III. ... QUI POURRAIENT ÊTRE REMIS EN CAUSE PAR L'ÉTAT DES INFRASTRUCTURES, NOTAMMENT DE LOGEMENT

A. UNE HAUSSE DES DÉPENSES D'INFRASTRUCTURES, PRINCIPALEMENT DUE AUX OPÉRATIONS LIÉES AUX PROGRAMMES D'ARMEMENT

Les dépenses d'infrastructures de la mission « Défense » s'élèveront en 2020 à 2,38 milliards d'euros en AE et 1,78 milliard en CP, soit une hausse de 5 % en CP et de 20 % en AE.

Évolution et répartition des crédits de la politique immobilière
du ministère des armées

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les crédits destinés aux infrastructures du ministère des armées financent principalement les programmes d'infrastructures liés aux programmes d'armement. Ces crédits, qui sont notamment regroupés au sein des programmes 146 et 178, connaitront la principale hausse.

En 2021, les crédits de la politique immobilière inscrits sur le programme 146 « Équipement des forces » s'élèveront à 700,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 346,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ils financeront principalement les programmes d'infrastructures liés aux programmes d'armement 24 ( * ) (690,5 millions d'euros d'AE et 338,6 millions d'euros de CP), ainsi que des opérations de mise en sécurité et de réhabilitation des infrastructures d'essais de la direction générale de l'armement (12,2 millions d'euros en AE et 10,8 millions d'euros en CP).

Le budget du programme 178 « Préparation et emploi des forces » sera doté en 2021 de 1 065,7 millions d'euros d'AE et de 889,9 millions d'euros de CP. Il financera les infrastructures de la dissuasion nucléaire 25 ( * ) (155,4 millions d'euros d'AE et 103,1 millions d'euros de CP), l'entretien courant des infrastructures des bases de défense (117 millions d'euros en AE et en CP), ainsi que la remise à niveau des infrastructures opérationnelles des forces (793,3 millions d'euros d'AE et 669,8 millions d'euros de CP).

B. UN EFFORT EN FAVEUR DU SOUTIEN ET DU LOGEMENT INSUFFISANT

1. Une hausse importante des crédits destinés au logement ...

Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » bénéficiera en 2021 d'une allocation budgétaire fixée à 613,0 millions d'euros 26 ( * ) en AE et à 540,0 millions d'euros 27 ( * ) en CP. Elle permettra le financement des opérations d'infrastructures (518,6 millions d'euros d'AE et 440,3 millions d'euros de CP), liées notamment à l'hébergement ou au logement familial, les frais de fonctionnement du service d'infrastructure de la défense (SID) ainsi que les coûts des prises à bail d'immeubles et de terrains au profit de l'ensemble des entités du ministère (94,4 millions d'euros d'AE et 99,6 millions d'euros de CP).

La LPM prévoit à cet égard un « programme hébergement » comprenant un investissement d'1 milliard d'euros sur la période 2019-2025. Cet investissement devra permettre la livraison, sur la période, d'environ 25 700 places d'hébergements, qu'elles soient nouvelles (7 600) ou réhabilitées (18 100), et 32 700 au total si l'on prend en compte les livraisons qui interviendront post-2025, bien que la livraison de ces dernières soit encore à ce stade très incertaine.

236,6 millions d'euros d'AE et 95,5 millions d'euros de CP seront ainsi consacrés en 2021 à l'hébergement en enceinte militaire (contre 176,8 millions d'euros d'AE et 38,3 millions d'euros de CP en 2020). Cet effort répond à la double nécessité d'améliorer la qualité d'un parc qui a souffert d'un sous-investissement chronique et d'augmenter l'offre d'hébergement au profit des cadres d'active, en particulier dans les zones traditionnellement tendues (Île-de-France notamment) et dans l'armée de terre qui a procédé à des recrutements massifs dans le cadre de l'augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes. Ainsi, selon la secrétaire générale pour l'administration du ministère des armées, ces crédits permettront d'engager 31 nouvelles opérations de construction neuve et 50 opérations de réhabilitation en 2021. S'agissant des livraisons, 2 250 places seront inaugurées en 2021 dont 850 créations et 1 500 réhabilitations.

2. ... mais des efforts insuffisants face à l'ampleur des besoins

La nouvelle augmentation significative des investissements de construction et de remise à niveau des ensembles d'hébergement en enceinte militaire constitue la principale mesure de l'année 2021 sur le périmètre du programme 212. Le rapporteur spécial estime que ces travaux constituent des éléments stratégiques pour les armées, car des infrastructures défaillantes sont de nature à faire perdre la « bataille de la fidélisation ». Comme l'a indiqué le chef d'état-major de l'armée de terre lors de son audition, le casernement est un élément central de la vie du soldat. Mettre à sa disposition un logement adapté à ses besoins doit donc constituer un impératif pour le ministère des armées. Il constitue toutefois aujourd'hui encore un point noir, susceptible de faire perdre aux armées, et singulièrement à l'armée de terre, la « bataille des effectifs ».

Le rapporteur spécial a ainsi pu constater que cet objectif était compromis par un phénomène récurrent de sur-spécifications , rendant la réalisation des bâtiments inutilement complexes et couteuse.

Les normes relatives à l'accès aux personnes à mobilité réduite sont ainsi appliquées pour la construction des logements militaires, alors que des adaptations devraient être retenues, eu égard à l'âge moyen et au niveau de forme physique exigé des soldats. Un assouplissement, reposant sur le bon sens, et ne s'appliquant pas aux locaux recevant les familles, devrait être favorisé par le service des infrastructures de la défense (SID).

De même, en matière environnementale, le ministère des armées se conforme à l'effort national d'amélioration des performances énergétiques , ce qui entraine un renchérissement de 14 % du coût total des bâtiments 28 ( * ) . Le budget 2021 du programme 212 met à ce titre l'accent sur les engagements du ministère en matière de transition écologique. Sont en effet mobilisés 65,3 millions d'euros en AE et 38,7 millions d'euros en CP pour le financement d'investissements de performance énergétique et de mises aux normes environnementales (principalement de réseaux d'eau et d'installations classées pour l'environnement dont le ministère est exploitant). Si cet effort peut être justifié, le rapporteur spécial rappelle qu'il se fait au sein de l'enveloppe destinée par la LPM à l'amélioration des infrastructures. À cet égard, il est regrettable que le ministère des armées ne soit pas éligible aux crédits du plan de relance destinés à l'amélioration énergétique des bâtiments de l'État et attribués par appels à projets 29 ( * ) . Par comparaison, les bâtiments de la gendarmerie nationale et de la police nationale pourraient bénéficier respectivement de 400 et 740 millions d'euros 30 ( * ) .

Le rapporteur spécial reste également préoccupé par la complexité et la lenteur des travaux de maintenance, d'entretien et de réparation (délai de remplacement d'un chauffe-eau, des luminaires, etc). Sur ce point, le SID a mis en oeuvre des nouvelles méthodes et initié des marchés spécifiques de « SOS dépannage », destinés à l'entretien des infrastructures non opérationnelles. Cette nouvelle méthode, mise en oeuvre notamment par l'établissement du SID (ESID) de Lyon, a des résultats « tout à fait probants » et entraine une réduction significative des délais d'intervention. Le rapporteur spécial prend acte de cette évolution, qui pourrait être généralisée à l'ensemble du territoire, et constate qu'elle ne dissipe pas à ce jour le climat de lassitude générale des effectifs sur cette question.

Les moyens et les effectifs du SID pourraient se révéler insuffisants eu égard aux différents enjeux : augmentation du plan de charge et développement des missions liées à la sécurité des systèmes industriels d'infrastructure, aux infrastructures nucléaires et de dissuasion, à la transition énergétique et à l'exploitation des installations classées pour l'environnement. Dans ce contexte, le risque que les logements constituent la « variable » d'ajustement est prégnant.

Le rapporteur relève également que ce contexte encourage la passation de contrats globaux d'infrastructure, régis par des accords-cadres. Le recours à l'externalisation constitue toutefois un réel risque budgétaire, notamment lorsque le suivi par l'État est insuffisant.

L'augmentation régulière des dotations d'infrastructure tendant vers un volume d'activité de près de 2,5 milliards d'euros, elle nécessitera de nouvelles adaptations de l'organisation et des méthodes de travail du SID et probablement une révision de son dimensionnement (aujourd'hui fixé à 6 822 ETP en 2025, soit uniquement 2,2 % de plus qu'aujourd'hui).

Effectifs du SID

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires


* 24 SCCOA 3 et 4, DESCARTES, A 400M, HNG, MRTT, RAFALE, VBCI, FREMM, SNA BARRACUDA (y compris les INBS - Missiessy), SCORPION étape 1, SAMPT, HERMES.

* 25 À l'exception des infrastructures du programme HERMES prises en charge par le programme 146.

* 26 Non compris 20,2 M€ de fonds de concours et attributions de produits.

* 27 Non compris 20,2 M€ de fonds de concours et attributions de produits.

* 28 Audition de la secrétaire générale pour l'administration du ministère des armées.

* 29 Ibid.

* 30 Note de présentation de Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur les crédits de la mission « Sécurités », novembre 2020.

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