B. LES REGISTRES : UN POTENTIEL SOUS-EXPLOITÉ

1. Une connaissance des cas de cancers encore limitée dans son exactitude

D'abord, le panorama actuel fourni par les registres ne permet pas de dénombrer ni de localiser exactement les cas de cancer en France, seulement de les estimer. Lorsque Santé publique France indique que le nombre total de nouveaux cas de cancer est estimé à 382 000 en 2018, il ne fait qu'extrapoler à partir des données issues des registres existants.

La part de la population couverte par les registres généraux non spécialisés est estimée à 22 %.

Ensuite, la population couverte par l'activité des registres présente quelques biais : elle est en moyenne plus rurale, relativement plus âgée, légèrement plus favorisée, et les personnes d'origine étrangère y sont moins nombreuses que dans le reste de la population. Or la moindre représentation des zones urbaines conduit à une moindre représentation des zones susceptibles de connaître de fortes expositions à des pollutions environnementales, ou à des sources d'expositions multiples.

Élargir la couverture du territoire en registres de mortalité, surtout dans les zones sensibles, faisait déjà partie des recommandations des deux commissions d'enquête sénatoriales sur les risques industriels et sur la pollution des sols de juin et septembre 2020.

La stratégie décennale de lutte contre le cancer n'y fait droit que timidement, en proposant la création de deux nouveaux registres, l'un dans une zone défavorisée, telle la Seine-Saint-Denis, l'autre dans une zone où sont situées des installations Seveso.

2. Une exploitation des données des registres encore sous-optimale

Les données des registres sont suffisamment homogènes pour être utilisables pour de nombreux projets de recherche. Elles sont transmises aux équipes internationales qui en font la demande, et exploitées de longue date par le réseau européen des registres des cancers, le centre international de recherche sur le cancer de l'OMS ou encore le programme londonien CONCORD de surveillance de la survie liée au cancer.

Elles présentent toutefois, au regard des principes fondamentaux issus du règlement européen sur la protection des données, des caractéristiques particulières qui freinent leur croisement avec d'autres, médico-administratives ou issues des certificats de décès, puisqu'elles sont par hypothèse très larges, directement nominatives, et sont conservées pour une durée qui peut être celle de la conservation des dossiers médicaux.

Il en découle une difficulté récurrente à faire droit aux demandes du personnel des registres de faciliter l'alimentation en routine de leur bases, avec les données des certificats de décès ou du système national des données de santé, par exemple. L'usage du NIR, ou numéro de sécurité sociale, permettrait d'y remédier mais le décret d'avril 2019 exclut le personnel des registres, des professionnels qui peuvent l'utiliser en tant qu'identifiant de santé.

Enfin, le travail des registres pourrait être mieux valorisé à l'échelle européenne. Un maillage plus fin du territoire permettrait de faciliter la réalisation d'essais thérapeutique sur des populations élargies de patients atteints de cancers rares, de fiabiliser les études en vie réelle, d'assurer une fonction de veille sanitaire sur un périmètre plus vaste, ou encore d'affiner l'analyse des disparités géographiques ou sociales. Pour l'heure, la France affiche un certain retard sur ses voisins en termes de couverture de son territoire par des registres des cancers, comme en témoigne l'évolution de la carte du réseau européen des registres des cancers ci-dessous.

 
 

Source : European network of cancer registries, infographie Le Monde, dans son numéro du 22 janvier 2019

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