III. LA POSITION DE LA COMMISSION : TENTER DE DÉPASSER CES OPPOSITIONS EN RÉAFFIRMANT LA NÉCESSITÉ DE PROTÉGER LES JEUNES DE TREIZE À QUINZE ANS

A. COMPLÉTER LE DISPOSITIF PROPOSÉ POUR SOULIGNER L'ATTENTION À PORTER AUX JEUNES DE TREIZE À QUINZE ANS

Le seuil de treize ans paraît juridiquement plus solide et moins exposé à la critique que celui de quinze ans. Il faut cependant convenir qu'il est contesté, jugé par certains insuffisamment protecteur, et qu'il pourrait éventuellement être perçu comme une première étape vers un abaissement futur de l'âge de la majorité sexuelle, bien que cela n'entre absolument pas dans les intentions des auteurs de la proposition de loi. Si un nouveau texte pose solennellement le principe selon lequel un mineur de treize ans ne peut consentir à un acte sexuel avec un majeur, ne faudrait-il pas en déduire a contrario que le consentement pourrait être envisageable pour ceux âgés de plus de treize ans ?

Cette considération a conduit la commission à adopter, sur proposition du rapporteur, un amendement COM-20 qui reprend une disposition que le Sénat avait votée en 2018 lors de l'examen du projet de loi Schiappa. Il s'agit de compléter les dispositions qui précisent la définition du viol à l'article 222-22-1 du code pénal, en indiquant que la contrainte morale ou la surprise, éléments constitutifs de l'infraction, peuvent résulter de ce que la victime mineure était âgée de moins de quinze ans et ne disposait pas de la maturité sexuelle suffisante .

La commission a également adopté, toujours à l'initiative du rapporteur, un amendement COM-18 afin de préciser la définition de l'infraction de crime sexuel sur mineur de treize ans, en indiquant que la pénétration peut aussi être commise sur la personne de l'auteur.

Sur un point plus technique, il n'apparaît pas opportun de préciser que l'infraction est constituée si l'auteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime. En effet, dès lors que l'âge de la victime est un élément constitutif de l'infraction et que la mise en cause de la responsabilité pénale suppose un élément intentionnel, la personne mise en cause pourra toujours se défendre en expliquant qu'elle ne connaissait pas l'âge de la victime sans qu'il soit nécessaire de le préciser dans la loi. C'est pourquoi la commission a choisi de supprimer cette précision superfétatoire en adoptant l' amendement COM-19 du rapporteur.

B. TIRER LES CONSÉQUENCES DANS LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE DE LA CRÉATION DE LA NOUVELLE INFRACTION

La proposition de loi procède à plusieurs coordinations dans le code pénal mais omet une importante coordination dans le code de procédure pénale, ce qui a conduit la commission à adopter, pour y remédier, un amendement COM-21 , présenté par le rapporteur.

Cet amendement permet d'abord d' appliquer au nouveau crime sexuel sur mineur les règles de procédure dérogatoires , prévues aux articles 706-47 et suivants du code de procédure pénale, qui régissent les autres crimes et délits sexuels sur mineurs. Ces règles dérogatoires concernent par exemple l'injonction de soins qui peut être prononcée par la juridiction, l'obligation d'informer l'administration quand la personne mise en cause exerce une activité au contact des mineurs, le droit du mineur à bénéficier d'une expertise médico-psychologique, l'obligation d'enregistrer les auditions du mineur victime, pour qu'il ne soit pas obligé de répéter à plusieurs reprises au cours de la procédure ce qui lui est arrivé, ou encore l'inscription de l'auteur dans le fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (Fijaisv).

Dès lors que ces règles de procédure s'appliquent au viol sur mineur ainsi qu'au délit d'atteinte sexuelle, il paraît pleinement justifié d'en faire également application en ce qui concerne la nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur.

La commission souligne l'importance de ces dispositions pour le bon déroulement de l'enquête, et notamment de l'étape cruciale du recueil de la parole de l'enfant, qui doit être menée par des professionnels formés à cette activité. La prise en charge thérapeutique de la jeune victime pour l'aider à surmonter son traumatisme, mais aussi celle de l'auteur, pour prévenir la récidive, sont également des enjeux majeurs.

Par le jeu des renvois, cet amendement permet également de modifier le délai de prescription : depuis l'entrée en vigueur de la loi Schiappa, l'action pénale des crimes sexuels sur mineurs se prescrit trente ans après la majorité de la victime . Il paraît logique que cette règle de prescription dérogatoire au droit commun s'applique aussi à la nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur. À défaut, c'est le délai de prescription de droit commun, soit vingt années à compter du jour où le crime a été commis, qui trouverait à s'appliquer.

Plus protecteur pour la victime, ce délai prolongé se justifie par le fait que la personne victime d'un crime sexuel pendant sa minorité aura souvent besoin de beaucoup de temps pour rompre la loi du silence , particulièrement pesante lorsque le crime a eu lieu dans un contexte familial, et pour trouver le courage de porter plainte.

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