Rapport n° 743 (2020-2021) de M. Éric JEANSANNETAS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021

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N° 743

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2020 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 31

Sport, jeunesse et vie associative


Rapporteur spécial : M. Éric JEANSANNETAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4090 , 4195 et T.A. 628

Sénat :

699 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. En 2020, les crédits consommés au titre de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » se sont élevés à 1 262,1 millions d'euros , soit un niveau inférieur au plafond fixé à 1 300 millions d'euros par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et actualisé par la loi de finances pour 2020.

2. Les conséquences de la crise sanitaire ont affecté l'exécution de deux programmes de la mission - le programme 219 « Sport » et le programme 163 « Sport, jeunesse et vie associative ».

Deux éléments doivent être soulignés :

- d'une part, certains crédits, rendus caducs, ont pu être redéployés , à l'instar de ceux prévus pour le SNU (29,8 millions d'euros), dont le séjour de cohésion n'a pas pu se tenir en 2020 - à l'exception de la Nouvelle-Calédonie - ou des primes prévues pour les médaillés aux Olympiades de Tokyo (5,5 millions d'euros), reportés en raison du Covid-19 ;

- d'autre part, des crédits complémentaires ont été ouverts pour financer des besoins nés de la situation sanitaire , essentiellement au titre de trois dispositifs - la compensation des pertes de recettes de billetterie des clubs sportifs professionnels (107 millions d'euros), les « vacances apprenantes » (50 millions d'euros), le renforcement du fonds de développement de la vie associative (5 millions d'euros).

3. Il en résulte une exécution finalement proche de la prévision initiale, avec une surconsommation limitée à 4 % en crédits de paiement (CP). En revanche, une sous-consommation des crédits ouverts est observée (- 9 % en CP) , ce qui résulte de la non-consommation en 2020 des crédits ouverts en fin d'année pour l'aide aux pertes de recettes de billetterie des clubs sportifs professionnels, intégralement reportée en 2021 (107 millions d'euros).

4. Deux facteurs de tension sur l'évolution ultérieure de la mission sont clairement identifiés :

- d'une part, la montée en puissance des politiques de l'engagement de la jeunesse , avec l'objectif de 250 000 jeunes en mission de service civique au titre du plan de relance et, surtout, la poursuite du déploiement du service national universel, dans un contexte où le coût du dispositif n'est pas maîtrisé ;

- d'autre part, l'entrée dans une phase décisive de la préparation des infrastructures des Olympiades de 2024 , alors que les coûts constatés font l'objet d'une progression qualifiée de « substantielle » par la Solidéo et que les financeurs publics doivent avaliser dans les prochaines semaines une actualisation de leurs contributions financières, définies en euro de 2016, pour tenir compte des effets de l'inflation.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2020

1. Une mission dont les crédits ont été multipliés par près de trois depuis 2012

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » est composée de trois programmes :

- le programme 219 « Sport » (34 % des crédits de la mission), qui porte principalement le soutien aux fédérations sportives et l'ouverture à tous de la pratique sportive, ainsi que le soutien aux opérateurs du sport (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance [INSEP], écoles nationales du sport ; institut français du cheval et de l'équitation [IFCE] et musée national du sport) ;

- le programme 163 « Jeunesse et vie associative » (56 % des crédits de la mission), qui concerne essentiellement le développement du service civique, par le biais de l'Agence du service civique (ASC), la préfiguration du service national universel (SNU) ainsi que le soutien à la vie associative, en particulier par le soutien au Fonds de coopération de la Jeunesse et de l'Éducation populaire (FONJEP) et le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ;

- le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques de 2024 » (10 % des crédits de la mission), qui constitue le vecteur budgétaire du soutien financier de l'État à l'organisation des Olympiades de 2024.

Avec un total de 1 262,1 millions d'euros exécutés en 2020 , cette mission représente seulement 0,2 % du budget général en termes de crédits budgétaires.

Deux caractéristiques de la mission doivent être relevées :

- d'une part, son accroissement tendanciel au cours des dernières années, détaillé dans le graphique ci-après, puisque ses crédits ont été multipliés par près de trois depuis 2012, à la faveur de l'universalisation du service civique et de la création du programme dédié aux Olympiades de 2024 ;

- d'autre part, le niveau élevé de dépenses fiscales qui lui sont rattachées et représentent près de 3 milliards d'euros, soit près de trois fois ses dépenses budgétaires.

L'accroissement des crédits de la mission se poursuivra au cours des prochains exercices compte tenu de la montée en puissance des dépenses relatives aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, tandis que la généralisation annoncée du service national universel se traduira par un coût croissant.

Évolution des crédits de la mission depuis 2012

(en millions d'euros)

NB : P 219 désigne le programme 219 « Sport » ; P 163 désigne le programme 163 « Sport, jeunesse et vie associative » et P 350 désigne le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques 2024 ».

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

2. Une exécution perturbée en raison de la crise sanitaire, qui reste toutefois dans les limites du cadre actualisé de la loi de programmation des finances publiques

En 2020, les crédits consommés sur la mission s'élèvent à 1 262,1 millions d'euros, soit un niveau inférieur au plafond fixé à 1 300 millions d'euros par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 1 ( * ) et actualisé par la loi de finances pour 2020.

En loi de finances initiale pour 2020 , les crédits de la mission intégraient deux évolutions importantes :

- d'une part, une mesure de périmètre , avec le transfert des crédits de rémunération des 1 529 conseillers techniques sportifs (CTS) vers le programme 219 « Sport » 2 ( * ) , pour un montant de 120,8 millions d'euros 3 ( * ) , dont 84 millions d'euros au titre des rémunérations et 36,8 millions d'euros de contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » ;

- d'autre part, une mesure nouvelle , avec la création d'une nouvelle action au sein du programme 163 « Jeunesse et vie associative », dotée de 29,8 millions d'euros pour financer la montée en puissance du service national universel (SNU).

Toutefois, à l'exception du programme 350, l'exécution 2020 a été affectée par la crise sanitaire, dans deux directions différentes :

- d'une part, certains crédits, rendus caducs, ont pu être redéployés , à l'instar de ceux prévus pour le SNU (29,8 millions d'euros), dont le séjour de cohésion n'a pas pu se tenir en 2020 - à l'exception de la Nouvelle-Calédonie - ou des primes prévues pour les médaillés aux Olympiades de Tokyo (5,5 millions d'euros), reportés en raison du Covid-19 ;

- d'autre part, des crédits complémentaires ont été ouverts sur les programmes 219 et 163 pour financer des besoins nés de la situation sanitaire , essentiellement au titre de trois dispositifs - la compensation des pertes de recettes de billetterie des clubs sportifs professionnels (107 millions d'euros), les « vacances apprenantes » (50 millions d'euros) et le renforcement du fonds pour le développement de la vie associative (5 millions d'euros).

Le graphique et le tableau ci-après détaillent les mouvements de crédits intervenus en cours de gestion.

Évolution des crédits en cours de gestion en 2020

(CP, en millions d'euros)

NB : les 107 millions d'euros correspondant au dispositif de soutien aux pertes de billetterie des clubs sportifs professionnels ont été ouverts par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 au titre de la dotation « Dépenses accidentelles et imprévisibles », sur la mission « Crédits non répartis », puis versés par transfert d'avance sur le programme 219 « Sport ».

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Mouvements de crédits intervenus en gestion au cours de l'exercice 2020

(CP, en millions d'euros)

Programmes

LFI 2020

Reports entrants

Fonds de concours et attribution de produits

Transfert

LFR

Total des crédits alloués

Écart crédits alloués / LFI 2020

219

427,7

0,93

-

110,1

-

538,8

+ 26 %

163

660,2

0,86

0,02

-

55,0

716,1

+ 8 %

350

129,3

-

-

-

-

129,3

0 %

Total

1 217,2

1,8

0,02

110,1

55,0

1 384,2

+ 30 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Toutefois, le dispositif d'aide aux clubs sportifs professionnels pour compenser les pertes de recettes de billetterie 4 ( * ) n'a pas été exécuté en 2020 et a fait l'objet d'un report en 2021. C'est ce que le tableau ci-après met en évidence, avec une sous exécution de 21 % des crédits de paiement ouverts au titre du programme 219.

Le Gouvernement justifie cette difficulté en raison du besoin d'attendre la validation de l'aide par la Commission européenne au titre du contrôle des aides d'État, qui n'est intervenue que le 25 janvier 2021 5 ( * ) .

Il n'en reste pas moins une entorse marquée au principe d'annualité, qui, compte tenu des délais, ne pouvait être méconnue lorsque les crédits ont été demandés par le Gouvernement lors de l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative.

Au-delà des principes budgétaires, le choix d'inscrire les crédits correspondant au sein des dépenses accidentelles et imprévisibles a nui à la lisibilité du dispositif de compensation et à sa bonne compréhension par les acteurs du monde sportif.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2020

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2019

Crédits votés LFI 2020

Crédits ouverts 2020

Crédits exécutés 2020

Exécution 2020 / LFI 2020

Exécution 2020 / ouverture 2020

219

AE

294,0

430,7

540,9

421,8

- 2 %

- 22 %

CP

302,0

427,7

538,8

426,3

0 %

- 21 %

163

AE

629,8

660,2

715,6

708,8

+ 7 %

- 1 %

CP

631,0

660,2

716,1

708,1

+ 7 %

- 1 %

350

AE

237,0

321,7

321,7

321,7

-

-

CP

65,3

129,3

129,3

127,7

- 1 %

- 1 %

Total

AE

1 160,8

1 412,6

1 578,2

1 452,2

+ 3 %

- 8 %

CP

998,3

1 217,2

1 384,1

1 262,1

+ 4 %

- 9 %

NB : à l'instar de la logique retenue par la Cour des comptes dans la note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission, les données renseignées sont retraitées des documents budgétaires concernant les AE du programme 350 pour neutraliser deux erreurs techniques faussant la réalité de la consommation. En effet, pour cette ligne, le consommé apparaît dans le système financier de l'État en négatif à - 54,1 millions d'euros, ce qui résulte de deux erreurs techniques. La première est intervenue dans le cadre de la bascule des engagements juridiques du centre de services partages des ministères sociaux vers celui ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports à la suite du rattachement du programme 350 à ce dernier ministère en 2020, l'engagement juridique pluriannuel de la Solidéo n'ayant pas été basculé. La seconde erreur est intervenue en fin de gestion 2020 et a affecté la consommation des crédits prévus pour la réalisation des travaux préalables au déménagement de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

3. D'importants redéploiements de crédits en cours de gestion

Comme le présente le tableau ci-avant, en dépit de la crise sanitaire et des ouvertures opérées en cours d'année, l'exécution 2020 des crédits de la mission se révèle assez proche de la prévision initiale . Seul le programme 163 fait état d'une sur-exécution, à hauteur de+ 7 %.

De fait, une simple comparaison agrégée des crédits prévus et exécutés par programme ne saurait rendre compte de l'ensemble des mouvements intervenus en gestion sur les programmes 219 et 163.

Sur le programme 163, les crédits initialement consacrés au service national universel (24 millions d'euros) et au compte d'engagement citoyen (CEC, 4,6 millions d'euros) ont été mobilisés pour financer trois dispositifs :

- la création d'un fonds de soutien aux associations gestionnaires de centres d'accueil de mineurs ou de classe de découverte (15 millions d'euros) ;

- le règlement de la dette contractée auprès de l'ACOSS au titre des missions de service civique, à hauteur de 14,5 millions d'euros 6 ( * ) ;

- l'abondement du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) pour soutenir l'emploi associatif (3,6 millions d'euros, correspondant à 500 postes).

Sur le programme 219, des marges de manoeuvre ont été obtenues par la sous-consommation de la dotation pour les grands évènements sportifs internationaux (2,4 millions d'euros) et de l'absence de consommation au titre des primes des médaillés olympiques (5,5 millions d'euros) ainsi que par le dégel de fin de gestion (6,4 millions d'euros), obtenu à l'initiative du Sénat lors de l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative.

Elles ont essentiellement permis d'augmenter la subvention versée à l'Agence nationale du sport de 15,7 millions d'euros, finançant le plan de soutien aux associations sportives via le fonds de solidarité.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un accompagnement des mouvements sportif et associatif face à la crise sanitaire qui ne doit pas occulter les difficultés structurelles auxquelles ils font face

La crise sanitaire a heurté de plein fouet le monde sportif comme le mouvement associatif . La « distanciation sociale » requise pour contenir la propagation de l'épidémie s'inscrit à rebours des objectifs qu'ils poursuivent.

Face à cette situation, les structures qui les animent ont pu recourir aux principaux outils généraux de soutien rapidement mis en place : le prêt garanti par l'État, le fonds de solidarité, la prise en charge de l'activité partielle et les annulations de cotisations sociales.

Généraux et parfois complexes à actionner pour des structures reposant souvent sur la seule ressource du bénévolat, ces dispositifs ont toutefois dû être complétés pour tenir compte de la spécificité du mouvement sportif et associatif.

Pour cela, divers mécanismes budgétaires ont été actionnés, du redéploiement de lignes budgétaires rendues caduques par la situation sanitaire - à l'instar du SNU - à l'ouverture de crédits supplémentaires à l'occasion des lois de finances rectificatives successives.

Au titre du soutien au mouvement sportif, deux dispositifs ont plus particulièrement été mobilisés en 2020 :

- une aide d'urgence pour les associations les plus en difficulté , financées par l'Agence nationale du sport à hauteur de 15 millions d'euros , prenant par exemple la forme d'aides ponctuelles à l'emploi de jeunes ou d'organisation de séjours sportifs au cours des vacances scolaires, bénéficiant notamment aux associations non employeuses ;

- une compensation des pertes de recettes de billetterie des clubs sportifs professionnels , à hauteur de 107 millions d'euros , reconduite au premier semestre 2021, dont les crédits n'ont toutefois pas été décaissés en 2020.

S'agissant de la vie associative et de la jeunesse, deux leviers ont été actionnés :

- de façon générale, le dispositif des « vacances apprenantes » au cours de l'été 2020 s'est traduit, d'une part, par la labellisation de « colos apprenantes », conçues comme une réponse au confinement des élèves et dotées de 102 millions d'euros - dont 20 millions d'euros portés par le programme 163 - et, d'autre part, par une aide aux accueils de loisirs sans hébergement d'un montant de 30 millions d'euros, afin de mettre aux organisateurs de proposer des activités éducatives complémentaires ;

- une aide de 15 millions d'euros aux associations gestionnaires de centres et organisatrices de colonies de vacances et de séjour de découvertes.

De l'avis général , les « vacances apprenantes » ont rencontré un réel succès , conduisant à la reconduction du dispositif en 2021, sans qu'une ligne budgétaire ne soit identifiée à ce stade.

2. Un indispensable soutien à l'engagement de la jeunesse à mieux prévoir et articuler
a) Le service civique, un succès à l'épreuve du plan de relance

Du point de vue budgétaire, la mission est marquée depuis plusieurs années par la montée en puissance du service civique .

L'année 2020 devait permettre l'entrée du service civique en phase de maturité , avec une stabilisation concomitante du nombre de jeunes effectuant une mission autour de 145 000 et du coût du dispositif à plus de 500 millions d'euros.

Une telle étape venait consacrer le succès du dispositif , dix ans après sa création et cinq ans après son universalisation décidée par l'ancien Président de la République François Hollande afin de réaffirmer la cohésion et l'engagement de notre jeunesse dans le terrible contexte des attentats terroristes ayant ensanglanté notre pays.

D'un point de vue budgétaire, elle devait se traduire par une meilleure prévision de la subvention à verser à l'Agence du service civique , après une phase heurtée ayant nécessité un abondement lors du schéma de fin de gestion.

Toutefois, en pratique, l'exécution 2020 a été marquée par deux difficultés :

- d'abord, les mesures de restriction prises pour endiguer la propagation du virus ont réduit les entrées en mission de service civique , avec une baisse de 40 % des contrats validés entre janvier et mai 2020 par rapport aux objectifs fixés ;

- ensuite, la mobilisation du service civique comme réponse aux conséquences de la crise, avec l'annonce du président de la République d'un objectif de 100 000 missions supplémentaires en 2020 et 2021 , dont 20 000 missions dès septembre 2020 et 80 000 à compter de 2021, portant ainsi la cible pour 2020 à 165 000 jeunes en mission de service civique.

Cet objectif s'est traduit, au plan budgétaire, par un dégel de l'intégralité de la réserve de précaution, pour un montant de 21,3 millions d'euros.

Pour autant, la prolongation de la crise sanitaire ainsi que les difficultés de trouver des missions dans un temps resserré n'ont pas permis d'atteindre l'objectif pour 2020, avec finalement 131 120 jeunes ayant effectué une mission de service civique.

Il en résulte un gonflement marqué de la trésorerie de l'Agence du service civique (69,4 millions d'euros) en exécution pour 2020.

Or le service civique constitue l'un des axes forts promus par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance , selon une imputation budgétaire que le rapporteur spécial a critiquée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.

Les objectifs assignés sont résolument volontaristes, puisqu'il est envisagé de porter à 250 000 le nombre de jeunes effectuant une mission de service civique.

Cette cible soulève deux questions :

- d'une part, sur la capacité d'absorption des missions de service civique supplémentaires sans rogner sur la qualité des missions proposées, au risque de convertir un outil d'engagement de la jeunesse en un dispositif de traitement social du chômage des jeunes ;

- d'autre part, sur la budgétisation et la consommation des crédits.

b) Le service national universel, une dérive des coûts à enrayer et une interrogation sur l'opportunité de poursuivre sa généralisation

Le déploiement progressif du service national universel (SNU) devait initialement connaître une nouvelle phase en 2020, avec un objectif de 20 000 jeunes effectuant un séjour de cohésion.

À l'exception de la Nouvelle-Calédonie, aucun séjour de cohésion n'a cependant pu se dérouler en 2020 compte tenu des restrictions sanitaires. Si les crédits prévus à cet effet ont pu être utilement réalloués, la prévision du coût du dispositif n'est pas sans soulever des difficultés.

La comparaison des prévisions 2020 et 2021 est particulièrement éclairante : alors que l'objectif a été porté de 20 000 à 25 000 jeunes entre les deux exercices (+ 25 %), les crédits alloués ont été multipliés par plus de deux , passant de près de 30 millions d'euros à 62,3 millions d'euros.

Le risque budgétaire avait d'ailleurs été identifié dès le début de l'exécution 2020 par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM). Comme le relève la Cour des comptes, « sur le programme 163, le CBCM a émis le 4 février 2020 un avis favorable avec une réserve relative à un risque budgétaire identifié sur le dispositif du SNU . En effet, la programmation des crédits en LFI était basée sur un objectif d'accueil de 20 000 jeunes lors du séjour de cohésion de quinze jours sur la base d'un coût unitaire de l'ordre de 1 400 euros. Compte tenu de nouvelles directives gouvernementales qui ont entretemps porté cet objectif à 30 000 jeunes et d'une nouvelle estimation du coût par jeune de 2 500 euros, le CBCM a identifié une impasse de 47 millions d'euros » 7 ( * ) .

Dans ces conditions, le rapporteur spécial s'interroge à deux points de vue :

- d'une part, sur la sincérité de la prévision initiale présentée au Parlement en amont de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 ;

- d'autre part, sur la capacité des finances publiques à supporter un service national universel généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge de 800 000 jeunes, ce qui signifierait un coût complet du dispositif en fonctionnement de 1,76 milliard d'euros.

En dépit de l'absence de consommation effective au titre du SNU en 2020, le rapporteur spécial y voit donc une alerte majeure sur la soutenabilité du déploiement de ce dispositif.

3. Une soutenabilité du financement des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à assurer

Selon la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo), la crise sanitaire n'aura entraîné aucun retard dans la préparation des infrastructures prévues pour l'accueil des Olympiades de 2024.

Cette appréciation doit toutefois être rapportée à la maquette de performance proposée en 2020 pour programme 350, dont l'indicateur 1.1 porte en particulier sur « le taux d'opérations ayant atteint un jalon essentiel dans le processus de livraison des ouvrages olympiques ». En effet, les réalisations pour 2020 contrastent avec la prévision retenue :

- 90 % des opérations devaient avoir atteint le jalon de notification du marché (marchés globaux) ou de validation de l'avant-projet détaillé, ratio finalement non renseigné en exécution ;

- 30 % des opérations devaient avoir atteint le jalon de lancement des travaux, proportion finalement ramenée à 12,9 % en exécution .

À défaut de retards dans la progression des travaux, ces éléments témoignent à tout le moins d'une maquette de performance inappropriée , ce qui nuit aux pouvoirs de contrôle du Parlement sur une action représentant tout de même un montant total cumulé de près d'un milliard d'euros.

Surtout, la crise sanitaire devrait participer à la hausse des coûts de travaux attendue par la Solidéo . Qualifié d' « assez substantiel » , ce renchérissement s'opère « sous le triple effet de l'actualisation des coûts sous l'effet de l'inflation, des fortes tensions sur le marché de la construction en Île-de-France actuellement et, dans une moindre mesure, de l'impact de la crise sanitaire sur les chantiers de travaux » 8 ( * ) .

Ces trois facteurs de dynamisme des coûts ont d'ailleurs justifié l'élaboration d'une nouvelle maquette financière , adoptée par le conseil d'administration de la Solidéo le 13 octobre 2020, afin d'être en mesure de respecter l'enveloppe initialement prévue, sur la base de la revue de projet olympique validée par le conseil d'administration de Paris 2024 le 30 septembre 2020.

Certains postes ont fait l'objet d'économies, comme l'échelonnement en deux phases de la réalisation des logements dans le cadre de l'opération de construction du village des médias. Mais s'ajoutent aussi des sorties de certains postes de la maquette financière de la Solidéo pour être directement pris en charge par l'État - sans qu'il en résulte donc une économie - comme pour les centres de préparation aux Jeux.

Compte tenu des surcoûts par ailleurs enregistrés, la progression nette de l'enveloppe totale s'élève à plus de 2 %.

Surtout, cette enveloppe n'intègre toujours pas le surcoût lié à l'actualisation de la maquette , définie en euros de 2016. Une « clause de revoyure », prévue pour 2021, doit conduire les financeurs publics à actualiser leur participation. Selon la Solidéo, un accord devrait être conclu lors d'un conseil d'administration courant juillet 2021.

Dans un référé consacré à la gouvernance financière et budgétaire des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 publié le 9 avril dernier, la Cour des comptes a rappelé cet enjeu, soulignant qu'« à ce stade, l'augmentation globale de 12 % de la maquette financière ne comprend ni le coût prévisionnel de la crise Covid sur les travaux (environ 40 millions d'euros), ni le coût final du phasage de l'opération du village des médias au-delà de 2024. Surtout, la maquette financière n'intègre toujours pas, en dépenses comme en recettes, l'indexation des coûts de la construction, estimée à 190 millions d'euros » 9 ( * ) .

Le projet de loi de finances pour 2022 devra être l'occasion d'apporter au Parlement les indispensables précisions sur la maquette financière définitive des Olympiques de 2024 et le montant de la contribution de l'État.


* 1 Loi n°2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 2 Les crédits correspondant aux CTS étaient, jusqu'alors, portés par le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

* 3 En autorisations d'engagement et crédits de paiement (AE = CP).

* 4 Prévu par le décret n° 2020-1571 du 11 décembre 2020.

* 5 Voir la décision SA.59746 du 25 janvier 2021.

* 6 Les redéploiements de crédits ont contribué au règlement de 9,6 millions d'euros et le solde a été couvert par le dégel de la réserve de précaution.

* 7 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2020, p. 18.

* 8 Réponse au questionnaire budgétaire du PLF 2021.

* 9 Cour des comptes, référé du 9 avril 2021 concernant la gouvernance financière et budgétaire des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, p. 3.

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