III. L'OUVERTURE JUSTIFIÉE D'UN INTÉRÊT À AGIR AUX PARLEMENTAIRES MAIS QUI DOIT ÊTRE MIEUX CIRCONSCRITE

A. LE CONTENU ET LE CONTEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI

1. La reconnaissance d'un intérêt agir pour les recours pour excès de pouvoir portant sur le refus de prendre des règlements d'application ou sur des atteintes au domaine de la loi par le pouvoir exécutif

L'article unique de la présente proposition de loi tend à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires afin de créer une présomption irréfragable d'intérêt à agir au bénéfice membres de l'Assemblée nationale et du Sénat, pour introduire un recours pour excès de pouvoir (REP) contre les actes ayant principalement fait l'objet de recours dans les affaires introduites par de parlementaires devant le juge administratif.

Le premier d'entre eux vise le refus du Premier ministre de prendre dans un délai raisonnable les mesures réglementaires d'application d'une disposition législative (recours en carence). Il s'agit, par exemple, de l'hypothèse rencontrée dans l'affaire portée devant le Conseil d'État par le sénateur Jean-Louis Masson ( cf supra ).

Cette proposition de loi tend également à reconnaître un intérêt à agir aux parlementaires pour introduire un REP contre une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution qui méconnaît le champ d'habilitation fixé par le législateur . Il s'agit, par exemple, de l'hypothèse rencontrée dans le recours présenté par Jean-Pierre Sueur ( cf supra ).

Enfin, la proposition de loi tend également à reconnaître un tel intérêt à agir pour contester « un acte réglementaire autorisant la ratification ou l'approbation d'un traité lorsque le moyen unique soulevé est tiré de ce que cette autorisation aurait dû être accordée par la loi en vertu de l'article 53 de la Constitution » . Tel était le cas, par exemple, de l'affaire « Fédération nationale de la libre pensée » ( cf. supra ).

2. Une précédente proposition de loi rejetée par le Sénat mais dont le principe a depuis lors été soutenu par son Président

La rédaction de cette proposition de loi reprend celle proposée en séance publique par Jean-René Lecerf, rapporteur au nom de la commission des lois d'une précédente proposition de loi 23 ( * ) partageant le même objet, émanant également du groupe RDSE et qui avait été examinée au début de l'année 2011. Toutefois, l'amendement du rapporteur n'avait pas été adopté et le texte avait finalement été rejeté par le Sénat, au motif de difficultés de nature constitutionnelle posées, alors que le texte avait reçu le soutien du groupe socialiste à travers une intervention de Jean-Pierre Sueur, en séance publique, y voyant un moyen de défendre les prérogatives du Parlement.

Néanmoins, le contexte politique semble avoir changé , comme le rappelle l'exposé des motifs, puisque le dépôt de la proposition de loi fait suite à une déclaration du président du Sénat, prononcée le 1 er octobre 2020, par laquelle il défendait la nécessité de « réfléchir à une procédure [...] qui permette au Parlement de saisir le juge administratif lorsqu'un décret d'application manque à l'appel ».


* 23 Proposition de loi n° 203 (2010-2011) de M. Yvon COLLIN et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 23 décembre 2010.

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