N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 4

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Rapporteurs spéciaux : MM. Michel CANÉVET et Raphaël DAUBET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

I. LA FRANCE DEMEURE L'UN DES PRINCIPAUX CONTRIBUTEURS À L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

A. TOUT EN SE MAINTENANT PARMI LES PREMIERS DONATEURS, LA FRANCE A REVU À LA BAISSE SA TRAJECTOIRE D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

La France occupe désormais la quatrième place parmi les pays donateurs pour ses contributions en valeur. En 2022, elle aura engagé 15,9 milliards d'euros au titre de l'aide publique au développement, soit 0,56 % de son revenu national brut (RNB) contre 0,33 % du RNB en moyenne pour les autres contributeurs.

Classement des pays donateurs d'aide publique
au développement en 2022 en fonction des montants engagés

(en milliards d'euros)

Source : document de politique transversale consacré à la politique d'aide au développement annexé au projet de loi de finances pour 2024

Les réunions du Conseil présidentiel du développement d'avril 2023 et du CICID de juin 2023 ont également acté le report de l'objectif de porter l'aide au développement de la France à 0,7 % du RNB de 2025 à 2030. La loi de programmation du 4 août 2021 avait, en effet, fixé 2025 comme année de réalisation de la cible de 0,7 % du RNB.

Comme les rapporteurs spéciaux l'avaient indiqué l'année dernière, le maintien d'un tel objectif était difficilement envisageable du fait de la progression mécanique du RNB. De plus, le contexte de remontée des taux d'intérêts au niveau mondial se traduit par un renchérissement pour l'État du coût des opérations de bonification des prêts accordés par les organismes concessionnels.

B. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT FAIT INTERVENIR UNE VARIÉTÉ D'ACTEURS

Une part très importante de l'aide publique au développement de la France est mise en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD) dont le volume d'activité - sur lequel seule une partie est comptabilisée comme de l'aide publique au développement au sens de l'OCDE - s'élève à 12 milliards d'euros en 2023.

Évolution de l'activité du groupe Agence française
de développement

(en millions d'euros - prévisions
pour l'année 2023)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses aux questionnaires budgétaires

Depuis le 1er janvier 2022, le groupe AFD intègre également l'agence Expertise France, dont l'activité est concentrée sur l'assistance technique.

En parallèle de l'Agence française de développement et de l'État, les collectivités locales participent de façon croissante à la politique d'aide publique au développement. Elles devraient avoir consacré 174 millions d'euros au financement de l'aide au développement en 2022, soit une augmentation de 38 % par rapport à l'année 2021. Cette forte hausse de l'APD des collectivités territoriales s'explique par l'augmentation des frais d'accueil des réfugiés.

II. UNE BAISSE CONJONCTURELLE DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2023, QUI NE REMET PAS EN CAUSE LE NIVEAU ÉLEVÉ DE L'APD

Par rapport à l'année 2023, où les autorisations d'engagement (AE) s'élevaient à 8 milliards d'euros et les crédits de paiement (CP) à 6,3 milliards d'euros, les crédits demandés pour 2024 présentent une légère baisse. En effet, les AE diminuent de 23,7 %, une fois corrigés de l'inflation hors tabac. Les CP diminuent également légèrement, de l'ordre de 2,4 % par rapport à 2023.

Toutefois, cette stabilisation conjoncturelle masque une hausse de certaines catégories de dépenses, notamment au sein des dispositifs de coopération bilatérale portés par les programmes 110 et 209.

Évolution des crédits de la mission aide publique au développement

(en millions d'euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution
en valeur

Variation en pourcentage

Variation corrigée de l'inflation

Programme/action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

110 - Aide économique et financière au développement

3 836,9

2 337,9

2 727,1

2 337,9

-1 109,8

0

-28,9 %

-

-30,7 %

-

365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

150

150

150

150

0

0

-

-

-

-

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

4 054,8

3 436

3 409,4

3 434,9

-645,4

-1,1

-15,9 %

-0,03 %

-18 %

-2,5 %

370 - Restitution des biens mal-acquis

-

-

6,1

6,1

-

-

-

-

-

-

Mission Aide publique au développement

8 041,7

5 923,9

6 297,6

5 928,9

-1 749,1

5

-21,7 %

0,1 %

-23,7 %

- 2,4 %

Note : la prévision d'inflation retenue correspond à la variation de l'indice des prix à la consommation hors tabac figurant au rapport social, économique et financier annexé au PLF pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

A. UNE BAISSE DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'AIDE MULTILATÉRALE DÉCOULANT DU CYCLE DE RECONSTITUTION DES FONDS INTERNATIONAUX COMPENSÉE EN PARTIE PAR LE RENCHÉRISSEMENT DU COÛT DES OPÉRATIONS DE BONIFICATIONS DES PRÊTS CONCESSIONNELS DE L'AFD

Sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement », les montants de crédits demandés diminuent de 1,1 milliard d'euros en AE, soit une baisse de 29 % par rapport à 2023, mais restent stables en CP avec un montant identique à celui demandé en 2023. La baisse des crédits en AE s'explique essentiellement par les cycles de refinancement des fonds internationaux.

Toutefois, le montant des autorisations d'engagement dédiées à la bonification des prêts de l'AFD augmente de 322 millions d'euros pour 2024.

Évolution du coût des opérations de bonifications
des prêts concessionnels de l'AFD

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Afin de permettre à l'AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires de l'aide au développement, l'État assume, par le versement de crédits de bonification, la différence entre le coût de financement de l'AFD et le taux auquel elle prête. Or, dans le contexte de remontée des taux d'intérêt au niveau mondial, les coûts de financement de l'AFD ont augmenté alors même que, pour être regardés comme concessionnels, les taux qu'elle propose doivent rester inférieur à un seuil fixé par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

B. LE MAINTIEN D'UN NIVEAU IMPORTANT DE CRÉDITS CONSACRÉS À L'AIDE HUMANITAIRE ET À LA GESTION DE CRISES

Les crédits bilatéraux pour l'aide humanitaire et la gestion de crise devraient ainsi atteindre un total de 905 millions d'euros en 2024, soit 42 % des crédits bilatéraux du programme 209.

Si ces moyens restent stables en 2024, les conclusions du CICID de juillet 2023, compte tenu d'un contexte de multiplication des crises humanitaires et sanitaires, prévoient désormais de consacrer 1 milliard d'euros à ces dépenses d'ici 2025.

La provision pour crises majeures, dispositif créé en 2022 pour réagir à des engagements non anticipés, est dotée comme en 2023 de 270 millions d'euros. Au 1er septembre 2023, la réserve avait été engagée à hauteur de 148,5 millions d'euros.

En dépit d'une indéniable utilité, cette réserve doit faire l'objet de garanties de la part du Gouvernement, notamment au regard de son utilisation par « temps calmes ». Il importe que ces crédits ne constituent pas une réserve de budgétisation et donnent effectivement lieu à des annulations ou des reports en fin de gestion.

C. UNE PREMIÈRE MISE EN oeUVRE DU MÉCANISME DE RESTITUTION DES BIENS MAL ACQUIS

Le programme 370 « Restitution des biens mal acquis » est alimenté pour la première fois par le projet de loi de finances pour 2024 avec l'ouverture de 6,1 millions d'euros de crédits.

Ce versement correspond au produit de la vente par l'Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC) de biens mal acquis issus de l'affaire « Obiang » du nom du fils de l'ancien président et lui-même vice-président de la Guinée-Équatoriale, Teodorín Obiang. Ce dernier a été condamné en définitivement par la Cour de cassation en juillet 2021 dans une affaire de biens mal acquis. Le décaissement de ces crédits est subordonné à un accord avec les autorités équato-guinéennes sur leur destination.

III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les prêts consentis à des États dans une logique d'aide publique au développement, à l'exception du compte 854 relatif à la participation de la France au désendettement de la Grèce et qui ne supporte plus aucune dépense. Ces crédits évoluent faiblement en 2024 et n'appellent pas d'observation particulière.

Réunie le jeudi 9 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » tels que modifiés par son amendement. Elle a proposé d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » tels que modifiés par son amendement et d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Au 10 octobre 2023, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 58,97 % des réponses portant sur la mission « Aide publique au développement» et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » étaient parvenues à la rapporteure spéciale.

I. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE : UNE POLITIQUE PUBLIQUE INTERMINISTÉRIELLE DONT LES MOYENS ONT ÉTÉ RENFORCÉS DEPUIS 2018

A. PRINCIPES ET STRUCTURES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

1. La définition de l'aide publique au développement

La notion d'aide publique au développement (APD) est née dans les années 1960. Selon Hubert de Milly1(*), actuellement conseiller scientifique auprès de l'Agence française de développement (AFD), le concept d'une politique d'aide publique au développement (APD) a émergé de quatre champs de réflexion :

- une réflexion économique, qui repose sur le constat d'un déficit d'épargne domestique dans les pays dits « sous-développés » ;

- une réflexion morale sur la redistribution des richesses entre « Nord » et « Sud » ;

- une réflexion géopolitique, qui perçoit l'aide au développement comme un levier d'influence ;

- une réflexion « territoriale », qui vise à mettre en valeur les territoires des pays en développement.

L'aide publique au développement (APD) constitue un agrégat statistique défini par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

L'APD est constituée de tous les apports en ressources - monétaire, en expertise ou en nature - qui sont fournis aux pays et territoires figurant sur une liste des bénéficiaires de l'APD (aide bilatérale) ou à des institutions multilatérales (aide multilatérale).

En outre, l'aide doit répondre aux conditions suivantes :

- émaner d'organismes publics ou agissant pour leur compte ;

- avoir pour objectif essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires ;

- être assortie de conditions d'octroi favorables, plus particulièrement dans le cas de prêts.

L'APD peut prendre plusieurs formes et notamment :

- l'octroi de subventions directes ;

- l'octroi de prêts à conditions préférentielles (« prêts concessionnels ») ;

- l'allègement de dette d'un débiteur ;

- la réalisation de projets au profit d'un bénéficiaire ;

- la prestation de ressources techniques ou d'expertise ;

- la prise en charge du coût représenté par l'accueil de réfugiés ressortissants des pays bénéficiaires de l'APD ;

- la prise en charge du coût de l'accueil et de la scolarisation d'étudiants ressortissants de pays bénéficiaires.

La comptabilisation de l'APD réalisée au titre d'une année incombe à chaque pays dans le cadre fixé par le CAD de l'OCDE.

Par ailleurs, l'organisation procède à la collecte et à l'agrégation des données relatives à l'APD par pays afin de mesurer et de comparer l'effort réalisé ainsi que la nature et la destination des aides.

2. La France progresse parmi les principaux pays donateurs au niveau mondial

En 2022, l'aide publique au développement versée par la France au sens de l'OCDE devrait s'élever à 15,3 milliards d'euros. Selon les données provisoires transmises à l'OCDE, elle dépasserait le Royaume-Uni et se hisserait au quatrième rang des pourvoyeurs d'aide dans le monde et au deuxième rang s'agissant des membres du G7.

Cette progression dans le classement des pays donateurs s'explique tant par la hausse continue de l'APD française depuis 2018 que par la réduction de l'aide britannique, passée de 0,70 % du RNB à 0,51 % en deux ans.

Classement des pays donateurs d'aide publique
au développement en 2022 en fonction des montants engagés

(en milliards d'euros)

Source : document de politique transversale consacré à la politique d'aide au développement annexé au projet de loi de finances pour 2024

Rapporté à son revenu national brut (RNB), l'effort consenti par la France en aide publique au développement s'élève à 0,56 % ce qui est supérieur à la moyenne des pays du CAD (0,36 %).

Classement des pays donateurs d'aide publique au développement en 2022
en fonction des montants engagés par rapport au revenu national brut

(en point de revenu national brut)

Source : document de politique transversale consacré à la politique d'aide au développement annexé au projet de loi de finances pour 2024

Toutefois, ce résultat reste encore inférieur à la cible de 0,7 % du RNB retenue par l'Organisation des Nations-Unies et que la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a fixé comme un objectif à atteindre en 2025.

3. Le périmètre de la politique française en faveur du développement s'étend au-delà de la mission « Aide publique au développement »

Au-delà de la mission interministérielle « Aide publique au développement », la politique française en faveur du développement rassemble des crédits issus de 26 programmes budgétaires. En 2022, la mission « Aide publique au développement » ne représentait que 45 % du total de l'APD française.

Le coeur de cette politique repose cependant sur les deux programmes principaux de la mission « Aide publique au développement », à savoir le programme 110 « Aide économique et financière au développement », relevant du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Les canaux de financement de l'aide publique au développement de la France

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023*

Crédits budgétaires

6 363

7 706

8 914

9 383

10 312

11 508

Mission Aide publiques au développement (hors prêts)

2 297

2 726

3 117

3 961

4 397

5 433

Prêts bilatéraux de l'AFD au secteur public

1 131

1 364

2 280

1 721

1 848

2 072

Instruments du secteur privé (prêts, prises de participation)

428

564

571

918

625

490

Autres missions budgétaires

2 506

3 052

2 946

2 784

3 442

3 513

Autres prêts

709

146

334

258

449

173

Contrats de désendettement (décaissements)

319

366

139

117

430

442

Contribution financée par le budget de l'Union européenne

1 476

1 451

1 658

1 948

2 486

2 394

Allègement de dette

57

18

333

11

49

Dons de doses de vaccins contre le covid- 19

269

255

-

Fonds de solidarité pour le développement

835

733

494

663

746

738

Total budget de l'État et de ses agences

9 759

10 421

11 872

12 565

14 689

15 304

Collectivités territoriales et agences de l'eau

131

138

138

144

191

194

Frais administratifs de l'AFD hors rémunération des opérations de l'AFD pour le compte de l'État

394

349

384

402

414

461

Total de l'aide publique au développement

10 284

10 908

12 394

13 112

15 294

15 959

En % du revenu national brut

0,43

0,44

0,53

0,51

0,56

0,55

Note : les montants 2023 sont prévisionnels.

Source : document de politique transversale consacré à la politique d'aide au développement annexé au projet de loi de finances pour 2024

B. LA TRAJECTOIRE ET LA DOCTRINE DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE ONT ÉTÉ PRÉCISÉES

1. Les conclusions du Conseil présidentiel du développement et du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) ont permis de préciser la doctrine française en matière d'APD

Le pilotage de la politique française de développement repose sur deux instances : le Conseil présidentiel du développement et le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).

Réuni pour la première fois en décembre 2020, le Conseil présidentiel du développement a été institué par le CICID du 8 février 2018 pour renforcer le pilotage de la politique de développement de la France. Il arbitre, sous la direction du président de la République, les décisions stratégiques de la politique de développement.

Institué par le décret n° 98-66 du 4 février 1998, le CICID définit les grandes orientations de la politique de développement. Présidé par la Première ministre, il réunit les principaux ministères concernés par la politique de développement. Son secrétariat est assuré conjointement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministère de l'intérieur. L'AFD peut être associée à ses réunions.

Organisation de la gouvernance de l'aide publique au développement

Source : schéma transmis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Les conclusions du Conseil présidentiel du développement du 5 mai 2023 et du CICID de juillet 2023 ont permis de préciser les orientations stratégiques de la politique de développement.

En premier lieu, le Conseil présidentiel du développement a décidé d'une doctrine déclinée en dix objectifs prioritaires, faisant l'objet d'indicateurs et de résultats à attendre, qui sont :

- accélérer la sortie du charbon et financer les énergies renouvelables dans les pays en développement et émergents pour limiter le réchauffement climatique global à 1,5° C ;

- protéger les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité, dans les forêts et l'Océan, pour préserver la planète ;

- investir dans la jeunesse en soutenant l'éducation et la formation des professeurs dans les pays en développement ;

- renforcer la résilience face aux risques sanitaires, y compris les pandémies, en investissant dans les systèmes de santé primaires et en appuyant la formation des soignants dans les pays fragiles ;

- promouvoir l'innovation et l'entreprenariat africain qui participent au destin partagé entre les jeunesses d'Europe et d'Afrique ;

- mobiliser l'expertise et les financements privés et publics pour les infrastructures stratégiques, de qualité et durables dans les pays en développement ;

- renforcer la souveraineté alimentaire, notamment en Afrique ;

- soutenir partout les droits humains, la démocratie et lutter contre la désinformation ;

- promouvoir les droits des femmes et l'égalité femmes-hommes, notamment en soutenant les organisations féministes et les institutions de promotion des droits des femmes ;

- aider nos partenaires à lutter contre l'immigration irrégulière et les filières clandestines.

Les conclusions du CICID ont, en outre, fixé des orientations plus précises, notamment :

- le maintien d'une cible de finance climat à hauteur de 6 milliards d'euros par an, dont 1 milliard en faveur de la biodiversité ;

- une mobilisation renforcée du secteur privé via l'extension d'outils financiers et la définition d'une cible d'effet de levier pour le groupe AFD ;

- un renforcement de l'aide humanitaire multilatérale et bilatérale pour atteindre 1 milliard d'euros en 2025 ;

- la suppression de la liste des 19 « pays prioritaires » de la politique de développement définie lors de la réunion du CICID de février 2018, au profit d'une cible de concentration de l'effort financier bilatéral de l'État de 50 % à destination des pays les moins avancés (PMA).

2. Le report de 2025 à 2030 de l'objectif de 0,7 % du RNB dédié à l'aide au développement

Les réunions du Conseil présidentiel du développement d'avril 2023 et du CICID de juin 2023 ont également acté le report de l'objectif de porter l'aide au développement de la France à 0,7 % du RNB de 2025 à 2030. La loi de programmation du 4 août 2021 avait, en effet, fixé 2025 comme année de réalisation de la cible de 0,7 % du RNB.

Les rapporteurs spéciaux soulignent que la correction de cet objectif est logique, compte tenue de la crise économique et énergétique qui sévit en europe depuis la fin de l'année 2021.

Le maintien d'un tel objectif était difficilement envisageable au regard de plusieurs éléments.

D'une part, sous toutes réserves et en s'appuyant sur la prévision de croissance du PIB retenue par le Gouvernement au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, le revenu national brut de la France pourrait s'élever à environ 3 064 milliards d'euros en 2025. La progression vers la cible de 0,7 % semblait d'autant plus difficile à atteindre que l'APD se situerait, pour les exercices 2023 et 2024, à un niveau inférieur aux objectifs fixés par l'article 2 de la loi de programmation du 4 août 2021.

Évolution de la part de l'aide publique au développement
dans le RNB de la France

(en pourcentage)

 

2023

2024

2025

Trajectoire prévue par la loi de programmation du 4 août 2021

0,61

0,66

0,70

Exécution (constatée ou évaluée)

0,56

0,56

n.a.

Note : l'exécution 2023 n'a pas encore été évaluée.

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires

D'autre part, le contexte de remontée des taux d'intérêts au niveau mondial se traduit par un renchérissement pour l'État du coût des opérations de bonification des prêts accordés par les organismes concessionnels tels que l'Agence française de développement.

Confrontés de manière similaire à un environnement macroéconomique dégradé, plusieurs pays européens ont également revu leurs objectifs d'APD à la baisse. À titre d'exemple, la Suède et la Norvège, deuxième et troisième donateurs du CAD en part de RNB, avaient adopté un objectif d'APD à 1 % de leurs RNB respectifs. Compte tenu de l'inflation, qui gonfle mécaniquement le RNB, la Norvège envisage d'adopter un objectif de 0,75 % et la Suède a renoncé à tout objectif chiffré. De même, en raison de la dégradation de la conjoncture économique et des comptes publics, le Royaume-Uni a adopté une cible de 0,5 % du RNB en 2021, contre 0,7 % auparavant.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux rappellent les observations de leur collègue Jean-Claude Requier, rapporteur pour avis de la commission des finances sur le projet de loi de programmation en 2021. Le rapporteur avait, en effet, souligné au moment de l'examen de la loi de programmation le caractère très relatif d'une cible exprimée en part de RNB. Tout d'abord, le respect de cette cible est corrélé au niveau du RNB, qui fluctue selon la conjoncture économique. Ensuite les travaux économiques ont démontré que l'objectif de 0,7 % est davantage fondé sur un niveau politiquement acceptable que sur des évaluations macroéconomiques2(*). Enfin, l'évolution de certaines composantes de l'aide au développement est difficilement prévisible.

3. Les priorités géographiques de l'aide publique au développement versée par la France évoluent

Concernant les pays les moins avancés (PMA), le CICID du 18 juillet 2023 a acté la suppression de la liste des dix-neuf pays prioritaires de l'aide au développement fixée par le CICID du 8 février 2018. Cette liste exhaustive est remplacée par une cible de concentration de l'effort financier bilatéral de l'État à destination des pays les moins avancés à hauteur de 50 % et ce, à partir de 2024. À compter de 2025 et sur la base de travaux méthodologiques, cette cible intégrera également des pays particulièrement vulnérables aux dérèglements climatiques.

Dans un contexte de recul de la présence française en Afrique, particulièrement en Afrique de l'Ouest francophone, la suppression de la liste des pays prioritaires, essentiellement des pays africains, pourrait présager un redéploiement de l'aide française vers d'autres États.

Toutefois, force est de constater que l'objectif de prioriser l'orientation de l'APD vers les dix-neuf pays prioritaires n'était pas respecté. Ainsi, en 2020, aucun de ces pays ne percevait une aide bilatérale de la France supérieure à celle octroyée au dixième pays bénéficiaire en termes de volume d'aide bilatérale, à savoir la Turquie3(*).

De surcroit, la liste limitative semblait faire l'effet d'une « rente » pour les quelques États bénéficiaires, sans possibilité d'ajustement aux besoins réels.

Concernant les très grands émergents, la France a fait en partie évoluer sa position. Pour rappel, la catégorie dite des « très grands émergents » comprend l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique et la Turquie.

Depuis le début de l'année 2022, la France a pris la décision de ne plus comptabiliser ses interventions en Chine comme de l'aide publique au développement. L'AFD continue d'y conduire des activités sans pour autant que celles-ci ne soient financées par des crédits de l'État.

En revanche, la Turquie continue de percevoir des financements comptabilisés dans l'aide publique au développement versée par la France. La France lui a versé au total 270,3 millions d'euros au titre de l'aide publique au développement en 2021. Ce montant correspond à l'APD nette, comprenant l'APD bilatérale nette et l'APD multilatérale imputée4(*). Ces versements n'ont toutefois généré que 41 millions d'euros en équivalent-don car les prêts accordés sont très faiblement concessionnels.

4. L'évaluation de la politique française de développement demeure un exercice complexe

La hausse importante des crédits de la mission « Aide publique au développement » nécessite une évaluation de l'utilisation des moyens de cette politique.

Pour ce faire, la loi de programmation du 4 août 2021 a prévu plusieurs dispositifs d'évaluation de l'APD française dont :

- la publication d'un rapport annuel relatif à la politique de développement de la France, qui est remis chaque 1er juin au Parlement et doit faire l'objet d'un débat en séance publique dans les deux assemblées. Il nous faut regretter, que depuis l'adoption de la loi, ce rapport n'ait pas été présenté.

- la création d'une base de données ouverte sur l'aide publique au développement bilatérale et multilatérale5(*), qui est pilotée conjointement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

- la mise en place d'une commission d'évaluation de l'aide publique au développement.

Concernant ce dernier point, dans son avis sur le projet de loi de programmation, la commission des finances avait souligné le risque d'une confusion des genres que représenterait une telle commission par rapport à la mission d'évaluation des politiques publiques confiée au Parlement. Afin de limiter ce risque, un amendement porté par le rapporteur pour avis Jean-Claude Requier avait précisé les missions de cette commission.

En dépit de ce risque, les rapporteurs spéciaux regrettent qu'au jour de la rédaction du présent rapport, cette commission n'a toujours pas été installée. Si son fonctionnement a été fixé par le décret n° 2022-787 du 6 mai 2022, sa mise en place n'est annoncée que pour la fin de l'année 2023 par les documents budgétaires. Selon l'article 12 de la loi de programmation du 4 août 2021, cette commission indépendante, placée auprès de la Cour des comptes, vise à « mieux évaluer l'impact de l'action de la France et renforcer ainsi la transparence sur l'utilisation des moyens engagés ».

C. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT FAIT INTERVENIR UNE VARIÉTÉ D'ACTEURS

1. L'Agence française de développement constitue le principal opérateur de la mission
a) Le volume et la répartition géographique de l'activité de l'agence devraient rester stables en 2024

Héritière de la Caisse centrale de la France Libre, institut d'émission monétaire créé en 1941, l'Agence française de développement (AFD) est l'opérateur pivot de la politique de coopération et de développement de la France. Il s'agit d'un organisme disposant à la fois du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC)6(*) et, depuis 2018, de celui de société de financement, soumis au cadre prudentiel applicable à cette catégorie de société.

Le modèle d'une agence de mise en oeuvre de la politique d'aide au développement se retrouve dans d'autres pays européens. En Allemagne, il existe deux agences assurant le déploiement de l'APD : la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW)7(*), agence de coopération financière, et la Deutsche Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit (GiZ)8(*), agence de coopération technique. À l'inverse, il n'existe pas de telle agence au Royaume-Uni.

À noter que l'AFD, à l'instar d'Expertise France et de tous les organismes intervenant sur la mission, n'est pas considérée comme un opérateur au sens de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Le « jaune » opérateur, annexé au projet de loi de finances de l'année, ne mentionne pas cet organisme.

S'agissant de l'activité de l'AFD, en 2023 d'après les réponses aux questionnaires budgétaires des rapporteurs, le volume d'activité de son groupe, qui regroupe aussi Proparco qui finance et accompagne le développement d'entreprises à l'export, devrait rester stable et se maintenir à 12 milliards d'euros, hors fonds délégués (soit 12,7 milliards d'euros en incluant les fonds délégués).

Évolution de l'activité du groupe
Agence française de développement

(en millions d'euros - prévisions pour l'année 2023)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses aux questionnaires budgétaires

Dans ce volume d'activité, la part consacrée aux opérations au profit d'États étrangers s'élèverait à 9,4 milliards d'euros, soit un volume en augmentation par rapport à 2022.

En 2023, plus de la moitié de l'activité de l'AFD à l'étranger est réalisée sous forme de prêts concessionnels (4,4 milliards d'euros). Toutefois, environ 2,9 milliards d'euros de prêts non-concessionnels figurent au portefeuille de l'agence et bénéficient, pour 70 %, aux grands pays émergents. Par ailleurs, environ 774 millions d'euros sont engagés sous forme de dons-projets, c'est-à-dire de subventions directes.

En 2023, comme pour les exercices précédents, les activités de l'agence demeurent principalement tournées vers l'Afrique (37,9 %) et l'Orient (35,4 %). Comme le rappellent les documents budgétaires, l'activité de l'agence demeure marquée par une priorité africaine. Celle-ci faisait partie des grands axes fixés par le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD pour la période 2020-2022. Elle s'articulait jusqu'à son abandon par la dernière réunion du CICID avec la liste des 19 pays prioritaires de l'aide au développement dont 18, Madagascar compris, sont des pays africains.

Ventilation géographique de l'activité du groupe
Agence française de développement en 2023

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : document de politique transversale consacré à la politique d'aide au développement annexé au projet de loi de finances pour 2024

Sur le plan des ressources l'AFD dispose de plusieurs apports :

- d'une part, elles sont composées du produit de ses activités, à savoir des emprunts levés sur les marchés (9 milliards d'euros en 2023), minorés des remboursements d'emprunt (4,1 milliards d'euros en 2023) ;

- d'autre part, l'AFD perçoit des ressources apportées par l'État sous forme budgétaire ou extrabudgétaire.

Montant des crédits budgétaires versés à l'Agence française de développement

(en millions d'euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

AE

CP

AE

CP

Programme 110 - Aide économique et financière au développement

1 833,9

520,3

1 897,5

662,5

Programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

1 204,4

1 118,8

1 159,2

1 105,6

Programme 365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

150

150

150

150

Programme 123 - Conditions de vie en outre-mer

53,3

36,3

46,3

33

Programme 853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social

150

150

150

150

Total

3 391,6

1 975,4

3 403

2 101,1

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour 2024, le montant des crédits demandés en faveur de l'Agence reste stable par rapport à l'exercice 2023. En effet, les ressources budgétaires de l'Agence s'élèvent à 3,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2 milliards d'euros en crédits de paiement.

Si le montant total des crédits budgétaires au profit de l'AFD reste stable, certaines évolutions peuvent être notées au sein des différents programmes concourant à ce financement.

Une évolution notable se manifeste par l'absence d'ouverture de nouvelles autorisations d'engagement au titre de l'action « aide économique et financière multilatérale » du programme 110, qui s'explique par le cycle de reconstitution des grands fonds multilatéraux. L'année dernière, une ligne de financement pour la bonification des prêts accordés par l'AFD dans le cadre des programmes du Fonds vert avait notamment été ouverte pour un montant de 170 millions d'euros.

Cette baisse des AE au sein du programme 110 est compensée par l'ouverture de nouvelles AE au sein du ce même programme comme du programme 209, notamment l'augmentation des crédits de bonification des prêts aux États étrangers, à hauteur de 300 millions d'euros, mais également le doublement des aides budgétaires globales, pour 60 millions d'euros supplémentaires.

Il convient toutefois d'indiquer que l'Agence ne reçoit aucune dotation de fonctionnement de la part de l'État et que l'ensemble des crédits qui lui sont versés le sont pour la mise en oeuvre ou la rémunération des frais associés à la politique de développement.

En effet, pour plus de 90 %, les crédits budgétaires versés en autorisations d'engagement le sont au titre de :

la bonification des prêts concessionnels accordés par l'agence à des États ou des organisations internationales ;

la mise en oeuvre des interventions de la France en dons-projets, le financement des ONG et l'assistance technique dans le cadre de la coopération bilatérale ;

la rémunération, par l'État, du service rendu par l'AFD.

L'administration a porté à la connaissance des rapporteurs spéciaux que les activités de l'AFD sont soumises à des risques de plus en plus importants en raison de la dégradation de la situation macroéconomique au niveau mondial.

Un certain nombre de pays africains, par exemple, connaissent un contexte macroéconomique difficile et présentent un risque de défaut plus significatif, ce qui limitera les interventions en prêts dans ces pays au nom de la doctrine sur l'endettement souverain soutenable (doctrine dite « Lagarde »9(*)), visant à concilier l'activité de prêt souverain de l'AFD et l'impératif de soutenabilité de l'endettement public externe des pays bénéficiaires. En effet, dans les pays dont la situation macroéconomique est fragile, la doctrine d'intervention de l'AFD privilégie les dons aux prêts. Elle n'intervient pas en prêts dans les pays les plus fragiles.

b) Le pilotage stratégique de l'agence demeure un point de divergence entre l'AFD et ses autorités de tutelle

Dans un contexte international et financier dégradé, le suivi et le pilotage de l'AFD par ses cotutelles - ministère des affaires étrangères et ministère chargé de l'économie et des finances - apparait déterminant.

En effet, la programmation pluriannuelle des crédits budgétaires alloués à l'AFD, via les programmes 110 et 209, est déterminée dans un cadre triennal par les contrats d'objectifs et de moyens (COM) signés entre l'État et l'organisme. Le pilotage stratégique de l'agence apparait d'autant plus complexe qu'il repose sur deux entités de tutelle, dont les moyens et les visions peuvent diverger.

Dans son rapport comparatif sur les politiques d'APD britannique, allemande et française, la Cour des comptes recommande un allègement des procédures de compte-rendu et de contrôle prévues dans le cadre des COM pour adopter un examen approfondi intervenant tous les deux ans.

Le projet de nouveau siège du groupe AFD

Le 30 janvier 2020, le conseil d'administration de l'AFD a approuvé l'acquisition de 50 000 m² de bureau au sein du complexe en cours de construction de la zone d'aménagement Paris-Rive Gauche.

Pour mémoire, la Direction de l'immobilier de l'État a validé, à l'automne 2019, les quatre orientations stratégiques proposées par l'AFD, dont l'objectif était de rationaliser et d'optimiser le fonctionnement de l'immobilier du groupe :

- regrouper les entités du groupe, actuellement réparties sur six implantations, sur un site unique ;

- optimiser les surfaces utilisées, via la mise en place d'un dispositif de « flex-office », permettant une baisse des surfaces occupées à ce jour de l'ordre de 20 % ;

- aligner les surfaces utilisées sur les normes de l'État (12m²/poste de travail) ;

- acquérir en pleine propriété les futurs bureaux, au regard de l'avantage économique que présente cette option par rapport à une location.

L'investissement net réalisé par l'AFD s'élèverait, pour ce projet à 550 millions d'euros après cession ou mise en location des bâtiments actuels. Vos rapporteurs avaient évalué à 1 milliard le coût de l'opération, ce dernier étant calculé après cessions envisagées des sites actuels propriétés de l'AFD.

Le projet comprend 8 000 m² d'espaces excédentaires par rapport aux besoins du groupe AFD. Dans ses réponses au questionnaire budgétaire, l'administration indique que l'identification des acteurs susceptibles d'occuper les espaces excédentaires a débuté et qu'une stratégie d'occupation et de valorisation économique de ces espaces est en cours de définition.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux soulignent la nécessaire vigilance à apporter à l'évolution des dépenses de personnel et des dépenses immobilières de l'agence ainsi qu'à la mise en oeuvre rapide de synergies dans le cadre de l'intégration d'Expertise France au sein du groupe AFD. En 2022, le groupe AFD, Proparco compris, compte 2 815 personnes contre 2 516 en 2018, soit une augmentation de 11,9 % sur la période.

Enfin, vos rapporteurs s'étonnent que le contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 conclu entre l'État et l'AFD n'ait pas été renouvelé à cette date.

2. Expertise France, un opérateur intégré au groupe AFD et dont les moyens sont renforcés

L'Agence française d'expertise technique internationale, « Expertise France », est une société par actions simplifiée, membre du groupe AFD depuis le 1er janvier 2022. Elle est placée sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Il s'agit de l'opérateur chargé de l'expertise et de l'assistance techniques internationales.

L'activité d'Expertise France se répartit entre les opérations bilatérales financées par la commande publique, d'une part, et les opérations multilatérales financées par un bailleur tiers suppléé par l'État si le financement est insuffisant, d'autre part.

Les moyens alloués à cet opérateur reposent à la fois sur le programme 110 et sur le programme 209, ce qui correspond à une répartition des financements entre les deux tutelles. Pour 2024 ce financement correspond :

- sur le programme 110, à la dotation versée à Expertise France qui s'élève à 10,9 millions d'euros en AE et 8,1 millions en CP. Cette part du financement est stable par rapport à 2023 ;

- sur le programme 209, en 2024, à un soutien public à Expertise France reposant sur 81,9 millions d'euros en AE et 70,8 millions d'euros en CP, en augmentation par rapport à 2023 (63,7 millions en AE et 58 en CP).

Le renforcement des moyens de l'agence Expertise France va dans le sens des positions de la Cour des comptes qui préconise un rééquilibrage entre assistance financière et assistance technique au sein de l'APD française.

Les rapporteurs spéciaux partagent le souci de renforcer l'expertise technique. Par rapport à l'assistance financière, l'assistance technique présente plusieurs avantages, soulignés dès 2001 dans un rapport de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat10(*) :

- le séjour prolongé d'une mission d'expertise permet de renforcer la connaissance du pays bénéficiaire, de mieux identifier ses besoins et d'adapter l'assistance technique en conséquence ;

- l'assistance technique apparait comme un gage d'efficacité en assurant l'encadrement permettant le démarrage d'un projet ;

- la présence d'experts constitue une garantie aux yeux des bailleurs de fonds ;

- il s'agit, de plus, d'un vecteur d'influence pour le pays aidant.

3. La contribution des collectivités territoriales à l'aide publique au développement de la France

L'aide publique au développement des collectivités territoriales regroupe les dépenses destinées aux pays éligibles à l'aide au développement et qu'elles engagent sur fonds propres. Elle correspond à des projets de coopération décentralisée mais également au versement de subventions à des associations ou à des organisations multilatérales.

Sont également comptabilisées les actions menées en faveur de la sensibilisation au développement ou de l'accueil des populations réfugiées qui représentent, en pratique, plus de la moitié de l'aide publique au développement des collectivités territoriales.

Selon le document de politique transversale, les collectivités territoriales devraient avoir consacré 174 millions d'euros au financement de l'aide au développement en 2022, soit une augmentation de 38 % par rapport à l'année 2021. Cette forte hausse de l'APD des collectivités territoriales s'explique par l'augmentation des frais d'accueil des réfugiés.

Évolution de l'aide publique au développement des collectivités territoriales depuis 2015

(en millions d'euros)

* les données de l'année 2022 sont en cours de validation par l'OCDE.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Concernant la répartition géographique, en 2021, l'aide publique au développement des collectivités territoriales s'est principalement portée sur l'Afrique de l'Ouest (16,8 millions d'euros), l'Afrique de l'Est (5,7 millions d'euros) et le Moyen-Orient (4,4 millions d'euros). Cette répartition se retrouve dans la liste des dix pays bénéficiant le plus de l'aide publique au développement des collectivités territoriales, à savoir : Madagascar (3,95 millions d'euros), le Sénégal (3,63 millions d'euros), le Burkina Faso (3,2 millions d'euros), le Mali (2,83 millions d'euros), le Bénin (2,35 millions d'euros), Haïti (1,93 million d'euros), le Liban (1,77 million d'euros), le Togo (1,71 million d'euros), l'Arménie (1,59 million d'euros) et la Cisjordanie et la bande de Gaza (1,39 million d'euros).

Concernant la répartition sectorielle de l'aide au développement, hors aides aux réfugiés, les principaux domaines dans lesquels les collectivités territoriales interviennent sont ceux de l'eau et l'assainissement, de l'agriculture, la sylviculture et la pêche, des aides multi-secteurs et de l'éducation.

La forte représentation des aides en matière d'eau et d'assainissement s'explique par le fait qu'une part importante de l'aide publique au développement mise en oeuvre par les collectivités locales est assumée par les agences de l'eau.

L'aide au développement des collectivités territoriales relevant de l'aide aux réfugiés s'élevait à 72,3 millions d'euros en 2021, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2020.

Ventilation fonctionnelle de l'aide publique au développement versée
par les collectivités territoriales en 2021

(en millions d'euros - hors aides aux réfugiés)

Source : commission des finances du Sénat d'après les éléments de la base de données ouvertes sur l'aide au développement française

À noter que l'estimation de l'aide publique au développement des collectivités territoriales a été fiabilisée, au cours des dernières années, par la dématérialisation des déclarations des données d'APD et par les enquêtes de la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

La déclaration annuelle permet à l'aide au développement des collectivités de figurer aux côtés de l'aide nationale dans le rapport annuel sur la coopération pour le développement établi par le CAD de l'OCDE. Pour 2021, selon le rapport annuel sur l'APD des collectivités territoriales réalisé par la commission nationale de la coopération décentralisée11(*), 452 collectivités avaient rempli la déclaration en ligne.

Plus de la moitié de l'aide au développement des collectivités territoriales est versée par dix grandes collectivités. La ville de Paris représentait à elle seule, en 2021, 21,4 % de l'APD des collectivités. Toutefois, certaines collectivités territoriales d'Outre-mer, proportionnellement à leur PIB, contribuent de manière conséquente à l'aide au développement, à l'image de La Réunion ou de la Martinique. Cette contribution participe de leur intégration dans l'environnement régional.

II. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »

A. UNE STABILITÉ CONJONCTURELLE DES CRÉDITS DE LA MISSION

Pour 2024, les crédits demandés au titre de la mission « Aide publique au développement » s'élèvent à 6,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 5,9 milliards d'euros en crédits de paiement.

Par rapport à l'année 2023, où les AE s'élevaient à 8 milliards d'euros et les CP à 6,3 milliards d'euros, les crédits demandés pour 2024 présentent une légère baisse. En effet, les AE diminuent de 23,7 %, une fois corrigés de l'inflation hors tabac. Les CP diminuent également légèrement, de l'ordre de 2,4 % par rapport à 2023.

La baisse des AE demandées s'explique principalement par :

- d'une part, une baisse des crédits demandés, au niveau des programmes 110 et 209, pour les contributions multilatérales, qui s'explique par les cycles de reconstitution des fonds multilatéraux ;

- d'autre part, à l'absence d'ouverture de nouvelles autorisations d'engagement au titre du traitement de la dette des pays pauvres.

Toutefois, cette stabilisation conjoncturelle masque une augmentation de certaines catégories de dépenses, notamment au sein des dispositifs de coopération bilatérale portés par les programmes 110 et 209.

Ainsi, selon la distinction opérée par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour la mission12(*), les dépenses dites « obligatoires et inéluctables », c'est-à-dire les dépenses qui résultent de la signature d'accords internationaux ou les subventions et rémunérations versés aux « opérateurs », baisseraient en 2024. À l'inverse, les dépenses dites « discrétionnaires », qui visent à répondre à des engagements politiques notamment fixés par le CICID, tendent à augmenter.

Évolution des crédits de la mission aide publique au développement

(en millions d'euros et pourcentage)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution
en valeur

Variation en pourcentage

Variation corrigée de l'inflation*

Programme/action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

110 - Aide économique et financière au développement

3 836,9

2 337,9

2 727,1

2 337,9

- 1 109,8

0

- 28,9

-

- 30,7

-

Aide économique et financière multilatérale

2 012,3

1 672,7

681,8

1 490,3

- 1 330,5

- 182,4

- 66,1

- 10,9

- 66,9

- 13,1

Aide économique et financière bilatérale

1 723,3

549,2

2 045,3

734

322,1

184,9

18,7

33,7

15,8

30,4

Traitement de la dette des pays pauvres

101,3

116

0

113,6

- 101,3

- 2,5

-

- 2,2

-

- 4,5

365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

150

150

150

150

0

0

-

-

-

-

Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

150

150

150

150

0

0

-

-

-

-

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

4 054,8

3 436

3 409,4

3 434,9

- 645,4

- 1,1

- 15,9

- 0,03

- 18

- 2,5

Coopération multilatérale

1 353,1

825,4

703,7

769,1

- 649,4

- 29,3

- 48

- 3,6

- 49,3

- 9,1

Coopération bilatérale

2 166,2

2 075,1

2 251,3

2 184,4

85,1

109,3

3,93

5,27

1,4

2,7

Coopération communautaire

374,1

374,1

285

285

- 89,1

- 89,1

- 23,8

- 23,8

25,7

25,7

Dépenses de personnels concourant au programme

161,4

161,4

169,4

169,4

8

8

4,97

4,97

2,4

2,4

370 - Restitution des biens mal-acquis

-

-

6,1

6,1

-

-

-

-

-

-

Mission Aide publique au développement

8 041,7

5 923,9

6 297,6

5 928,9

- 1 749,1

5

- 21,7

0,1

- 23,7

- 2,4

Note : la prévision d'inflation retenue correspond à la variation de l'indice des prix à la consommation hors tabac figurant au rapport social, économique et financier annexé au PLF pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les documents budgétaires permettent d'évaluer la trajectoire d'évolution des crédits de la mission. Or, en dépit d'une stabilisation conjoncturelle des crédits de la mission « Aide publique au développement », il apparaît que les crédits devraient augmenter de manière dynamique, tant en AE qu'en CP, d'ici à 2026.

Évolution des crédits de la mission aide publique au développement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. LE PROGRAMME 110 : UNE BAISSE CONJONCTURELLE DES CRÉDITS QUI SUIT LE RYTHME DE RECONSTITUTION DES GRANDS FONDS MULTILATÉRAUX

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances et, plus particulièrement, à la direction générale du Trésor, pour la mise en oeuvre des actions relevant de l'aide publique au développement.

Les montants de crédits demandés diminuent de 1,1 milliard d'euros en AE, soit une baisse de 29 % par rapport à 2023, mais restent stables en CP. La baisse des crédits en AE s'explique essentiellement par les cycles de refinancement des fonds internationaux. En effet, l'exercice 2023 avait été marqué par la reconstitution du Fonds vert pour le climat (960 millions d'euros ouverts en AE) et du Fonds africain de développement (FAD, 580 millions d'euros ouverts en AE).

Évolution des crédits du programme 110 - Aide économique
et financière au développement

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution
en valeur

Variation en pourcentage

Variation corrigée de l'inflation*

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

110 - Aide économique et financière au développement

3 836,9

2 337,9

2 727,1

2 337,9

- 1 109,8

0

- 28,9

-

- 30,7

-

Aide économique et financière multilatérale

2 012,3

1 672,7

681,8

1 490,3

- 1 330,5

- 182,4

- 66,1

- 10,9

- 66,9

- 13,1

Aide économique et financière bilatérale

1 723,3

549,2

2 045,3

734

322,1

184,9

18,7

33,7

15,8

30,4

Traitement de la dette des pays pauvres

101,3

116

0

113,6

- 101,3

- 2,5

-

- 2,2

-

- 4,5

Note : la prévision d'inflation retenue correspond à la variation de l'indice des prix à la consommation hors tabac figurant au rapport social, économique et financier annexé au PLF pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

1. Des aides multilatérales en baisse qui suivent le rythme de reconstitution des grands fonds internationaux

À de nombreux égards, la dynamique budgétaire de l'action Aide économique et financière multilatérale entre 2023 et 2024 constitue une illustration des effets financiers, sur l'ensemble de la mission, des successions des cycles de reconstitution des grands fonds internationaux.

Pour rappel, ces reconstitutions font l'objet d'un engagement unique en autorisations d'engagement, avec un échéancier pluriannuel de versement en crédits de paiement.

Les dépenses de l'action « Aide économique et financière multilatérale » se caractérisent par une cyclicité et une pluriannualité certaines. Or cette action représente près d'un quart des crédits de la mission, ce qui rend complexe son pilotage budgétaire.

L'exercice 2023 avait été marqué par une augmentation de 7,8 % des autorisations d'engagement et de 32,7 % des crédits de paiement. Cette progression visait à répondre aux engagements de la France pour la reconstitution de grands fonds multilatéraux. Environ 960 millions d'euros avaient été ouverts en AE pour financer les engagements de la France au titre du Fonds vert pour le climat. De même, la reconstitution du Fonds africain de développement a conduit à l'ouverture de 580 millions d'euros en AE.

Pour 2024, les crédits demandés pour l'aide multilatérale du programme 110 baisse de près de 70 % en autorisations d'engagements et de 13 % en crédits de paiement. Malgré cette baisse globale des crédits au niveau de l'action, plusieurs dépenses nouvelles peuvent être signalées.

Premièrement, 75 millions d'euros sont ouverts en AE et en CP au titre de contributions aux fonds fiduciaires de la Banque mondiale. Ces contributions viennent répondre à une recommandation de la Cour des comptes dans son rapport comparatif sur les politiques d'aide au développement du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne13(*), rendu public en avril 2023. La Cour soulignait qu'à la différence de ses voisins allemands et britanniques, la France n'avait recours que de manière exceptionnelle aux fonds fiduciaires. Or ces dispositifs permettent aux contributeurs de spécifier l'usage des fonds qu'ils apportent. Les contributions financées sur les crédits ouverts en 2024 devraient correspondre aux priorités stratégiques françaises.

Deuxièmement, 120 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sont proposés par le projet de loi de finances au titre de la participation française à l'Assistance macro-financière plus (AMF+ ) en faveur de l'Ukraine. Ce mécanisme, créé par le règlement (UE) 2022/2463 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022, vise à combler le déficit de financement de l'Ukraine. Il repose sur des prêts, assortis de conditions très favorables, pour un montant maximal de 18 milliards d'euros. La contribution française à l'AMF+ est évaluée à 120 millions d'euros par an sur 2024-2027, pour un total de 480 millions d'euros. Cependant, plutôt que d'engager directement 480 millions d'euros en AE, le projet de loi de finances pour 2024 retient une présentation en AE=CP, moins en phase avec le principe de sincérité budgétaire.

Troisièmement, ce sont 137,8 millions d'euros en AE et 28,8 millions en CP qui seront ouverts en 2024 pour financer la contribution de la France au Fonds international de développement agricole (FIDA). Le montant des CP proposés correspond au paiement de la dernière tranche de la contribution française au FIDA pour 2022-2024. Les AE ouvertes en 2024 représentent le total de la contribution française au titre de la reconstitution du fonds pour la période 2025-2027. Cette contribution est en nette hausse pour la nouvelle reconstitution (+ 30 % en dollars), en cohérence avec la priorité donnée par la France à la sécurité alimentaire mondiale.

2. Une aide bilatérale en augmentation, conséquence du renchérissement des opérations de bonifications des prêts concessionnels de l'AFD et de dépenses nouvelles

Concernant le volet bilatéral du programme 110, les crédits demandés pour 2024 augmentent de 322,1 millions d'euros en AE (+ 15,7 %) et de 184,9 millions en CP (+ 30,4 %).

Cette hausse des crédits demandés s'explique essentiellement par le renchérissement des opérations de bonification des prêts accordés par l'Agence française de développement. En effet, afin de permettre à l'AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires de l'aide au développement, l'État assume, par le versement de crédits de bonification, la différence entre le coût de financement de l'AFD et le taux auquel elle prête.

Or, dans le contexte de remontée des taux d'intérêts au niveau mondial, les coûts de financement de l'AFD ont augmenté alors même que, pour être regardés comme concessionnels, les taux qu'elle propose doivent rester inférieurs à un seuil fixé par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. L'écart entre le taux servi par le préteur et le taux de référence fixé par le CAD constitue la référence pour déterminer le montant de l'élément-don du prêt comptabilisé en aide publique au développement au sens des statistiques internationales.

Pour maintenir à niveau constant l'aide générée par les prêts de l'AFD, il a été décidé d'accroitre significativement le montant des crédits destinés à la bonification de ces prêts à hauteur de 322,1 millions d'euros. En l'absence d'une telle bonification, l'AFD aurait pu augmenter son volume d'activité au-delà des 12 milliards d'euros actuels. Cette solution aurait toutefois conduit à renchérir le coût des activités de l'agence par d'autres canaux, en particulier via une hausse des fonds propres de l'AFD en application de ses obligations réglementaires et prudentielles.

Évolution du coût des opérations de bonifications
des prêts concessionnels de l'AFD

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Outre l'augmentation du coût des opérations de bonifications des prêts concessionnels de l'AFD, plusieurs augmentations de crédits et dispositifs nouveaux peuvent être signalées.

Tout d'abord, le projet de loi de finances propose le doublement des aides budgétaires globales (ABG) qui passeraient de 60 à 120 millions d'euros en AE=CP. Les aides budgétaires globales sont accordées à des pays en situation de vulnérabilité afin de leur permettre de faire face aux déséquilibres de leurs finances publiques et d'engager des réformes structurelles. Ces aides peuvent être bilatérales, afin de permettre à l'État bénéficiaire de faire face à un choc sécuritaire, climatique ou économique, ou destinées aux organisations régionales. Elles bénéficient essentiellement aux pays et organisations régionales d'Afrique subsaharienne.

Ce doublement des aides budgétaires globales correspond aux orientations décidées par le CICID de juillet 2023.

Ensuite, le Fonds d'innovation et d'expérimentation en matière de développement (FID) voit également ses crédits doubler et passer de 10 à 20 millions d'euros en AE et de 12 à 22 millions d'euros en CP. Créé en 2021, le fonds est hébergé par l'AFD et dirigé par Esther Duflo. Il soutient la recherche fondée sur des démarches expérimentales d'évaluation d'impact en matière de développement.

La hausse des crédits du FID vise à accompagner sa montée en puissance et à financer une équipe d'appui au processus de sélection des projets.

Enfin, des nouveaux crédits sont ouverts pour financer l'initiative « Food and Agriculture Resilience Mission » (FARM). Lancé par la France en septembre 2022 pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale, ce projet renforce l'accès aux financements des petits entrepreneurs agroalimentaires. Il serait doté de 40 millions d'euros en AE et de 32 millions d'euros en CP.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2024 introduit un nouveau dispositif de prêts concessionnels aux pays les moins avancés (PMA). Actuellement, les prêts concessionnels sont inaccessibles aux PMA qui ne bénéficient que de prêts directs du Trésor. Afin de pallier cette difficulté et de soutenir l'investissement dans ces pays, une enveloppe de 50 millions d'euros en AE et de 10 millions d'euros en CP serait ouverte en 2024.

3. La France continue d'assumer une part du coût de l'annulation de la dette détenue par des grands bailleurs internationaux sur des pays très pauvres

L'action « Traitement de la dette des pays pauvres » du programme 110 retrace les versements effectués au profit de l'AFD ou d'institutions multilatérales en contrepartie du coût de l'annulation des créances qu'elles détiennent sur des pays en développement.

Pour mémoire, la France préside et assure le secrétariat du Club de Paris qui réunit 22 pays créanciers afin d'apporter des solutions coordonnées et durables aux problématiques soulevées par l'endettement des pays en voie de développement.

En outre, elle est partie à plusieurs accords bilatéraux ou multilatéraux visant l'annulation de l'endettement concessionnel, c'est-à-dire relatif à des emprunts contractés à des conditions préférentielles dans le cadre de la politique d'aide au développement, notamment :

- les accords de Dakar de 1989 et 1994 ainsi que l'accord faisant suite à la Conférence de Paris de 1990 prévoyant l'annulation de créances de l'AFD sur plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ;

- les conclusions du sommet du G8 de Gleneagles de 2005 prévoyant l'annulation de certaines créances de l'Association internationale de développement (AID) envers des pays pauvres et très endettés.

Pour 2024, 113,5 millions d'euros sont demandés en crédits de paiement. Aucune nouvelle autorisation d'engagement n'est demandée. Les crédits de paiement se répartiraient entre :

- 83,13 millions d'euros afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers la Banque mondiale ;

- 30,41 millions d'euros afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers le Fonds africain de développement.

Le Fonds de solidarité pour le développement

Le fonds de solidarité pour le développement (FSD) est un fonds sans personnalité juridique créé par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2005 et géré par l'AFD. Il finance des dépenses d'aide au développement, principalement multilatérales, en matière de santé et de climat.

Les principaux bénéficiaires des versements du FSD en 2023 sont le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la facilité d'achat de médicaments, la facilité de financement internationale pour la vaccination et le Fonds vert pour le climat.

Le FSD est financé via l'affectation de deux taxes :

- la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), créée en 2006, pour un montant plafond de 210 millions d'euros ;

- la taxe sur les transactions financières (TTF), créée en 2013, pour un montant plafond de 528 millions d'euros.

Pour 2024, comme en 2023, le plafond du FSD est fixé à 738 millions d'euros.

La Cour des comptes propose, depuis sa note d'exécution budgétaire pour la mission « Aide publique au développement » sur l'exercice 2021, de rebudgétiser l'intégralité des ressources du FSD au nom des principes d'unité et de transparence budgétaire. La forte diminution du rendement de la TSBA lors de la crise sanitaire a démontré la fragilité du financement du dispositif. Toutefois, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères défend le maintien d'un dispositif auquel la société civile est attachée.

C. LE PROGRAMME 209 : UNE DIMINUTION DE L'AIDE MULTILATÉRALE EN PARTIE COMPENSÉE PAR LA HAUSSE DES CRÉDITS DE L'AIDE BILATÉRALE

Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mise en oeuvre des opérations de coopération bilatérale, multilatérale et communautaire.

Pour 2024, les crédits demandés reculent de 645,4 millions en autorisations d'engagement (- 18 %) et de 1,1 million en crédits de paiement (- 2,5 %) par rapport à 2023. Cette baisse des autorisations d'engagement s'explique principalement par une baisse des contributions multilatérales portées par le programme. Les crédits de paiement, quant à eux, se maintiennent à un niveau équivalent à l'exercice précédent, du fait de décaissements de crédits engagés en AE.

Malgré une baisse générale des crédits du programme, l'aide bilatérale progresse, portée par le niveau élevé de l'aide-projet et par le renforcement des dispositifs d'aide humanitaire et des crédits destinés à la gestion de crises.

Évolution des crédits du programme 209 - Solidarité
à l'égard des pays en développement

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution
en valeur

Variation en pourcentage

Variation corrigée de l'inflation*

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

4 054,8

3 436

3 409,4

3 434,9

- 645,4

- 1,1

- 15,9

- 0,03

- 18

- 2,5

Coopération multilatérale

1 353,1

825,4

703,7

769,1

- 649,4

- 29,3

- 48

- 3,6

- 49,3

- 9,1

Coopération bilatérale

2 166,2

2 075,1

2 251,3

2 184,4

85,1

109,3

3,93

5,27

1,4

2,7

Coopération communautaire

374,1

374,1

285

285

- 89,1

- 89,1

- 23,8

- 23,8

25,7

25,7

Dépenses de personnels concourant au programme

161,4

161,4

169,4

169,4

8

8

4,97

4,97

2,4

2,4

Note : la prévision d'inflation retenue correspond à la variation de l'indice des prix à la consommation hors tabac figurant au rapport social, économique et financier annexé au PLF pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

1. L'aide multilatérale portée par le programme 209 se contracte en 2024

Jusqu'en loi de finances initiale pour 2023, les reconstitutions de fonds multilatéraux relevant du programme 209 faisaient l'objet d'une budgétisation en AE=CP. Dans un souci de sincérisation et à l'instar des reconstitutions relevant du programme 110, ces opérations sont désormais budgétés en AE?CP. Concrètement, les reconstitutions font l'objet d'un engagement unique en AE et d'un échéancier pluriannuel de versement en CP, ce qui permet de refléter le caractère irréversible de l'engagement et la prévisibilité des versements.

Par rapport à l'exercice 2023, les crédits de l'action « Coopération multilatérale » reculent de près de 649,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29,3 millions en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2024.

Cette contraction s'explique par le caractère exceptionnel de certaines dépenses opérées en 2023. Ainsi, l'exercice 2023 avait été marqué par la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMTP) à hauteur de 469,1 millions d'euros ouverts en AE. En outre, 150 millions d'euros d'AE avaient été mobilisés au titre de la reconstitution de l'Alliance pour la vaccination et l'immunisation (GAVI).

La ventilation des crédits de l'action continue toutefois de traduire les priorités de l'aide au développement de la France. Deux exemples thématiques peuvent être soulignés.

En premier lieu, les contributions volontaires aux Nations unies comprendront une part importante (200 millions d'euros en AE et en CP) destinée à l'aide humanitaire assurée par l'ONU. Le maintien de ce niveau de contribution élevé participe du renforcement de l'aide humanitaire au sein de l'APD française, qui se traduit également, comme explique infra, en matière d'aide bilatérale.

En second lieu, en matière de santé, la France devrait contribuer à plusieurs instruments multilatéraux comme l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP), à hauteur de 45 millions en AE et de 15 millions en CP, ou le Fonds français Muskoka (FMM) qui finance des actions contre la mortalité infantile en Afrique de l'Ouest pour 10 millions d'euros en AE=CP.

À cet égard, la nature de l'aide au développement versée par la France en matière de santé interroge. Dans un référé remis à la Première ministre en décembre 202214(*) et rendu public, la Cour des comptes soulignait que 80 % de l'aide au développement française en matière de santé transitait par des organisations internationales et 20 % seulement via l'aide bilatérale. La Cour recommandait par conséquent de rééquilibrer cette proportion.

2. Le volet bilatéral du programme 209 se caractérise par le renforcement de l'aide-projet et des crédits de l'aide humanitaire et de la gestion de crise

L'évolution des crédits de l'action « Coopération bilatérale » du programme 209 se caractérise, dans le projet de loi de finances pour 2024, par une hausse des crédits, tant en autorisations d'engagement (+ 85,1 millions d'euros) qu'en crédits de paiement (+ 109,3 millions d'euros).

a) L'aide-projet demeure à un niveau élevé

D'après le document de politique transversale, l'aide projet se définit, selon les pays concernés et les bénéficiaires, comme :

- des dons accordés aux pays les plus pauvres ;

- des prêts à conditions très favorables, accordés aux États ou à des entreprises avec l'aval des États dans les pays à revenu intermédiaire ;

- des prêts accordés à des entreprises ou à des banques, sans l'aval des États, à des conditions améliorées ou à des conditions proches de celles du marché.

Depuis 2019, le niveau de l'aide-projet, qui se décline entre l'aide-projet géré par l'Agence française de développement et l'aide-projet gérée directement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, connait un renforcement significatif. Cette hausse s'inscrit dans le cadre de la réalisation de l'objectif fixé par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement de février 2018, d'une part, et par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement, d'autre part, d'un renforcement de la « composante don » de l'aide publique au développement.

Pour 2024, l'aide-projet portée par le programme 209 s'élève à 1,23 milliard en autorisations d'engagement (+ 6 %) et à 1,17 milliard d'euros en crédits de paiement (+ 9 %).

Concernant l'aide-projet gérée par l'Agence française de développement, cette dernière se situe autour d'un milliard d'euros (1,038 milliard en AE et 985 millions en CP). Ces montants s'inscrivant dans l'ambition du « milliard additionnel » de don-projet alloué à l'AFD, portée par le COM 2020-2022 conclu entre l'agence et ses co-tutelles. Ce contrat d'objectifs et de moyens a renforcé le pilotage de l'aide-projet en déterminant sa ventilation selon les priorités sectorielles et géographiques. Le futur COM 2024-2026 devrait adapter la gestion de l'aide-projet aux nouvelles priorités dégagées par le Conseil présidentiel du développement et le CICID. 

Dans les années à venir, le besoin en crédits de paiements visant à honorer les engagements antérieurement pris devrait demeurer important et constituer un facteur de rigidité pour l'évolution des crédits de la mission.

Concernant l'aide-projet gérée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, l'enveloppe proposée est de 187 millions d'euros en autorisation d'engagement et 184 millions d'euros en crédits de paiement. Elle repose essentiellement sur le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), doté de 107 millions en AE=CP. Ce Fonds, dont les crédits sont directement pilotés par les ambassades, finance des « actions innovantes à impact rapide et fortement visibles au bénéfice des populations locales », selon les documents budgétaires. En 2023, 94 projets ont été validés pour un montant total de 61 millions d'euros.

b) L'aide humanitaire et les moyens de gestion de crise poursuivent une augmentation initiée lors des exercices précédents

La loi de finances initiale pour 2023 avait acté la montée en puissance des dépenses de l'opération budgétaire « gestion et sortie de crise », qui regroupe les crédits de l'aide bilatérale dédiés à l'aide humanitaire et à la gestion de crise. Les crédits de cette nature représentaient 297 millions d'euros en 2022 en AE=CP et 200 millions d'euros en 2021. En 2023, l'opération budgétaire a été portée à 750 millions d'euros en AE=CP. Cette hausse des crédits s'expliquait notamment par le renforcement de la « réserve pour crises majeures », créée en loi de finances initiale pour 2022 et dotée de 270 millions d'euros en 2023.

Pour 2024, le projet de loi de finances conserve ce haut niveau de crédits avec une enveloppe de 730 millions d'euros en AE=CP. Les crédits bilatéraux pour l'aide humanitaire et la gestion de crise devraient ainsi atteindre un total de 905 millions d'euros en 2024, soit 42 % des crédits bilatéraux du programme 209.

Si ces moyens restent stables en 2024, les conclusions du CICID de juillet 2023, compte tenu d'un contexte de multiplication des crises humanitaires et sanitaires, prévoient désormais de consacrer un milliard d'euros à ces dépenses d'ici 2025.

Les crédits proposés pour 2024 sur l'aide humanitaire et la gestion de crises (en AE=CP) se répartissent comme suit :

- 30 millions d'euros sont affectés aux aides budgétaires post-conflit et sorties de crises ;

- 200 millions d'euros sont consacrés au Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), instrument financier du Centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) et du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ;

- 150 millions d'euros sont destinés à financer l'aide alimentaire ;

- 75 millions d'euros sont alloués à l'initiative française Food and Agriculture Resilience Mission (FARM), voulue par le président de la République et lancée en mars 2022 ;

- 270 millions d'euros viennent abonder la réserve pour crises majeures.

Concernant la réserve pour crises majeures, les rapporteurs spéciaux Jean-Claude Requier et Michel Canevet avaient salué, en 2023, les marges de manoeuvre permises par ce mécanisme au bénéfice du responsable de programme. Elle permet en effet de financer des dispositifs de crise sans affecter des financements déjà engagés ailleurs et de peser ainsi sur la gestion infra-annuelle.

Au 1er septembre 2023, la réserve avait été engagée à hauteur de 148,5 millions d'euros, notamment afin de financer l'aide humanitaire à l'Ukraine pour 72 millions d'euros, l'aide d'urgence face au tremblement de terre en Turquie et en Syrie pour 28,5 millions d'euros ou encore l'aide humanitaire en République démocratique du Congo pour 20 millions d'euros. Ces engagements témoignent de la flexibilité et de la réactivité renforcées du programme 209 du fait de cette réserve.

Consommation des crédits de la réserve pour crises majeures
au 1er septembre 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En dépit de son indéniable utilité, cette réserve doit faire l'objet de garanties de la part du Gouvernement, notamment au regard de son utilisation par « temps calmes ». Il importe que ces crédits ne constituent pas une réserve de budgétisation et donnent effectivement lieu à des annulations ou des reports en fin de gestion.

L'aide publique au développement de la France en faveur de l'Ukraine

Suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, plusieurs dispositifs ont été mis en oeuvre afin de fournir une aide financière au pays. En 2022, avec 53,8 millions d'euros, l'Ukraine est le premier bénéficiaire de l'aide humanitaire française (19,1 % du total).

Sur la mission APD, en 2023, les crédits en faveur de l'Ukraine ont notamment reposé sur :

- l'octroi d'un prêt par l'AFD de 300 millions d'euros pour permettre au pays de faire face à ses dépenses sociales et de service public ;

- l'octroi d'un second prêt par l'AFD de 100 millions d'euros ;

- la mise à disposition par Expertise France - opérateur de la coopération technique internationale - de personnels qualifiés en matière juridique et pénale ;

- les contributions volontaires de la France aux organismes apportant une assistance à l'Ukraine ;

- la mobilisation des enveloppes d'urgence des programmes 110 et 209.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

3. Les moyens de la mission destinés à la coopération communautaire s'éteignent progressivement, au profit d'un financement par la contribution française au budget de l'Union

Les crédits demandés au titre de la coopération communautaire, qui correspondent à la participation de la France au Fonds européen de développement (FED), se réduisent de 89,1 millions d'euros en 2024 après une baisse de 113,2 millions d'euros en 2023 par rapport à la LFI pour 2022.

Cette contraction continue était attendue dans la mesure où, dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP), le FED a été remplacé par un nouvel instrument, le NDICI15(*)/L'Europe dans le monde, doté de 79,5 milliards d'euros pour la période du CFP.

Les financements dédiés à ce nouvel instrument seront supportés par le prélèvement sur recettes versé au profit de l'Union européenne (PSR-UE) et ne seront donc pas retracés par la présente mission.

Toutefois, du fait de la pluriannualité de la programmation du FED, des versements devront être opérés par la France au moins jusqu'en 2028, date à partir de laquelle l'ensemble des restes à payer auront été apurés.

4. Les dépenses de personnel concourant au programme 209

Les dépenses de personnel concourant au programme 209 augmentent de 2,4 % par rapport à l'exercice 2023 pour atteindre 169,4 millions d'euros.

Le plafond d'emploi du programme 209 est fixé à 1 472 ETP. Dans le cadre du renforcement des effectifs du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, décidé à la suite des États généraux de la diplomatie de mars 2023, le programme 209 devrait bénéficier en 2024 de 10 ETP supplémentaires. La répartition précise de ces emplois est cependant difficile à opérer, la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, chargée de piloter le programme 209, étant également responsable du programme 185 de la mission « Action extérieure de l'État ».

D. LE PROGRAMME 365 : UNE OPÉRATION, NEUTRE AU PLAN COMPTABLE, DE CONVERSION DE RESSOURCES ENTRE L'AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT ET L'ÉTAT

En 2021, la maquette de la mission « Aide publique au développement » a été refondue afin d'intégrer un nouveau programme dédié au renforcement des fonds propres de l'AFD. 

Comme les rapporteurs spéciaux l'avaient alors indiqué lors de l'examen des crédits de la mission, cette opération s'imposait pour deux raisons :

- d'une part, car sous l'effet de la croissance soutenue de son activité, le niveau des ratios prudentiels imposés à l'AFD en tant qu'établissement de financement était historiquement « en tension » ;

- d'autre part, parce que l'évolution du cadre réglementaire européen avait conduit à exclure du périmètre des ressources prises en compte pour le calcul des ratios prudentiels les « ressources à conditions spéciales » (RCS) qui sont des prêts accordés annuellement par le Trésor à l'AFD à des conditions très préférentielles.

Le renforcement des fonds propres voté en loi de finances initiale pour 2021 a pris la forme d'une augmentation de capital de l'ordre de 500 millions d'euros, directement comptabilisée dans les fonds propres réglementaires, et d'une conversion du stock des ressources à conditions spéciales souscrite par l'AFD auprès du Trésor pour 920 millions d'euros.

En 2022, 190 millions d'euros avaient été demandés en CP pour réitérer cette opération de conversion d'une RCS en prise de participation de l'État.

En 2023, 150 millions d'euros sont à nouveau demandés pour réitérer cette opération. Il en va de même en 2024. Concrètement, cette opération se traduit par les mouvements budgétaires suivants :

- l'AFD remboursera de façon anticipée le prêt préférentiel du Trésor de 150 millions d'euros qui lui est versé cette année et qui est retracé au programme 853 du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » ;

- le programme 365 versera 150 millions d'euros au compte d'affection spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) ;

- celui-ci versera une dotation en capital à l'AFD d'un montant de 150 millions d'euros.

En comptabilité budgétaire, cette opération se traduit par une suite d'opérations se compensant partiellement pour aboutir à un décaissement net pour l'État de 150 millions d'euros.

En comptabilité nationale, cette opération est neutre pour le budget de l'État, dans la mesure où elle constitue une prise de participation et n'est donc pas comptabilisée comme une dépense.

E. LE PROGRAMME 370 : UNE PREMIÈRE MISE EN oeUVRE DU MÉCANISME DE RESTITUTION DES BIENS MAL ACQUIS

En application de la loi de programmation du 4 août 2021, un nouveau programme a été introduit par la loi de finances pour 2022 afin de mettre en oeuvre l'engagement de la France pour la restitution des biens mal acquis. Cette évolution est venue concrétiser une initiative portée par le Sénat qui avait adopté, dès 2019, une proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale.

Le programme 370 est doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis par l'Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC). Cette dernière opère sous la double tutelle du ministère de la justice et du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. L'objectif de ce dispositif est de restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes des infractions, via la mise en oeuvre d'actions de développement dans le pays concerné et en accord avec ce dernier.

Le programme est alimenté pour la première fois par le projet de loi de finances pour 2024 avec l'ouverture de 6,1 millions d'euros en AE=CP. Ce versement correspond à des cessions issues de l'affaire « Obiang » du nom du fils de l'ancien président et lui-même vice-président de la Guinée-Équatoriale, Teodorín Obiang. Ce dernier a été condamné définitivement par la Cour de cassation en juillet 2021 dans une affaire de biens mal acquis. Le décaissement de ces crédits est subordonné à un accord avec les autorités équato-guinéennes sur leur destination.

III. LES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les prêts consentis à des États dans une logique d'aide publique au développement, à l'exception du compte 854 relatif à la participation de la France au désendettement de la Grèce et qui ne supporte plus aucune dépense.

Les prêts accordés s'inscrivent dans le cadre de la politique française de développement en participant à la mise en oeuvre du programme d'action d'Addis-Abeba, de juillet 2015, dans sa partie « dette et soutenabilité de la dette ». Ces prêts permettent de renforcer la stabilité macroéconomique des pays bénéficiaires et d'y encourager les conditions d'une croissance durable.

Détail des crédits du compte de concours financiers

(en euros)

Programme

Recettes

AE

CP

Solde

851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

276 842 146

1 000 000 000

762 002 804

- 485 160 658

852 - Prêts résultant de l'exécution d'accords conclus avec les gouvernements étrangers et portant consolidation des dettes de leur pays envers la France

59 127 077

287 122 390

287 122 390

- 227 995 313

853 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

171 500 000

0

150 000 000

+ 21 500 000

854 - Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro

570 242 247

0

0

+ 570 242 247

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

A. LE PROGRAMME 851

Les crédits du programme 851 correspondent au montant des prêts qui peuvent présenter un caractère concessionnel consenti ou qui sont consentis à d'autres États pour la réalisation d'opérations qui participent au développement du commerce extérieur français.

Les autorisations d'engagement du programme représentent les montants que l'État envisage d'octroyer sous forme de prêts l'année suivante tandis que les crédits de paiement, sont constitués des décaissements effectifs des prêts passés ou futurs. En miroir, les recettes du programme sont formées des versements d'intérêts ou de remboursements de capital par les États débiteurs.

Un milliard d'euros devrait être ouvert en autorisations d'engagement pour 2024. Le programme financera des opérations essentiellement dans le secteur du transport, de l'environnement, de l'énergie et du numérique, notamment dans les pays du Maghreb, d'Afrique occidentale et d'Asie mais également en Ukraine.

Concernant les crédits de paiement, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit le décaissement de 762 millions d'euros, contre 647,5 millions d'euros en 2023. Ces crédits devraient financer des opérations dans le secteur des transports, de l'eau, de l'énergie et de la sécurité civile.

B. LE PROGRAMME 852

Les crédits du programme 852 correspondent aux prêts octroyés pour la mise en oeuvre d'accords d'annulation ou de consolidation des créances détenues par l'État et ses opérateurs (AFD et ancienne Banque française du développement, aujourd'hui Natixis) envers des pays en développement.

Les montants demandés en AE et en CP (287,1 millions pour 2024) résultent des hypothèses faites par le Gouvernement quant au volume de traitement de dettes susceptible d'être conclues au cours de l'année à venir.

Les prévisions 2024 reposent sur la poursuite des opérations de refinancement suite au traitement de flux accordé au Suriname en 2022, sur la poursuite d'opérations de refinancement si des traitements de flux venaient à être accordés à la Zambie, au Ghana et à l'Éthiopie en 2023 et si un traitement de stock devait être conclu avec le Sri Lanka en 2024.

Les recettes du programme sont constituées des remboursements du capital effectués par les pays emprunteurs. Le remboursement des intérêts est enregistré au budget général de l'État.

C. LE PROGRAMME 853

Les crédits du programme 853 correspondent aux prêts octroyés par l'État à l'AFD à des conditions très préférentielles pour permettre à l'agence, par la suite, d'offrir des financements concessionnels à des États étrangers ou des organisations internationales.

Les recettes du programme sont constituées des remboursements par l'AFD de ces « ressources à conditions spéciales » (RCS) perçues auparavant.

En 2024, les crédits demandés s'élèvent à 150 millions d'euros en crédits de paiement et correspondent au décaissement de prêts concédés les années précédentes.

Pour mémoire, cette dépense s'inscrit dans le cadre de l'opération de renforcement des fonds propres de l'AFD portée par le programme 365 et décrite supra.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement n'a retenu aucun amendement relatif aux crédits de la mission « Aide publique au développement » et aux crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers »

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 9 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et sur les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». - Je commencerai par rappeler que les montants demandés de 6,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 5,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) ne représentent que 46 % de l'aide publique au développement (APD) de la France.

Ainsi, quand on prend en compte les divers agrégats s'ajoutant à la mission, la France a versé 15,3 milliards d'euros d'APD en 2022, ce qui en fait le quatrième pays donateur, devant le Royaume-Uni. Ce niveau d'engagement conditionne directement notre ambition en matière d'influence internationale et de diplomatie économique, ainsi que notre capacité à être associés à la gestion des grandes crises humanitaires ou politiques, aux côtés des grands États donateurs. Ce montant représente 0,56 % du revenu national brut (RNB).

Pour mémoire, la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 avait fixé un objectif de 0,7 % du RNB pour 2025. Lors du Conseil présidentiel du développement et du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) qui se sont tenus cet été, l'atteinte de cet objectif a été repoussée à 2030. Ce report s'imposait : l'objectif est trop ambitieux et l'état de nos finances publiques ne permet pas de progression abrupte des dépenses de la mission.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur plusieurs manquements relatifs à la loi de programmation, deux ans après son adoption. D'abord, le texte prévoyait la remise au Parlement en juin d'un rapport sur la politique de développement, mais l'administration ne l'a toujours pas envoyé. De plus, la loi instituait une commission d'évaluation de l'APD, qui n'a toujours pas été mise en place, malgré la publication d'un décret fixant son statut. Enfin, la négociation du prochain contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'Agence française de développement (AFD) - principal opérateur de la mission - et sa tutelle n'a toujours pas été finalisée, alors que le précédent COM a pris fin en 2022.

Ces points d'alerte ayant été soulignés, j'en viens au fond et à l'orientation stratégique de l'APD pour 2024.

Le Conseil présidentiel du développement et le Cicid ont fixé une nouvelle doctrine de l'APD française, qui tient compte des changements de la donne géopolitique.

Si les thématiques du climat, de la santé et de la défense des droits humains restent des priorités, on note aussi la présence d'objectifs de renforcement de l'aide humanitaire et de mobilisation du secteur privé.

Cependant, le phénomène le plus marquant reste la « repolitisation » de l'aide au développement versée par la France, qui doit devenir un véritable outil partenarial et transactionnel à destination des pays cibles, qui ne sont plus définis par la liste des 19 pays prioritaires, même si 50 % de l'aide doit se concentrer sur les pays les moins avancés (PMA). Il s'agit d'une avancée positive, qui permet de redéployer notre aide en fonction de nos priorités géopolitiques. Cette suppression permettra aussi aux pays concernés de sortir des logiques de rente et d'abonnement.

En ce qui concerne les grands pays émergents comme l'Inde ou le Brésil, le Quai d'Orsay souhaite s'orienter vers une coopération transactionnelle et utiliser notre aide comme un levier d'action et de négociation.

Si nous approuvons l'équilibre et la philosophie de la mission « Aide publique au développement » pour 2024, la situation de nos comptes publics demeure préoccupante. Sans obérer les moyens de la coopération internationale, il apparaît nécessaire que la mission participe comme les autres à l'effort de redressement de nos finances publiques. Nous proposerons un amendement visant à réduire ses crédits.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». - Les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui s'élèvent à 6,3 milliards d'euros en AE et à 5,9 milliards d'euros en CP, diminuent par rapport à 2023, puisque les AE baissent d'1,7 milliard d'euros et que les CP augmentent de 5 millions d'euros.

Suivant l'architecture de la mission, je présenterai ces crédits en trois points.

En premier lieu, le programme 110, qui relève du ministère de l'économie et des finances, voit ses crédits diminuer de 1,1 milliard d'euros en AE et de 28 millions d'euros en CP. Cette baisse importante des AE s'explique essentiellement par un moindre besoin de crédits pour les cycles de refinancement des fonds multilatéraux.

Toutefois, le montant dédié à l'aide bilatérale par le programme augmente de 184 millions d'euros en CP, en raison des effets de la hausse des taux d'intérêt sur le coût des opérations de bonification des prêts. En effet, afin de permettre à l'AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires, l'État assume la différence entre le coût de financement de l'AFD et le taux auquel elle prête, par le versement de crédits de bonification.

En deuxième lieu, le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui relève du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), voit également ses crédits diminuer, de 645 millions d'euros en AE et de 1,1 million d'euros en CP.

Comme pour le programme 110 et pour les mêmes raisons, l'aide multilatérale prévue par le programme 209 se contracte en 2024. En ce qui concerne l'aide bilatérale, deux éléments peuvent être soulignés.

D'abord, les crédits de l'aide-projet correspondant à la part de l'APD versée en dons connaissent un renforcement significatif depuis quelques années. Le MEAE a renforcé ce dispositif, en se concentrant sur les petits projets à fort impact en termes de communication, ce qui va dans le bon sens. Cependant, l'essentiel de l'aide-projet est géré par l'AFD pour un montant proche de 1 milliard d'euros. Cette enveloppe a particulièrement progressé ces dernières années, interrogeant la capacité de l'Agence à décaisser ces fonds. L'amendement que nous présentons vise à réduire l'aide-projet gérée par l'AFD de 150 millions d'euros.

Ensuite, en cohérence avec les objectifs affichés par le CICID, les moyens accordés à l'aide humanitaire et à la gestion de crise progressent également, pour atteindre 725 millions d'euros. La réserve prévue en cas de crise majeure, qui avait attiré notre attention l'année dernière, est maintenue et dotée de 270 millions d'euros, comme en 2023. Je précise que les crédits de cette réserve prévus pour 2023 et qui n'ont pas été utilisés sont prévus pour être annulés à hauteur de 50 millions d'euros par la loi de finances de fin de gestion.

Le montant de cette réserve nous paraît particulièrement élevé au regard de l'augmentation générale des crédits dédiés à l'aide humanitaire et à la gestion de crise. Nous proposons donc de réduire cette enveloppe de 50 millions d'euros, afin de financer les mesures d'économie demandées à la mission.

En troisième lieu, j'évoquerai le programme 365, dédié à la recapitalisation de l'AFD. Les 150 millions d'euros demandés correspondent à une opération de conversion de ressources financières de l'AFD en crédits budgétaires. Cette opération est totalement neutre pour les finances publiques en comptabilité nationale. Il ne s'agit donc ni d'accroître les engagements de l'État envers l'AFD ni de lui permettre d'augmenter son volume d'activité, figé à 12 milliards d'euros.

Enfin, j'en viens au nouveau programme 370, relatif à la restitution des biens mal acquis, qui sera abondé pour la première fois en 2024. Néanmoins, le décaissement des crédits restera subordonné à la conclusion d'un accord avec la Guinée équatoriale.

En conclusion, je vous invite à adopter les crédits de la mission et ceux du compte de concours financier « Prêts aux États étrangers », sous réserve de l'adoption de l'amendement que nous présentons.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur la mission « Aide publique au développement ». - Nous prenons acte de la stagnation des CP des programmes 209 et 210. Ils avaient connu une augmentation sensible les années précédentes, mais il est sans doute nécessaire de dépenser mieux plutôt que plus, dans le cadre d'une maîtrise des dépenses publiques. À ce titre, la stabilisation observée depuis deux ans des crédits de l'AFD autour de 12 milliards d'euros nous semble être une bonne chose ; il s'agit de passer d'une logique d'expansion infinie à une logique plus vertueuse de réponse à des besoins bien identifiés.

Cependant, si nous comprenons certaines inflexions, liées notamment au contexte d'inflation, nous regrettons quelques points de méthode, en particulier le fait que le Conseil présidentiel du développement et le Cicid ne respectent pas la loi du 4 août 2021 sur plusieurs sujets.

Ainsi, la réalisation de l'objectif que nous avions fixé en matière de proportion d'aide bilatérale s'éloigne, puisque nous sommes passés de presque 65 % en 2020 à moins de 60 % aujourd'hui, pour un objectif de 65 % en moyenne pour la période 2022-2025.

De la même manière, le CICID a supprimé la notion de « pays prioritaire », pourtant consacrée par loi. Contrairement à M. Daubet, nous regrettons la disparition de la liste des 19 pays prioritaires, l'aide programmable constituant le coeur de notre APD, une fois délestée des frais d'écolage et des dépenses ne dépendant pas directement de cette politique.

Nous identifions deux raisons potentielles à cette suppression. D'une part, elle pourrait s'expliquer par la volonté de ne pas afficher des résultats peu reluisants, puisque nous avons reçu la confirmation, en auditionnant le directeur responsable au Quai d'Orsay du programme 209, que l'aide programmable ne représente toujours que 13 % du total de notre APD alors que la loi prévoyait qu'elle s'élève à 25 % en 2020. D'autre part, le remplacement des pays prioritaires par les PMA ou les « pays vulnérables » permettra de faire varier les bénéficiaires en fonction des priorités politiques du moment. S'il est utile de ne pas donner l'impression que l'aide constitue une rente, il faut aussi prendre garde à ne pas la politiser à l'excès. Cette politique publique vise avant tout à lutter contre la pauvreté extrême, contre la faim, pour l'amélioration de la santé publique, pour l'éducation et la formation dans les pays qui en ont le plus besoin. S'il nous faut tirer une leçon de ce qui s'est passé cet été en Afrique de l'Ouest, c'est bien que la politique sécuritaire ne peut se dispenser d'une politique de développement, faute de quoi d'autres sensibilités, plus extrémistes, nous remplacent pour rouvrir des écoles et des centres de santé, qui deviennent islamiques.

Enfin, comme les rapporteurs spéciaux, nous regrettons que la commission d'évaluation de l'APD ne fonctionne toujours pas. Nous en avons besoin pour mieux évaluer l'efficacité et l'impact de notre aide. Nous faisons face à un problème quasiment insoluble, puisque la loi précise que la commission élit son président. Or il s'agit du président de la Cour des comptes, qui n'a aucune intention d'être élu et souhaite être désigné. Il faut donc changer la loi. Depuis 2021, nous nous demandons comment contourner cette difficulté. Cette commission est pourtant essentielle, le rôle du Parlement étant de valider la qualité de nos investissements. Nous ne sommes toujours pas en mesure de le faire, alors que nous nous étions battus pour obtenir la présence de parlementaires dans cette enceinte.

M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur la mission « Aide publique au développement ». - Je souhaiterais insister sur le pilotage politique qui conduit à l'évincement de nos assemblées face aux décisions de l'exécutif.

D'abord, ces décisions ont remis en cause la trajectoire financière.

Elles ont aussi concerné la question des pays éligibles puisque nous passons des 19 pays prioritaires aux PMA, qui sont une cinquantaine et dont la liste n'est pas établie, ce qui permet de prendre en compte des considérations politiques, qui ne sont pas illégitimes.

Enfin, la question des modalités d'intervention se pose, notamment en ce qui concerne la répartition entre l'aide sous forme de prêts et l'aide au moyen de dons. La répartition de 70 % pour la première et 30 % pour la seconde se maintient, alors que la volonté était d'inverser ces chiffres, sachant que la capacité d'endettement des pays les plus fragiles est atteinte et qu'ils rencontrent des difficultés de remboursement liées notamment à l'évolution des marchés financiers.

Quelles que soient les évolutions politiques des pays concernés, les besoins restent réels, notamment pour les plus fragiles. Il nous faut donc rester attentifs à la politisation en cours. Les travaux préalables à la loi de 2021 avaient ouvert la perspective d'une augmentation de la part de l'aide octroyée au travers des ONG. Aujourd'hui, celle-ci représente 5 % de l'aide publique, alors que la moyenne se situe plutôt entre 12 % et 15 % pour les autres pays de l'OCDE. Ce moyen est pourtant intéressant pour éviter l'instrumentalisation de la politique d'aide au développement.

Enfin, je m'inquiète des tergiversations qui entourent la mise en place de la commission d'évaluation de l'APD, qui paraît pourtant essentielle. Une proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission a été déposée à l'Assemblée nationale en mai dernier. Il faudra avancer sur le sujet et il pourrait être utile que le Sénat prenne l'initiative de désigner ceux qui parmi nous siégeraient dans cette commission, afin de forcer un peu les autres acteurs à se mettre en mouvement.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - À plusieurs reprises, la commission des affaires étrangères s'est étonnée et émue de la réalisation du nouveau siège de l'AFD, qui s'étend sur 50 000 mètres carrés et prévoit des équipements somptuaires. Les temps ne sont pas à de pareilles dépenses, même si on nous explique que les mètres carrés non utilisés seront loués et ainsi rentabilisés. Ces investissements grandioses donnent une image forte de cette institution respectable mais coûtent très cher au contribuable, en termes d'investissement mais aussi de coût d'exploitation.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - En ce qui concerne la construction du siège, le coup est parti...

Je soutiens pleinement l'amendement proposé, qui est encore modeste au regard des montants mobilisés pour la mission. Le budget 2024 prévoit, hors extinction des mesures de crise, un peu plus de 5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires pour toutes les missions budgétaires. Compte tenu de la situation de nos comptes publics et de leur dérive, nous pouvons adopter la politique de l'autruche ou regarder la situation en face. Il faut dépenser mieux tout en dépensant moins. Certes, il s'agit d'une formule, mais elle se réfère à des arbitrages que nous devons avoir le courage de rendre. Je crains un réveil qui pourrait être douloureux, comme celui que nous avons connu il y a cinq ans avec les gilets jaunes. La charge de la dette occupe une place de plus en plus grande, ce qui nourrit une colère qui pourrait s'exprimer. Les efforts doivent être partagés et concerner le plus grand nombre possible de politiques publiques. Il nous faut anticiper car nous finirons par être rattrapés par la réalité et l'opinion.

Enfin, je note que notre diplomatie économique et d'influence a été réduite par la force des choses et avec violence, notamment en Afrique. Quand des ressortissants français sont violemment chassés par certains pays, on ne peut pas continuer de mobiliser les mêmes moyens. Notre ligne de conduite et notre cap doivent être compréhensibles et soutenus par l'opinion.

M. Claude Raynal, président. - La tonalité de ce rapport me semble plus positive que celle des années passées. En effet, les débats autour de l'AFD évoquaient un État dans l'État ou un fonctionnement en circuit fermé et je n'ai pas retrouvé ces critiques dans le rapport de cette année ; ne sont-elles plus d'actualité ? Une clarification a-t-elle eu lieu ?

De la même façon, je ne trouve plus trace de débats sur notre soutien à des pays tels que la Chine, qui ne dépendent pas vraiment de notre aide au développement. Cette question a-t-elle cessé de se poser ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Le Président de la République avait appelé en juin dernier à un « choc de financement public » pour les pays les plus vulnérables et nous observons finalement une stagnation, qui advient en plus dans un contexte inflationniste.

Je partage l'avis des rapporteurs spéciaux sur les objectifs abandonnés de la loi de programmation et je regrette la disparition de la liste des 19 pays prioritaires. Il s'agit de pays qui connaissent de grandes difficultés, qui sont confrontés à des questions cruciales de pauvreté, de faim, d'éducation et de santé, et qu'il nous faut accompagner. L'amendement que vous proposez leur donne un très mauvais signal, alors qu'ils subissent aussi de plein fouet le réchauffement climatique, qui trouve son origine dans les pays développés et en développement.

Nous étions prêts à nous abstenir lors du vote mais si l'amendement était adopté, nous pourrions nous opposer à l'adoption de ces crédits.

M. Bernard Delcros. - Michel Canévet a évoqué la question de la recapitalisation de l'AFD : quel est l'intérêt de cette opération ?

Nous approuvons l'amendement proposé, qui s'inscrit dans une logique de responsabilité et de maîtrise de la dépense publique, sans remettre en cause les fondamentaux de notre APD.

M. Victorin Lurel. - Depuis de longues années, nous nous interrogeons sur la doctrine de l'APD. Il s'agit du prestige international de la France, mais aussi du contrôle exercé par le Parlement. À cet égard, nous n'avons pas progressé en termes de méthodologie, d'évaluation et d'efficacité.

D'abord, une ambiguïté devait être clarifiée, puisque l'APD couvrait aussi les aides en faveur des outre-mer...

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Ce n'est plus le cas.

M. Victorin Lurel. - Je ne suis pas sûr que cela soit tout à fait clair. Dans l'un des graphiques que contient votre rapport figurent les aides en faveur de l'outre-mer, qui s'élèvent à 814 millions d'euros pour 2023. Que recouvre ce chiffre ? Pourriez-vous en préciser les modalités de calcul ?

J'avais déjà évoqué la présence parmi les pays bénéficiaires d'États comme la Chine ou la Thaïlande ; pourriez-vous préciser le périmètre retenu pour l'allocation de l'APD ?

J'en viens à ce que nous appelions « zone de solidarité prioritaire » et à la question des pays prioritaires. Si vous souhaitez limiter l'immigration, il faut aider ces pays ! Or on choisit de diminuer l'enveloppe de la mission de 200 millions d'euros, sur lesquels 150 millions d'euros correspondraient à un jeu d'écriture comptable. Il s'agit tout de même d'une baisse de 50 millions d'euros.

À Pointe-à-Pitre en 2015, le président Hollande avait déclaré qu'il s'acquitterait de la dette de la France à l'égard d'Haïti, pour ensuite préciser qu'il faisait référence à une dette morale et non financière. Aujourd'hui, les Américains renforcent leur influence dans ce pays francophone et créolophone, dont l'élite fait ses études aux États-Unis et parle anglais, ce qui me fait un peu mal. Les collectivités de Guadeloupe, Martinique et Guyane font ce qu'elles peuvent sur cette question, pour se substituer à l'État défaillant et à l'AFD.

J'identifie donc des problèmes de périmètre, de doctrine, de prestige international et d'héritage colonial. Il nous faut continuer d'assurer une présence dans ces zones. Nous ne faisons même pas partie de la Banque caribéenne de développement ! Nous devons repenser notre politique dans certains bassins, comme en Amérique latine.

J'apprends également qu'un siège luxueux est en cours de construction pour l'AFD ; quelles sont nos priorités ?

Nous tentons de remplacer le multilatéral par le bilatéral, pour mieux contrôler l'aide que nous octroyons, dans nos propres intérêts. Or ces aides bilatérales sont plutôt liées ; pourrait-on les associer aux politiques que nous menons dans les régions concernées ?

Je ne voterai pas l'amendement proposé en l'absence d'une vision globale de ce que veut faire la France et de ses intérêts.

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - En ce qui concerne la gouvernance de l'AFD, monsieur le président, le sujet est encore sur la table, même si nous ne l'avons pas mis en exergue dans notre rapport. Il n'a pas non plus été central dans nos auditions. Néanmoins, des zones d'ombre persistent dans les choix opérés, notamment sur la question immobilière. Je retiens de ces auditions qu'une désinstitutionnalisation accompagne la repolitisation de l'APD, ce qui atténue un peu la question posée par l'AFD. Avec cette réorientation, le MEAE aura peut-être plus de moyens et d'impact, au travers de son aide-projet, qu'en passant par des organismes comme l'AFD.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - S'agissant du siège de l'AFD, il est en cours de construction et ne sera opérationnel qu'en 2026. L'opération est engagée depuis février 2020 mais les travaux viennent juste de commencer, après l'épuisement de différents recours déposés. Il faudra suivre attentivement ce dossier, notamment en ce qui concerne l'utilisation des mètres carrés qui ne sont pas destinés à l'AFD.

La liste des 19 pays prioritaires a été supprimée et on peut regretter à cet égard que l'exécutif ait remis en cause ce que le législatif avait décidé. Cependant, cette liste a été remplacée par une autre, qui rassemble les PMA et qui est définie par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Il existe donc une liste de 43 pays dans lesquels l'APD devra se concentrer. La suppression tient compte des évolutions géopolitiques qui sont intervenues, notamment au Sahel. À titre d'exemple, la junte au pouvoir au Mali dit refuser la moindre aide publique française. Il nous faut reconsidérer les choses pour que notre aide soit la plus efficiente possible. En la matière, notre philosophie doit être celle que le rapporteur général a évoquée : « dépenser mieux tout en dépensant moins ». L'efficacité ne se mesure pas seulement au volume des crédits, surtout dans ce domaine, et l'un de nos objectifs est aussi d'éviter la corruption.

Après une période où l'AFD fut considérée comme un État dans l'État, les choses ont évolué. Dans la loi du 4 août 2021, pour ce qui concerne les interventions sur le terrain par exemple, on a créé un conseil local de développement (CLD), sous l'autorité de l'ambassadeur, afin de coordonner les différentes actions de la France dans les pays.

De même, nous avons veillé à une meilleure coopération au sein du conseil d'administration de l'AFD, où siègent deux sénateurs. Il s'agit également de renforcer la tutelle de l'État, à savoir des deux ministères concernés, celui de l'Europe et des affaires étrangères, et celui de l'économie et des finances.

L'AFD continue à intervenir en Chine, mais ses interventions ne sont plus comptabilisées au titre de l'aide au développement. En Chine, l'AFD soutient des projets répondant aux enjeux de l'accord de Paris sur le climat, mais aussi concernant la question du genre et le respect des droits humains. La présence en Chine de l'AFD n'empêche pas les possibilités d'intervention de l'organisme dans les pays considérés comme prioritaires.

L'amendement se justifie d'abord par l'attention portée aux finances publiques. Par ailleurs, la semaine prochaine, nous aurons à examiner la loi de finances de fin de gestion (LFG) de l'exercice 2023 ; à sa lecture, on peut constater l'annulation de 280 millions d'euros de crédits. Comme nous l'avions exprimé l'année dernière au moment du vote de la loi de finances initiale (LFI), les moyens alloués étaient trop élevés. Nous essayons aujourd'hui de les redimensionner par rapport aux besoins.

Il existe également une provision en cas de crise majeure. Cette provision doit se situer à un niveau raisonnable.

L'aide publique française au développement ne se résume pas aux crédits inscrits dans le budget. Nous cotisons également à des fonds multilatéraux ; il s'agit de les mobiliser pour la mise en oeuvre des objectifs de la politique d'aide au développement. La France doit se coordonner avec les autres pays développés afin de mener des politiques cohérentes.

L'Union européenne (UE) intervient aussi à son niveau. Dans la mesure où nous participons au financement du nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI), qui prend la suite du fonds européen de développement (FED), il serait souhaitable de mobiliser les moyens de l'organisme en direction de nos priorités.

En 2021, l'AFD a connu une recapitalisation significative ; depuis lors, nous la poursuivons. Les engagements financiers de l'AFD ont été limités à 12 milliards d'euros par an. L'organisme, comme une banque, doit répondre à des critères de prudentialité auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Les ratios de fonds propres doivent donc être en rapport avec les engagements financiers ; cela explique la recapitalisation régulière, qui s'effectue par un jeu d'écriture, via le transfert de crédits concessionnels alloués à l'AFD.

L'aide aux territoires d'outre-mer n'est pas comptabilisée dans l'aide publique française au développement. Toutefois, l'AFD accompagne des projets dans les territoires d'outre-mer, dans le cadre d'une mission particulière, financée chaque année à hauteur de 1 milliard d'euros par le ministère chargé des outre-mer. Les besoins considérables en infrastructures justifient l'intervention de l'AFD.

La loi du 4 août 2021 a décidé le rapprochement de l'agence Expertise France et du groupe AFD ; ce rapprochement est effectif depuis le 1er janvier 2022. Les experts de l'agence sont mis à la disposition d'un certain nombre de pays, dans la cadre de conventions internationales, pour aider à la réalisation de projets. Cela renforce la présence de la France à l'étranger et permet d'avoir une meilleure connaissance des territoires concernés. Ces missions d'Expertise France sont, pour l'essentiel, financées par le NDICI.

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - Pour répondre à Victorin Lurel, nous n'avons pu obtenir d'argument objectif concernant l'enveloppe pour la réserve en cas de crise majeure, fixée à 270 millions d'euros. Nous aurions pu aussi bien avoir une enveloppe de 400 millions d'euros. Nous proposons donc une maille à 220 millions d'euros, en s'appuyant sur le montant de l'an dernier, notre seule année de référence. Cela reste un chiffre arbitraire, significatif d'une vision purement comptable du sujet.

M. Victorin Lurel. - Peut-on avoir une idée de ces pays rentiers bénéficiant de l'AFD ?

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Avoir 19 pays prioritaires peut donner le sentiment d'un système de rente, avec des pays abonnés qui captent l'aide publique française au développement ; voilà ce que je souhaitais dire dans mon propos.

Article 35 (État B)

L'amendement N°  II-32 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », sous réserve de l'adoption de son amendement.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » tels que modifiés par son amendement et d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE)

- M. Luis Vassy, directeur de cabinet ;

- M. Cyrille Rogeau, conseiller administration et réforme ;

- Mme Marion Biget, conseillère développement et diplomatie économique ;

- Mme Anna Boeri, conseillère parlementaire.

Cabinet de la secrétaire d'État chargé du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux

- M. Alexandre Pointier, directeur de cabinet ;

- M. Olivier Richard, directeur général adjoint ;

- M . Alexandre Morois, directeur des finances ;

- M. Guillaume Pottier, conseiller en charge de la politique de développement de l'environnement, du climat et de la sécurité alimentaire.

Direction générale du trésor (DGT)

- M. William Roos, chef de service en charge des affaires multilatérales et du développement ;

- M. Philippe Guyonnet-Dupérat, chef du bureau Multifin 1 ;

- Mme Clarisse Senaya, cheffe du bureau Multifin 5 ;

- M. Samuel Chaumet, adjoint du bureau Multifin 2 ;

- Mme Marie Ross, adjointe du bureau Multifin 5.

Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international

- M. Olivier Richard, directeur général adjoint ;

- M. Gilles Morellato, chef du pôle « aide publique au développement » auprès de la sous-direction du développement de la direction du développement durable ;

- M. Nicolas Follenfant, chef adjoint du pôle « budget » auprès de la délégation des programmes et des opérateurs.

Agence française de développement (AFD)

- M. Bertrand Walckenaer, directeur général adjoint.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Hubert de Milly, Les déterminants institutionnels de l'impact de l'aide publique au développement sur l'économie rurale des pays "à régime d'aide" : l'APD, pièce d'un équilibre de faible niveau ou incitation au développement ?, thèse de doctorat, 2002, Institut national agronomique Paris-Grignon.

* 2 Michael A. Clemens et Todd J. Moss, « Le mythe des 0,7 % : origines et pertinence de la cible fixée pour l'aide internationale au développement », De Boeck Supérieur - « Afrique contemporaine », 2006/3 n° 2019, p. 173 à 201.

* 3 Cour des comptes, « Comparaison des politiques française, allemande et britannique d'aide publique au développement », avril 2023.

* 4 APD indirectement versée aux pays bénéficiaires via les organisations multilatérales et imputable à la France.

* 5 La plateforme a été mise en ligne en 2022 : https://data.aide-developpement.gouv.fr.

* 6 Conformément à l'article R. 515-6 du code monétaire et financier.

* 7 Traduction : établissement de crédit pour la reconstruction.

* 8 Traduction : agence de coopération internationale allemande pour le développement.

* 9 En référence au courrier envoyée par la ministre de l'économie et des finances au directeur général de l'AFD en 2009 (principes amendés par la suite en 2011).

* 10 Sénat, Rapport d'information fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur la réforme de la coopération, par M. Guy PENNE, Mme Paulette BRISEPIERRE et M. André DULAIT, 2001.

* 11 Commission prévue à l'article L. 1115-6 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 12 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire pour la mission interministérielle « Aide publique au développement », avril 2023.

* 13 Cour des comptes, « Comparaison des politiques française, allemande et britannique d'aide publique au développement », avril 2023.

* 14 Cour des comptes, référé, « L'aide publique au développement dans le domaine de la santé et la présence de la France dans les organisations internationales en santé », décembre 2022.

* 15 Pour Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument.

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