AVANT-PROPOS

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté le 7 juin 2023 la proposition de loi de Catherine Conconne visant à assurer la pérennité des établissements cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer. Elle a pour objet de préserver l'équilibre économique des exploitants en outre-mer en régulant leur relation avec les distributeurs.

La situation de ces établissements est en effet particulière, avec des charges d'exploitation plus élevées en raison du coût de la vie et de normes de construction différentes. Afin d'en tenir compte, jusqu'à une date récente, la répartition du prix du billet entre l'exploitant et le distributeur - qui rémunère les ayants droit - était plus favorable aux exploitants qu'en métropole. L'échec des négociations menées à l'automne 2022 sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a cependant conduit les distributeurs à revendiquer un alignement des pratiques sur la métropole, ce qui conduirait, selon les auteurs de la proposition de loi, à fragiliser l'exploitation cinématographique en outre-mer et priver leurs habitants de l'accès aux oeuvres cinématographiques.

Tout en déplorant l'échec des négociations, la commission a choisi de soutenir cette initiative, qui permet de maintenir les intérêts des distributeurs, voire de les améliorer par rapport à la situation antérieure, tout en préservant l'équilibre des salles ultramarines.

I. L'EXPLOITATION CINÉMATOGRAPHIQUE EN OUTRE-MER

A. OÙ VA LE PRIX D'UN BILLET DE CINÉMA ?

La création et la diffusion d'un film impliquent la collaboration des trois acteurs principaux.

Ø Le producteur est à l'origine du film. Il réunit les financements auprès des pouvoirs publics, des diffuseurs et des investisseurs, travaille avec le réalisateur et est responsable de l'achèvement de l'oeuvre.

Ø Le distributeur définit le potentiel des films, en acquiert les droits auprès des producteurs et se charge de les commercialiser : édition des oeuvres, marketing, promotion et diffusion.

Ø L'exploitant est responsable de la programmation de sa ou de ses salles, en lien avec le distributeur. Il est également le premier à percevoir les recettes sur les oeuvres et à assurer leur « remontée » vers les distributeurs et producteurs.

La répartition entre ces différentes parties du prix payé par le spectateur qui accède à une salle de cinéma fait l'objet d'un encadrement législatif fixé par la section 2 « Concession des droits de représentation cinématographique » du chapitre III du code du cinéma et de l'image animée (articles 213-9 à 213-13).

La recette aux guichets des salles de cinéma est tout d'abord assujettie à deux taxes :

· la TVA à taux réduit (5,5 %) ;

· la taxe sur le prix des entrées aux séances, parfois évoquée sous le nom de « taxe spéciale additionnelle » (TSA) qui alimente le fonds de soutien du CNC (10,72 %).

Déduction faite de ces taxes, la recette (appelée « base film ») est partagée entre la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), l'exploitant et le distributeur, charge à ce dernier d'assurer la rémunération du producteur, selon les stipulations contractuelles passées entre eux.

Conformément à un accord passé avec la Fédération nationale des cinémas français, la Sacem perçoit un taux de 1,515 % de la base film lorsque l'exploitant est adhérent, et 2,02 % dans le cas contraire.

Le partage entre exploitant et distributeur se fait en fonction d'un « taux de location » qui doit revenir au distributeur. La rémunération est calculée en multipliant ce taux de location par la « base film ». Il est négocié oeuvre par oeuvre et exploitant par exploitant.

L'article L. 213-11 du code du cinéma et de l'image animée encadre cependant ce taux entre 25 % et 50 %. Symétriquement, la part qui revient à l'exploitant est donc comprise entre 75 % et 50 %.

En 2021, le taux moyen de location s'établit à 47,1 % (46,4 % en 2020).

Répartition de la recette « salle » en 2021

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