CHAPITRE VI
MESURES LIÉES À L'APPEL À PROJETS FRANCE EXPÉRIMENTATION AU SERVICE DE LA RELANCE
ET DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES INNOVANTES

Article 68

Cet article a été délégué au fond à la commission des affaires économiques.

Voir le rapport pour avis n° 720 (2020-2021) de Dominique Estrosi Sassone.

Article 69
Élargissement à titre expérimental des possibilités
de mise à disposition des fonctionnaires de l'État
dans le cadre du dispositif de mécénat de compétences

L'article 69 du projet de loi vise à élargir, à titre expérimental, les possibilités de mise à disposition des fonctionnaires de l'État auprès des associations et fondations, afin de permettre aux employeurs publics de pratiquer le mécénat de compétences.

La commission a adopté cet article en portant à cinq ans la durée d'expérimentation, en alignant la durée de la mise à disposition prévue sur celle de droit commun et en ouvrant la mesure aux fonctionnaires territoriaux.

1. Dans ses modalités actuelles, la mise à disposition des fonctionnaires de l'État ne permet pas d'atteindre les finalités du mécénat de compétences

1.1. Le mécénat de compétences existe actuellement uniquement pour le secteur privé

Le mécénat se définit comme « un soutien matériel ou financier apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une oeuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un caractère d'intérêt général 240 ( * ) ».

Forme de mécénat en nature, le mécénat de compétences consiste en la mise à disposition, sur leur temps de travail, de salariés d'une entreprise au profit d'une association ou d'un organisme d'intérêt général 241 ( * ) . Ce transfert gratuit de compétences peut prendre la forme d'un prêt de main-d'oeuvre ou bien d'une prestation de service ; il ouvre droit à une réduction d'impôt prévue à l'article 238 bis du code général des impôts 242 ( * ) .

Ainsi, le mécénat de compétences permet de valoriser les savoir-faire de l'entreprise et de renforcer son intégration à son environnement, tout en développant et renforçant les compétences des salariés.

S'il est conçu pour le secteur privé , le mécénat de compétences n'en présente pas moins un intérêt certain pour le secteur public. La mise à disposition de fonctionnaires de l'État auprès d'associations ou de fondations reconnues d'utilité publique permettrait de renforcer les relations existant entre les acteurs qui travaillent au service de l'intérêt général, donnerait la possibilité aux fonctionnaires de l'État de mettre leurs compétences au service de causes qui leur tiennent à coeur et enrichirait leurs parcours.

1.2. La mise à disposition des fonctionnaires de l'État ne permet pas d'atteindre les finalités du mécénat de compétences

La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir 243 ( * ) .

Les conditions de la mise à disposition sont strictement encadrées 244 ( * ) . Ainsi, les fonctionnaires de l'État peuvent être mis à disposition des organismes contribuant à la mise en oeuvre d'une politique de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs uniquement pour l'exercice des missions de service public confiées à ces organismes .

En outre, la mise à disposition des fonctionnaires de l'État donne lieu à un remboursement de l'administration d'origine de l'agent par l'organisme d'accueil .

Par conséquent, le régime juridique actuel de la mise à disposition ne permet pas à l'État de mettre à disposition ses agents au profit de missions dépassant les missions de service public confiées aux organismes contribuant à la mise en oeuvre d'une politique de l'État. Il ne lui permet pas non plus de mettre à disposition ses agents à titre gratuit.

2. L'article 69 du projet de loi vise à ouvrir à l'État le mécénat de compétences

Par dérogation à l'article 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique de l'État, l'article 69 du projet de loi permettrait la mise à disposition des fonctionnaires de l'État auprès des associations et fondations pour des missions larges et sans contrepartie financière.

Le dispositif est prévu à titre expérimental pour une durée de quatre ans ; il donnerait lieu à un rapport d'évaluation présenté par le Gouvernement au Parlement au plus tard un an avant le terme de l'expérimentation.

L'article 69 prévoit que les fonctionnaires de l'État peuvent être mis à disposition :

- d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises 245 ( * ) et dotés de la personnalité morale ;

- ainsi que de fondations ou associations reconnues d'utilité publique.

L'objet de la mise à disposition est défini en termes larges, celle-ci ayant pour but « la conduite ou la mise en oeuvre d'un projet conforme aux missions statutaires de la personne morale, fondation ou association » pour lesquelles les compétences professionnelles des fonctionnaires concernés sont « estimées utiles » . La période de la mise à disposition est limitée à dix-huit mois , renouvelable dans la limite d'une durée totale de trois ans.

L'article prévoit un outre un contrôle de la compatibilité 246 ( * ) de l'activité envisagée au sein de l'organisme d'accueil avec les fonctions exercées par le fonctionnaire concerné au cours des trois années précédentes.

Enfin, l'article propose de rendre facultatif le remboursement , de la part de l'organisme d'accueil, de la rémunération de l'agent mis à disposition. Aussi l'article 69 précise-t-il le régime juridique applicable à la mise à disposition d'un fonctionnaire de l'État à titre gratuit et assimile celle-ci à une subvention au sens de l'article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Si la subvention dépasse un seuil défini par décret, l'administration mettant à disposition un agent doit conclure avec l'organisme d'accueil une convention prévue par l'article 10 de la loi précitée.

Article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations

Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte d'attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire.

Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en oeuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires.

3. Favorable à cette expérimentation, la commission souhaite en modifier les modalités

La commission juge bienvenue l'ouverture aux employeurs publics de la possibilité de pratiquer le mécénat de compétences, qui permettra à la fois aux agents d'enrichir leurs parcours et compétences, et aux administrations de développer de nouvelles relations avec les associations, les fondations et les territoires.

Elle estime également pertinent le recours à l'expérimentation, qui permettra d'évaluer le volume d'agents de l'État intéressés par le dispositif et donc de juger de la nécessité de sa généralisation à l'issue de la durée prévue.

La commission a adopté des amendements relatifs au contenu de l'expérimentation, d'une part, et à son cadre, d'autre part.

S'agissant du contenu de l'expérimentation , la commission a tout d'abord jugé souhaitable d'ouvrir cette expérimentation aux fonctionnaires territoriaux ( amendements identiques COM-1186 des rapporteurs et COM-1191 du Gouvernement).

Par ailleurs, le contrôle de l'absence d'incompatibilité, au regard des exigences déontologiques, entre l'activité envisagée au sein de l'organisme d'accueil avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois années précédentes, tel qu'il est prévu par le deuxième alinéa de l'article 69, est indispensable. La commission l'a complété, de manière symétrique, par un contrôle de la compatibilité entre l'activité exercée au sein de l'organisme d'accueil dans le cadre de la mise à disposition et les fonctions que le fonctionnaire s'apprête à remplir à son retour dans son administration d'origine ( amendement COM-1183 des rapporteurs).

La commission a considéré, de plus, que l'appréciation de l'utilité des compétences au regard de laquelle la mise à disposition peut être accordée est formulée de façon vague et subjective. Afin de se conformer au principe de clarté de la loi 247 ( * ) , elle a donc objectivé ce critère d'utilité ( amendement COM-1182 des rapporteurs).

S'agissant du cadre de l'expérimentation , la commission a estimé trop courte la durée d'expérimentation prévue. Elle a donc porté celle-ci à cinq ans afin de donner au dispositif le temps de se faire connaître et d'être mis en oeuvre ( amendement COM-1181 des rapporteurs).

Enfin, par souhait de simplification, la commission a aligné la durée de la mise à disposition prévue sur la durée de droit commun de trois ans ( amendement COM-1184 des rapporteurs).

La commission a adopté l'article 69 ainsi modifié .


* 240 Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière.

* 241 Une association ou un organisme sont d'intérêt général s'ils répondent aux trois critères cumulatifs suivants : ne pas profiter à un cercle restreint de personnes ; avoir une gestion désintéressée ; ne pas mener d'opérations lucratives (voir les instructions fiscales BOI-IR-RICI-250-10-10 et BOI-BIC-RICI-20-30-10-10).

* 242 La loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations permet aux entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés selon un régime réel d'imposition de bénéficier d'une réduction d'impôt de 60 % du montant des versements pris dans la limite de (0,5 %) du chiffre d'affaires.

* 243 Article 41 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique de l'État.

* 244 Article 42 de la même loi.

* 245 Catégories mentionnées au a du 1 de l'article 238 bis du code général des impôts.

* 246 Selon les modalités définies par l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

* 247 Posé par le Conseil constitutionnel en vertu de l'article 34 de la Constitution (Cons. Const. n° 98-401 DC, 10 juin 1998, cons. 10).

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