DES CRÉDITS DÉVOLU AU PARLEMENT

1. La présentation annuelle de trois annexes budgétaires

Le Parlement contrôle l'exécution des programmes d'investissements d'avenir à partir des documents annexés annuellement au projet de loi de finances .

Le Gouvernement doit en premier lieu indiquer, au sein du rapport économique, social et financier (RESF), les conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits ouverts.

Il doit également transmettre à la représentation nationale une annexe budgétaire relative à la mise en oeuvre des investissements d'avenir . Correspondant à un « jaune budgétaire », cette dernière présente pour chaque mission :

- les investissements prévus et en cours de réalisation, en justifiant le choix des projets et en présentant l'état d'avancement des investissements ;

- les montants dépensés , les moyens financiers prévus pour les années à venir, les modalités de financement mises en oeuvre et, le cas échéant, les modifications apportées à la répartition initiale des fonds ;

- les cofinancements publics et privés attendus et obtenus ;

- les objectifs poursuivis et les résultats attendus et obtenus, avec la justification des indicateurs utilisés à cet effet ;

- les retours sur investissements attendus et obtenus, y compris également les méthodes d'évaluation utilisés ;

- le rôle des opérateurs , les résultats du contrôle par l'État de la qualité de leur gestion ainsi que le contenu et la mise en oeuvre des conventions.

L'article 134 de la loi de finances initiale pour 2017 29 ( * ) a ajouté à cette liste la présentation des abondements réellement opérés pour chaque programme, comparés aux prévisions initialement établies dans la convention entre l'État et l'opérateur, ainsi que « le financement effectif de la contribution au développement durable » pour chaque mission concernée.

Enfin , en vertu de l'article 179 de la loi de finances pour 2020 30 ( * ) , les crédits budgétaires labellisés « Grand plan d'investissement » - parmi lesquels figurent notamment les investissements d'avenir - font également l'objet d'une annexe générale au projet de loi de finances.

Sont présentés dans cette annexe :

- un récapitulatif des crédits consacrés au plan, par mission, programme et action au cours des trois précédents exercices, ainsi que la prévision d'exécution pour l'exercice en cours et la prévision d'exécution pour les trois années à venir ;

- un bilan détaillé des mesures financées au titre de ce plan pour l'ensemble des administrations publiques ;

- une présentation exhaustive et par année des modifications apportées à la répartition initiale des crédits ;

- une présentation, pour les trois exercices précédents, l'exercice en cours et l'exercice à venir, des conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits relevant du plan , en particulier leurs conséquences sur le montant des dépenses publiques, des recettes publiques, du déficit public et de la dette publique, en précisant les administrations publiques concernées ;

- les résultats attendus et obtenus , mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ;

- une présentation des dispositifs de sélection des projets et programmes financés dans le cadre de ce plan ainsi que des méthodes d'évaluation retenues pour mesurer les résultats obtenus.

2. La transmission périodique d'informations supplémentaires aux commissions des finances

Les commissions des finances, ainsi que les autres commissions compétences des deux assemblées sont également destinataires des projets de conventions , en amont de leur signature entre l'État et les opérateurs, ainsi que leurs éventuels avenants ( B du II de l'article 8 précité ).

En vertu de l'article 134 de la loi de finances initiale pour 2017 31 ( * ) , ces conventions doivent notamment préciser le « rythme prévisionnel d'abondement des fonds des programmes de la mission "Investissements d'avenir" [...] » afin d'améliorer l'information dont dispose le Parlement.

Les commissions sont également informées des projets de redéploiements de crédits qui modifient la répartition initiale des fonds entre les différentes actions des programmes, avant d'être approuvés par le Premier ministre ( III de l'article 8 précité ).

À la réception de ces documents, les commissions ont la possibilité d'adresser au Premier ministre « toutes observations qui leur paraissent utiles ».

En parallèle, le Secrétariat général pour l'investissement transmet trimestriellement à ces commissions un bilan des financements des PIA , en présentant à la fois les engagements et les décaissements, par nature de financement, par opérateur et par action, ainsi que le taux de cofinancement.

Enfin, les commissions concernées sont informées chaque trimestre de la situation et les mouvements des comptes au trésor sur lesquels sont déposés les fonds des organismes gestionnaires ( III de l'article 8 précité ).

D. LA SUBSTITUTION DU PLAN DE RELANCE AU LABEL « GRAND PLAN D'INVESTISSEMENT »

Annoncé par le Premier ministre le 25 septembre 2017, le Grand plan d'investissement prévoyait de mobiliser 57 milliards d'euros, entre 2018 et 2022, sur 4 axes de transformation prioritaires pour le Gouvernement :

- transition écologique ;

- compétences ;

- compétitivités et innovation ;

- transition numérique de l'État.

En pratique, le GPI reposait sur la mobilisation de crédits budgétaires ministériels et de crédits issus du troisième programme d'investissements d'avenir, ainsi que sur le fléchage de crédits de l'Assurance maladie et sur des instruments financiers de prêts ou de fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations, de Bpifrance et de la Banque européenne d'investissement.

Doté de 100 milliards d'euros en réponse à la crise sanitaire , le plan France Relance s'inscrit dans la continuité des principes du GPI, avec une gouvernance interministérielle ad hoc , adossé à un suivi régulier des résultats.

Les trois axes du plan de relance - verdissement, indépendance et compétitivité, cohésion territoriale et sociale - reprennent très largement les thématiques du GPI . Ces initiatives poursuivent par ailleurs le même objectif d'accompagnement des réformes structurelles et de transformation de l'économie.

Par conséquent, le plan France Relance se substitue désormais au label GPI ; cette évolution n'emporte pas de conséquence directe sur les actions initiées dans le cadre du GPI ou les instances créées pour la mise en oeuvre de programmes spécifiques (Fonds de transformation de l'action ou Programme d'investissement d'avenir), qui sont maintenues et font l'objet d'une présentation budgétaire classique.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA DÉFINITION DES MODALITÉS DE GOUVERNANCE DU PIA 4

1. La création d'un PIA 4, obéissant aux mêmes règles de gestion et de budgétisation que le PIA 3

Le b du 1 du I et le b du 2 du I étendent au PIA 4 les règles de fonctionnement et de budgétisation applicables au PIA 3 - à savoir principalement un fonctionnement par appels à projets gérés par des opérateurs spécialisés et un suivi spécifique de la dépense au sein des conventions conclues avec ces opérateurs.

Doté de 20 milliards d'euros sur cinq ans, le PIA se composera de deux programmes distincts, correspondant à deux volets d'action :

- un volet « dirigé » , porté par le programme 424, visant à financer des investissements exceptionnels sur l'ensemble du continuum innovation, pour un montant total de 12,5 milliards d'euros ;

- un volet « structurel » , mis en oeuvre par le programme 425 et ayant pour objectif de garantir un financement pérenne et prévisible aux écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation mis en place par les précédents PIA, pour un montant total de 7,5 milliards d'euros sur cinq ans.

En pratique, de nouvelles conventions entre l'État et les opérateurs devront entrer en vigueur en 2021 pour régir les modalités de mise en oeuvre de ces nouveaux programmes.

2. Des aménagements relatifs à la gouvernance et du fonctionnement des PIA

a) Un renouvellement du rôle du Comité de surveillance

Le 4 du I étend les missions du Comité de surveillance des investissements d'avenir.

Actuellement chargé d'évaluer le programme d'investissements et de dresser un bilan annuel de son exécution, ce comité devra désormais également conseiller le Gouvernement sur les priorités d'investissement du programme .

L'étude d'impact précise, en sus, qu'un décret du Premier ministre sera pris pour modifier la composition du comité de surveillance.

b) Un renforcement des obligations d'informations à destination du Parlement

Le c du 2 du I prévoit un renforcement des obligations d'information à destination du Parlement, avec la transmission annuelle aux commissions des finances ainsi qu'aux autres commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat d'une liste récapitulative des conventions et avenants signés entre l'État et les organismes gestionnaires et publiés au Journal officiel .

c) Une prolongation exceptionnelle de la durée des conventions

Le a du 2 du I autorise, à titre exceptionnelle, la prolongation pour cinq ans de la durée des conventions entre l'État et les organismes gestionnaires des fonds des trois premiers programmes d'investissements d'avenir.

Ces conventions pourront être prorogées à deux conditions :

- la prolongation ne doit pas permettre d'engager de nouvelles dépenses, hors frais de gestion et d'expertise ;

- la prolongation a uniquement pour finalité d'assurer la fin progressive de l'action considérée et les retours financiers vers l'État.

Cette disposition a également vocation à s'appliquer aux actions qui ont octroyé des prêts par le passé, ou à celles qui sont associées à des fonds d'investissements financés par les fonds propres du PIA.

Le 3 du I du présent article précise, en parallèle, que les fonds conservés par l'Agence nationale de la recherche sont « fongibles et rassemblées sur un même compte », les intérêts de ces fonds étant affectés au « financement structurel de l'enseignement supérieur, de la recherche et de sa valorisation ».

Par conséquent, les dotations non consommables issues des PIA 1 et 2 demeureront mobilisables pendant 5 années supplémentaires ; les intérêts générés par ces dotations pourront en parallèle être redéployés au profit d'autres structures du PIA ayant vocation à financer l'enseignement supérieur, la recherche et la valorisation.

B. LA FORMALISATION D'UNE DOCTRINE D'INVESTISSEMENT POUR LES PROGRAMMES D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

Le c du 1 du I énonce une nouvelle doctrine d'investissement pour le programme d'investissements d'avenir, formalisée en cinq points.

1. Des investissements réservés aux financements innovants

Le premier point de la doctrine se réfère à la nature des projets financés. Ces derniers doivent être innovants et destinés à poursuivre un des trois objectifs suivants :

- augmenter le potentiel de croissance de l'économie ;

- accélérer la transition écologique ;

- augmenter la résilience de l'organisation socio-économique du pays.

2. Une sélection transparente des projets financés

La doctrine s'attache également à préciser le mode de sélection des projets soutenus par les crédits des PIA. Ces derniers doivent être retenus au terme de procédures « ouvertes et objectives, favorisant la concurrence ».

Cette exigence se traduit par la publication des critères de sélection et l'évaluation systématique des projets , dans leur potentiel comme dans leurs risques, par « des experts indépendants ou des jurys comprenant le cas échéant des personnalités étrangères ».

Parmi les critères appréciés figurent notamment la capacité d'entraînement des projets , qui doivent contribuer à structurer la coopération entre acteurs tout au long du continuum enseignement-recherche-innovation.

Enfin, les processus de sélection et de suivi des projets font l'objet d'un examen périodique destiné à accroître leur efficacité.

3. La recherche d'un retour sur investissement

Les programmes d'investissements d'avenir se distinguent des autres types d'investissement public en ce que les projets sélectionnés doivent présenter un retour sur investissement , « financier ou non ».

Concrètement, selon le « jaune budgétaire » relatif aux PIA annexé au projet de loi de finances, cette exigence implique :

- de privilégier la constitution d'actifs financiers (matériels ou incorporels) ;

- d'exiger un engagement à long terme des porteurs de projets , lorsque la constitution d'actifs tangibles n'est pas envisageable, de manière à garantir la pérennité des projets ;

- de réserver les subventions et avances remboursables à la phase la plus amont de l'innovation , de manière à obtenir un retour financier en cas de succès ;

Il est également précisé dans les documents budgétaires que le retour sur investissement peut prendre la forme d'une externalité positive bénéficiant à l'ensemble de la société .

4. L'obligation de cofinancer les projets

Les projets doivent être cofinancés . L'origine de ces cofinancements peut être privée, publique ou européenne.

5. La publicité des décisions d'investissement

Le choix des investissements doit être fait en toute transparence et ainsi, les décisions d'investissement ainsi que les éléments ayant contribué à leur sélection sont rendues publiques , « dans le respect des dispositions relatives au secret des affaires ».

C. LA SUPPRESSION DE L'ANNEXE GÉNÉRALE RELATIVE AU GPI

Le II du présent article abroge le 27 de l'article 179 de la loi de finances pour 2020, au terme duquel le projet de loi de finances comporte une annexe générale relative au Grand plan d'investissement (GPI).

En effet, le label GPI étant remplacé par le plan de relance, la présentation de cette annexe devient sans objet . C'est désormais par le biais des documents budgétaires annexés à la mission « Plan de relance » que se fera le suivi des crédits labellisés « France Relance ».

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements avec un avis favorable du Gouvernement.

Le premier, à l'initiative de Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale des crédits de la mission « Investissements d'avenir », procède à une coordination.

Le second, présenté par Barbara Bessot Ballot a été rectifié sur proposition du Gouvernement. Initialement destiné à intégrer la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance parmi les critères de sélection des investissements d'avenir, définis dans la doctrine, cet amendement substitut à l'expression « non-financier » le terme « extrafinancier ».

Ainsi, il est donc énoncé au sein de la doctrine des investissements d'avenir que « les décisions d'investissement sont prises en considération d'un retour sur investissement, financier ou extrafinancier ».

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION

A. UN RENOUVELLEMENT OPPORTUN DE LA GOUVERNANCE DES PIA

Les modifications apportées à la gouvernance des investissements d'avenir reprennent, en grande partie, les recommandations du Comité de surveillance.

À ce titre, elles visent à pallier certaines carences relevées par la commission des finances du Sénat, à commencer par le faible degré d'inter-ministérialité observée jusqu'alors . Lors du lancement du troisième programme d'investissements d'avenir, la commission soulignait en effet qu'il convenait de veiller davantage à ce que l'ensemble des crédits alloués participent d'une stratégie globale réfléchie et concertée .

À cet égard, la création d'un Conseil interministériel de l'innovation est révélatrice d'une prise de conscience bienvenue et mérite d'être saluée. Pour le rapporteur spécial, seule une gouvernance de très haut niveau sera en effet en mesure de garantir un alignement entre les priorités stratégiques des différents ministères.

Le renforcement du rôle du Comité de surveillance, désormais chargé de conseiller le Gouvernement sur les priorités du programme , constitue également une initiative opportune. Il appartiendra donc au Comité de veiller à la cohérence de la stratégie d'ensemble , et notamment d'identifier les champs d'investissement prioritaires.

Le rapporteur spécial note cependant que les termes retenus laissent une grande marge d'appréciation à l'administration ; il sera donc loisible au Gouvernement d'associer plus ou moins étroitement le Comité de surveillance aux décisions stratégiques en matière d'investissements d'avenir . Il conviendra donc de suivre avec attention les modalités pratiques de mise en oeuvre de ces nouvelles prérogatives.

S'agissant du contrôle exercé par le Parlement, le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur la complexité inhérente au suivi des PIA . En effet, le suivi des montants inscrits dans le PIA 3 se révélait déjà particulièrement complexe, en raison de la double comptabilité induite par l'architecture retenue, mais également de la dispersion des crédits , ainsi que de l'ampleur et de la fréquence des redéploiements opérés en cours de gestion.

De ce point de vue, force est de constater que la nouvelle maquette de la mission « Investissements d'avenir », avec la contemporanéité de deux PIA et des débudgétisations supplémentaires aggrave encore la situation .

Or, comme l'a rappelé le Comité de surveillance, compte tenu du caractère dérogatoire du cadre budgétaire applicable, la pérennisation des investissements d'avenir ne pourra être équilibrée vis-à-vis du Parlement que « si les principes d'additionnalité et les exigences en termes de reporting et d'évaluation des actions sont respectées » 32 ( * ) .

Si les efforts visant à étayer les informations dont dispose la représentation sont bien évidemment appréciables, la multiplication des annexes et obligations déclaratives ne saurait à elle-seule pallier le déficit de lisibilité dont souffre la mission « Investissements d'avenir » .

Pour le rapporteur spécial, il importe en parallèle de simplifier l'architecture d'ensemble , afin de faciliter le suivi et le contrôle de ces crédits dérogeant très largement aux règles budgétaires.

B. UN EFFORT NÉCESSAIRE DE FORMALISATION DE LA DOCTRINE DES PIA

La définition d'une doctrine d'investissement pour les investissements d'avenir répond également à une recommandation du Comité de surveillance. Cet effort est bienvenu ; la formalisation d'une doctrine confère un caractère pérenne aux PIA, tout en constituant un garde-fou utile . Elle a surtout le mérite de définir les conditions à respecter pour que ces crédits soient employés de la manière la plus efficace et efficiente possible.

Le rapporteur spécial note cependant que les principes énoncés demeurent nettement plus ouverts que ce que préconisait le Comité. À titre d'exemple, si ce dernier notait que les investissements d'avenir doivent financer « des actions à caractère transformant et/ou innovant et non des politiques publiques pérennes et récurrentes (...) », le présent article se contente d'affirmer que les projets financés doivent être innovants.

Le rapporteur spécial s'interroge donc sur la portée des grands principes énoncés dans la doctrine, peu susceptibles de constituer un verrou effectif .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 28 octobre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean Bizet, rapporteur spécial, sur la mission « Investissements d'avenir » (et article 55).

M. Jean Bizet , rapporteur spécial de la mission « Investissements d'avenir » . - Le budget 2021 pour les investissements d'avenir est caractérisé par deux éléments saillants : la poursuite du programme des investissements d'avenir (PIA) 3 dans le contexte de crise sanitaire et le lancement d'un PIA 4 en soutien au plan de relance.

Je vais être relativement bref concernant le PIA 3 ; vous le savez, ce programme d'investissements d'avenir succède aux PIA 1 et 2, qui représentaient respectivement 35 milliards d'euros et 12 milliards d'euros. Lancés au lendemain de la grande crise financière de 2009 et inspirés par le rapport « Juppé-Rocard », ces investissements d'avenir visent à mobiliser massivement l'investissement public en faveur de projets ciblés, principalement dans les domaines de la recherche, du numérique, de l'industrie et du développement durable.

La mission « Investissements d'avenir » est un peu particulière dans la mesure où nous ne votons que sur des crédits de paiement. Le PIA 3 a été doté de 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement en 2017, et depuis, chaque année, nous votons une ouverture de crédits de paiement.

Les crédits de paiement demandés pour 2021 s'élèvent à 1,91 milliard d'euros, soit un montant conforme à la programmation triennale.

Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur le fait que l'année 2020 a été caractérisée par de nombreux redéploiements de crédits, qui ont un impact sur le budget 2021.

En effet, le PIA a été un outil très largement plébiscité dans le contexte de la crise sanitaire, en raison de sa souplesse. Le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) a ainsi mobilisé plus de 1,5 milliard d'euros afin d'adapter les modalités de sélection et de financement des lauréats du PIA, de lancer des dispositifs destinés à soutenir les entreprises en difficulté et de renforcer les moyens dévolus à la recherche dans le secteur de la santé.

Les PIA ont permis d'apporter des réponses concrètes, ciblées et rapides aux défis posés par la crise sanitaire ; la capacité de réaction du SGPI et des opérateurs mérite donc d'être saluée.

En 2021, certaines de ces initiatives devraient se poursuivre. Je pense notamment à la création d'une enveloppe d'investissement dédiée à la souveraineté technologique, intitulée « French Tech Souveraineté » et dotée de 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2021.

La crise a en effet souligné l'importance de renforcer l'autonomie de notre pays sur des technologies d'avenir, ce qui m'amène à mon second point, à savoir le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir.

Je tiens à rappeler, en préambule, qu'il avait été décidé de lancer ce programme avant l'émergence de la Covid-19. Il va de soi cependant que la crise que nous traversons a permis l'émergence de nouvelles priorités.

Doté de 20 milliards d'euros, ce nouveau programme a été élaboré à la lumière des recommandations rendues par le Comité de surveillance des investissements d'avenir, qui a rendu en décembre dernier un rapport d'évaluation sur les investissements d'avenir.

Ce PIA 4 est structuré en deux volets, qui répondent à des finalités distinctes : un premier volet, dit « dirigé » doté de 12,5 milliards d'euros, vise à financer des investissements exceptionnels - j'insiste sur ce caractère exceptionnel, les PIA n'ayant pas vocation à être des investissements ordinaires pour des ministères dépensiers ; un second volet, dit « structurel », bénéficiant de 7,5 milliards d'euros, doit garantir, grâce à des dotations en capital, un financement pérenne aux écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation mis en place par le PIA.

Je ne m'étendrai pas sur les modalités de budgétisation et de gouvernance de ce PIA, qui sont sensiblement identiques à celles du PIA 3 et dérogent tout autant aux grands principes budgétaires. Le pilotage des crédits est assuré par le SGPI. La gestion des fonds est confiée à quatre opérateurs : Bpifrance, la Caisse des dépôts et consignations, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et l'Agence nationale de la recherche. Une convention lie l'État à ces opérateurs. Le contrôle est assuré par le Parlement.

Des aménagements sont néanmoins apportés à cette gouvernance par l'article 55 rattaché à la mission, qui met en oeuvre plusieurs des recommandations du Comité de surveillance. Il s'agit notamment de la création d'un Conseil interministériel de l'innovation pour décider des priorités de la politique d'innovation, du renforcement du rôle du Comité de surveillance des investissements d'avenir et de la formalisation d'une doctrine d'investissement pour ces investissements d'avenir. Ces évolutions sont bienvenues. Elles contribueront à renforcer la cohérence et l'efficacité de cet instrument.

Je voudrais enfin m'attacher à relever plusieurs pierres d'achoppement dans ce quatrième programme.

Le lancement d'un nouveau programme semble augurer d'une pérennisation des investissements d'avenir, et l'on pourrait craindre, à terme, une « banalisation de l'exceptionnel ». La prorogation de ces dispositifs dérogatoires aux règles budgétaires n'est pas problématique en tant que telle si le Parlement est en mesure de suivre et de contrôler l'emploi des crédits qui sont votés. Or il me semble que la maquette budgétaire qui nous est présentée va aggraver le déficit de lisibilité dont souffrent les PIA, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, la liste des secteurs stratégiques qui bénéficieront d'un soutien dans le cadre du volet dirigé du PIA n'est pas encore arrêtée. Nous sommes donc appelés à voter des crédits sans savoir à quels secteurs ou filières ils seront destinés. Si je comprends pleinement la logique qui sous-tend cette démarche, j'attends du Gouvernement une présentation détaillée, dans les mois qui viennent, des stratégies d'accélération qui seront retenues. Seraient notamment concernés l'hydrogène « vert », la ville du futur, le numérique, l'agroalimentaire et la mobilité, mais pour l'instant seule la stratégie relative à l'hydrogène « vert » a été dévoilée.

Je regrette, en parallèle, que deux programmes d'investissements d'avenir coexistent au sein de la mission. Le suivi des montants inscrits dans le PIA 3 se révélait déjà particulièrement complexe, avec la double comptabilité induite par le circuit de la dépense, la dispersion des crédits, l'ampleur des redéploiements en cours de gestion. Avec ce nouveau PIA 4, qui financera les mêmes structures que le PIA 3, notre tâche risque de devenir encore plus ardue.

Pour terminer, je souhaiterais évoquer l'articulation entre les PIA et le plan de relance. En effet, le PIA 4 doit abonder le plan de relance à hauteur de 11 milliards d'euros sur trois ans. À mes yeux, une clarification s'impose : les PIA ne constituent pas un outil de relance, mais d'investissement à long terme afin de renforcer la croissance potentielle. En pratique, le décaissement des crédits du PIA peut être particulièrement long : trois ans après le lancement du PIA 3, si 4,7 milliards d'euros de crédits de paiement ont été consommés, seuls 750 millions d'euros ont été décaissés.

Il me semble donc très ambitieux de considérer que les 11 milliards d'euros du PIA 4 pourront irriguer à très court terme le tissu économique français. Je ferai un parallèle avec le plan de relance européen, qui fait l'objet de tractation au niveau du Conseil. On mesure la qualité d'un plan, quel qu'il soit, à l'ampleur de sa ligne budgétaire, mais aussi au travers de sa réactivité !

En dépit de ces réserves, je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission.

L'article 55, rattaché à la mission « Investissements d'avenir » énonce une doctrine d'investissement pour les PIA et étend au quatrième programme d'investissements d'avenir les règles de gouvernance déjà applicables pour les programmes précédents, tout en procédant à plusieurs aménagements.

Parmi ces aménagements figurent le renouvellement du rôle du Comité de surveillance des investissements d'avenir, le renforcement des obligations d'information à l'égard du Parlement, ainsi que la possibilité de prolonger de cinq ans la durée des conventions conclues entre l'État et les opérateurs afin d'assurer la fin progressive des actions lancées lors des PIA 1 et 2.

Enfin, cet article supprime le « jaune budgétaire » relatif au Grand plan d'investissement (GPI), puisque le plan de relance succède au label du GPI dans le contexte de la crise sanitaire et reprend les mêmes priorités thématiques.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - J'ai bien compris qu'en dehors de l'hydrogène nous n'avons pas encore d'éléments précis sur le choix des thématiques d'avenir. Par ailleurs, ces investissements d'avenir ont le mérite de s'inscrire dans le temps long, mais il reste beaucoup de flou dans leur mise en oeuvre et notamment dans les instruments financiers qui seront mobilisés. Pourriez-vous nous apporter un éclairage sur ces points ?

M. Claude Raynal , président . - Le premier programme d'investissements d'avenir ressemblait bigrement au plan de relance en ce sens qu'il s'agissait également de mesures ne pouvant passer par un projet de loi de finances et relevant de l'investissement de très long terme.

Mme Christine Lavarde . - Ma première remarque porte sur les transferts de crédits entre programmes. Il y a dans les investissements d'avenir une idée de long terme. Modifier la raquette au moindre élément conjoncturel - ici l'épidémie de Covid-19 - ne contrevient-il pas à l'esprit et à la philosophie du programme ?

Ma deuxième question est plus précise : j'essaie de consolider les coûts de fermeture de Fessenheim. L'année dernière, des crédits ont été inscrits dans l'opération « territoires d'industrie » pour permettre la reconversion du site. Or le ministère de la transition écologique, que j'ai interrogé, a évoqué un autre projet. Je souhaite m'assurer qu'il n'existe pas deux opérations PIA pour le site de Fessenheim. Si oui, pour quels montants ?

M. Michel Canevet . - Les priorités de ce PIA tiennent-elles compte de l'évolution du contexte environnemental, qu'il s'agisse de la pandémie ou des attentes en faveur d'une économie plus verte ? La lourdeur des procédures ne retarde-t-elle pas la mise en oeuvre des différents programmes ?

M. Albéric de Montgolfier . - Je me réjouis que l'on revienne à l'essentiel, c'est-à-dire aux programmes d'avenir. Je me suis régulièrement exprimé sur un dévoiement du PIA qui permettait le financement d'opérations relevant normalement du budget de l'État. Je pense en particulier au Grand Palais. En trouvons-nous d'ores et déjà une traduction dans le PIA ?

M. Victorin Lurel . - On ne comprend pas, dans l'exécution du PIA 3, l'écart entre les crédits engagés et ceux effectivement décaissés. Il y a du flou, car il y a trop de choses. J'ai le sentiment qu'il existe un problème de pilotage. Ce PIA 4, malgré les efforts et les retours d'expérience, ne tire pas toutes les leçons de l'accélération de la consommation des crédits. En examinant les différents programmes, on s'aperçoit qu'il n'est pas si simple de dépenser. Par ailleurs, il n'y a là aucune simplification de la gouvernance : malgré les quatre opérateurs, l'essentiel échappe au Parlement. De nombreuses agences commencent à se plaindre du recours à la procédure des appels à projets, en particulier l'Agence nationale de la recherche (ANR). Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cette mission.

M. Jean Bizet , rapporteur spécial . - En ce qui concerne les thématiques du PIA 4, au-delà de l'hydrogène vert, des projets sur la ville du futur, le numérique, l'agriculture, l'intelligence artificielle semblent se dessiner également. Ce sera pour moi l'occasion d'interpeller le secrétaire général pour l'investissement, M. Boudy, afin de mettre l'accent sur l'intelligence artificielle embarquée, qui sera demain un élément fondamental.

Les trois premiers PIA représentent 57 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien ! En ce qui concerne les outils de financement, le PIA 4 privilégiera principalement les subventions et les fonds propres. Le recours aux dotations non consommables a été abandonné dès le lancement du PIA 3 en raison des faibles taux. Quant au plan de relance, 11 milliards d'euros y sont consacrés. Certes, je relève de la souplesse, mais aussi de la rigidité et une lenteur dans le décaissement.

Pour répondre à Christine Lavarde, je ne dispose pour l'instant d'aucune information concernant Fessenheim. Il existe des crédits pour la construction d'un autre réacteur. Je tâcherai d'obtenir des précisions sur ce sujet important. Une des fragilités des PIA est la territorialisation : cela fonctionne moyennement. Nous l'avons souligné dans le cadre du comité de pilotage.

Oui, le contexte épidémiologique joue un rôle puisque la recherche médicale et les industries de santé font partie des secteurs qui pourraient faire l'objet d'une stratégie d'accélération, dans le cadre du programme 424 « Financement des investissements stratégiques ». La lenteur est due au circuit de la dépense, mais c'est aussi un gage de sécurisation. Le PIA comprend deux mesures : les investissements stratégiques ainsi que le financement pérenne des écosystèmes de recherche et d'innovation. Ce dernier volet pourrait relever du budget de la recherche et de l'enseignement supérieur.

En ce qui concerne le financement du Grand Palais, Christine Lavarde et moi ne nous sommes pas privés de dire ce que nous en pensions. À ce stade, le PIA 4 n'affiche plus aucun crédit en ce sens. Idem en ce qui concerne le sport de haut niveau. Nos états d'âme et nos critiques ont été suivis d'effets !

Certes, comme l'a souligné Victorin Lurel, le décaissement est faible : 750 millions d'euros, alors qu'il était question au départ de plusieurs milliards. Par ailleurs, sur les 57 millions inscrits dans les PIA 1, 2 et 3, à peine la moitié sont aujourd'hui contractualisés. Mais j'insiste : ces opérations se font sur un temps long. Les crédits sont décaissés au fur et à mesure de la maturité des projets de recherche. Il existe un comité de pilotage, qui peut sans doute faire des progrès.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Investissements d'avenir » et de l'article rattaché 55.

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* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission ainsi que l'article 55.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Secrétariat général pour l'investissement (DGPN)

- Mme Naomi PERES, Secrétaire générale adjointe pour l'investissement ;

- Mme Camille MULLER, Conseillère budgétaire.

Caisse des dépôts et consignations

- M. Nicolas CHUNG, Directeur de la mission PIA ;

- M. Philippe BLANCHOT, Directeur des relations institutionnelles.

BPIfrance

- M. Daniel DEMEULENAERE, Directeur de la stratégie et du développement ;

- M. Cédric LOWENBACH, Directeur du développement à  la direction de la stratégie et du développement ;

- M. Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, Responsable des relations institutionnelles et du suivi des politiques publiques.

Kalray

- M. Éric BAISSUS, Président-directeur général.


* 1 Article 134 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 2 Article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 3 Article 59 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 4 Alain Juppé et Michel Rocard, « Investir pour l'avenir : priorités stratégiques d'investissement et d'emprunt » , Rapport au Premier ministre, novembre 2009.

* 5 Jean Pisani-Ferry, « Le Grand plan d'investissement 2018-2022 » , Rapport au premier ministre, septembre 2017.

* 6 L'actualisation tient compte des redéploiements intervenus en 2019 et 2020.

* 7 Un nouveau programme 876 intitulé « Prêts octroyés dans le cadre des programmes des investissements d'avenir » au sein du concours de concours financier (CCF) « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » a été créé en loi de finances initiales pour 2020. Il a pour objet de porter le financement en prêt du plan Nano 2022 dans le cadre du PIA 3.

* 8 Comité de surveillance des investissements d'avenir, « Le programme d'investissements d'avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder, novembre 2019.

* 9 Projet annuel de performances pour 2021.

* 10 Il s'agit ici de la partie nominale du Fonds, qui n'est pas issue du dividende des participations de l'État.

* 11 Cour des comptes, Le programme d'investissements d'avenir : une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger, rapport public thématique, 2015.

* 12 Il s'agit ici des crédits nouveaux ; il n'est pas tenu compte des intérêts versés par les dotations non consomptibles et le FII.

* 13 Pour la liste des attributions exactes du SGPI, voir le commentaire de l'article 55 rattaché à la présente mission.

* 14 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 15 Voir le commentaire de l'article 55.

* 16 Ibid.

* 17 Pour le détail des éléments devant figurer dans ce rapport, voir le commentaire de l'article 55 rattaché à la présente mission.

* 18 Voir le commentaire de l'article 55 pour une présentation plus détaillée de la doctrine.

* 19 Cour des comptes, Le programme d'investissements d'avenir : une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger, rapport public thématique, 2015.

* 20 Comité de surveillance des investissements d'avenir, « Le programme d'investissements d'avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder, novembre 2019.

* 21 Ibid.

* 22 Selon les informations transmises au rapporteur spécial, il est également prévu de verser 500 millions d'euros de fonds propres en 2022 et 2023, mais ces crédits ne sont pas labellisés « plan de relance ».

* 23 Projet annuel de performance pour 2021.

* 24 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 25 Rapport au Président de la République, « Investir pour l'avenir, Priorités stratégiques d'investissement et emprunt national ».

* 26 Pour une présentation des deux précédents programmes d'investissements d'avenir, voir ci-dessus la présentation de la mission.

* 27 Article 134 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 28 Convention du 23 septembre 2010 entre l'Etat et l'ANR relative au programme d'investissements d'avenir (action « initiatives d'excellence »)

* 29 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 30 L'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 rassemble les fondements juridiques de l'ensemble des annexes générales appelées « jaunes budgétaires ». Il abroge, par conséquent, les fondements législatifs initiaux de ces articles.

* 31 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 32 Ibid.

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