EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 juin 2023, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de Mme Nadia Sollogoub, rapporteur, sur la proposition de loi n° 546 (2022-2023) visant à mettre en place un registre national des cancers.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers, déposée par notre collègue Sonia de La Provôté et plusieurs de ses collègues.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - Le cancer est, en France, la première cause de décès chez l'homme, et la deuxième chez la femme. Or, paradoxalement, nous ne connaissons pas exactement les grands indicateurs de prévalence, d'incidence, de mortalité ou de survie du cancer dans notre pays ni pour 2022, ni pour 2020, ni même pour 2019.

En effet, nous ne disposons que d'une estimation pour l'année 2018. Il n'existe certes aucune raison de douter de sa fiabilité, mais, compte tenu des avancées de la science, on ne peut que s'étonner que les scientifiques aient tant tardé à mettre leur goût pour la précision au service de la connaissance de ce qui tue les humains.

Ce que l'on sait précisément des cas de cancers repose sur les registres des cancers. Il s'agit là d'un mode de recueil, à visée exhaustive, des données individuelles nominatives dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique. Il en existe une bonne trentaine, qui ont été créés à l'initiative d'unités de recherche locales depuis les années 1970. La collecte des données se fait presque toujours à l'échelle du département ; elle porte dans les deux tiers des cas sur tous les types de cancer, et pour le tiers restant sur un type particulier - ainsi, des cancers digestifs dans le Calvados, des tumeurs du système nerveux en Gironde ou des cancers thyroïdiens dans le Rhône.

Le décompte exhaustif des cas de cancer requiert de croiser patiemment de nombreuses sources d'information : hôpitaux privés et publics, laboratoires d'analyse médicale, laboratoires d'anatomie pathologique, de biologie moléculaire, données de l'imagerie médicale, registre des décès, etc. Ce travail exige du temps et des compétences spécifiques pour éviter les doublons et garantir son exactitude.

Il en découle une certaine lenteur dans la remontée des résultats, des difficultés à intégrer de nouvelles variables et un relatif manque d'homogénéité entre les registres, qui peut poser des problèmes de croisement avec d'autres sources de données, médico-administratives ou de mortalité par exemple.

Cette complexité n'est pas amoindrie par les modalités de gouvernance et de financement du système. La base commune des registres, qui sont regroupés depuis 1995 au sein du réseau Francim, est hébergée par le service de biostatistique des Hospices civils de Lyon et gérée conjointement par l'Institut national du cancer (INCa) et Santé publique France, qui sont aussi les principaux financeurs des registres, à hauteur des deux tiers de leur budget. Ce financement, garanti sur une base quinquennale, ne semble pas menacé, mais il est minimal et, surtout, il est stable depuis presque quinze ans alors que les cas de cancer augmentent. Enfin, la direction générale de la santé et celle de la recherche et de l'innovation copilotent un comité stratégique auquel participent également l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'INCa, la direction générale de l'offre de soins (DGOS), Santé publique France et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de sorte qu'il reste difficile d'identifier une vision d'ensemble bien définie.

Autre difficulté, les registres généraux non spécialisés ne couvrent que 22 % de la population. Certes, les extrapolations sont parfaitement exploitables pour établir de grands indicateurs, mais une telle restriction freine la connaissance fine de certains phénomènes.

En effet, d'une part, la population couverte par l'activité des registres présente certains biais : elle est en moyenne plus rurale, relativement plus âgée, légèrement plus favorisée et les personnes d'origine étrangère y sont moins nombreuses que dans le reste de la population. D'autre part, l'impact de l'environnement sur la santé est moins bien mesuré.

En tant qu'ancienne maire d'une commune distante de deux kilomètres d'une centrale nucléaire, je ne peux que m'associer à l'inquiétude des associations et des scientifiques, qui souhaiteraient que le maillage du territoire en registres corresponde davantage à la carte des sites sensibles. Le Sénat a d'ailleurs eu l'occasion de recommander la création de nouveaux registres dans certaines zones spécifiques, dans le cadre de la commission d'enquête sur la catastrophe de Lubrizol, corapportée par Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy, et de celle sur la pollution des sols, rapportée par Gisèle Jourda.

Les appels à multiplier les registres sont désormais nombreux de la part des associations, des scientifiques et de l'administration. Le rapport Bégaud-Polton-von Lennep préconisait déjà en 2017 de constituer des registres nationaux en cancérologie pour certaines molécules, afin de donner tout leur potentiel aux données en vie réelle.

En 2020, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) relevait, dans son rapport d'évaluation du troisième plan Cancer, que « des données à une échelle géographique plus fine sont nécessaires, particulièrement lors du repérage de cluster ».

En 2021, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), mandaté par la direction générale de la santé (DGS), plaidait pour une meilleure homogénéisation des données et pour la création d'un dispositif national de détection des signaux faibles.

Enfin, la même année, l'Académie nationale de médecine a clairement recommandé la création d'un registre national des cancers, accompagné d'un mécanisme de déclaration obligatoire de la maladie, afin d'accélérer les remontées d'informations nécessaires à l'exercice d'une mission de surveillance sanitaire élargie.

Depuis lors, la stratégie décennale de lutte contre le cancer s'est limitée à prévoir la création de deux nouveaux registres : l'un dans une zone défavorisée, l'autre dans une zone abritant des sites Seveso. Il s'agissait là d'une préconisation figurant dans le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2020. Or, dans ce même rapport, les inspecteurs relevaient aussi que, dans les pays voisins, y compris les plus grands comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne, l'objectif d'une couverture nationale prévalait parfois depuis longtemps, soit depuis dix ans en Allemagne.

L'Union européenne s'est dotée en février 2021 d'un plan européen de lutte contre le cancer, ardemment soutenu l'an dernier sous la présidence française du Conseil. Une couverture élargie de notre territoire faciliterait à cette échelle la conduite d'essais thérapeutiques relatifs aux formes rares de la maladie. Elle agrandirait le spectre de la veille sanitaire et permettrait d'affiner l'étude de certaines disparités géographiques et sociales.

La proposition de loi de notre collègue Sonia de La Provôté arrive donc à point nommé pour rattraper notre retard en créant par son article unique un registre national des cancers, dont la mise en oeuvre serait confiée à l'Institut national du cancer. J'y suis tout à fait favorable, sous réserve de légères modifications.

Quoique souhaitée par de nombreux acteurs de la santé, une telle proposition est accueillie avec tiédeur par l'INCa, pour deux raisons que je crois surmontables.

La première repose sur l'idée que l'existant suffit et que le bénéfice attendu d'un registre national est faible. Il me semble que cela est inexact. Les données médico-administratives, certes larges et nationales, quand bien même elles seraient mises en réseau par Francim, appariées dans un hub ou exploitées par l'intelligence artificielle, comme prévoit de le faire l'INCa sur sa plateforme en cours de constitution, ne remplaceront jamais un recensement exhaustif et bien contextualisé des cas de cancer, réalisé par un registre.

La seconde raison avancée par l'INCa est financière. Certes, il faut des moyens pour faire fonctionner les registres, mais les économies d'échelle viendront surtout de la création d'un registre national dont les remontées d'informations seraient pilotées par un gestionnaire mieux identifié et disposant d'un accès permanent au système national des données de santé (SNDS), lequel permettra une alimentation « en routine » de certaines informations basiques, donc un allègement de la charge de travail du personnel des registres.

Ensuite, le coût d'un tel chantier est à mettre en regard des améliorations attendues en matière de santé publique et des économies considérables qui devraient en découler.

Enfin, quel que soit l'effort à inscrire dans la prochaine loi de finances, qui pourrait en contester la pertinence, dès lors qu'il s'agit de combattre une maladie dont l'incidence, depuis 1990, a augmenté de 65 % chez les hommes et de 93 % chez les femmes, hausse qui, pour 6 % des cas masculins et 45 % des cas féminins, n'est pas attribuable à la démographie ?

Ce texte ne réglera certes pas tout. Il restera à clarifier par voie réglementaire l'accès à certaines données que le personnel des registres devra obtenir automatiquement - les certificats de décès, par exemple - et à concevoir un mécanisme de remontée d'informations efficace pour pouvoir alimenter le registre dans les meilleurs délais. En outre une forme de déclaration obligatoire faciliterait grandement la tâche de l'INCa, mais ce texte ayant été déposé dans un espace réservé, j'ai manqué de temps pour en préciser le dispositif.

Aussi, je vous proposerai simplement de clarifier la rédaction de la base légale prévue pour le registre national, de préciser ses finalités et d'autoriser l'INCa à labelliser d'autres unités de recherche et à héberger les données des registres existants dans cette perspective. Un décret en Conseil d'État préciserait le rôle des entités de recherche - qui ne disparaîtraient pas, bien évidemment - dans la remontée d'informations et les modalités d'appariement avec d'autres jeux de données de santé. La mise à disposition de ces données auprès de Santé publique France, notamment, serait rendue explicite pour que l'agence puisse exercer ses missions de veille et d'alerte sanitaire.

Je souhaite que nous puissions, dans la suite de la discussion, consolider ensemble le dispositif pour rendre plus efficace encore la politique de lutte contre le cancer que l'INCa conduit avec succès depuis sa création.

Je tiens à saluer notre collègue Sonia de La Provôté, auteure de cette proposition de loi, dont l'unique objet est de faire monter en puissance les politiques de lutte contre le cancer en les dotant d'un outil optimal.

Enfin, en tant que rapporteur, il me revient de vous proposer un périmètre au titre de l'article 45 de la Constitution. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives aux outils épidémiologiques dans le domaine de la cancérologie. En revanche, les amendements relatifs aux autres composantes de la politique sanitaire ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé.

Il en est ainsi décidé.

Mme Catherine Deroche, présidente. - La commission a lancé une mission d'information sur les données de santé. L'idée d'un registre national est soutenue par les associations ainsi que par de nombreux collègues ; néanmoins, l'avis de l'INCa est très peu favorable.

Mme Sonia de La Provôté, auteure de la proposition de loi. - L'avis défavorable de l'INCa ressort comme un ovni dans l'ensemble des avis positifs rendus par ceux qui interviennent dans le traitement des cancers. Des raisons financières le justifieraient. En outre, plane l'idée que l'intelligence artificielle ferait l'effet d'un miracle qui permettrait d'obtenir des données de qualité égale à celles qui sont produites par les registres.

J'ai été membre du registre des tumeurs digestives du Calvados et, en plus d'être médecin, j'ai un diplôme en épidémiologie et statistiques médicales. Ma thèse a porté sur la relation entre les cancers digestifs et l'exposition professionnelle à l'amiante : je disposais pour mener mes travaux d'une cohorte professionnelle et du registre des tumeurs digestives, de sorte que j'ai pu croiser les données et mettre en évidence une relation dose-effet, ce qui a fait grand bruit à l'époque : on a renforcé le dépistage sur les cohortes concernées, en matière d'exposition. Rien de tout cela n'aurait été possible si je n'avais pas eu les données fiables et précises du registre.

En effet, dès lors que l'on veut mener des analyses plus fines, pour des cancers émergents dont les signaux sont encore faibles, seules des données fiabilisées, propres et exhaustives sont utiles.

Les nouvelles thérapeutiques pour traiter les cancers se multiplient, mais sont très coûteuses, de sorte que l'on procède par autorisations temporaires d'accès aux médicaments. Or, là encore, seules des données précises permettent d'accélérer les délais, ce qui a un effet considérable en matière d'économies de santé.

Enfin, sans observation en temps réel de l'évolution des cancers dans les territoires, il est impossible de mettre en place une prévention.

En matière de prévention, la France a été un pays moteur, elle a mis en place des politiques publiques de dépistage des cancers. La qualité et la fiabilité de ces tests sont le vrai sujet. Pour cela, il faut connaître le « cancer inter-tests » ; sans lui, on ne peut pas lancer une campagne de dépistage efficace.

Je comprends la question financière ; ce n'est pas rien de vouloir de mettre en place un registre national des cancers. Nous disposons de beaucoup de données numériques de santé par le biais de la sécurité sociale, du SNDS, des prises en charge thérapeutiques dans les hôpitaux ou les cliniques privées, qui ont d'ailleurs la tentation de les conserver pour elles. Nous arrivons à un moment où ces données numériques doivent être recueillies et confrontées, afin de disposer d'un registre national à la hauteur des attentes au niveau européen et même dans le monde.

Dans le domaine des politiques de santé publique, il importe de disposer d'un outil de prise en charge du cancer, de dépistage et d'accompagnement. Au moment où l'argent de la santé est manifestement précieux, où chaque année on cherche comment réduire « à l'os » les ambitions de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le coût d'un tel outil s'avère dérisoire au regard des économies qu'il ne manquera pas d'entraîner.

Mme Florence Lassarade. - Le rapporteur a déjà répondu à la plupart de mes questions ! Dans le cadre du travail réalisé avec Bernard Jomier sur la santé environnementale, nous manquions en effet de données sur les registres du cancer.

Mme Annie Le Houerou. - Dans l'attente des conclusions de notre mission d'information sur les données de santé, je m'interroge sur l'opportunité de cette proposition de loi alors qu'il existe déjà, dans ce domaine, beaucoup de données et d'outils. Nous avons surtout, en France, un problème de coordination entre les différents organismes qui détiennent ces données.

L'opportunité d'un registre national s'entend parfaitement du point de vue de la recherche et de la prévention, mais je m'interroge sur la temporalité et la nature de l'outil. Nous avons, en tout cas, besoin d'outils rigoureux permettant d'avancer sur le cancer et aussi sur les maladies chroniques.

M. Philippe Mouiller. - Je salue le travail de l'auteure et du rapporteur du texte. Nous partageons les arguments présentés quant à la pertinence de l'outil.

Ma question porte sur les modalités de mise en place du registre. Je m'interroge notamment sur la coordination avec l'INCa. À cet égard, il est naturel que, sur ces questions de financement, l'Institut exprime ses réticences. Lors des auditions menées dans le cadre de la mission d'information sur les données de santé, nous avons bien compris que la création d'un stock national de données rencontrait de multiples difficultés.

Des questions se posent notamment sur la nature de la donnée, sur la manière dont elle est fabriquée. Un registre national entraîne une programmation particulière, parfois difficilement exploitable par les opérateurs sur le territoire, car ce ne sont pas les mêmes acteurs. Dans le monde de la donnée de santé, les acteurs sont multiples et manquent de coordination. Chaque équipe de recherche veut exploiter ses propres données. Sans remettre en cause la pertinence du registre, il convient de régler la question des modalités d'application, de conformité et de cohérence sur le territoire national.

M. Alain Milon. - J'adhère totalement à la nécessité de mettre en place un registre national. Cependant, je comprends que cette proposition de loi puisse vexer l'INCa. J'ai interrogé, à titre personnel, l'un de ses membres, qui m'a confié que c'est une mauvaise idée, très coûteuse, qui entraînerait un bénéfice minuscule. En plus des registres régionaux, l'INCa reçoit les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et du SNDS. L'exhaustivité est donc quasi complète pour l'INCa sur le sujet. Pour les enfants, les données sur les tumeurs cérébrales et pleuropulmonaires sont déjà exhaustives.

Ce qui manque à l'INCa est inscrit dans sa stratégie décennale, à savoir un registre en zones denses - notamment en région parisienne - et un autre en zones polluées, dont les déterminations sont en cours. À l'exception de ces deux points, l'INCa considère qu'elle fait le travail et que la mise en place d'une proposition de loi n'est pas utile.

Mme Annie Delmont-Koropoulis. - J'ai assisté aux auditions des membres de l'INCa et j'ai trouvé que leurs réponses, concernant la mise en place du registre national, étaient à géométrie variable ; c'est dommage, car ce registre est nécessaire pour l'innovation et la recherche en santé.

Mme Raymonde Poncet Monge. - L'argument principal de l'INCa relève de l'économie de la santé, et non de la santé publique. Les membres de l'Institut jugent le coût supplémentaire par rapport aux bénéfices, et ne s'intéressent pas aux besoins des épidémiologistes, notamment pour s'inscrire dans le plan européen de lutte contre le cancer.

Les registres territoriaux sont exhaustifs. Si le territoire s'élargit à la France, alors cela devient un registre national populationnel. On s'inquiète du suivi des populations immigrées ; la région d'Île-de-France n'étant pas prise en compte, les données de cette catégorie populationnelle ne sont pas disponibles. On constate également des clusters de pollution, dus notamment à des implantations industrielles, avec des cancers professionnels qui auraient pu être recensés. Il convient donc d'étendre le dispositif à la France afin de pouvoir enregistrer, sans devoir attendre plusieurs années, les alertes concernant des facteurs environnementaux ou socioprofessionnels.

L'INCa reste porteur du dispositif. Alors que la population des personnes souffrant de cancer augmente, les moyens stagnent. Avec tous les registres à disposition, les moyens seront-ils suffisants ? C'est un problème d'économie de santé. Si l'on peut prévenir des cancers et faire des économies par le biais de la prévention et des politiques publiques, le retour sur investissement, aussi bien sur le plan humain que financier, sera conséquent. Par ailleurs, un registre national populationnel obligera à une harmonisation des différents registres qui ne fonctionnent ni avec les mêmes méthodes ni avec les mêmes outils.

M. René-Paul Savary. - J'émets quelques réserves concernant l'approche. On raisonne à partir d'une pathologie, alors que l'exploitation des données me semble plus pertinente en raisonnant à partir du patient. Les personnes souffrent, le plus souvent, de polypathologies, et non seulement d'un cancer. Par ailleurs, on ne vit pas toute sa vie sur le même territoire. Je ne suis donc pas convaincu par les approches à partir d'un territoire ou d'une pathologie. Je suis davantage favorable, dans un premier temps, au recueil des données de santé par le canal du SNDS ou du Health Data Hub ; on pourra ensuite extrapoler si les données sont fiabilisées et bien exploitées.

Mme Catherine Procaccia. - Le registre des cancers pédiatriques va-t-il disparaître, ou bien se fondra-t-il dans le registre national ? Il y a vingt-cinq ans, ce registre des cancers pédiatriques n'existait pas dans ma commune. Nous avions alors travaillé avec l'Institut de veille sanitaire (InVS). J'ai connu la même chose avec les cancers de la prostate aux Antilles, où l'existence d'un registre ne tenait que par la volonté des médecins.

Je partage l'avis de René-Paul Savary sur la question de la géographie ; un registre strictement géographique peut poser problème. Par ailleurs, compte tenu des particularités de chaque cancer, un registre national est-il vraiment opportun ? Ne faudrait-il pas un registre national par type de cancer ?

Mme Laurence Cohen. - Ces données sont indispensables aux chercheurs. L'argument qui s'oppose à la création de ce registre national est uniquement financier. Au niveau de la commission des affaires sociales, notre seul souci doit être la santé publique. Pour exploiter des données, encore faut-il pouvoir en disposer. En conséquence, notre groupe soutient cette proposition de loi.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il faut collecter, et ensuite il faut pouvoir exploiter...

Mme Colette Mélot. - Lorsque j'ai cosigné la proposition de loi de Sonia de La Provôté, il existait des lacunes concernant l'utilisation des données de santé. En vous écoutant, on a surtout l'impression qu'il s'agit de querelles de chapelles. La question ne peut pas être économique ; si ce registre peut aider la recherche, alors il faut voter la proposition de loi.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - Ce qui importe à l'INCa, comme il nous l'a écrit, c'est la balance coût-efficacité. Le problème, aux yeux de l'Institut, est donc bien financier. À aucun moment, l'INCa ne précise que ce système entraînerait des effets secondaires négatifs. De notre côté, tout en reconnaissant le rôle important de l'INCa, nous n'avons aucune raison de nous autocensurer dans nos travaux. Cette proposition de loi n'a pas pour objectif de vexer l'INCa, mais de faire en sorte que tout le monde avance dans le même sens.

Madame Lassarade, vous avez constaté un manque de données en matière de santé environnementale. Si l'on élargit le dispositif à l'ensemble du territoire, la question ne se posera plus.

Pour répondre à Mme Le Houerou concernant la mission d'information, il est intéressant que ces deux démarches complémentaires soient menées en parallèle, et l'on attend avec intérêt votre rapport. Des sujets ont émergé lors des auditions, par exemple celui de l'accès au registre de décès ou celui de l'anonymisation des données. Comme cela nous a été souvent répété lors des auditions, l'objectif n'est pas de seulement collecter les données, encore faut-il qu'elles servent à quelque chose.

Monsieur Mouiller, le sujet des modalités de mise en place est complexe. Le registre propose la donnée la plus complète, avec de multiples sources et acteurs. Cet outil va permettre de clarifier les choses et de gagner en efficacité. Doit-on attendre que les choses soient de plus en plus complexes et que chacun fasse son registre dans son coin ? Ou bien, profitons-nous de cette opportunité pour lever les difficultés et installer un système harmonisé au niveau national ? L'outil me semble parfaitement adapté.

Madame Poncet Monge, vous avez évoqué des endroits très précis où des questions peuvent se poser, notamment au niveau environnemental. Le registre national permet également de rassurer les patients et de lever certaines interrogations. En livrant des informations claires et précises, il permettra de tordre le cou aux théories du complot et à toutes formes de dérives.

Monsieur Savary, le SNDS fournit une information plus ponctuelle, à un instant précis ; la vision longitudinale du parcours des patients s'obtiendra par le registre national. L'objectif de cette proposition de loi est bien d'apparier, à l'échelle nationale, les données des registres locaux et celles du SNDS pour avoir la vision la plus complète. Par ailleurs, le patient se déplaçant sur le territoire, on comprend bien l'intérêt d'un registre national pour être efficace.

Madame Procaccia, le registre national est le seul qui existe pour les cancers pédiatriques ; c'est un exemple à suivre. Des compétences existent déjà, il ne s'agit pas de les évacuer, mais de s'en inspirer. Aujourd'hui, chacun travaille dans son coin et perd beaucoup de temps. L'idée est de rendre plus fluide l'accès aux informations et aux financements.

En outre-mer, le registre existe par la seule volonté des médecins ; cela ne peut plus fonctionner ainsi.

Deux regards différents sont portés sur cette idée de registre : celui, très informé, des chercheurs et des scientifiques ; et celui du grand public. Pour ce dernier, il est évident que ce type de registre, où sont stockées et exploitées toutes les données de santé, existe déjà. Quand on explique que seulement 20 % de la population est couverte par un registre, les gens n'y croient pas.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Certains parmi nous connaissent les registres régionaux. Dans la région des Pays de la Loire, les données provenaient de deux départements : la Loire-Atlantique et la Vendée. On nous expliquait que ces données étaient purement statistiques. Avec ce registre, on monte en puissance.

Mme Sonia de La Provôté. - À la demande du professeur Guilhot, j'ai suivi toutes les auditions de l'Académie nationale de médecine, dont le rapport sur les données de santé date de 2021. J'avais déjà posé une question sur ce sujet à la ministre Agnès Buzyn, et sa réponse avait été assez floue. Le Health Data Hub, les données numériques ou l'intelligence artificielle sont des sujets passionnants ; certains s'y intéressent - il faut bien dire les choses - pour faire grossir leur portefeuille. Mettre en place un registre national d'utilité publique est aussi un moyen de protéger les données de santé en France.

Bien sûr, il y a d'autres pathologies que le cancer. Mais ce registre national des cancers est l'occasion de tester une forme de méthodologie qui pourra servir pour d'autres pathologies.

Les registres régionaux des cancers n'ont pas accès aux données du SNDS. Le registre national viendra pallier ce manque de coordination.

Concernant les sujets particuliers, l'intérêt d'un grand registre est de pouvoir effectuer des extractions. L'outil, sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), est à la fois rigoureux d'un point de vue scientifique et sécurisant sur le plan de l'intérêt public et de la protection des personnes.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - L'amendement COM-3 modifie l'article L. 1415-2 du code de la santé publique en précisant la base législative du registre national des cancers, ainsi que ses finalités.

Lors des auditions, il nous est apparu plus clair de préciser que le registre national des cancers était « populationnel » ; c'est le sens du sous-amendement COM-5. L'amendement COM-2 prévoit, quant à lui, de modifier l'intitulé du registre national des cancers car certains scientifiques pourraient penser l'on met en place une sous-catégorie de registre. Aussi, mon avis sur cet amendement est défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge. - L'INCa a indiqué que leurs registres départementaux étaient également populationnels, car exhaustifs. Il existe différents types de registres ; un registre peut être national sans être exhaustif et populationnel. L'intérêt, ici, est qu'il soit populationnel, à savoir qu'il embrasse toute la population française.

Le sous-amendement COM-5 est adopté. L'amendement COM-3, ainsi sous-amendé, est adopté.

L'amendement COM-2 est retiré.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - L'amendement COM-4 ajoute deux autres modifications : la première autorise l'INCa à labelliser des entités de recherche en cancérologie, afin d'encourager la constitution d'équipes de collecte de données ; la seconde l'autorise à développer et héberger des systèmes d'information dans les domaines de la cancérologie.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme SOLLOGOUB, rapporteur

3

Précision de l'objet et des finalités du registre national

Adopté

Mme PONCET MONGE

5

Qualification des données du registre en données populationnelles

Adopté

Mme PONCET MONGE

2

Qualification du registre national en registre populationnel

Retiré

Mme SOLLOGOUB, rapporteur

4

Labellisation d'entités de recherche et hébergement de systèmes d'information en cancérologie par l'INCa

Adopté

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