Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Dominique de LEGGE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 9

DÉFENSE

Rapporteur spécial : M. Dominique de LEGGE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

I. UNE ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONFORME À LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

Contribution au CAS « Pensions » comprise, les crédits de la mission « Défense » atteindront 56,81 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 49,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en 2022 .

Évolution des crédits de paiement de la mission « Défense »

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette évolution est conforme à la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019-2025 1 ( * ) .

II. UNE OBLIGATION D'ACTUALISATION LÉGISLATIVE DE LA LPM EN 2021 QUI N'A PAS ÉTÉ HONORÉE PAR LE GOUVERNEMENT...

Pour la mission « Défense », le présent projet de loi de finances doit être replacé dans le contexte de la LPM, qui devait faire l'objet d'une actualisation en 2021.

Son article 7 prévoyait ainsi que « la présente programmation fera l'objet d'actualisations, dont l'une sera mise en oeuvre avant la fin de l'année 2021. Cette dernière aura notamment pour objet de consolider la trajectoire financière et l'évolution des effectifs jusqu'en 2025 ».

Le Gouvernement a finalement décidé de prononcer une déclaration devant chacune des chambres du Parlement les 22 et 23 juin 2021 au titre de l'article 50-1 de la Constitution, invoqué pour la première fois dans le domaine de la défense nationale, pour l'informer des actualisations prévues.

Cette procédure ne saurait masquer la volonté de contournement dont a fait l'objet le Parlement, alors que la Constitution ne confie qu'à lui seul le pouvoir de modifier une loi, conformément à l'article 24 de la Constitution. Le recours au dispositif prévu par l'article 50-1 de la Constitution ne constitue aucunement un moyen de modification de la loi et ne constitue pas une modalité d' « association » suffisante du Parlement. La précédente programmation militaire (2015-2019) avait d'ailleurs logiquement fait l'objet d'une actualisation par voie législative (loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense).

Le Gouvernement a indiqué que cette actualisation portait sur un périmètre d'environ 1 milliard d'euros, qui apparaît bien inférieur à la réalité des changements opérés, qui dépassent en réalité les 8 milliards d'euros.

III. ...ALORS MÊME QUE D'IMPORTANTS OBJECTIFS CAPACITAIRES PRÉVUS PAR CETTE LOI SONT REMIS EN CAUSE

Les ajustements prévus par le Gouvernement ont été compensés par des décalages de programmes comme le système de lutte anti-mines futur (SLAM-F), les futurs bâtiments hydrographiques (CHOF) ou le système de drones tactiques. Le chef d'état-major de l'armée de terre a ainsi indiqué que la pérennisation du Leclerc est compensée par le rabaissement de la cible à 45 % de l'ensemble des livraisons SCORPION (prévu en 2030) en 2025 au lieu des 50 % initialement prévus 2 ( * ) .

Programmes voyant leur jalon 2025 affecté par les ajustements
réalisés en 2021

SCORPION

Actualisation de la cible LPM à 45% au lieu de 50%, de la cible totale à fin 2025.

Système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F)

Décalage de 1 an par rapport au PLF 21 des livraisons de l'étape 2 avec maintien du lancement en réalisation en 2023.

CHOF

Décalage de 1 an par rapport au PLF 21 de la phase de réalisation, laquelle sera lancée en 2025.

FTLT

(VL 4-6 t)

Décalage de 2 ans par rapport au PLF21, commande en 2024, premières livraisons en 2027.

Système de drones tactiques (SDT)

Décalage de l'étape 2 de 2024 à 2025.

Avion de patrouille maritime PATMAR Futur

Décalage de 1 an de de la commande précédemment prévue en 2025.

Missile moyenne portée (MMP)

Étalement des livraisons prévues en 2024 - 2025 sur 2024, 2025, 2026 avec maintien de productions de 200 missiles par an.

Camion équipé d'un système d'artillerie (CAESAR)

Décalage de 1 an par rapport au PLF21 de la commande et de la livraison des 32 derniers CAESAR et de la rénovation de 77 CAESAR.

Avion léger de surveillance et de renseignement (ALSR)

La commande d'un ALSR décidée dans le cadre du plan de soutien aéronautique amène à dépasser le jalon 2025 : 3 ALSR auront été livrés en 2025 au lieu de 2.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ces décalages sont présentés dans le tableau ci-dessus, qui est toutefois loin d'être exhaustif puisqu'il ne prend en compte que les « renoncements » assumés par le ministère des armées. Il ne prend par exemple pas en compte la rupture capacitaire pourtant majeure en matière d'avions de combat liée aux deux contrats d'exportation de Rafale d'occasion prélevés sur le parc de l'armée de l'air et de l'espace .

IV. DES EXPORTATIONS DE 24 RAFALE D'OCCASION ENTRAINANT UN AFFAIBLISSEMENT OPÉRATIONNEL DE L'ARMÉE DE L'AIR ET DE L'ESPACE

Le 25 janvier 2021, un contrat a été signé entre la France et la Grèce pour la vente de 18 avions Rafale, dont 12 d'occasion prélevés sur la dotation de l'Armée de l'air et de l'espace (AAE). Fin mai 2021, dans le cadre du renouvellement de sa flotte d'avions de combat et à l'issue d'une compétition internationale, le gouvernement croate a fait le choix de l'offre française proposant 12 avions Rafale d'occasion également prélevés sur le parc de l'AAE.

Afin de compenser la cession à la Grèce, une nouvelle commande de 12 avions Rafale neufs a été passée par la France dans la foulée de la signature du contrat avec la Grèce. Leur livraison est prévue en 2025. Les 12 Rafale supplémentaires ne seront cependant pas livrés avant la fin de l'année 2026, alors que le ministère des armées avait évoqué l'année 2025 lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021. Aucune commande n'est par ailleurs prévue à ce stade pour compenser la commande croate.

Cette ponction intervient dans un environnement capacitaire d'ores et déjà tendu, alors que la LPM fixe une capacité opérationnelle de 129 appareils Rafale en 2025 pour l'armée de l'air. Ce dernier est mécaniquement abaissé à 117 en prenant en compte la commande croate.

Cette opération entraîne par ailleurs un surcoût d'environ 500 millions d'euros pour les 12 avions vendus à la Grèce puisque si le montant des ventes a bien été attribué au ministère des armées, ce dernier est loin d'atteindre le prix d'achat des Rafale neufs.

Ces 500 millions d'euros non prévus par la LPM et utilisés pour financer la nouvelle commande française à Dassault Aviation ont entrainé, selon l'état-major des armées, des rééquilibrages dont les détails n'ont pas été transmis.

S'agissant de la commande croate, celle-ci ne génère à ce stade aucun surcoût puisque leur remplacement n'est pas acté. Si ces 12 Rafale supplémentaires étaient bel et bien remplacés, comme le rapporteur spécial le souhaite, le coût net pour les armées de ces deux contrats d'exportation s'élèverait donc à environ un milliard d'euros.

V. CERTAINES ÉVOLUTIONS INFLUANT SUR L'EXÉCUTION DE LA LPM AURAIENT JUSTIFIÉ UNE ACTUALISATION EN BONNE ET DUE FORME

A. DES PROVISIONS OPEX ET MISSINT CHRONIQUEMENT INSUFFISANTES ENTRAINANT LE FINANCEMENT DU SURCOÛT PAR LA MISSION « DÉFENSE » CONTRAIREMENT AUX DISPOSITIONS DE LA LPM : UN SURCOÛT NET SUPÉRIEUR À 1,2 MILLIARD D'EUROS QUI DEVRAIT S'ACCROÎTRE DANS LES ANNÉES À VENIR

L'augmentation de la dotation initiale Opex-Missint a eu pour effet incontestable de réduire la partie devant être financée en cours d'exécution, bien inférieure aux niveaux constatés lors de la précédente LPM et en 2017 (où il avoisinait le milliard d'euros). Ce montant s'est malgré tout révélé insuffisant chaque année depuis le début de la LPM.

Contrairement aux dispositions de l'article 4 de la LPM, en gestion, cette sous-budgétisation des OPEX et des MISSINT a été systématiquement compensée intégralement au sein de la mission « Défense », par des annulations et des reploiements via la loi de finances rectificative, qui concernent les programmes 144, 212 et 146.

Ainsi, pour faire face aux dépassements de la provision fixée par la LPM, la mission « Défense » a du financer un surcoût supérieur à 1,2 milliard d'euros, qui devrait s'accroitre dans les deux années à venir.

Évolution des surcoûts liés aux opérations extérieures
et aux missions intérieures

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère des armées

Il est en effet fort probable que ce dépassement se maintienne en 2021 et 2022, compte tenu de l'absence d'augmentation de la dotation OPEX-MISSINT. Le désengagement et la restructuration du dispositif en bande sahélo-saharienne ne devrait pas entrainer de baisse du coût des OPEX à court-terme en raison des manoeuvres logistiques intenses qu'elle suppose.

B. DES MODIFICATIONS ISSUES DE LA CRISE SANITAIRE ET DES ALÉAS DE GESTION

En 2020, la crise sanitaire s'est traduite par des dépenses supplémentaires, y compris les mesures de rebond, à hauteur de 1 065 millions d'euros sur la mission « Défense ». La baisse de l'activité opérationnelle a entrainé une baisse des dépenses à hauteur de 1 095 millions d'euros. L'absence de surcoût net ne saurait, là encore, justifier l'absence de recours à la loi pour déterminer la nature des redéploiements effectués.

De nombreuses dépenses imprévues par la LPM auraient également justifié un exercice d'actualisation conforme à l'ampleur des enjeux (réparation du SNA Perle, financement du « Ségur de la santé » pour le service de santé des armées, transformation du service du commissariat aux armées, etc).

C. UNE ACTUALISATION QUI AURAIT DU PERMETTRE D'AJUSTER L'AMBITION DE LA LPM AU REGARD DU CONTEXTE GÉOSTRATÉGIQUE

Diverses tendances de fond auraient justifié une mise à jour stratégique d'ampleur élaborée conjointement avec le Parlement.

La « mort cérébrale » de l'OTAN, annoncée à la suite du lancement de l'opération « Source de paix » par l'armée turque le 9 octobre 2019 contre les Forces démocratiques syriennes dans le nord de la Syrie, n'a depuis lors fait que s'accélérer, culminant récemment avec l'officialisation de l'alliance AUKUS, scellée au détriment d'un contrat d'exportation de sous-marins d'attaques entre la France et l'Australie. La multiplication des tensions dans la zone indopacifique, où la France possède deux départements et trois territoires d'outre-mer, et dont l'alliance AUKUS constitue également un révélateur, témoigne de l'augmentation des risques non envisagés par la présente LPM.

Le risque d'un retour de conflits conventionnels doit être pris en compte. Surtout, le format actuel des armées française et européennes (en comparaison avec certains pays comme la Russie) ne permet pas de décupler le niveau d'engagement sur les théâtres extérieurs, notamment en cas de confrontation à une armée de « masse » et mettant en oeuvre du matériel lourd. La présence de troupes russes à la frontière ukrainienne en avril 2021 a rappelé qu'une telle hypothèse ne pouvait être pleinement exclue . Le retour à des conflits de « haute intensité » constitue une hypothèse connue par la France, mais dont les conséquences budgétaires et capacitaires ne sont pas pleinement tirées. Ces évolutions auraient justifié une réflexion sur les ambitions mêmes de la LPM pour assurer l'autonomie stratégique de la France et de l'Union européenne, et une modification de la trajectoire fixée par la loi.

VI. UNE LPM À HAUTEUR D'HOMME : LA RÉUSSITE DU PLAN « FAMILLE » NE DOIT PAS MASQUER LA PERSISTANCE DE DIFFICULTÉS DE FIDÉLISATION

Le plan « Famille » a été lancé en octobre 2017 afin d'apporter des réponses visibles et concrètes aux contraintes inhérentes à la vie militaire. Il représente un effort de 530 millions d'euros sur la durée de la LPM.

Ce plan constitue une des grandes avancées permises par la LPM et doit donc être salué à ce titre. Sa mise en oeuvre a été suffisamment rapide pour produire des effets dès les premières années de la LPM. En effet, en prenant en compte les quatre premières années de la LPM, 53,2 % des 530 millions d'euros annoncés en début de quinquennat auront été engagés.

La LPM 2019-2025 fixe des objectifs ambitieux de création d'emplois au sein du ministère des armées. Elle fixe à 450 emplois la hausse portée sur 2022, comme en 2019, alors que la hausse prévue s'élevait à 300 emplois sur 2020 et 2021. Le solde ministériel intègre en 2021 un retard sur le personnel militaire (- 445 ETPE), alors que le schéma d'emploi pour le personnel civil est à l'inverse en avance (+ 512 ETPE). Il est important de veiller, dans les années à venir, à ce qu'un rééquilibrage de ce schéma d'emploi soit effectué.

Ce rééquilibrage passe notamment par la politique de fidélisation menée au sein du ministère des armées, qui commence à porter ses fruits, notamment grâce à la mise en oeuvre de la prime de lien au service (plus de 35 000 primes versées en 3 ans). Il convient toutefois de rester vigilant quant aux effets de la crise sanitaire, qui créé un frein structurel à la mobilité professionnelle. La reprise économique pourrait entrainer une fragilisation de cette politique de fidélisation.

VII. LA PRÉPARATION DE L'AVENIR REPOSE SUR D'AMBITIEUX PROJETS DONT LA MISE EN oeUVRE N'EST PAS EXEMPTE DE RISQUES

L'année 2022 sera marquée par la poursuite du programme de porte-avions de nouvelle génération (PANG) destiné à succéder au Charles de Gaulle, dont le retrait du service est prévu en 2038.

Ce programme entre aujourd'hui dans sa phase de préparation, qui vise notamment à consolider le besoin militaire et à définir les caractéristiques du projet (fonction, performances, contenu physique, calendrier, coûts), l'architecture capacitaire ou encore l'organisation industrielle.

Le PANG devra être pleinement articulé avec le projet de système de combat aérien du futur (SCAF).

Ce projet ambitieux concentre de nombreux risques qui devront être pleinement maîtrisés dans les années à venir. Le SCAF a fait l'objet d'un accord entre les états-majors d'armée française, allemande et espagnole le 30 août 2021 relatif à l'expression du besoin opérationnel, qui constitue une avancée importante. Les risques demeurent, la signature du contrat principal (impliquant notamment Dassault Aviation et Airbus) ayant été reportée à la suite de désaccords entre les industriels (relatifs aux sous-traitants).

Chaque jour de retard supplémentaire dans les négociations est « perdu ». Alors que le premier vol du démonstrateur était prévu fin 2026, ce dernier devrait en réalité avoir lieu un an plus tard du fait des difficultés de la coopération franco-allemande au début du projet (2019-2020), ainsi que des retards entrainés par la Covid-19 d'une part et par les difficultés actuellement rencontrées par les industriels pour aboutir à un contrat final d'autre part.

Réunie le mercredi 27 octobre puis le mercredi 10 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission et d'adopter, sans modification, l'article 42 quinquies . Elle a confirmé son vote lors de sa réunion du jeudi 18 novembre 2021.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 99 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial en ce qui concerne la mission « Défense ».

PREMIÈRE PARTIE

UNE ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONFORME À LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

I. UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION ET UN MAINTIEN DE L'INVESTISSEMENT EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT

Contribution au CAS « Pensions » comprise, les crédits de la mission « Défense » atteindront 56,81 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 49,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en 2022 .

Évolution des crédits de la mission « Défense »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022 courant

PLF 2022 constant

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

146 - Équipement des forces

AE

13 699,4

21 000,0

17 087,5

17 087,6

- 3 912,4

- 18,6 %

176,7

CP

12 623,4

13 643,0

14 503,6

14 503,7

+ 860,7

+ 6,3 %

176,7

178 - Préparation et emploi des forces

AE

13 266,5

19 020,3

14 893,2

14 892,5

- 4 127,8

- 21,7 %

347,7

CP

10 540,0

10 337,3

10 798,9

10 798,2

+ 461,0

+ 4,5 %

347,7

212 - Soutien de la politique de la défense

AE

22 110,5

22 097,2

22 687,2

22 686,8

+ 589,6

+ 2,7 %

292,7

CP

21 970,8

22 030,3

22 479,5

22 479,1

+ 448,8

+ 2,0 %

292,7

144 - Environnement et prospective de la politique de défense

AE

1 784,5

3 106,2

2 146,4

2 146,5

- 959,7

- 30,9 %

1,4

CP

1 541,4

1 684,8

1 778,4

1 778,5

+ 93,7

+ 5,6 %

1,4

Total mission

AE

50 860,9

65 223,7

56 814,4

56 813,4

- 8 410,3

- 12,9 %

818,5

CP

46 675,6

47 695,4

49 560,5

49 559,5

+ 1 864,1

+ 3,9 %

818,5

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits de la mission « Défense » proposés dans le projet de loi de finances pour 2022 sont conformes à la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019-2025 3 ( * ) , et poursuivent la montée en puissance du budget de la défense engagée en 2020.

Les principales évolutions portées en 2022 concernent :

- la modernisation et le renouvellement des matériels des armées, avec une hausse de 0,5 milliard d'euros (8,1 milliards d'euros de crédits de paiement en 2022) ;

- la dissuasion , en augmentation de 0,3 milliard d'euros pour la modernisation des deux composantes (5,3 milliards d'euros de crédits de paiements en 2022) ;

- l'entretien du matériel , en hausse de 0,3 milliard d'euros (4,4 milliards d'euros de crédits de paiement en 2022).

Le PLF 2022 porte les crédits des études en faveur de l'innovation à 1,113 milliard d'euros en AE et 1,002 milliard d'euros en CP (+ 11 % par rapport à la LFI 2021), conformément aux engagements pris dans le cadre de la LPM. Les crédits prévus au PLF 2022 porteront notamment sur la préparation du renouvellement des capacités de renseignement et de télécommunications spatiales, les études du système MGCS ( Main Ground Combat System ) en coopération franco-allemande, les technologies qui concourent au programme SCAF (système de combat aérien du futur, détaillé infra ) et aux évolutions du programme Rafale, et les planeurs hypersoniques. Les nouvelles thématiques d'innovation incluent la lutte anti-drones, l'hyper-vélocité, le quantique et l'énergie.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Défense »

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A l'inverse, les AE sont en diminution de 12,9 %, ce qui s'explique par leur niveau particulièrement élevé l'an dernier ( le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » voyait ses crédits en AE augmenter de 75,9 %, afin de financer les études et d'engager des projets d'infrastructures majeurs pour les services de renseignements ; le programme 178 « Préparation et emploi des forces » bénéficiait d'une hausse de 2,7 milliards d'euros, qui s'expliquait par la poursuite de la transformation du maintien en condition opérationnelle).

II. UNE POURSUITE DE L'EFFORT D'ÉQUIPEMENT

Afin de disposer d'une analyse plus fonctionnelle de ses ressources budgétaires, le ministère a développé ses propres « agrégats », qui rassemblent des crédits relevant de plusieurs titres.

Comme lors des précédentes années renseignées par la LPM en vigueur, c'est l'agrégat « équipement » qui concentre la plus forte hauss e, avec une augmentation de près de 1,4 milliard d'euros pour atteindre 23,7 milliards d'euros.

Évolution des crédits de paiement de l'agrégat « équipement »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère des armées

En 2022, les dépenses d'équipement concerneront :

- le système spatial CERES, la mise à niveau du système RIFAN sur 17 bâtiments de la Marine, 2 075 postes CONTACT supplémentaires, le renouvellement d'une partie du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), les 10 premiers vecteurs aériens du Système de Drone Tactique et 25 stations sol Syracuse IV (dont les premières stations de type « On the Move ») ;

- les véhicules blindés Scorpion (18 Jaguar, 119 Griffon, les 4 premiers Leclerc rénovés et les 108 premiers Serval) ainsi que les infrastructures d'accueil dans 12 régiments, 120 véhicules blindés légers régénérés, 26 postes de tir et 200 Missiles Moyenne Portée, 12 000 fusils d'assaut, ainsi qu'un module de lutte contre les mines constitué de drones (SLAMF), le deuxième sous-marin nucléaire Barracuda, la seconde frégate multi-missions de défense aérienne (FREMM-DA), la deuxième rénovation de frégate type La Fayette, 4 rénovations d'avions de patrouille ATL2, et de 13 avions de chasse Mirage M2000D ;

- le 3 ème avion A330-200 du plan de soutien à l'aéronautique et 3 avions de type Multi-Role Transport Tanker (MRTT) Phénix, 2 avions de transport A400M Atlas et les aires aéronautiques associées, le premier Bâtiment Ravitailleur de Force, 8 hélicoptères Caïman TTH et 1 200 véhicules légers tactiques polyvalents supplémentaires ;

- dans le cadre du renouvellement des capacités de protection et sauvegarde : les 20 premiers fusils brouilleurs de lutte anti-drone (LAD), 30 missiles d'interception à domaine élargi MIDE METEOR, 50 Missiles d'Interception, de Combat et d'Autodéfense de nouvelle génération MICA NG.

Cette hausse des dépenses d'équipement entraine une poursuite de l'augmentation de la part des dépenses d'équipement dans le total des dépenses de la mission (hors CAS « Pensions ») : cette dernière atteindrait 57,9 % de l'ensemble en 2022, contre 56,9 % en 2021. Elle en représentait 51 % en 2013. La LPM prévoit une part des dépenses d'équipement à 62,9 % de l'ensemble en 2025.

La LPM prévoit en effet des besoins sur la période 2019-25 à hauteur de 172,8 milliards d'euros. On constate néanmoins que l'effort important en matière d'équipement prévu en 2022 est inférieur d'un milliard d'euros à la moyenne prévue en LPM (24,7 milliards d'euros), ce qui renvoie à une carence structurelle de cette trajectoire, qui reporte la plus grande part de l'effort sur les derniers exercices (voir infra ).

Évolution de la part des dépenses d'équipement dans le total des dépenses

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

DEUXIÈME PARTIE

DE NOMBREUSES REMISES EN CAUSES DES OBJECTIFS CAPACITAIRES DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE, QUI N'A FAIT L'OBJET D'AUCUNE ACTUALISATION LÉGISLATIVE

I. LES DISPOSITIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE ET LA TRAJECTOIRE QU'ELLE PRÉVOIT RENDAIENT INDISPENSABLE UNE ACTUALISATION PAR LA VOIE LÉGISLATIVE

A. UN RECOURS À LA DÉCLARATION PRÉALABLE PLUTÔT QU'À LA LOI CONTRAIRE AUX DISPOSITIONS DE LA LPM

Pour la mission « Défense », le présent projet de loi de finances doit être replacé dans le contexte de la LPM, qui devait faire l'objet d'une actualisation en 2021.

Son article 7 prévoyait ainsi que « la présente programmation fera l'objet d'actualisations , dont l'une sera mise en oeuvre avant la fin de l'année 2021. Cette dernière aura notamment pour objet de consolider la trajectoire financière et l'évolution des effectifs jusqu'en 2025 ».

Au début de l'année 2021, la ministre a indiqué à plusieurs reprises souhaiter associer le Parlement à cette révision, sans en préciser les modalités. Début 2021, un travail de mise à jour de l'analyse de l'environnement stratégique et international a ainsi été conduit 4 ( * ) .

Les conclusions de l'actualisation stratégique préalable à l'actualisation
de la LPM par le Gouvernement

Les conclusions synthétisées dans l'« actualisation stratégique » ont ainsi relevé la pertinence du modèle d'armée retenu, confirment l'ambition 2030 tout en constatant une accélération des différentes menaces déjà identifiées en 2017.

En réponse, trois axes d'ajustement ont été retenus : nous devons mieux détecter et contrer les menaces notamment dans les domaines cyber, du renseignement et spatial ; renforcer notre effort sur la résilience et la protection face au risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), sur la santé et sur la lutte anti-drone ; nous préparer pour pouvoir riposter dans tous les champs de conflictualité.

Source : ministère des armées

Le Premier ministre a finalement décidé de prononcer une déclaration devant chacune des chambres du Parlement les 22 et 23 juin 2021 au titre de l'article 50-1 de la Constitution, invoqué pour la première fois dans le domaine de la défense nationale, pour l'informer des actualisations prévues.

Le rapporteur spécial estime que cette procédure ne saurait masquer la volonté de contournement dont a fait l'objet le Parlement, alors que la Constitution ne confie qu'à lui seul le pouvoir de modifier une loi, conformément à l'article 24 de la Constitution. Le recours au dispositif prévu par l'article 50-1 de la Constitution ne constitue aucunement un moyen de modification de la loi et ne constitue pas une modalité d' « association » suffisante du Parlement. La précédente programmation militaire (2015-2019) avait d'ailleurs logiquement fait l'objet d'une actualisation par voie législative (loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense) 5 ( * ) .

Afin de justifier cette absence de saisine adaptée du Parlement, le Gouvernement indique dans ses réponses au questionnaire budgétaire que « du fait de la crise sanitaire de 2020, le PIB s'est affaissé portant artificiellement l'effort national de défense à 2% du PIB sans pour autant que les objectifs de modernisation et de préparation de l'avenir donnés aux armées aient été atteints. Alors que l'année d'actualisation prévue par la LPM devait permettre de fixer plus sûrement la trajectoire financière jusqu'en 2025, l'année 2021 portait conjoncturellement davantage d'incertitudes ne permettant pas de remplir sereinement l'objectif recherchée à travers une actualisation. » Le rapporteur spécial pense tout au contraire que c'est précisément le caractère très incertain du contexte sanitaire, économique et géostratégique (voir infra ) qui rend plus que jamais inexcusable le non recours à l'actualisation par la voie législative .

B. UNE ACTUALISATION NÉCESSAIRE, ALORS QUE LA PÉRIODE LA PLUS AMBITIEUSE DE LA LPM COMMENCE EN 2023 ET N'EST PAS DÉTAILLÉE DANS LA LOI

La LPM 2019-2025 prévoit une hausse importante des crédits de la mission « Défense » entre 2019 et 2023, soit 9,8 milliards d'euros .

Trajectoire d'évolution des crédits de la mission « Défense »
prévue par la LPM 2019-2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Néanmoins, comme le relevait le rapporteur spécial dans son avis sur le projet de LPM 2019-2025 6 ( * ) , cet effort, significatif, est inégalement réparti, la « marche » la plus importante ne devant être gravie qu'en 2023 (+ 3 milliards d'euros, contre + 1,7 milliard d'euros par an entre 2019 et 2022).

Par ailleurs, la trajectoire inscrite dans la LPM ne couvre de manière « ferme » que la période 2019-2023 , renvoyant à une clause de rendez-vous le soin de déterminer la trajectoire financière et des effectifs pour les annuités 2024 et 2025. Au total, seuls 67 % des besoins exprimés (295 milliards d'euros) sur la période 2019-2025 sont donc couverts de manière ferme par la LPM . En réalité, l'actualisation a minima pratiquée par le Gouvernement n'a aucunement permis de préciser ces annuités.

C. UN PÉRIMÈTRE D'ACTUALISATION POURTANT TRÈS LARGE

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a identifié un périmètre d'actualisation de 8,6 milliards d'euros, répartis entre 7,4 milliards d'euros de surcoûts non prévus en LPM (dont 3,1 milliards d'euros d'ajustements opérés en LPM 2019, 2020 et 2021 en faveur de programmes prioritaires) et plus de 1,2 milliard d'euros de surcoûts à prévoir pour atteindre les objectifs 2025 de préparation des forces 7 ( * ) .

Certaines composantes de ce périmètre constituent des surcoûts nets (comme l'absence de financement interministériel du surcoût Opex détaillé infra), d'autres constituent des redéploiements (Covid-19) ou des décalages temporaires (accélération du calendrier de commandes d'une frégate de défense et d'intervention). En tout état de cause, même si ce montant ne représente aucunement un surcoût net et demeure approximatif, il porte sur une enveloppe proche des 3 % de l'ensemble de la LPM (295 milliards d'euros). Cette proportion aurait plus que justifié un débat transparent et ne saurait être considérée comme une simple « épaisseur du trait ».

Tableau estimatif global du périmètre budgétaire de l'actualisation

(en millions d'euros)

Les surcoûts constatés non prévus par la LPM

Chiffrages EMA* (A2PM 2019, 2020 et 2021)

Total des ajustements sur les PEM

3140

Estimations CAED**

OPEX

1000

Covid (dépenses différées)

1100

Cession Rafale (Grèce et Croatie)

960

Frégate FDI

750

Soutien et imprévus

450

Sous-total 1

7400

Les surcoûts à prévoir pour atteindre les objectifs de la LPM

Estimations CAED**

Entretien programmé des matériels

1200

Préparation opérationnelle

?

Haute intensité

?

Sous-total 2

1200

TOTAL Général

8600

Source : commission des affaires étrangères et de la défense d'après l'analyse des chiffrages de l'État-major des armées(*) et les estimations des rapporteurs pour avis budgétaires de la commission des affaires étrangères et de la défense (**)

II. D'IMPORTANTES REMISES EN CAUSE CAPACITAIRES

A. DES MODIFICATIONS ASSUMÉES PAR LE MINISTÈRE DES ARMÉES SUR LES PROGRAMMES À EFFET MAJEUR (PEM) À HAUTEUR DE PLUS DE 3 MILLIARDS D'EUROS ENTRAINANT LA MISE EN CAUSE DE NOMBREUX OBJECTIFS CAPACITAIRES FIXÉS PAR LA LPM

Les ajustements « assumés » par le ministère des armées reposent, à hauteur de 2,1 milliards d'euros sur les ajustements annuels de la programmation 2019 et 2020 et se décomposent en une augmentation dans le cadre du « Plan Famille » (0,2 milliard d'euros), l'accélération de deux ans des études et du lancement en réalisation du porte-avions de nouvelle génération succédant au Charles de Gaulle (0,8 milliard d'euros), et un effort sur l'espace et le numérique (1,1 milliard d'euros). Le ministère des armées indique que ces priorités ont été en partie financées par le redéploiement de crédits de masse salariale du ministère postérieurement au constat d'un sous-emploi de ces crédits en fin de gestion 2018 8 ( * ) .

Le milliard d'euros chiffré pour les travaux d'ajustement 2021 représente la prise en compte de la variante selon les axes « Mieux détecter et contrer » et « Mieux se protéger » (0,5 milliard d'euros), de l'impact du plan de soutien aéronautique (0,3 milliard d'euros) et la pérennisation du char Leclerc (0,2 milliard d'euros).

Tous ces ajustements ont été compensés par des décalages de programmes comme le système de lutte anti-mines futur (SLAM-F), les futurs bâtiments hydrographiques (CHOF) ou le système de drones tactiques. Le chef d'état-major de l'armée de terre a ainsi indiqué que la pérennisation du char Leclerc est compensée par le rabaissement de la cible à 45 % de l'ensemble des livraisons de blindés SCORPION (prévu en 2030) en 2025 au lieu des 50 % initialement prévus 9 ( * ) .

Ces décalages sont présentés dans le tableau ci-dessous, qui est toutefois loin d'être exhaustif puisqu'il ne prend en compte que les « renoncements » assumés par le ministère des armées. Il ne prend par exemple pas en compte la rupture capacitaire pourtant majeure en matière d'avions de combat liée aux deux contrats d'exportation de Rafale d'occasion prélevés sur le parc de l'armée de l'air et de l'espace (voir infra ).

Programmes voyant leur jalon 2025 affecté
par les travaux d'ajustement réalisés en 2021

SCORPION

Actualisation de la cible LPM à 45% au lieu de 50%, de la cible totale à fin 2025.

Système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F)

Décalage de 1 an par rapport au PLF 21 des livraisons de l'étape 2 avec maintien du lancement en réalisation en 2023.

CHOF

Décalage de 1 an par rapport au PLF 21 de la phase de réalisation, laquelle sera lancée en 2025.

FTLT

(VL 4-6 t)

Décalage de 2 ans par rapport au PLF21, commande en 2024, premières livraisons en 2027.

Système de drones tactiques (SDT)

Décalage de l'étape 2 de 2024 à 2025.

Avion de patrouille maritime PATMAR Futur

Décalage de 1 an de de la commande précédemment prévue en 2025.

Missile moyenne portée (MMP)

Étalement des livraisons prévues en 2024 - 2025 sur 2024, 2025, 2026 avec maintien de productions de 200 missiles par an.

Camion équipé d'un système d'artillerie (CAESAR)

Décalage de 1 an par rapport au PLF21 de la commande et de la livraison des 32 derniers CAESAR et de la rénovation de 77 CAESAR.

Avion léger de surveillance et de renseignement (ALSR)

La commande d'un ALSR décidée dans le cadre du plan de soutien aéronautique amène à dépasser le jalon 2025 : 3 ALSR auront été livrés en 2025 au lieu de 2.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

B. DES PRÉLÈVEMENTS DE RAFALE SUR LE PARC OPÉRATIONNEL DE L'ARMÉE DE L'AIR AFIN D'HONORER DES COMMANDES À L'EXPORT : UNE REMISE EN QUESTION MAJEURE DES OBJECTIFS CAPACITAIRES DE LA LPM

1. La cession de 24 Rafale d'occasion à la Grèce et à la Croatie

Le 25 janvier 2021, un contrat a été signé entre la France et la Grèce pour la vente de 18 avions Rafale, dont 12 d'occasion prélevés sur la dotation de l'Armée de l'air et de l'espace, faisant de la Grèce le premier client export du Rafale membre de l'UE, mais aussi de l'OTAN. Le premier avion a été livré au client le 21 juillet 2021 ; les activités de formation des personnels grecs se poursuivent en France. Afin de compenser la cession à la Grèce, une nouvelle commande de 12 avions Rafale neufs a été passée par la France dans la foulée de la signature du contrat avec la Grèce. Leur livraison, initialement prévue en 2025, est dorénavant prévue d'ici à 2026.

Fin mai 2021, le gouvernement croate a également fait le choix de l'offre française proposant 12 avions Rafale d'occasion (prélevés sur la dotation de l'Armée de l'air et de l'espace). La signature d'État à État de cette vente est attendue avant la fin de l'année 2021. Le ministère indique à cet égard que l'utilisation des ressources extrabudgétaires associées aux avions qui seront cédés à la Croatie est actuellement à l'étude, mais aucune nouvelle commande de Rafale neufs n'est aujourd'hui prévue.

Cette commande porterait à 24 le nombre total d'appareils prélevés sur la flotte actuelle de l'armée de l'air. Cette évolution est de nature à remettre frontalement en cause les objectifs capacitaires fixés par la LPM pour 2025, et de peser fortement sur l'activité opérationnelle d'ici au remplacement des avions cédés.

2. Une remise en question de l'objectif capacitaire fixé à 129 Rafale pour l'armée de l'air et de l'espace en fin de LPM

Le prélèvement de 24 (2 ayant été livrés à la Grèce à fin septembre 2021) appareils constitue un effort substantiel pour le parc opérationnel de l'armée de l'air et de l'espace, actuellement composé de 102 appareils. Il représente ainsi une ponction de plus de 20 % des capacités de Rafale actuellement en dotation de l'armée de l'air.

Dans ces conditions, l'effort porté pour honorer ces commandes grecques remet en question l'objectif intermédiaire fixé pour 2021 (143) par la LPM, puisque le remplacement des Rafale cédés d'ici à la fin de l'année est impossible.

Objectifs capacitaires Rafale (Air et Marine) fixés par la LPM

(en nombre d'avions)

Ambition

opérationnelle 2030

Parc début 2019

Parc fin 2021

Parc fin 2025

Livraisons 2019-2025

225 (185 + 40)

143

143

171

28

Source : LPM

Cette ponction intervient dans un environnement capacitaire d'ores et déjà tendu, alors que la LPM fixe une capacité opérationnelle de 129 appareils Rafale en 2025 pour l'armée de l'air, et de 225 appareils Rafale pour l'année 2030. Cette cible prévisionnelle du programme Rafale a été revue deux fois depuis le lancement du programme (cible initiale de 320 avions), ce qui traduit le caractère « minimal » de cette cible :

- en 1996 : révision de la cible de 320 à 294 avions ;

- en 2006 : révision de la cible de 294 à 286 avions.

La LPM 2019-2025 a confirmé que les forces aériennes comprendront 225 Rafale (air et marine) et 55 Mirage 2000D rénovés pour répondre à l'ambition opérationnelle 2030. La cible d'acquisition Rafale sera consolidée ultérieurement en fonction des options retenues pour le porteur ASN4G 10 ( * ) et de la progression du projet SCAF 11 ( * ) .

La livraison des 28 prochains Rafale, déjà commandés, aura lieu d'ici à 2025, comme prévu dans la LPM. Toutefois, le ministère des armées indique que les 12 Rafale supplémentaires, compensant les cessions d'occasion à la Grèce , ne seront qu' « avant 2026 », alors que le ministère des armées avait évoqué l'année 2025 lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021. Une cinquième tranche de 30 avions dont la constitution reste à définir est prévue pour une livraison avant 2030.

À ce stade, le sous-chef Plans de l'état-major des armées a indiqué au rapporteur spécial travailler sur sur « manière de bien employer les ressources issues de la vente à la Croatie de façon à améliorer qualitativement la partie aviation de chasse ». Le major général de l'armée de l'air a à ce titre indiqué que l'armée de l'air disposait aujourd'hui, au sein de sa flotte, de 14 Rafale cannibalisés (hors d'état de voler et utilisés pour leurs pièces détachées), et que le produit de la vente croate permettrait d'en faire revoler certains.

En réalité, il est établi que les 12 avions cédés à la Croatie n'entraineront pas de commande supplémentaire pour l'armée de l'air et de l'espace sur le périmètre de la LPM actuelle. L'objectif fixé à 129 Rafale Air pour 2025 sera donc mécaniquement abaissé à 117 en prenant en compte la cession des avions à la Croatie.

Outre la réduction des objectifs capacitaires fixés par la LPM en 2025, cette cession entraine une réduction des capacités opérationnelles intermédiaires, d'ici à la livraison des 12 Rafale amenés à la compenser. Sur ce point, la ministre a indiqué en 2020 « travailler sur [l'amélioration de] la disponibilité de la flotte actuelle. Nous mobilisons des investissements considérables pour son maintien et nous préparons des contrats verticalisés, afin que la responsabilité de l'industriel soit clairement identifiée. Le contrat Ravel, formalisé avec Dassault en 2019, doit permettre d'améliorer la disponibilité à hauteur de 10 appareils en 2022. Les prélèvements sur la flotte de notre armée de l'air doivent ainsi être neutralisés. Je suis assez confiante sur le fait que les impacts seront aussi limités que possible, aussi bien pour l'armée de l'air que pour le budget du ministère des armées. » Si le succès des contrats verticalisés Ravel l (cf. infra ) peut offrir une perspective d'amélioration de la disponibilité de la flotte, cette dernière était prévue bien antérieurement à la cession des Rafale et serait survenue même en son absence. Elle ne peut donc aucunement être considérée comme une solution apportée à ce trou opérationnel.

Cette remise en cause capacitaire aura un effet direct sur la capacité opérationnelle de l'armée de l'air et de l'espace. Elle devrait se traduire par une baisse de la préparation opérationnelle des équipages chasse, alors que cette dernière est loin d'atteindre les objectifs fixés par la LPM (voir infra ).

3. Un coût net pour les armées non pris en compte par la LPM

L'export grec prélevé sur l'armée de l'air et de l'espace va permettre de remplacer des Rafale d'occasion par des avions neufs, ce qui constitue indéniablement une opportunité, puisque ces derniers seront équipés d'équipements plus modernes et bénéficieront d'un potentiel d'heures de vol plus élevé. Il entraîne toutefois également un surcoût d'environ 500 millions d'euros pour les 12 avions puisque si le montant des ventes a bien été attribué au ministère des armées, ce dernier est loin d'atteindre le prix d'achat des Rafale neufs.

Ces 500 millions d'euros non prévus par la LPM et utilisés pour financer la nouvelle commande française à Dassault Aviation ont entrainé, selon l'état-major des armées, des rééquilibrages dont les détails n'ont pas été transmis.

S'agissant de la commande croate, celle-ci ne génère à ce stade aucun surcoût puisque leur remplacement n'est pas acté. Si ces 12 Rafale supplémentaires étaient bel et bien remplacés, comme le rapporteur spécial le souhaite, le coût net pour les armées de ces deux contrats d'exportation s'élèverait donc à environ un milliard d'euros.

III. LES ÉVOLUTIONS CONNUES EN COURS D'EXÉCUTION DE LA LPM AURAIENT JUSTIFIÉ UNE ACTUALISATION EN BONNE ET DUE FORME

A. DES PROVISIONS OPEX ET MISSINT CHRONIQUEMENT INSUFFISANTES ENTRAINANT LE FINANCEMENT DU SURCOÛT PAR LA MISSION « DÉFENSE » CONTRAIREMENT AUX DISPOSITIONS DE LA LPM : UN SURCOÛT NET SUPÉRIEUR À 1,2 MILLIARD D'EUROS QUI DEVRAIT S'ACCROÎTRE DANS LES ANNÉES À VENIR

Depuis 2020, la provision au titre des OPEX-MISSINT (opérations extérieures et missions intérieures) s'élève à 1 100 millions d'euros (dont 250 millions d'euros sur le titre 2), auxquels s'ajouteront les 100 millions d'euros de crédits de masse salariale pour les MISSINT, portant ainsi l'ensemble des ressources budgétaires des opérations à 1,2 milliard d'euros.

Détail par action et par titre de la provision « Opex-Missint »
prévue en 2022

(en millions d'euros)

Titre 2

Titre 3

Titre 6

Total programme

Programme 178

Action 06

Surcoûts liés aux opérations extérieures

Sous-action 06.90

« surcoûts liés aux opérations extérieures »

0

775

45

850

Action 07

Surcoûts liés aux opérations intérieures

Sous-action 07.00

« surcoûts liés aux opérations intérieures »

0

30

0

Programme 212

Action 59

Surcoûts liés aux opérations - Personnel travaillant pour le programme "Préparation et emploi des forces"

Sous action 59.01

« Surcoûts liés aux opérations extérieures »

250

0

0

350

Action 59

Surcoûts liés aux opérations - Personnel travaillant pour le programme "Préparation et emploi des forces"

Sous action 59.02

« Surcoûts liés aux opérations intérieures »

100

0

0

Total

350

805

45

1200

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'augmentation de la dotation initiale Opex-Missint a eu pour effet incontestable de réduire la partie devant être financée en cours d'exécution, bien inférieure aux niveaux constatés lors de la précédente LPM et en 2017 (où il avoisinait le milliard d'euros).

Évolution des surcoûts liés aux opérations extérieures
et aux missions intérieures

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère des armées

Le rapporteur spécial a bien conscience des difficultés inhérentes à la prévision des OPEX, mais il regrette le caractère systématique de la sous-budgétisation en dotation initiale. Les surcoûts résultent notamment du niveau et de l'intensité de l'engagement des forces, qui découlent eux-mêmes de la situation sur les théâtres d'opérations et des décisions de l'autorité politique qui sont ensuite mises en oeuvre par le chef d'état-major des armées, si bien que leur évaluation précise est impossible. Toutefois, l'ordre de grandeur choisi en LFI depuis plusieurs années est bien moindre que la moyenne des exécutions constatées.

Il est cependant regrettable que ce montant se soit malgré tout révélé insuffisant chaque année depuis le début de la LPM. Le rapporteur spécial estime qu'il devrait rester sur-exécuté dans les années à venir.

Il est en effet fort probable que ce dépassement se maintienne en 2021 et 2022, compte tenu de l'absence d'augmentation de la dotation OPEX-MISSINT. L'annonce d'un retrait d'un théâtre ne se traduit pas par une baisse du besoin mais par son augmentation pendant une période en raison de la mise en place de flux logistiques plus importants. Le rapporteur spécial rappelle à cet égard que le retrait de l'Afghanistan avait entrainé une augmentation du surcoût sur une période de 2 à 3 ans. S'agissant de Barkhane, les coûts du désengagement et de la restructuration du dispositif en bande sahélo-saharienne (BSS) ne sont pas encore consolidés, mais les diverses auditions menées par le rapporteur spécial confirment le caractère probablement toujours insuffisant de la dotation initiale. L'opération « Barkhane » est engagée dans une transformation entrainant une réduction des effectifs de 5 000 à 2 500, avec un recentrage des opérations sur la formation et l'accompagnement des forces maliennes. Cette transformation se traduit par le désengagement de certaines emprises du Nord du théâtre, qui entraine une manoeuvre logistique assez intense et ne devrait donc pas conduire à une diminution du surcoût Opex.

En gestion, cette sous-budgétisation des OPEX et des MISSINT est en outre systématiquement compensée intégralement au sein de la mission « Défense », par des annulations et des reploiements via la loi de finances rectificative 12 ( * ) , qui concernent les programmes 144, 212 et 146.

Cette pratique est contraire au principe de financement interministériel figurant à l'article 4 de la LPM . Il dispose qu'en gestion, les surcoûts nets, hors crédits de masse salariale inscrits en LFI au titre des MISSINT et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette provision font l'objet d'un financement interministériel, en s'appuyant sur le principe selon lequel l'engagement par la France de ses forces en OPEX ne relève pas de la seule compétence ou décision du ministère des armées.

Cette clause de sauvegarde permettant un financement interministériel des surcoûts n'aura jamais été activée pendant toute la première phase de l'exécution de la LPM. Ainsi, pour faire face aux dépassements de la provision fixée par la LPM, la mission « Défense » a dû financer un surcoût supérieur à 1,2 milliard d'euros, qui devrait s'accroitre dans les deux années à venir :

- 2018 : 610 millions d'euros ;

- 2019 : 406 millions d'euros ;

- 2020 : 215 millions d'euros.

Au total, le rapporteur estimait que cette situation justifiait une actualisation par voie législative à deux égards :

- elle aurait permis au Parlement de modifier le niveau de la dotation Opex-Missint à un niveau plus proche des exécutions précédentes, au moins pour les annuités 2022-2023, potentiellement concernées par les surcoûts liés au désengagement de la France dans la bande sahélo-sahélienne ;

- elle aurait également permis d'arbitrer et d'intégrer dans la nouvelle trajectoire les redéploiements subis pas les programmes 144, 212 et 146 en conséquence de ces sur-exécutions massives.

B. DES MODIFICATIONS ISSUES DE LA CRISE SANITAIRE ET DES ALÉAS DE GESTION

1. La crise sanitaire a entrainé un redéploiement budgétaire supérieur à 1 milliard d'euros.

En 2020, la crise sanitaire s'est traduite par des dépenses supplémentaires, y compris les mesures de rebond, à hauteur de 1 065 millions d'euros sur la mission « Défense ». La baisse de l'activité opérationnelle a entrainé une baisse des dépenses à hauteur de 1 095 millions d'euros.

Effets budgétaires de la crise sanitaire sur la mission « Défense »

(en million d'euros)

Dépenses

Moindres

dépenses

Surcoûts

Mesures rebond

P144

18

2

11

P146

3

755

755

dont plan de soutien aéro

155

P178

263

264

P212

17

6

65

302

763

1095

1065

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère des armées

Les dépenses supplémentaires directement liées à la crise s'établissent à 302 millions d'euros et ont été complétées, sans entrainer de surcoût net, par le ministère à hauteur de 763 millions d'euros de dépenses visant à soutenir l'activité en compensant la sous-exécution liée au décalage de certains projets.

Les surcoûts comprennent :

- des dépenses directes engagées pour lutter contre la pandémie (équiper les agents de protections individuelles et adapter les locaux de travail, déployer massivement les solutions de travail à distance) ;

- des dépenses supplémentaires sur les contrats en cours ou prévus pour 2020 induits par la prolongation des arrêts techniques sur l'entretien programmé du matériel, les coûts de l'immobilisation pour les chantiers d'infrastructure et le soutien aux opérateurs dont la trésorerie a été fragilisée.

Les surcoûts dus à la crise sanitaire en 2020 ont concerné :

- 18 millions d'euros de dépenses supplémentaires sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », essentiellement pour soutenir l'École Polytechnique et l'ONERA ;

- 263 millions d'euros pour le programme 178 « Préparation et emploi des forces » notamment pour l'activité opérationnelle du SSA ;

- 17 millions d'euros de surcoûts au sein du programme 212 « Soutien de la politique de Défense » afin de soutenir les opérateurs (musées).

Ces dépenses supplémentaires générées par la crise sanitaire ont été compensées par les crédits rendus disponibles par les moindres dépenses afin de mettre en oeuvre le plan dit « rebond » (cf. infra ) pour soutenir la base industrielle et technologique de défense et les PME/PMI fragilisées.

Le rapporteur spécial estime que l'absence de surcoût net ne saurait, là encore, justifier l'absence de recours à la loi pour déterminer la nature des redéploiements effectués.

2. Des dépenses imprévues qu'il aurait été pertinent d'évoquer
dans le cadre de l'actualisation de la LPM

De nombreuses dépenses imprévues par la LPM auraient également justifié un exercice d'actualisation conforme à l'ampleur des enjeux. Peuvent ainsi être évoqués la prise en compte dans la trajectoire :

- de la réparation du sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Perle, dont le coût s'élève à 61 millions d'euros ;

- du financement du « Ségur de la santé » établissant un complément de traitement indiciaire pour les personnels du service de santé des armées (SSA) ;

- du périmètre initialement considéré pour la transformation du Service du commissariat des armées (SCA) d'un montant de 435 millions d'euros, aujourd'hui réévalué à 673 millions d'euros, représentant une évolution de 238 millions d'euros sur la période de la LPM ;

- du financement de l'application de la loi EGALIM, à hauteur de 80 millions d'euros 13 ( * ) .

C. UNE ACTUALISATION QUI AURAIT DU PERMETTRE D'AJUSTER L'AMBITION DE LA LPM AU REGARD DU CONTEXTE GÉOSTRATÉGIQUE

Diverses tendances de fond auraient justifié une mise à jour stratégique d'ampleur élaborée conjointement avec le Parlement.

Tout d'abord, la LPM est construite sur l'objectif d'un effort national en faveur des armées porté à 2 % du PIB en 2025. La programmation ne prévoit toutefois aucun montant en valeur absolue ; l'absence d'actualisation de la trajectoire fixée par la loi fragilise donc la portée de la LPM.

De manière plus générale, le rapporteur spécial tient à replacer l'exécution de la LPM 2019-2025 dans un contexte d'incertitudes géostratégiques particulièrement prononcées.

La « mort cérébrale » de l'OTAN, annoncée à la suite du lancement de l'opération « Source de paix » par l'armée turque le 9 octobre 2019 contre les Forces démocratiques syriennes dans le nord de la Syrie, n'a depuis lors fait que s'accélérer, culminant récemment avec l'officialisation de l'alliance AUKUS 14 ( * ) , scellée au détriment d'un contrat d'exportation de sous-marins d'attaques entre la France et l'Australie.

La multiplication des tensions dans la zone indopacifique, où la France possède deux départements et trois territoires d'outre-mer, et dont l'alliance AUKUS constitue également un révélateur, témoigne de l'augmentation des risques non envisagés par la présente LPM.

Enfin, le risque d'un retour de conflits conventionnels doit être pris en compte. Surtout, le format actuel des armées française et européennes (en comparaison à certains pays comme la Russie) ne permet pas de décupler le niveau d'engagement sur les théâtres extérieurs, notamment en cas de confrontation à une armée de « masse » et mettant en oeuvre du matériel lourd. La présence de troupes russes à la frontière ukrainienne en avril 2021 a rappelé qu'une telle hypothèse ne pouvait être pleinement exclue . Le retour à des conflits de « haute intensité » constitue une hypothèse connue par la France.

Cette prise en compte de la « haute intensité » se traduit ainsi par la réappropriation de savoir-faire opérationnels répondant à l'ambition d'un modèle d'armée complet et par le durcissement de l'entraînement des forces terrestres.

La préparation de l'armée de terre à la haute intensité (HI)

Il s'agit tout d'abord d'intégrer de nouvelles compétences liées à l'élargissement du spectre de la conflictualité en termes de nature de la menace. Ainsi, certains domaines comme la cyberdéfense, la lutte anti-drones, la navigation terrestre ou la prise en compte des effets dans les champs immatériels sont désormais associés à tous les niveaux de la programmation opérationnelle et intégrés systématiquement dans l'élaboration des exercices interarmées ou interalliés. En outre dans le cadre de la HI, l'armée de Terre opère un durcissement de l'entraînement des forces terrestres. Elle augmente la complexité de ses entraînements par la constitution d'une force d'opposition à niveau égal, apte à la défier dans tous les domaines du combat mais aussi par la réalisation de grands exercices du niveau divisionnaire, dont la première occurrence, ORION, se tiendra en 2023.. Par ailleurs, elle adapte les conditions intellectuelles et matérielles de sa préparation opérationnelle, en mettant en oeuvre de nouvelles méthodes de formation et d'entraînement fondées sur la maîtrise de la technologie, la résilience face à sa disparition, l'initiative et l'endurance.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le ministère des armées indique que ce nouveau paradigme fait l'objet de l'axe 3 de l'ajustement de la LPM, qui vise à « mieux se préparer » à prendre l'ascendant sur des adversaires plus agiles dans tous les champs de la conflictualité (voir supra, partie sur l'actualisation stratégique). L'actualisation consacre 450 millions d'euros à ce nouvel axe en deuxième partie de LPM. Il est toutefois fort probable que ce montant soit insuffisant, tant ce changement de paradigme impliquerait une réflexion capacitaire plus globale.

De même, la marine nationale a lancé en janvier 2021 le projet « Mercator, accélération 2021 » portant sur neuf projets dans les domaines du combat, de l'innovation et des ressources humaines. Le major général de la marine nationale a indiqué que ce dernier ne comprenait aucun effet budgétaire majeur, si ce n'est une augmentation des crédits inférieure à 15 millions d'euros visant à l'exploration des fonds marins et le traitement numérique de données marines. Le rapporteur spécial estime que ces actualisations stratégiques sont bienvenues, mais là encore très en deçà des besoins résultant de la préparation à la haute intensité, et plus spécifiquement pour la marine nationale à l'émergence des tensions dans la zone indopacifique.

Ces évolutions auraient justifié une réflexion sur les ambitions mêmes de la LPM pour assurer l'autonomie stratégique de la France et de l'Union européenne, et une modification de la trajectoire fixée par la loi.

Part des dépenses militaires 15 ( * ) dans le PIB
et proportion de personnel des forces armées dans la population active en 2020

(en %)

Note : la part des dépenses militaires dans le PIB contient notamment les dépenses de retraite.

Source : commission des finances, d'après Stockholm Peace Research Institute

Le rapporteur spécial rappelle que, replacée dans une perspective longue, la LPM ne constitue pas une rupture majeure en termes de part des dépenses militaires dans le PIB. La part des dépenses militaires en 2020 (retraites comprises) atteint un niveau proche de celui constaté en 2008 (du fait de la contraction du PIB consécutif à la crise financière). De même, il reste significativement inférieur à celui des années 1980 (de l'ordre de 3 %).

Part des dépenses militaires 16 ( * ) dans le PIB de la France depuis 1960

(en %)

Source : commission des finances, d'après Stockholm Peace Research Institute

TROISIÈME PARTIE

ANALYSES THÉMATIQUES

I. UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE À HAUTEUR D'HOMME : LA RÉUSSITE DU PLAN « FAMILLE » NE DOIT PAS MASQUER LA PERSISTANCE DE DIFFICULTÉS DE FIDÉLISATION

A. UNE INDÉNIABLE RÉUSSITE DE LA LPM : LE PLAN « FAMILLE »

1. Plus de la moitié des dépenses relatives au plan « Familles seront engagées d'ici à 2022

Le plan « Famille » a été lancé en octobre 2017 afin d'apporter des réponses visibles et concrètes aux contraintes inhérentes à la vie militaire. Il représente un effort de 530 millions d'euros sur la durée de la LPM.

Les axes du plan « Famille »

1/ Mieux prendre en compte les absences opérationnelles ;

2/ Faciliter l'intégration des familles dans la communauté militaire et de défense ;

3/ Mieux vivre la mobilité ;

4/ Améliorer les conditions de logement familial et favoriser l'accession à la propriété ;

5/ Faciliter l'accès des familles à l'accompagnement social du ministère ;

6/ Axe complémentaire : améliorer les conditions d'hébergement et de vie des célibataires et des célibataires géographiques.

Sources : ministère des armées

Le rapporteur spécial estime que ce plan constitue une des grandes avancées permises par la LPM et doit donc être salué à ce titre. Sa mise en oeuvre a été suffisamment rapide pour produire des effets dès les premières années de la LPM. En effet, en prenant en compte les quatre premières années de la LPM, 53,2 % des 530 millions d'euros annoncés en début de quinquennat auront été engagés.

Dépenses du plan « Familles » (2019-2022)
et part des crédits engagés à fin 2022

(en millions d'euros, en %)

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

2. Une mise en oeuvre appréciée au sein des trois armées

Sa mise en oeuvre, qui doit se poursuivre sur la seconde partie de la LPM, a positivement affecté les trois armées.

S'agissant de l'armée de terre, les mesures les plus appréciées sont celles qui touchent en grand nombre les militaires et les familles : le wifi gratuit, la carte famille SNCF et les boîtes multi-activités à destination des enfants. L'augmentation de l'offre « petite enfance », le portail e-social des armées, les premières réalisations du plan hébergement constituent également des points positifs. L'amélioration du parc et des procédures d'attribution de logement et la finalisation du plan hébergement constituent les mesures les plus attendues par l'armée de terre, ainsi que le développement du site internet « Familles des armées », futur réseau social à destination des familles.

Ce dernier est également bien perçu au sein de la marine nationale. En 2020, des actions supplémentaires ont par exemple été mises en oeuvre, au profit des enfants hospitalisés et de l'emploi des conjoints. La marine nationale a retenu trois domaines nécessitant une action renforcée : le célibat géographique, les familles fragilisées (monoparentalité, handicap...) et les conditions de vie au travail. Le rapporteur spécial rappelle toutefois que des mesures fortes restent très attendues par les marins, comme la pérennisation de la liaison aérienne entre Brest et Toulon et la mise en place du wifi à quai sur les navires. Enfin la poursuite des travaux engagés dans le domaine de la garde d'enfants notamment en urgence, de l'amélioration des conditions de vie sur base et de la gestion de l'éloignement restent des points d'attention particuliers.

Les militaires de l'armée de l'air et de l'espace portent également un intérêt aux mesures qui répondent à un besoin personnel et immédiat. Ainsi, 82,4 % de l'échantillon de 4 723 aviateurs estiment que le « plan Famille » est une avancée pour les militaires 17 ( * ) . La carte famille SNCF, le wifi gratuit et le soutien des familles durant l'OPEX apparaissent comme les actions du plan « Famille » les plus appréciées par les aviateurs. Le décalage temporel entre les mesures avancées générant des attentes et le calendrier de réalisation peut entrainer des insatisfactions ponctuelles (crèches, logements, infrastructures...).

B. UNE VIGILANCE S'IMPOSE TOUTEFOIS QUANT À L'EXÉCUTION DU SCHÉMA D'EMPLOI DE LA LPM ET LA FIDÉLISATION DES EFFECTIFS

Les crédits de personnel et les effectifs du ministère des armées sont regroupés au sein du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » depuis le 1 er janvier 2015. La programmation et la gestion des crédits de titre 2 sont désormais de la responsabilité des gestionnaires des ressources humaines.

Les crédits de personnel de la mission défense s'établissent à 12,6 milliards d'euros dans le PLF 2022 hors CAS « Pensions » .

Évolution de la masse salariale et des effectifs
de la mission « Défense »

(en millions d'euros, en ETPT 18 ( * ) )

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les crédits de personnel, toutes catégories confondues, sont en hausse de 2,5 % entre 2021 et 2022 .

1. Le nécessaire rééquilibrage du schéma d'emploi entre les personnels civils et militaires

Créations nettes d'emploi du ministère des armées prévues
par la loi de programmation militaire 2019-2025

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article 6 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense

La LPM 2019-2025 fixe des objectifs ambitieux de création d'emplois au sein du ministère des armées . Elle fixe à 450 emplois la hausse portée sur 2022, comme en 2019, alors que la hausse prévue s'élevait à 300 emplois sur 2020 et 2021 .

La plus grande part de l'effort porte toutefois sur les dernières années de la période d'emploi de la LPM. Ainsi, il est prévu que les années 2023-2025 enregistrent un rythme annuel de 1 500 emplois créés. Cet effort est donc très incertain et peu engageant pour la législature actuelle, qui renvoie la responsabilité de l'augmentation du recrutement et des dépenses afférentes au prochain quinquennat.

Surtout, cette trajectoire pourrait être fragilisée par la persistance d'un déséquilibre entre les recrutements de personnels militaires et de personnels civils.

Le solde ministériel intègre en 2021 un retard sur le personnel militaire (- 445 ETPE) qui concerne les catégories d'emplois des sous-officiers (compensé par un dépassement sur les militaires du rang) et des volontaires. Le retard des sous-officiers est essentiellement porté par l'armée de l'air et de l'espace et par la marine, du fait d'une sous-réalisation des recrutements et du maintien des flux de départs, en dépit du contexte économique.

Le schéma d'emploi pour le personnel civil est à l'inverse en avance (+ 512 ETPE), notamment grâce à une autorisation de dépassement de cibles (en avance des schémas d'emploi programmés pour les années ultérieures de la LPM). À ce titre, la direction générale de l'armement (DGA) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ont été autorisées à effectuer des recrutements supplémentaires à hauteur de 372 ETPE.

Ainsi que l'a rappelé le rapporteur spécial dans son rapport d'information en 2019 19 ( * ) , la fidélisation des effectifs militaires incorporés, notamment celle des militaires du rang au cours des premières années suivant leur incorporation, constitue la principale difficulté de la mission « Défense » en matière de ressources humaines et détermine la capacité de l'institution à remplir ses objectifs opérationnels.

2. La politique de fidélisation : des outils spécifiques pertinents, mais un risque d'affaiblissement en période de reprise économique

La fidélisation est un axe essentiel de la gestion des ressources humaines du ministère , pendant du recrutement et visant à conserver les compétences, notamment sur les métiers en tension.

Elle répond au double objectif de maîtriser les départs non souhaités de l'institution, en particulier dans les métiers à compétence rare qui sont soumis à une forte concurrence (Cyber, systèmes d'information et de communication, maintien en condition opérationnelle et santé) et de rentabiliser les formations dispensées , qui sont parfois longues et coûteuses, afin de sécuriser les compétences indispensables.

La politique de fidélisation prévue par la LPM commence à porter ses fruits, grâce notamment à la prime de lien au service 20 ( * ) (PLS) mise en oeuvre en 2019 (plus de 35 000 primes versées en 3 ans). Elle vise à rénover les leviers d'incitation à la disposition des gestionnaires de ressources humaines, et concerne principalement les spécialités techniques en concurrence avec le secteur privé. À titre d'exemple, le taux de renouvellement du premier contrat est passé de 32 % en 2018 à 39 % en 2020 pour l'armée de terre.

Le rapporteur spécial considérait dès 2019 la mise en place de cette prime comme une évolution bienvenue 21 ( * ) pour renforcer la fidélisation des effectifs sur les spécialités les plus tendues. Les montants proposés pour certaines spécialités, eu égard aux durées retenues, risquent toutefois d'être trop faibles pour être réellement efficaces et résoudre les problèmes de fidélisation rencontrés. La PLS apparait notamment insuffisante pour fidéliser les sous-officiers qui bénéficient d'une retraite à jouissance immédiate à compter de 17 ans de service cumulable avec un emploi dans le secteur privé 22 ( * ) . Lors de son audition, le major général de la marine nationale a ainsi indiqué que cette prime restait insuffisante pour des spécialités de pointe, comme chimiste ou atomicien, ce qui pourrait justifier une augmentation des montants versés (jusqu'à environ 10 000 euros).

De manière générale, les politiques de fidélisation des trois armées sont déclinées selon trois volets : indemnitaire, carrière et conciliation entre vie professionnelle et vie privée (V2P).

Concernant l'armée de terre, la politique de fidélisation vise à consolider la montée en puissance des effectifs de la force opérationnelle terrestre, fixés à 77 000 hommes en 2017.

Le taux de renouvellement des contrats pour chaque catégorie de personnel de l'armée de terre est en hausse depuis 2018, particulièrement pour les militaires du rang (82 %) et les officiers (81,9 %). Cette tendance s'est poursuivie en 2019 pour les officiers (90,8 %), ainsi qu'en 2020 (92 %).

Taux de fidélisation des militaires de l'armée de terre

Fidélisation

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

2012

67,2 %

80,9 %

67,3 %

2013

66,6 %

80,7 %

68,8 %

2014

65,9 %

85,2 %

69,2 %

2015

68,4 %

82,0 %

69,3 %

2016

80,8 %

81,3 %

68,3 %

2017

80,0 %

81,8 %

67,7 %

2018

84,6 %

81,2 %

71,3 %

2019

90,8 %

82,8 %

71,0 %

2020

92,0 %

81,8 %

81,99 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire

La marine nationale connaît la même tendance d'augmentation du taux de renouvellement des premiers contrats (avec une hausse de 5 points entre 2019 et 2020 pour la catégorie des officiers-mariniers pourtant soumis à la concurrence du secteur privé, qui passe de 85,2 % à 90,2 %), tandis que celui constaté au sein de l'armée de l'air est stable.

Le rapporteur spécial estime les efforts menés en matière de fidélisation des effectifs pertinents, mais il rappelle que le contexte de la crise sanitaire peut avoir masqué la persistance de certaines difficultés en la matière, puisque cette dernière a créé un frein temporaire à la mobilité professionnelle. Le major général de l'armée de l'air a ainsi rappelé en audition que la potentielle reprise du trafic aérien civil pourrait affecter négativement la politique de fidélisation de ses pilotes.

Par ailleurs, il tient à rappeler que la fidélisation des effectifs s'appuie plus largement sur l'attractivité de la condition militaire, qui doit être consolidée. Une vigilance particulière s'imposera, en deuxième partie d'exécution de la LPM, sur :

- la qualité des infrastructures, qui détermine le quotidien des militaires ;

- la question spécifique de leur rémunération. Sur ce dernier point la LPM ne prévoit aucune revalorisation indiciaire, même si le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM,) qui vise à mettre en cohérence les divers dispositifs indemnitaires en vigueur afin de les rendre plus lisibles et plus simples constitue une avancée réelle ;

- la mise en oeuvre d'une réforme de régime de retraite des militaires qui pourrait entrainer une vague de départs susceptible de porter atteinte aux objectifs de la LPM.

II. LA PRÉPARATION DE L'AVENIR REPOSE SUR D'AMBITIEUX PROJETS DONT LA MISE EN oeUVRE N'EST PAS EXEMPTE DE RISQUES

A. LA POURSUITE DE LA PHASE DE PRÉPARATION DU PORTE-AVIONS DE NOUVELLE GÉNÉRATION

L'année 2022 sera marquée par la poursuite du programme de porte-avions de nouvelle génération (PANG) destiné à succéder au Charles de Gaulle, dont le retrait du service est prévu en 2038.

Ce programme entre aujourd'hui dans sa phase de préparation, qui vise notamment à consolider le besoin militaire et à définir les caractéristiques du projet (fonction, performances, contenu physique, calendrier, coûts), l'architecture capacitaire ou encore l'organisation industrielle. Cette phase de préparation a été notifiée aux industriels Naval Group, Technic Atome et les Chantiers de l'Atlantique en mars 2021 pour une durée de deux ans. Le major général de la marine nationale a indiqué en audition que la marine nationale était « plus que confiante » quant à l'architecture industrielle du projet.

Le rapporteur spécial partage en partie cette confiance, puisque le choix de la propulsion nucléaire, officialisé par le président de la République le 8 décembre 2020 constitue une avancée incontestable. Le PANG sera ainsi équipé de deux chaufferies de type K22 en filiation étroite avec les chaufferies de la famille K15 équipant les sous-marins et l'actuel porte-avions. Le rapporteur spécial rappelait l'an dernier que la propulsion nucléaire, même si elle est plus coûteuse , comporte d'importants avantages 23 ( * ) . Elle permet une plus grande autonomie stratégique, une vitesse de déploiement (permettant par exemple d'atteindre l'Océan indien sans escale) et une vitesse tactique (permettant de s'éloigner d'une menace) supérieures aux propulsions conventionnelles. En outre, elle limite l'accompagnement logistique nécessaire à l'approvisionnement pétrolier. Enfin, elle permet le maintien des compétences industrielles (singulièrement celles de Technic Atome) et opérationnelles françaises en matière de propulsion nucléaire, ce qui constitue incontestablement un renforcement de notre autonomie stratégique.

La question de la technologie de catapulte constitue également un enjeu important pour le projet. La technologie américaine de catapulte électromagnétique (EMALS) apparait comme la solution technologique la plus adaptée, préférable à la catapulte à vapeur dont la technologie est vouée à disparaitre d'ici la mise à l'eau du prochain porte-avions. Des essais de cette technologie sont prévus en 2023-2024 (catapultage de Rafale avec catapulte électromagnétique sur porte-avions américain). Cette solution permet une plus grande interopérabilité entre alliés - notamment avec les États-Unis, mais pourrait également poser un problème d'autonomie stratégique en raison de sa conception américaine.

Enfin, le coût du PANG, de l'ordre de 4,5 milliards d'euros sur 10 ans, constitue un indéniable facteur de risque, puisqu'il représentera plus de 1 % du budget annuel des armées sur la fin de la LPM.

Surtout, le PANG devra être pleinement articulé avec le projet de système de combat aérien du futur (SCAF).

B. LE SCAF : UN PROJET AMBITIEUX TOUJOURS PORTEUR DE RISQUE ET ACCUSANT UN RETARD D'UN AN

Les industriels français, allemands et espagnols poursuivent les travaux préparatoires du système de combat aérien du futur (SCAF). Ce projet ambitieux concentre de nombreux risques qui devront être pleinement maîtrisés dans les années à venir.

Le système de combat aérien du futur (SCAF)

En 2017, la France et l'Allemagne sont convenues de développer un système de combat aérien européen pour remplacer leurs flottes actuelles d'avions de combat sur le long terme.

Le SCAF sera le système de combat aérien du 21 e siècle. Il rassemblera autour d'un nouvel avion de combat polyvalent, adapté aux menaces aériennes de 2040 et exploitant le potentiel de l'intelligence artificielle, des moyens de combat travaillant en réseau, dont des drones de différents types. Il devrait être mis en service à l'horizon 2040.

Initiée lors du conseil des ministres franco-allemand en 2017, élargie puis renforcée en 2019 par un accord-cadre regroupant la France, l'Allemagne et l'Espagne, la coopération SCAF se structure. Ce projet tripartite est appelé « NGWS ( Next generation weapon system ) within a FCAS » qui remplira des missions plus ou moins spécifiques pour remplacer à terme les flottes d'avions de combat RAFALE et Eurofighter. La France a été désignée leader de ce projet. L'accord cadre porte sur les activités de R&T et de démonstrations s'étendant jusqu'en 2030.

Deux types de travaux sont menés à court et moyen terme :

- des études d'architectures permettant d'établir les exigences du système de systèmes et des objets qui le composent et également la comparaison de différents concepts (contrat JCS lancé en janvier 2019) ;

- des études de R&T et le développement de démonstrateurs indispensables pour répondre aux évolutions nécessaires à venir dans le domaine de l'aéronautique de combat. La France a en effet identifié 7 piliers couvrant l'ensemble des invariants technologiques nécessaires au SCAF (système de systèmes, avion de nouvelle génération « NGF », très haute furtivité, capteurs, propulsion, « Remote Carriers », démonstrations des architectures au sol). Les premières offres industrielles ont été remises lors du salon du Bourget et les négociations sont en cours. Ces travaux préparatoires initient le lancement progressif à compter de 2020 du développement de démonstrations technologiques en vue de ruptures capacitaires dans le domaine de l'aviation de combat.

Source : ministère des armées

Le projet SCAF a fait l'objet d'un accord entre les états-majors d'armée française, allemande et espagnole le 30 août 2021 relative à l'expression du besoin opérationnel, qui constitue une avancée importante. Le rapporteur spécial estime toutefois que les risques demeurent, la signature du contrat principal (impliquant notamment Dassault Aviation et Airbus) ayant été reportée à la suite de désaccords entre les industriels (relatifs aux sous-traitants).

Comme l'a indiqué le major général de l'armée de l'air en audition, chaque jour de retard supplémentaire dans les négociations est « perdu ». Alors que le premier vol du démonstrateur était prévu fin 2026, ce dernier devrait en réalité avoir lieu un an plus tard du fait des difficultés de la coopération franco-allemande au début du projet (2019-2020), ainsi que des retards entrainés par la Covid-19 d'une part et par les difficultés actuellement rencontrées par les industriels pour aboutir à un contrat final d'autre part.

III. LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS : UNE AMÉLIORATION SOUS L'EFFET DES NOUVEAUX CONTRATS VERTICALISÉS QUI DEVRA ÊTRE CONSOLIDÉE EN DEUXIÈME PARTIE DE LPM

De manière générale, les armées font état de leur satisfaction à la suite de la verticalisation des contrats de maintien en condition opérationnelle (MCO). Cette verticalisation se décline, en matière aéronautique, en deux axes principaux :

- une réforme de la gouvernance du MCO aéronautique, avec la création d'une direction de la maintenance aéronautique (DMAé) par décret du 18 avril 2018 24 ( * ) , placée sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées, en remplacement de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (Simmad), qui relevait de l'état-major de l'armée de l'air ;

- une simplification du paysage contractuel, avec la mise en place de schémas « verticalisés » , c'est-à-dire la passation de contrats longs et globaux, confiant la responsabilité de la quasi-totalité de la maintenance à un maître d'oeuvre unique. Cette politique consiste à remplacer les multiples marchés transverses à tranches conditionnelles fermes par des contrats globaux de soutien sur une plus longue durée donnant de la visibilité aux industriels et avec des objectifs de performance précis, assortis d'obligations de résultat.

La modernisation du MCO concerne également les milieux naval et terrestre, qui font l'objet de plans de transformation.

Les effets de ces nouveaux contrats sur les taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO) ne sont toutefois pas immédiats. Par ailleurs, l'hétérogénéité et le vieillissement de certains équipements empêchent la généralisation de l'amélioration de la DTO.

A. DANS L'ARMÉE DE TERRE, UNE POURSUITE DE L'AMÉLIORATION DE LA DISPONIBILITÉ

La disponibilité de l'équipement de l'armée de terre souffre d'une utilisation intensive de certains équipements en opérations , en même temps que de l'obsolescence de certains modèles.

Des efforts de maintenance et le passage de certains contrats verticalisés ont permis de susciter une amélioration sur certains agrégats particulièrement en tension, comme les hélicoptères ou les engins blindés multi-rôles (EBMR).

Évolution du taux de disponibilité des matériels de l'armée de terre

(en %)

2016 Réalisation

2017 Réalisation

2018 Réalisation

2019 Réalisation

2020 Réalisation

2021 Prévision PAP 2021

2021 Prévision actualisée

2022 Prévision

2023 Cible

Armée de terre
Char Leclerc

83

93

85

80

87

94

92

94

93

Armée de terre
AMX 10 RCR

66

77

69

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Armée de terre EBRC
(dont AMX 10 RC) 25 ( * )

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

77

89

92

90

Armée de terre VAB

77

85

88

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Armée de terre EBMR (dont VAB) 26 ( * )

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

91

101

100

89

98

Armée de terre VBCI

83

84

74

67

58

65

59

53

60

Armée de terre Pièces de 155 mm

82

92

84

80

88

86

90

90

92

Armée de terre Hélicoptères de manoeuvre

42

40

36

39

45

60

52

61

61

Armée de terre Hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance

59

60

55

68

51

65

64

64

69

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La disponibilité du Char Leclerc devrait rester au-dessus des 90 % dans les prochaines années suite aux opérations de pérennisation de la flotte (qui constitue une des conclusions de l'actualisation, voir supra ) et à la signature d'un nouveau marché de soutien de service en mars 2021 pour 10 ans.

La disponibilité technique du parc d'engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) s'améliore depuis la résolution de la crise des boîtes de vitesse sur l'AMX10RC en 2021. Cette résolution, conjuguée à la commande de Jaguar, laisse augurer une stabilisation du taux de disponibilité des EBRC supérieure à 90 % à moyen terme. Les documents budgétaires prévoient même l'atteinte de ce taux plus rapidement que prévu, à partir de 2022. En effet, la prévision actualisée de la disponibilité technique de cet agrégat en 2021 est de 89 % (contre 77 % attendu en LFI 2021).

Les engins blindés multi-rôles (EBMR) comme les véhicules de l'avant blindé (VAB), le Griffon et à terme Serval, connaissent une amélioration de leur disponibilité entre 2020 et 2021, en raison d'efforts de maintenance sur le VAB et de l'arrivé des véhicules Griffon/Serval de nouvelle génération .

Le parc de véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) est fortement mis à contribution en opérations extérieures, ce qui explique la chute de sa disponibilité technico-opérationnelle (DTO) depuis 2017 . Il est employé intensivement dans l'environnement particulièrement abrasif de la bande sahélo-saharienne. La persistance de tensions sur l'approvisionnement nuit à sa disponibilité. Le ministère des armées estime que la baisse de DTO du parc est dorénavant maîtrisée et devrait rester au-dessus de 50 % grâce à l'effort sur la régénération réalisé par la maintenance industrielle 27 ( * ) . La disponibilité prévue pour 2022 est de 53 %.

Les flottes d'hélicoptères de l'armée de terre avaient atteint des niveaux préoccupants d'indisponibilité en 2020. Ils s'établissent à 45 % pour les hélicoptères de manoeuvre et 51 % pour les hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance. La montée en puissance de nouveaux contrats de soutien aux différentes flottes (Cougar/Caracal, mais aussi Tigre), notifiés fin 2019, devait permettre une amélioration progressive à compter de 2021. La trajectoire de reprise à la hausse du taux de DTO des hélicoptères d'attaque et de reconnaissance suit la trajectoire initialement prévue, avec un taux prévu à 64 % pour 2022. Cependant, une forte révision a été appliquée quant au taux de DTO des hélicoptères de manoeuvre 2021 : le taux de 60 % de disponibilité sera atteint non pas en 2021 mais en 2022 , selon les nouvelles estimations du ministère. Ce résultat inattendu s'explique par l'attrition et la baisse du cycle grande visite de la flotte Cougar. À moyen terme, la maintenance de ces véhicules et les performances du contrat verticalité CHELEM permettent d'envisager une dynamique à la hausse malgré le retard pris. A termes, la généralisation de l'Hélicoptère Interarmées Léger (HIL), appelé de ses voeux par le rapporteur spécial, devrait également entrainer une homogénéisation de la flotte facilitant la maintenance.

B. DANS LA MARINE NATIONALE, UNE DISPONIBILITÉ OPÉRATIONNELLE INFÉRIEURE AUX OBJECTIFS

Les indicateurs de disponibilité des équipements de la marine actualisés annoncent une dégradation générale de cet agrégat, à l'exception des matériels au sein de l'aviation maritime.

La disponibilité des sous-marins nucléaires d'attaque ne s'améliore pas , en raison d'un vieillissement des équipements qui cause une multiplication des indisponibilités pour aléa (ex. : travaux supplémentaires en cours de réalisation sur le SNA Perle). Ainsi, elle devrait se stabiliser sous les 55 % à partir de 2021, contre 74 % en 2018. La disponibilité opérationnelle a diminué en 2021 en raison d'un nombre plus faible de SNA dans le parc. Pour 2022, l'équilibre entre retrait de service et admission en service actif doit permettre une stabilisation de la DTO à 56 %.

L'agrégat « autres bâtiments » est symptomatique du vieillissement de nombreuses composantes du matériel de la marine nationale . L'indicateur de performance a été largement revu à la baisse en raison des indisponibilités des patrouilleurs de service public, chasseurs de mine tripartite et patrouilleurs en haute mer dès le début de l'année 2021 : initialement prévu à 89 %, le taux de disponibilité devrait finalement atteindre 78 % en 2021. Le taux de DTO baissera de nouveau en 2022 puisqu'un bâtiment de commandement et de ravitaillement sera retiré du service actif.

La disponibilité des frégates diminue elle aussi (59 % en 2022 contre 61 % en 2021 et 66 % en 2020), compte tenu du retard dans la mise en service des frégates multi-missions de défense aérienne . Le chiffre de disponibilité des frégates avait été revu à la baisse à la suite de l'indisponibilité d'une frégate multi-missions en 2021. Puisque la date de retrait de services de frégates a été repoussée compte-tenu des retards accumulés sur les nouvelles mises en service, il est à craindre une révision à la baisse de la disponibilité des frégates en cours d'exercice.

Évolution du taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO)
des matériels au sein de l'aviation de la marine

(en %)

2019 Réalisation

2020 Réalisation

2021 Prévision PAP 2021

2021 Prévision actualisée

2022 Prévision

2023 cible

Marine nationale Chasse

57

55

69

69

69

70

Marine nationale Hélicoptères

51

49

54

50

63

68

Marine nationale Guet aérien, Patrouille, surveillance maritime

55

54

59

59

64

68

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La disponibilité de la Chasse se redresse en 2021 et devrait se stabiliser à 69 % en 2022 , suite à la montée en puissance du contrat verticalisé Ravel qui optimise l'entretien des Rafales. Cette évolution a contribué de façon notoire à la diminution des attentes d'avis techniques sur les aéronefs. Le major général de la marine nationale a même indiqué que la disponibilité à bord du porte-avions s'était élevée à 98 %.

La flotte d'hélicoptères connait, à l'inverse, d'importantes difficultés de fiabilité. Le taux de disponibilité s'établit à 50 % en 2021 (prévision actualisée à la baisse suite à des problèmes logistiques et de corrosion que rencontre la flotte Caïman ). L'amélioration de la situation de la flotte est donc repoussée à 2022, année lors de laquelle les flottes intérimaires de Dauphin et de H160 devraient monter en puissance. Sur le parc de 27 hélicoptères lourds NH90, entre 8 et 8,5 sont disponibles, ce que le major général de la marine nationale a imputé à un problème de « maîtrise technique » et non de crédits budgétaires.

C. DANS L'ARMÉE DE L'AIR, DES NORMES DE PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DONT L'ATTEINTE À MOYEN-TERME PARAÎT COMPROMISE

Évolution du taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO)
des matériels au sein de l'armée de l'air

(en %)

2019 Réalisation

2020 Réalisation

2021 Prévision PAP 2021

2021 Prévision actualisée

2022 Prévision

2023 Cible

Avions de combat

85

82

105

85

84

109

Avions de transport tactique

57

65

94

71

85

93

Avions d'appui opérationnel

85

115

110

78

91

110

Vecteur ISR 28 ( * )

70

72

148

65

96

207

Avions à usage gouvernemental

100

100

148

89

94

143

Hélicoptères de manoeuvre de combat

76

88

97

74

78

90

Système sol-air moyenne portée

82

77

113

75

73

113

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La flotte des avions de combat connaît une performance stable mais bien en-deçà des prévisions. L'indicateur de disponibilité est actualisé à 85 %, contre 105 % prévus initialement. L'amélioration constatée au 1 er semestre 2021 sur la flotte Rafale de l'armée de l'air et de l'espace, qui recueille, comme celle de la marine nationale, les bénéfices du marché « verticalisé » RAVEL, est pondérée par une performance insuffisante de la flotte Mirage 2000. Pour cette flotte, le marché de soutien « verticalisé » BALZAC en cours de préparation avec Dassault Aviation (notification attendue en 2021) doit permettre d'améliorer la disponibilité en réduisant le nombre d'appareils en attente de pièces. Cette amélioration de la disponibilité sera toutefois plus que neutralisée par la cession des 24 Rafale à la Grèce et à la Croatie (voir supra ). Le rapporteur spécial rappelle par ailleurs que l'éventuelle augmentation de la disponibilité des avions de chasse permis par les contrats verticalisés ne saurait être perçue comme un moyen de compenser les pertes capacitaires issues de la vente grecque , puisque ces contrat et cette hausse de la disponibilité étaient prévus par la LPM.

La disponibilité des avions de transport tactique a été peu satisfaisante. L'amélioration de la disponibilité de ces avions est palpable mais pas à la hauteur des engagements de l'État : le taux de DTO s'établirait à 71 % contre 94 % prévu initialement. Elle a été pénalisée principalement par les difficultés structurelles (vieillissement) et conjoncturelles (visites au niveau industriel plus longue en raison des mesures sanitaires appliquées au niveau national, reports successifs du renouvellement de la flotte) rencontrées sur la flotte C130H. Les prévisions pour 2022 sont également affectées par le retrait de service des C160R.

Au total, la disponibilité opérationnelle pèse sur la préparation opérationnelle des aviateurs, qui reste encore loin des objectifs fixés par la LPM à horizon 2025 ou de la norme OTAN . S'agissant des pilotes de chasse, par exemple, le nombre d'heures de vol prévu pour 2022 est de 162, alors que l'objectif fixé en 2025 est de 180. L'amélioration progressive de la disponibilité du Rafale permise par le contrat Ravel devait permettre d'atteindre les objectifs fixés par la LPM et l'OTAN. Elle devrait toutefois voir ses effets plus qu'anéantis par la cession des 24 Rafale, dont seule une part minoritaire sera remplacée d'ici à 2026, pesant lourdement sur la préparation des pilotes de chasse.

Préparation opérationnelle des pilotes de l'armée de l'air
et de l'espace

(en heures de vol)

2020

2021

2022

LPM

OTAN

Chasse

152

158

162

180

180

Transport

176

219

308

320

400

Hélicoptère

155

174

183

200

200

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement augmentant de 2,8 milliards d'euros les crédits du programme 212 « Soutien de la politique de défense » de la mission « Défense », afin de financer un nouveau contrat de service visant à assurer la gestion du parc métropolitain de logements domaniaux du ministère des Armées. Ce dernier sera conclu pour une durée de 35 ans. L'objectif final est de disposer d'un parc utile en métropole d'environ 12 000 logements domaniaux au standard de location, dès l'année 2032, et d'environ 15 000 logements à la fin de la concession en 2056, contre 9 000 actuellement.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 42 quinquies (nouveau)

Majoration de traitement au bénéfice de certains personnels civils et militaires du ministère des armées exerçant une profession de santé

. Le présent article vise à octroyer une majoration de solde aux personnels affectés dans les structures du service de santé des armées (SSA) qui sont des structures de premier recours médical, en complément des augmentations dont les personnels des hôpitaux interarmées ont déjà bénéficié dans le cadre du Ségur de la santé

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN COMPLÉMENT DE TRAITEMENT EN FAVEUR DU PERSONNEL DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES EXERÇANT AU SEIN DES HOPITAUX MILITAIRES

À la suite des accords du Ségur de la santé de juillet dernier, le Gouvernement a institué un complément de traitement indiciaire (CTI) 29 ( * ) de 183 euros nets par mois pour les personnels des établissements de santé et des EHPAD, dans un contexte de crise sanitaire qui a accru les difficultés rencontrées dans l'exercice de leurs missions. Après une première étape de 90 euros en septembre 2020, cette revalorisation de 183 euros est pleinement effective depuis le 1 er décembre 2020. 1,5 million de personnes en ont bénéficié, ce qui représente jusqu'à 10 % d'augmentation pour certains professionnels, notamment les aides-soignants.

Conformément à ces dispositions, les agents civils du service de santé des armées (SSA) en fonction dans les hôpitaux interarmées et exerçant leurs fonctions au profit de ces hôpitaux perçoivent ce complément de traitement indiciaire.

Les personnels soignants relevant du ministère des armées qui n'exercent pas directement en milieu hospitalier (premiers recours, personnels directement en service auprès des forces, etc) ne sont pas éligibles à ce dispositif.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE MAJORATION DE TRAITEMENT AU BÉNÉFICE DE CERTAINS PERSONNELS CIVILS ET MILITAIRES DU MINISTÈRE DES ARMÉES EXERÇANT UNE PROFESSION DE SANTÉ

Le présent article a été adopté à l'initiative du gouvernement, avec un avis favorable de la commission.

Il prévoit le versement d'une majoration de traitement versée dans des conditions fixées par décret aux fonctionnaires et militaires du ministère des armées exerçant une profession de santé ( I ). Il prévoit également qu'une indemnité équivalente à la majoration de traitement est versée dans des conditions fixées par décret, aux agents contractuels de droit public et aux ouvriers des établissements industriels de l'État du ministère des armées, exerçant des professions de santé régies par la quatrième partie du code de la santé publique au sein des structures mentionnées à l'alinéa précédent.

Cette nouvelle majoration n'est pas applicable aux personnes qui exercent la profession de médecin, de chirurgien-dentiste, ou de pharmacien, ni aux internes des hôpitaux des armées, ni aux élèves des écoles du service de santé des armées ( II ). Ces professions sont éligibles au CTI.

Le présent article prévoit également que la perception de cette majoration de traitement ouvre droit aux fonctionnaires de l'État et militaires admis à faire valoir leurs droits à la retraite, à un supplément de pension.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MAJORATION BIENVENUE AFIN D'ASSURER LA COHÉRENCE DE LA POLITIQUE DE RÉMUNÉRATION DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES

Cet amendement vise à octroyer une majoration de solde aux personnels affectés dans les structures du service de santé des armées (SSA) qui sont des structures de premier recours médical, en complément des augmentations dont les personnels des hôpitaux interarmées ont déjà bénéficié dans le cadre du Ségur de la santé (voir supra ).

Cette évolution répond à la nécessité d'assurer la cohérence de la politique de rémunération entre l'ensemble des composantes du service de santé des armées, seules les personnels exerçant au sein des hôpitaux interarmées étant aujourd'hui éligibles au CTI.

Les structures concernées sont des centres médicaux des armées, y compris les antennes d'expertise, mais aussi toutes les structures de médecine de premier recours, notamment les forces spéciales, les unités embarquées, etc.

Cette disposition est de nature à renforcer l'attractivité de l'ensemble des unités du SSA et faciliter ainsi les mobilités des agents entre les hôpitaux, d'une part, et la médecine des forces, d'autre part, et apparaît donc comme cohérente et nécessaire. Son absence dans le texte initial du projet de loi de finances apparaît toutefois comme peu compréhensible au regard du caractère prévisible et technique de la mesure.

Les modalités de la majoration de solde seront précisées par un décret mais la ministre des armées a indiqué prévoir, au titre de l'année 2022, le versement d'une majoration à hauteur de dix points d'indice, qui devrait intervenir à compter du mois d'avril.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, le coût annuel de la mesure devrait être inférieur à 670 000 euros.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 octobre 2021, sous la présidence de Mme Christine Lavarde, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur la mission « Défense ».

Mme Christine Lavarde , président . - Avant de passer la parole à M. le rapporteur spécial, je salue la présence parmi nous de Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial de la mission « Défense » . - Les crédits inscrits au budget 2022 sont conformes, sur le plan budgétaire, à la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, puisqu'ils prévoient une hausse de 1,7 milliard d'euros. En revanche ils n'en respectent pas la trajectoire capacitaire.

Cela tient tout d'abord à la vente d'avions de combat Rafale à la Grèce et à la Croatie. Si l'on peut se réjouir que ces deux pays aient fait le choix d'acquérir des avions de fabrication française, douze des dix-huit Rafale commandés par la Grèce seront prélevés sur nos propres capacités. Il en résulte premièrement une perte de capacité pour notre armée, dans l'attente de leur remplacement. Nos pilotes disposeront donc de moins de matériel pour s'exercer, et notre capacité d'intervention s'en trouvera réduite. Deuxièmement, cette opération a un coût, ces douze avions ayant vocation à être remplacés par des avions neufs. Selon les dernières estimations qui m'ont été transmises, le montant des recettes attendues à l'issue de la vente de ces douze Rafale d'occasion serait de l'ordre de 500 millions d'euros, et celui de la dépense nécessaire pour acquérir douze avions neufs de près d'un milliard d'euros. Cette dépense non financée devra être prise sur la masse budgétaire globale. Troisièmement, nous livrerons par ailleurs à la Croatie douze Rafale actuellement hors d'usage que nous réparerons en ce but et qu'il n'est pas prévu de remplacer.

Par conséquent, au sortir de la période 2019-2025 couverte par la LPM, nous n'aurons plus que 117 Rafale au lieu de 129.

Le Gouvernement nous dit qu'il faut se réjouir de cette situation, car la vente de vieux Rafale conduira, mécaniquement, à améliorer le taux de disponibilité de nos matériels. Toutefois, l'objectif de la LPM était d'améliorer le taux de disponibilité tout en augmentant la capacité. La LPM n'est donc pas respectée.

En 2025, pour autant que les remplaçants des avions livrés à la Grèce nous parviennent bien en temps et en heure, nous nous retrouverons avec douze Rafale de moins. Je rappelle que le nombre d'heures de vol de nos pilotes de chasse est aujourd'hui de 158 heures alors que la LPM comme l'OTAN fixe la norme à 180 heures.

La LPM prévoyait en outre que les surcoûts des opérations extérieures (OPEX) feraient l'objet d'un financement interministériel. Or ce n'est pas le cas. Depuis cinq ans, ces surcoûts sont en effet financés par le ministère des armées, et représentent un déficit compris entre 200 et 300 millions d'euros par an. Des surcoûts ont également été observés dans un certain nombre de programmes, notamment pour la rénovation des chars Leclerc.

Le ministère prévoyant de financer ces différents surcoûts par le redéploiement de certains crédits, la cible de l'ensemble des livraisons du programme Scorpion a été rabaissée à 45 % en 2025, au lieu des 50 % initialement prévus.

La LPM n'est donc pas respectée alors que son objectif était d'augmenter à la fois le capacitaire et la disponibilité des matériels. Nous payons au prix fort le refus du Gouvernement de revoir ce texte. S'il avait été actualisé conformément à ce qui était prévu dans son article 7, nous pourrions dire que les crédits budgétaires sont en adéquation avec les objectifs capacitaires, mais en l'occurrence il n'en est rien. On nous ment, en changeant la programmation capacitaire tout en respectant la programmation financière.

Ce budget est donc insincère par rapport à ce que nous avions voté et à ce qu'avait décidé le Parlement.

Suffisamment d'éléments justifiaient pourtant une révision de la LPM. De plus, les ajustements qu'aurait dû demander le Gouvernement étaient parfaitement compréhensibles. Je ne comprends donc pas que le Gouvernement n'ait pas souhaité y travailler en toute transparence avec le Parlement, comme nous l'avions pourtant demandé.

Pour ces raisons, je propose de différer notre vote sur les crédits de la mission « Défense », et de conditionner notre position définitive à la prise, par le Gouvernement, de deux engagements : d'une part, veiller à ce que la recette de la vente des avions à la Croatie soit bien affectée au ministère des armées. En effet, l'assurance de Mme la ministre des armées en la matière ne tient pas compte de la tenue des élections l'année prochaine, et la LPM n'est financée pour l'instant que jusqu'en 2022 - 3 milliards d'euros supplémentaires seront nécessaires pour couvrir la période 2023-2024. Il faut d'autre part que le Gouvernement nous réponde clairement sur les raisons qui le conduisent à ne pas vouloir remplacer les Rafale vendus à la Croatie et nous dise à quelle échéance ce remplacement devrait avoir lieu. Cette question ne saurait être renvoyée à 2030 ou 2035.

Mme Christine Lavarde , président . - Vous demandez donc la réserve du vote des crédits de la mission « Défense » assortie de deux engagements de la part du Gouvernement. Quand aurons-nous une meilleure visibilité sur ces derniers ?

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - J'ai rendez-vous dans quinze jours avec le cabinet de Mme la ministre, notre position pourra se déterminer à l'issue de ce rendez-vous.

À titre personnel, je ne peux cautionner et ne voterai donc pas un budget qui ne respecte pas les engagements pris il y a cinq ans dans le cadre de la LPM. Je suggérerai donc que l'on s'abstienne sur ce point. Chacun peut ensuite se positionner à sa convenance.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je partage les réserves émises par M. le rapporteur spécial et m'inscris dans la ligne de ce qu'il propose.

La mission « Défense » est d'autant plus importante que les tensions internationales ne cessent de croître. Or les difficultés rencontrées pour l'entraînement de nos pilotes nous interpellent quant à l'avenir à court terme des capacités de défense de notre pays - en lien avec certains de nos partenaires européens.

Comment s'explique l'absence d'arbitrage, par le Gouvernement, en faveur d'un maintien de nos capacités d'intervention et d'une plus grande disponibilité de matériels en bon état et correspondant à la trajectoire de la LPM ? Quels seraient les ajustements budgétaires nécessaires pour y parvenir ?

M. Marc Laménie . - La présence militaire des régiments est-elle stable dans nos territoires, sachant que les effectifs ne semblent pas progresser conformément aux prévisions de la LPM ?

Par ailleurs, quelle part la journée défense et citoyenneté (JDC) et le service national universel représentent-ils dans la mission « Défense » ?

Enfin, a-t-on une estimation du coût de l'opération Sentinelle ?

M. Rémi Féraud . - Ce budget ne respecte pas l'esprit de la LPM. En outre, l'absence de révision de cette dernière le prive de perspectives susceptibles de lui donner du sens. De trop nombreuses questions restent en suspens pour que nous puissions véritablement nous prononcer à son sujet. Cependant, cela fait longtemps qu'une proposition de réserver notre vote n'est pas intervenue sur ces crédits.

Quelles sont selon vous les questions essentielles et, en fonction de la réponse qui y serait apportée par le Gouvernement, pourriez-vous malgré tout être favorable à une approbation des crédits, ou bien l'absence d'actualisation de la LPM constitue en la matière un obstacle infranchissable ?

M. Arnaud Bazin . - La disproportion qui s'observe entre le montant de la vente des Rafale d'occasion à la Grèce et le coût potentiel de l'achat des matériels neufs de remplacement pose effectivement question. Selon vous, quel est le sens de cette opération ? S'agit-il d'une manoeuvre politique visant à venir en aide à un allié confronté à des provocations permanentes de la part d'un autre membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), ou bien cette opération a-t-elle une signification technique ou économique qui m'échappe ?

M. Antoine Lefèvre . - La France semble avoir pris un certain retard pour le développement de la technologie des drones militaires. Dans son rapport public annuel publié en février 2020, la Cour des comptes pointait d'ailleurs déjà une absence de vision stratégique dans ce domaine. Malgré l'accélération des acquisitions, le parc reste limité et certains de ses segments sont vieillissants. Avez-vous des précisions à ce sujet et eu connaissance d'investissements à venir ?

M. Michel Canévet . - Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels de nos armées s'est-il amélioré compte tenu des moyens dévolus à la LPM ?

Le coût des OPEX se réduira-t-il en 2022 du fait du désengagement prévu au Sahel ?

M. Didier Rambaud . - Je ne partage pas la conclusion du rapporteur spécial et suis même surpris de l'entendre proposer la réserve sur un tel budget. En effet, les crédits de la défense vont augmenter de 1,7 milliard d'euros, soit une hausse de 4 % par rapport à 2021. Les engagements du Gouvernement ont donc bien été tenus, et la trajectoire financière établie par la LPM est respectée.

Le budget de la mission « Défense » est un budget régalien essentiel qui assure notre autonomie stratégique nationale et européenne. Nous demander d'être réservés sur ce budget est donc loin d'être anodin. Or les arguments avancés ne me paraissent pas justifier une telle position.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Au total, compte tenu du coût représenté par le remplacement des Rafale d'occasion, l'opération grecque pourrait nous coûter environ 700 millions d'euros. De plus, si l'opération croate est jugée « blanche » par le ministère puisqu'il n'est pas prévu de remplacer les avions concernés, il s'agit à mes yeux d'une dépense puisqu'il faudra bien faire le nécessaire pour maintenir notre capacité opérationnelle. Il manque en outre plus 1 milliard d'euros pour pouvoir financer les OPEX jusqu'en 2022.

Il faut tenir compte également du surenchérissement de plusieurs opérations, au sujet duquel je ne parviens pas à obtenir de chiffres précis et qui est financé par le décalage de plusieurs livraisons.

Les crédits dévolus aux moyens humains sont bien prévus. En revanche, les armées ont rencontré d'importantes difficultés de recrutement, notamment en raison de la crise du covid-19, doublées de difficultés de fidélisation dans plusieurs spécialités. De nombreux militaires rejoignent en effet le secteur privé à l'issue de leurs années réglementaires afin d'y percevoir une meilleure rémunération. Une prime de service a d'ailleurs été instaurée pour tenter d'y remédier.

Ces difficultés de recrutement ont été en partie compensées en 2021 par le recrutement de personnels civils. Sur la question des moyens humains, la LPM a été bien respectée.

Les militaires ne font état d'aucun problème relatif à la JDC, et il n'y a pas lieu de s'inquiéter des effectifs du service national universel, qui se chiffrent à 20 000 personnes environ.

L'opération Sentinelle présente un coût de 100 millions d'euros, qui repose sur la provision dévolue aux OPEX.

Pour que je puisse conclure en faveur d'un vote de ce budget, il faudrait que le Gouvernement nous donne la garantie formelle que les recettes des ventes des Rafale à la Grèce et à la Croatie reviendront bien au ministère des armées, y compris après 2022.

Il faut également que nous obtenions une réponse sur le délai de remplacement des Rafale livrés à la Croatie. La réponse consistant à dire que ce remplacement n'est pas prévu pour l'instant n'est pas satisfaisante. Il faut à tout le moins que nous ayons une date. Cette promesse n'engagera, bien sûr, que les successeurs de Mme Florence Parly, mais je souhaiterais malgré tout que ce débat ait lieu en séance.

L'opération de vente de Rafale à la Grèce a un sens politique. Sur les douze avions prévus, six seront livrés d'ici fin 2021, suivis par six autres en 2023. Il est important, si l'on veut pouvoir parler de défense européenne, que nos alliés européens s'équipent avec du matériel militaire qui ne soit pas exclusivement américain. Mais cette opération a également un sens technique, puisqu'il s'agit de favoriser l'interopérabilité, et un sens économique, puisqu'elle bénéficie à la production d'armement française ainsi qu'aux résultats de la filière, et singulièrement de Dassault, en matière d'exportation. En outre, il est important de maintenir une industrie de la défense en Europe.

Le développement des drones pâtit fortement de l'absence de révision de la LPM, puisque les investissements attendus en 2022 ont été reportés à 2023 voire 2024.

En matière de MCO, les contrats verticalisés souscrits par le ministère, qui prévoient la mobilisation d'un seul intervenant, donc d'un interlocuteur unique, pour chaque type d'appareil, semblent bien fonctionner d'après les militaires, même si les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. La disponibilité devrait s'améliorer prochainement.

Le désengagement français au Sahel entraînera en réalité un surcoût pour les OPEX en 2022, du fait du rapatriement du matériel. Les sommes provisionnées pour cette année seront d'ailleurs largement insuffisantes.

Enfin, comme je l'ai indiqué, si ce budget respecte bien la trajectoire budgétaire de la LPM, il n'en respecte pas la trajectoire capacitaire, et le refus du Gouvernement de venir discuter de nouveau de ce texte devant le Parlement pose d'importants problèmes. L'argent n'est pas une fin en soi, il doit servir à mener à bien un projet. Or la LPM portait un projet politique, capacitaire, qui se voit écorner par ce budget.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de la mission « Défense ».

Article 42 quinquies (nouveau)

L'article 42 quinquies ajouté au texte à l'Assemblée nationale reprend un amendement du Gouvernement visant à tenir compte des conséquences du Ségur de la Santé sur le service de santé des armées (SSA), notamment la majoration des rémunérations des personnels non-médecins. À ce stade, je suis incapable d'évaluer le coût de cette mesure. J'espère néanmoins pouvoir vous apporter prochainement une réponse sur ce point.

Il me semble cependant souhaitable de voter cet article. Le personnel de santé des armées doit pouvoir bénéficier des avancées du Ségur de la santé, d'autant qu'il a été fortement mis à contribution durant la crise.

Mme Michelle Gréaume , rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Le SSA souffre d'un important déficit de postes pour les médecins de premier recours. Il en manquait 97 en 2020, il en manque 136 en 2021. Il en résulte un taux de projection des équipes médicales à hauteur de 125 %. Malgré l'apport des réservistes, le taux de projection des équipes chirurgicales atteignait 200 % en 2020. La fidélisation des personnels du SSA constitue donc un enjeu majeur.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42 quinquies.

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Réunie à nouveau le mercredi 10 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné les crédits de la mission « Défense » précédemment réservés.

M. Claude Raynal , président . - Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Défense ».

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Plus nous avançons, moins c'est clair, puisque l'Assemblée nationale, au détour d'un amendement, a adopté un amendement prévoyant 2,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement pour réaliser des travaux de rénovation et la création de 15 000 logements pour l'hébergement des militaires dans le cadre d'un partenariat public privé (PPP) qui nous emmène à 2056 - c'est Noël tous les jours, avec une trêve pour les successeurs des successeurs. Aux dernières nouvelles, les avions de l'armée française livrés à nos partenaires croates pourraient peut-être être remplacés, mais la ministre ne veut pas l'annoncer parce que le contrat n'est pas encore signé.

Si nous votons les crédits, nous nous renierons, puisque le Gouvernement aurait dû nous soumettre une loi de programmation militaire rectifiée, mais même temps, il respecte la trajectoire. Je propose donc de nous en remettre à la sagesse du Sénat.

La commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission « Défense ».

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Réunie enfin le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission et d'adopter, sans modification, l'article 42 quinquies .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

État-major de l'armée de terre (EMAT)

- Général d'armée Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de terre.

État-major de la marine (EMM)

- Vice-amiral d'escadre Stanislas GOURLEZ de LA MOTTE, major général de la marine.

État-major des armées (EMA)

- Général de corps d'armée Vincent PONS, sous-chef d'état-major Plans.

État-major de l'armée de l'air et de l'espace (EMAAE)

- Général Frédéric PARISOT, major général de l'armée de l'air ;

- Colonel Philippe SUHR, chef du bureau Finances.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html


* 1 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 2 Cette révision est également liée à l'incapacité de l'industriel à assurer l'ensemble des livraisons prévues d'ici 2025.

* 3 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 4 Ministère des armées, Actualisation stratégique 2021.

* 5 Dans le contexte des attentats de Paris.

* 6 Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, avis n° 473 (2017-2018) de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 mai 2018.

* 7 Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 697 (2020-2021) - 16 juin 2021.

* 8 Voir à ce sujet le rapport d'information de M. Dominique de LEGGE, fait au nom de la commission des finances n° 652 (2018-2019) - 10 juillet 2019.

* 9 Cette révision est également liée à l'industriel à assurer l'ensemble des livraisons prévues d'ici 2025.

* 10 Armement air sol nucléaire de 4 ème génération.

* 11 Système de combat aérien futur.

* 12 Lois de finances rectificatives n° 2018-1104 du 10 décembre 2018, n°2019-1270 du 2 décembre 2019 et n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 intégralement gagée par des annulations sur la mission « Défense » (P144, P212 et P146).

* 13 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Le montant de 80 millions d'euros n'intègre pas l'application intégrale en 2022 du volet qualité. L'application intégrale de la loi au 2 e semestre 2022 après un semestre de montée en puissance (Révision des procédures d'acquisition), est prévue.

* 14 Australie, Grande-Bretagne, États-Unis.

* 15 Les données sur les dépenses militaires du Stockholm International Peace Research Institute sont dérivées de la définition de l'OTAN qui englobe toutes les dépenses courantes et en capital pour les forces armées, notamment les forces du maintien de la paix, les ministères de la défense et autres agences gouvernementales participant à des projets de défense, les forces paramilitaires si elles sont jugées comme étant formées et équipées pour assurer des opérations militaires et les activités dans l'espace militaire. De telles dépenses comprennent les dépenses engagées pour le personnel civil et militaire, notamment les pensions de retraite du personnel militaire et les services sociaux pour le personnel, l'exploitation et la maintenance, l'approvisionnement, la recherche et le développement et l'aide militaire (dans les dépenses militaires du pays donateur). Sont exclues de ces dépenses, la défense civile et les dépenses attribuables à des activités militaires précédentes, telles que les prestations des vétérans, la démobilisation, la conversion et la destruction d'armes.

* 16 Ibid.

* 17 Enquête sociale « Accompagnement de l'aviateur et de sa famille », décembre 2020, Observatoire social de l'armée de l'air et de l'espace.

* 18 Effectifs moyens réalisés en équivalent temps plein travaillé. Pour 2021 et 2022, effectifs moyens réalisés prévisionnels. Périmètre du plafond ministériel des emplois autorisés (PMEA).

* 19 Rapport d'information de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances n° 652 (2018-2019) - 10 juillet 2019.

* 20 Prévue par le décret n° 2019-470 du 20 mai 2019 relatif à la prime de lien au service attribuée aux militaires.

* 21 Rapport d'information de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances n° 652 (2018-2019) - 10 juillet 2019 : Améliorer la condition militaire : une nécessité stratégique, opérationnelle et humaine.

* 22 Ibid.

* 23 Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

* 24 Décret n° 2018-277 du 18 avril 2018 fixant les attributions de la direction de la maintenance aéronautique.

* 25 À compter de 2021, l'agrégat inclut le Jaguar, en sus de l'AMX-10 RC.

* 26 À compter de 2020, l'agrégat inclut le Griffon, en sus du VAB.

* 27 PAP 2022.

* 28 Moyens aériens dédiés au recueil du renseignement.

* 29 Décret n° 2021-166 du 16 février 2021 étendant le bénéfice du complément de traitement indiciaire à certains agents publics en application de l'article 48 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

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