EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 10 mai 2023, sous la présidence de M. Pascal Allizard, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Gisèle Jourda sur le projet de loi n° 371 (2022-2023) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur l'octroi de l'autorisation d'exercer une activité professionnelle aux personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, signé à Paris le 7 septembre 2021, et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique socialiste de Sri Lanka relatif à l'autorisation d'exercice d'une activité professionnelle salariée par les membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, signé à Paris le 23 février 2022.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice. - Ce type de projet de loi est régulièrement examiné par notre commission qui a autorisé l'approbation de dix-huit accords similaires depuis 2018.

Pour mémoire, le Quai d'Orsay a entrepris une modernisation du cadre d'expatriation de ses agents afin de favoriser leur mobilité géographique. Pour ce faire, le ministère a tenu compte du souhait croissant des familles de ses personnels - en particulier les conjoints et les partenaires d'un pacte civil de solidarité (Pacs) - d'occuper un emploi dans le pays d'affectation. En effet, la possibilité de poursuivre sa carrière professionnelle est un facteur déterminant dans la décision d'expatriation, car, aujourd'hui, un changement de lieu de résidence est souvent vécu comme une contrainte.

Si des facilités existent au sein de l'Espace économique européen (EEE) en vertu du principe de libre circulation des travailleurs, tel n'est pas le cas dans la plupart des pays situés hors des frontières de l'Union européenne. En 2015, le Quai d'Orsay a donc engagé des négociations visant à tripler le nombre d'accords bilatéraux permettant aux conjoints des agents diplomatiques et consulaires d'avoir accès au marché du travail local, sans préjudice de leur statut et de certaines immunités qui leur sont accordées à ce titre. L'activité professionnelle peut être exercée au sein d'une entreprise privée ou d'une structure française sous tutelle du ministère - à savoir une ambassade, un consulat, un établissement relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), une Alliance française ou un Institut français.

Au total, quelque 3 000 familles d'agents publics pourraient bénéficier de ce dispositif, majoritairement des conjoints d'agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, auxquels s'ajoutent les conjoints d'agents issus d'autres administrations telles que le ministère des armées et le ministère chargé de l'économie et des finances.

Les présents accords ont pour objet d'autoriser, sur la base de la réciprocité, les membres des familles des diplomates français, sénégalais et sri lankais à occuper un emploi durant leur affectation sur le territoire de l'autre partie. Cela participera d'une meilleure conciliation de leurs vies professionnelle et personnelle.

Les deux accords s'appliqueront en premier lieu au conjoint de l'agent ayant obtenu un titre de séjour spécial délivré par le protocole du pays d'accueil - je souligne à cet égard que ni le Sénégal ni le Sri Lanka ne reconnaît les Pacs et les mariages entre personnes du même sexe. Ces accords s'appliqueront également aux enfants célibataires âgés de moins de 21 ans et vivant à la charge de leurs parents.

Les bénéficiaires d'une autorisation de travail devront naturellement se conformer à la législation sociale de l'État d'accueil, y compris s'ils exercent une profession réglementée. Il leur sera interdit de poursuivre l'exercice de leur emploi après la fin de la mission officielle de l'agent de leur famille, ou lorsqu'ils cesseront d'avoir la qualité de membre de la famille. En outre, une nouvelle demande devra être établie en cas de changement d'activité professionnelle ou d'employeur.

Enfin, les immunités de juridiction civile, administrative et d'exécution cesseront de s'appliquer pour les personnes concernées dans le cadre de leur nouvelle activité professionnelle, à la différence de l'immunité de juridiction pénale qui, en cas de délit grave commis dans le cadre de l'emploi salarié, pourra néanmoins faire l'objet d'une demande de renonciation écrite par l'État accréditaire. Ces immunités sont importantes, car elles protègent nos diplomates de toute pression qui pourrait être exercée sur eux par l'intermédiaire de leur famille, en particulier dans un pays sensible.

D'après le Quai d'Orsay, l'accord franco-sénégalais pourrait bénéficier à environ 70 conjoints d'agents français et à près de 30 conjoints d'agents sénégalais. Quant à l'accord franco-sri lankais, il pourrait concerner une quinzaine de conjoints français et une dizaine de conjoints sri lankais.

Au Sénégal, le marché de l'emploi demeure très saturé. Les conjoints d'agents peuvent toutefois prétendre à des emplois au sein des organisations internationales représentées à Dakar, du réseau culturel et éducatif français, ou des entreprises françaises présentes sur place. Pour sa part, le Sri Lanka est actuellement en défaut de paiement sur sa dette extérieure ; cette forte récession limite les opportunités d'emploi sur place. La France, en tant que coordinateur du Club de Paris, a facilité le dialogue entre le pays et le Fonds monétaire international (FMI) afin d'aider le Sri Lanka à sortir de cette situation. Malgré tout, le tourisme continue son développement et attire chaque année jusqu'à 100 000 Français ; ce secteur économique pourrait donc constituer un débouché pour les conjoints français qui, pour trois d'entre eux, ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt pour le dispositif.

Bien que le nombre de personnes concernées soit relativement modeste, ce type d'accords est important pour nos concitoyens expatriés dans la mesure où leur conjoint - majoritairement des femmes - met leur vie professionnelle entre parenthèses pour les accompagner à l'étranger. Ces instruments, juridiquement contraignants, leur permettent ainsi de poursuivre leur carrière et d'apporter de nouvelles compétences aux pays d'accueil ; il est donc essentiel d'élargir le tissu conventionnel à l'ensemble des États où notre diplomatie est présente.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi. Son examen en séance publique est prévu le mercredi 24 mai selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapportrice, a souscrit.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je remercie Gisèle Jourda pour son travail. Certes, le nombre de personnes concernées est modeste, mais nos instituts et nos écoles à l'étranger font face à des besoins croissants de personnes en mesure d'enseigner notre langue. Dès lors, il nous revient de permettre aux conjoints - principalement des femmes - de travailler durant leur expatriation. Cela participe de notre influence à l'étranger.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice. - En effet, ces accords revêtent une grande importance, car ils contribuent à notre rayonnement à l'étranger. En outre, ils confortent la place de nos concitoyens sur place, qui représentent l'image de la France.

Par ailleurs, nous devons être extrêmement attentifs au sort réservé aux femmes, tant au Sri Lanka qu'au Sénégal. Au Sénégal, notre ambassadeur m'a fait part d'une reprise de l'excision des jeunes femmes aux frontières avec le Mali et la Guinée-Bissau.

Enfin, le rôle de la France est extrêmement apprécié au Sri Lanka qui traverse une grave crise économique. Notre ambassade y a encore gagné en crédibilité.

Le projet de loi est adopté, à l'unanimité, sans modification.